Pour en savoir plus - WordPress.com · 2018. 4. 24. · Lille, par ailleurs ville natale du grand...
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Les cahiers de la mémoire industrielle du Musée de la Rubanerie cominoise
Olivier Clynckemaillie Conservateur du Musée de la Rubanerie cominoise
Pour en savoir plus :
. CLYNCKEMAILLIE, O. (dir.), Des fibres et des hommes. Promenade
au cœur de collections textiles (=Collection PROSCITEC), Lille, Editions
La Voix du Nord, 2015.
. CLYNCKEMAILLIE, O., Images de marques ! (=Savoir-faire… Et faire
savoir ! n°4), Comines, Musée de la Rubanerie, 2012.
. RAVAU, J., L’industrie du ruban à Comines du XVIIIe siècle à nos
jours in Mémoires de la Société d’Histoire de Comines-Warneton et de la
région, tome 9 – Fasc. I, Comines, SHCWR, 1979.
. SENCE, M.,Comines (=Mémoire en image, tome II), Saint-Cyr-sur-Loire,
Sutton, 2006.
. SCHOONHEERE, A., Les ventres bleus des fabriques. Evolution de
Comines au siècle industriel (=Etudes et documents édités par la Société
d’Histoire de Comines-Warneton et de la région, tome VIII), Comines,
SHCWR, 1998.
une publication du Musée de la Rubanerie
cominoise, en partenariat avec la Ville de Comines-Warneton. Le Musée de la
Rubanerie cominoise est une institution reconnue et soutenue par le Ministère de la
Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique (www.federation-wallonie-
bruxelles.be/).
Editeur responsable : Olivier Clynckemaillie, rue des Arts, 3, 7780 Comines-Warneton.
Musée de la Rubanerie cominoise : www.larubanerie.be ; +32 (0) 56/ 58 77 68
Textes et photos : © O. Clynckemaillie – Musée de la Rubanerie cominoise. Tous droits réservés.
Première édition – mai 2018. Avec le concours du service impression de la Ville de Comines-Warneton.
DDeess nnaavveetttteess qquuii ddaannsseenntt…… eenn ttrraannssee !!
Pour maintenir ses galons de place forte de la rubanerie, Comines a dû trouver les moyens
de rebondir après le désastre de la Première Guerre mondiale. C’est alors que Louis Masson
(1873-1947) mit sur pied, vers 1930, un métier à tisser le ruban tout à fait révolutionnaire.
Pour ce faire, il créa un battant sur lequel la navette n’était pas chassée suivant une course
horizontale mais en utilisant un mouvement semi-circulaire. La navette n’avait dès lors plus
besoin d’un espace égal à sa longueur pour se mouvoir et la production en ressortait
multipliée et renforcée.
Métier « Louis Masson » (MRc004) et son battant dit « en demi-lune ».
Au rythme du moteur et de la levée des cadres, les navettes suivent la cadence et semblent
danser au son de cette musique particulière. L’invention de Louis Masson fut si percutante
que son entreprise lui survit sur deux générations, s’appelant tour à tour « Atelier de
mécanique » (1922) puis « Louis Masson et fils » (1932) avant de terminer sa course sous
le nom de « Les fils de Louis Masson » (1942) dans la seconde moitié des années 1980.
Entre-temps, la firme Masson travailla sous son nom propre ou pour les plus grandes
firmes comme « Rhône-Poulenc », « L’Air Liquide », « Leveugle »… et créa aussi
nombre de nouvelles machines pour d’autres secteurs que celui du textile : traiteur de
semences, calorifugeur, plieuse…. 11
LLee ppeettiitt ppaattrriimmooiinnee iinnssoolliittee rruubbaanniieerr :: uunn uunniivveerrss àà ddééccoouuvvrriirr……
Presse à canette pour arrondir le bout des bobines (MRc208) et machine à nouer des fils (MRc879).
Quand la rubanerie cominoise dévoile son petit patrimoine, le commun des mortels
découvre l’envers du décor à travers des objets et des créations inattendues…
Gabarit pour le contrôle des bobines (MRc771) et électro-psychromètre (MRc209) pour le contrôle
de l’humidité des balles de matières premières.
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LLaa rruubbaanneerriiee ccoommiinnooiissee :: uunnee aaffffaaiirree iinnssoolliittee !!
Souvent insoupçonnée parce qu’insoupçonnable, la présence du ruban dans la vie
quotidienne est incontournable : de l’usage des transports en passant par le domaine
utilitaire, sans oublier le monde médical, de la mode et même de la chose militaire !
Depuis l’émergence d’une activité textile à Comines dans la seconde moitié du XIIe
siècle, nos tisserands et autres rubaniers n’ont eu de cesse de remettre sur le métier leur
ouvrage afin d’écrire de nouveaux chapitres souvent surprenants !
Insolites dans leur facture ou dans leur destination finale, les rubans cominois le sont tout
autant à travers les hommes qui ont dirigé les usines de la Cité des Louches : le maillage
très serré des grandes familles industrielles de l’Eurorégion en atteste encore de nos jours.
Un ruban fait de fils métalliques au maillage très serré. Une simple lubie décorative ?
Avec ce nouvel opus, la rubanerie cominoise dévoile un pan trop souvent caché ou tu de
son patrimoine, tant sur le plan humain que sur celui de la technologie ou de l’excellence.
Et quand on sait que les produits « made in Comines » inondent avec brio le marché
mondial, nos aïeux « textiliens » qui avaient parié sur la qualité de la main d’œuvre
jumelée à celle de la matière première, doivent être fiers d’avoir transmis la flamme aux
jeunes générations !
Olivier CLYNCKEMAILLIE
Conservateur du Musée de la Rubanerie cominoise
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Au-delà du fait que le réemploi d’un papier préfigure une politique de lutte contre le
gaspillage et pour le respect de l’environnement, le document est riche
d’enseignements.
En effet, il n’aura échappé à personne que l’année 1958 s’avère cruciale sur
l’échiquier politique français. Fondé le 1er
octobre 1958, trois jours avant l’avènement
de la Cinquième République, l’U.N.R. permet à Charles de Gaulle, après une éclipse
de 12 ans, de revenir au pouvoir et d’être nommé président de la République le 8
janvier 1959 (même si sa personnalité et ses actions surpassent celles de René Coty,
encore officiellement président jusqu’au 7 janvier 1959).
Quant à la candidate de la quatrième circonscription de Lille, il s’agit de l’institutrice,
avocate et résistante (elle était lieutenant des Forces françaises combattantes)
déportée à Ravensbrück Madeleine Martinache (1898-1967). Conseillère municipale
à Lille, elle fut élue députée du Nord et siégea au Palais Bourbon jusqu’en 1962,
année où elle sera battue au second tour de l’élection par le maire socialiste
d’Hellemmes Arthur Cornette (1903-1984), après que Charles de Gaulle ait provoqué
un scrutin anticipé par dissolution de l’Assemblée nationale.
Enfin, la relation avec le Nord ne s’arrête pas là puisque le siège du parti était situé au
n°127 de la rue de… Lille, par ailleurs ville natale du grand Charles !
Le ruban tissé et sa fiche technique(MRc1336), sans son bulletin de vote ! 10
PPoouurr qquuii vvoottaaiitt--oonn cchheezz DDeerrvviillllee eett DDeellvvooyyee eenn 11995588 ??
Une pièce manuscrite sortie des archives de la rubanerie Derville et Delvoye révèle des
informations complémentaires à la bonne réalisation d’une étiquette-ruban dédiée à la
marque « L.M.R. » Des mentions au stylo à bille sur plusieurs lignes précisent : « Martin ;
45 mm (ndlr : la longueur du ruban) ; fond blanc – broché bleu ; 2000/18 – 1000 m - ; 4
semaines_ ». Elles encadrent un dessin sommaire représentant le ruban fini.
Au sein de ses collections, le Musée de la Rubanerie cominoise possède la fiche technique,
accompagnée d’un exemplaire de la pièce tissée, sous la référence d’inventaire MRc1336.
Il y est spécifié que l’article d’origine, portant le n°2000/15 (pour numéro de série et
hauteur en mm) avait été élargi à 18 (mm), qu’il se tissait avec un métier contenant 112
cordes, que le fond blanc ainsi que le motif bleu roy (sic) et la chaîne étaient réalisés en
rayonne (soit de la soie artificielle). Par contre, au verso de ce même document, nulle
mention de date ni de métrages n’apparaissent (alors qu’une écrasante majorité des fiches
contenues dans le même classeur des années 1950 mentionne ces derniers paramètres).
Maquette d’un ruban au dos d’un bulletin de vote de 1958 (MRc1534).
Voilà donc pour le ruban et sa petite histoire… Là où l’historien contemporain s’apprête à
boire du petit lait, c’est au verso du morceau de papier qui était annexé à la mise en carte
décrite plus haut. En effet, un texte imprimé délivre les informations suivantes : « Elections
législatives novembre 1958 ; Circonscription de Lille n°4 ; Lille Est – Hellemmes ; Lille
Sud-Est, Thumesnil, Ronchin, Lezennes ; Union pour la Nouvelle République ; candidat : ;
Madeleine ».
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HHaauutt lleess mmaaiinnss !! PPoolliiccee !!
Le savoir-faire et l’ingéniosité des « textiliens » cominois mènent parfois à des
réalisations autant surprenantes et efficientes qu’inattendues. Dns les années 1980,
suite à la propagation à grande échelle de virus du type V.I.H. (sida) ou hépatite B,
Emmanuel Sigier crée « Handcuff », un article révolutionnaire : il a l’idée de designer
et de produire les premières menottes textiles à usage unique de l’histoire. Le tout est
composé d’une tresse plate résistant à une très forte traction. Un rivet cranté en
plastique offre au policier qui emploie l’objet de régler la taille des ouvertures puis de
serrer afin d’immobiliser les mains du captif. Au terme de l’usage, une lame sertie
d’une protection en plastique libère l’arrêté. Simple et aisé d’emploi, ces menottes
possèdent encore l’avantage d’être légères et peu onéreuses. Là où il fallait
désinfecter les parties métalliques des menottes traditionnelles, ce qui occasionnait à
la fois perte de temps et coût important, la création de chez Sigier-Capelle permet
d’agir vite et de stocker plusieurs exemplaires dans la poche. Il fallait y penser !
Des menottes et le ruban « Netarm » ? Une création originale cominoise de chez Sigier-Capelle.
Dans le même ordre d’esprit, un autre ruban a permis de gagner de la place et de l’argent à ses utilisateurs. Répondant au nom de « NetArm », il est constitué d’une mèche (ou tresse ronde) et d’un tirant en plastique. Il sert à nettoyer la gueule des armes à feu et sa grosseur dépend du calibre de l’arme en question. Ce type de produit a notamment permis à l’entreprise Sigier-Capelle, la dernière firme cominoise appartenant à la même famille depuis sa création en 1848, de nouer des contacts étroits avec l’armée française ou le monde des chasseurs. Aujourd’hui encore, l’établissement propose des produits à la pointe du progrès : drisses, suspentes, tresses plates… en fibres traditionnelles (lin, coton…) ou composites (Nomex, poypropylène…).
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TToouuss ccoouussiinnss ?? OOuu ccoommmmeenntt ttiisssseerr dduu lliieenn eenn ffaammiillllee……
L’historien qui évoque la plus haute noblesse sait combien les mariages entre « gens du
même monde » est quasiment irrésistible pour garantir une filiation au sang le plus bleu
possible. Afin de garder leur patrimoine « en de bonnes mains », les industriels du textile
on fait de même ! Apparue chez nous dès le XIXe siècle, cette nouvelle classe dominante
n’aura de cesse de garantir ses avoirs en tissant des liens étroits…
Bonduel, Pollet, Motte, Dewavrin… : tous cousins comme l’indiquent, entre autres, leurs mortuaires !
A Comines, le cas de la famille Bonduel est particulièrement représentatif de ce fait.
Venue de Roncq (ville de laquelle Edouard Bonduel-Verhaeghe fut maire), elle se dévoile
notamment à travers les faire-part de décès de ses membres. La rubanerie Bonduel existe à
Comines-Belgique depuis 1910 sous le nom d’Etablissements Joseph Plovier. Plus tard,
Edouard Bonduel en devient le patron mais ne changera le nom de l’entreprise qu’en
1972. A sa mort, ses descendants reprennent le flambeau jusqu’à l’association avec le
groupe Prym en 1998. En 2000, Bonduel-Prym devient Eclair-Prym.
Les mortuaires familiaux des Bonduel sont particulièrement paralants en terme de
mariages entre industriels du textile. On y retrouve ainsi les familles Pollet (« La
Redoute »), Tiberghien (« Paul et Jean Tiberghien »), Dewavrin (« Motte-Dewavrin),
Motte (« Motte et Cie »), Flipo (« Pennel et Flipo »), Duprez (« Henri Duprez et Cie » )…
Sûr que les cousinades et autres fêtes de famille devaient accueillir bien du monde tout en
continuant de tisser du lien à une échelle proche de celle de l’industrie !
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CCrreevvéé ?? PPaass àà ccaauussee ddeess CCoommiinnooiiss qquuaanndd mmêêmmee !!
Automobile et rubans peuvent-ils s’épouser ? Oui, bien sûr ! Il y a tout d’abord les
rubans utilitaires destinés à griffer des vêtements de travail. De la mise en carte pour
les produits « Antar » (MRc263) au galon estampillé « Michelin » produit chez Dalle
en 1963, les exemples sont légion. En second lieu, viennent d’autres tissus étroits, qui
pour enjoliver une poignée de traction, qui pour garnir un siège, qui pour isoler un
câble, qui encore, pour décliner les envies de jeunesse de la marque, à l’image des
rubans « Des voitures à vivre » réalisés chez Dalle pour le constructeur français
Renault. Mais les autres rubaneries cominoises participent aussi aux demandes liées à
l’essor de l’automobile : Berghe travailla pour Volkswagen, Ducarin pour Citroën
(avec des fibres synthétiques ininflammables « Rhovyl » en 1953)…
Si le tissage en double-face avec des contextures (ou dessins) très élaborés s’applique à
la réalisation de ceintures de sécurité (comme on en a tissé chez Lambin-Ravau), ce qui
se passe au moment du contact entre la voiture et le sol n’est pas en reste ! En effet,
afin d’éviter qu’un pneumatique n’explose ou ne crève à la première rencontre de
celui-ci avec un objet contondant, des chercheurs ont trouvé des solutions efficaces et
pourtant simples…
En 1955, chez Derville et Delvoye, rue du Vieil-Dieu à Comines-France, apparaît un
étrange ruban d’environ 11 cm de large, composé d’un maillage serré de fils de cuivre
étamé. Ce treillis a une fonction bien particulière dans le monde de l’automobile : il se
place entre la gomme du pneu et sa chambre à air. Difficile à percer, il rend plus
difficile la crevaison. Aujourd’hui ? Rien n’a vraiment changé, si ce n’est que le cuivre
étamé à laissé la place à des fibres contemporaines plus résistantes encore. Mais le
savoir-faire des rubaniers cominois perpétue cette tradition d’excellence qui se
retrouve encore de nos jours aux quatre coins de la planète .
Fiche technique et mailles d’un ruban en cuivre étamé produit chez Derville et Delvoye en 1955.
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Une autre machine, conçue à l’usine Dautricourt dans les années 1970, est encore plus
éloquente. Compromis entre le tissage traditionnel et sa version au jacquard, elle exécute un
mouvement aux tensions alternées, le tout afin de tisser un ruban sinueux en continu. Ici, le
battant ne bouge pas mais est remplacé par un mouvement du peigne couplé à un tendeur
(afin que le tissu garde sa tension de façon homogène), tandis qu’un régulateur à cliquets
obéit aux ordres de la « jacquarette » en faisant « danser » le ruban tantôt à droite, tantôt à
gauche…
Si ce type d’article étonne par sa conformation, il est pourtant diablement pratique. En
effet, découpé en sections égales, le ruban produit se transforme en talons pour espadrilles.
Et quand on sait que des rubaneries cominoises réalisaient des lés de couvertures
d’espadrilles, tout s’éclaire !
Pourtant, cette superbe machine a connu un funeste sort : conçue par plusieurs mains
différentes (pour que le secret ne soit pas éventé), elle aurait pu tourner en production si
l’usine pour laquelle elle avait été conçue n’avait pas fait… faillite !
Aujourd’hui, ce métier à tisser le ruban sinueux demeure une pièce unique au monde pour
laquelle une poignée de bénévoles cherche à en décoder les secrets afin de la faire
fonctionner à nouveau.
Talons, métier (MRc006) et toile pour espadrilles 100 % « Made in Comines » !
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CCeess CCoommiinnooiiss eett lleeuurrss ffoorrmmiiddaabblleess mmaacchhiinneess «« ttiissssaanntteess »» !!
Si Comines se distingue depuis plusieurs siècles par la qualité de ses rubans et de son
savoir-faire, le tout jumelé à l’emploi de matières premières d’exception, il est un
autre domaine où l’ingéniosité et le sens de l’innovation jaillissent des usines : la mise
au point de machines.
Métier à tisser de vers 1850 (MRc003) et sa mécanique à pignons décentré et ovale…
Même si le grand public l’ignore souvent, il est bien connu des patrons et de leurs
ouvriers qu’entre un engin référencé sur catalogue et son fonctionnement au sein de
la salle de travail, il y a une différence, voire tout un monde ! Le Musée de la
Rubanerie en garde une première trace au sein de son métier à tisser de l’ère
industrielle. Datant de vers 1850, il possède une subtilité mécanique qui n’apparaît
pas dans ses plans originaux !
Cette invention se compose de deux pignons dentés dont le premier, ovale, émet un
mouvement lent, tandis que le second, rond et à l’axe décentré, procure vélocité. Ces
deux mouvements, de prime abord antagonistes, se marient au sein de la machine
afin, d’une part, de laisser la foule (ou ouverture des fils de chaîne) le plus longtemps
possible ouverte, alors que le mouvement rapide offre à la navette d’amener le fil de
trame le plus vite possible.
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