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POUR UNE GOUVERNANCE DÉMOCRATIQUE Document d’orientation de la politique de coopération française

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POUR UNE GOUVERNANCE DÉMOCRATIQUEDocument d’orientation de la politique de coopération française

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Photo de couverture : Sénégal, arbre à palabres

© Ministère des Affaires étrangères, 2003ISBN : 2-11-093566-9

Le document d’orientation de la politique de coopération française « Pour une gouvernancedémocratique » a exploité de nombreux travaux sur la gouvernance.

Un comité de rédaction, constitué de Malika Berak, sous-directrice de la coopération institutionnelle,Isabelle Guisnel, chef du bureau de la coopération administrative et Didier Niewiadowski, chargé demission au bureau de la coopération administrative, a procédé à son élaboration.

Les personnes suivantes ont pris une part active aux travaux : Richard Banegas, rédacteur en chef de larevue Politique Africaine, maître de conférences à l’Université Paris I, Jean-Louis Bodin, directeur del’ADETEF, Jean du Bois de Gaudusson, président de l’Agence universitaire de la Francophonie, Jean-PaulBouliou, adjoint à la sous-directrice de la coopération institutionnelle à la DGCID, Françoise Brugerollechargée de mission au ministère de la Fonction publique, Diango Cissoko, ancien ministre et directeur decabinet du Premier Ministre de la République du Mali, Henri de Coignac, ancien ambassadeur, Isaline deComarmond, chargée de mission au HCCI, Catherine Choquet, secrétaire générale de la section françaisede la FIDH, Christine Desouches, déléguée aux Droits de l’homme et à la démocratie à l’Agenceintergouvernementale de la Francophonie, Jean-Michel Eymeri, maître de conférences à l’Université ParisI, Nicolas Frelot, chef du bureau du développement local et urbain à la DGCID, Hélène Gadriot-Renard,chef de la division gouvernance et rôle de l’Etat à l’OCDE, Laurent Gallissot, chargé de mission au bureaude l’état de droit et des libertés publiques à la DGCID, Roger Goudiard, directeur adjoint de la directionde la stratégie à l’AFD, Mireille Guigaz, directrice du développement et de la coopération technique à laDGCID, Jacques-Henry Heuls, chef du bureau de l’état de droit et des libertés publiques à la DGCID,Jean-Claude Le Goff, directeur du SERES, Marc Levy, chercheur au GRET, André Lewin, ancienambassadeur, Pierre Meyer, directeur d’études à ACT consultants, Jacques-Mariel Nzouankeu, secrétairepermanent de l’OFPA, Dieudonné Oyono, coordonnateur du programme national de gouvernance auCameroun, Jean-Christophe Peaucelle, sous-directeur de la stratégie, de la communication et del’évaluation à la DGCID, François Roubaud, chercheur à l’IRD, Michael Ruleta, chargé de mission aubureau de l’évaluation de la DGCID, Valérie Sagant, sous-directrice des relations internationales auministère de la Justice, Frédéric Tiberghien président du groupe de travail « Démocratie, Droits del’homme et bonne gouvernance » du HCCI.

M. Jacques Ould-Aoudia, chargé d’études pour les pays émergents, direction de la Prévision, ministère del’Économie, des Finances et de l’Industrie et M. Étienne Rolland-Piègue, chef du bureau du suiviinterministériel de la coopération internationale et des statistiques, direction générale de la Coopérationinternationale et du Développement, ministère des Affaires étrangères, ont également pris une part activeà ces travaux.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7

1. S’ENGAGER EN FAVEUR D’UNE GOUVERNANCE DEMOCRATIQUE . . . . . . . . . . . . . .10La gouvernance démocratique est conforme à nos valeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10

Les valeurs démocratiques universelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10L’Etat garant de l’intérêt général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11Le renforcement des contre-pouvoirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12Des espaces culturels partagés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13

La gouvernance démocratique fait évoluer les modalités de coopération . . . . . . . . . . . . . .14L’ importance des principes de gestion publique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14Le décloisonnement des politiques sectorielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14Intégration régionale et harmonisation des politiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15L’appropriation par les acteurs concernés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

2. REPONDRE AUX DEFIS GLOBAUX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17La pauvreté, les inégalités et l’exclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17La lutte contre la corruption . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17Les Biens Publics Mondiaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .18La sécurité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19La démocratie locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20La prévention des conflits et la situation post-conflit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21

3. PROMOUVOIR UNE NOUVELLE POLITIQUE DE COOPERATION . . . . . . . . . . . . . . . .23Une nouvelle méthode d’identification des programmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23Une mise en œuvre avec de nouveaux instruments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25Une méthode de suivi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25

RECOMMANDATIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .29

ANNEXE 1 Communiqué final de la Table ronde du 25 mars 2002 . . . . . . . . . . . . . . . . . .35ANNEXE 2 Extraits de l’Accord ACP-CE de Cotonou du 23 juin 2000 . . . . . . . . . . . . . . .37ANNEXE 3 Déclaration de BAMAKO du 3 novembre 2000 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40ANNEXE 4 Séminaire régional « La gouvernance au Sud » Cotonou, OFPA juillet 2002 . .43ANNEXE 5 Introduction du Rapport PNUD sur le Développement humain 2002 . . . . . . .46

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AVANT PROPOS

La gouvernance est une variante du gouvernement des Etats, des entreprises etdes « biens publics » qui prend en compte la mondialisation. Elle est aussi uneméthode comme le décrit ce document d’orientation.

Mais la gouvernance, initialement traduite en français par « la gestion desaffaires publiques », n’est pas idéologiquement neutre. Ainsi, après avoirvéhiculé une vision purement gestionnaire de l’économie, la notion de bonne

gouvernance s’est, à l’épreuve du terrain, infléchie et enrichie. De purement normative, elle devient sousnotre impulsion, mais également celle de certains de nos partenaires, une déclinaison de pratiques au servicede la démocratie.

La gouvernance démocratique représente une proposition pour rénover la politique française de coopéra-tion au développement et participer activement aux nombreux débats internationaux dans la suite de laConférence internationale du développement de Monterrey en mars 2002 et du Sommet mondial sur ledéveloppement durable de Johannesbourg en août 2002 qui ont mis la gouvernance au centre des stratégiesde développement.

Le document d’orientation proposé ici sous un titre exprimant notre engagement : « Pour une gouvernancedémocratique » est nécessairement destiné à évoluer, dans ses diagnostics et ses propositions, notamment àla lumière des évaluations qui seront faites. Le constat général qu’il exprime est que, aussi vite que lamondialisation progresse, notre politique doit s’ajuster.

Ces ajustements doivent se concevoir sur la base des valeurs communes que nous partageons avec nos parte-naires du Sud et qui ont été affirmées dans l’Accord de Cotonou, comme dans la Déclaration de Bamako.L’ambition de promouvoir ces valeurs et leurs implications concrètes doit animer notre action.

Pour accomplir ce travail de réflexion et d’élaboration d’une nouvelle approche, le ministère des Affairesétrangères (la Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement) a consulté lesdivers acteurs de la coopération française pour déterminer ce que pouvait être notre contribution à unegouvernance au service du développement. Nos partenaires du Sud (responsables politiques, universitaireset chercheurs) ont répondu avec enthousiasme à notre invitation à les associer à notre chantier de rénova-tion de la coopération française.

En organisant en mars 2002, une table ronde sur la gouvernance en présence de représentants d’institutionsmultilatérales (Banque Mondiale, PNUD, OCDE), la DGCID a présenté les travaux qu’elle engageait surce thème au sein de différents groupes de travail et les a soumis aux observations et critiques de l’ensemblede ses partenaires. Ont été consultés la société civile (à travers notamment le Haut Conseil de laCoopération Internationale) et le monde universitaire, ainsi que des organismes régionaux africains (leProgramme de Développement Municipal et l’Observatoire des Fonctions Publiques Africaines).

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Depuis, les travaux entrepris se sont poursuivis et développés.(1) Ils ont également mobilisé nos partenairesdu Sud et nos assistants techniques.

Ce document d’orientation a engrangé toutes les réflexions propres à répondre aux nouveaux enjeux de lacoopération internationale que sont l’exigence de l’efficacité de l’aide et le développement humain. Il inau-gure une approche empirique décrivant un processus : notre engagement en faveur d’une gouvernance démo-cratique.

Il importait que la France développe et précise sa propre approche de ce concept aujourd’hui incontournableet unanimement reconnu comme une condition essentielle du développement.

C’est pourquoi je tiens ici à remercier tous ceux qui ont bien voulu participer à nos travaux et nous offrirleurs contributions.

Pierre-André WILTZERMinistre délégué à la Coopération

et à la Francophonie

(1) Cf documents de travail de la DGCID :« Les enjeux de la Gouvernance dans les politiques de coopération » table ronde du 25 mars 2002« La Gouvernance au Sud » séminaire régional OFPA Cotonou 9/10/11 juillet 2002« La Gouvernance : stratégie de développement et choix opérationnels » séminaire 26/27/28 août 2002

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INTRODUCTION

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Une nouvelle donneinternationale

L’effondrement de l’économie dirigée, la crise del’Etat providence, l’interdépendance des Etats et lamondialisation des échanges ont créé une nou-velle donne internationale et modifié radicalementle gouvernement des hommes et des entreprises.La fin de l’affrontement Est-Ouest qui avait sesprolongements dans les pays du Sud laisse face àface les nations industrialisées, porteuses ou nondes valeurs de la démocratie et des droits del’Homme, et les populations déshéritées de nomb-reux Etats parvenus à l’indépendance avec ladécolonisation.

Relever le défi de la pauvreté implique une poli-tique volontariste qui prenne en compte le nouvelenvironnement socio-politique tant au Nord qu’auSud, qui soit davantage centrée sur la personnehumaine et qui instaure un dialogue politique etune réelle coordination entre partenaires au déve-loppement.

La primauté de l’Etat-nation qui a longtempsdéterminé les stratégies de coopération ne permetplus de faire face aux nouveaux enjeux et derépondre aux défis de notre époque. L’aide audéveloppement qui devait conforter la lente cons-truction de l’Etat-nation s’efface, de plus en plussouvent, devant l’aide d’urgence. L’objectif dudéveloppement devient la lutte contre la pauvretéet les inégalités. L’enjeu est désormais la survieplutôt que le développement. De nombreux Etatsdu Sud chancellent ou sombrent dans des conflitssanglants. Dans la plupart des pays pauvres, lalibre et paisible circulation des personnes n’estplus assurée sur l’ensemble du territoire national.La mise en place de cadres juridiques favorables àla liberté d’entreprendre et susceptibles de soute-nir le marché n’a pas été suffisante pour assurer ledéveloppement économique et moins encore ledéveloppement humain.

Le retour du politique

Le concept de bonne gouvernance, promu par lesinstitutions financières internationales à la fin desannées 1980, était focalisé sur la dimensiongestionnaire. Il recouvre, aujourd’hui, non seule-ment une gestion efficace et transparente des affai-res publiques mais aussi le respect des exigencesposées par les droits de l’Homme, les principesdémocratiques et l’état de droit.

Le lien étroit entre les aspects économiques etpolitiques de la gouvernance est particulièrementmis en valeur, par exemple, dans les règlementsdes programmes d’aide géographisés de laCommission européenne. On relève dans laplupart de ceux-ci que la nécessité de prendre encompte les droits de l’Homme et les principesdémocratiques constitue une conditionnalité forteet qu’une clause de non-exécution des program-mes d’aide est généralement prévue en cas d’at-teinte à ces principes purement politiques.

L’accord de partenariat entre les membres dugroupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et duPacifique et la Commission européenne et sesEtats membres signé à Cotonou le 23 juin 2000préconise l’intégration des acteurs de la sociétécivile dans les processus d’éradication de la pauv-reté et de développement durable (article 19). Ledéveloppement ne peut, en effet, se construirequ’à travers l’établissement de relations apaisées etstables entre les acteurs d’une société. Le dialoguepolitique est, par conséquent, un élément clé d’unnouveau partenariat qu’il convient d’instaurer auxniveaux local, national et international. La réhabi-litation du niveau local, l’instauration denouveaux liens plus équilibrés entre toutes lescomposantes de la société, l’affirmation d’un Etatau périmètre d’intervention redéfini, unemeilleure participation des Etats du Sud auxinstances multilatérales sont quelques unes desvoies du changement à opérer.

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Si la mondialisation entraîne de nouvelles frag-mentations, elle provoque aussi de nouvellesinterdépendances Nord-Sud mais aussi Sud-Sud.La coopération pour le développement doit nonseulement accompagner les effets de la mondiali-sation mais aussi les anticiper de façon à ne pasêtre cantonnée dans un rôle de service social inter-national.

La bonne gouvernance comme condition du développement

La gouvernance est l’art de gouverner en articu-lant la gestion des affaires publiques à différenteséchelles de territoires, du local au mondial, enrégulant les relations au sein de la société et encoordonnant l’intervention des multiples acteurs.

La démocratie, la croissance économique et leprogrès social vont de pair, se renforçant mutuel-lement. La gouvernance sera bonne ou mauvaiseen fonction de la capacité des gouvernants et desadministrations à respecter des principes qui favo-risent l’adhésion et la participation de l’ensembledes acteurs de la société civile aux politiques quiles concernent.

Il est désormais reconnu que le respect desnormes constitutionnelles et des droits del’Homme et du citoyen, l’application effective dela séparation des pouvoirs, la sécurisation desrelations juridiques, avec notamment le respectdes droits de la défense, les procès organisés avec

équité et la possibilité d’exercer des voies derecours, constituent des fondements sans lesquelsun développement harmonieux ne peut être envi-sagé.

Le respect des principes communs à tout systèmede bonne gouvernance, tels que la transparence, laresponsabilité, l’obligation de rendre compte,l’équité, la non-discrimination et l’efficacité,permettent non seulement d’empêcher les abusdans l’exercice de la puissance publique dont estinvesti l’Etat et de limiter l’arbitraire des autoritéspubliques, mais aussi de créer les conditionsstables et favorables au développement écono-mique et au bien-être des citoyens.

La remise en cause des politiques de développement

Les administrations de la plupart des Etats lesmoins avancés ne sont pas plus performantesaujourd’hui qu’elles ne l’étaient au début de leurindépendance, en dépit des investissements quel-quefois importants en assistance technique, enéquipements et en financements, sous forme desubventions d’ajustement structurel et de remisesde dettes. Ce constat est valable pour les indicesde développement humain qui n’enregistrentguère de progrès significatifs. Désormais toutes lesgrandes rencontres internationales s’interrogentsur les raisons de ces bilans décevants.

Le lien entre l’efficacité de la lutte contre la pauv-reté et le respect des principes fondamentaux de labonne gouvernance a été réaffirmé à Monterrey enmars 2002. Lors de cette conférence internatio-nale sur le financement du développement, l’en-gagement d’augmenter l’aide publique au déve-loppement a été assorti d’un plaidoyer pourl’instauration d’un cadre de gouvernance favori-sant l’état de droit, le développement des servicessociaux de base et la lutte contre la corruption etl’insécurité. Lors de la réunion du G8 àKananaskis, en juin 2002, les objectifs et lesmoyens de la gouvernance politique ont été égale-ment remis à l’ordre du jour et ces objectifs àcaractère politique (consolidation de l’état de

Rencontre G8-NEPAD lors du sommet d’Evian le 1er juin 2003.

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droit, revue par les pairs, lutte contre la corrup-tion et protection des droits de l’Homme) ont étéplacés au centre des stratégies de développement.Le Sommet mondial sur le développement dura-ble de Johannesbourg, en août 2002, a retenu leprincipe de la régulation de la mondialisation aunom de l’égal accès aux ressources naturelles pourles peuples et les générations futures. Enfin, leSommet de la Francophonie de Beyrouth, enoctobre 2002, a réaffirmé le rôle que doit tenir ledialogue des cultures et de la diversité culturelledans la gouvernance mondiale.

Ces récentes rencontres internationales témoi-gnent d’une véritable prise de consciencemondiale. Comme il en a été pour d’autres muta-tions, le sentiment d’appartenance à une commu-nauté mondiale aura précédé la conception et lamise en œuvre de politiques institutionnellesglobales. Or celles-ci restent largement tributairesdes accords internationaux, alors même que lerôle des acteurs non gouvernementaux ne cesse decroître et que les modalités d’exercice du gouver-nement changent.

En ce début du XXIe siècle, les crises de la gouver-nance sont multiformes. Elles affectent aussi bienles entreprises, les marchés de capitaux que lagestion et le financement des biens publicsmondiaux. La surestimation des facteurs écono-

miques par rapport aux données socio-politiquespeut entraîner l’exclusion et la marginalisation degroupes entiers de population, aussi bien au Nordqu’au Sud. Cette situation, qui constitue l’une descauses de la précarisation au Nord et de la paupé-risation au Sud, accentue le fossé entre pays déve-loppés et pays les moins avancés. Ces crisesremettent en cause les formes de représentation,les structures, les processus, les institutions autourdesquels les sociétés s’organisent.

De plus, la transposition de systèmes, de procédu-res ou de normes en vigueur dans les pays déve-loppés, sans tenir compte des réalités socio-culturelles, le soutien à la mise en place dedispositifs institutionnels d’encadrement inappro-priés, une politique trop sectorielle privilégiant lesfinances publiques, la justice et l’éducation endélaissant toute approche globale, la faible concer-tation avec les populations et la coordinationinsuffisante entre bailleurs sont souvent avancéscomme étant les principales raisons de ces faiblesrésultats

Par conséquent dans ce contexte, la coopérationfrançaise devra intégrer les orientations globalesde la coopération internationale comme la bonnegouvernance et la démocratie et mieux prendre encompte les situations des pays du Sud et les initia-tives politiques qui en émergent.

IXe Sommet de la Francophonie (18-20 octobre 2002) :annonce du Sommet dans les rues de Beyrouth.

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S’ENGAGER EN FAVEUR D’UNE

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En mettant l’accent sur la consolidation d’un étatde droit, sur le respect des valeurs démocratiqueset la prise en compte de l’éminente dignité de lapersonne humaine, tout en renforçant les capaci-tés des pays partenaires pour améliorer la gestiondes affaires publiques, la coopération française faitde la promotion de la gouvernance démocratiqueun objectif majeur.

Cet engagement répond à un système de valeurscommunes à l’Union européenne et àl’Organisation internationale de la Francophonieet correspond aux attentes des populations duSud.

La gouvernancedémocratique est conforme à nos valeurs

La gouvernance démocratique traduit notre atta-chement aux processus démocratiques et à ladéfense des libertés fondamentales. Avec cetteconception humaniste fondée sur des valeursuniverselles, le citoyen reprend toute la place quilui revient dans la construction de la société.

Les valeurs démocratiques universelles

Depuis le discours de La Baule ( 20 juin 1990 ), lacoopération française fait de l’engagement démo-cratique une priorité car la démocratie et le déve-loppement sont indissociables. La gouvernancedémocratique, parce qu’elle signifie l’exercice et lecontrôle du pouvoir par tous les acteurs gouver-nementaux ou non de la vie politique, donne laprimauté au citoyen plus qu’au client et permet deréaffirmer notre attachement aux valeurs démo-cratiques universelles issues de la Déclaration desdroits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789.

Cette Déclaration, pierre angulaire de nos fonde-ments institutionnels, rappelle que « l’ignorance,l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont lesseules causes des malheurs publics et de lacorruption des gouvernements ». Ce texte fonda-teur garantit le libre exercice des droits naturels etimprescriptibles que sont la liberté, l’égalité, lapropriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.

La référence à la notion globale de public, commele fait la vision libérale de la gouvernance, n’estpas satisfaisante car la relation vivante qui reliel’Etat à la communauté des citoyens ne peut êtreoccultée. La citoyenneté est à replacer au centredes préoccupations de la gouvernance. Cettenotion, en constante évolution, résulte de lareconnaissance par l’Etat de droits et de revendi-cations d’intégration des populations présentessur son territoire.

Les droits civils, politiques, culturels, écono-miques et sociaux, tels que proclamés aussi dansla Déclaration universelle des droits de l’Hommede San Francisco (1948) sont inhérents à lapersonne humaine. Ils sont reconnus par l’ensem-ble des Etats appartenant à l’Organisation desNations Unies.

Les juges de la Cour pénale internationale le 11 mars 2003 à La Haye.

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Notre adhésion au système de valeurs universellesconstitutif de la démocratie implique pour lecitoyen l’exercice, sans aucune discrimination, dudroit à la liberté d’opinion et d’expression, notam-ment par voie de presse et autres moyens decommunication, à la liberté de réunion et demanifestation, à la liberté d’association et la tenue,à intervalles réguliers, d’élections libres et transpa-rentes. La soumission de l’ensemble des institu-tions au bloc de la légalité, le libre exercice desdroits de l’Homme et des libertés fondamentales,ainsi que l’égalité devant la loi des citoyens,femmes et hommes, représentent pour nousautant d’éléments constitutifs d’une gouvernancedémocratique.

La plupart de nos partenariats multilatéraux serattachent aussi à ces valeurs démocratiquesuniverselles. Ainsi, par exemple, l’article 2 desaccords d’association Euromed précise « les rela-tions entre partenaires, de même que toutes lesdispositions du présent accord, se fondent sur lerespect des droits de l’homme et des principesdémocratiques, qui inspire leurs politiques inter-nes et internationales et qui constitue un élémentessentiel du présent accord ».

Au-delà de la variété des institutions, les régimesdémocratiques comportent des caractéristiquescommunes qui doivent constituer des objectifspour les actions de coopération :

➤ l’équilibre des pouvoirs,

➤ le pluripartisme et des élections libres et pério-diques,

➤ une société civile active,➤ des médias libres et indépendants,

➤ des forces armées et de sécurité soumises aucontrôle des représentants de la nation.

L’État garant de l’intérêt général

La seconde moitié du XXe siècle a été caractériséepar une multiplication du nombre des États. Laprimauté des principes de souveraineté nationaleet de non-ingérence a fait de l’Etat, au Nordcomme au Sud, un acteur stratégique qui parais-sait seul capable d’orienter les sociétés vers ledéveloppement.

Le modèle français a constitué une référence et asouvent été transposé par effet de mimétisme etsans souci d’adaptation. Un système de fonctionpublique fondé sur la carrière et se référant à unstatut, une administration fortement centralisée,l’absence de culture du résultat et de la perfor-mance, la gratuité du service public, le citoyenconsidéré davantage comme un usager que commeun client, une formation centralisée des cadres del’Etat, des normes inadaptées comme par exempleles systèmes sophistiqués d’impôts sur les sociétésalors que le secteur informel prédomine, tellesétaient les principales caractéristiques du modèleproposé dans nos programmes de coopération.

Loin d’avoir produit les effets escomptés, cesprogrammes se sont révélés inefficaces et parfoispénalisants en faisant obstacle au changement.

Les politiques d’ajustement structurel ont tenté deremédier aux graves déséquilibres économiquesrésultant de la mauvaise gestion de l’Etat.L’ajustement des missions de celui-ci à ses moyenss’est traduit non seulement par la réduction deson périmètre d’intervention mais aussi par ladépossession de ses compétences économiques.Les limites de ces programmes d’ajustement struc-turel sont vite apparues.

Les premiers programmes qualifiés de « bonnegouvernance » ont été conçus pour rendre l’Etatplus efficace mais aussi pour faire du secteur privéle moteur du développement. Les tenants de cenéolibéralisme soutenaient que la dynamiquegénérale de la politique macro-économiquelibérale, la décentralisation et la privatisation desentreprises publiques stimuleraient l’esprit d’ini-

Table ronde sur la Côte d’Ivoire suite à la signature des accords de Marcoussis le 24 janvier 2003.

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tiative et la participation des populations. Cesprogrammes n’ont pas eu les résultats escomptés.Au contraire, les gouvernements se sont souventéloignés des préoccupations réelles des popula-tions, contribuant ainsi à miner la base sociolo-gique de l’Etat, le privant de mécanismes appro-priés de médiation et d’arbitrage entre des intérêtspressants et souvent contradictoires.

Les nouveaux programmes de bonne gouvernanceont désormais pour principal objectif la recherchede l’efficacité et d’une nouvelle légitimité de l’Etaten prenant en compte les aspirations, les dyna-miques et les contraintes des communautés et descitoyens. L’Etat n’a pas perdu ses prérogatives degarant de l’intérêt général, mais il n’est plus le seulà le défendre.

La consolidation du droit, l’indépendance de lajustice, l’équité fiscale, la sécurité, l’éducation et lasanté sont, dans de nombreux pays, tributaires del’Etat qui est le seul acteur qui puisse proposer unpacte social et garantir la sécurité et l’équité. Il estattendu des acteurs étatiques qu’ilsfacilitent l’accès aux données etinformations économiques et qu’ilsdéveloppent une capacité de régle-mentation efficace afin de prévenirles monopoles et de favoriser lesbonnes pratiques dans la gestionéconomique.

Cette refondation de l’Etat impliquedavantage les différents acteurs de lasociété pour asseoir une démocratieplus participative et pour garantir laprimauté de l’intérêt général. Nosprogrammes de coopération doiventprendre en compte cette nécessité.

La coopération française doit partici-per à la mise en place d’un Etat régu-lateur et garant de l’intérêt général par une moder-nisation des institutions politiques. Notreengagement pour une gouvernance démocratiquepasse par la réhabilitation dans les pratiques degestion publique de certains principes comme latransparence, la responsabilité, la participation,l’évaluation, la définition de codes de conduite etde valeurs partagées.

Le renforcement des contre-pouvoirs

Les systèmes constitutionnels des pays en déve-loppement ne permettent généralement pas auxparlements de jouer un rôle actif dans la procé-dure législative et encore moins dans la procédurebudgétaire. La faible qualification de la plupartdes représentants de la nation est également unhandicap pour l’exercice des contrôles parlemen-taires. L’absence de véritable débat et de contrôlepublic est confortée par la difficulté d’accéder auxinformations statistiques, économiques et finan-cières. Il est souvent impossible de procéder auxregroupements et vérifications nécessaires pourfavoriser les choix pertinents entre les différentespolitiques publiques.

Promouvoir une gouvernance démocratiquesuppose un soutien résolu non seulement aucorps législatif mais également à l’ensemble desacteurs qui concourent au jeu démocratique.Cette orientation doit se traduire par des appuis à

la constitution de contre-pouvoirs pouvant exer-cer les pressions nécessaires à la transparence etaux contrôles effectifs. Un soutien beaucoup plusaffirmé au multipartisme (formation des cadres,statut de l’opposition, culture de la coalition), à lamise en place d’institutions de concertation et demédiation, à la structuration des forces syndicales,à l’émergence de médias indépendants et au

Étal d’un vendeur de journaux en Afrique

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renforcement des capacités des organisationsprofessionnelles constitue un volet essentiel del’appui à l’état de droit.

Les organisations issues de la coutume, bien quen’ayant souvent aucune attribution institution-nelle, jouent un rôle plus ou moins souterrain.L’une des difficultés pour les bailleurs de fonds estde comprendre le processus par lequel ces organi-sations traditionnelles s’adaptent et innovent afinde leur donner le poids et la place qu’elles méri-tent dans les prises de décisions. Le respect desprincipes universels et les formes diverses d’ex-pression de la démocratie doivent s’inscrire dansles réalités socio-culturelles de chaque peuple.

Par ailleurs, en dépit de progrès indéniables enre-gistrés depuis la fin des années 1990, les médiassont encore des acteurs relativement faibles alorsque l’accès à l’information est un vecteur essentieldu fonctionnement efficace des gouvernements etdes marchés. Les décisions budgétaires prisesdans le secret favorisent le détournement desdeniers publics et l’attribution des marchéspublics sans appel à la concurrence permet descollusions coupables avec des financiers exté-rieurs. Un meilleur accès du public à l’informationet une amélioration de la qualité de celle-ci cons-tituent les gages d’une meilleure gouvernance. Le dialogue politique approfondi avec les acteurs

de la société civile est aujourd’hui reconnu commeessentiel à la consolidation des processus démo-cratiques et à la formulation des stratégies decoopération. Dans la plupart des pays en dévelop-pement, la société civile est encore faiblementorganisée. Les organisations de défense descitoyens, les associations de consommateurs, lessyndicats, les groupements professionnels ont peude moyens et doivent davantage être associés à ladéfinition et à la mise en œuvre des stratégies dedéveloppement, être les porte-parole de la sociétécivile et jouer ainsi un rôle de contre-pouvoir. Endépit des difficultés inhérentes à l’exercice, larecherche du dialogue à tous les niveaux aussibien entre les citoyens, entre les partenairessociaux, entre les partis politiques, entre l’Etat etla société civile est une condition de la gouver-nance démocratique.

Des espaces culturels partagés

Les engagements souscrits dans le cadre de nospartenariats, européen et francophone, exprimentun objectif commun de solidarité envers les paysdu Sud. Se réclamant de ces deux espaces cultu-rels partagés, la coopération française vise undéveloppement durable centré sur la personnehumaine et postule le respect et la promotion del’ensemble des droits de l’Homme.

L’accord de partenariat ACP-CE, signé à Cotonoule 23 juin 2000, constitue le premier documentcommunautaire à définir la notion de « good gover-nance » : « Dans le cadre d’un environnementpolitique et institutionnel respectueux des droitsde l’homme, des principes démocratiques et del’état de droit, la bonne gestion des affairespubliques se définit comme la gestion transpa-rente et responsable des ressources humaines,naturelles, économiques et financières en vue dudéveloppement équitable et durable. » (article 9).

Cet accord reprend la clause de suspension del’aide en cas d’atteinte aux droits de l’Homme, auxprincipes démocratiques ou à l’état de droit. Uneprocédure similaire est prévue pour les cas gravesde corruption.

Quant à la Déclaration de Bamako, du 3 novem-bre 2000, adoptée à l’issue du Symposium inter-national sur le bilan des pratiques de la démocra-tie, des droits et des libertés dans l’espacefrancophone, elle est le fruit d’un processus inédit,associant pour la première fois les Etats, lesgouvernements, les parlementaires, les éluslocaux, les experts, les représentants des organisa-tions non gouvernementales, de la société civile etdes médias.

Ce texte normatif sur la démocratie dans l’espacefrancophone fait de l’engagement démocratiqueune priorité qui doit se traduire par des proposi-tions et réalisations concrètes et instaure desprocédures d’évaluation des pratiques de la démo-cratie pouvant aboutir à des mesures cœrcitives.Une étape significative dans le dialogue pour lerenforcement de la démocratie et le respect deslibertés au sein de l’espace francophone a été fran-chie affirmant ainsi la dimension politique de la

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Francophonie et conduisant la coopération fran-çaise à mieux prendre en compte cet objectif degouvernance démocratique.

L’Accord de Cotonou et la Déclaration de Bamakocontiennent des principes novateurs comme lareconnaissance du rôle joué dans le processus dedéveloppement par les nouveaux acteurs nonétatiques, l’incitation à développer les réseaux etles échanges d’expériences, la pratique d’un dialo-gue politique global et équilibré et les mécanismesde sanction en cas de violation massive des droitsde l’Homme, de rupture de la démocratie ou pourles cas graves de corruption.

La gouvernance démocratiquefait évoluer les modalités decoopération

L’ importance des principes de gestion publique

Le débat sur la gouvernance a été ouvert à la suitede l’échec de l’appropriation sociale des program-mes d’ajustement structurel et de la prise encompte de leurs faibles impacts sur la lutte contrela pauvreté. Avec ces programmes, l’enjeu n’étaitpas la participation démocratique mais la restau-ration des équilibres macro-économiques. A titred’exemple, la fiscalité était alors définie sans réfé-rence à une quelconque politique redistributive.

Ayant à traduire dans les faits les actes du gouver-nement et à appliquer les lois, une administrationne peut remplir ses missions qu’à condition d’êtrelégitime et responsable aux yeux des citoyens,juste et équitable envers les agents publics, effi-cace et crédible pour les usagers, loyale et apoli-tique par rapport au pouvoir exécutif. Les mesu-res de performance et d’impact de nos actions decoopération doivent prendre en compte cesexigences.

Un nouvel équilibre entre le rôle respectif dessecteurs public et privé est à rechercher pour unecroissance économique significative qui permetteune réduction des inégalités, de la pauvreté et del’exclusion.

La référence systématique à des modèles d’organi-sation et de gestion administrative étrangerscomme paradigmes de bonne gouvernance et desinterventions trop sectorielles peuvent compro-mettre l’effort de réforme et les résultats attendus.

Les principes de gestion publique (comme lasubsidiarité, la coopération entre les secteurspublic et privé, la transparence, l’obligation derendre compte, la revue par les pairs, la délégationet la gestion locale… ) participent d’une gouver-nance démocratique.

Parmi ces principes, celui de la subsidiarité activeparaît le plus novateur. Il favorise des réponsesmieux adaptées à la diversité des contextes, ilmobilise les acteurs au plus près de leurs activités,il prend en compte les directives exprimées par leniveau supérieur dans un souci de cohérence etmet en évidence les obligations de résultat et leurscorollaires, à savoir la mise à disposition demoyens appropriés et l’évaluation conjointe.

La distinction entre la gouvernance économiqueet la gouvernance politique n’est plus de mise carelle se réfère à une logique sectorielle inopérante.Les principes de gestion publique qui viennentd’être énumérés manifestent cette imbrication.

Le décloisonnement des politiques sectorielles

Les réformes sectorielles peuvent provoquer desdéséquilibres et même constituer un frein audéveloppement. Juxtaposées ou superposées, ellesne permettent pas de moderniser l’appareil d’Etatet, souvent, elles ne rendent pas l’administrationplus performante. Les nombreux programmesmenés dans les secteurs des finances publiques etde la justice ont certes créé quelques îlots demodernisation mais ceux-ci n’ont pas eu d’impactsur le développement et ont même pu créer desdiscriminations préjudiciables.

La réhabilitation du secteur public devrait êtreprioritaire dans les pays où le secteur privé n’a pasde tradition et de pratique ancienne, où lesexperts en administration publique sont issus dela fonction publique et où les données publiques

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représentent l’essentiel de l’information disponi-ble. L’élargissement européen illustre particulière-ment cette priorité et les moyens qu’elle requiert.Les jumelages institutionnels PHARE constituenten ce sens une modalité originale d’appui aurenforcement des capacités du secteur public. LaCommission européenne envisage d’ailleurs de lestransposer dans les programmes MEDA et TACIS.

Le décloisonnement des politiques sectorielles estd’autant plus nécessaire que se développent desinterdépendances aux niveaux national etmondial. La gouvernance n’est plus l’art de gérerseulement à l’échelle nationale mais l’art d’articu-ler la gestion entre différentes échelles de territoi-res. La prise en compte des espaces infra et supra-nationaux favorise l’approche globale et intégréeet montre, a contrario, les limites des politiquessectorielles.

Intégration régionale et harmonisation des politiques

Le débat sur la gouvernance a lieu dans uncontexte de redistribution des rôles où l’Etat n’estplus considéré comme le seul agent du change-ment social et où s’affirment des dynamiques d’in-tégration régionale et de décentralisation. Laconnexion au marché mondial modifie la rationa-lité des systèmes nationaux de production etd’échanges et provoque des regroupements régio-naux et de nouveaux partenariats.

La décentralisation et l’intégration régionaleproposent des modalités de refondation del’espace public avec de nouveaux acteurs capablesde faire émerger des formes de gouvernance plusparticipatives et mieux adaptées à l’économieglobale et à la gestion de la diversité.

Les zones régionales homogènes (ex. : laCommunauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest, laCommunauté andine, le MERCOSUR…) serventde cadres à l’instauration de politiques communeslibrement consenties par les Etats et régulées parla pression des pairs. Malgré des héritages diffé-rents, les droits et les pratiques administrativespeuvent converger. A titre d’exemples : la réformedes systèmes douaniers est mise en oeuvre au

niveau de zones économiques régionales et laréforme des fonctions publiques africaines peutêtre entreprise et débattue à l’échelle régionale,comme y incite la Charte africaine de la Fonctionpublique adoptée à Windhoek en février 2001 parla Conférence panafricaine des ministres de laFonction publique.

Seront encouragées les initiatives similaires surd’autres zones géographiques ou d’autres domai-nes qui permettent la mise en application desprincipes de bonne gouvernance à l’échelon régio-nal.

La logique d’orientation des stratégies d’intégra-tion est encore essentiellement institutionnelleportant surtout sur la création d’institutions régio-nales. La coopération française a largement parti-cipé à l’émergence de certains de ces espaces (ex. :l’Union économique monétaire de l’OuestAfricain ou l’Organisation pour l’Harmonisationen Afrique du Droit des Affaires) en encourageantla convergence des politiques. Mais les institu-tions régionales sont souvent des structures désin-carnées ayant peu de prise sur le réel et générale-ment encore peu efficaces. Au même titre quel’Etat, ces institutions sont confrontées à unproblème de légitimation et de financementpérenne. Les principales causes en sont l’absencede démocratie dans leur composition et leur fonc-tionnement, l’indigence de la politique decommunication et la difficulté de mesurer leursperformances. Ces institutions doivent encoretrouver une articulation avec les Etats, les poli-tiques nationales et les dynamiques régionales etmondiales. La coopération française devra les yaider.

L’appropriation par les acteurs concernés

Toute société démocratique aspire à une meilleuregouvernance. Des programmes dits de bonnegouvernance proposés par les organisations multi-latérales se sont généralement contentés dereprendre les approches des précédents plans dedéveloppement avec des résultats aussi peuprobants. L’absence d’appropriation par les

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acteurs concernés a été la principale cause de leurfaible impact sur le développement et la luttecontre la pauvreté.

L’adoption du concept de bonne gouvernance sansaucun effort d’acclimatation a provoqué de gravesconflits de légitimité et de rationalité. Les institu-tions nationales ont été soumises à des injonctionsparadoxales, à une abondance de régulations, àdes réglementations et à des indicateurs sophisti-qués étrangers au contexte local. Cette approchene peut être la nôtre qui privilégiera la nécessaireappropriation de ce concept par les acteurs natio-naux, gouvernementaux ou non. Cela supposeque, d’une part, la gouvernance démocratiqueintègre des valeurs et pratiques locales et, d’autrepart, qu’elle relativise les modalités et l’environne-ment culturel de la démocratie occidentale.

Les valeurs traditionnelles et structurantes dessociétés méritent d’être prises en considération. Acontrario, l’application inconsidérée des modèlesoccidentaux, sous forme de « bonnes pratiques »,peut être source de mauvaise gouvernance. Ainsi àtitre d’ exemple paradoxal, l’organisation d’élec-tions selon les modèles du Nord dans des milieux

structurés par l’ethnie ou le clan peut être sourcede ruptures sociales, voire de conflits et ne pascontribuer au renforcement de la démocratie.

Le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté(CSLP ) constitue un nouvel instrument de la poli-tique internationale d’aide dont l‘objectif est demettre en cohérence l’ensemble des flux d’aidedestinés à chacun des pays et d’en accroître l’effi-cacité, tout particulièrement dans la lutte contre lapauvreté. La conception et l’application des CSLPsuppose une intervention renouvelée et efficacedes Etats. Ils répondent aussi aux nouvellesexigences des opinions publiques des pays dona-teurs et des pays aidés. Ils doivent égalementpermettre de mieux tenir compte des caractéris-tiques spécifiques des pays pauvres et de l’impor-tance des défaillances du marché.

L’originalité des CSLP réside dans l’initiative quin’émane plus du Nord mais des Etats après unprocessus de consultation de leur société civile.Cette procédure novatrice relevant d’une bonnegouvernance tend à conférer une légitimité à unepluralité d’acteurs. Un nouveau rôle est certesreconnu à l’Etat mais de nouveaux acteurs (lesentreprises, les groupements professionnels, lescollectivités rurales et urbaines, les organisationsnon gouvernementales) sont également invités àintégrer le cadre de lutte contre la pauvreté.

Le « nouveau partenariat pour le développementde l’Afrique » (NEPAD) constitue également uneinitiative des Etats africains qui doit être soutenuepar la coopération française. A vocation continen-tale, cette initiative africaine vise à instaurer ledéveloppement durable, tant sur le plan environ-nemental que sur les plans social, économique etpolitique.

Sommet de femmes en Afghanistan en 2003.

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2RÉPONDRE

AUX DÉFIS GLOBAUX

Les valeurs démocratiques universelles doiventsous-tendre les coopérations internationales et setraduire en actes pour répondre aux défis majeursque sont l’élimination de la pauvreté, l’instaura-tion de la paix et le désarmement, la protection denotre environnement commun, la promotion de ladémocratie et de la bonne gouvernance et laprotection des groupes vulnérables.

La pauvreté, les inégalités et l’exclusion

Sous l’impulsion de la libéralisation des échanges,s’il y a eu dans certaines régions des progrèséconomiques, la pauvreté n’a pas pour autant étéréduite et les inégalités se sont accrues. De ce fait,les instabilités, exclusions et pertes de lien socialdans les pays en développement, les pays émer-gents et les pays développés, suscitent une telleinquiétude que la lutte contre la pauvreté, lesinégalités et l’exclusion revêt désormais unedimension prioritaire dans les politiques d’aideinternationale.

La résolution adoptée par l’Assemblée généraledes Nations Unies, le 13 septembre 2000 sous laforme de la Déclaration du Millénaire, a décidé« de créer, aux niveaux tant national que mondial,un climat propice au développement et à l’élimi-nation de la pauvreté … La réalisation de cesobjectifs suppose, entre autres, une bonnegouvernance dans chaque pays. Elle suppose aussiune bonne gouvernance sur le plan international,et la transparence des système financier, moné-taire et commercial ». La communauté internatio-nale s’est ainsi engagée à répondre à ces défis pardes objectifs quantifiés en matière de bien-êtreéconomique, de développement social et depréservation des ressources naturelles.

La pauvreté est multidimensionnelle. Elle se défi-nit, tout à la fois, en référence à un équivalentmonétaire, en fonction de la capacité à faire face à

des obligations sociales et culturelles ou encorepar rapport au degré de satisfaction des besoinsfondamentaux. La lutte contre la pauvreté doitdonc prendre en compte l’ensemble des situationsfinancière, sociale, politique et institutionnelle. Laparticipation des populations au débat et à la défi-nition des stratégies de lutte est donc l’une desconditions du succès.

La prise en compte des notions de pauvreté, d’iné-galité et d’exclusion implique une recompositionde l’ensemble des règles, des dispositifs, desprocédures et des organisations qui en assurent lerespect et la légitimité. L’implication des popula-tions défavorisées passera par leur participationaux processus politiques et aux décisions locales.Le renforcement du rôle donné à l’Etat dans cettenouvelle politique de développement va de pairavec l’amélioration du fonctionnement de l’admi-nistration et une consolidation des processus dedéconcentration/décentralisation.

La lutte contre la corruption

La corruption est un mal qui traverse toutes lessociétés. Elle a longtemps été analysée par réfé-rence à la théorie de la rente et de son appropria-tion par les décideurs et agents publics. Lesactions de lutte contre la corruption ont parconséquent consisté à lever toutes les mesurespropres à favoriser la rente (restrictions commer-

Manifestation populaire en Amérique latine.

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ciales, subventions, contrôle des prix, taux dechange multiples, salaires publics trop faibles,licences d’exploitation des ressources naturel-les…). À la lumière des transitions démocratiquesdes pays de l’Est, une conception mettant davan-tage l’accent sur la transparence, les institutions,les procédures budgétaires, le cadre juridique etcomptable s’est imposée. La transparence et lalutte contre la corruption font maintenant l’objetde programmes de coopération centrés sur desappuis aux instances de contrôle démocratique(par exemple les cours des comptes) et à despublications indépendantes.

Mais au-delà des structures de contrôle, l’endigue-ment de la corruption (contrôle de la chaîne desdépenses budgétaires, perception effective desrecettes, lutte contre le blanchiment, trafics desêtres humains, tenue rigoureuse des registresd’état civil…) exige une politique volontaristeavec des moyens d’investigation, de poursuite etd’accusation et des compétences humaines, enexpertise comptable notamment.

Deux approches complémentaires doivent êtresoutenues :

➤ approche de convergence internationalepromue par la convention universelle contre lacorruption de l’Organisation des Nations Unies,en cours de négociation à Vienne. Cette conven-tion s’efforcera de définir les principales incri-minations relatives à la corruption. La promo-tion de cet accord international prendra sa placedans la politique étrangère de la France.

➤ approches nationales par les systèmes natio-naux d’intégrité qui varient selon les coutumeset valeurs ethno-sociologiques.

Transposer hâtivement et de manière indifféren-ciée les modèles occidentaux risquerait d’amplifierles phénomènes de corruption. La petite corrup-tion est souvent une parade à la pauvreté et auxdéfauts de gouvernance. C’est pourquoi une atten-tion vigilante aux causes de corruption estindispensable. A ce titre, certains facteurs sontidentifiés et dénoncés : prolifération des partis etclientélisme ethnique, privatisations à la chaîne,gel des salaires des fonctionnaires favorisant laprivatisation rampante des services publics…

Écarter a priori les demandes de récupération desfonds détournés par les dirigeants, autoriser lesparadis fiscaux et les comptes bancaires anony-mes, tolérer que le service de la dette soit ponc-tuellement honoré à partir de recettes non budgé-tisées sont autant de facteurs qui favorisent lamauvaise gouvernance.

Les Biens Publics Mondiaux

L’apparition de la théorie des biens publicsmondiaux répond, entre autres, aux défaillancesdu marché incapable de garantir à l’ensemble desacteurs de l’économie mondiale l’accès aux bienspartagés que sont la qualité de l’environnement, lapaix et la sécurité ou la protection contre les gran-des endémies.

Elle permet d’aborder, avec un souci de bonnegouvernance, des questions aussi planétaires quel’environnement, l’eau, la sécurité internationale,la stabilisation financière, la diffusion du savoirqui ne peuvent, à l’évidence, être réglées ni par laréglementation étatique, ni par la main invisibledu marché. Une architecture internationalecomplexe de conventions se met progressivementen place. Elle associe des acteurs publics et nongouvernementaux, différents échelons territoriauxd’organisation, des membres de la société civiledans des dispositifs préfigurant une gouvernancemondiale. Ces questions globales ne peuvent pasdavantage être réglées par des accords entre lesEtats les plus puissants. Leur traitement nécessitealors un consensus international minimal asso-ciant l’ensemble des pays de la planète.Cybercafé à Téhéran

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En effet, la gestion des biens publics mondiauxmet en jeu la responsabilité des pays riches (àtravers le principe de précaution), la participationdes populations concernées (qui peut seule garan-tir la protection des milieux et des ressourcesnaturelles), la solidarité (ces biens appartenant àtous, le financement de leur protection doit êtrepartagé en fonction des capacités contributives, del’importance des populations et de leurs modes devie), l’efficacité et l’efficience (certaines sociétésayant exploité les écosystèmes ont une detteécologique à l’égard de l’humanité). Il convientd’imaginer des modes de participation plusformelle des acteurs non gouvernementaux auxnégociations sur ces questions globales qui nepeuvent être laissées en suspens.

La théorie des biens publics mondiaux relégitimela nécessité de l’intervention publique notammentsous sa forme régulatrice afin de rétablir le droitdes plus faibles à accéder à ces biens. Trèscomplémentaire de la lutte contre les inégalités,elle remet l’économie à sa place et réintroduit lespays les moins avancés à la table des négociationsen réactualisant les politiques de renforcementinstitutionnel.

La sécurité

La notion de sécurité a profondément évoluédepuis la fin des années 1980. La sécurité ne peutplus être uniquement envisagée sous l’angle natio-nal. On constate, en effet, que de nombreusescrises internes résultent plus ou moins directe-ment d’un conflit éprouvant un pays frontalier oubien sont alimentées par des éléments nationauxou étrangers séjournant dans des pays tiers. LesEtats sont contraints désormais d’assurer la sécu-rité publique par des politiques interdépendantes,ce qui implique des échanges d’informationssystématisés et des procédures à mettre en œuvreen commun. L’ interdépendance est également unedes conditions pour répondre au développementdes menaces transnationales que sont la crimina-lité organisée, les trafics divers et la pollution.

L’obligation d’assurer la sécurité des populationsest le défi majeur posé aux Etats. Leur stabilitédépend de leur capacité à assurer la sécurité desbiens et des personnes. Cette sécurité est nonseulement physique mais également juridique,judiciaire et économique. La sécurité, enjeu depouvoir et de survie, peut être considérée, à cetitre, comme un bien public mondial.

La restauration ou le maintien de la paix et de lasécurité passe par le respect des principes démo-cratiques que sont l’équilibre des pouvoirs, desmécanismes efficaces et transparents de contrôledes forces de l’ordre et le maintien du lien armée-nation. L’application de ces principes doit inspirerla politique de sécurité qui se traduit par lesactions suivantes :

➤ la constitution d’une police de proximité, inspi-rant confiance aux populations en raison de sonmode de recrutement (ouvert aux femmes etaux minorités), de formation professionnelle, derémunération et de promotion,

➤ la séparation des forces militaires et des forcesde sécurité intérieure et le contrôle civil etdémocratique des forces de sécurité,

➤ l’obligation faite aux forces armées de rendrecompte de leurs opérations, de leur budget etde leurs investissements,

➤ la transparence et le contrôle des ressourcesfinancières (budgétisation des dépenses militai-res et passation de marchés publics),

➤ le professionnalisme de l’armée,

➤ la poursuite des infractions et atteintes auxdroits de l’Homme et aux droits constitutionnelet international,

Consolidation de la paix et de la sécurité enAfghanistan par les forces des Nations Unies en 2002.

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➤ la réforme du système judiciaire et pénal pourqu’il puisse s’acquitter de ses missions élémen-taires,

➤ la participation des parlementaires, médias,universitaires et organisations de la société civileà la définition des politiques de sécurité.

Prévenir les conflits et restaurer la paix sont deve-nus des composantes majeures de l’aide publiqueau développement. Le succès repose sur le parid’ouverture de l’espace politique à la société civile,mais aussi sur des Etats forts dotés d’une armée etd’une police professionnelles placées sous lecontrôle de l’autorité civile. Seul un cadre démo-cratique est à même de convaincre l’ensemble desacteurs concernés des bienfaits d’une sécuritépartagée.

La démocratie locale

Pour répondre à la crise de légitimité et d’efficacitéqui les affecte, de nombreux Etats ont engagé,souvent sous les pressions extérieures et à grandsfrais, des politiques de décentralisation dont l’ob-jectif commun est la mise en place de pouvoirspublics situés à proximité des citoyens. Les résul-tats ne sont pas à la hauteur des espérances.

Cette nouvelle forme d’organisation des pouvoirsapparaît souvent artificielle car bâtie de toutespièces par le haut par les autorités gouvernemen-tales qui ont en charge l’administration de l’État.Elle semble essentiellement définie à partir descompétences que l’ Etat veut transférer aux collec-tivités, issues de circonscriptions administrativesexistantes depuis la colonisation et à peine modi-fiées. La marge d’autonomie laissée à l’initiativelocale, qui devait être primordiale, est largementsecondaire. L’autonomie financière demeurefictive. Les collectivités ne sont maîtresses ni de lanature, ni du niveau de leurs ressources ni mêmede la collecte de celles-là. Elles sont réduites à laportion congrue en matière de gestion foncière etdomaniale.

Des collectivités locales se sont pourtant dévelop-pées en dehors de l’organisation administrativeterritoriale. Le village, les communautés villageoi-ses, les périphéries des villes sont ou deviennentdes réalités socio-économiques incontournables.L’émergence de ces acteurs collectifs de base,appelés à devenir les promoteurs du développe-ment local, doit désormais être prise en compte.

La décentralisation réussie sera une réforme poli-tique mettant les élus locaux au défi de répondreaux demandes des populations. Elle permettra demettre en relation directe le besoin social tel qu’ilest vécu par le citoyen et la décision politique quilui répond. Elle autorisera alors non seulementune réforme de l’Etat par la déconcentration deses moyens et la réduction de son périmètre d’in-tervention. Un véritable processus de reconstruc-tion de l’Etat pourrait ainsi être amorcé en s’ap-puyant sur les communautés de base et lesmunicipalités.

Pour prévenir les risques d’iniquité territoriale, dedilution des responsabilités et des compétences,l’instauration d’une démocratie locale doit êtreassortie de politiques complémentaires (renforce-ment des capacités en maîtrise d’ouvrage et enanimation du développement local, déconcentra-tion des services de l’Etat, aménagement du terri-toire…) auxquelles la coopération française

Studio de radio au Gabon

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pourra participer en particulier dans le cadre de lamise en place des contrats de désendettement etdéveloppement.

L’espace local constitue, en effet, le lieu d’ancragede la citoyenneté, le maillon initial des lienssociaux et la base du « vouloir vivre collectif ».Pour cette raison notre coopération favoriseral’émergence de municipalités fortes au plus prèsdes préoccupations des citoyens. Mais unegouvernance locale ne peut être efficace que si lesrelations avec les autres niveaux de pouvoir sontprises en compte, donnent lieu à des échanges, àdes négociations et à des actions de coopération.Le renforcement de la démocratie locale passenaturellement par l’intégration de certainespratiques coutumières dans le droit régissant lescollectivités territoriales, faute de quoi l’effectivitédes réformes sera problématique. Les questionsfoncières, le droit de propriété et d’usage, le règle-ment amiable des litiges par la médiation, la placedes autorités traditionnelles dans l’organisationlocale doivent faire l’objet d’une appréciation fineafin de pouvoir concilier ce qui relève de particu-larismes locaux ou d’attributs régaliens. Notrecontribution à cette recherche ne doit pas fairedéfaut.

Sur un plan régional, il conviendra de participeraux évolutions en cours dans des institutionsrégionales et sous-régionales qui commencent àdévelopper des stratégies en faveur des collectivi-tés locales. Notre soutien doit favoriser l’émer-gence de nouveaux acteurs de la gouvernancelocale (par ex : les associations des maires ou lesregroupements de communes) et renforcer leurscapacités.

La prévention des conflits et la situation post-conflit

Les phénomènes d’effondrement de l’Etat, enAfrique notamment, se multiplient et se répercu-tent sur les pays voisins sous forme d’afflux deréfugiés et d’impacts négatifs sur les politiquespubliques nationales. Les ressources financières,les économies et les infrastructures de ces pays

limitrophes sont mises à mal. Le niveau régionalest tout autant touché que les niveaux national etlocal.

Lorsque l’Etat s’effondre, la lutte armée entrefactions devient le principal système de répartitiondes ressources et la violence est la seule source dupouvoir. Le tribut énorme à payer à la suite de l’ef-fondrement d’un Etat, avec la reconstructiond’une économie et d’une société, oblige à réfléchiraux moyens de prévenir ces régressions tragiques.

Une démarche préventive consiste à renforcer lerôle des acteurs de la société civile pour accroîtrela capacité de résistance des institutions sociales.Une vie associative permettant à l’ensemble descommunautés d’exprimer leurs voix et leurs aspi-rations peut contribuer à faire régner la paix, lasécurité et à contenir les dérives du pouvoir. Uneautre démarche met en avant la nécessité d’insti-tuer des structures administratives protégées del’ingérence politique et d’incorporer au processusde décision des mécanismes de contrôle appro-priés. L’impartialité et la transparence des institu-tions chargées de gérer les ressources publiques etles services sociaux accroissent la crédibilité del’Etat et découragent le recours à la violence.Enfin, la décentralisation est supposée permettreaux populations de participer directement auprocessus de décision en multipliant les centres depouvoir et en contribuant à diminuer les sourcesde conflit.

Intervention de la force multinationale intérimaired’urgence en Ituri : une patrouille de reconnaissancedes forces spéciales françaises à Bunia. Juin 2003.

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Une autre voie à explorer pour prévenir lesconflits est de promouvoir la lutte contre l’impu-nité, notamment en encourageant la ratification del’Accord de Rome instituant la Cour pénale inter-nationale. Le statut de cette haute juridictioninternationale est inspiré de manière relativementéquilibrée des deux grands systèmes juridiques(droit civil et common law). Elle contribuera àassurer le développement d’une véritable justicepénale universelle.

Les projets de reconstruction, quant à eux, s’atta-cheront à rétablir une autorité politique légitimeet créer une structure administrative post-conflit.Ce processus de reconstruction ne peut se fairesans la prise en compte de la dynamique nationaledes forces sociales en recomposition et des rela-tions entre l’Etat et le système mondial d’aide pourl’apport des ressources financières et l’assistancetechnique. Le rétablissement de la paix et la mise

en place d’un contrôle démocratique seront favo-risés par la création d’une armée et d’une policeprofessionnelles, la gestion de la démobilisation,la réinsertion des anciens combattants dans la viecivile et la création d’un espace politique propiceà une réconciliation nationale.

La construction de la paix suppose à la fois desmesures de prévention des conflits sur le longterme et des réponses adaptées à des situationspost- conflit. La démocratisation et le respect desdroits de l’Homme, la sécurité, la lutte contre lesinégalités constituent les piliers de la constructionde la paix. En attachant une importance primor-diale au bon fonctionnement des institutions et enrenforçant la cohésion et le consensus au sein dela société, une gouvernance démocratique contri-bue à éviter ou à réduire la vulnérabilité aux cata-strophes et l’exacerbation des conflits.

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3PROMOUVOIR UNE NOUVELLE

POLITIQUE DE COOPÉRATION

Une nouvelle méthoded’identification desprogrammes

Valoriser les spécificités sociales, culturelles etéconomiques sans évacuer les exigences d’unmonde globalisé et associer les acteurs nonétatiques à la définition des objectifs et à laconjonction des moyens à mettre en œuvre, sansmarginaliser les acteurs du secteur public, consti-tuent les deux principes qui doivent présider àl’identification des programmes de coopération.

L’application des principes de gouvernance démo-cratique aux processus de développement sefonde sur des valeurs et références partagées parles communautés locales, les pays récipiendairesde l’aide et la société internationale. Mais l’atten-tion doit porter prioritairement sur la demandeinterne de réforme.

Un processus démocratique ne peut s’instaurerpar effraction. Les « bonnes institutions » selon lesstandards internationaux ont été le produit delongs processus, de luttes politiques et de bataillesidéologiques. Les progrès institutionnels ont étéendogènes au processus de développement et ilsont eu un coût économique (ex : extension dudroit de vote, régulation du marché du travail, loisur les faillites…).

C’est pourquoi, l’exigence portée sur la gouver-nance ne peut procéder par prescriptions. Elledoit, au contraire, rechercher l’intégration desdifférents systèmes de valeurs. L’exercice estcomplexe car il requiert tout à la fois une matura-tion de la demande interne de réforme et sa cohé-rence avec les standards internationaux. En cas decontradiction, l’évolution endogène doit prévaloircar elle détermine les progrès futurs.

La nouvelle méthode d’identification desprogrammes de coopération prendra en compteles trois niveaux local, national et internationald’intervention et s’attachera à respecter les princi-pes suivants :

Prendre en compte les réalités locales etfavoriser les processus participatifs

Connaître et participer sont les maîtres-mots del’identification des programmes au niveau local.

Comprendre les problèmes des sociétés contem-poraines est la première condition d’une politiquede bonne gouvernance. L’impact limité desprogrammes de coopération peut, sans doute, êtreattribué à un manque de connaissance et d’écoute.Dans les sociétés démocratiques, les étudeséconomiques et sociales et les enquêtes d’opinionsont des éléments indispensables de connaissancepréalable à toute action de réforme. Ces études et

La justice Gacaca au Rwanda« Il faut dire ce que vous avez vu, accepter ce que vous avez fait,

et vous serez sauvé. »

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enquêtes alimentent en outre le débat démocra-tique. Un programme d’enquêtes empiriques surla gouvernance au quotidien, avec le concoursd’équipes de recherche locales associées à descentres universitaires du Nord permettra de nour-rir les processus de gouvernance démocratique etd’identifier des programmes répondant auxdemandes des populations. Ces enquêtes, études,audits sociaux menés dans le cadre de partenariatsNord-Sud pallieront la faiblesse des analyses surles facteurs extra économiques du développe-ment, dont on affirme pourtant sans cesse lecaractère déterminant.

Enquêter directement auprès des populationspermettra d’élargir la base sociale nécessaire auxréformes. Connaître l’état de l’opinion etcomprendre l’ampleur des phénomènes concourten outre à prévenir les risques de conflits et à légi-timer les réformes difficiles.

L’adhésion des populations est en effet détermi-nante. Cependant les processus participatifssusceptibles d’influer sur les politiques de déve-loppement sont rares et peu soutenus par lesbailleurs. Une approche progressive et pragma-tique clairement définie dans le cadre du partena-riat bilatéral sera privilégiée.

Participer à la réalisation de plans nationaux pluriannuels et intégrer lespratiques de gouvernance

Les projets de coopération doivent impérative-ment s’intégrer dans des plans pluriannuels natio-naux adoptés à la suite d’une concertation avec lesacteurs non étatiques et validés par la commu-nauté des bailleurs. Cette nécessité conduit àparticiper à toutes les réunions préparatoires tantau niveau du pays qu’au niveau international.

Le rôle central du dialogue et le respect des enga-gements mutuels pris par les différentes partiessont au centre de ce nouveau partenariat. Lesrésultats des évaluations antérieures seront égale-ment mis à profit pour l’identification desnouveaux projets.

Les engagements contractuels, tels que ceux figu-rant dans l’ Accord ACP-CE de Cotonou notam-ment en matière de respect des droits de l’Hommeet des principes démocratiques, guideront aussil’identification de ces programmes.

En matière de législation et de réglementation,outre l’incorporation des normes régionales etinternationales contribuant à asseoir une gouver-nance démocratique, il sera parfois judicieux de sedépartir de modèles juridiques inadaptés pour seréférer aux coutumes et institutions traditionnel-les susceptibles de faciliter l’adhésion des admi-nistrés.

A cet égard, la coopération française doit veiller,en particulier lorsqu’elle participe à des program-mes multi-bailleurs de réforme de la justice, à nenégliger aucune des principales sources du droit :non seulement le droit positif, mais également ledroit coutumier et, le cas échéant, le droit musul-man. Ces deux dernières sources sont parfoisprépondérantes, notamment en matière de droitde propriété et de droit de la famille.

Améliorer la coordination des partenaires et renforcer la participation des pays du Suddans les instances multilatérales

L’aide publique au développement a un légitimesouci d’influence mais la solidarité en constitue leprincipal objectif. Une concertation et une coordi-nation entre la communauté des bailleurs sontindispensables, les acteurs de l’aide bilatérale serépartissant les rôles.

Cette concertation au niveau national sera favori-sée par la politique de déconcentration de l’en-semble des moyens et procédures en vigueur aussibien dans les agences du système des NationsUnies que chez les bailleurs bilatéraux.L’organisation de réunions périodiques etl’échange des documents d’orientation des poli-tiques d’aide faciliteront également la coordina-tion entre les partenaires locaux et les bailleurs defonds.

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Par ailleurs, des relations plus équilibrées et, de cefait, plus équitables dans les instances multilatéra-les favorisent l’application effective des normes etdécisions qui y sont adoptées. La représentationdes sociétés du Sud dans les organisations quiparticipent à la gouvernance mondiale doit êtresignificative.

Une mise en œuvre avec de nouveaux instruments

La coopération ne peut évoluer d’une coopérationde substitution à une coopération de conseil, sansse doter des moyens et des instruments appro-priés. Dans le domaine de la gouvernance, notreaide doit s’orienter vers la constitution de « pôlesde compétences » qui lui permettront de valoriserson expertise dans les secteurs où elle a la plusforte valeur ajoutée.

Dans les pays partenaires, il n’est plus nécessaired’envoyer des assistants techniques généralistes sesubstituant à l’expertise nationale. Les pôles decompétences permettront d’avoir une visionglobale et régionale du secteur, de conceptualisercette vision, d’associer une assistance techniquepointue très ponctuelle à une assistance techniquede mise en œuvre nantie d’une forte capacitéd’adaptation locale. Aux experts traditionnels desfinances ou de la fonction publiques, par exem-ples, doivent désormais être associés les universi-taires, les experts des bureaux d’études, les ONG,la coopération décentralisée ou même d’autresbailleurs ou pays partenaires du Sud.

Les pôles de compétences auront des configura-tions différentes selon les secteurs et seront dedimension inégale selon les zones géographiques.

Pour les pays éligibles à l’Initiative en faveur despays pauvres très endettés (PPTE), le contrat dedésendettement et développement (C2D) consti-tue un nouvel outil de financement qui, par unmécanisme de refinancement sous forme de donsdes échéances de la dette publique, appuie les

Etats dans leurs actions en faveur de la réductionde la pauvreté et des inégalités, en utilisant lesmarges de manœuvre budgétaires ainsi dégagées.

Une méthode de suivi

La conduite de processus axés sur les résultatsexige des mécanismes spécifiques de vérificationet de responsabilisation, des outils de diagnostic etde mesure, des cadres appropriés de restitution etd’examen. La négociation, la transparence, la priseen considération du long terme supposent desinstruments d’information, de communication etde contrôle.

L’évaluation, la mesure, les processus qui fondentles politiques publiques partagent des caractèrescommuns et répondent aux mêmes enjeux.

➤ Ils procèdent de travaux collectifs, multidisci-plinaires et de mises au point itératives.Implicitement ils visent à construire un sens etun consensus. Ils sont un puissant ressort demotivation des équipes et, vis-à-vis des parte-naires et commanditaires, des instrumentsprivilégiés de communication.

➤ Ils se réfèrent à une nouvelle culture organisa-tionnelle et institutionnelle dont les traitsmajeurs sont le caractère participatif et décen-tralisé de la gestion, son orientation vers lesrésultats, l’importance de la contractualisation(entre les partenaires et sur les procédures) etl’approche systémique (systèmes nationauxd’intégrité, cadres stratégiques de lutte contre lapauvreté CSLP…)

➤ Ils permettent d’appréhender une réalitétoujours mouvante. Sur la durée, les phénomè-nes, leur énoncé, leur justification, leur appré-ciation se modifient. Cela explique l’introduc-tion constante de nouveaux indicateurs, lesdispositifs d’évaluation continue et la multipli-cation des instances de consultation.

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Evaluation des politiques publiques

L’évaluation répond à trois fonctions essentielles :

➤ suivi,

➤ obligation de rendre compte aux commanditai-res et aux citoyens,

➤ apprentissage.

Le commanditaire de l’évaluation, les servicesresponsables de l’évaluation et les évaluateurs sontamenés à privilégier l’une de ces trois fonctions envertu de l’exercice demandé et des objectifs del’évaluation.

Dans le domaine du développement institution-nel, l’évaluation requiert que soient définis rigou-reusement et de manière opératoire le changementinstitutionnel, ses déterminants internes et exter-nes et l’impact des interventions sur les systèmesde gestion publique. La notion de responsabilitéd’agir s’est étendue. Rompant avec la responsabi-lité juridique, elle renvoie à une logique d’appré-

ciation des mesures prises, de pertinence des poli-tiques suivies et de justification des écartsconstatés entre objectifs et résultats.

L’évaluation est une culture dépassant très large-ment les fonctions de contrôle et d’aide à la déci-sion. C’est pourquoi les services en charge del’évaluation sont plus à même d’impulser une stra-tégie transversale en matière de gouvernance.

L’évaluation des politiques publiques est sansaucun doute un vecteur essentiel d’améliorationde la gouvernance au Nord et au Sud. Par consé-quent, la promotion de systèmes nationaux d’éva-luation et de systèmes d’informations, de statis-tiques et de diffusion des données sont deséléments clés de l’appropriation et constituent dessecteurs prioritaires de coopération.

Mesure de la gouvernance

Mesurer la gouvernance est une entreprise difficilemais indispensable à l’instauration d’un processusdémocratique. Au cœur des systèmes de suivi-évaluation, la collecte d’informations et l’établisse-ment d’instruments de mesure sont déterminants

pour établir les tendances, iden-tifier les priorités, comparer lesrésultats obtenus avec ceuxescomptés, gérer programmes etstratégies. La capacité de régula-tion d’une société est fondée surla qualité de ses politiques, deses institutions et de sescompromis sociaux. La mesurerau moyen de critères et d’indi-cateurs, c’est vérifier la valida-tion sociale de l’économie,prévenir et gérer les conflits,s’assurer du pluralisme et del’intégration politique.

S’il y a potentiellement un grandnombre de critères et d’indica-teurs de gouvernance, certainssont spécifiques à la gouver-nance, d’autres concernent

autant la gouvernance que la lutte contre la pauv-reté. Mais les différentes étapes des processusauxquels ils s’appliquent sont partout reconnues :

Bureau d’enregistrement à Mitrovica (Kosovo) en vue des élections d’automne 2000.

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➤ Les indicateurs de moyens portent sur lesressources administratives et financières, leurimportance et leur régularité. Rapportés auxrésultats, ils servent à évaluer l’efficience desactions.

➤ Les indicateurs d’activités sont les plusemployés. Ils permettent en outre de mesurer laproductivité administrative des services, lesconséquences concrètes des mesures prises etdes moyens alloués.

➤ Les indicateurs de résultats concernent leniveau des bénéficiaires. Ce sont ceux quiservent à justifier de l’emploi des fonds, à défi-nir ex ante les objectifs des programmes dedépense publique, à vérifier ex post la confor-mité du travail administratif aux objectifs poli-tiques.

➤ Les indicateurs d’impact sont les indicateurs dedernier ressort qui déterminent les évaluationset justifient a posteriori des changements deparadigmes. Ils portent sur des objectifs géné-raux concernant le développement, la réductionde la pauvreté et la sécurité.

Certains organismes ont acquis une certaine noto-riété à partir de l’exploitation et de la systématisa-tion de données disponibles (Social Watch,Transparency International…). La mesure de lagouvernance, fondée sur des batteries d’indica-teurs émanant de sources variées mais le plussouvent étrangères aux terrains étudiés, est l’objetde trop de polémiques pour favoriser un débatdémocratique entre les différents acteurs sociauxet témoigner de la perception des phénomènes parles populations.

Favoriser la variété des sources de productionstatistique et leur mise en concurrence est unemanière d’assurer la crédibilité des instruments demesure et l’appropriation de la méthode par lespays récipiendaires. Une coopération statistiqueaccrue entre instituts statistiques du Nord et duSud doit compléter les travaux de rechercheactuellement conduits, notamment par la Banquemondiale. Les indicateurs de gouvernance restenttrès largement manipulés par des experts quiprivilégient les objectifs des commanditairessolvables et favorisent des méthodes et modes de

collecte peu propices aux processus de renforce-ment de la participation politique, de la construc-tion des capacités institutionnelles locales et del’accompagnement des politiques publiques.

Cadres de conception,de restitution, de diffusion

Pour que le dialogue politique s’instaure, desmécanismes et des enceintes d’examen, de débat,de restitution, et de diffusion des résultats sontindispensables.

Les cadres de consultation existants doivent êtreplus interactifs afin de recueillir sur les dossiersglobaux l’éclairage de compétences pluridiscipli-

naires et d’intégrer les préoccupations des diffé-rentes parties prenantes. Ouverts et périodiques,ils ont pour objet d’enrichir la méthodologie,d’émettre des recommandations sur les politiques,les programmes et les opérateurs et de sensibiliser.

Ainsi la revue par les pairs est un cadre de restitu-tion dont la connotation est plus politique quetechnique ou administrative. Elle suppose l’exis-tence d’un destin partagé, d’un projet commun,de dispositifs institutionnels ou historiques quirendent légitimes et recevables l’investigationextérieure et l’examen collégial. C’est selon ce

Un exemple de coopération juridique :la Maison vietnamo-française du droit à Hanoï.

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processus que l’Union européenne et l’OCDE ontpu mettre en oeuvre dans des domaines où n’exis-taient pas de normes, des mécanismes originauxde recherche de cohésion puis identifier peu àpeu, par leurs examens réciproques et bien-veillants, des corps de préconisations. Lanouveauté et le défi du NEPAD tiennent en grandepartie au choix de cette approche à l’échelle d’unerégion caractérisée par ses cloisonnements et sesdivisions.

A l’échelle locale, les audits sociaux constituent denouveaux moyens de planification et de contrôlede l’action publique qui renforce le capital social.Les populations cibles sont invitées à participer àla conception et à la collecte des données; l’ana-lyse est principalement fondée sur leurs élémentsd’appréciation; la socialisation des travaux permet

la reddition publique des comptes et une appro-priation accrue des politiques et programmes parles bénéficiaires. Expérimentées par des institutsde recherche et des ONG, ces approches méritentd’être encouragées et intégrées dans les évalua-tions commandées et conduites par les bailleursde fonds.

Notre soutien aux conditionnalités politiques défi-nies dans le cadre européen est sans réserve.Jusqu’à présent, celles-ci se manifestent surtoutpar la menace d’une suspension de la coopérationdans son ensemble et peinent à trouver leurstraductions dans les instruments de suivi desprogrammes. Pour ce faire, des éléments d’appré-ciation, de mesure et de prise en compte de lagouvernance doivent être établis pour accompa-gner les dynamiques de réforme.

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1. La création d’une structure « gouvernance »

Les termes « coopération technique », « développement institutionnel » ou « coopération admi-nistrative » et les structures actuelles prenant en charge ces domaines sont inadaptés à la politiquede coopération dont nous préconisons la mise en œuvre et qui est caractérisée par le décloisonne-ment des politiques publiques, la recherche de nouveaux partenariats et la construction d’unegouvernance mondiale.

A l’instar, par exemple, du Department for international development (DFID) britannique quicomporte une Direction de la gouvernance, il est recommandé de créer, au sein de la DGCID, unservice similaire regroupant au moins les attributions relevant actuellement de la sous-direction dela coopération institutionnelle et partiellement celles de la mission des appuis financiers et desétudes économiques. Sera ainsi mieux pris en compte le caractère transversal des actions condui-tes au bénéfice de la gouvernance.

Deux cellules, l’une chargée des relations avec les organisations multilatérales et l’autre chargée del’évaluation des actions de coopération de ce secteur devront lui être rattachées.

Cette nouvelle structure permettra de capitaliser les savoir-faire, les expertises et de mieux définiret argumenter les positions françaises dans les instances internationales.

Pour relayer sur le terrain les orientations de ce service définies dans le cadre du Comité intermi-nistériel de la Coopération internationale et du Développement, des postes de conseillers gouver-nance ou d’assistants techniques régionaux seront créés ( exemple à Bruxelles auprès de laReprésentation permanente française et en Afrique de l’Ouest). Positionnés soit auprès des organi-sations multilatérales, soit dans les principales zones de notre coopération bilatérale, ces conseillersou assistants techniques régionaux auront pour mission d’assurer une coordination permanente denotre aide bilatérale avec les autres partenaires au développement, de concevoir et de mettre enœuvre des projets mobilisateurs du Fonds de solidarité prioritaire et d’apporter leur expertise auxservices de coopération et d’action culturelle (SCAC).

2. Le renforcement des qualifications des personnels

Cette réforme doit s’accompagner d’une exigence de qualification accrue des personnels de l’ad-ministration centrale et des SCAC. Les agents des services opérationnels de la nouvelle structurecentrale, les attachés de coopération chargés des actions relevant de la gouvernance et lesconseillers régionaux devront suivre périodiquement des stages de formation et de perfectionne-ment, éventuellement régionalisés. Un système d’évaluation des compétences, semblable à celuimis en place par les grandes agences de développement, sera progressivement pris en compte pourl’affectation des agents afin de renforcer au sein du ministère des Affaires étrangères la culture dela gouvernance.

RECOMMANDATIONSLes dix recommandations suivantes sont proposées à la réflexion despraticiens de la coopération française. Elles n’engagent pas à ce stadenotre politique d’aide mais constituent notre cadre de travail.

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3. La capitalisation des expériences et la conceptualisation

Il est temps de tirer les enseignements des réalisations et des échecs des coopérations en matièrede gouvernance, en particulier dans les domaines de la justice, de la sécurité, de la fiscalité, desdouanes et de la réforme de l’Etat. Les conseillers régionaux gouvernance seront chargés d’organi-ser les échanges d’expérience avec les pays et agences partenaires.

Les interventions de notre coopération, nombreuses et diversifiées dans le domaine des appuis aurenforcement institutionnel, doivent faire l’objet d’un travail de conceptualisation permanent. Desgroupes de travail ad hoc seront créés sur l’exemple du groupe « la gouvernance au Sud » qui asso-cie des experts et responsables de la coopération française, de l’Agence intergouvernementale de laFrancophonie et des pays du Sud provenant de divers horizons.

Cet apport conceptuel doit être relayé par une présence française accrue et plus régulière dans lescolloques et enceintes de réflexion concernant la gouvernance. Il reviendra à la nouvelle structureconsacrée à la gouvernance de mobiliser les experts universitaires, les hauts fonctionnaires et lesreprésentants des collectivités territoriales et de la société civile pour capitaliser les expériences etmettre au débat leurs propositions.

4. La mise en place de pôles de compétences

Pour compléter le dispositif, il est recommandé de créer des pôles de compétences à vocationopérationnelle dans les principaux domaines de notre intervention (justice, sécurité publique,modernisation de l’administration…).

Ces pôles seront des réservoirs d’expertise qui peuvent revêtir des formes différentes selon lesdomaines et zones d’intervention. Ils partageront certains traits :

➤ une organisation de type réseau avec un responsable désigné, des adresses électroniques, unvivier d’experts, une liste des compétences mobilisables et des bases de données,

➤ un pilotage du ministère des Affaires étrangères (DGCID) associant les autres ministères,

➤ une capacité à mobiliser les compétences d’une expertise pointue et d’une assistance techniquede conduite de projets, de bureaux d’études, et d’universités ou centres de recherche.

Ces pôles de compétences contribueront à enrichir la stratégie gouvernance par la capitalisation del’expérience acquise, l’intégration de la dimension régionale, la prise en compte des incidencessocioculturelles des interventions et la définition d’indicateurs de performance.

5. Une meilleure appréciation de l’environnement socio-culturel

Grâce aux pôles de compétences et aux conseillers gouvernance les réalités locales devraient êtremieux appréhendées. Le responsable du pôle de compétences sera consulté préalablement à touteélaboration de projet bilatéral. Les évaluations des projets, désormais systématiques, contribuerontà réduire les écarts actuellement constatés entre les objectifs et les résultats obtenus.

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Dans le cadre des programmes mobilisateurs, des programmes d’enquêtes, des études thématiquesseront lancés pour des pays cibles. Les données disponibles sur chaque pays, régulièrement actua-lisées, seront mises en ligne par le service de la coordination géographique.

6. Le renforcement des capacités statistiques

La priorité donnée à la mesure et au suivi de l’efficacité des politiques de développement font dela recherche sur la production et la diffusion des données et du soutien aux capacités statistiquesdes pays en développement un pilier de la gouvernance. C’est en étroite liaison avec la commu-nauté internationale, au sein de l’OCDE, que la coopération française et l’INSEE apporteront leurconcours aux initiatives prises par les équipes de travail du partenariat statistique au service dudéveloppement au 21e siècle (PARIS 21).

L’appui à la mise en œuvre du système général de diffusion des données, le soutien à la demandelocale en statistiques sur les thématiques de la gouvernance, la relation avec les cadres stratégiquesde lutte contre la pauvreté, l’instauration de capacités nationales durables, l’intégration des systè-mes de données dans la planification et la gestion des pays en développement constitueront lesaxes privilégiés de cette politique.

C’est pourquoi, la France contribuera au projet « Measuring human rights, democracy and good gover-nance » (METAGORA) coordonné par l’OCDE en cofinancement avec EUROSTAT, la Suisse et laSuède. Les outils, méthodes et réseaux statistiques mis en œuvre dans le cadre de ce projet-pilotedevraient permettre de disposer d’informations et d’analyses de terrain plus pertinentes sur l’inci-dence d’une gouvernance démocratique au regard du développement.

7. L’ identification et la mise en œuvre de programmestransversaux

L’ appui aux politiques sectorielles, à travers les projets du Fonds de Solidarité prioritaire « justice », « police » ou « finances publiques » a fait l’objet d’évaluations critiques. Il est recom-mandé d’adopter une approche plus transversale, prenant en considération les différents aspects dela gouvernance et mettant ainsi en synergie les politiques sectorielles. Ces programmes serontconçus selon une méthode participative privilégiant la dynamique interne et optimisant les appuissectoriels.

En outre, la coopération française continuera de développer des actions régionales. Elle participeradavantage, grâce à la mise en place du nouveau dispositif, aux programmes favorisant l’intégrationrégionale soutenus par la communauté des bailleurs.

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8. Le renforcement de la démocratie locale

Afin de permettre aux pays pauvres très endettés de bénéficier pleinement de l’initiative de réduc-tion de la dette et de son volet français des contrats de désendettement et développement (C2D),trois objectifs prioritaires seront poursuivis dans nos programmes :

➤ le renforcement des capacités de gouvernance des collectivités locales, en particulier des muni-cipalités, par des appuis à la rénovation du système d’état civil, le renforcement des compéten-ces en maîtrise d’ouvrage, la recherche de solutions mieux adaptées aux réalités foncières, lamaîtrise de la gestion des ressources naturelles et financières et l’amélioration de la gestion patri-moniale,

➤ la mise en place de politiques d’aménagement du territoire par une approche interministériellepermettant une intégration des politiques sectorielles nationales sur le plan local et de décon-centration de l’administration par des programmes de formation adaptés et des dotations enmoyens humains et matériels,

➤ le soutien aux acteurs non gouvernementaux qui apporteront leur contribution dans les démar-ches participatives visant à l’élaboration de projets locaux et au développement de synergiesinter-sectorielles.

9. Le développement des relations bi-multilatérales

Les interventions de la France s’inscrivent désormais dans le cadre du Document Stratégique Payset contribuent à la mise en œuvre des Programmes nationaux de bonne gouvernance pilotés par lePNUD. La promotion de la gouvernance démocratique ne peut résulter que d’une action coor-donnée des principaux bailleurs. La France doit prendre une part active à cette coordination.

Nos actions de coopération cibleront des domaines où existent des politiques sectorielles nationa-les affichées et cohérentes, où un véritable partenariat est possible et où notre offre de coopérationcomporte une forte valeur ajoutée.

Les interventions ponctuelles seront limitées et justifiées par les SCAC, de façon à ce qu’elles nenuisent pas à la visibilité de nos interventions principales.

Une place plus importante sera donnée aux financements de projets conjoints bi/multilatéraux parle recours aux fonds fiduciaires ou à des fonds spécialisés.

10. L’animation de réseaux

Le développement de politiques intégrées et les facilités offertes par les technologies de l’informa-tion et de la communication permettent la constitution de « réseaux gouvernance ». La participa-tion de responsables et d’experts du Sud à ces réseaux sera encouragée.

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Notre soutien portera, en particulier, sur la collecte locale d’informations et d’échanges d’expé-riences. Trois domaines sont concernés :

➤ les réseaux de recherche et de proposition ou « think tanks ». Afin de pallier la faiblesse des réseauxfrançais et francophones, un travail associera des équipes de recherche des centres universitairesd’excellence, des organismes de solidarité et des responsables publics du Nord et du Sud. Lesanciens auditeurs et élèves étrangers de l’ENA seront intégrés dans ces réseaux et feront l’objetd’un suivi particulier. Les travaux du groupe « La gouvernance au Sud » seront articulés avecceux du réseau « Lutte contre la pauvreté et les inégalités ».

➤ les réseaux institutionnels. La promotion de la gouvernance, de la démocratie et des droits del’Homme doit être envisagée en associant étroitement les institutions françaises de référence (leHaut conseil de la coopération internationale, la Commission nationale consultative des droitsde l’Homme… ) et les Organisations de solidarité internationale (la Fédération internationale desdroits de l’Homme, Penal reform international, Prisonniers sans frontières…), notamment dansles domaines où elles ont établi des partenariats privilégiés avec leurs homologues. Medias,syndicats, conseils économiques et sociaux, chambres de commerce, organisations socioprofes-sionnelles concourent à l’expression diversifiée de la société civile et doivent être, à ce titre, desacteurs reconnus de la gouvernance démocratique.

➤ la coopération décentralisée. Un soutien aux partenariats entre collectivités locales permettra dedensifier les actions des collectivités territoriales et de les intégrer dans les pôles de compéten-ces. D’une part, elles y gagneront en visibilité et d’autre part, elles pourront davantage articulerleurs actions avec les projets bilatéraux de notre coopération et avec les grands programmes dedéveloppement conduits par les opérateurs étrangers.

Une gouvernance démocratique propose une éthique de responsabilitéet rompt avec la reconduction de formes archaïques de domination oude formes appauvries d’homogénéité culturelle et ethnique. Elleconcourt à une intégration mondiale plus équitable et pacifique. C’estcette vision de la mondialisation que la France veut promouvoir.

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ANNEXE

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1

Communiqué final de la Table ronde du 25 mars 2002

Les enjeux de la gouvernance dans les politiques de coopération

En organisant à la Maison de la Chimie, un débat sur la gouvernance, la DGCID a pris l’initiative deprésenter les travaux qu’elle conduit sur ce thème au sein de différents groupes de travail et de lessoumettre aux observations et critiques de l’ensemble de ses partenaires. Cette journée était destinée àenrichir la réflexion en cours et à nourrir le dialogue que le concept de gouvernance amène à dévelop-per avec l’ensemble des acteurs de la coopération. Elle constitue la première étape d’un travail quidevrait aboutir à la définition d’une contribution française sur ce thème et à une meilleure coordinationde notre coopération avec celles des autres bailleurs de fonds.

Un peu plus de quatre-vingts personnes se sont réunies pour l’occasion, dont les membres des comitésde pilotage qui ont accompagné les travaux d’évaluation et d’étude présentés lors de la journée, lesresponsables des services internationaux des départements ministériels et des organismes de coopéra-tion français. Etaient également représentés la société civile (HCCI) et le monde universitaire, ainsi queles organismes multilatéraux et régionaux (PNUD, Banque Mondiale, OCDE, Programme deDéveloppement Municipal (PDM), Observatoire des Fonctions Publiques Africaines (OFPA).

La journée a été organisée autour de quatre groupes qui ont présenté les travaux en cours :

➤ le groupe de travail interministériel sur l’évaluation de l’efficacité de la coopération, dans le cadredu CICID, effectue une analyse rétrospective de la coopération administrative mise en œuvre parla France au cours des dix dernières années. Les Ambassadeurs André Lewin et Henri de Coignacet le consultant Jean-Claude le Goff, qui ont participé à cet exercice d’évaluation, en ont tiré lesprincipaux enseignements pouvant être versés au débat sur la gouvernance.

➤ le groupe de travail « Droits de l’Homme, gouvernance et coopération internationale » du HautConseil de la Coopération Internationale s’est employé à mieux définir la légitimité, les finalités,l’opérationalité du concept de gouvernance afin de nous aider à établir une « doctrine française »au service de la coopération pour le développement.

➤ Les consultants Pierre Meyer et Richard Banegas, à qui la DGCID a confié une étude sur la gouver-nance intitulée « stratégies comparées et choix opérationnels » ont présenté les conclusions préli-minaires de leurs travaux. Cette intervention a permis de retracer la genèse et l’évolution duconcept de gouvernance, de comparer les stratégies des différents bailleurs de fonds, d’examinerl’application et les effets des politiques de gouvernance dans deux pays (Ouganda et Burkina). Lesmembres du comité de pilotage, qui ont accompagné cette étude, ont complété cette restitutionpar l’état des travaux et des réflexions en cours parmi les acteurs de la coopération française.

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➤ Le groupe de travail créé au sein de la sous-direction de la coopération institutionnelle sur lagouvernance au sud a demandé à deux coordinateurs de programmes régionaux, M. Jacques-Mariel Nzouankeu, de l’Observatoire des Fonctions Publiques Africaines, et M. Jean-Pierre ElongMbassi, du Programme de Développement Municipal, d’exprimer le point de vue des partenairesde la coopération française.

La Table ronde a bénéficié d’apports et d’expériences variés qui se trouvent rarement confrontés les unsaux autres : ceux d’évaluateurs, de praticiens de la coopération institutionnelle, de chercheurs, desresponsables des services gouvernance de la Banque Mondiale, du PNUD et de l’OCDE, de coordina-teurs d’organismes régionaux francophones. L’objectif de débattre et d’envisager de nouvelles perspec-tives de coopération a été largement atteint ; tous les participants ayant exprimé leur point de vue defaçon libre et ouverte, comme ils y avaient été invités.

Quatre points méritent d’être relevés :

➤ Compte tenu de la part croissante de sa coopération multilatérale – un tiers de l’APD -, la Francene peut rester en retrait des politiques de gouvernance qui conditionnent de plus en plus l’affec-tation des fonds multilatéraux. Elle doit coordonner son action avec l’ensemble des bailleurs defonds pour la mise en œuvre des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté. Considérantqu’une position d’exception qui placerait nos actions hors du jeu international serait dommagea-ble, le directeur général a invité l’ensemble des participants de la Table ronde à réinterpréter laproblématique de la gouvernance.

➤ Il est toutefois apparu que la bonne gouvernance exprime une exigence du Nord qui peut cons-tituer une ingérence. Les bailleurs de fonds lui donnent des acceptions et des formes variées, voirecontradictoires. Leurs objectifs divergent, privilégiant selon les cas la libéralisation économique etfinancière, ou la démocratisation et le multipartisme et dissimulent souvent une baisse de l’APD.

➤ Les Etats des pays récipiendaires n’y adhèrent le plus souvent qu’en apparence. Les consultantsde l’étude commandée par la DGCID et les représentants des structures régionales d’Afrique fran-cophone ont démontré que les programmes conçus dans ce cadre sont détournés de leurs objec-tifs, voire instrumentalisés à des fins politiques au détriment des populations. L’exemple des effetspervers de l’aide financière aux processus électoraux a été plus particulièrement analysé.

➤ Dès lors, la contribution de la coopération française à une conception sincère et opérationnelle dela gouvernance doit procéder selon une approche empirique fondée sur des expériences propreset sur celles de ses partenaires, notamment en Afrique sub-Saharienne.

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ANNEXE

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Extraits de l’Accord ACP-CE de Cotonou du 23 juin 2000

TITRE IILA DIMENSION POLITIQUE

Article 9

Eléments essentiels et élément fondamental

1. La coopération vise un développement durable centré sur la personne humaine, qui en est l’acteuret le bénéficiaire principal, et postule le respect et la promotion de l’ensemble des droits del’homme.Le respect de tous les droits de l’homme et des libertés fondamentales, compris le respect des droitssociaux fondamentaux, la démocratie basée sur l’Etat de droit, et une gestion transparente etresponsable des affaires publiques font partie intégrante du développement durable.

2. Les parties se réfèrent à leurs obligations et à leurs engagements internationaux en matière derespect des droits de l’homme. Elles réitèrent leur profond attachement à la dignité et aux droitsde l’homme qui constituent des aspirations légitimes des individus et des peuples. Les droits del’homme sont universels, indivisibles et interdépendants. Les parties s’engagent à promouvoir etprotéger toutes les libertés fondamentales et tous les droits de l’homme, qu’il s’agisse des droitscivils et politiques, ou économiques, sociaux et culturels. L’égalité entre les hommes et les femmesest réaffirmée dans ce contexte.Les parties réaffirment que la démocratisation, le développement et la protection des libertésfondamentales et des droits de l’homme sont interdépendants et se renforcent mutuellement. Lesprincipes démocratiques sont des principes universellement reconnus sur lesquels se fonde l’orga-nisation de l’Etat pour assurer la légitimité de son autorité, la légalité de ses actions qui se reflètedans son système constitutionnel, législatif et réglementaire, et l’existence de mécanismes de parti-cipation. Sur la base des principes universellement reconnus, chaque pays développe sa culturedémocratique.L’Etat de droit inspire la structure de l’Etat et les compétences des divers pouvoirs, impliquant enparticulier des moyens effectifs et accessibles de recours légal, un système judiciaire indépendantgarantissant l’égalité devant la loi et un exécutif qui est pleinement soumis au respect de la loi.

Le respect des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l’Etat de droit, sur lesquels sefonde le partenariat ACP-UE, inspirent les politiques internes et internationales des parties et cons-tituent les éléments essentiels du présent accord.

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3. Dans le cadre d’un environnement politique et institutionnel respectueux des droits de l’homme,des principes démocratiques et de l’Etat de droit, la bonne gestion des affaires publiques se défi-nit comme la gestion transparente et responsable des ressources humaines, naturelles, écono-miques et financières en vue du développement équitable et durable. Elle implique des procédu-res de prise de décision claires au niveau des pouvoirs publics, des institutions transparentes etsoumises à l’obligation de rendre compte, la primauté du droit dans la gestion et la répartition desressources, et le renforcement des capacités pour l’élaboration et la mise en œuvre de mesuresvisant en particulier la prévention et la lutte contre la corruption.La bonne gestion des affaires publiques, sur laquelle se fonde le partenariat ACP-UE, inspire lespolitiques internes et internationales des parties et constitue un élément fondamental du présentaccord. Les parties conviennent que seuls les cas graves de corruption, active et passive, tels quedéfinis à l’article 97 constituent une violation de cet élément.

4. Le partenariat soutient activement la promotion des droits de l’homme, les processus de démo-cratisation, la consolidation de l’Etat de droit et la bonne gestion des affaires publiques.Ces domaines constituent un élément important du dialogue politique. Dans le cadre de ce dialo-gue, les parties accordent une importance particulière aux évolutions en cours et au caractèrecontinu des progrès effectués. Cette évaluation régulière tient compte de la situation économique,sociale, culturelle et historique de chaque pays.Ces domaines font également l’objet d’une attention particulière dans l’appui aux stratégies dedéveloppement. La Communauté apporte un appui aux réformes politiques, institutionnelles etjuridiques, et au renforcement des capacités des acteurs publics, privés et de la société civile, dansle cadre des stratégies qui sont décidées d’un commun accord entre l’Etat et la Communauté.

Article 33

Développement institutionnel et renforcement des capacités

1. La coopération accorde une attention systématique aux aspects institutionnels et, dans ce contexte,appuie les efforts des Etats ACP pour développer et renforcer les structures, les institutions et lesprocédures qui contribuent à :

➤ promouvoir et soutenir la démocratie, la dignité humaine, la justice sociale et le pluralisme, dansle respect total de la diversité au sein des sociétés et entre elles ;

➤ promouvoir et soutenir le respect universel et intégral ainsi que la protection de tous les droitsde l’homme et libertés fondamentales ;

➤ développer et renforcer l’Etat de droit et à améliorer l’accès à la justice, tout en garantissant leprofessionnalisme et l’indépendance des systèmes juridiques, et

➤ assurer une gestion et une administration transparentes et responsables dans toutes les institu-tions publiques.

2. Les parties œuvrent ensemble pour lutter contre la fraude et la corruption à tous les niveaux de lasociété.

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3. La coopération appuie les efforts des Etats ACP pour développer leurs institutions publiquescomme facteur dynamique de croissance et de développement, et pour améliorer de manière signi-ficative l’efficacité et l’impact des services publics sur la vie quotidienne des citoyens. Dans cecontexte, la coopération soutient la réforme, la rationalisation et la modernisation du secteurpublic. La coopération se concentre plus précisément sur :

➤ la réforme et la modernisation de la fonction publique ;

➤ les réformes juridiques et judiciaires et la modernisation des systèmes de justice ;

➤ l’amélioration et le renforcement de la gestion des finances publiques ;

➤ l’accélération des réformes du secteur bancaire et financier ;

➤ l’amélioration de la gestion des actifs publics et la réforme des procédures de marchés publics,et

➤ la décentralisation politique, administrative, économique et financière.

4. La coopération contribue également à reconstituer et/ou à augmenter la capacité critique dusecteur public, et à soutenir les institutions indispensables à une économie de marché, en parti-culier en vue de :

➤ développer les capacités juridiques et réglementaires nécessaires au bon fonctionnement d’uneéconomie de marché, y compris les politiques de concurrence et de consommateurs ;

➤ améliorer la capacité d’analyse, de prévision, de formulation et de mise en œuvre des politiques,notamment dans les domaines économique, social et environnemental, de la recherche, de lascience et de la technologie, ainsi que des innovations ;

➤ moderniser, renforcer et réformer les établissements financiers et monétaires et d’améliorer lesprocédures ;

➤ créer, au niveau local et municipal, la capacité nécessaire à la mise en œuvre d’une politique dedécentralisation, et d’accroître la participation de la population au processus de développement ;

➤ développer les capacités dans d’autres domaines critiques, tels que :i) les négociations internationales etii) la gestion et la coordination de l’aide extérieure.

5. La coopération vise, dans tous les domaines et secteurs, à favoriser l’émergence d’acteurs nongouvernementaux et le développement de leurs capacités et à renforcer les structures d’informa-tion, de dialogue et de consultation entre ces acteurs et les pouvoirs publics, y compris à l’éche-lon régional.

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ANNEXE

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Déclaration de BAMAKO du 3 novembre 2000

Déclaration de Bamako adoptée lors du symposium international sur le bilan des pratiquesde la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone

Nous, Ministres et chefs de délégation des Etats et gouvernements des pays ayant le français en partage,réunis à Bamako pour le Symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droitset des libertés dans l’espace francophone,

Nous fondant : sur les dispositions de la Charte de la Francophonie, qui consacrent comme objectifsprioritaires l’aide à l’instauration et au développement de la démocratie, la prévention des conflits et lesoutien à l’Etat de droit et aux droits de l’Homme,

Rappelant : l’attachement de la Francophonie à la Déclaration universelle des droits de l’Homme et auxChartes régionales, ainsi que les engagements des Sommets de Dakar (1989), de Chaillot (1991), deMaurice (1993), de Cotonou (1995), de Hanoï (1997) et de Moncton (1999),

Inscrivant : notre action dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation aux droitsde l’Homme (1995-2004),

Considérant : l’action d’accompagnement des processus démocratiques menée par la Francophonie cesdix dernières années,

Soucieux : de progresser vers la démocratie par le développement économique et social et une justerépartition des ressources nationales pour un accès égal à l’éducation, à la formation, à la santé et à l’em-ploi,

Souhaitant répondre : à l’objectif fixé au Sommet de Moncton, de tenir un Symposium internationalsur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone, pourapprofondir la concertation et la coopération en faveur de l’Etat de droit et de la culture démocratique,et d’engager ainsi une étape nouvelle dans le dialogue des Etats et gouvernements des pays ayant le fran-çais en partage, pour mieux faire ressortir les axes principaux tant de leur expérience récente que deleur spécificité.[…]Prenons les engagements suivant

A. Pour la consolidation de l’Etat de droit

➤ Renforcer les capacités des institutions de l’Etat de droit, classiques ou nouvelles, et œuvrer en vuede les faire bénéficier de toute l’indépendance nécessaire à l’exercice impartial de leur mission ;

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➤ Encourager le renouveau de l’institution parlementaire, en facilitant matériellement le travail desélus, en veillant au respect de leurs immunités et en favorisant leur formation ;

➤ Assurer l’indépendance de la magistrature, la liberté du Barreau et la promotion d’une justice effi-cace et accessible, garante de l’Etat de droit, conformément à la Déclaration et au Plan d’actionquinquennal du Caire adoptés par la IIIème Conférence des Ministres francophones de la justice ;

➤ Mettre en œuvre le principe de la transparence comme règle de fonctionnement des institutions ;

➤ Généraliser et accroître la portée du contrôle, par des instances impartiales, sur tous les organes etinstitutions, ainsi que sur tous les établissements, publics ou privés, maniant des fonds publics ;

➤ Soutenir l’action des institutions mises en place dans le cadre de l’intégration et de la coopérationrégionales, de manière à faire émerger, à ce niveau, une conscience citoyenne tournée vers le déve-loppement, le progrès et la solidarité ;

B. Pour la tenue d’élections libres, fiables et transparentes

➤ S’attacher au renforcement des capacités nationales de l’ensemble des acteurs et des structuresimpliqués dans le processus électoral, en mettant l’accent sur l’établissement d’un état civil et delistes électorales fiables ;

➤ S’assurer que l’organisation des élections, depuis les opérations préparatoires et la campagne élec-torale jusqu’au dépouillement des votes et à la proclamation des résultats, y inclus, le cas échéant,le contentieux, s’effectue dans une transparence totale et relève de la compétence d’organes crédi-bles dont l’indépendance est reconnue par tous ;

➤ Garantir la pleine participation des citoyens au scrutin, ainsi que le traitement égal des candidatstout au long des opérations électorales ;

➤ Impliquer l’ensemble des partis politiques légalement constitués, tant de la majorité que de l’op-position, à toutes les étapes du processus électoral, dans le respect des principes démocratiquesconsacrés par les textes fondamentaux et les institutions, et leur permettre de bénéficier de finan-cements du budget de l’Etat ;

➤ Prendre les mesures nécessaires pour s’orienter vers un financement national, sur fonds public, desélections ;

➤ Se soumettre aux résultats d’élections libres, fiables et transparentes ;

C. Pour une vie politique apaisée

➤ Faire en sorte que les textes fondamentaux régissant la vie démocratique résultent d’un largeconsensus national, tout en étant conformes aux normes internationales, et soient l’objet d’uneadaptation et d’une évaluation régulières ;

➤ Faire participer tous les partis politiques, tant de l’opposition que de la majorité, à la vie politiquenationale, régionale et locale, conformément à la légalité, de manière à régler pacifiquement lesconflits d’intérêts ;

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➤ Favoriser la participation des citoyens à la vie publique en progressant dans la mise en place d’unedémocratie locale, condition essentielle de l’approfondissement de la démocratie ;

➤ Prévenir, et le cas échéant régler de manière pacifique, les contentieux et les tensions entre grou-pes politiques et sociaux, en recherchant tout mécanisme et dispositif appropriés, comme l’amé-nagement d’un statut pour les anciens hauts dirigeants, sans préjudice de leur responsabilité pénaleselon les normes nationales et internationales ;

➤ Reconnaître la place et faciliter l’implication constante de la société civile, y compris les ONG, lesmédias, les autorités morales traditionnelles, pour leur permettre d’exercer, dans l’intérêt collectif,leur rôle d’acteurs d’une vie politique équilibrée ;

➤ Veiller au respect effectif de la liberté de la presse et assurer l’accès équitable des différentes forcespolitiques aux médias publics et privés, écrits et audiovisuels, selon un mode de régulationconforme aux principes démocratiques ;

D. Pour la promotion d’une culture démocratique intériorisée et le plein respect des droits del’Homme

➤ Développer l’esprit de tolérance et promouvoir la culture démocratique dans toutes ses dimen-sions, afin de sensibiliser, par l’éducation et la formation, les responsables publics, l’ensemble desacteurs de la vie politique et tous les citoyens aux exigences éthiques de la démocratie et des droitsde l’Homme ;

➤ Favoriser, à cet effet, l’émergence de nouveaux partenariats entre initiatives publiques et privées,mobilisant tous les acteurs engagés pour la démocratie et les droits de l’Homme ;

➤ Ratifier les principaux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’Homme,honorer et parfaire les engagements ainsi contractés, s’assurer de leur pleine mise en œuvre etformer tous ceux qui sont chargés de leur application effective ;

➤ Adopter en particulier, afin de lutter contre l’impunité, toutes les mesures permettant de poursui-vre et sanctionner les auteurs de violations graves des droits de l’Homme, telles que prévues parplusieurs instruments juridiques internationaux et régionaux, dont le Statut de Rome portant créa-tion d’une Cour Pénale Internationale ; appeler à sa ratification rapide par le plus grand nombre ;

➤ Créer, généraliser et renforcer les institutions nationales, consultatives ou non, de promotion desdroits de l’Homme et soutenir la création dans les administrations nationales de structures consa-crées aux droits de l’Homme, ainsi que l’action des défenseurs des droits de l’Homme ;

➤ Prendre les mesures appropriées afin d’accorder le bénéfice aux membres des groupes minoritai-res, qu’ils soient ethniques, philosophiques, religieux ou linguistiques, de la liberté de pratiquer ounon une religion, du droit de parler leur langue et d’avoir une vie culturelle propre ;

➤ Veiller au respect de la dignité des personnes immigrées et à l’application des dispositions perti-nentes contenues dans les instruments internationaux les concernant.

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ANNEXE

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Séminaire Régional « La Gouvernance au Sud » Cotonou,OFPA juillet 2002

Rapport de synthèse des travaux

Le séminaire a porté sur trois sous-thèmes :

➤ gouvernance mondialisation et développement en Afrique

➤ gouvernance et politiques publiques en Afrique

➤ gouvernance et démocratie.

Sur le premier sous-thème nous avons discuté du NEPAD, dans ses aspects opérationnels et égale-ment en ce qui concerne les financements de projets et des actions à entreprendre pour inscrirel’initiative dans la durée. Nous avons passé en revue le rôle de la Francophonie dans le renforce-ment de la gouvernance en Afrique. Nous avons également eu une présentation sur la coopérationadministrative et ses enjeux pour la bonne gouvernance en Afrique. Enfin au cours du dîner-débats, ont été discutées les perspectives nouvelles de la gouvernance en Afrique dans le contextede la mondialisation.

De manière générale, ce premier sous-thème a mis en débat la pertinence du concept de gouver-nance, et les champs et mécanismes de la coopération dans le domaine de la gouvernance. Mêmesi le concept de gouvernance pose un problème de perception et de contenu, surtout pour desgens de culture administrative francophone, nous avons tous admis, qu’il pouvait être porteurd’un renouvellement de nos conceptions compte tenu de fortes demandes de participation despopulations dans les décisions et la gestion publiques. Nous avons également constaté que nosEtats étaient maintenant ouverts à l’observation d’autres Etats, y compris les Etats africains eux-mêmes comme le prévoit le mécanisme de revue des pairs du NEPAD ou celui du suivi despratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone. Nous sommeségalement tombés d’accord que l’Afrique est partie intégrante de dynamique de la mondialisationet ne saurait échapper aux exigences de bonne gouvernance prônées au niveau international. Desréserves ont cependant été exprimées quant au caractère réellement novateur de ce concept, et ducontenu à lui donner par rapport à ce qui se fait déjà par exemple au niveau de la Francophoniesur les droits et libertés.

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Le deuxième sous-thème portait sur la gouvernance et les politiques publiques en Afrique. Nousavons à ce propos débattu des indicateurs de bonne gouvernance et de la problématique de l’in-tégration des valeurs africaines dans l’ordre juridique positif. Le thème des indicateurs a été l’oc-casion de s’interroger sur les approches préconisées par la Banque mondiale et l’OCDE, ainsi quepar l’Union européenne. Il est apparu que la recherche d’indicateurs était maintenant une préoc-cupation de premier ordre, non seulement pour répondre à la nécessité de faire des choix raison-nés en matière de politiques publiques, mais également pour effectuer les ressources en coopéra-tion. Les pays africains sont donc concernés par ces exercices. Mais on peut se demander si lasophistication dans la définition des indicateurs et dans l’exploitation qui peut en être faite(notamment dans les calculs de corrélation), ne va pas au-delà du souhaitable. L’accord s’est faitautour de la nécessité de proposer un nombre limité de critères de bonne gouvernance, quidevraient être négociés entre les parties, avant de se lancer dans les questions de mesure et d’éla-boration des indicateurs. Il nous paraît indispensable que les pays africains soient intimementassociés à ces négociations et que les institutions africaines en charge des questions de gouver-nance et de statistiques aient toute leur place dans ces exercices.

Concernant la prise en compte des valeurs africaines dans le droit positif, les opinions ont été assezcontroversées. Certains ont estimé qu’il était nécessaire de revisiter le droit positif africain comptetenu de ce que 80 % des lois et règlements avaient du mal à s ‘appliquer correctement. Ils y ontvu, soit une inadaptation de certaines de ces lois, soit une prise en compte insuffisante des contex-tes sociologiques d’application. D’autres ont estimé qu’il y avait un risque à mettre en avant leculturalisme, car alors on pourrait permettre ainsi à l’Afrique de se soustraire à bon compte desexigences de l’universalité des quatre principes de base qui fondent la gouvernance, à savoir lareprésentativité, l’alternance, la sincérité et l’honnêteté dans la distinction entre ce qui relève del’intérêt général et ce qui relève de l’intérêt personnel. Nous avons néanmoins reconnu que l’adap-tation aux contextes d’application est une nécessité pour le droit positif. C’est pourquoi il convientde poursuivre la réflexion et les recherches dans ce domaine.

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Le troisième sous-thème portait sur les rapports entre gouvernance et démocratie. Nous avons àce propos discuté de la problématique de la légitimité du pouvoir en Afrique, de la gouvernancelocale, de la transparence et de la réduction de la corruption.

Le rapport entre légitimité et légalité a occupé une large part de nos discussions. Pour certains lalégitimité du pouvoir est à la confluence de trois vecteurs : la légalité, la démocratie, et l’opinioninternationale. Qu’un des vecteurs vienne à manquer, et l’on sort de la légitimité. Pour d’autres elleréside avant tout dans la capacité de la puissance publique à apporter des solutions aux problèmesdes populations. Un Etat légal, démocratique et reconnu par la communauté internationale, maisqui n’apporterait pas de solutions aux problèmes de ses citoyens serait considéré par eux commeillégitime. On est donc en présence d’un dilemme difficile à trancher : qu’est-ce qui est important,est-ce que ce sont les procédures formelles qui donnent à l’établissement d’indicateurs de gouver-nance, ou est-ce que le seul consentement des populations suffit à fonder la légitimité ? La pratiquedes gouvernements africains montre les difficultés à trancher ce débat.

Concernant la gouvernance locale, le niveau local est celui où doivent s’articuler au mieux démo-cratie et développement. Les décentralisations menées jusqu’ici en Afrique n’ont pas toujours cettepréoccupation et se sont souvent limitées à l’aspect administratif et politique. C’est d’ailleurs ce quiexplique que de nombreux Etats se lancent dans la mise en place de plusieurs niveaux de décen-tralisation dont le fonctionnement sera difficile. L’engouement observé pour la décentralisationpeut aussi refléter une défiance vis-à-vis de l’Etat central avec pour résultat de fragiliser et lescollectivités locales et l’Etat central et ses représentations locales. Il est en conséquence importantde conduire les réformes de décentralisation en respectant le principe de précaution et deprudence. Les crispations qui peuvent résulter de la confrontation au niveau local des pouvoirstraditionnels et de ceux de l’Etat moderne, d’une part, et des élus locaux avec les représentants del’Etat de l’autre, mettent à l’ordre du jour la nécessité de conduire des médiations pour éviter lesrisques de conflits ouverts préjudiciables à la construction de l’Etat de droit. La mise en place detelles capacités de médiation doit être prise en compte dans les appuis aux processus de décentra-lisation. Certains se sont demandés si les médiateurs institutionnels pouvaient faire cet office, sansqu’aucune réponse claire ait été apportée à cette question.

Sur la transparence et la réduction de la corruption, nous nous sommes entendus pour estimer quele titre de cette table-ronde ne reflétait pas la détermination de nombreux Etats africains de luttercontre la corruption. Ceci étant, beaucoup se sont demandé si la corruption devait être considé-rée comme toxique ou tonique. Un accord général s’est fait autour de l’idée que la corruption étaitfavorisée par l’état de pauvreté, et qu’une manière efficace de lutter contre la corruption était depromouvoir le développement. Mais de toute évidence il faut baisser la tolérance à la corruption,par des actions appropriées alliant une large gamme de mécanismes et outils allant de la préven-tion aux sanctions, en passant par l’information et la formation.

Nous avons pris connaissance des efforts que le PNUD mène pour la gouvernance au Bénin, etpour coordonner les interventions des différents partenaires dans ce champ. Nous nous sommesfélicités de ces efforts.

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Introduction du Rapport PNUD sur le Développement humain 2002

« Approfondir la démocratie dans un monde fragmenté »

Le Rapport mondial sur le développement humain 2002 est centré sur l’idée que la réussite dudéveloppement est autant une affaire de politique que d’économie. Réduire durablement la pauv-reté nécessite une croissance équitable, mais également un pouvoir politique pour les pauvres. Lemeilleur moyen d’y parvenir sans perdre de vue les objectifs du développement humain consisteà mettre en place des modes de gouvernance démocratique solides et profondément enracinés, àtous les niveaux de la société.

Cette approche reste toutefois controversée. Nombre de ses détracteurs estiment que la démocra-tie, en particulier dans les pays en développement, tend à être trop désordonnée, trop peu maîtri-sée et trop sujette aux manipulations et aux abus pour pouvoir engendrer la stabilité et la conti-nuité indispensables aux réformes sociales et économiques de grande ampleur. Mais, comme ledémontre cet ouvrage, ces arguments sont doublement erronés.

Premièrement, s’il y a lieu de mener un vrai débat sur les politiques et pratiques les plus à mêmed’assurer la croissance économique, les régimes démocratiques n’ont pas, in fine, à rougir de leursrésultats économiques face aux autres formes de gouvernement. Et ils réussissent nettement mieuxà répondre aux priorités sociales, surtout lors des crises ou des mutations qui affectent avant toutles individus pauvres. Deuxièmement, et c’est un aspect tout aussi essentiel, la participation démo-cratique est un instrument clé du développement, pas seulement l’une de ses résultantes.

Néanmoins, qu’il s’agisse des systèmes de gouvernance mondiale qui sont confrontés à la myriadede défis posés par l’interdépendance accrue des pays, des gouvernements nationaux qui s’effor-cent de répondre aux besoins de leurs citoyens, ou des entreprises et autres acteurs privés natio-naux et mondiaux bousculés par les évolutions économiques, sociales et technologiques de cesdernières décennies, la gouvernance démocratique n’est manifestement pas encore une réalité.

Ce rapport montre également que, si les tendances actuelles se poursuivent, une proportion signi-ficative d’Etats ne seront pas en mesure de réaliser les Objectifs de développement du Millénaire,y compris le plus important d’entre eux : réduire l’extrême pauvreté de moitié d’ici 2015.Beaucoup de pays sont aujourd’hui plus pauvres qu’il y a 10, 20, voire 30 ans. Tout aussi inquié-tant, l’accès d’euphorie qui a fait grimper à 140, au cours des 15 dernières années, le nombre depays parés d’un grand nombre des attributs de la démocratie – élections multipartites, en parti-culier – commence à céder la place à la frustration et au désespoir.

Malgré des exceptions notables qui méritent d’être saluées, les pouvoirs publics de beaucoup deces pays ne sont encore parvenus ni à procurer les emplois et les services si nécessaires auxcitoyens ni à garantir la sécurité des individus. Les jeunes démocraties, et même certaines démo-

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craties anciennes, sont de plus en plus nombreuses à renouer avec les pratiques autoritaires : leursdirigeants modifient la constitution, brident un pouvoir législatif en judiciaire déjà faible oumanipulent ouvertement les scrutins, ce qui a souvent des effets dévastateurs sur le développe-ment humain.

Par ailleurs, dans les pays où la règle du gouvernement par la majorité sortie des urnes est bienancrée, c’est dans beaucoup de cas au détriment des droits de la minorité : trop fréquemment,faute de culture démocratique, ceux qui perdent les élections sont persécutés par les vainqueursou refusent d’accepter des résultats électoraux pourtant légitimes. Or, en démocratie, le respectdes règles s’impose non seulement au gouvernement, mais également à l’opposition.

Conséquence : dans plusieurs de ces pays, et dans de nombreux autres qui n’ont pas même faitle premier pas vers la démocratie, colère et frustration montent au sein de la population, en parti-culier chez les jeunes. Cette contestation amène à s’en prendre à la fois aux régimes existants etaux forces impersonnelles de la mondialisation. Dans les cas les plus extrêmes, des mouvementsradicaux ou fondamentalistes recourent à la violence pour exprimer leurs griefs.

Les attentats du 11 septembre 2001, et leurs répercussions mondiales, en sont une tragique illus-tration.

Depuis quelques années, décideurs et experts du développement décrivent volontiers la bonnegouvernance comme le « chaînon manquant » entre croissance équilibrée et réformes écono-miques dans les pays en développement. Cependant, l’attention se concentre presque exclusive-ment sur les processus économiques et l’efficience administrative.

Le message central du Rapport mondial sur le développement humain 2002 est le suivant : l’ef-ficacité de la gouvernance est la clé du développement humain et, pour trouver des solutionsdurables, il faut s’affranchir des visions étroites pour s’enraciner résolument dans la politiquedémocratique au sens le plus large. Il ne s’agit pas là de la démocratie telle que la pratique unpays ou un groupe de pays particulier, mais plutôt d’un ensemble de principes et de valeursessentielles permettant aux pauvres d’avoir, par la participation, prise sur la situation, tout enétant protégés des agissements arbitraires et irresponsables de l’Etat, des multinationales et d’au-tres forces à l’œuvre dans la société.

Il faut faire en sorte que les institutions et le pouvoir soient structurés et répartis d’une manièrequi donne réellement la parole et une place aux pauvres, et qui crée des mécanismes obligeantles puissants – dirigeants politiques, entreprises et autres acteurs influents – à rendre des comp-tes.

A l’échelon national, cet approfondissement de la démocratie passe par un renforcement des insti-tutions étatiques démocratiques qui constituent le socle indispensable à la réalisation de toutobjectif plus large. A l’échelon mondial, il est nécessaire de créer un espace nettement plus démo-

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cratique, dans lequel les institutions internationales et les coalitions transnationales puissent opérerdans la plus grande transparence et donner aux pays en développement à la fois un siège autour dela table et le droit effectif de participer aux décisions les concernant.

Plus concrètement, pour les activités des organismes tels que le PNUD, cet enjeu montre combienil importe de consacrer des ressources et des compétences à une question complexe : commenttraduire ces idées dans les faits, en identifiant les politiques et les pratiques – renforcement desparlements, mise en place de forces de police rendant compte de leurs actes, décentralisation dupouvoir, entre autres – qui serviront le mieux ces objectifs clés, et en aidant les pays à les déployer ?

Crédit photographiquep.8, 9, 26 : © MAE, Frédéric de la Mure ; p.10 : AFP/STF, Robert Vos ; p.12, 20, 23 : © Photothèque du MAE ; p.16 : DR ; p.17 : AFP/STF, Vanderlei Almeida ; p.18 : © SIPA ; p.11 : © MAE ; p.19 : © USAF Photo ;p.21 : Reuters, Antony Njuguna ; p.27 : DR