Pour démontrer qu’Haïtien ne signifie pas haïr les siens - 2011 Par Leslie Péan

8/4/2019 Pour dmontrer quHatien ne signifie pas har les siens - 2011 Par Leslie Pan

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Texte de Leslie Pan soumis a Alterpresse Page 1

Pour dmontrer quHatienne signifie pas har les

sienslundi 12 septembre 2011

Dbat - Par Leslie Pan *

Soumis AlterPresse le 12 septembre 2011

Une chose est dencourager le discours critique en luttant pour faire de la politique laffaire

de tous et pas seulement celle des experts. Une autre est de juger les choses et dvaluerles hommes et les femmes partir de la rancur. Dans la premire dm arche, on pratiquele discours critique en attaquant lancrage populacier dune politique de pagaille qui vise faire prendre des vessies pour des lanternes. En prenant lhabitude de discuter duduvalirisme, cette idologie caverneuse et cette dissolution du politique, en absolvant aupassage les insenss qui saccrochent encore ce fascisme. En revanche, la secondedmarche oblige discuter ouvertement de ce comportement maladif qui semble devenir lanorme. La haine qui gouverne lesprit social coupe Hati de ses sources, la dsagrge petit

feu et sme la mort. Cette dimension inconsciente du mal hatien interpelle. Dans la crise quiparalyse le pays depuis le dbut de lanne, il importe de braquer les projecteurs sur ceuxqui tirent les ficelles des marionnettes de cette tragicomdie.

Avant mme lannonce officielle du choix de Garry Conille comme premier ministre dsign,la fabrique tropicale des ambassadeurs du vide monte au crneau contre ce dernier. Aprsles rejets de Daniel Rouzier et de Bernard Gousse sur la base darguments on ne peut plusfarfelus, cest maintenant le tour Garry Conille dtre vou aux gmonies. Anticipant quelle

aura la peau du prochain candidat la primature, la fabrique tropicale du vide prpare sesarguments contre dautres ventuels nouveaux venus dans le srail politique et quil faudra tout prix carter galement. Quest-ce quon nentend pas comme cruauts dans cettelitanie destructrice et sans fin ? Chaque fois, la pathologie est la mme : le jeu demassacres. Sous tous les prtextes. Les arguments sont tirs par les cheveux. Comme si lemot Hatien voulait vraiment dire har les siens. Le purisme inquisitorial qui, tout en


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pactisant avec loccupant, carte les enfants du pays sera toujours suspect. Insoutenabl e.Quel genre de messages envoyons-nous la diaspora avec la politique dexclusion appliquepar le refus systmatique daccueillir les fils et filles du pays qui ont le malheur dtudier etde travailler un certain temps ltranger ?

Comme lavait fait Franois Duvalier en 1959

En effet, le discours inquisitorial qui se cache derrire la Constitution pour refuser laratification dun Hatien comme premier ministre accepte sans broncher des troupestrangres sur notre territoire et se met genoux devant le plus petit caporal tranger. Lessoldats de la MINUSTAH violent les femmes, les hommes, les garons sans soulever lamoindre protestation des ambassadeurs du vide. Pour prendre le pouvoir et le garder, la

classe politique est prte tout. Comme lava it fait Franois Duvalier de 1959 1963 eninvitant lesmarinesamricains en Hati les obsds du pouvoir ont maintenantsystmatiquement recours aux forces armes trangres pour assouvir leurs instincts dedomination. En foulant nouveau le sol hatien sous Duvalier, aprs leur dpart en 1934,les marinesnont pas fait quentraner le bataillon tactique des Casernes Dessalines. Ils ontjou un rle dterminant dans lappui stratgique et logistique du gouvernement amricainaux tontons macoutes. Cet appui permettra lclosion des fortunes bases sur la corruption,le dtournement des recettes de la Rgie du Tabac et des Allumettes, la vente des braceros

hatiens en Rpublique dominicaine et le dveloppement de toutes sortes de trafics illicites.Loccupation tonton macoute a t combattue, mais elle a dur trois dcennies. Le tempsdimplanter dans les esprits la culture du pouvoir nimporte quel prix. Aujourdhui, cest ceque prconisent tous les partisans de la prsence de la MINUSTAH. Notre vnration pourdes artisans de nos malheurs ne date pas daujourdhui. En 1923, Fernand Hibbert en avaitfait la critique dans Les simulacres. La misre aurait balay les bornes de notre capacit degnuflexion devant linacceptable. Linfantilisation rgnante nous fait considrer les soldatsde la MINUSTAH comme des bienvenus mme sils amnent avec eux tout un cortge de

malheurs, en commenant par le cholra. La politique dictatoriale des gnrations passesa fait subir une mutation profonde notre culture de rsistance en nous privant de notreautonomie et notre libre arbitre. Nous versons de temps en temps des larmes de crocodilepour nous donner bonne conscience, comme nous le faisons depuis juillet 2011 aprs le violscandaleux de ce garon mineur de Port-Salut par quatre soldats de la MINUSTAH. Mais dans


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le mme temps, nous refusons de remettre en question les fondements de la dominationpolitique et conomique qui dtruit notre pays, nos valeurs et notre capacit de juger.

Les ondes du dlire

Pourtant le mot Hatien ne signifie pas har les siens. Si ctait le cas, la diaspora nenverraitpas bon an mal an 2 milliards de dollars aux parents et autres proches rests au pays. Cestransferts de fonds sont sans aucun doute bien reus des bnficiaires et ils allgentconsidrablement les obligations de ltat hatien envers la population. Au fil des dcennies,ils sont une sorte dobligation pour la diaspora et une source de revenus prvisible jusquedans les comptes publics. De plus, nous payons depuis lins tallation du nouveaugouvernement un impt de 1,50 dollar pour chaque transfert de fonds effectu vers Hati et

nous payons 5 centimes par minute sur nos appels tlphoniques pour donner le pain delinstruction nos enfants. Les Hatiens qui jouent depuis des annes dans les quipes defootball ltranger sont pourtant bien accueillis dans la slection nationale. Leurperformance dans les matchs internationaux donne chaud au cur aux Hatiens de toutesles classes sociales. Le commun des mortels rclame lhatianit de certains expatrismme aprs des gnrations, dmontrant dans le pire des cas une apparente capacitdinclusion et de tolrance. Il va jusqu considrer comme Hatiens des vedettes commeHarry Belafonte, Celia Cruz, etc. Cest prcisment cette culture quil faut faire triompher

aujourdhui malgr la violence verbale exerce dans certains milieux contre la diaspora.La toxicit qui, selon toutes les apparences, affecte de nombreuses ttes soi-disantpensantes semble se propager nouveau avec loffensive mene par certains secteurscontre la troisime candidature au poste de premier ministre prsente par le prsidentMartelly. La Constitution est voque envers et contre tout. Des comdiens dun genrenouveau qui nont pas assez de courage pour mener une campagne contre les troupes de laMINUSTAH ne se gnent pas pour brandir tout et le contraire de tout contre des Hatiens quiont commis le crime daller travailler lextrieur. Les motivations morbides qui se cachent

derrire cette politique de mutilation semblent relever de ce que lcrivain sicilien LeonardoSciascia nomme le dlire.

Que signifie cette manire de faire ? Pensons-nous que les trangers qui observent cecomportement schizophrnique vont nous prendre au srieux et nous venir en aide, alorsque nous rejetons nos propres enfants ?


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Les politiques sont les jeunes quon voulait infantiliser

Le temps est venu pour nous de faire marche arrire et de nous demander o sont passsnon seulement lamour mais aussi lintelligence dans notre pays. Amour et intelligence

disons-nous. Amour de ceux et celles vivant dans des lieux dabondance par rapport Hati,mais qui veulent malgr tout y retourner pour ajouter leur pierre la construction dunvritable tat national. un moment o les institutions mondiales de la globalisation nontpour objectif central que la marginalisation et leffacement de ltat travers les politiquesde privatisation systmatique, tout en faisant appel ltat pour sauver les grandeentreprises prives quand elles tombent en faillite. Intelligence de la connaissance deces Manuelqui viennent du dehors pour apporter de leau Fonds-Rouge. Intelligence dudialogue et de la diversit, du regard intrieur et extrieur porteur dobjectivation.

Intelligence qui dfend la ncessit dune rupture avec des faons de faire qui ont produit lasclrose et le dsastre dans notre relation avec la terre et avec nous-mmes. Ladconfiture progresse au niveau de lenvironnement, de la production de nourriture, deaupotable, de logement, dnergie, des services de sant, au mme rythme que notre refus dupartage. Les productions de lesprit ne font pas exception cette drliction qui vocifre.

Les politiques ne sont pas seulement les professionnels de la politique. Ce sont tous ceux etcelles que la dictature avait contraints lexil intrieur ou extrieur. Ce sont les jeunes

quon avait dpolitiss en masse en les poussant dans le divertissement. Les politiques sontles jeunes quon voulait infantiliser et qui sont revenus sur le terrain politique avec desrves grandioses pour une autre Hati. Ce nest pas le moment de la politique du pire. Ceuxet celles qui sengagent dans cette voie de malheur se trompent grandement en pensantpouvoir trouver un jour des miettes ramasser.

Etre pondr et constructif

Pour quHati se relve, pour que notre phnix renaisse de ses cendres, il est crucial de

mettre fin, sinon de mettre un frein, la vengeance contre les fils des bourreaux tontonsmacoutes. Les dmocrates hatiens se doivent de traiter les enfants des tortionnaires avecaltruisme et humanisme. La lourdeur de la dette dexistence qui les accable est dj assezlourde sur leurs paules. La socit hatienne ne doit pas faire comme Goebbels qui avait tuses six enfants avant de prendre sa propre vie. Ce nest pas de cette manire que lesdmocrates empcheront au mal du pass davoir un avenir. Si la critique du duvalirisme


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doit continuer sans concessions, il nest pas question de barrer la route des fils deduvaliristes qui ne se rclament pas de ce courant politique de malheur. Qui refusentdassumer le fardeau du lourd hritage de leurs pres, et qui, par surcroit, ont russi dansleur vie professionnelle. Ce qui, en soi, constitue une dmarcation par rapport la

mdiocrit propage et entretenue par le populisme duvaliriste.

En ce sens, lesprit dtroite comptabilit de la Constitution qui nous fait dvorer nospropres entrailles avec acharnement doit tre combattu. Dans cette impasse difficile danslaquelle la socit hatienne se dbat, il importe dtre constructif comme les exemples sud-africains et rwandais nous lont appris. Une certaine pondration est importante.Pondration dautant plus ncessaire pour tenir compte des bottes de tontons macoutestrangers qui continuent depuis 1993 pitiner, avec une frquence permanente, nos

sensibilits les plus intimes. Cest que nous ne cessons dimproviser sans pouvoirhirarchiser nos besoins. Nous nous complaisons dans une singularit maladive qui refusetoute comparaison avec des pays qui ont connu les mmes situations que nous et qui sensont sortis brillamment. Il existe pourtant des socits qui ont connu la dictature pendanttrois dcennies et qui ont pu construire ensuite une socit dmocratique. Ces socitspeuvent donc tre des repres par rapport auxquels nous devrons mesurer nos carts.

Les dmocrates ne peuvent se permettre dentretenir le germe sem contre les Hatiens de

lextrieur par la dictature duvaliriste qui en faisait des pestifrs. Cette politique haineuseet destructrice a commenc ds 1958. Un demi-sicle plus tard, il faut absolument mettrefin la ritournelle du kamoken qui continue de hanter linconscient hatien. Uneritournelle malheureusement intriorise jusque dans notre subconscient. Une ritournelledu malheur qui ne cesse de pousser le pays et ses enfants dans labme.

* Economiste, crivain

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