POUR UNE APPROCHE DE LA NOTION DE SCHEMA AU ...28 dans le primaire2.Et de fait, quels moyens sont...

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Spirale-Revue semestrielle de l'Ecole Normale de Lille-N°2 B B e e r r t t r r a a n n d d D D A A U U N N A A Y Y P P O O U U R R U U N N E E A A P P P P R R O O C C H H E E D D E E L L A A N N O O T T I I O O N N D D E E S S C C H H E E M M A A A A U U C C M M E E T T E E N N S S I I X X I I E E M M E E I I - - U U N N E E D D E E M M A A R R C C H H E E D D ' ' ( ( A A U U T T O O ) ) A A P P P P R R E E N N T T I I S S S S A A G G E E 1 1 - - C C o o n n s s t t a a t t d d e e d d é é p p a a r r t t L'élève est constamment confronté, en situation d'apprentissage, à la lecture de schémas. Mais a t-il appris à les lire ? Sait-il quel est leur rôle dans une conduite explicative orale (quand elle provient de l'enseignant) ou écrite (dans un manuel) ? Le schéma a pour but de faciliter la c c o o m m p p r r é é h h e e n n s s i i o o n n , en favorisant l'élaboration d'une vue d'ensemble des informations reçues 1 ; il est, en fait, souvent utilisé pour faciliter l'e e x x p p l l i i c c a a t t i i o o n n . Autrement dit, le schéma peut être le recours de l'émetteur d'un discours explicatif, quand il a du mal à l l i i n n é é a a r r i i s s e e r r dans le discours ce qu'il sait et voudrait transmettre g g l l o o b b a a l l e e - - m m e e n n t t , quand il ne peut scinder en étapes (ce à quoi l'oblige le discours par définition, et le mode de transmission progressive d'informations à un ap- prenant) ce qu'il voudrait communiquer en une fois. Or l'explication globale, que permet le schéma, en même temps que la forte abstraction qu'il suppose sont source de difficulté chez le jeune élève, et particulièrement en sixième, où il est confronté à un mode de transmission de savoir relativement nouveau, auquel il n'était pas habitué 1 - "Dans la transmission de connaissances scientifiques, la mise en relation ne con- cerne pas seulement des données verbales entre elles, elle concerne aussi des données non verbales dont les plus importantes pour la vue d'ensemble sont les schémas". J.F. Vezin, "Mise en relation de schémas et d'énoncés dans l'acquisition des connaissances", Bulletin de psychologie, tome XXXVIII, n° 368.

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  • Spirale-Revue semestrielle de l'Ecole Normale de Lille-N°2

    BBeerrttrraanndd DDAAUUNNAAYY

    PPOOUURR UUNNEE AAPPPPRROOCCHHEE DDEE LLAA NNOOTTIIOONN DDEE SSCCHHEEMMAA

    AAUU CCMM EETT EENN SSIIXXIIEEMMEE

    II -- UUNNEE DDEEMMAARRCCHHEE DD''((AAUUTTOO))AAPPPPRREENNTTIISSSSAAGGEE 11 -- CCoonnssttaatt ddee ddééppaarrtt L'élève est constamment confronté, en situation d'apprentissage, à la

    lecture de schémas. Mais a t-il appris à les lire ? Sait-il quel est leur rôle dans une conduite explicative orale (quand elle provient de l'enseignant) ou écrite (dans un manuel) ?

    Le schéma a pour but de faciliter la ccoommpprrééhheennssiioonn, en favorisant

    l'élaboration d'une vue d'ensemble des informations reçues1 ; il est, en fait, souvent utilisé pour faciliter l'eexxpplliiccaattiioonn. Autrement dit, le schéma peut être le recours de l'émetteur d'un discours explicatif, quand il a du mal à ll iinnééaarriisseerr dans le discours ce qu'il sait et voudrait transmettre gglloobbaallee--mmeenntt, quand il ne peut scinder en étapes (ce à quoi l'oblige le discours par définition, et le mode de transmission progressive d'informations à un ap-prenant) ce qu'il voudrait communiquer en une fois.

    Or l'explication globale, que permet le schéma, en même temps que la

    forte abstraction qu'il suppose sont source de difficulté chez le jeune élève, et particulièrement en sixième, où il est confronté à un mode de transmission de savoir relativement nouveau, auquel il n'était pas habitué

    1- "Dans la transmission de connaissances scientifiques, la mise en relation ne con-

    cerne pas seulement des données verbales entre elles, elle concerne aussi des données non verbales dont les plus importantes pour la vue d'ensemble sont les schémas". J.F. Vezin, "Mise en relation de schémas et d'énoncés dans l'acquisition des connaissances", Bulletin de psychologie, tome XXXVIII, n° 368.

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    dans le primaire2. Et de fait, quels moyens sont donnés à l'élève de lire un schéma, pour en faire un outil de compréhension ?

    La lecture d'un schéma demande des compétences multiples, et une

    familiarité avec la diversité des codes que convoquent la plupart des sché-mas, parfois dans le plus grand arbitraire. Quand ce n'est pas dans la plus grande incohérence : A. Giordan et G. de Vecchi montrent ainsi que "de nombreuses erreurs sont directement induites par les outils proposés par les formateurs"3. Ainsi stigmatisent-ils spécifiquement l'anarchie des codes dans tel manuel de biologie de cinquième qui, à quelques pages d'intervalle, utilise des flèches dans deux schémas, avec chaque fois une "signification" différente : une première fois, la flèche signifie : "mange", une autre fois : "est mangé par"4.

    Y. Ginsburger-Vogel reprend le même exemple, pour affirmer : "La

    schématisation des relations entre les êtres vivants est un code. Comme tout code, il ne peut être lu que par des initiés capables d'en comprendre tous les implicites". Et elle ajoute : "Pour les élèves, de l'école élémentaire à la classe de cinquième, l'initiation à la lecture de ces schémas suppose donc l'explication du code pour lever tout ce qui peut jouer comme obs-tacle à la maîtrise de ce type de message".5

    Or, le schéma fait-il l'objet d'un apprentissage scolaire ? L'explication

    du code est-elle un objectif de l'enseignement ? Pour reprendre une re-marque de M. Tardy dans un domaine proche de celui qui est ici spécifi-quement abordé : "Cela peut s'apprendre, mais ne s'apprend pas toujours. Il y a des lacunes fâcheuses dans les programmes d'enseignement".6

    2- Le schéma présente des difficultés de lecture particulières, qu'il faut ajouter à

    celles que pose tout texte explicatif, qu'étudie bien M. Lappara dans son "Analyse des difficultés des élèves en matière de lecture et d'écriture des textes explicatifs", in Pra-tiques n° 51, Sept. 1986, p. 77 sq.

    3- Les origines du savoir, Delachaux et Niestlé, p. 188, 1987 4- "Cela semble dérisoire, mais constitue pourtant un obstacle à l'approche du con-

    cept de cycle de la matière". Ibid., p. 190 sq. 5- Apprentissages scientifiques au collège et pratiques documentaires, I.N.R.P.,

    1987 V. encore à ce sujet de commentaire de schémas à caractère scientifique, dans

    Image et science, coll. "Sémaphore", BPI/Centre Pompidou, ed. Herscher, 1985, p. 108-109

    6- "La fonction sémantique des images", Etudes de linguistique, n° 17, 1975, p. 43.

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    Si l'on ne se contente pas de faire du schéma une aide à l'explication, et si l'on juge insuffisante la simple utilisation du schéma sans une ap-proche préalable, on peut considérer qu'en faire l'objet d'un apprentissage spécifique peut aider l'élève à la construction d'outils de compréhension. C'est l'hypothèse que fait plus généralement le Groupe "Sémiotiques" de l'I.N.R.P. concernant les MPC (messages pluricodés), pour qui il y aurait deux "styles", où "modes de traitement didactique" : l'un ou les MPC sont essentiellement "aauuxxii ll iiaaiirreess dd''eennsseeiiggnneemmeenntt" ; l'autre, "où leur utilisa-tion fréquente comme 'oobbjjeettss dd''ééttuuddee' contribue à la réussite des ap-prentissages des enfants, apprentissages sémiotiques et langagiers en in-teraction".7

    22 -- PPoouurr uunn aapppprreennttiissssaaggee Professeur de français d'une classe de sixième8, j'ai voulu profiter de

    ma participation au Groupe de recherche académique "Français Transdisci-plinaire" (dans le cadre de la CIRP) pour tenter de mettre en place un ap-prentissage spécifique du schéma. Le problème n'étant pas vraiment fami-lier des revues pédagogiques, je décidai de partir de zéro. D'où cette simple question, pour commencer : qu'est-ce que, précisément, un sché-ma ? Il me semblait de bonne méthode de ne pas mener une recherche so-litaire, mais de la mener en collaboration avec mes élèves de sixième, qui avaient dans leur emploi du temps une heure d'études dirigées9 Je les ré-partis en trois groupes de huit, de manière à les voir une heure toutes les trois semaines pendant un an.

    Mon but était d'interroger leurs représentations de l'outil scolaire

    qu'est le schéma, afin d'élaborer ensemble une terminologie opératoire à usage strictement interne, donc sans aucune prétention scientifique. Ce type de démarche - qui met l'élève comme le professeur en situation d'ap-prenants, par l'établissement d'une sorte de "contrat de recherche" - est pédagogiquement très riche.

    Car il ne s'agit pas pour le professeur de se faire apprenant le temps

    de l'analyse des représentations de l'élève, pour ensuite reprendre son rôle 7- R. Brethome, in Repères n° 74, Fév. 1988, "Images et langages : quels savoir ?",

    p. 66. 8- composée de 25 élèves. 9- Au cours de l'année scolaire 1987-1988. Les finalités de l'enseignement sem-

    blent en fait dépendre des moyens que l'on alloue, les études dirigées, jugées nécessaires à l'apprentissage en collège l'an dernier, ont été remis en cause cette année, sans raisons autres que budgétaires.

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    d'enseignant en transmettant un savoir -fût-il fondé sur des données éma-nant de l'élève lui-même10. Il s'agit d'associer l'élève à la démarche d'ana-lyse de ses propres représentations, pour construire avec lui un objet de savoir - ici : un outil, le schéma. Et cela demande que le professeur soit ef-fectivement "naïf", c'est-à-dire joue de son ignorance comme d'un avan-tage dans la construction par l'enfant de son propre savoir.

    Faut-il souligner l'a-scientificité de la démarche ? Elle est évidente, et

    constitue, précisément, l'intérêt pédagogique. L'analyse qui va suivre est un moment de cette démarche, puisqu'elle consiste à questionner la ma-nière dont les élèves s'y prennent pour résoudre un problème. Le proces-sus ici engagé pose comme indissociable une démarche d'apprentissage et une démarche de recherche : tant pour l'élève (appelé non à se constituer un savoir déjà élaboré ailleurs, mais à se construire lui-même, avec l'aide de l'enseignant, un savoir que ce dernier ne possède pas encore) que pour le maître, qui se donne pour tâche non seulement d'en savoir plus sur l'élève (ses représentations et sa démarche intellectuelle), mais sur ses propres démarches dans un processus d'apprentissage.

    Ce qui peut avoir pour effet de faciliter la "rencontre" entre la "re-

    cherche" et les "utilisateurs", dont parle C. Garcia-Debanc : "La diffusion des produits de la recherche didactique ne pourra s'opérer de façon satis-faisante que si chaque enseignant peut s'engager dans un travail d'analyse réflexive de ses propres pratiques"11. Et si l'enseignant a tout à gagner à analyser les représentations de l'élève, le chercheur ne perdra rien à lire l'analyse que peut faire l'enseignant de sa propre pratique. Et n'est-ce pas le plus sûr moyen de mener le processus à son terme, en faisant de l'en-seignant, en tant qu'apprenant, un chercheur au sens plein du terme ?

    II II -- LLEE SSCCHHEEMMAA,, UUNNEE IIMMAAGGEE PPAARRMMII DD''AAUUTTRREESS 11 -- UUnnee mmiissee eenn pprroobbllèèmmee Pour parvenir à la définition du schéma -définition opératoire, à usage

    exclusif de la classe- il me semblait de bonne méthode de commencer par un classement de divers types d'images, dans le but de parvenir au repé-rage de la spécificité du schéma.

    10- Processus d'interaction élève/enseignant, que j'ai cherché à schématiser à l'oc-

    casion de la présentation d'une autre démarche : cf. Recherches n° 6, mars 1987, p. 53. 11- Repères n° 74 p. 100.

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    Précisons auparavant l'emploi du mot "image" : à la suite de A.M.

    Drouin, "on se donnera pour règle conventionnelle de désigner sous le nom d'image l'ensemble des objets ayant pour point commun de s'opposer au 'langage' ou au 'texte". (...) Seront appelés 'image' aussi bien une photo qu'un dessin, un schéma, un diagramme, un tableau, une courbe, etc"12.

    Pour analyser les représentations des élèves, il s'agissait donc de les

    mettre en situation de problème, en leur demandant de faire un classement d'images. Une enveloppe est donnée à chaque élève, dans laquelle se trou-vent vingt quatre images13, et huit fiches de couleur, semblable à celle-ci :

    ______________________________________ ______________________________________ numéros des illustrations : -- ............................... -- ............................... -- ............................... NOM : ..................................................................

    12- "Des images et des sciences", in Aster n° 4, 1987, "Communiquer les sciences,

    p. 2. 13- Ces images sont reproduites en annexe. Elles proviennent toutes de manuels de

    sixième, ou d'ouvrages destinés à des élèves de ce niveau.

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    Deux consignes sont données aux élèves : - classe ces images en huit ensembles de trois. - remplis une fiche de couleur pour chaque ensemble. Dans le cadre

    du haut, mets le nom de l'ensemble, ou une explication. Le choix des images correspondait à un classement que j'avais opéré,

    selon des critères intuitifs, essentiellement issus de ma pratique d'utilisa-teur de schémas. Je cherchais à comparer une terminologie adulte "flot-tante" (la mienne) et celle des élèves, pour améliorer notre terminologie commune, déterminer avec plus de précision ce que nous pouvions appeler schéma, et le distinguer des autres types d'images.

    L'idée initiale, dans la fabrication de cet exercice, était de provoquer

    le jeu -dialectique- entre classement typologique et classement théma-tique, en interdisant, par le matériel proposé, qu'une stratégie de classe-ment de nature thématique aboutisse à un classement - fût-il thématique - satisfaisant (c'est-à-dire cohérent)14.

    Voici mon propre classement, avec le taux de "réussite" pour chacun

    de mes ensembles. Deux précisions : - mon classement est à la fois typologique (puisque divers ttyyppeess y

    sont opposés) et thématique (dans la différenciation de trois sortes de schémas : ensemble B; C, D). Le type particulier du schéma est donc valo-risé en nombre, et fait s'opérer un glissement du typologique au théma-tique dans mon propre classement.

    - j'appelle taux de "réussite" le pourcentage d'élèves ayant proposé

    un ensemble identique à l'un des miens : ainsi peut-on lire, dans le tableau suivant, que 4 % des élèves (soit 1 sur 25) a proposé de regrouper les images 1, 3, 17 - soit mon ensemble A15. Il va de soi qu'il ne s'agit pas

    14- Il ne sert à rien de faire, dans la consigne (même orale), une demande de clas-

    sement typologique : elle ne peut être entendue par des élèves de sixième. Tels quels, les mots "typologique" et "thématique" sont évidemment incompréhensibles et difficiles à expliquer avec exactitude. Tout au plus peut-on approcher cette dichotomie par une autre, proche à certains égards : "fond"/"forme". Encore cette dernière exige-t-elle une approche assez longue, préalable en tout cas à toute demande de classement. Le pro-blème ne se pose pas ici : l'exercice est en lui-même une mise en problème, une approche : demander au départ une distinction entre typologique et thématique, c'est en gros cher-cher à atteindre une cible en la mettant dans son dos...

    15- Les pourcentages permettent d'homogénéiser la présentation des résultats sous forme de courbes (voir pages suivantes), mais n'ont pas de signification en tant que pourcentages.

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    d'une évaluation, et qu'en aucun cas la validité du classement d'un élève n'est jugée à l'aune de mon propre classement.

    Je présente ici mes ensembles (avec le nom que je leur ai initialement

    donné) par ordre de réussite croissante.

    mon classement initial

    pourcentage d'élèves ayant proposé cet en-semble ensemble étiquette

    A 1 3 17 graphiques 4 % B 13 15 23 schémas-coupes 16 % C 11 19 21 schémas de relations

    abstraites 28 %

    D 5 7 18 schémas de processus concrets

    32 %

    E 10 12 16 plans-cartes 40 % F 2 4 6 tableaux 40 % G 9 14 20 figures 60 % H 8 22 24 signaux 68 %

    Voici représenté sur une courbe le pourcentage d'élèves ayant propo-

    sé dans leurs classements des ensembles semblables aux miens (il s'agit de la simple projection des résultats du tableau sur la courbe) :

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    0

    10

    20

    30

    40

    50

    60

    70

    A B C D E F G H

    16

    28

    4

    3240 40

    60

    68%

    N.B. : - 1 élève propose exactement mon classement. 8 élèves proposent un classement reprenant entre 4

    et 6 de mes ensembles (= 32 %). - 8 élèves proposent 11 ensembles reprenant des il-

    lustrations de mes ensembles B, C, D, regroupant les différents types de schémas : ils ont souvent proposé l'ensemble 5 - 7 - 13 par exemple.

    - si l'on tient compte de ces regroupements de

    schémas dans des ensembles différents des miens, on peut dénombrer finalement 11 élèves proposant entre 4 et 8 ensembles sensiblement identiques aux miens (= 44 %)

    L'objectif initial n'a pas été atteint : une terminologie commune n'a pu

    être élaborée à l'issue de cet exercice. Mais celui-ci se justifiait a posteriori par la mmiissee eenn pprroobbllèèmmee qu'il permettait. Le jeu d'opposition théma-tique/typologique, qui devait mettre l'élève en problème devant un maté-riel familier, devenait du coup l'objet de mes investigations, ce qui n'était pas prévu au départ. C'est par ce biais que je pensais pouvoir le mieux in-terroger les représentations des élèves, pour envisager l'élaboration d'un projet d'apprentissage, qui inclurait la lecture de schémas : rendre l'élève capable de passer d'un classement thématique à un classement typolo-

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    gique, autrement dit de passer de la vision de l'objet représenté à la vision de la représentation de l'objet.

    Il ne saurait être question ici de tirer des conclusions définitives et

    générales sur un travail entrepris ponctuellement et sans aucune visée scientifique. Néanmoins, quelques observations peuvent être faites sur le comportement de certains élèves devant la tâche - comportement qu'il s'agit d'induire du classement qu'ils proposent - pour tenter de se faire une idée de la conception qu'ils ont du schéma et de sa place parmi les autres types d'images.

    Dans le cadre du Groupe de recherche, le travail a pu être proposé à

    d'autres groupes. Voici les courbes de "réussite" (au sens défini plus haut) :

    2266 ééllèèvveess ddee CCMM 11

    0

    10

    20

    30

    40

    50

    60

    70

    80

    A B C D E F G H

    %

    4415

    2719

    73

    58

  • 36

    3355 ééllèèvveess ddee 22°°

    0102030405060708090

    100

    A B C D E F G H

    %

    43

    2011

    46

    69

    11

    94

    71

    1188 nnoorrmmaalliieennss eenn ffoorrmmaattiioonn pprrooffeessssiioonnnneell llee ((FFPP))

    0102030405060708090

    100

    A B C D E F G H

    %

    78

    33 3333

    78 7894

    89

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    2222 ddeemmaannddeeuurrss dd''eemmppllooii lloonngguuee dduurrééee ((DDEELLDD))

    0

    10

    20

    30

    40

    50

    60

    70

    80

    A B C D E F G H

    %

    36

    189

    40

    27

    5

    7772

    22 -- AAnnaallyyssee ddeess ddéémmaarrcchheess ddee ccllaasssseemmeenntt L'identité des courbes est remarquable. Si l'on excepte la courbe de

    sixième, elles ont toutes la même forme. Quel que soit le taux de "réus-site", on observe, par exemple, que le nombre de personnes proposant de regrouper 9, 14, 20 (= mon ensemble G) est plus grand que le nombre de ceux qui regroupent 8, 22, 24 (= mon ensemble H). Dans tous les cas, mon ensemble F (2, 4, 6) est le moins repéré. Et la même observation peut se faire pour tous les ensembles.

    Mais curieusement, ce qui est vrai pour tous les groupes ne s'avère

    pas pour les sixième, qui se voyaient proposer ce classement dans le cadre d'un apprentissage spécifique. Autrement dit, on peut, sans grand risque de se tromper, considérer que le fait d'avoir effectué cette tâche avec un objectif précis (et explicité) a eu des conséquences sur le résultat obte-nu16. Ainsi, le taux de "réussite" le plus faible chez les sixième concerne l'ensemble A (graphiques), alors que cet ensemble obtient un taux moyen dans les autres groupes ; inversement, l'ensemble F (tableaux) offre chez les élèves de sixième un taux de "réussite" étonnant (40 %), alors qu'il est le plus faible partout ailleurs (ne dépassant pas 33 % : groupe F.P.)17.

    16- La plus spectaculaire étant l'utilisation du mot "schéma" pour tous les en-

    sembles ou presque chez trois élèves (le phénomène n'apparaissant pas dans les autres groupes).

    17- Je tenterai de donner plus loin une explication à ce phénomène.

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    Notons enfin que si les taux de réussite forment une courbe de forme identique dans tous les groupes (excepté les sixième), en valeur absolue la "réussite" -c'est-à-dire l'adéquation entre mon classement et celui que proposent les sujets testés - est bien plus importante chez des adultes en formation professionnelle (dans un cadre scolaire, puisqu'il s'agit d'élèves-instituteurs) ou chez des élèves de seconde, que chez des adultes dont le niveau de formation est peu élevé, ou chez des élèves de CM 1. Mon pro-pos n'est pas ici de commenter une telle observation...

    Sans m'interdire de citer parfois - en note - les classements proposés

    par les autres groupes, je m'attacherai ici à l'étude de quelques classe-ments faits par des élèves de sixième et de CM 1 : ils me paraissent les plus intéressants pour l'analyse des procédures mises en route par des élèves dans leur travail de classement, dans la mesure où, tout en étant représentatifs de l'ensemble des classements opérés, ils proviennent d'élèves à qui sera destiné le projet d'apprentissage plus haut défini.

    AA.. -- DDuu tthhéémmaattiiqquuee aauu ttyyppoollooggiiqquuee.. DDeess ddoonnnnééeess aauu ccoonncceepptt.. Voici le classement que propose Sophie (sixième) :

    a 1 11 19 "les carrés, triangles ou ronds" b 2 4 6 "les tableaux" c 3 10 12 "les plans" d 5 7 15 "les expériences" e 8 22 24 "les encadrements noirs" f 9 14 20 "les figures" g 13 17 23 "l'intérieur" h 16 18 21 /rien/

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  • 40

  • 41

  • 42

  • 43

    Ce cas est tout à fait significatif du fonctionnement intellectuel d'un élève devant une telle tâche. Analysons d'abord trois ensembles :

    bb correspond exactement à mon F : 2-4-6. Les élèves de sixième ont

    souvent trouvé ce classement, contrairement aux autres groupes18. S'agit-il d'un effet propre au cours de français, où j'avais fait, avant cette expé-rience, un usage systématique du tableau à double entrée ? On ne peut tirer de conclusion sûre, mais au moins cela pose-t-il le problème du rôle de l'iimmpprrééggnnaattiioonn dans l'apprentissage, quand tel outil, n'ayant pas fait l'ob-jet d'un apprentissage spécifique, mais d'un usage courant, est sinon utili-sé, du moins repéré majoritairement.

    Ici, cet ensemble est nommé "tableaux", repéré donc comme ttyyppee de

    représentation figurée d'un discours - quel qu'en soit le tthhèèmmee. cc : la dénomination "plans" est elle aussi d'ordre typologique : peu im-

    porte dès lors que 3 (une courbe) ait été rapproché de 10 et 1219 : l'es-sentiel de la démarche est la mise de côté, en cours de classement, du thématique.

    ff : là encore se nomme un ttyyppee d'images (?) : "figure". Pour autant que la dénomination d'un ensemble puisse être le signe de

    la démarche de classement, ces trois ensembles -bb, cc,, ff- signalent un mode de classement à dominante typologique. On peut se demander le rôle que joue la représentation que se fait l'élève du discours propre à certaines disciplines et des instruments qu'elles utilisent. On a vu le rôle possible qu'a joué l'utilisation du tableau à double entrée en cours de français ; pour cc,, il est possible de supposer que l'élève a repéré des modes de figuration propres à la géographie -d'où le choix de classer 3, assimilé à une courbe des âges, avec 10 et 12. Quant à "figures", le mot désigne évidemment un mode de figuration utilisé en mathématique.

    Contrairement à l'ensemble aa (1, 11, 19) qui relève d'un classement

    typologique, puisque le lien entre carré, triangle et rond est fait par le seul fait de classer en un ensemble ces trois éléments ; mais l'approche est dif-férente, n'étant pas, comme pour ff,, disciplinaire ; aussi ces éléments ne sont-ils pas nommés dans un ensemble "figure" (réservé, semble-t-il, aux

    18- 40 % des élèves de sixième ont proposé cet ensemble, contre 0 % (CM 1), 11

    % (2 %), 33 % (FP), 5 % (DELD). 19- Dans mon ensemble E, 16 allait avec 10 et 12. Sophie le classe en h (/rien/).

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    seules mathématiques), mais ils sont décrits un à un. Néanmoins, ces trois éléments forment un ttyyppee particulier d'illustration, puisque ce n'est pas leur tthhèèmmee qui induit le rapprochement, mais leur appartenance à un type - non nommé, mais repéré20. Mais ce sont les ddoonnnnééeess des images qui permettent d'accéder au type, et non un ccoonncceepptt, comme pour bb, cc, ff..

    Quand le classement est thématique, les deux modes d'approche se

    concurrencent également : que l'on compare dd, gg d'une part, et ee de l'autre. "Expériences" est une notion qui permet d'englober ce que les illus-trations donnent à observer21. Il ne s'agit pas ici d'un classement typolo-gique, puisque ce n'est pas le type d'images qui est nommé, mais son con-tenu représenté. Cela tient pour beaucoup à mon propre classement, où j'avais proposé trois types de schémas (ensembles BB, CC, DD), selon qu'ils représentaient un objet, une relation abstraite ou un processus concret : j'avais donc "thématisé" ma typologie, obligeant les élèves à "naviguer" plus subtilement entre thématique et typologique.

    Cela s'observe particulièrement pour l'ensemble g de Sophie : "l'in-

    térieur" ; à bien regarder 13, 23, on comprend qu'il s'agit de l'"intérieur" d'un objet, puisque ce sont des coupes. Dès lors le mot "intérieur" pouvait être le nom d'un ttyyppee d'image ; il est pourtant entendu aussitôt thémati-quement, et cela amène la présence de 17 : s'agit-il des dépenses à "l'inté-rieur" d'un foyer ?22

    Reste, si l'on excepte hh, - où se retrouvent les illustrations non clas-

    sées - l'ensemble ee : thématique encore, ce classement s'en tient cette fois aux données propres des illustrations, et la proposition de dénomina-tion ne fait pas intervenir un concept extérieur. Nommant un ensemble "ll'intérieur", Sophie passe d'une perception des données de l'image à la construction d'un concept qui en rende compte tout en les dépassant. Rien d'une telle démarche n'apparaît dans l'étiquette "les encadrements noirs".

    20- La démarche allant de données particulières à une classe (ici : un type) apparaît

    dans l'étiquetage proposé par un adulte (F.P.) : pour l'ensemble 1, 3, 17, il écrit : "don-nées chiffrées représentées graphiquement = les différentes méthodes de représentations graphiques". C'est une démarche de cet ordre qu'effectue Sophie.

    21- Peu importe la "vérité" du contenu : 7 et 15 ne représentent pas des expé-riences, mais l'essentiel est que Sophie y ait vu des expériences, et choisisse de les ras-sembler pour leur identité de contenu représenté.

    22- Pour la commodité de la lecture des classements d'élèves, j'ai présenté les images dans l'ordre croissant (ici : 13, 17, 23). Une étude plus affinée devrait tenir compte de l'ordre de l'élève (ici : 23, 13, 17), qui peut être le signe d'une démarche de classement.

  • 45

    On pourrait représenter en tableau le classement que je propose des classements de Sophie :

    mode d'approche concept données

    mode de clt

    typologique b, c, f a thématique d, g e

    Ce tableau, pour le moins sommaire, ne donne aucune idée des

    nuances et des passerelles qui existent évidemment entre typologique et thématique d'une part, entre concept et données d'autre part.

    BB.. -- LLee rrôôllee ddee llaa ddiisscciippll iinnee ddaannss llaa ddéémmaarrcchhee ddee ccllaasssseemmeenntt.. Voici le classement que propose Xavier (sixième) :

    a 1 3 18 "évolution" b 2 4 17 "tableau" c 5 7 13 "coupe" d 6 15 23 "biologie" e 8 22 24 "panneaux (enseignes)" f 9 14 20 "géométrie" g 10 12 16 "illustration (à l'échelle)" h 11 19 21 "arbre (schéma)"

    L'ensemble cc correspond à un mélange de mes ensembles B et D (ré-

    unissant deux formes différentes de schémas) et est ici nommé "typologi-quement" ; de même le hh (=mon CC), le ee (= mon HH), ou le gg (= mon EE), encore que la parenthèse "(à l'échelle)" , désignant le contenu, glisse vers ce que j'ai appelé le thématique.

    Xavier y fait appel clairement pour constituer son ensemble dd : sans

    tenir compte du type des images qu'il regroupe (6 : tableau ; 15, 23 : coupe), contrairement à ce que laissent apparaître les ensembles cités plus haut, il pratique là un classement thématique, en désignant une discipline : "biologie".

  • 46

    La démarche est complexe, puisqu'elle oblige à tirer des données des images suffisamment d'informations pour parvenir à la (re)construction d'un concept, d'un genre particulier en milieu scolaire : une discipline23. Cette prégnance du disciplinaire est à signaler : certains ont axé tout leur classement autour des disciplines - ce qui menait à une impasse, on l'a vu, si le mode d'approche disciplinaire (forme spécifique de l'approche par concept) était la base d'un classement thématique.

    La démarche est disciplinaire aussi pour ff, mais fort différente cepen-

    dant, car non thématique. Cet ensemble désigne le ff de Sophie : celle-ci avait nommé l'ensemble "les figures" ; même si son approche était discipli-naire, elle ne nomme pas, comme Xavier, une discipline. Ce dernier effectue donc un double travail d'abstraction : ayant repéré un ttyyppee précis d'images, il lui assigne un ll iieeuu de prédilection (voire d'exclusivité). Il n'y a évidemment dans ces deux opérations rien de chronologique, les deux s'opérant simultanément.

    Ce même ensemble (9, 14, 20) se retrouve dans le classement de

    Romuald (CM 1), intéressant à bien des égards :

    a 1 3 5 "on parle de biologie" b 2 11 21 "on parle de groupe et de plusieurs choses" c 4 16 17 "on parle du budget de la famille Dépensetout"

    23- Pour la complexité de la démarche, cf. ce commentaire d'un élève de seconde à

    propos d'un ensemble 5, 7, 13 : "Sciences physiques. A cause de la coupe d'un ballon qui fait partie de la mécanique, de la saturation d'une solution (chimie) et du filtre biologique (aussi de la mécanique), j'ai appelé ces 3 fiches Sciences Physiques."

  • 47

    d 6 7 23 "on ne parle que de reproduction biologie" e 8 22 24 "il n'y a que des panneaux" f 9 14 20 "ce sont des formes de géométrie" g 10 12 19 "on parle de géographie" h 13 15 18 "on ne parle que de fleur"

    Notons un curieux phénomène : les deux ensembles qui correspondent

    à des ensembles de mon classement (ee : mon HH ; ff : mon GG) sont les seuls dont les images sont nommées pour ce qu'elles sont, alors que les autres sont vues comme objet d'un discours, ou discours elles-mêmes : "on parle de...". A l'inverse de ces dernières, les images de l'ensemble ee sont nom-mées : "il n'y a que des panneaux" (il s'agit là d'un ttyyppee), comme celles de l'ensemble ff : "ce sont des formes de géométrie". Il s'agit là encore, comme chez Xavier, d'un ttyyppee d'images où est indiquée la discipline d'uti-lisation.

    Dans l'ensemble ff,, on ne "parle" pas de géométrie : des "formes"

    sont repérées comme type d'images propre à cette discipline. En revanche, dans l'ensemble aa, c'est le contenu représenté par l'image qui permet de créer la classe thématique : "on parle" de biologie ; peu importe que ce soit ddaannss ces images ou aavveecc ces images que l'"on parle de biologie" : l'essen-tiel est qu'ici la discipline ne soit pas repérée comme privilégiant un type d'images, mais un contenu spécifique.

    Ce que montre le travail de Xavier ou de Romuald, c'est ll'' iimmppoorr--

    ttaannccee, dans l'opération de classement, de la conception que se fait l'élève de la discipline pour le processus de conceptualisation des images24.

    Ce processus lui-même est cependant fort divers : revenons à l'en-semble aa, qu'il convient de comparer à dd : les mots "reproduction" et "bio-logie" qui permettent de nommer cet ensemble dd se trouve en toutes lettres respectivement dans l'image 6 et l'image 7 : la seule lecture des données des images permet donc le rapprochement (à condition que soit fait le lien entre reproduction et biologie, ce qui demande en soi un travail de généralisation). Or ce n'était pas le cas pour l'ensemble aa, qui apparaît

    24- Je parle de conception (autrement dit de représentation) d'une discipline, car ce

    qu'y met l'élève importe peu ici : l'important est que la discipline soit perçue comme en-globant des données éparses. Ainsi, que treize élèves de seconde sur trente cinq aient placé le schéma de la communication (19) dans un ensemble étiqueté "biologie" (parce que le schéma avait été étudié en biologie) ne change rien à la démarche même qui con-siste à étiqueter un ensemble "biologie".

  • 48

    dès lors comme la conséquence d'une construction complexe : si l'on re-garde attentivement ces images, on repère une caractéristique commune : le passage d'un état à un autre. 1, 3 et 5 sont ainsi rassemblés non seule-ment pour leur connu ("on parle" de ce qu'on voit en général en biologie), mais pour la manière dont ce contenu est traité : non une donnée présen-tée telle quelle, mais une réalité en évolution.

    C'est d'ailleurs ainsi que Xavier nomme un ensemble presque sem-

    blable : "évolution" est le nom qu'il donne à la classe formée des images 1, 3, 18. Dans leurs ensembles aa, Xavier et Romuald repèrent des caractéris-tiques communes aux images, mais il ne s'agit pas de données lues telles quelles : elles font l'objet d'une ggéénnéérraall iissaattiioonn, d'un type cependant dif-férent chaque fois.

    CC.. -- VVeerrss ll''aabbssttrraaccttiioonn Romuald n'effectue pas pour tous ses ensembles ce travail de généra-

    lisation : ainsi, quand il nomme son ensemble hh "on ne parle que de fleur", il s'en tient à la dénomination de l'objet représenté (croit-il) dans les trois images rassemblées25. Ce qui donne d'ailleurs un ensemble tout-à-fait sa-tisfaisant. En revanche, les images ne sont pas lues dans leur ensemble quand il classe 4 et 16 avec 17 (cc) : seuls sont vus, pour 4 et 16 les traits pertinents qui permettent le rapprochement avec 17, sans qu'une vue d'ensemble de chaque image - et de leur fonction éventuelle - soit pris en compte pour effectuer le classement.

    Il y a là un attachement à des données concrètes - et particulières -

    qui côtoie un travail de généralisation mis à l'oeuvre, on l'a vu, ailleurs. Ce phénomène est parfois beaucoup plus massif, comme pour Johnny (CM 1), dont voici le classement :

    a 5 15 18 "parce qu'il y a des fleurs sur l'image 15 et sur la 18" b 6 7 23 "parce qu'on voit sur la photo un rat et sur la plus grande photo on voit le derrière" c 8 10 12 "parce qu'il y a la carte de France

    25- Il faut évidemment entendre par "généralisation" une opération qui dépasse la

    dénomination -celle-ci exigeant elle-même une généralisation. Ce n'est là qu'une question de degré, mais il est nécessaire pour l'élève de parvenir à un certain niveau évolué de gé-néralisation pour parvenir à effectuer les tâches qui lui sont demandées.

  • 49

    et le pays de la carte de France" d 9 14 20 "parce qu'on voit le carré puis le rectangle et le rond" e 16 21 24 "parce qu'on a besoin d'une mutuelle" f } g } /blanc/ 26 h }

    Il faut tout d'abord noter la répétition de "parce que". Sous-entendu :

    "je classe ainsi ces images ppaarrccee qquuee" ; ce qui est ici désigné, ce n'est pas la classe créée, mais la démarche effectuée27. Et cela est instructif sur le fonctionnement de cet élève dans son activité de classement.

    L'ensemble aa est significatif : il y a effectivement des fleurs (ou plutôt

    une) sur l'image 15 ; il y a bien quelque chose comme des fleurs sur l'image 18 ; mais que vient faire ici 5 dont la présence n'est d'ailleurs pas expliquée dans le commentaire) ? Quel est l'élément que Johnny a jugé pertinent dans cette image pour la faire figurer dans son ensemble ? Peu importe la réponse en fait : l'essentiel est que la démarche de Johnny laisse apparaître là une dépendance étroite aux données particulières de chaque image28.

    Il en est ainsi dans la constitution de l'ensemble bb : "parce ce qu'on

    voit un rat" (sans doute sur l'image 6) : certes, mais il y a deux autres animaux, et ceux-ci sont dans une colonne en regard d'autres d'égale im-portance (à ceci près qu'il s'agit de textes, donc plus difficile d'accès au moins au premier coup d'oeil) ; mais quel est ce "derrière" dont parle Johnny ? Est-ce la forme de l'image 23 qui induit ce mot ? Ou plus préci-sément encore le mot "anus" ? Mais encore, pourquoi mettre ensemble le "rat" et le "derrière", donc les images 6 et 23 ? Et pourquoi leur associer, là encore sans explication, l'image 7 ?

    26- 8 élèves sur 26 en CM 1 laissent des "ensembles vides". La proportion est net-

    tement moindre dans tous les autres groupes. 27- Nombreux sont les élèves de CM 1 à utiliser cette conjonction, contre quelques

    cas dans les autres groupes. 28- Cela peut s'observer à tout niveau. Ainsi un élève de seconde constitue-t-il un

    ensemble qu'il nomme (ce que ne fait pas Johnny) : "consommation d'oxygène"...Ayant lu ces mots dans l'image 1, l'élève focalise son attention sur le mot "air" dans 7, et sur le mot "altitude" dans 12 (mots qui font partie de ce que d'autres appelleraient le système descriptif du mot d'origine).

  • 50

    Il ne s'agit pas de nier la llooggiiqquuee de Johnny, à l'oeuvre dans son clas-

    sement ; mais cette logique n'apparaît pas à première vue. Ce qui est clair en revanche est l'immergence de l'élève dans des données éparses qu'il ne sait pas relier entre elles autrement qu'incidemment, sans leur donner, en quelque sorte, le statut de pprroopprriiééttééss, en vue de l'établissement d'une classe.

    Les ensembles aa, bb, cc, et ee sont proches par la manière dont ils sem-

    blent avoir été constitués. L'ensemble dd semble bien différent : non seu-lement les trois images sont décrites (formant d'ailleurs mon ensemble GG ), mais leurs contenus sont nommés dans leur ensemble, non par une ca-ractéristique. Il apparaît dès lors que Johnny reconstitue le type "figures", qu'il ne nomme pas, mais qui a guidé son classement29.

    Cela laisse penser que cet élève en a fait autant pour ses autres en-

    sembles, sans que la classe qu'il cherche à recréer apparaisse aussi claire-ment que dans le cas de dd. Autrement dit, il n'y a pas, dans la démarche d'un élève, solution de continuité entre ce qui est valide et ce qui ne l'est pas aux yeux du maître.

    Il reste à savoir à quel moment et pourquoi l'élève passe de la pure

    description de caractéristiques particulière à la dénomination de concepts pour enfin parvenir à l'élaboration d'un ensemble réunissant les concepts repérés - stade que n'atteint pas Johnny dans ce travail -.

    Il en va autrement de Brigitte, dont le classement sera le dernier que

    nous étudierons :

    a 1 5 15 "ça va d'une chose à une autre" b 2 4 6 "ce sont des tableaux" c 3 11 21 "à partir d'une chose il en part plusieurs" d 7 18 23 "c'est à l'intérieur" e 8 22 24 "petit dessin au centre de la feuille" f 9 14 19 "ça va d'une chose à l'autre" g 10 12 16 "plan"

    29- On avait vu un cas semblable dans le classement de Sophie.

  • 51

    h 13 17 20 "rond divisé en plusieurs parties"

    Xavier n'aurait-il pas pu étiqueter l'ensemble aa de Brigitte, comme son

    propre ensemble aa : "évolution" ? On retrouve d'ailleurs dans ces deux en-sembles l'image 1. Brigitte ne parvient pas à nommer ainsi une classe d'il-lustrations, mais elle en repère les caractéristiques, en décrit le principe. La démarche n'est pas la même, certes, mais le résultat est finalement proche de celui de Xavier : il n'y a là qu'une opposition dans le traitement des in-formations ; ou plus exactement, Brigitte s'immerge ici dans des données qu'elle ne lie à rien d'autre de nommable.

    Il en est de même pour ff, ensemble d'images décrites de la même ma-

    nière30, et pour cc, et tout autant, malgré des descriptions d'un genre un peu différent, pour dd (qui n'a rien à voir avec "l'intérieur" thématique de Sophie), ee et hh.

    Dès que la possibilité d'une dénomination s'offre à Brigitte, c'est-à-

    dire dès que la possibilité lui est donnée de confronter les données qu'elle repère avec une classe qu'elle connaît extérieurement, elle parvient à créer des ensembles répondant à ma propre typologie, et à donner exactement les noms que je proposais dans mon classement : bb correspond à mon en-semble FF, et gg à mon EE.

    Aussi, derrière le pointillisme des descriptions de Brigitte, apparaît une

    capacité à généraliser, et en fin de compte à élaborer une ébauche de ty-pologie. Car il est remarquable que le thématique soit totalement banni du classement.

    Ce que laissent apparaître les classements de Johnny et de Brigitte,

    c'est le travail de sélection d'indices jugés pertinents pour élaborer - sinon nommer - une classe. Comment parvenir de la simple description de ces

    30- Bien que les images appartenant à a et f ne soient aucunement interchangeables

    : leur réunion en deux ensembles distincts participe d'une logique clairement apparente pour qui cherche à la déceler ; le seul manque de cette logique est de ne pouvoir se dé-crire - ce qui demandait précisément une capacité à nommer distinctement deux en-sembles distincts. Peut-être la différence entre les deux ensembles est-elle marquée par la seule différenciation des déterminants... Peut-on accorder une pertinence à une telle di-chotomie ? La question se pose à la lecture des nombreux classements (du CM 1 au ni-veau adulte) où se jouent des différences aussi subtiles que celle là. Voici comme simple exemple le classement d'un élève de 2° : "les différentes sortes de graphiques/trois ta-bleaux/___ expériences/des sigles/un peu de géométrie/différents lieux/trois coupes/___ schémas explicatifs."

  • 52

    indices à la dénomination de la classe qu'ils caractérisent ? Mais encore, comment juger de la validité des critères retenus et de la classe ainsi obte-nue ?

    Autrement dit, comment faire pour qu'un élève qui s'immerge dans les

    données des illustrations construise une typologie qui tienne compte des propriétés jugées les plus importantes de chaque type ? Tel est l'enjeu d'une démarche de projet, où l'enfant, par découverte des différentes images que lui offre sa lecture des manuels ou de ses cours, parviendra à la reconnaissance d'un type spécifique d'image, qui est l'aboutissement, dans une typologie possible d'images, d'"une certaine progression vers l'abs-traction" : le schéma31.

    C'est au prix d'un travail de cette nature qu'un élève pourra mettre en

    place des stratégies de lecture optimale des images. A défaut d'un appren-tissage spécifique, c'est à l'imprégnation qu'il faudra être redevable de l'acquisition des capacités nécessaires à la lecture de ces images. Mais l'imprégnation en milieu scolaire est assurément l'outil le plus performant de la sélection masquée.

    Je remercie les membres du Groupe de Recherche pour leur aide, Mon-

    sieur Olivier WALQUEMANNE, qui a fait faire l'exercice sans sa classe de CM 1, Monsieur Stéphane DOUCHET, élève-instituteur, qui a fait faire l'exercice dans deux groupes d'adultes demandeurs d'emploi en formation, et Ma-dame Francine DARRAS qui a testé ce matériel dans divers groupes, et en a dépouillé les résultats.

    Je tiens à remercier tout particulièrement Madame Isabelle DEL-

    CAMBRE, qui a fait faire l'exercice dans ses classes, et m'a grandement ai-dé à interpréter l'ensemble du corpus.

    BBeerrttrraanndd DDAAUUNNAAYY Collège de Cappelle-la-Grande

    31- A.M. Drouin, qui cherche à classer les différents types d'images, in Aster, n° 4,

    p. 4 sq.