Pour un tribunal des marchés financiers - CREDA un TMF_A... · Faut-il un tribunal unique pour...

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  • Faut-il un tribunal unique pour traiter lensemble du contentieux boursier ? Sminaire du 11 dcembre 2014

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    Pour un tribunal des marchs financiers

    Anne-Valrie LE FUR, Professeur lUniversit de Versailles-Saint-Quentin

    Avant de commencer cette prsentation, je voudrais remercier chaleureusement la Chambre de commerce et le CREDA pour nous avoir fait participer ce groupe de travail au sein duquel nous avons eu des changes trs riches.

    Faut-il un tribunal unique pour traiter lensemble du contentieux boursier ?

    Il convient dabord de savoir ce quon entend par ensemble du contentieux boursier. Ce contentieux comporte deux volets : un volet rpressif et un volet rparation.

    Le volet rpressif se compose des sanctions pour manquement prononces par la Commission des sanctions de lAMF au titre dune procdure administrative : manquements aux obligations disciplinaires et professionnelles, tout manquement commis par toute personne portant atteinte la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du march, et abus de march (manquement diniti, manipulation de cours et diffusion de fausses informations).

    Lorsque les faits sont constitutifs dun abus de march, se juxtapose alors une procdure pnale qui consiste sanctionner les dlits boursiers (dlit diniti, dlit de manipulation de cours, dlit de diffusion de fausses informations).

    Mais ce volet rpressif ne suffit pas pour traiter lensemble du contentieux financier ; il ne faut pas oublier le volet rparation civile destin indemniser les investisseurs lss, notamment en cas dabus de march.

    La demande en rparation peut tre formule par la personne lse devant le juge civil et, le cas chant, devant le juge pnal par le biais dune constitution de partie civile.

    Nous sommes donc confronts trois procdures distinctes, trois instances diffrentes, trois instructions Demble, le bon sens conduirait conclure quil faut un tribunal unique pour rationaliser ces procdures. Mais le bon sens ne suffit pas toujours, surtout lorsquon volue dans un systme connu, prouv et reposant sur des concepts classiques. Il convient donc de pousser un peu plus loin largumentation afin de rpondre la question :

    Pourquoi un tribunal unique pour traiter lensemble du contentieux boursier ?

    La rponse peut tre amorce en cinq points.

    La situation de la commission des sanctions de lAMF

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    La Commission des sanctions a un champ dintervention trs large. Elle intervient pour tout manquement, commis par toute personne, sur le territoire national ou ltranger, ds lors que la protection des investisseurs ou le bon fonctionnement du march est en jeu.

    Elle repose sur une composition chevine, des professionnels de la finance et des magistrats, soumis des garanties dimpartialit et dindpendance. Son expertise est reconnue.

    Les procdures devant la commission des sanctions sont rapides : entre 9 et 18 mois (aprs une enqute qui dure en moyenne 1 an).

    Elle peut prononcer des sanctions varies : blme, avertissement, sanctions pcuniaires. En ralit, en 2013, sur les 42 sanctions prononces, 39 taient des sanctions pcuniaires (et 4 des avertissements). Ces sanctions pcuniaires peuvent tre prononces tant lgard des personnes physiques que des personnes morales (avec un plafond de 100 000 deuros). La sanction la plus leve inflige en 2013 a t de 14 millions deuros.

    Elle a un fonctionnement similaire celui dune juridiction. Elle tranche les litiges selon des rgles applicables aux tribunaux ; ses dcisions sont motives, rendues lissue dune procdure contradictoire dans le respect des droits de la dfense et sont susceptibles de recours.

    Pour autant, la commission des sanctions se trouve dans une situation paradoxale.

    La situation paradoxale de la Commission des sanctions

    Cette situation paradoxale est lie, dabord, son positionnement au sein de lAMF.

    Certes, il existe une sparation fonctionnelle entre le collge, qui poursuit et instruit, et la commission des sanctions, qui juge. Mais on se heurte nanmoins la thorie de lapparence dveloppe par la Cour europenne des droits de lhomme : apparence dindpendance et dimpartialit objective qui, si elle nest pas reprise en droit interne, a t un des arguments avancs dans larrt Grande Stevens du 4 mars 2014, la Cour reconnaissant que lexercice conscutif des fonctions denqute et de jugement au sein dune mme institution ntait pas compatible avec lexigence dimpartialit objective prne par larticle 61 de la Convention. La Cour reconnat cependant que la possibilit dun recours permet dchapper toute condamnation sur ce terrain.

    Ce pouvoir de sanction a t conu comme un instrument confi lAMF. Un des arguments qui sopposerait la cration du tribunal unique des marchs financiers serait de dire que si lon retire ce pouvoir de sanction au rgulateur, on va priver, du mme coup, la rgulation defficacit. Mais, si lon admet que la Commission des sanctions est dj rellement indpendante (abstraction faite de la thorie de lapparence et de limpartialit objective), je ne vois pas en quoi le fait de lriger en une juridiction priverait lAMF de lefficacit de son pouvoir.

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    Ensuite, la Commission des sanctions nest pas comptente pour statuer sur la rparation des dommages causs par un abus de march. La personne lse na ni accs la Commission, ni possibilit de recours contre les dcisions rendues. Pourtant, lAMF aurait les moyens de calculer le prjudice subi pour peu que lon adopte un certain nombre de mthodes dvaluation. Lautorit de la concurrence le fait bien

    La Commission des sanctions nest pas comptente pour se prononcer sur la responsabilit pnale. Or nul ne conteste aujourdhui que les manquements constitutifs dabus de march ont pour origine des faits substantiellement identiques aux dlits dabus de march, et quils forment, en matire boursire, un ensemble complexe, connexe et indivisible.

    Paradoxalement, alors quelle ne sanctionne pas les dlits, la Commission des sanctions est considre par le juge europen comme une juridiction prononant des sanctions de nature pnale.

    Que la Commission des sanctions ait un pouvoir limit ne serait pas gnant si le juge pnal et le juge civil taient en mesure daccomplir leur office avec la mme expertise. Or, il nen est rien.

    Le fonctionnement de la justice civile et de la justice pnale en matire dabus de march

    Sagissant tout dabord de la justice civile, la dure des procdures civiles est incompatible avec lexigence de bonne administration de la justice : dans laffaire VIVENDI, les faits remontent 2001 ; dans laffaire Marionnaud, les faits remontent 2002 ; aujourdhui, aucun investisseur ls nest correctement indemnis.

    Le contentieux est dispers, la jurisprudence peu unifie. Cela se comprend : dfaut dune juridiction spcialise, comme en matire de concurrence, cest le plus souvent le tribunal du domicile du plaignant qui est comptent. Cette dispersion ne favorise pas lclosion dune jurisprudence unifie.

    Surtout, les exigences du droit commun de la preuve sont insurmontables en matire financire.

    En particulier, la preuve du lien de causalit entre la diffusion dune fausse information et le prjudice subi est extrmement difficile tablir.

    Enfin, la rparation sera ncessairement partielle : certaines juridictions, comme dans laffaire Sidel en 2008, ont t jusqu prononcer des indemnisations forfaitaires, alors mme que le principe de la rparation intgrale est un principe constitutionnellement reconnu. Dautre part, si lon suit le raisonnement de la Cour de cassation dans son arrt du 9 mars 2010, seule la perte de chance peut tre indemnise.

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    Sagissant ensuite de la justice pnale, l aussi, la dure des procdures est incompatible avec lexigence de rpression financire. Ce que lon voit dans la presse, y compris la presse grand public, cest que laffaire Altran, par exemple, dont linstruction, mene par 3 juges diffrents, a dur 9 ans, sest provisoirement conclue par le rejet de lordonnance de renvoi. Dans laffaire EADS, il aura fallu 8 ans aprs les faits pour que le juge pnal soit saisi ; mais le procs est ajourn pour vacuer la question du non bis in idem. Ce nest pas tant le principe du non bis in idem qui pose ici un problme que ces 8 annes dinstruction !

    Ensuite, les sanctions prononces sont peu dissuasives. Le juge pnal dj assez peu familiaris avec les oprations financires complexes est aussi limit par le montant des sanctions quil peut prononcer. Peine privative de libert, maximum 2 ans ; amende, maximum 1,5 millions deuros.

    Enfin, il existe un risque de contradiction dans les dcisions. Quand la Commission des sanctions a statu pour dcider que le fait matriel ntait pas caractris, peut-on vraiment imaginer quensuite, le juge pnal sanctionnera pour dlit ?

    La rgle du non bis in idem

    Dans larrt Grande Stevens du 4 mars 2014, les juges ont dcid quil convient dinterdire toute poursuite, et donc condamnation, pnale ou administrative, si, au pralable, un acquittement ou une condamnation, pnale ou administrative, ont dj t prononcs pour des faits substantiellement identiques. Cette position se justifie parce que les sanctions administratives sont considres, aujourdhui, aussi bien en droit interne quen droit europen, comme tant de nature pnale.

    La rserve formule par la France en marge du protocole n 7 annex la Convention europenne de sauvegarde des droits de lhomme est en sursis. En effet, elle est rdige en des termes similaires la rserve italienne qui a t carte par la CEDH. La CEDH entend bien faire appliquer linterdiction du cumul des sanctions de nature pnale avec des sanctions pnales, ainsi quelle la rappel dans un arrt du 27 novembre 2014 propos de sanctions fiscales (considres comme des sanctions de nature pnale).

    Comme la trs bien montr Madame Drummond (France DRUMMOND, Le fabuleux destin de la rgle non bis in idem, Bull. Joly Bourse, 31 dcembre 2014 n 12, p. 605), le principe du non bis in idem tait lorigine une technique procdurale avant de devenir une garantie individuelle. Cest un choix politique que de dire quon adopte cette rgle ou quon la rejette Mais nest-ce pas une rgle de bon sens ? Nest-ce pas la seule rgle qui permette dassurer la cohrence des dcisions ?

    Qui plus est, un autre arrt de la CEDH rendu le 23 octobre 2014 laisse penser que la discussion pourrait se dplacer du terrain du non bis in idem vers le terrain de la prsomption dinnocence. Peut-on vraiment considrer quune personne qui a t lourdement condamne

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    par lAMF est toujours prsume innocente lorsquelle est poursuivie devant le juge pnal ? Cest la question qui est pose dans laffaire Altran

    Quelles suites larrt Grande Stevens ? La France va-t-elle tenter de contourner la solution retenue ? Pour linstant, il est certain que les dcisions de la CEDH simposent en droit interne. Elles nimposent pas aux lgislateurs de modifier leur lgislation mais elles simposent lgard des juridictions internes au titre du contrle de conventionalit. Dans laffaire Pchiney, le cumul des sanctions a t jug douteux, si on reprend largumentation du tribunal, mais le tribunal sen sort en affirmant que les sanctions qui ont t prises par lAMF navaient pas la nature de sanctions pnales ; le cumul tait donc possible. Je ne suis pas certaine que cette argumentation tienne pour toutes les sanctions prononces par lAMF.

    En outre, le contrle de constitutionnalit est contraint dvoluer. Le conseil constitutionnel a valid ce cumul des sanctions en 1989, mais il sest fond sur la question du principe de proportionnalit et de ncessit des peines, comme cela avait t alors demand. Or en 1989, les sanctions administratives prononces par lAMF ntaient pas considres comme de nature pnale et la CEDH navait pas encore rendu son fameux arrt. Un changement de circonstances peut imposer au Conseil constitutionnel de revoir sa position.

    On sest certes focalis sur larrt Grande Stevens, mais le systme actuel de rpression des abus de march ne permet pas, non plus, dchapper la Cour de justice de lUnion europenne.

    Le droit de lUnion europenne

    La Cour de justice de lUnion europenne, dans un arrt du 26 fvrier 2013, compromet notre systme, puisqu propos de sanctions fiscales, elle a considr que les juridictions internes devaient vrifier que ces sanctions administratives ntaient pas de nature pnale (cest cette seule condition quun cumul avec des sanctions pnales est possible).

    On en dduit donc que le cumul des sanctions administratives de nature pnale avec des sanctions pnales est interdit. Le principal critre retenu pour apprcier si les sanctions administratives sont de nature pnale est celui de la gravit de la sanction susceptible dtre encourue.

    Ensuite, la directive Abus de march du 16 avril 2014, impose de pnaliser les abus de march les plus graves, dans le respect du non bis in idem. Comment concilier alors cette pnalisation impose avec la possibilit, qui est reconnue dans le rglement comme dans la directive, de prvoir des sanctions administratives et des sanctions pnales ? Il suffit de navoir plus que des sanctions purement administratives (ce qui priverait lAMF dun certain pouvoir de persuasion) et des sanctions pnales.

    Voil, rapidement pos, le tableau dune situation peu satisfaisante.

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    Peut-on srieusement considrer que la rpression est efficace ?

    Peut-on srieusement considrer que ce contentieux doit continuer tre trait ainsi quil vient dtre dcrit, sous prtexte de ne pas bousculer un systme connu et prouv ?

    Nous ne le pensons pas, et une des propositions pour sortir de cette problmatique repose sur la cration dun tribunal des marchs financiers.

    Quel tribunal unique pour traiter lensemble du contentieux boursier ?

    Dominique SCHMIDT, Agrg des facults de droit, Avocat

    La prsentation dun tel tribunal a fait lobjet de propositions inspires dun texte que Madame Le Fur et moi-mme avons rdig et qui pourrait servir de base un projet ou une proposition de loi.

    La composition du tribunal des marchs financiers

    Ce tribunal, qui serait une juridiction spcialise, serait compos selon un mode fortement inspir de la Commission des sanctions actuelle, cest--dire sur le mode de lchevinage avec, dune part, des professionnels des marchs financiers, et, dautres part, des magistrats, de sorte que chacun puisse bnficier de la formation, de lexprience et de la comptence des autres.

    Cette formule dchevinage a fait ses preuves au sein de la Commission des sanctions actuelle. Il ny a pas de raison quelle ne fasse pas ses preuves dans ce tribunal spcialis.

    Bien entendu, le respect des exigences constitutionnelles sera assur. Aprs consultation, nous nous sommes rendu compte que ces exigences constitutionnelles se rsumaient en fait trois points :

    une exigence de capacit des professionnels qui feraient partie du tribunal,

    une exigence quant la dtermination des personnes qui vont dsigner ces professionnels (aujourdhui on sait que certains membres de la Commission des sanctions sont dsigns par le Ministre de lconomie et des finances ; ce nest peut-tre pas lautorit qui conviendrait pour dsigner un professionnel membre dun tribunal des marchs financiers)

    une exigence de dontologie qui peut tre celle gouvernant les membres de lactuelle commission des sanctions.

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    Lobjectif est clair : tirer pleinement parti de la comptence actuelle, reconnue, de la Commission des sanctions pour la transposer au sein dun tribunal, vritable juridiction financire.

    Comptence du tribunal des marchs financiers

    Cest le point central. Il serait dabord comptent pour connatre de tous les manquements qui ressortent aujourdhui de la comptence de la Commission des sanctions.

    Il serait en outre comptent pour traiter du pnal, cest--dire pour connatre des dlits boursiers dabus de march. Cette comptence serait exclusive, bien entendu, puisquil ne sagit pas de permettre des tribunaux correctionnels rpartis sur lensemble du territoire franais de connatre de cette matire, comme cela a t vu dans des affaires rcentes.

    Enfin, il serait comptent pour statuer sur la rparation du dommage civil subi par les personnes lses par un abus de march. Cette comptence ne serait pas exclusive puisquune personne qui se prtend lse par un abus de march pourrait toujours, si tel tait son choix, sadresser au juge civil du tribunal de grande instance ; mais ce nest peut-tre pas la meilleure solution pour elle

    La saisine du tribunal des marchs financiers

    Je ne cacherai pas que cest la question la plus dlicate, car de la saisine, dpend la voie procdurale.

    Le tribunal des marchs financiers pourrait tre saisi, bien entendu, par lAutorit des marchs financiers qui pourrait agir tout la fois comme autorit de poursuite et comme plaignante. LAMF saisirait ce tribunal non seulement pour les manquements son rglement gnral, mais aussi pour des faits susceptibles de constituer une infraction pnale.

    Ce tribunal pourrait galement tre saisi par le parquet national financier qui est comptent en matire de dlits boursiers. Le procureur national financier, en prsence de faits qui sont susceptibles de constituer un dlit pnal, pourrait donc saisir le tribunal des marchs financiers.

    Enfin, la personne se prtendant lse par un abus de march pourrait galement saisir le tribunal ; mais cette saisine serait limite. En effet, aujourdhui, la personne prtendument lse peut agir par voie de constitution de partie civile et mettre en mouvement laction publique. Il nous est apparu quil ntait pas opportun, dans le cadre dune juridiction spcialise, de permettre une personne lse de mettre en uvre laction publique en saisissant un juge dinstruction. Dabord parce que les dlais de linformation pnale sont extrmement longs, surtout si tous les moyens dilatoires mis leur disposition sont utiliss par les personnes mises en cause. Ensuite, parce que linstruction pnale apparat totalement inadapte ces dlits boursiers. En effet, face lenqute de lAMF dun ct, et lenqute prliminaire

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    diligente, le cas chant, par le parquet national financier de lautre ct, les juges dinstruction nont pas la formation et lexprience professionnelle qui leur permettent de mener des investigations de faon pertinente, rapide et optimale sur des faits susceptibles de constituer des dlits boursiers : par exemple, tablir lexistence dune manipulation de cours par le moyen de trading haute frquence sur des drivs.

    Les droits de la personne lse par un abus de march

    Il est important de sintresser aux droits de la personne lse par un abus de march car nous touchons ici au domaine de la rparation, domaine aujourdhui nglig. La personne lse na aucun accs la Commission des sanctions de lAMF, si ce nest comme auditeur ds lors que la sance est publique. Dans notre proposition, elle pourrait intervenir, sa demande, dans toute procdure pendante devant le tribunal des marchs financiers pour abus de march, et demander la rparation de son prjudice civil.

    Cette mme personne pourrait galement dposer une plainte pnale entre les mains du procureur national financier ; on pourrait concevoir que si le procureur ne rpond pas, dans un dlai de trois mois, par exemple, dlai de droit commun, cette personne pourrait saisir le tribunal des marchs financiers, mais uniquement par voie de citation directe pour les raisons voques tout lheure.

    Ce tribunal pourrait aussi inviter lAMF faire connatre son apprciation sur la nature et la quantification du prjudice subi par la personne qui se dit lse ; car ses services ont toute comptence pour ce faire.

    Nous avons galement prvu une sanction un peu particulire : en cas de fausses informations sur le march (manquement ou dlit), la rparation pourrait consister dans lobligation, pour lmetteur lorigine de la fausse information, de racheter les titres que linvestisseur tromp a acquis sur le march sous lempire de cette erreur. La solution peut paratre audacieuse, mais elle a t valide expressment par un arrt de la CJUE du 17 dcembre 2013.

    Le fonctionnement du tribunal des marchs financiers

    Les rgles du jugement Le jugement serait prononc lissue dune dlibration collgiale avec des rgles de majorit particulires : si les professionnels sont plus nombreux que les magistrats, ils emporteront la dcision (avec ou sans les magistrats), pour autant quil sagisse de manquements.

    En revanche, sur le terrain pnal, une peine demprisonnement ne peut tre prononce que si la majorit des trois juges composant la formation de jugement en dcide ainsi.

    Les rgles dadministration de la preuve Cest un sujet sensible. Nous avons pens pouvoir faire reconnatre une prsomption simple selon laquelle la diffusion dune fausse

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    information sur le march trompe les investisseurs. En effet, celui qui, sciemment, diffuse sur le march une information errone ou trompeuse, agit ainsi parce quil souhaite tromper. Par consquent, les investisseurs qui acquirent, qui conservent ou qui vendent des titres sous lempire de la fausse information sont prsums avoir arbitr sous lempire dun vice du consentement. Cette prsomption devrait leur permettre de demander rparation de leur prjudice plus aisment. Ce sera lmetteur de dmontrer que la fausse information na pas eu dinfluence sur le comportement de linvestisseur.

    Les dispositions restreignant les nullits de procdure - Nous avons pens restreindre les rgles rgissant les recours contre les actes de procdure de ce tribunal. Il sagit dviter quun jugement, comme celui rendu au pnal dans laffaire Pchiney consacre 80 de ses 115 pages rejeter des exceptions de procdure. Le tribunal des marchs financiers, qui devrait fonctionner selon des rgles de procdure qui lui sont propres, fort proches de celles actuellement suivies par la Commission des sanctions, ne devrait connatre des exceptions que si elles se rapportent la violation dune rgle constitutionnelle garantissant les droits de la dfense et le procs quitable.

    Les recours Les recours seraient ports devant la Cour dappel de Paris. La distinction actuelle des comptences Conseil dEtat/Cour dappel de Paris serait supprime puisquil ny a plus quun seul tribunal des marchs financiers.

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    Lide peut paratre, comme il la t dit, quelque peu rvolutionnaire ; mais je ne suis pas sr quelle le soit : elle est le fruit dune volution. En effet, la Commission des sanctions prononce aujourdhui des sanctions de nature pnale et brise ainsi le monopole traditionnellement reconnu au juge pnal de prononcer des sanctions pnales. Parfaire lvolution aboutit la cration dun tribunal unique.

    Dun autre ct, on vient de crer un procureur national financier, ce qui dmontre la spcificit de la matire et la ncessit de la traiter par une institution spcialise.

    Enfin, il importe de mieux assurer la rparation du dommage civil, non seulement pour satisfaire les intrts des personnes prives lses, mais aussi pour satisfaire limpratif de rgulation ; la rparation civile participe la rgulation. La proposition de cration dun tribunal des marchs financiers, intgre, titre principal, cette question de la rparation ct de la rpression, dans lensemble de la prvention et de la rgulation.