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Positionnement des collectivités territoriales

dans la chaîne de l’archéologie :

vers une logique de coopération ?

Table Ronde

Strasbourg, 21-22 octobre 2005

Conseil Général du Bas-Rhin

organisée par le Centre départemental d’archéologie du Bas-Rhin,

sous la direction de Matthieu Fuchs.

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Notice catalographique

Textes rassemblés par : Elodie Thouvenin.

Comité de relecture : Franck Abert, Gersende Alix, Sylvie Collignon, Marie Dauphiné, Isabelle Lesueur, Elodie Thouvenin.

Crédit des illustrations : figures et photographies réalisées et fournies par les auteurs, sauf mention particulière ; 4e de couverture Jean-Luc Stadler et CDA, couverture SADY et CDA.

Mise en page : Isabelle Déchanez-Clerc.

Avertissement

Les articles sont le fruit d’une transcription de communications orales révisées par les auteurs.

Remerciements

Aux services du Conseil Général du Bas-Rhin :

Service du protocole (B. Klinkert, Ch. Schahl, D. Villard et J. Million)

Direction des Ressources Humaines (S. Gorkiewicz, M. Isinger)

Service communication (O. Gathy, M. Wolff, J-L. Stadler, S. Mertz, F. Bluem)

Direction de l’Organisation et des Systèmes d’Information (D. Wind, Y. Ludmann, M. Gress et S. Hoff, M-M. Ruffenach,

R. Hiegel, E. de Vienne, M. Kunkel, P. Holderith, B. Rieb)

Le Vaisseau (A. Weber)

Les agents du Centre départemental d’archéologie (Élise Alloin, Olivier Boyer, Marie Dauphiné, Isabelle Déchanez-

Clerc, Pascal Flotté, Matthieu Fuchs, Laure Koupaliantz, Michaël Landolt, Isabelle Lesueur, Thierry Logel, Elodie Thouvenin,

Maxime Werlé).

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Auteurs

Olivier AGOGUEConservateur du Patrimoine, Service archéologique de Dordogne, Conseil Général de DordognePhilippe ANDRIEUXArchéologue, Conservateur en chef du Patrimoine, Conseil Général du Val-de-Marne Alexandre AUDEBERTConservateur du patrimoine, Responsable du Pôle archéologique départemental de l’Aisne, Conseil Général de l’Aisne Patrick BLANCResponsable de l’Atelier de conservation et restauration Mosaïques (ACRM), Musée de l’Arles et de la Provence antiques (MAPA), Conseil Général des Bouches-du-RhônePhilippe BRUNELLAConservateur du Patrimoine, Conseil Général de la MoselleOlivier CAUMONTConservateur du Patrimoine, Service régional de l’archéologie de Lorraine Jean CHAUSSERIE-LAPREEConservateur du Patrimoine, Archéologue, Ville de Martigues Laurent COSTACartographe SIG, Conseil Général du Val-d’Oise, Direction de l’Action Culturelle, Service départemental d’archéologie du Val-d’OisePierre DEMOLONConservateur en chef du Patrimoine, Direction de l’Archéologie de la Communauté d’agglomération du DouaisisJean-Paul DEMOULEPrésident de l’Institut National de Recherches Archéologiques PréventivesMarie-Claude DEPASSIOTDirectrice du Centre de restauration et d’études archéologiques municipal Gabriel Chapotat, VienneBruno DUFAYArchéologue départemental, Conseil Général d’Indre-et-Loire, Président de l’ANACTMatthieu FUCHSChef de service du Centre départemental d’archéologie du Bas-Rhin, Conseil Général du Bas-RhinMarie-France GLEIZESIngénieur d’études, Service régional de l’archéologie d’Ile-de-FranceClaude HERONAttaché de conservation du Patrimoine, responsable de l’Atlas du patrimoine et de l’architecture de la Seine-Saint-Denis, Conseil Général de la Seine-Saint-DenisEtienne HOFMANNAttaché de conservation du Patrimoine, Service archéologique de la Ville de Lyon Caroline KUHARRégisseur des collections, Service archéologique départemental des Yvelines, Conseil Général des YvelinesSandrine LEFEVREMédiatrice du Patrimoine, Service archéologique départemental des Yvelines, Conseil Général des YvelinesJean MATHIAConseiller général du canton de Drulingen, Président de la Communauté de communes d’Alsace-BossueLéopold MAURELArchéologue départemental, Conseil Général de Charente-Maritime Serge MAURYConservateur en chef du Patrimoine, Service archéologique départemental de Dordogne, Conseil Général de DordogneSilvia PAÏNConservatrice-restauratrice, Service archéologique départemental des Yvelines, Conseil Général des Yvelines Christine RIQUIERConservateur du Patrimoine, Directrice du Laboratoire d’Archéologie des Métaux (LAM), Nancy-JarvilleGwenola ROBERTTechnicienne de recherche, gestionnaire des collections du dépôt archéologique régional, Service régional de l’archéologie de Lorraine Marie STAHLChargée d’études documentaires, Service régional de l’archéologie d’AlsaceEmmanuelle THOMANNArchéologue, chargée du Patrimoine à la Communauté de communes d’Alsace-Bossue

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Présidents de séance

Marie-Aline CHARIERArchéologue, Chef de service du Service archéologique départemental des Yvelines, Conseil Général des Yvelines

Nicola COULTHARDArchéologue au Service d’archéologie du Conseil Général du Calvados

Alain SCHMITTConservateur du Patrimoine, Musées de Strasbourg

Joël SERRALONGUEChef du Service départemental d’archéologie de Haute-Savoie, Conseil Général de Haute-Savoie

Jean-Jacques WOLFArchéologue départemental, Conseil Général du Haut-Rhin

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Sommaire

ALLOCUTIONS D’OUVERTURE P. 6

LES SYSTÈMES D’INFORMATIONS ARCHÉOLOGIQUES : UN DOUBLE ENJEU SCIENTIFIQUE ET D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE P. 11Marie-France GLEIZES et Claude HERON, De la carte archéologique à l’Atlas du patrimoine en Seine-Saint-Denis. P. 13Laurent COSTA, L’Atlas des patrimoines : un outil pour la gestion des territoires. L’exemple développé dans le Val-d’Oise. P. 16Etienne HOFMANN, Présentation de la base Alyas : de l’entre deux eaux à l’entre deux fleuves ou les méandres du SIG lyonnais. P. 23Philippe ANDRIEUX, Les services territoriaux d’archéologie : un défi pour l’archéologie. P. 28DISCUSSION P. 34

L’ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE : VERS QUELLE COOPÉRATION ? P. 37ALE XANDRE AUDEBERT, LA M ISE E N P LACE D’UN P ÔLE ARCHÉ OLOGIQUE : L’E XE M P LE DE L’AISNE . P. 39LÉ OP OLD MAUREL, LA M ISE E N P LACE DE L’ARCHÉ OLOGIE AU SE IN DU SE RVICE DÉ P ARTE M E NTAL D’ARCHÉ OLOGIE DE LA CHARE NTE -MARITIM E . P. 41 JE AN CHAUSSERIE-LAPREE, L’ARCHÉ OLOGIE P RÉ VE NTIVE DANS UNE COM M UNE : L’E XE M P LE DE MARTIGUE S. P. 43PIE RRE DEMOLON, LA COLLAB ORATION E NTRE LE SRA, L’INRAP E T LA COM M UNAUTÉ D’AGGLOM É RATION DU DOUAISIS. P. 45JE AN-PAUL DEMOULE, LA P OLITIQUE DE COLLAB ORATION E NTRE COLLE CTIVITÉ S TE RRITORIALE S E T INRAP. P. 47BRUNO DUFAY, L’ASSOCIATION NATIONALE DE S ARCHÉ OLOGUE S DE COLLE CTIVITÉ S TE RRITORIALE S : P OUR UNE LOGIQUE DE COOP É RATION, UN P ARTE NAIRE DE S ACTE URS DE L’ARCHÉ OLOGIE P RÉ VE NTIVE OU « TRAVAILLE R E NSE M B LE ». P. 50DISCUSSION P. 55

LA GESTION DES COLLECTIONS : UN NOUVEAU DEFI POUR LES COLLECTIVITES P. 57Marie STAHL, Les applications de la nouvelle règlementation en matière de dévolution de mobilier. P. 59Caroline KUHAR, Le Service archéologique départemental des Yvelines. Gestion et conservation des collections. P. 62Olivier CAUMONT et Gwenola ROBERT, Le dépôt archéologique régional de Lorraine dans la chaîne opératoire de l’archéologie, de la fouille au musée. P. 66DISCUSSION P. 69

LE LABORATOIRE DE RESTAURATION : UN OUTIL AU SERVICE DU PATRIMOINE P. 73Silvia PAÏN, Conservation et restauration au sein de l’institution : le rôle du laboratoire. P. 75Christine RIQUIER, Laboratoire d’Archéologie des Métaux, association loi 1901. Quels rapports possibles avec les collectivités territoriales et l’Etat ? P. 80Patrick BLANC, Un atelier de conservation et de restauration de mosaïques au coeur d’un musée archéologique départemental. P. 82Marie-Claude DEPASSIOT, Trente ans d’expérience d’un laboratoire et ses relations avec l’archéologie locale. P. 88DISCUSSION P. 90

UNE POLITIQUE DE VALORISATION S’APPUYANT SUR DES ÉTUDES SCIENTIFIQUES PLURIELLES P. 93PHILIP P E BRUNELLA, DE UX E XE M P LE S M OSE LLANS DE M ISE E N VALE UR DE SITE S ARCHÉ OLOGIQUE S, BLIE SB RUCK-RE INHE IM E T LE B RIQUE TAGE DE LA SE ILLE : DE LA RE CHE RCHE À LA VALORISATION E T RÉ CIP ROQUE M E NT. P. 95SANDRINE LEFEVRE, RE NDRE COM P TE DE LA RE CHE RCHE ARCHÉ OLOGIQUE AUX CITOY E NS : E XE M P LE S DE M É DIATION E N COLLE CTIVITÉ S TE RRITORIALE S (78/93). P. 98EM M ANUE LLE THOMANN E T JE AN MATHIA, PRÉ SE NTATION DU P ROJE T DU CE NTRE D’INTE RP RÉ TATION DU PATRIM OINE

ARCHÉ OLOGIQUE GALLO-ROM AIN DE L’ALSACE -BOSSUE À DE HLINGE N. P. 104OLIVIE R AGOGUE E T SE RGE MAURY, VINGT ANS DE M É DIATION AUTOUR DE L’ARCHÉ OLOGIE P RÉ H ISTORIQUE E N DORDOGNE . P. 108DISCUSSION P. 112

SYNTHÈSE DES TRAVAUX P. 116MATTHIE U FUCHS, CE NTRE DÉ P ARTE M E NTAL D’ARCHÉ OLOGIE DU BAS-RHIN

ANNEXE P. 119Liste des participants

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Allocutions d’ouverture

Philippe RICHERT

Président du Conseil Général du Bas-Rhin, Sénateur

Madame la Directrice, Monsieur le Président du Conseil Général du Haut-Rhin, cher Charles, mes chers collègues conseillers généraux, Mesdames et Messieurs, j’ai plaisir à vous accueillir

aujourd’hui au Conseil Général du Bas-Rhin. Je tiens à saluer et remercier de leur présence les présidents du Fonds National de Financement de l’Archéologie préventive, de l’ANACT et de l’INRAP, le Directeur interrégional de l’INRAP ainsi que le Centre départemental d’archéologie du Bas-Rhin qui a préparé notre colloque. Le thème en est l’archéologie préventive et plus spécifiquement le « positionnement des collectivités territoriales dans la chaîne de l’archéologie : vers une logique de coopération ? ».Votre présence ici pendant deux jours démontre votre intérêt – et celui des collectivités – pour l’archéologie préventive. Il y a quelques années, nous avions évoqué la possibilité donnée aux collectivités territoriales de créer des services d’archéologie préventive, afin de leur permettre d’être présentes aux côtés de l’Etat et de l’INRAP. Quelques élus, dont je fais partie, ont défendu devant le Sénat ce projet dont les intentions ont été mal interprétées. La loi sur les musées, dont j’étais à l’époque le rapporteur, avait également en son temps subi des appréciations erronées.La réunion aujourd’hui des services de l’Etat et de l’INRAP, des services des collectivités territoriales, des associations et des universités pour envisager la mise en place d’une telle coopération, visant à améliorer l’efficacité dans la chaîne archéologique, me réjouit. Les sujets abordés seront nombreux et les intervenants de grande qualité. Nous devons essayer d’être plus efficaces au service de l’archéologie, dans le souci de mener à bien dans les meilleures conditions possibles les projets de développement de nos territoires. Pour cela, il convient que nous nous organisions et que nous fassions état de nos moyens et de notre volonté politique. La création de services d’archéologie préventive au sein des collectivités territoriales du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ne constitue pas une initiative à l’encontre de l’Etat, mais une étape vers une coopération plus efficace. Je suis convaincu de l’importance de l’archéologie préventive. Il me paraît en effet indispensable de procéder à des fouilles, d’exploiter les découvertes qui témoignent du riche passé de notre région et de les valoriser scientifiquement. A cet effet, il faut organiser la diffusion de la connaissance de ces richesses. Ce faisant, nous pourrons mieux anticiper les chantiers et éviter ainsi de freiner les projets d’investissement et de développement par des interventions d’urgence. Nous entamons une démarche de façon conjointe avec le Haut-Rhin, un projet interdépartemental qui n’est pas qu’un affichage politique mais qui vise une plus grande spécialisation, une meilleure efficacité et une meilleure coopération, pour améliorer notre couverture de terrain et l’utilisation de nos moyens. Je me félicite de la qualité des relations qui se sont tissées entre nos services depuis que cette idée a été lancée. Plus nombreux, mieux organisés, nous pourrons demain être plus efficaces dans le cadre de la protection et de la mise en valeur de notre patrimoine, nous projetant ainsi vers une exploitation plus rationnelle et plus dynamique de notre territoire, ce qui sera profitable à tous. Nous ne voulons pas réinventer des solutions existantes ; nous souhaitons nous nourrir des expériences, des réussites, des échecs, des difficultés et des avancées de chacun pour enrichir notre démarche et parvenir à une meilleure efficacité. Nous savons que l’argent est rare. Le Ministre a d’ores et déjà procédé à la ventilation de certains crédits vers l’archéologie préventive, ce qui n’a d’ailleurs pas été bien perçu. Les moyens demeurent toutefois encore insuffisants. Nous réfléchirons durant l’année à venir aux moyens d’organiser la pérennité et la stabilité du fonctionnement de l’archéologie préventive, à partir du rapport d’un Sénateur spécialiste du financement du patrimoine, en cours d’élaboration. Des scientifiques, des ingénieurs et d’autres se plaisent à asséner des conseils. Il nous faut tenir compte d’une réalité difficile. Nous avons cependant réussi à sortir d’une situation tendue. Nos deux collectivités cherchent à apporter leur pierre à l’édifice pour progresser de façon constructive et volontariste.Je te remercie, cher Charles, pour ta présence et ton engagement qui attestent de la volonté du Département du Haut-Rhin de participer avec le Bas-Rhin, aux côtés de l’INRAP et de l’Etat, à notre démarche, soutenue par les associations et par les universités.

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Charles BUTTNER

Président du Conseil Général du Haut-Rhin

Je tiens à remercier le Président du Conseil Général du Bas-Rhin de nous avoir associé à ces rencontres et à faire part de mon admiration quant aux propos d’expert tenus. Je considère que

la richesse culturelle tant appréciée de notre région, qui fait l’objet de tant de recherches et de précautions depuis de nombreuses années, implique inévitablement une action commune entre nos deux départements. Nous faisons partie de la région du Rhin supérieur et avons à ce titre de nombreuses histoires communes ; notre Histoire est commune. Ce territoire doit être plus globalement notre préoccupation. La création d’un service interdépartemental a été approuvée le 20 octobre 2005 dans le cadre des orientations budgétaires par l’assemblée du Haut-Rhin. Nos deux collectivités sont dotées des mêmes compétences et ont choisi les mêmes compétences optionnelles dans un territoire dont je viens de souligner la cohérence. Comment ne pas imaginer de se mettre ensemble, de se concerter pour progresser davantage ? Nous ne pouvions manquer ce rendez-vous afin de démontrer que nous pouvions faire mieux économiquement et culturellement dans la gouvernance de notre territoire alsacien, pour que le progrès ne soit pas une utopie mais une réalité. La création d’un service interdépartemental est lancée. Le Bas-Rhin s’est montré exemplaire en créant le centre de Sélestat ; le Haut-Rhin a encore du chemin à parcourir, notamment en ce qui concerne la détermination du nombre d’agents affectés à ce service. Monsieur Wolf, chef du Service départemental d’archéologie haut-rhinois – présent dans la salle – me faisait encore part récemment de ses inquiétudes quant à une prédominance du service du Bas-Rhin, qui nous supplanterait. Finalement, aujourd’hui, il se dit plutôt satisfait de la situation nouvelle. Travailler ensemble ne signifie pas la disparition des richesses individuelles et/ou départementales. Le centre de Sélestat joue un rôle d’exemple, la proximité territoriale reste importante en matière d’archéologie. Nous avons de nombreuses contraintes, notamment en termes de budget. Il nous appartient de faire savoir aux contribuables haut-rhinois et bas-rhinois la façon dont les collectivités utilisent les moyens dont elles disposent. Il me paraît fondamental que les contribuables puissent établir un lien entre la feuille d’impôt local qu’ils reçoivent et les réalisations sur le terrain. Ce service interdépartemental avec ses partenaires (Etat, INRAP) doit permettre de renforcer notre action, qui concerne de nombreux acteurs économiques. Il ne s’agit pas de s’opposer, mais de travailler ensemble.Je vous souhaite à tous d’excellentes rencontres et je remercie à nouveau Philippe Richert pour l’organisation de cette manifestation. A nous de montrer ensemble, avec la Région, l’image d’une Alsace qui cherche à progresser pour le bien-être et le bonheur de ses habitants.

Philippe RICHERTLe risque de la décentralisation est que certains volets de l’action publique soient considérés comme non prioritaires en période de restriction budgétaire. La culture, et plus particulièrement le patrimoine, constituent des domaines dont les budgets sont souvent amputés, tant à l’échelon national que local, départemental ou régional. Nous nous sommes également posé la question de l’utilité d’un service d’archéologie et de la promotion d’une politique culturelle et patrimoniale. Notre réponse est affirmative ; les politiques culturelle et patrimoniale font partie de nos priorités. Renaud Donnedieu de Vabre, Ministre de la culture, considère que le patrimoine doit bénéficier d’une vision progressiste et non passéiste. A notre niveau, nous cherchons à contribuer à cette évolution.

Isabelle BALSAMO

Sous-directrice de l’archéologie, de l’ethnologie, de l’inventaire et du système d’information de la Direction de l’architecture et du patrimoine

Mesdames et Messieurs, c’est un honneur pour moi de participer à cette table ronde. Je tiens à vous transmettre le soutien de Michel Clément, Directeur de l’Architecture et du Patrimoine au

Ministère de la culture et de la communication. L’archéologie préventive est un enjeu des politiques locales de développement et d’urbanisation conduites par les collectivités. La part locale des responsabilités patrimoniales s’est développée à la périphérie de l’Etat, qui a une volonté forte dans le domaine du patrimoine. La loi du 17 janvier 2001 a constitué une première avancée, certes mesurée, en faveur des collectivités locales en les associant à l’INRAP. La loi de 2003 a considérablement accru les attributions des collectivités territoriales ; elles ont en effet la capacité de réaliser des opérations de plein droit, partageant ainsi le monopole public en matière d’archéologie préventive sur l’objet des diagnostics. Les mouvements de réforme de l’Etat, de l’administration centrale (Direction de

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l’Architecture et du Patrimoine) et les réformes des services territoriaux ont commencé à dessiner de nouveaux objectifs. Le premier objectif fort concerne l’installation et le fonctionnement d’un système équilibré d’archéologie. Rappelons que l’archéologie préventive est une mission de service public, au sein de laquelle les responsabilités doivent être partagées. L’Etat a la capacité de prescrire de manière raisonnée, maîtrisée, argumentée sur les connaissances, les études et le bilan du territoire et orientée selon des objectifs scientifiques. Il ne s’agit pas de prescrire à profusion, sans contrôle et de manière arbitraire. Une prise de conscience a été opérée il y a quelques années pour que la prescription pour les services de l’Etat soit fondée sur une maîtrise scientifique de l’archéologie préventive. L’Etat accorde aussi l’autorisation de fouilles, désigne les responsables des opérations et détient le contrôle scientifique et technique. Les différents opérateurs, quant à eux, mettent en œuvre les opérations d’archéologie. La réforme de 2003 a introduit aux côtés de l’INRAP, les collectivités territoriales, des laboratoires et des structures privées, qui doivent disposer d’un agrément conjoint du Ministre de la Recherche et du Ministre de la culture et de la communication pour exercer après avis du Conseil national de la recherche archéologique. Ce Conseil national, en un an de pratique, a déjà rôdé ses procédures d’agrément ; il s’oriente vers un véritable encadrement méthodologique de la pratique d’agrément, afin d’éviter tout soupçon de décision arbitraire et toute disparité de décision.Ainsi, l’élaboration de cette chaîne opératoire est progressive : l’Etat déclenche le processus de connaissance et de sauvegarde tandis que les opérateurs, les collectivités territoriales et l’INRAP mettent en œuvre et exécutent les opérations. L’Etat en réalise ensuite le contrôle et l’évaluation. Ce système est encore fragile, en particulier en termes de financement. Le Ministre de la culture a expliqué qu’il était favorable à un système de financement extra-budgétaire et fiscalisé, donc pérenne et juste. La mise en place de la redevance nécessite du temps. Cette redevance finance les opérations de diagnostic exécutées par les collectivités territoriales et l’INRAP. En l’état actuel, le Ministère pallie les insuffisances en ayant pris l’engagement d’accorder à l’Institut National d’Archéologie Préventive les moyens dont il a besoin. D’autres secteurs requièrent des améliorations, notamment la carte archéologique et la gestion des collections archéologiques mais aussi la formation des archéologues. Dans ce domaine, la notion d’émulation entre les différents opérateurs ainsi que l’Etat et les collectivités territoriales me semble être un élément essentiel pour la qualité du service rendu, la connaissance et la sauvegarde du patrimoine. Conformément à la loi de 2003, le Ministère de la culture et de la communication prépare actuellement un rapport sur les opérations d’archéologie préventive, la réalisation de la carte archéologique et le financement du fonctionnement de l’INRAP. Il s’agit d’un travail d’envergure, en étroite collaboration avec l’INRAP, pour lequel nous avons sollicité les services des collectivités locales et des opérateurs privés. Nous devrions ainsi disposer prochainement de données nouvelles sur le personnel des services d’archéologie depuis 2003 (une progression sans doute de 15 à 20 %), sur les superficies traitées (en diagnostic et en fouilles). Les premiers éléments laissent supposer d’ores et déjà un investissement important des opérateurs dans les opérations de diagnostics. Néanmoins, le partage de responsabilités entre l’Etat et les collectivités territoriales ne se limite pas aux opérations de terrain. Les collectivités jouent également un rôle majeur pour rendre accessibles au public les collections et en diffuser les résultats. Il s’agit là encore d’un enjeu pour lequel l’Etat fera part de son soutien.

Philippe RICHERT Nous avons profité dans le Bas-Rhin de la loi de 2003. Nous disposons de l’agrément de l’Etat depuis le 29 juillet 2005. Le Service d’archéologie du Bas-Rhin se compose aujourd’hui de 12 personnes. Nous contribuons à faire de la loi un progrès pour l’archéologie, en travaillant ensemble pour son efficacité. Je laisse la parole à Matthieu Fuchs, chef de service du Centre départemental d’archéologie du Bas-Rhin, pour l’organisation du colloque.

Matthieu FUCHS Chef de service du Centre départemental d’archéologie, Conseil Général du Bas-Rhin

Vous avez pu constater la volonté politique réelle du Haut-Rhin et du Bas-Rhin de s’associer. Notre service est représenté aujourd’hui ici pour recevoir les riches expériences des services d’autres collectivités et voir les collaborations que vous avez pu mettre en place.

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Les systèmes d’informations archéologiques :

un double enjeu scientifique et d’aménagement

du territoire

Claude HERON, Conseil Général de la Seine-Saint-Denis

Marie-France GLEIZES, Service régional de l’archéologie d’Ile-de-France

Laurent COSTA, Conseil Général du Val-d’Oise

Etienne HOFMANN, Ville de Lyon

Philippe ANDRIEUX, Conseil Général du Val-de-Marne

Sous la présidence de Marie-Aline CHARIER, Service archéologique départemental des Yvelines.

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De la carte archéologique à l’Atlas du patrimoine en Seine-Saint-Denis

Marie-France GLEIZES et Claude HERON Depuis 1992, le Service régional d’archéologie d’Ile-de-France et le Service du patrimoine du

Conseil Général de la Seine-Saint-Denis travaillent de concert à l’enrichissement de la carte archéologique du département.A l’échelle nationale, la Seine-Saint-Denis est un département particulier. Ce département de la petite couronne parisienne, créé en 1964 lors du démembrement des anciens départements de la Seine et de la Seine-et-Oise, n’a que 221 km² de superficie et n’est constitué que de quarante communes. Il est très largement urbanisé et ne compte plus que peu de terrains agricoles. Mais d’importantes surfaces, anciennes emprises industrielles désaffectées, y sont néanmoins actuellement aménagées.Le département n’a guère de tradition ancienne de recherche archéologique, hormis sur le site de Saint-Denis. Depuis une quinzaine d’années toutefois, Service du patrimoine du Conseil Général, AFAN puis INRAP y ont réalisé environ 300 opérations, auxquelles s’ajoute la quarantaine d’interventions réalisées sur la commune de Saint-Denis par l’unité municipale d’archéologie.Depuis son origine, la collaboration du Service régional d’archéologie d’Ile-de-France et du Service du patrimoine du Conseil Général de la Seine-Saint-Denis dans le domaine de la carte archéologique est fondée sur le principe « un projet documentaire, deux systèmes d’information ». Service régional de l’archéologie et service départemental ont tous deux pleinement intégré dans leur pratique la nécessaire coexistence de systèmes d’information – Patriarche et l’inventaire archéologique du service départemental - qui n’ont ni les mêmes contraintes, notamment en matière d’échelle géographique de travail ou de prise en compte des données réglementaires, ni les mêmes objectifs.La collaboration est donc fondée sur une communauté de données : les deux systèmes exploitent un catalogue de données géographiques commun, dont les règles d’utilisation sont connues par les deux acteurs. A ces données géographiques sont associées des tables de données dont la structure, partiellement commune, dégage une « fiche minimale ».Patriarche manipule cinq classes d’entités : entités archéologiques, opérations, protections, sources documentaires, adresses des intervenants. L’inventaire archéologique en manipule sept : sites archéologiques ; microtoponymes ; communes (en tant qu’entités administratives, mais aussi historiques) ; références bibliographiques ; sources iconographiques ; opérations archéologiques ; études d’impact archéologique. Les fiches minimales se construisent sur le partage des trois premières classes d’entités. En ce qui concerne les protections, la similarité des tables de données est forte et les champs spécifiques peu nombreux de part et d’autre. En ce qui concerne les

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sites ou entités archéologiques, les champs relatifs à la localisation, la qualification et la datation sont communs. Patriarche y ajoute des champs de gestion spécifiques et des champs relatifs au contexte environnemental ; l’inventaire archéologique départemental retient quant à lui des champs relatifs à la chronologie fine de la recherche sur le site. S’agissant des opérations, la fiche minimale est plus réduite car Patriarche contient des champs spécifiques à la recherche administrative et financière que l’inventaire archéologique départemental ignore, s’attachant davantage au poids documentaire de l’opération.Le catalogue de données géographiques exploitées en commun est tenu à jour par le service archéologique du département. Il compte aujourd’hui 51 couches d’information dont les métadonnées sont structurées selon ISO19115 simplifiée. Les couches d’informations sont réparties en grands thèmes :

• fonds de référence : cartes topographiques, cartes routières, plans cadastraux, orthophotographies aériennes ;

• occupation du sol : sites archéologiques, données de géographie historique, microtoponymies, synthèses des modes d’occupations du sol ;

• gestion patrimoniale : opérations archéologiques, études d’impact archéologique, protections patrimoniales, zonages archéologiques ;

• environnement : modèle numérique de terrain, hydrographie ancienne, couvert forestier ancien, données géologiques ;

• documentation : cartes anciennes depuis le XVIIIe s.

Deux notions clés sont attachées à chaque couche d’information : la position de chaque service (utilisateur, administrateur, producteur) ; les conditions d’utilisation de la couche, en termes de limites de représentation, de droit d’usage, de mentions obligatoires. Le catalogue s’enrichit progressivement grâce à la création de nouvelles couches, notamment dans le domaine des cartes et plans anciens. Depuis plusieurs années, le service départemental du patrimoine poursuit là deux chantiers de création de données au long cours.Il s’agit d’une part de la vectorisation des plans du cadastre napoléonien. Chaque plan de section est vectorisé sous Autocad© à partir du scan réalisé par la Direction départementale des services d’archives et les objets répartis en 18 calques. Le plan vecteur est ensuite calé sur un plan parcellaire au 1/2000e. Tous les plans de section d’une commune sont ensuite assemblés et l’ensemble est géoréférencé. Parallèlement, les données les plus significatives de l’état de section sont enregistrées en format tabulaire de manière à permettre l’association, au fichier de dessin, d’une base de données objets. 25 communes, couvrant 65 % de la superficie du département ont d’ores et déjà été traitées dans le cadre de ce chantier qui devrait être achevé en 2007.Il s’agit d’autre part de la numérisation, de l’assemblage et du géoréférencement de cartes anciennes couvrant tout ou une partie significative du département. Après

numérisation, les cartes sont assemblées et géoréféréncées sour ErMapper©. Treize cartes ont déjà été traitées : la carte de Delagrive de 1730-1740 au 1/17280e ; la carte de Cassini de 1756 au 1/86400e ; la carte des Chasses de 1764-1808 au 1/28800e; les minutes de la carte d’Etat-Major de 1835 au 1/40000e ; les Atlas communaux du Département de la Seine de 1854 et 1868-1874 au 1/5000e ; la carte hydrogéologique du Département de la Seine de 1862 au 1/25000e ; la carte topographique des environs de Paris de 1877 au 1/20000e ; les Atlas du Département de la Seine de 1895-1900 et 1935-1939 au 1/5000e; les plans directeurs de la région de Paris de 1872-1876 et 1933-1939 au 1/10000e. Deux nouvelles cartes sont actuellement en cours de traitement : les minutes au 1/10000e de la carte d’Etat-Major de 1818-1821 et une orthophotographie aérienne de 1951-1952.La carte archéologique de la Seine-Saint-Denis fait aujourd’hui l’objet d’une publication électronique partielle sur le web dans le cadre de l’Atlas du patrimoine du département. Celui-ci s’inscrit dans le projet national d’Atlas du patrimoine que pilote le Ministère de la culture et de la communication et qui vise à constituer, à des échelles territoriales diverses, des plates-formes numériques destinées à capitaliser les connaissances produites par les services patrimoniaux, à échanger les données techniques avec les partenaires opérationnels dans le cadre de la gestion et de l’aménagement du territoire et à offrir un moyen d’accès à ces données aux différents publics. Il a été initialement développé dans le cadre d’un protocole de décentralisation culturelle conclu en novembre 2001 pour une durée de trois ans entre le Ministère de la culture et de la communication et le Département de la Seine-Saint-Denis dont l’objectif, outre la réalisation de l’atlas, était la mise en oeuvre de l’inventaire du patrimoine architectural du département.L’Atlas du patrimoine de la Seine-Saint-Denis est accessible depuis octobre 2003 à l’adresse www.patrimoine93.net. Il comprend trois modules de données : - des bases de données de sources documentaires intéressant aussi bien la carte archéologique que l’inventaire : le catalogue des couches d’informations géographiques manipulées par le service départemental et le service régional de l’archéologie ; un répertoire bibliographique (3446 références indexées au 27 janvier 2006) ; un catalogue iconographique (2377 images indexées), un annuaire des intervenants dans le domaine de l’archéologie et du patrimoine ;- des notices relatives aux entités géographiques étudiées dans le cadre de la carte archéologique ou de l’inventaire : sites et édifices (2545 notices) ; monuments protégés ; communes ;- une bibliothèque de documents consultables en ligne et téléchargeables : rapports d’études, travaux universitaires, cartes de synthèse.La carte archéologique est un outil de recherche, de documentation et de restitution, une base documentaire et prospective, mais aussi un outil de programmation et de gestion des interventions archéologiques sur les territoires. La carte sert à déterminer les zones à forte

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sensibilité archéologique, qui, en Seine-Saint-Denis, reprennent en grande partie les zones définies dans les procédures antérieures.Le code du patrimoine précise que l’Etat peut définir des zones où les projets d’aménagement affectant le sous-sol sont présumés faire l’objet de prescriptions archéologiques, préalablement à toute réalisation. Ces zonages sont définis par arrêté préfectoral, publiés et affichés dans les communes. Ils peuvent comporter des seuils qui font tamis et permettent de traiter les principaux projets d’urbanisme.La Seine-Saint-Denis n’est pas perçue comme un territoire à forte valeur patrimoniale ou archéologique. C’est un tissu densément urbanisé, avec des infrastructures lourdes et une très forte pression immobilière. Pourtant, suite à un certain nombre de hasards et, peut-être, de nécessités, les archéologues y sont nombreux : service régional d’archéologie, Direction régionale et INRAP, quelques autres archéologues œuvrant dans le cadre de l’université ou de musées… Il y a surtout les deux grosses équipes territoriales du centre d’archéologie du département et de l’Unité d’archéologie de la ville de Saint-Denis. Leur implication constante dans le domaine de l’archéologie préventive a créé une dynamique et le 93 est devenu un lieu important pour la recherche, le suivi et la restitution de l’information archéologique. La publication des zonages de sensibilité archéologique, zones de saisine systématique et seuils à la commune, a été rapide et exhaustive. Ces zonages et ces seuils, établis en collaboration entre les services territoriaux et le SRA, peuvent présenter des cas de figure variés selon l’intérêt du site, sa préservation, ses possibilités d’exploitation et les menaces d’aménagement à venir.Ils peuvent porter sur des villes et bourgs anciens, des sites archéologiques déjà connus ou des secteurs présentant une forte probabilité d’occupation, cours d’eau ou voies anciennes. Ils prennent en compte des territoires très diversifiés, tissus urbains très denses comme Saint-Denis ou Aubervilliers, zones d’urbanisation récente comme Bobigny, communes encore agricoles comme Tremblay-en-France…Dresser un bilan de notre démarche est prématuré. Parmi les 469 dossiers comptabilisés sur la Seine-Saint-Denis depuis un peu plus d’un an, on peut dénombrer 19 certificats d’urbanisme (non opérationnels), 11 permis de lotir, 78 permis de démolir et 244 permis de construire dont 200 sont issus des zones de saisine systématique et 44 des seuils. Les autres correspondent le plus souvent à des interpellations en amont.Les dossiers, examinés avec les archéologues des collectivités territoriales concernées, ne font pas tous l’objet d’une prescription. La forte urbanisation du département incite néanmoins à exploiter au mieux les fenêtres d’observation qui se présentent. Les 450 dossiers évoqués ci-dessus ont entraîné 84 prescriptions de diagnostics, qui ont débouché sur 14 prescriptions de fouilles. Les chiffres ne sont pas définitifs, car de nombreux dossiers restent en suspens, mais ils donnent une tendance. C’est en examinant les résultats croisés des dossiers reçus,

des prescriptions archéologiques et de leurs résultats qu’il sera possible d’évaluer plus précisément la pertinence de ces zonages et d’envisager leur révision au fur et à mesure de l’émergence de nouvelles connaissances.

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L’Atlas des patrimoines : un outil pour la gestion des territoires. L’exemple développé dans le Val-d’Oise

Laurent COSTA Le présent exposé se veut principalement orienté vers des aspects méthodologiques et techniques. Il ne

présente donc aucun résultat d’étude. Il expose les choix qui ont été faits par les agents du Service départemental d’Archéologie du Val-d’Oise (SDAVO) dans le cadre du projet Atlas des patrimoines, et la manière dont cette expérience, initiée par et pour les archéologues départementaux, est aujourd’hui intégrée dans un plus vaste projet : le système d’information géographique départemental (SIGVO). L’originalité de ce système est alors de dépasser, en l’intégrant, la vision strictement archéologique et d’ouvrir sur une vision globale du territoire.

Présentation du département

Le Val-d’Oise est un département de la grande couronne parisienne. Très fortement urbanisé à l’est avec la métropole de Cergy-Pontoise et la plate-forme aéroportuaire internationale de Roissy Charles-De-Gaulle, l’ouest, au delà de la rivière Oise, est en revanche beaucoup plus rural avec une urbanisation maîtrisée au sein du Parc Naturel Régional du Vexin français.Le département compte 186 communes pour environ 1,25 millions d’habitants dont plus de la moitié est regroupée sur la frange sud-est du territoire.

La création de l’Atlas des patrimoines

Les prémicesDès la création du service en 1975, une première carte archéologique départementale a été réalisée par les membres du SDAVO. Elle s’inspirait et regroupait les informations traitant du Val-d’Oise contenues dans les fichiers d’inventaire réalisés par la Direction des Antiquités préhistoriques et par la Direction des Antiquités historiques d’Ile-de-France. Un peu plus tard, dans les années 87-90, l’expérience d’informatisation des sites historiques de Magny-en-Vexin (Ouzoulias 1988) a permis de mettre en place une nouvelle structure de données pour la carte archéologique du Val-d’Oise. Pour la première fois dans le département, une opération d’inventaire prenait le paysage et l’espace géographique comme outil et moyen d’étude. Cette étude compilait des informations traitant des occupations humaines avec des données sur les paysages anciens et les présentait sous la double forme d’un fichier informatique et d’un Atlas cartographique. Avec toutes les limites liées au support papier, les bases d’une gestion spatiale de l’information étaient fixées.Parallèlement, d’autres actions posaient les bases d’une collaboration inter-institutionnelle autour d’un même territoire d’étude. On peut citer :

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• une collaboration avec les équipes du CNRS ayant pour objectif l’étude des formations superficielles du département1,

• le recrutement de personnels de l’Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales (AFAN) pour travailler sur des programmes départementaux spécifiques2,

• le lancement de prospections pédestres sur les gisements situés sur les coteaux de la Vallée de la Seine et de l’Epte, complétées par des prospections aériennes dans le Vexin.

Même si cette période a été avant tout marquée par la fouille de quelques sites majeurs du département3, elle a été aussi la période durant laquelle les bases de la politique archéologique du département se sont mises en place autour d’un thème d’étude fédérateur : la relation homme-milieu.

Le développement de l’informatisation des données archéologiques

Durant les années 1990-2000, l’inventaire départemental a été informatisé sur le modèle de l’inventaire des sites historiques de Magny-en-Vexin. Le développement simultané des fouilles préventives a entraîné une intensification de la collaboration avec les équipes de l’AFAN et un accroissement considérable des données à gérer. Le service archéologique s’équipe alors de son premier logiciel de type SIG : Mac Map4. Celui-ci s’impose progressivement comme un des outils clés pour la gestion des informations archéologiques. A partir de ce moment, des informations différentes de celles intégrées couramment à la carte archéologique (sites et indices de sites) sont prises en compte de manière systématique5 et la réflexion sur le fond qui avait été menée est doublée d’un travail critique sur les outils. Peu à peu les archéologues vont s’investir dans l’utilisation de ces technologies. Aujourd’hui, sur sept archéologues départementaux, cinq disposent d’une licence SIG. L’interaction entre les problématiques des archéologues, les contraintes techniques liées aux logiciels et matériels, le contexte de l’organisation et les besoins des individus ont donné au système d’information géographique des archéologues du Val-d’Oise la morphologie qu’il possède actuellement. La gestion spatiale de l’information autorisée par l’outil a permis de fédérer des thématiques

1 La collaboration avec le Laboratoire de Géologie de Caen donne lieu à la publication d’un ouvrage de référence : le Quaternaire dans le Val-d’Oise (Halbout, Lebret 1991).2 Anthropologie avec H.GUY, xylologie et études des bois anciens avec A. DIETRICH, étude du bâti avec M.VIRE...3 Notamment par les fouilles du site de Maubuisson (responsable : P. SOULIER, puis C. TOUPET) et du site antique et médiéval de Beaumont-sur-Oise (responsables d’opérations : secteur antique, D. VERMEERSCH ; secteur médiéval, C. TOUPET).4 Mac Map : Klik développement, La faisanderie, 10 route des Aubry F-78490 Galluis France.5 Ce sont par exemple les réseaux de voiries, les parcellaires, les informations géologiques…

différentes : géologie et géomorphologie, étude de la céramique ou d’autres mobiliers, étude des paysages...Globalement, si l’on replace chacune des différentes applications développée au SDAVO par rapport à l’acte fondateur en archéologie, la fouille, on peut alors distinguer plusieurs types d’applications : certaines se sont développées en amont des travaux de terrain et ont constitué «des réservoirs d’information». C’est le cas de figure des bases de données liées à la politique documentaire du service archéologique. Ces données ont eu une importance toute particulière dans l’organisation et le fonctionnement du SIG. D’autres, se sont développées durant les opérations de terrain et ont servi de manière active à la gestion des opérations. Les dernières enfin, se sont placées en aval de l’opération de fouille et ont été les supports indispensables à une exploitation raisonnée des données. Ce sont deux exemples de ces différentes échelles d’approches que nous exposons ci-dessous.

Vers une gestion raisonnée du territoire sur la longue durée : les fonds de l’Atlas du patrimoine et la carte des réseauxNous avons travaillé selon deux axes afin de définir un certain nombre de fonds dits de référence thématique nous permettant de disposer pour l’ensemble de l’espace départemental d’une série variée et homogène de données. (Fig. 01)Le premier axe s’est appuyé sur un travail de collecte et de compilation documentaires inscrit dans la longue durée : l’ensemble de la cartographie ancienne et actuelle disponible sur le département au sein de diverses institutions (Cartothèque de l’Institut Géographique National, Service géographique de l’armée, Archives départementales et nationales, fonds spécifiques…) a été regroupé au sein d’une cartothèque qui compte aujourd’hui plus de 7000 reproductions de documents remontant, pour les plus anciens, au XVIIe s. Ces documents ont en grande majorité été numérisés et géoréférencés dans notre système. Chacun peut ainsi disposer pour son territoire d’étude d’un ensemble documentaire facilement mobilisable et lui permettant de visualiser sur plus de quatre siècles les différentes dynamiques qui structurent le territoire.Parallèlement à ce travail de gestion et d’intégration des sources nous avons développé des bases de données complémentaires répondant à des besoins spécifiques. La carte des réseaux issue de la vectorisation des cadastres napoléoniens nous permet d’offrir à nos partenaires un état des limites communales, du réseau hydrographique naturel et artificiel, du réseau viaire, des zones urbanisées et de la toponymie anciens.Cet ensemble documentaire nous permet de disposer d’un outil facilitant l’accès à l’information et ouvrant sur la production de dossier documentaire pour une gestion raisonnée du territoire.

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Un outil adapté pour la gestion opérationnelle : l’exemple de la Francilienne

L’opération archéologique « Francilienne » a été une vaste opération de sondages et de fouilles archéologiques. Une base de données cartographiques a été construite à l’aide du SIG du SDAVO. Cet outil a été utilisé à la fois en amont, pendant et en aval des opérations. Même si l’exemple est un peu ancien, il reste représentatif de l’approche adoptée par les archéologues du Val-d’Oise.

Mise en place de l’opérationDe 1994 à 1999, des études d’impact ont été menées sur le tracé de la future liaison routière Cergy-Roissy dans l’Est du Val-d’Oise. Le Conseil Général, maître d’ouvrage, a assuré financièrement le coût des opérations exigées par la prise en compte du patrimoine archéologique. Ce transect traverse treize communes et couvre une surface totale de 290 hectares. La coordination des opérations a été assurée conjointement par un représentant du SDAVO et un représentant de l’AFAN6. L’exécution des fouilles a été confiée en majorité à l’AFAN. Les opérations se sont structurées d’une manière classique : diagnostics systématiques, évaluations puis fouilles. 26 sites ont été découverts et exploités.

Les conditions de développement du systèmeL’outil de gestion de l’information mis en place a du s’adapter à la fois aux conditions spécifiques d’une opération préventive et aux demandes des archéologues du Val-d’Oise. En effet, la coordination souhaitait que les informations disponibles au service archéologique soient intégrées en amont des opérations. Par ailleurs, cet outil devait permettre de fournir un état des lieux permanent et de définir rapidement des stratégies d’intervention pour chacune des opérations. La chaîne de collecte de l’information a donc été gérée par une équipe maintenue durant toute l’opération avec le SIG Mac Map utilisé alors par le SDAVO. Cette équipe était composée de personnels de l’AFAN et de deux agents du SDAVO7. La base de données « Francilienne » a intégré deux pôles d’informations complémentaires :

• le premier s’est inscrit en amont et en aval des opérations de terrain. Il a privilégié la mise en perspective des données collectées durant les phases opérationnelles. Des données traitant de l’environnement humain et naturel dépassant l’échelle de l’emprise des travaux ont été réunies8. Au-delà de l’étude des sites, les campagnes de sondages ont permis de révéler un ensemble insoupçonné d’informations. Celles-ci ont été

6 Coordinateur SDAVO : F. SUMERA jusqu’en 1998, puis M. GAUL-TIER ; coordinateur AFAN : F. GENTILI7 Pour le SDAVO, ce sont principalement F. SUMERA, coordinateur et P. RAYMOND, alors Contrat Emploi Solidarité, qui ont conçu la chaîne de l’information, puis assuré le suivi de la base. A partir de 1998, L. COSTA a repris les travaux en aval des opérations.8 Les données sur les formations géologiques et sur la topographie du projet ont été complétées par des données sur les parcellaires et les toponymes anciens (cadastres napoléoniens).

d’autant plus intéressantes que, au-delà des 26 sites identifiés, des données généralement absentes des études liées au contexte d’archéologie préventive ont été intégrées. Par exemple, l’ensemble des fossés et des traces agraires a été collecté de façon systématique. • le second a été en phase avec les logiques d’exploitation liées au terrain. Les nécessités de l’urgence et les besoins de collecte de l’information propre à l’opération préventive ont été déterminants. (Fig. 03)

Après chaque découverte, tout élément jugé signifiant9, a été positionné en X, Y et Z grâce à un théodolite laser. Cette information a été intégrée aussi rapidement que possible à la base de données géographiques sur le fond des données du cadastre actuel, fond de référence10. Cette procédure a permis la visualisation quotidienne de la répartition des informations. Ainsi les archéologues ont pu se positionner de manière quasi immédiate en terme de stratégie de fouille. En parallèle avec le développement de ces deux bases de données situées au niveau du projet, des bases répondant aux besoins des responsables de fouilles ont été réalisées. Les données liées à chaque site ont été extraites de la base générale vers des bases autonomes. A partir d’une structure de données communes, des structures contenant des champs de données spécifiques ont été développées sous l’autorité des responsables d’opération. Ces bases ont été utiles pour centraliser les informations indispensables à l’étude du site (inventaires divers : mobilier, structures archéologiques…) qu’il n’a pas été nécessaire de verser dans la base générale. Ces «bases-outils» ont laissé une grande place à l’initiative des responsables. Ceux-ci ont pu utiliser de manière intense, ou à l’inverse ne pas utiliser pour leur étude, le logiciel et les données mis à disposition. C’est vers une logique de transfert de compétence que le choix s’était orienté. Cette possibilité offerte aux archéologues a été déterminante pour l’appropriation de l’outil. Au final, la plupart des responsables d’opération ont utilisé l’application. Par ailleurs, certains sites n’auraient pu être fouillés efficacement sans l’aide de l’outil SIG. Le site du Paléolithique moyen du « Petit-Saule » sur la commune de Villiers-Adam a été fouillé en 1996 par J.-L. Locht. Il constitue un nouvel exemple de ces sites moustériens qui s’étendent sur plusieurs milliers de mètres carrés et dont l’approche est permise uniquement en contexte de grands travaux. Une intervention à la pelle mécanique a été préconisée sur les surfaces où les pièces étaient peu denses. Seuls les amas ont été fouillés manuellement. Chaque pièce découverte a été relevée en X, Y et Z à l’aide d’un théodolite présent continuellement sur le chantier, puis intégrée à la base de données cartographiques.

9 Structures archéologiques isolées, fossés, limites parcellaires, objets isolés…10 Ces données ont été livrées en début d’opération par l’aména-geur sous forme d’un fi chier Autocad. Ce document a été ré-inté-gré par le service archéologique dans la base cartographique.

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La visualisation journalière de la répartition des pièces lithiques a permis de faire des choix déterminants pour la conduite de la fouille (l’opération a été rapide puisque de la découverte des pièces jusqu’à la modélisation en ponctuels, la manipulation durait entre une et huit heures). Le choix de modéliser spatialement la donnée à l’aide d’un logiciel de cartographie a été déterminant pour l’avancée des travaux. Le temps alloué à la fouille ayant été limité à trois mois, l’enjeu a été d’autant plus grand. Par la suite, en aval de la fouille, après travaux complémentaires de saisie, la base de données cartographiques a permis de mener à bien l’analyse spatiale du site. Elle a évité l’étape de constitution a posteriori des bases, généralement fastidieuse et génératrice d’erreur. L’intérêt premier du système d’information géographique de l’opération Francilienne a été de rendre cohérentes de multiples données au sein d’un même outil. Il a permis de regrouper autour d’un objectif commun et d’une pratique commune, des archéologues du SDAVO et des archéologues de l’AFAN. Cet exemple permet de montrer l’intérêt d’une collaboration qui va au-delà des logiques institutionnelles. Par ailleurs, le fonctionnement à deux niveaux du système a montré que pour associer différentes visions, il fallait avoir à la fois un niveau commun sans pour autant être trop normatif. L’étude de chacun des sites n’aurait pas pu se faire sans cette individualisation des données par rapport au système général. A l’inverse, la gestion du tracé aurait été impossible si elle n’avait réussi à se dégager des contraintes liées aux particularités de chacun des sites.

Du système d’information archéologique au système d’information départementalLa décision de développer un système d’information géographique dans le Département du Val-d’Oise est assez récente. Le projet « SIG départemental » a été initié dans le courant de l’année 1998 par le lancement d’une étude de définition et de cadrage des besoins. Cette étude faisait l’état des lieux de l’action des services dans le domaine spécifique de la géomatique. Elle proposait des pistes pour coordonner les différentes initiatives.Au moment du lancement des études, l’objectif principal fixé au projet par les responsables du département était de « pouvoir mettre à la disposition des services un dispositif leur permettant de localiser leurs actions et de produire des restitutions de ces mêmes actions sous une forme cartographique »11. Mettre en place un outil de capitalisation qui prenne en compte l’historique des travaux de chacun et les besoins spécifiques des différents services n’allait pas de soi, ni techniquement ni conceptuellement.Notre choix s’est alors orienté vers une architecture informatique de type « Client-Serveur » : un serveur de données géographiques déposé au Campus permet aux différents clients-utilisateurs d’interroger l’unique base de référence.12

11 Extrait du Cahier des clauses techniques particulières (CCTP) rédigé par J.RIEHL, responsable du SIG Val-d’Oise.12 Compte tenu des puissances très inégales du réseau entre les

Ce schéma général s’appuie sur les concepts cadres de « niveaux d’utilisation » et « d’univers d’utilisation ». Quatre niveaux d’utilisation ont été définis. Ils ont conditionné à la fois l’équipement matériel et le type d’accès aux données :• le niveau d’administration réservé au responsable

du projet13. Ce niveau donne accès à toutes les fonctions avancées et à toutes les bases de données en consultation et en édition.

• le niveau dit « expert » qui regroupe les utilisateurs avancés. Toutes les fonctions, à l’exception de l’administration de la base centrale, sont accessibles. L’édition des données se fait en rapport avec des droits d’accès14.

• les utilisateurs dits « avertis » qui ont accès aux fonctions des SIG bureautiques.

• le niveau de la simple consultation qui s’appuie sur les produits développés avec les technologies de l’Intranet-Extranet. Aucune fonction d’édition des données n’est disponible. Seules des fonctions de manipulation des représentations sont proposées.

Deux grandes catégories d’univers se côtoient :• l’univers communautaire qui est le lieu où se mettent

en place les outils communs et où se gèrent les référentiels cartographiques.

• les univers locaux et les applications métiers qui sont les lieux de développement des applications spécifiques.

Il est important de noter que des formations ont été intégrées dès l’origine du projet dans le cahier des charges. Elles s’appliquent à l’ensemble des utilisateurs ayant accès à une licence du produit.Le développement du système d’information géographique départemental, s’il dépend dans une certaine mesure de l’infrastructure technique, dépend avant tout de l’investissement et de l’intérêt que chacun des utilisateurs trouvera dans le système. Par ailleurs, si chacun des services est aujourd’hui responsable du champ thématique qu’il a développé, il est en revanche important que chacun s’engage dans une démarche favorisant l’échange et la mise à disposition de l’information.

différents sites utilisateurs, le schéma initial a été adapté : des serveurs relais ont été déployés dans les services et les données du serveur central dupliquées. Ainsi, l’interrogation et la manipu-lation des données par les agents sont équivalentes, qu’ils soient en central ou dans les sites du département. Seuls les serveurs communiquent entre eux : chaque nuit, une procédure auto-matique basée sur les protocoles de transfert FTP examine les différentes couches de données et coordonne l’ensemble des ser-veurs. D’un point de vue technique, sont installés sur le serveur central le SGBDR ORACLE, associé au progiciel Arc-SDE. Ce sont ces deux progiciels qui contiennent et redistribuent les données en central. L’utilisateur n’est pas directement confronté à ces deux produits mais au progiciel ArcGIS. Vingt licences ont été dé-ployées pour l’ensemble de l’institution, dont cinq pour le service archéologique qui reste un des plus gros utilisateurs de l’outil.13 J. RIEHL, ingénieur subdivisionnaire, géomaticienne, responsa-ble du projet SIG départemental.14 Chaque service met à jour ses propres données. Un correspon-dant responsable est désigné dans chacun des services.

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L’apport du système aux archéologues

L’exemple du Val-d’Oise montre différentes approches de l’outil SIG. Il n’existe pas de solution unique, mais de multiples chemins permettant de répondre à un besoin unique : gérer de l’information spatialement (Fig. 02). Le choix du type d’outil dépend à la fois de la problématique, de la sensibilité de l’équipe et du contexte institutionnel dans lequel s’inscrivent les pratiques. Comme le souligne H. PORNON (Pornon 1992), les buts et les objectifs d’un SIG doivent cadrer avec une double contrainte : force de différenciation privilégiant l’autonomie de la recherche et force d’intégration permettant à chacun de s’intégrer dans l’organisation générale en participant à la construction d’un savoir faire. Intellectuellement, il ne s’agit pas seulement de savoir appliquer mécaniquement un processus établi, mais plutôt d’avoir la capacité technique de tirer profit de données souvent complémentaires. L’apport majeur de ces technologies demeure la possibilité technique de multiplier les vues sur un même territoire au bénéfice de la qualité globale des résultats d’analyse.Il est aujourd’hui difficile d’apprécier tout l’apport du dispositif départemental sur les pratiques des archéologues du Val-d’Oise. Il est encore plus difficile de donner une image de l’évolution du système. Cependant, l’architecture informatique déployée met à la disposition des agents départementaux des données et des outils communs. Elle fournit les conditions techniques pour la constitution d’un savoir partagé. Celui-ci offre la possibilité de construire des approches du territoire qui peuvent aller au delà des travaux d’étude archéologique. Au Service départemental d’archéologie du Val-d’Oise, au delà de la simple restitution de l’histoire des hommes et des paysages, cette vision des choses permet de faire prendre en compte ces données dans les évolutions du territoire et de les replacer dans un contexte régional et infra-régional.En termes de perspectives, il s’agit maintenant de finaliser le transfert de données qui a été engagé notamment pour les cartes anciennes, de poursuivre le développement d’outils et de bases de données géographiques nous aidant à comprendre notre territoire dans sa durée. Pour cela, nous souhaitons utiliser les nombreux potentiels ouverts par les nouveaux outils de diffusion et tout particulièrement ceux offerts par le média Internet. L’ensemble des fonds anciens couvrant le département devrait être disponible dans le courant de l’année 2006 sur le site Web du Conseil Général.

Références bibliographiques

Halbout, Lebret 1991 : HALBOUT (H.), LEBRET (P.) - Le Quaternaire dans le Val-d’Oise. Ed. Centre de Géomor-phologie (Caen), Service départemental d’archéologie du Val-d’Oise, 1991, 267 p.Ouzoulias 1988 : OUZOULIAS (P.) - Un inventaire archéologique du canton de Magny-en-Vexin (Val-d’Oise) pour les périodes antique et médiévale, Mémoire

de maîtrise sous la direction de J.-M. Dentzer, Université de Paris I, 1988, 3 vol.Pornon 1992 : PORNON (H.). - Les SIG, mise en oeuvre et applications. Ed. Hermès, Paris, 1992, rééd. 1995, coll. Traité des nouvelles technologies, série Géographie

assistée par ordinateur,158 p.

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L’atlas départemental : Un ensemble documentaire posant des jalons pour l’histoire du département,

Fig. 01 : L’Atlas des patrimoines du Val-d’Oise.

Fig. 02 : L’exemple du Val-d’Oise montre différentes approches de l’outil SIG.

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Fig. 03

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Présentation de la base ALYAS : de l’entre deux eaux à l’entre deux fleuves, ou les méandres du SIG lyonnais

Etienne HOFMANN Un objectif triple

Pour répondre à l’objectif double que constituent la prise en compte de l’archéologie dans l’aménagement

du territoire et la progression de la connaissance du patrimoine archéologique lyonnais, le projet ALyAS (Archéologie Lyonnaise et Analyse Spatiale) a vu le jour sous la forme d’un SIG (Mapinfo) et d’une base de données associée (Access). Cette présentation expose les principes méthodologiques du projet et s’attarde peu aux aspects techniques ; c’est là un choix délibéré de notre part : dans le cadre d’un colloque dédié au positionnement des collectivités territoriales dans la chaîne de l’archéologie, il nous a en effet semblé plus pertinent de mettre en avant notre démarche et nos objectifs, plutôt que nos outils.Le projet ALyAS a pour objectif d’intégrer des informations géographiques, archéologiques ou données métier, urbaines et environnementales, sous la forme d’objets cartographiques et de données attributaires (Fig. 01).

La vocation de cet outil est triple : • Il doit permettre une meilleure appréciation du

potentiel archéologique dans les zones concernées par les aménagements futurs, en assurant un accès immédiat aux caractéristiques et à la cartographie des vestiges déjà reconnus aux alentours. Cette base de données exhaustive, tant cartographique qu’attributaire, se veut un outil d’aide à la décision pour les différents acteurs de l’archéologie.

• La saisie au sein d’une base de données unique pour toutes les opérations doit garantir une gestion optimisée des données relatives aux opérations de terrain, assurant le lien depuis le permis de construire jusqu’au rapport scientifique.

• L’intégration des vestiges, actuellement en cours de réalisation, doit fournir un outil de recherche sur la base de critères chronologiques, thématiques et géographiques. Les vestiges associés aux données environnementales disponibles offriront de nouvelles possibilités de recherches sur la dynamique d’occupation du territoire sur la commune.

Des données archéologiques hiérarchisées

Pour répondre aux objectifs évoqués, le modèle conceptuel de la base de données a été bâti autour d’une table pivot qui recense les opérations archéologiques touchant la commune.A cette table se rattachent les informations de nature administrative (sous la forme des documents d’urbanisme et des adresses), les données archéologiques issues du terrain et la bibliographie associée.

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et le travail de stagiaires15 ont permis le recensement de près de 1000 documents cartographiques, dont 400 sont aujourd’hui numérisés et 250 géoréférencés. Force est de reconnaître que notre démarche de géoréférencement des plans anciens se heurte à des difficultés croissantes. Au fur et à mesure de la régression temporelle, les repères entre topographie actuelle et ancienne se font rares et l’absence de projection donne lieu à des déformations parfois spectaculaires (Fig. 04). L’intégration de la cartographie ancienne ne constitue pas notre seul cheval de bataille. Même si ce n’est pas sa vocation première, le projet ALyAS, ne saurait fonctionner de façon cohérente en ignorant le cadre environnemental. Géologie, topographie, hydrographie sont autant d’éléments influençant de façon majeure l’occupation humaine ; et la topographie actuelle de l’agglomération lyonnaise a peu de choses en commun avec le visage de la commune aux époques antérieures. Malgré le travail remarquable des géomorphologues de l’INRAP et du LRGE dans le cadre de nombreuses interventions archéologiques, peu de cartes interprétatives ou de restitutions cartographiques sont disponibles. Les rares restitutions ont, d’ailleurs, toujours été réalisées à petite échelle ou d’une façon schématique qui ne satisfait pas aux exigences d’un SIG.Aussi, afin d’envisager des restitutions de la topographie de la capitale des Gaules au fil du temps, nous avons entamé une démarche d’acquisition des données environnementales disponibles.A ce jour, nous avons acquis plusieurs « couches » de données cartographiées :• L’implantation de plus de 1300 sondages

géotechniques avec leur descriptif ont été obtenus par le Service des Balmes et le BRGM. Leur couverture reste cependant imparfaite,

• La carte géologique du BRGM sous une forme vectorisée,

• La carte des formations détritiques superficielles (P. Mandier),

• L’emprise de chaque opération archéologique mentionnant l’intervention d’un géomorphologue,

• Le descriptif des unités sédimentaires reconnues et décrites dans les rapports de fouille desdites opérations,

• Le cours des fleuves (Saône et Rhône) en 1832.En recoupant ces renseignements et les restitutions proposées par les géomorphologues (notamment J.-P. Bravard16) et en se servant des données acquises comme « points d’ancrage », nous proposons aujourd’hui plusieurs restitutions de la topographie fluviale à Lyon. Loin d’être définitives, ces restitutions ne demandent qu’à être assises et/ou corrigées par les données issues des opérations de terrain à venir.

15 Principalement celui de V. BRUNEL dans le cadre du Master-pro « SIG et gestion de l’espace » de l’université Jean-Monnet de St-Etienne.16 BRAVARD J-P.,1995. Bravard Jean-Paul, « Paléodynamique du site fl uvial de Lyon depuis le Tardiglaciaire » in Dynamique du paysage, entretiens de géoarchéologie, DARA n°15, 1995, p.177-201.

A ce jour, l’emprise de chaque opération ou même découverte ancienne sur la commune est saisie et cartographiée. Toutefois, l’absence de précision de certaines découvertes anciennes (et parfois hélas, récentes) engendre une cartographie sous une forme ponctuelle sur la base de l’adresse. Saisie et cartographie des vestiges archéologiques sont aujourd’hui tout juste commencées, cela s’explique par la complexité et l’hétérogénéité des données : l’importance de la réflexion méthodologique, qui nous a été nécessaire pour mettre en place une « architecture » compatible avec l’approche archéologique, est à l’origine de ce contretemps. Les données archéologiques sont directement associées aux emprises. Elles ont fait l’objet d’un travail de hiérarchisation, de manière à pouvoir assurer un travail à trois échelles distinctes : • Le niveau le plus détaillé recense les faits

archéologiques, • Le regroupement de ces faits donne naissance à des

structures, • Le regroupement des structures à des ensembles.Chacun de ces enregistrements est directement associé à une représentation cartographique (Fig. 02). En ce qui concerne la définition et la caractérisation des trois niveaux d’entités présentes au sein de notre base, nous nous sommes directement inspirés du travail réalisé par les SRA dans le cadre du programme Patriarche (Fig. 03). Faits, structures et ensembles sont donc définis par le biais d’un thesaurus. Chaque entité est dotée d’une définition arrêtée. Pour les faits, qui constituent le niveau d’approche le plus détaillé, il est possible d’adjoindre un affixe matière à la description. Aux niveaux supérieurs, la description de chaque entité est maintenue mais les affixes matières disparaissent et laissent la place à un domaine d’activité (décliné en 2 niveaux de précision) destiné à faciliter les recherches thématiques.Pour chaque entité un module de datation est prévu ; il comprend l’attribution de l’entité à une ou plusieurs grandes périodes chronologiques mais également un ensemble terminus post-quem / terminus ante-quem (TPQ/TAQ) pour assurer une recherche par intervalle chronologique chiffré.

Un fonds cartographique en cours de constitution

Parallèlement au traitement des données purement archéologiques (dans la base et le SIG), l’équipe du service, s’est efforcée d’enrichir le fonds cartographique disponible sous SIG. L’ensemble des couches cartographiques représentant l’urbanisme actuel nous a été fourni par les services de la ville, parallèlement nous poursuivons l’acquisition de données environnementales (topographie, géologie, hydrologie) et historiques (plans anciens).La collaboration avec les Archives municipales de Lyon,

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Données urbaines, données archéologiques, données environnementales et l’ensemble de ces acquisitions sur une échelle diachronique, le projet ALyAS peut sembler gargantuesque ; gardons toutefois à l’esprit qu’examiner la localisation des sites archéologiques en faisant fi des processus d’urbanisation passés et futurs ne paraît pas pertinent en terme de gestion, tout comme l’analyse de l’occupation anthropique antérieure sur la base de la topographie actuelle. Si le projet est ambitieux, il n’est pas impossible et, à terme, il sera un outil performant de gestion des données, d’aide à la décision mais également de recherche. Cet outil devrait ouvrir de nouvelles possibilités de recherches diachroniques, multiscalaires et thématiques pour une meilleure évaluation des potentiels archéologique et taphonomique des sites. J’insiste sur l’utilisation du terme évaluation : archéologues et aménageurs ne doivent pas voir dans ces moyens informatiques des baguettes de sourciers ou des détecteurs de sites, mais un outil supplémentaire pour la gestion, l’exploitation, la mise en valeur et la programmation de l’activité archéologique au sein des collectivités territoriales

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ALyAS BDGestion des donnéesarchéologiques (opérationsde fouille et découvertesanciennes)

EXPLOITATIONSCIENTIFIQUE

ORGANISATIONAMENAGEMENT DU TERRITOIRE

Le SIG au SAM

Les objectifs

OUTIL

cadastre / fond de planréférentiel adressephotos aériennes

source : DSIT VDL

DONNEESGEOGRAPHIQUES

rapports de fouille et documents associés (photos,docs graphiques, bibliographie)

source: SAM VDL

ARCHEOLOGIQUEStopographiegéomorphologiehydrologie

sources diverses

ENVIRONNEMENTALEScartographie ancienne :plans de ville et cadastresanciens + registres associés

source: Archives VDL

URBAINES

ALyAS DocGestion des documents associésaux rapports de fouille(docs graphiques; photos; mobilier)

CollaborationsPatriarcheAtlas TopographiqueCarte Archéologique de la GauleAtlas de l'architecture et du patrimoine

Cartes et Atlas

SIG urbain et historique

DONNEES METIER

SIG relations environnement et société

Diffusion webExploitation multimédia

SIGSGBD

mur mur mur

PiècePièce Pièce Pièce

Villa

murmur

Pièce

Villa

Organigramme des différents niveaux d'approche des "données métier" au sein d'ALYas

niveau des ensembles ( correspond aux chronostructures de Patriarche)

niveau des structures ( intermédiaire entre ensemble et faits, prend en compte domaine d'activité et fonction)

niveau des faits ( notion de faits telle que developpée dans syslat)

DONNEES ATTRIBUTAIRES (BdD)OBJET GEOGRAPHIQUES (SIG)

Fig. 01

Fig. 02

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DéfinitionAffixes

matièresAffixes

morphologiquesTHESAURUS

Ensemble

Structure

Ensemble

Structure

Fait

TPQTAQ

Définition des faitsau sein d'ALYas

niveau des ensembles ( correspond aux chronostructures de Patriarche)

niveau des structures ( intermédiaire entre ensemble et faits, prend en compte domaine d'activité et fonction)

niveau des faits ( notion de faits telle que developpée dans syslat)

Domaine

Architecturecommémorative

Civil

Economie

Organisation du territoire

Funéraire

Eau et hydraulique

Défense

cultuel et religieux

Communication

Précision

édifice public

habitat

etablissement de santé

édifice de spectale

Civil

espace public

évacuation

adduction

usage

réserve

espace funéraire

architecture funéraire

structure funéraire associée

structure funéraire

aménagement de fleuve

aménagement de terrain

parcellaire

cadastration

espace fortifié

architecture militaire

naviguation

réseau routier

franchissement

architecture religieuse

Définition et caractérisation des entités

Fonctions et thématiques des entités

Fig. 03

Fig. 04Fig. 04

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Après l’audition de trois superbes exemples d’identification, puis de maîtrise du territoire, il revient

la tâche à l’auteur de ces lignes de redescendre au sein de la mission d’archéologie territoriale au quotidien.Matthieu FUCHS a souhaité que soit abordée ici la mission territoriale de l’archéologie. Il va donc être nécessaire de balayer largement, donc succinctement, les principes de l’action quotidienne qui régissent la protection du patrimoine archéologique au sein d’une collectivité territoriale.

Une nécessaire évolution, de nouvelles perspectives d’analyse de mission

Dès 1998, l’ANACT posait le problème et alertait sur une nécessaire évolution. Elle présentait, en 2003, une analyse complète dans un rapport sur l’évolution et le financement de l’archéologie préventive : « POUR UNE LOI SUR L’ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE », éléments de réflexion et prospective économique, Philippe Andrieux – Anact, Février 2003 (http://perso.wanadoo.fr/anact.collectivites/html/2002/analyses/rapphatab.htm) qui garde encore aujourd’hui toute sa valeur.Aujourd’hui la question et l’analyse restent valables : la décentralisation actuelle accélère le mouvement de prise en main par les collectivités de leurs territoires.À l’extrême, la question de la décentralisation de l’archéologie se pose à l’évidence.La question qui se pose alors à un archéologue en situation de collectivité est la suivante : dans les conditions actuelles, tant économiques que politiques, que faire pour obtenir une archéologie efficace et porteuse de sens ?Les difficultés que la profession rencontre depuis quelques années, dans son organisation et ses rapports avec le corps social, invitent à réfléchir à une réforme en profondeur de l’archéologie et non pas seulement à un nouveau toilettage de la loi de 2001, qui fut sans doute une occasion manquée dont nous n’avons pas fini de payer les conséquences.Un problème de lecture de notre métier se pose, à l’évidence, pour le corps social : parmi les nombreuses analyses actuelles de l’archéologie préventive et territoriale, le rapport Gaillard en est un exemple de lecture purement économique. Il est d’ailleurs assez symptomatique, sinon inquiétant que la dernière enquête en date (Monsieur le sénateur Gaillard) ne se préoccupe que de l’INRAP et en fasse, de fait, le seul acteur de l’archéologie préventive… sinon le seul coupable.Or, il est bien évident, au sein de la pratique, qu’une réflexion sur l’archéologie préventive ne peut se résumer à un questionnement sur le fonctionnement de l’INRAP17 comme le fait ce rapport.

17 C’est, à notre sens, la principale faiblesse du rapport du sé-nateur Gaillard, qui se cantonne trop au seul fonctionnement de l’INRAP.

Les services territoriaux d’archéologie : un défi pour l’archéologie

Philippe ANDRIEUX

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Un certain nombre de questions doivent donc être posées :

• Qu’est-ce qu’un service territorial d’archéologie ?

• Quel est son positionnement dans la structure de la collectivité ?

• Les archéologues de collectivités sont-ils des fonctionnaires au sein d’un cadre territorial ou des scientifiques décidant librement de leur recherche ?

• Les archéologues de collectivités sont-ils un luxe ou des acteurs sociaux ?

• Dans quelles conditions ?• Doivent-ils être payés par la puissance publique

mais décider par eux-mêmes ?• Doivent-ils « être aux ordres » ?• Quelle doit être leur formation ? Scientifique

pure ou administrative ?• La formation doit-elle être adaptée au contexte

de la fonction ou rester purement universitaire ?Il convient donc ici de balayer cette mission.

La mission d’un archéologue territorial

L’archéologue territorial est embauché par des élus !C’est-à-dire des personnes responsables ou porteuses d’un projet de collectivité (ville, agglomération, département).Ce projet entraîne une responsabilité devant la population (parfois nommée électeurs).Elus et projet exigent donc une responsabilité de réussite. En effet, tous deux font partie d’un projet politique. Ceci implique donc des échéances de mandats…Elus et projet ont donc des attentes précises de l’archéologie, et pas seulement scientifiques.Ceci implique donc que la création ou l’existence d’un pôle « conservation du patrimoine » local invalide les réflexions qui feraient du seul critère scientifique le paradigme de l’action des archéologues. Il peut y avoir des opérations où l’apport scientifique est minoré par rapport à l’apport patrimonial. Tel type de site peut être bien connu par ailleurs, mais si une communauté de citoyens estime que « sa » villa romaine mérite d’être étudiée et préservée, sa légitimité n’est pas moins grande que celle de la communauté des scientifiques. Ce fait est trop souvent ignoré, au titre d’une « Recherche nationale » qui décide de ce qui est connu ou non connu. On ne peut souscrire à cette idée qui sous-tend une proposition dans le pré-rapport du sénateur Gaillard. La question, en fait, est sans doute plus profonde : elle touche à la question du droit des citoyens à disposer de leurs archives, insérées dans leurs spécificités d’évolutions locales.L’enjeu social, territorial, nous semble aussi important que la réponse à des questions de spécialistes. Ajoutons que la diffusion vers les publics des savoirs acquis par les archéologues, participe de cette mission patrimoniale. En revanche, les financements doivent être plus locaux.

La position d’un archéologue territorial

Celui-ci se doit d’évoluer au sein d’une organisation

réglementée : la fonction publique territoriale.Il y dispose donc de la « protection » contre des réactions « humaines ». Il est « protégé » par quatre filtres :

• Le Directeur général de l’administration ou secrétaire général, qui a la responsabilité de traduire la demande politique en demande administrative légale,• Un statut (importance d’être titulaire !),• Le code de la fonction publique,• Le code du patrimoine.

Ainsi donc, UN service territorial est le résultat d’un processus de prise de conscience de la collectivité et de ses élus, généralement dans une décision consensuelle, traduit dans sa forme de l’administration du territoire concerné…Mais UN service territorial n’est pas une seule ou deux personnes, mais une équipe…

Les missions d’un archéologue territorial

Elles deviennent nécessaires à la collectivité selon deux cheminements :

• Sous la pression des événements, en particulier dans le cas de pression des aménageurs qui poussent aux traitements rapides des terrains à contenus archéologiques :

o Dans un tel contexte, il est fondamental de faire comprendre qu’un archéologue seul, même doté de terrassiers, n’est pas une solution à ce type de problème.

• Sous la pression de l’environnement socioculturel et la tradition locale :

o Dans un premier temps, il est fondamental de faire comprendre que l’arrivée de l’archéologue ne va pas régler immédiatement les problèmes !

o Tout au plus pourra-t-on envisager un travail d’analyse, pouvant déboucher sur des actions de communication patrimoniale et préparant en parallèle la structuration d’une équipe.

o Ce qui précède implique un budget prévisionnel et un plan de développement implicite ou affirmé au départ.

Il est donc important de bien expliciter les contenus des missions d’un archéologue territorial au moment de son recrutement.Il faut, en particulier, expliciter dès le départ que l’analyse du territoire qui va précéder toute action patrimoniale va mettre en évidence un contenu qu’il faudra que la collectivité assume.Si l’archéologue territorial est au service de la collectivité, il ne saurait être responsable de la présence des sites que son éthique scientifique lui interdit de détruire sans analyse, donc sans traitement. Ce sera à la collectivité de se positionner clairement, ainsi que devant les services de l’Etat, responsables du patrimoine au plan national.

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Les missions d’un service territorial

L’archéologie territoriale est une discipline de recherche autant fondamentale qu’appliquée.Que l’archéologie préventive soit une branche à part entière de l’archéologie, et donc une activité de recherche, peu en doutent aujourd’hui. Cela, du reste, a été entériné par le législateur qui a placé l’INRAP sous la double tutelle des Ministères de la culture et de la recherche. On ne peut d’ailleurs que regretter que ce dernier se montre si discret quant à la justification des coûts de l’INRAP. Exiger un traitement scientifique du patrimoine prend du temps… donc de l’argent. Ceci doit donc être, non pas analysé comme une dérive financière ou non, mais le résultat d’un choix politique qui doit être assumé par les politiques. Les analyses actuelles de certains élus nationaux ne le montrent pas.Pour autant, un élu qui décide de mettre en place une équipe territoriale n’est certainement pas un personnage irresponsable en état de « dérive financière ». Il répond à un besoin identifié dans la population ou dans son projet socioculturel. Il sait qu’il y aura un coût, mais qu’il en récupérera par ailleurs une plus-value dans l’animation et la prise d’identité de sa collectivité.Il ne peut donc reprocher à « son archéologue » de faire son travail si des sites sortent du sol. Il doit en assumer la responsabilité.

Prendre la mesure du territoire confié : analyse du contexte historique et patrimonial

La prise en compte d’un territoire ne peut se faire de but en blanc. Il est nécessaire d’en comprendre tout autant les dynamiques physiques qu’humaines. Une société ne se construit pas n’importe où et n’importe comment. Il est donc fondamental d’en identifier les structures des espaces concernés et les raisons culturelles et sociétales.

• Dans un premier temps, il faut mettre en place l’ébauche d’une carte archéo-territoriale :

o Elle permet une synthèse provisoire diffusée aux élus et éventuellement à la population, marquant ainsi la politique patrimoniale décidée.

o Elle permet d’identifier et de proposer aux élus des champs prioritaires.

o Ces premiers dépouillements permettent d’identifier la structure des gisements d’informations et les lacunes.

o L’association des données de la carte archéologique nationale, qui implique l’accord de l’État, permettra de vérifier les premières conclusions et de récupérer les historiques de recherches.

o Elle va nécessiter la mise en place d’une recherche systématique de documents et vérification des données primaires qui impliqueront nécessairement des spécialistes extérieurs (par ex. pour le Conseil Général du Val-de-Marne : contrat de spécialiste « archéologue

–archiviste » 25 000 € par an depuis dix ans).

• Il sera également important de pratiquer une analyse croisée de la carte archéologique, de la géomorphologie générale, de la géomorphologie des sites archéologiques, des périodes de ces sites et leurs faciès. À la fin de la première analyse du territoire, il deviendra alors possible de produire les premiers documents utiles à la collectivité :

o Ceci pourra déboucher sur l’ébauche de la structuration d’une information et de la sensibilisation des services locaux d’urbanisme (cartographies commentées).

o Cette information pourra ensuite déboucher sur la fourniture de fiches techniques d’évaluation pour les documents d’urbanisme (PLU, ZAC, grands travaux…) en dialogue avec les services de l’État lors des réunions d’élaboration associée où il faut impérativement être présent.

o L’étape ultime étant la capacité d’intervenir dans les phases d’études des projets urbanistiques.

o Cette étape essentielle, à notre sens, permettra alors de passer à l’étape du dialogue et du conseil avec les aménageurs de l’aire de responsabilité.

Sur ce dernier point, il convient alors d’être clair et de poser deux signaux précis à ces partenaires, ou plus exactement pétitionnaires, auxquels le fonctionnaire d’un service territorial se doit de répondre avec objectivité et respect du citoyen.

Une carte archéologique peut-elle être prédictive ?

Il faut dire clairement aux aménageurs que la carte archéologique du territoire de la collectivité ne pourra jamais constituer une garantie de l’absence de sites et que les informations qu’elle contient sont forcément partielles.Il est souvent extrêmement difficile de faire comprendre la démarche archéologique dans le flou méthodologique actuel où l’aménageur est ordonnateur potentiel et cherche, par fonction naturelle, à éviter les arrêts de chantier.Il est donc essentiel de construire des liens de conseil préventif.Là encore, les archéologues doivent être prêts à faire évoluer leurs approches et leurs méthodes, à la condition du mieux faire dans une meilleure insertion dans la pratique des aménagements.Il doit être bien clair qu’une statistique des découvertes, liée à l’événementiel de l’aménagement ne saurait être à la base d’un outil. La cartographie de l’évolution économique de l’aménagement actuel ne saurait être un outil d’analyse objectif et pertinent d’un territoire dans son évolution. Il ne saurait donc être à la base d’un outil

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prédictif pour l’archéologue. C’est l’analyse globale du territoire, dans l’évolution de ses composantes physiques et humaines qui peut, seule, mener à des hypothèses de présence probable mais jamais certaine.C’est là toute la différence entre une carte archéologique de service territorial, outil destiné à analyser et comprendre le territoire, et la carte archéologique nationale qui rend compte du réalisé au gré de l’évolution économique des territoires, de plus à une échelle bien moins fine.La valorisation des informations archéologiques : problème du respect de l’autre et de son « admissibilité » au dialogue.Après l’analyse du territoire, c’est au sein des opérations d’aménagement que l’archéologue territorial va pratiquer son activité de sauvegarde du patrimoine. Il faut donc qu’il puisse y avoir accès. Ceci implique inéluctablement la coopération, sinon l’aide des aménageurs.Il ne faut pas se voiler la face : si les archéologues veulent disposer de financements satisfaisants, la source ne peut en être que celle de l’aménagement (70 milliards d’euros par an en moyenne), et ceci dans des proportions autrement construites qu’actuellement.Ceci implique que les aménageurs soient entendus et compris sur les questions de leurs pratiques, qu’ils posent, au-delà de l’idée de marchandage. Le premier problème de l’aménagement est celui de son calendrier et des phases de préparations d’opérations : les archéologues doivent l’entendre. Cela implique un travail en situation de proximité et d’acceptation que nous vivons dans un monde aux règles socio-économiques où l’étude des patrimoines procède d’une décision de la collectivité qui décide d’y attribuer une partie de la plus-value des activités productrices de richesses.Cette coopération débute lors de la phase de diagnostic : elle implique qu’il y ait eu construction d’un accord entre l’archéologue, sa collectivité et l’aménageur. Ce n’est pas parce que ce dernier ne le paye pas qu’il n’est pas le propriétaire du terrain. Il y est donc le maître…

La mise en place d’opérations de diagnostics suppose l’existence de décisions motivées scientifiquement et pose également la question de l’agrément par l’État du service concerné

Elle procède et implique un certain nombre d’actions :La structuration de zonages à fort potentiel

archéologique en lien avec les services de l’État (article L522-5 du code du patrimoine) qui provoquent l’examen du permis de construire ou l’intervention en amont du conseil de l’archéologue territorial. On mesure ici toute l’importance de la phase de mise en place des PLU et/ou des ZAC.

Elle suppose une pratique de l’étude préventive des permis de construire dès le niveau de la collectivité. En tout état de cause, le permis de construire classique est un document par trop tardif au vu de la structure des opérations actuelles (article L524-4 du code du patrimoine).

Elle permet l’inscription de la réalisation de diagnostic avec l’équipe territoriale ou en lien avec

l’INRAP ou tout autre opérateur, dans la chronologie de l’opération. Ceci pose la question du financement de ces actions par la redevance et la mise en route de ses mécanismes qui posent question au moment où nous écrivons ces lignes.

Le suivi des résultats :o Il implique le traitement du matériel

au complet ou en association avec l’opérateur désigné par les services de l’État. Aide de personnels spécialisés et contributions de spécialistes des matériels archéologiques identifiés.

o La rédaction des rapports (DFS) ou intégration des données recueillies par les autres opérateurs potentiels.

o La conservation des données : Traitement conservatoire du

matériel archéologique par un personnel spécialisé.

Mise en réserves archéologiques par un personnel spécialisé.

Archivage des données de fouilles en lien avec le matériel archéologique (non-dissociation impérative).

Cette phase doit naturellement déboucher sur :La présentation aux élus de la signification des résultats scientifiques pour les projets urbanistiques de la collectivité. En particulier parce que de plus en plus d’opérations vont déboucher sur des fermetures définitives de dossiers !Une validation par la collectivité !

La mise en place d’opérations de fouilles financées par l’aménageur (L523-8 du code du patrimoine), succède aux diagnostics

Elle exige la coordination avec ce dernier et pose également la question de l’agrément par l’État du service concerné.On y retrouve à peu près les mêmes mécanismes :

Étude des diagnostics précédents.Corrélation avec les autres indices du territoire.Réalisation de fouilles avec l’équipe territoriale ou en lien avec l’INRAP ou tout autre opérateur.Suivi des résultats :

o Traitement du matériel au complet ou en association avec l’opérateur désigné par les services de l’État. Ceci implique l’aide de personnels spécialisés et la contribution de spécialistes extérieurs pour des matériaux archéologiques identifiés.

o Rédaction des rapports (DFS) ou intégration des données recueillies par les autres opérateurs potentiels.

o Conservation des données : Traitement conservatoire du

matériel archéologique par un

•••

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personnel spécialisé. Mise en réserves archéologiques

par un personnel spécialisé. Archivage des données de

fouilles en lien avec le matériel archéologique (non-dissociation impérative).

L’étude des résultats va naturellement déboucher sur la restitution à la collectivité :On ne peut pas refuser le fait que la recherche archéologique territoriale se fait dans le courant de l’aménagement qui provoque le bouleversement des sols. Cela implique aussi de la part des archéologues un changement de perspectives et sans aucun doute de pratiques. Accepter de modifier nos pratiques permettrait aussi de poser à l’autre partie un certain nombre d’exigences, au moins d’ouvrir un débat de fond.Les aménageurs, les élus, les citoyens, qui financent la recherche doivent savoir à quels questionnements répondent les fouilles et les études archéologiques. Bien plus, ces questionnements doivent être ceux de la société, même si les chercheurs sont là aussi pour poser de nouvelles questions.Ces questionnements peuvent être amples, et pas forcément nouveaux, du moment qu’ils n’ont pas été épuisés par les travaux en cours. La formulation du rapport Gaillard, qui propose de n’entreprendre une fouille que si elle permet de valider une « hypothèse nouvelle », est par trop radicale. De plus son fondement est faux : l’implantation humaine est liée au territoire. Aucun n’est semblable et tel faciès n’est pas forcément identique dans un même contexte géomorphologique et culturel. Les hypothèses ne peuvent donc qu’être « locales », sauf à tomber dans des questionnements par trop éloignés des citoyens et de leurs territoires respectifs.Ceci implique de manière essentielle :

Le rapport aux élus résumant le sens de l’opération et sa signification pour le patrimoine local :

o Signification de la densité d’occupation en rapport avec les projets urbanistiques connexes.

o Signification de cette présence, ou de cette absence, pour l’image de la collectivité.

o La fourniture, en parallèle d’une projection budgétaire et chronologique !

o Elle débouche sur une demande de validation de l’opération patrimoniale par la collectivité !

Cette validation débouche elle-même sur :La présentation de son patrimoine à la population :

o Conférences à vocation des publics non-sensibilisés, amateurs et/ou érudits.

o Plaquette avec introduction de l’élu en titre.

o Expositions en liaison avec les structures

muséales ou l’aide de spécialistes.o Médiation par un personnel spécialisé.

La présentation à la collectivité scientifique…Quand vous aurez le temps !…

Ce dernier terme, volontairement ironique, a pour justification l’ensemble de ce qui précède. L’énumération de la mécanique de la préservation du patrimoine archéologique d’une collectivité. Si les personnes recrutées sont sans aucun doute des scientifiques à part entière, il doit être clair, pour ces derniers, qu’ils ne fonctionneront pas dans une organisation de recherche, mais dans une structure de service à la collectivité. Il sera donc souvent difficile de se consacrer à sa propre spécialité, le recrutement n’étant pas sur cette orientation mais sur celle d’un service au public.

De cet exposé succinct, il ressort trois exigences :La nécessité pour les élus de bien affirmer leur décision patrimoniale face aux populations.La nécessité pour les élus de bien comprendre ce que signifie « archéologie territoriale » dans le contexte actuel de décentralisation.La nécessité pour les élus de bien comprendre qu’une équipe territoriale doit comprendre un ensemble minimum de compétences ce qui implique :

o Dans un premier temps d’audit, un minimum de trois personnes, dont un secrétariat.

o Dans un second temps, d’aller vers une équipe d’environ cinq à huit personnes qui peuvent être par exemple :

deux archéologues (négociation, diagnostic, fouille),un archéologue/historien plus spécialisé en documentation archivistique (carte archéologique),un secrétariat (suivi, courriers, frappe des rapports),un dessinateur-cartographe (carte archéologique, dessins archéologiques et relevés),un restaurateur-muséographe (conservation, restauration, muséographie),un régisseur technique (gestion du matériel, gestion des réserves),des techniciens de diagnostics et/ou de fouille.18

Il faut alors poser le fait incontournable que ce sont les citoyens qui vont payer cette équipe. Il est donc évident que la démarche d’intérêt personnel est exclue lors de la candidature devant la collectivité qui recrute.

18 Ce qui implique une masse fi nancière annuelle (masse salariale et fonctionnement) d’environ 315 000 € sans trois techniciens de fouille et 425 000 € avec techniciens.

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Des postes répondant à un objectif des collectivités : un positionnement de scientifique bien particulier !

Au rythme de l’aménagement actuel, tous les aménageurs devraient pouvoir trouver un partenariat avec les archéologues, quels qu’ils soient et quelle que soit leur région.Force est de constater que la variabilité des attitudes passées, voire encore présentes, de certaines DRAC, reste largement inexplicable pour l’extérieur, qui souvent ne connaît pas la faiblesse des effectifs, notamment les élus et les aménageurs. En revanche, des équipes d’archéologues qui travaillent pour ces mêmes élus sont plus proches des acteurs sociaux et mieux à même de nouer le dialogue entre science et société.Mais ceci nécessite aussi que ces postes qui s’ouvrent reçoivent des archéologues formés au travail en collectivité. Ce qui n’est pas le cas actuellement (constats répétés de correcteurs et de membres des jurys des concours de la fonction publique territoriale).Au-delà de la partie scientifique du métier, doit s’ajouter la connaissance du fonctionnement de la collectivité et de ses services. La compréhension des stratégies d’aménagement est essentielle pour pouvoir s’y intégrer et y faire prendre en compte le fait archéologique et son traitement… à un coût acceptable…, sinon compris…, et des délais supportables par les parties en présence.La recherche, le patrimoine et l’aménagement ont une dimension territoriale évidente. Les problématiques de recherche y sont spécifiques, parce que l’histoire des hommes a un rapport avec leur territoire, mais aussi parce que les équipes de recherche ne sont pas géographiquement réparties au hasard. Cela n’empêche pas, en jouant sur la notion d’échelle, que des programmes intéressent de très larges territoires, sans forcément respecter des limites administratives actuelles.Tous les observateurs s’accordent à dire que l’idéal serait un doublement du nombre actuel d’archéologues en France, soit un recrutement d’environ 2 000 personnes. Même si l’on réduit ce chiffre de moitié, c’est au moins 1 000 archéologues qu’il faudrait recruter dans un court laps de temps, deux ou trois ans maximum.Se pose alors la question de la formation qui ne peut être uniquement universitaire, mais aussi territoriale, comme évoqué dans le cours de l’exposé.

Conclusion

Il est évident que nous, l’archéologie et sa composante territoriale, sommes à un tournant… et que nous n’avons sans doute pas le volant !…L’auteur de ces lignes a déjà dit publiquement devant les élus de la nation (27 mars 2003) ce que l’ANACT pense d’une évolution possible.Elle exige, à l’évidence, un changement de regard sur notre position d’archéologues de collectivités dans le corps social et une meilleure compréhension de ce que nous pouvons lui apporter. Le temps me semble fini où l’archéologue faisait « sa recherche » et l’offrait à la communauté universitaire par la publication. Les

finances viendront de plus en plus majoritairement de l’aménagement par le biais de notre positionnement au sein de la collectivité aménageuse.Cela implique que nous ne sommes plus « de droit » par diplômes, mais de fonction.Il faut donc que nous y soyons reconnus comme acteurs pratiques et rentables pour la collectivité. « Rentable » n’est pas choquant si on veut bien l’entendre au sens de l’apport de mémoire, de sens et d’intégration des individus par leur histoire matérielle au sein de la société.Bref, il nous faut devenir des acteurs publics et non une élite séparée, exigeante en financement.Il nous faut devenir des interlocuteurs dialoguant, apportant un plus non seulement aux collectivités, mais aussi aux aménageurs, en leur donnant du sens à intégrer dans leurs travaux.Certains pourront être choqués de mes propos…j’ai grand peur qu’ils ne soient déjà morts !

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Discussion à la suite des communications

Marie-Aline CHARIERCombien de personnes travaillent à la constitution de l’Atlas du patrimoine en Seine-Saint-Denis ? Claude HERONTrois personnes, étant précisé que la remise à jour de l’atlas est quotidienne. Marie-Aline CHARIERComment les informations sont-elles diffusées entre le département et l’Etat ? Claude HERONL’atlas sert de plate-forme d’échange. Marie-France GLEIZESLes équipes se rencontrent périodiquement afin de comparer leurs informations, pour une meilleure cohérence. La carte archéologique doit reproduire les données nécessaires à l’élaboration d’une politique dans le département et dans la région. Il serait inutile de créer deux outils parallèles. De fait, les données circulent entre la région et le département en permanence. Marie-France GLEIZESComme l’a indiqué Claude, il existe un passage permanent du dispositif entre Patriarche et le département. Il est toutefois regrettable que le département ne puisse pas avoir accès à Patriarche, au moins pour les champs communs. De la salleCombien de départements disposent d’un Atlas du patrimoine ? Claude HERONJe ne sais pas exactement. La ville d’Angers, par exemple, a réalisé un très bel atlas, particulièrement rigoureux, accessible sur Internet. Par ailleurs, des atlas existent, sans pour autant être accessibles sur Internet. De la salle Avez-vous travaillé avec le service informatique du département ? Claude HERONAbsolument pas. Je leur ai même soigneusement caché les débuts de nos travaux. Le protocole de décentralisation nous a permis d’intégrer au sein de notre service les compétences nécessaires en termes de manipulations de l’information géographique et de développement informatique. De la salle Votre collaboration avec les autres services du département (eau, assainissement, voirie) a-t-elle engendré des instructions formalisées avec ces services ? Avez-vous une délégation d’instruction des dossiers par rapport au SRA ? Claude HERONNous n’avons pas de délégation et ne souhaitons pas la réclamer. Les différents services que vous citez s’intéressent à la cartographie ancienne, pour d’autres raisons que les nôtres. Par exemple, certaines inondations peuvent être expliquées à partir de l’observation de documents iconographiques anciens. Les données sont en conséquence exploitées sur le site de l’Atlas

du patrimoine et par un système de co-visualisation spécifique sur l’Intranet du département. Marie-France GLEIZESJe confirme que l’instruction des dossiers appartient au SRA. L’ensemble des dossiers est examiné en commun. Par ailleurs, l’équipe départementale joue un rôle de conseil en amont auprès des autres services du département, notamment pour les constructions de collèges, où le choix du terrainest important). Une réunion avec le SRA est alors organisée pour définir la procédure à suivre au titre de l’archéologie. Marie-Aline CHARIERDans le Val-d’Oise, le projet est-il déjà opérationnel ? Laurent COSTALe projet départemental est mis en œuvre depuis 2001. 2 500 agents du département ont accès au site Intranet, 40 utilisateurs SIG environ et 10 utilisateurs avancés. Marie-Aline CHARIERQu’en est-il de l’utilisation du projet ? Laurent COSTAIl s’agit d’un projet organisationnel, pour lequel l’outil technique fonctionne ; la difficulté provient de la nécessité de changement des méthodes de travail. Il faudra donc du temps. Actuellement, nous sommes 3 services sur 5 à l’utiliser, dont essentiellement les archéologues. Deux fois par an, des rencontres entre les services utilisateurs ont lieu pour exposer les nouvelles données intégrées dans le SIG et débattre des problèmes méthodologiques. Philippe ANDRIEUXJe suis impressionné par la qualité de vos outils. Il est toutefois regrettable que vos collègues ne s’y intéressent pas plus. Dans le Val-de-Marne aussi, nous réalisons un travail d’étude de base, mais, pour parvenir à une obligation d’utilisation, nous devons être présents lors des réunions d’élaboration concertées des documents d’urbanisme. Nous avons pourtant créé un site Internet très simple, consulté par les bureaux d’études qui ne prennent pas pour autant la peine de discuter avec nous, sauf pour les documents d’urbanisme. Marie-Aline CHARIERPrennent-ils en compte les données accessibles? Philippe ANDRIEUXIls vérifient les dispositions du code de l’urbanisme, qui leur permettent de contourner cette possibilité. Laurent COSTAIl est important de disposer d’outils permettant un échange, tout en ne négligeant pas un travail important de médiation. J’estime que nous devons nous intégrer plus fortement dans nos institutions. Nous considérons trop souvent le patrimoine comme un domaine à part, alors que le service archéologique participe pleinement à la vie de l’Institution départementale, dont la mission est de gérer l’avenir de son territoire.Claude HERON Ces outils nous donnent une culture géographique, dont nous manquons en France. Si ces outils servent à renforcer la culture géographique de l’espace, sa compréhension et sa représentation auprès des décisionnaires, ce sera déjà un point positif.

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L’archéologie préventive : vers quelle

coopération ?

Alexandre AUDEBERT, Conseil Général de l’Aisne

Léopold MAUREL, Conseil Général de Charente-Maritime

Jean CHAUSSERIE-LAPREE, Ville de Martigues

Pierre DEMOLON, Communauté d’agglomération du Douaisis

Jean-Paul DEMOULE, INRAP

Bruno DUFAY, ANACT

Sous la présidence de Jean-Jacques WOLF, Service départemental d’archéologie du Haut-Rhin.

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La mise en place d’un pôle archéologique : l’exemple de l’AisneAlexandre AUDEBERT Je vais vous présenter le Département de l’Aisne, la

genèse du pôle archéologique, ses missions et ses premières opérations d’archéologie préventive.

Présentation du département

Situé en Région Picardie, le Département de l’Aisne occupe une position stratégique entre l’Ile-de-France, Reims et le Nord-Pas-de-Calais. En matière d’infrastructures, le département est notamment traversé par deux autoroutes (A4 et A26), la future ligne du TGV Est (ouverture en 2007) et par la route nationale 2, axe de liaison traditionnel entre Paris et Bruxelles dont le passage en 2x2 voies est actuellement réalisé par tronçons. Si l’Aisne ne recèle pas de grande métropole, le département est doté d’un réseau de villes dynamiques à taille humaine : Soissons, Saint-Quentin, Chauny-Tergnier, Château-Thierry et Laon, la préfecture.Forte de ces atouts, l’Aisne, sous l’impulsion de diverses institutions territoriales, tente de développer et de diversifier son activité économique, actuellement fondée sur la production agricole, l’Aisne étant le premier département producteur de betterave sucrière. L’aménagement du territoire départemental est donc en perpétuelle évolution, augmentant du même coup l’activité archéologique.

Les missions du pôle archéologique

Dès 1998, avec la création du Service de la Conservation des musées, le Conseil Général engage une réflexion sur sa future politique en matière d’archéologie. Conscient de l’importance d’anticiper l’activité archéologique qui découle des projets d’aménagement, le Conseil Général de l’Aisne décide de créer en 2002, avec l’aide de l’Etat (DRAC Picardie), un poste de chargé de mission pour l’élaboration de la Carte archéologique afin d’avoir à disposition un document d’alerte sur les zones à fort potentiel économique et les grands bassins d’emplois (Saint-Quentinois, Laonnois, vallée de l’Aisne autour de Soissons, Omois).En 2004, le Conseil Général décide de compléter son action en créant un poste de médiateur culturel. Ce dernier est chargé en premier lieu de préparer des actions de communication vers le grand public, comme par exemple des expositions à destination du public scolaire et en particulier des collégiens, qui constituent le domaine de compétence du Conseil Général. Le médiateur culturel assure par ailleurs le suivi des travaux d’extension du parc archéologique de Marle, consacré à la reconstitution d’un village mérovingien, d’après le résultat des fouilles de Juvincourt-et-Damary.La dernière étape de ce processus de prise en charge par le Conseil Général de l’Aisne de son patrimoine archéologique est la mise en place, en 2005, d’un pôle archéologique au sein de la Conservation des musées et de l’archéologie. D’une part, afin de fédérer les actions

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précédemment citées et, d’autre part, d’en développer de nouvelles, notamment la réalisation de diagnostics et de fouilles archéologiques préventives, autorisés par l’obtention de l’agrément d’opérateur d’archéologie préventive.Initialement, le pôle archéologique a pour mission d’assurer uniquement les opérations d’archéologie préventive préalables aux aménagements du département, dont la majeure partie est constituée de travaux de voirie. L’objectif est moins de réaliser une économie sur les dépenses de l’archéologie préventive que de raccourcir les délais de traitement administratif des dossiers et d’exécution opérationnelle, en n’étant plus tributaire de la programmation de l’INRAP.

Premières opérations et premiers résultats

Sur le terrain, l’activité diffère un peu de ce qu’elle peut être ailleurs en France puisque les équipes du pôle archéologique sont confrontées à un élément propre à la région, à savoir les vestiges de la première guerre mondiale : impacts d’obus, tracés de tranchées, obus non explosés, etc. Ces vestiges constituent une entrave plus ou moins sérieuse à la lecture des vestiges archéologiques antérieurs. Certaines structures peuvent même représenter des leurres : ainsi des fosses qui s’apparentent à des sépultures sont en réalité communément interprétées comme d’anciennes fosses de dépôts de munitions (faible profondeur, absence d’ossements, présence de métal et de faïence). Mais ces vestiges récents sont aussi un patrimoine très prégnant dans la mémoire collective locale et méritent donc d’être pris en compte à leur juste niveau dans l’étude des sites archéologiques.Pour sa première année de fonctionnement, le pôle a assuré la réalisation de trois opérations d’archéologie préventive.La première opération a été un diagnostic préalable à l’aménagement par le département d’une route de contournement de l’agglomération de Saint-Quentin par le sud-est, sur une surface d’environ quinze hectares. Pour la petite histoire, il a été administrativement réalisé en deux phases : pour une première tranche de six hectares prescrite avant l’obtention par le département de l’agrément, le pôle archéologique a dû intervenir comme prestataire de services de l’INRAP qui s’était vu notifier l’opération, alors que pour la seconde tranche de neuf hectares prescrite après l’obtention de l’agrément, le pôle a pu intervenir en direct après s’être fait notifier l’attribution du diagnostic.La deuxième opération départementale a concerné le tracé d’une route de liaison entre quatre villages, parallèle à la route nationale 31 reliant Reims à Soissons, axe rendu dangereux par l’important trafic routier. Les particularités techniques de la voie ont rendu la réalisation du diagnostic difficile. L’emprise de cette voie parallèle n’était en effet que de douze mètres de large pour un tracé de 4,5 kilomètres de long ; de plus la route reprenait un certain nombre de chemins ruraux qu’il fallait respecter jusqu’aux travaux proprement dits. La prescription du SRA était néanmoins motivée par

l’implantation de cette route dans la vallée de la Vesle, vallée secondaire de celle de l’Aisne, dans un secteur particulièrement riche en patrimoine archéologique. Ainsi, malgré les contraintes techniques, cette opération devait permettre de compléter la carte archéologique de la zone. Toutefois, le fort colluvionnement du secteur a pu sceller une partie des vestiges potentiels et seules les fondations d’un bâtiment du bas Moyen Age (dont les ¾ étaient hors emprise et n’ont donc pu être fouillés) et une portion de voie moderne pavée (XVIIIe s.) ont pu être mises au jour.Enfin, à l’issue du diagnostic du contournement de Saint-Quentin, une fouille préventive a été prescrite : elle a été assurée de septembre à décembre 2005. C’est la troisième opération pour 2005 et la première fouille conduite par l’équipe du pôle archéologique départemental. Les vestiges découverts sont ceux d’une ferme gauloise du Ier s. avant J.-C., et d’une petite villa gallo-romaine caractérisée par la présence de traces de bâtiments construits en bois et torchis, de bâtiments sur poteaux, de fours et de bassins aménagés de 100 à 200 m². L’ensemble a été perturbé par des vestiges de la première guerre mondiale. L’intérêt de ce site est de permettre de se faire une meilleure idée du terroir de la ville antique de Saint-Quentin (Augusta Viromanduorum) et des relations entre ville et campagne durant l’Antiquité, en le confrontant aux autres sites récemment fouillés dans la région (villa romaine à l’ouest de la ville, insula en centre-ville,…).

L’avenir du pôle

Ce pôle archéologique se met donc en place de façon pragmatique en n’intervenant pour le moment que pour les aménagements départementaux. Toutefois, compte tenu de sa qualité d’opérateur d’archéologie préventive agréé, le pôle reçoit de plus en plus de demandes de la part d’aménageurs para-départementaux et de collectivités territoriales pour assurer leurs diagnostics, pour des raisons de délais, ou leurs fouilles, pour des raisons de coût. Répondre ne serait-ce qu’à une partie de ces demandes, liées à des impératifs économiques ou d’aménagement du territoire, constitue déjà pour nous un premier défi à relever. Y répondre sans pour autant transiger sur nos propres intérêts scientifiques en est un autre.

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Introduction

Il est important de rappeler ici que l’archéologie n’est pas une compétence obligatoire telle que celles définies

par les actes I et II de la décentralisation. Elle fait donc partie de ce que l’on appelle les compétences choisies, les politiques volontaires. La place de l’archéologie au sein des collectivités territoriales s’est donc développée différemment selon les contextes et parfois même les hasards.Pour autant, des lois récentes ont aménagé une place aux collectivités territoriales parmi les acteurs de l’archéologie, et plus particulièrement de l’archéologie préventive. Je souhaite développer cet aspect de l’archéologie territoriale en présentant un exemple, celui du Service départemental d’archéologie de Charente-Maritime (SDA 17).Notre service a été constitué en 2001, en prolongation du recrutement d’un archéologue fin 2000, afin de répondre aux besoins du département et aux réformes engagées dans le domaine de l’archéologie par l’Etat.Le service s’est tout d’abord attaché à poursuivre les fouilles programmées du site du Fâ, à Barzan, et à gérer les collections archéologiques d’un dépôt Etat.Suite à la loi du 1er août 2003, modifiant le régime d’archéologie préventive issu de la loi du 17 janvier 2001 et permettant aux services archéologiques territoriaux la réalisation des diagnostics et fouilles préventives, le Directeur de l’architecture et du patrimoine du Ministère de la culture et de la communication a confirmé, par décision en date du 11 mai 2004, l’agrément délivré au SDA 17. Le Conseil Général s’est prononcé sur l’étendue de son intervention en matière d’archéologie préventive en choisissant de consacrer nos moyens à nos propres besoins, en privilégiant la réalisation de diagnostics archéologiques au cas par cas, en fonction des opérations en cours.Aujourd’hui le SDA est composé de :

• deux archéologues départementaux, • un attaché administratif,• un agent chargé du dépôt de fouille,• un agent chargé de l’informatisation des

données.Les missions du SDA :

• contribution à l’étude et la conservation du patrimoine archéologique du département au travers, notamment, de la poursuite des fouilles programmées sur les sites de Barzan et Jonzac ;

• réalisation des diagnostics et des fouilles préventives essentiellement pour les aménagements du Conseil Général ;

• gestion du dépôt archéologique qui accueille les collections provenant des prospections, des fouilles préventives et programmées ;

La mise en place de l’archéologie préventive au sein du Service départemental d’archéologie de la Charente-Maritime Léopold MAUREL

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• mise en œuvre d’actions de valorisation des résultats et des découvertes archéologiques auprès des différents publics (Musée de Barzan, publications scientifiques).

La première opération archéologique préventive a eu lieu en décembre 2004, il s’agissait d’un diagnostic. Nous avons décidé de considérer la première année d’activité comme une année expérimentale. L’objectif était d’aboutir à l’élaboration d’une chaîne opératoire en matière d’archéologie préventive avec en amont de cette chaîne, la prévention et le conseil, et en aval, la production et la valorisation.La problématique était double :

• devenir un acteur à part entière de l’archéologie préventive dans le département en lien avec le SRA et l’INRAP ;

• mettre en place une étroite collaboration avec les services du Conseil Général.

Une première année d’activité

Lors de cette première année d’activité, l’objectif a été d’élaborer une chaîne opératoire d’archéologie préventive avec :

• en amont, la prévention, l’information et le conseil auprès des aménageurs, notamment institutionnels, susceptibles d’être concernés par l’archéologie préventive ;

• en aval, la production, par la publication et la valorisation en direction des publics.

Quelques chiffres

Les prescriptions47 arrêtés de diagnostics ont été pris depuis l’agrément du SDA (2004) :

32 dans le cadre d’aménagements privés,12 dans le cadre d’aménagements réalisés par des collectivités territoriales,3 pour des aménagements du Conseil Général de Charente-Maritime.

Quatre diagnostics ont été réalisés par le SDA 17.La redevance

La superficie totale soumise à diagnostic a été de 1 500 572 m² dont 65,63 % ont été sondés par le SDA (984 898 m²).Le montant de la redevance sur l’ensemble des diagnostics s’élevait à 483 890,72 €, dont 68,5 % ont été reversés au département pour les diagnostics réalisés.Il nous appartient donc d’estimer les moyens humains nécessaires. L’élaboration de la chaîne opératoire est traduite dans un document reprenant les différentes procédures (saisine du SRA, arrêté de prescription du diagnostic, réception et décision, validation, montage du projet, etc.) ce qui facilite notre communication avec les services du Conseil Général, pour se calquer ensuite sur leurs procédures.

Les moyens à mettre en œuvre

Afin de permettre la mise en œuvre opérationnelle de la chaîne opératoire d’archéologie préventive nouvellement

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élaborée, des moyens nouveaux doivent être attribués : humains, financiers, scientifiques et techniques.Concernant le montage des opérations d’archéologie préventive, nous évaluons les moyens à mettre en œuvre, tant en termes de budget, de moyens mécaniques, d’hébergement, de repas, qu’en termes de recrutement des agents contractuels (selon les spécialités nécessitées par le chantier), d’hygiène et sécurité, de mise à disposition des véhicules, de rédaction de lettres d’informations aux élus locaux et d’élaboration d’un panneau d’informations sur le chantier. La première phase du projet se termine par l’envoi du dossier de projet scientifique étoffé (données de chantier, de personnel, etc.) au SRA. Après validation, une convention est mise en place. Ayant interrogé les services juridiques sur l’obligation de consultation au titre des marchés publics, il m’a été répondu que ces prestations d’archéologie préventive étant réalisées en interne, il n’était pas nécessaire de lancer un appel d’offres. Concernant les phases de travaux de terrain et de post-fouilles, nous avons dû expliquer à nos collègues à la fois notre mission sur le terrain, mais également la nécessité de remettre un rapport à la fin de chaque diagnostic et de chaque fouille. Pour la production et la valorisation de la prestation, il nous appartient d’expliquer aux élus et aux supérieurs hiérarchiques les délais nécessaires à l’évaluation de la préparation du chantier, des fouilles, des opérations postérieures et de la publication de notre recherche. Nous participons à cet effet à des colloques et devons travailler sur la médiation vers le public (panneaux de chantier, site Internet) comme des institutionnels (courriers aux élus, visites de chantiers) ainsi que nos collègues du Conseil Général (service des moyens généraux, des équipements de sécurité). Nos moyens doivent être la traduction opérationnelle de la chaîne opératoire ; ils doivent également nous permettre de collaborer avec l’INRAP et les services archéologiques. Ces moyens sont humains (emploi de contractuels, besoin d’agents permanents), scientifiques et techniques (conditions de conservation préventive du mobilier) mais aussi budgétaires. Il est important de préciser les moyens dont nous avons besoin en terme de communication auprès des élus et des services.

Conclusion

La place prise par les collectivités territoriales dans le domaine de l’archéologie préventive doit constituer une plus value dans :

• l’intégration de l’archéologie dans une démarche globale d’aménagement du territoire,

• la connaissance et la conservation du patrimoine archéologique d’un territoire donné,

• le partage avec le public et les institutionnels des connaissances acquises afin de faciliter l’appropriation collective du patrimoine archéologique.

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La ville de Martigues est située en basse Provence occidentale, entre l’Etang de Berre et la Méditerranée,

à distance à peu près égale (40 à 50 km) de Marseille, Aix-en-Provence et Arles.

Le contexte historique et archéologique

Depuis le début du XXe s., Martigues et sa région sont des hauts lieux de la Préhistoire et l’archéologie provençale, au cœur d’une série de gisements importants, a un intérêt national voire européen, tel le site néolithique du grand abri de Châteauneuf-lès-Martigues. Le territoire de Martigues s’étend sur plus 8 000 hectares et compte 45 000 habitants. Occupé depuis la Préhistoire, ce site a connu également une occupation importante à l’Âge du Bronze, à l’Âge du fer et durant l’époque gallo-romaine. Nombreux sont aussi les vestiges d’édifices du Moyen Age et de l’époque moderne. Au total, plus de 120 sites archéologiques terrestres sont répertoriés sur les bases de données nationales et locales. Compte tenu de la situation maritime de la commune qui compte plus de dix kilomètres de littoral, s’y ajoutent de nombreux gisements sous-marins ou sub-aquatiques (épaves, constructions immergées) couvrant un large champ chronologique.

La présentation du service archéologique municipal

Dès les années 50, d’importantes fouilles archéologiques programmées ont été conduites à Martigues, principalement par des chercheurs du CNRS, sur des sites préhistoriques ou gaulois. Leurs travaux ont été soutenus par la commune, souvent propriétaire des terrains, et ont permis la constitution de collections archéologiques de qualité, qui allaient servir de base au fonds muséographique municipal. Au cours des années 60-70, le développement démographique et industriel de cette partie du littoral provençal a, comme dans d’autres villes de la région, entraîné la découverte de sites archéologiques majeurs. Faute de moyens, leur reconnaissance a souvent été expéditive et quelques sites ont même été détruits pratiquement sans observation ni intervention scientifique : ainsi, en 1968, une vaste villa maritime gallo-romaine à l’emplacement d’une centrale EDF. Il a fallu attendre 1978 et la découverte en plein centre-ville, dans le quartier de l’Ile, d’un habitat gaulois extrêmement bien conservé pour que la municipalité de Martigues s’engage directement dans la sauvegarde et la mise en valeur de son patrimoine archéologique. Concrétisé en 1980 par le recrutement d’un premier archéologue municipal, rattaché au musée, cet engagement a d’abord reposé sur le fait que la collectivité territoriale était directement ou indirectement le principal aménageur de la commune. En conséquence, les travaux de fouille de sauvetage ont constitué la mission première du service d’archéologie de la ville. Cette orientation opérationnelle, qui ne s’est depuis lors jamais démentie, tient sans doute en grande partie à la pérennité de l’équipe municipale et de son premier magistrat, M. Paul Lombard, aux commandes de

L’archéologie préventive dans une commune : l’exemple de Martigues Jean CHAUSSERIE-LAPREE

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la ville depuis 1959.Après la création, en 1984, d’un service archéologique indépendant du musée, le développement de l’archéologie territoriale a adopté à Martigues un processus proche de celui suivi par nombre de municipalités dotées de telles structures. Jusqu’en 1995, au fil des opérations dites de « sauvetage programmé », la ville de Martigues a ainsi privilégié un partenariat régulier avec l’Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales (AFAN), qui assurait le recrutement d’archéologues contractuels pour l’exécution des fouilles. D’abord mis en place pour les opérations de terrain, ce partenariat a ensuite été étendu à d’autres types de projets : mise en valeur des vestiges, publications, expositions.Puis, en 1998, avec la restructuration de l’AFAN marquée par une volonté accrue d’autonomie (qui a abouti à la constitution d’un Etablissement Public, l’INRAP), un nouveau pas a été franchi par la municipalité de Martigues. Mue par la volonté de conserver pleinement la maîtrise opérationnelle, financière et scientifique de l’archéologie martégale, la ville s’est alors engagée dans la constitution de sa propre équipe archéologique municipale, capable de répondre à l’essentiel des besoins (fouilles, conservation, mise en valeur, médiation). Comme beaucoup de villes, Martigues l’a d’abord fait en s’appuyant sur le dispositif des Emplois-jeunes, mis en place par le gouvernement, puis par le recrutement ou la titularisation d’emplois statutaires. Aujourd’hui, en 2006, le service municipal d’archéologie compte sept agents titulaires (un conservateur, un attaché de conservation, un assistant de conservation, trois agents du patrimoine, un agent administratif), auxquels il faut ajouter un emploi-jeune et plusieurs archéologues temporaires, recrutés au gré des opérations de fouilles.Cette implication très forte de la ville pour le patrimoine archéologique communal ne signifie pas pour autant qu’elle exerce un monopole scientifique et opérationnel en la matière. L’indiquent en particulier les nombreuses et anciennes collaborations qu’elle poursuit sur diverses opérations avec d’autres organismes de recherche ou d’enseignement (Universités, Ministère de la culture et de la communication, CNRS) ainsi que son ouverture aux archéologues amateurs et bénévoles.

La place actuelle de Martigues dans le « paysage » archéologique national

Grâce à cet engagement ancien dans l’archéologie territoriale, la ville de Martigues a pu pleinement prendre sa place dans le cadre législatif aujourd’hui mis en œuvre pour l’archéologie dite préventive.Dotée d’un service agréé pour toutes les périodes chronologiques, la ville de Martigues a ainsi choisi, comme très peu de collectivités en France, d’assumer l’ensemble des diagnostics d’archéologie préventive prescrits par l’Etat sur son territoire. Depuis la mise en œuvre de ce dispositif en 2003, le service municipal a réalisé pas moins de onze diagnostics et deux fouilles d’archéologie préventive. La contrepartie à cette obligation est le reversement dans les finances de la ville de Martigues de

près de 70 % de la redevance d’archéologie préventive prévue par la loi. Pour les deux années écoulées, ce reversement correspondra à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Fin 2005, elle a inauguré aussi une démarche originale de coopération intercommunale au bénéfice de la Communauté d’Agglomération de l’Ouest de l’Etang de Berre. En effet, le Service d’archéologie de Martigues a été mis partiellement à disposition de cette collectivité pour la réalisation, sur le territoire de Martigues, d’une importante opération de fouille préventive en amont d’un projet de déchetterie dont la CAOEB était maître d’ouvrage. Ce montage administratif, validé par l’Etat, et auquel a été associé le Service archéologique de la ville de Port-de-Bouc, a permis d’éviter la procédure habituelle d’appel extérieur à candidatures et a ainsi fait gagner temps et argent à la CAOEB, momentanément considérée comme une collectivité territoriale dotée d’un service archéologique agréé.Mais le rôle opérationnel du Service d’archéologie de la ville de Martigues n’est pas réduit à ces interventions institutionnelles, liées à son agrément par le Ministère de la culture et de la communication. Son ancrage local à la fois ancien et durable, la confiance des élus, comme sa souplesse d’intervention, lui ont permis récemment de prendre en charge plusieurs fouilles urgentes non encadrées par le nouveau dispositif d’archéologie préventive, que ni l’INRAP ni un opérateur privé n’auraient pu assumer.Il en a été ainsi par exemple en 2001, à l’occasion de la pose de réseaux dans la rue principale du quartier de l’Ile, non soumise à une quelconque demande d’autorisation auprès de la DRAC, mais pourtant très destructrice pour les vestiges enfouis. Pendant quarante jours ininterrompus, elle a donné lieu à une fouille spectaculaire, faite dans des conditions techniques difficiles, au cours de laquelle l’équipe archéologique municipale a pu extraire, sous les yeux de la population, des données inédites et inespérées sur l’occupation gauloise de ce quartier. Par cette intervention hors norme, le service municipal a ainsi pu clôturer (provisoirement ?) une opération d’archéologie urbaine, ouverte en 1978, et qui, pendant plus de vingt ans, a symbolisé toute la détermination de la ville de Martigues à faire de la sauvegarde de son patrimoine archéologique un élément fort de sa politique culturelle.

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Historique du service

Le Service municipal d’archéologie de Douai a été créé en 1971. Il était alors composé d’un conservateur puis,

en 1981, d’un deuxième conservateur et, en 1996, d’un agent. En 1976, une association a été créée avec entre autre charge d’employer le personnel affecté aux fouilles archéologiques. En 2000, l’ensemble archéologique comptait trois fonctionnaires et l’association employait seize personnes.

La première convention

En 2001, la loi a instauré le monopole de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives, entraînant un risque pour l’association et d’éventuelles difficultés pour le service municipal. Au 1er janvier 2002 a été créée la Communauté d’Agglomération du Douaisis qui compte environ 150 000 habitants pour 35 communes. Dans la mesure où l’ensemble archéologique constitué du service et d’une partie de l’association travaillait déjà depuis plusieurs dizaines d’années à la fois sur la ville et les campagnes environnantes toutes englobées dans la Communauté d’Agglomération du Douaisis, il était légitime que cette communauté prenne l’archéologie comme compétence facultative ; ce qui fut fait le 30 juin 2002. Les trois fonctionnaires de la ville ont donc été transférés à la Communauté d’Agglomération du Douaisis ainsi que le personnel de l’association s’occupant d’archéologie, le statut des personnels devenant public, à l’image de ce qui s’est passé pour le personnel de l’AFAN lorsque celle-ci a été transformée en Institut National de Recherches Archéologiques Préventives. Aujourd’hui, le service compte onze fonctionnaires, quatre emplois aidés dont CES, CEC et emploi-jeune, et trois CDI.Le monopole institué par la loi de 2001 prévoyait néanmoins l’association des collectivités locales. Une négociation a donc été menée avec le Président et la Directrice de l’établissement public qui ont d’emblée cherché à trouver les meilleures solutions pour une collaboration effective. Une convention a alors été signée entre l’INRAP, l’Etat et la Communauté d’Agglomération du Douaisis. Elle était partiellement déséquilibrée dans la mesure où il y avait une sorte de délégation de maîtrise d’ouvrage des fouilles en partie automatique à notre service communautaire. Ainsi l’Etat examinait prioritairement la possibilité de désigner des responsables scientifiques parmi les agents du service archéologique lorsque la communauté d’agglomération ou les communes la composant étaient maître d’ouvrage d’aménagement. En même temps, l’INRAP s’autorisait à faire appel aux services de la communauté pour d’autres travaux situés dans la même région.

Nouvelle convention en cours de discussion

En 2003, la loi a changé et établi pour les diagnostics un

La collaboration entre le SRA, l’INRAP et la Communauté d’Agglomération du DouaisisPierre DEMOLON

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monopole des collectivités agréées, c’est le cas du Service de la Communauté d’Agglomération du Douaisis et de l’INRAP sur les autres territoires. La convention a pour but d’engager une concertation automatique sur un territoire défini d’un point de vue historique pour que, aussi bien au niveau des diagnostics que des fouilles, une coordination, fonction des disponibilités et des compétences puisse être mise en place. Les services communautaires s’intéressent effectivement depuis plus de trente ans à deux vallées (la Scarpe et la Sensée) qui correspondent à une entité historique, celle de l’Ostrevent, et bien que l’agrément pour les fouilles permette d’aller bien au-delà du territoire administratif, le conseil communautaire a décidé, sauf exception, de ne pas déroger à cette archéologie de proximité. D’ores et déjà les principes de collaboration déjà institués par la convention de 2002 sont opérationnels et une rencontre mensuelle ou bimensuelle entre l’Adjoint Scientifique et Technique de l’INRAP, un représentant des services de l’Etat et le Directeur de la Communauté d’Agglomération du Douaisis permet un échange d’information et une meilleure efficacité opérationnelle. Dans cet esprit, une parfaite collaboration s’est mise en place entre le SRA et la DACAD (Direction de l’Archéologie de la Communauté d’Agglomération du Douaisis) puisque l’ensemble des permis de construire nous sont proposés pour avis, lequel doit être envoyé dans les huit jours au service de l’Etat, qui prescrit en suivant ou non nos propositions. Ceci nécessite une organisation rigoureuse de la DACAD. C’est bien entendu l’aspect scientifique qui est la seule motivation ; une connaissance fine du territoire permet une appréciation précise de chaque cas. Le service a par ailleurs la mémoire de plus de trente ans d’activité de terrain sur la région concernée.Dans le cadre de la convention en négociation pour le territoire défini, il y a un engagement réciproque entre la DACAD et l’INRAP pour savoir si un diagnostic peut faire l’objet d’une collaboration, que l’on soit sur le territoire administratif de l’un ou de l’autre. D’un point de vue financier, la prestation faite sur le territoire de l’autre est facturée en fonction des tarifs définis par chacune des deux structures. Bien entendu cette collaboration est soumise à l’autorisation du SRA qui désigne le responsable du diagnostic.

Une organisation territoriale

Ces collaborations ont évidemment des incidences en termes financiers et nécessitent un suivi comptable précis et rapide. La Communauté d’Agglomération du Douaisis a décidé de moduler les tarifs d’intervention en fonction de l’implantation des aménagements sur le territoire administratif ou en dehors. Par ailleurs, la DACAD a un service de valorisation, fort de quatre personnes. L’objectif est d’organiser des « Portes Ouvertes » sur les chantiers aussi souvent que possible, en fonction de l’intérêt des vestiges à voir, des expositions dans les communes où sont réalisés les travaux, faire des plaquettes d’information pour la population et enfin intervenir auprès des écoles de l’ensemble de

l’arrondissement, c’est-à-dire aussi hors des limites communautaires. Enfin la convention permet à l’Etat de faire appel à la DACAD pour la réalisation de la carte archéologique ; des projets de collaboration sont en cours et verront le jour lorsque la DACAD sera équipée d’un SIG.

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La politique de collaboration entre collectivités territoriales et INRAP Jean-Paul DEMOULE Vous connaissez tous, après les exposés précédents,

le contexte du développement de l’archéologie préventive. Cette dernière n’a pas été une œuvre concertée de l’Etat, mais une création spontanée des archéologues et, en premier lieu, de nos collègues des services régionaux de l’archéologie qui, à partir de la fin des années 70, ont commencé à pratiquer une sorte de « chantage » auprès des aménageurs. Ceux-ci, dans un contexte où l’opinion publique admettait de moins en moins la destruction des sites archéologiques, ont donc assuré un financement croissant pour les fouilles de sauvetage, lequel transitait par l’AFAN, cette association para-administrative créée par l’État en 1973 dans un tout autre but. Les collectivités locales, conscientes de la carence de l’Etat dans ce domaine, ont entrepris de leur côté et dans le même temps de créer des services départementaux ou municipaux d’archéologie, dont les statuts étaient divers. Jusqu’à la fin des années 90, l’Etat n’avait pas de position claire sur le sujet : le Ministère de la culture et de la communication appréciait de disposer de forces supplémentaires, mais souhaitait les contrôler étroitement. Près d’une trentaine de rapports sur l’archéologie préventive ont été régulièrement rédigés depuis 1976, dont certains ont été cités précédemment. A la suite du rapport de 1998 auquel j’ai participé, la loi de 2001 visait seulement à stabiliser les pratiques existantes, en rendant légale la participation des aménageurs aux financements des fouilles et en créant un établissement public de recherche, l’INRAP, devant se substituer à l’AFAN, conformément aux recommandations de tous les rapports précédents. Une réforme plus ambitieuse aurait certes été concevable, comme par exemple la fusion en un organisme unique des SRA et de l’AFAN proposée naguère par les conservateurs régionaux de l’archéologie. Mais si l’on considère qu’il aura fallu, de 1998 à 2002, quatre années pour seulement stabiliser l’existant, on peut juger de ce qu’aurait été le sort de tout projet plus complexe …Si la loi de 2001 entérinait le monopole de fait de l’AFAN, elle faisait obligation à l’INRAP d’associer à son travail les autres structures de recherche. La loi de 2003, modifiant celle de 2001 et votée par une autre majorité politique, a permis d’abord d’ancrer définitivement la légitimité de l’archéologie préventive, puisque son principe a désormais été entériné par l’ensemble des forces politiques françaises. Elle associe plus largement les services territoriaux au dispositif et consacre le monopole public de la réalisation des diagnostics, partagé entre les collectivités territoriales (si elles le souhaitent) et l’INRAP, monopole public destiné, selon les mots du ministre de la culture en 2003, à « assurer l’objectivité » de ces diagnostics. On sait que la loi de 2003 a introduit aussi la mise en concurrence des fouilles proprement dites, dispositif qui

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a soulevé les réticences d’une partie de la communauté archéologique. Ces archéologues craignaient en effet, avec l’émergence d’un secteur privé, une érosion de la qualité des fouilles et, à l’instar de ce qu’on peut observer aux Etats-Unis et dans une certaine mesure en Italie, que ce secteur privé se coupe du reste de la communauté scientifique et de ses problématiques. A l’heure présente, nous pouvons observer qu’un tel secteur reste marginal et qu’il propose des prix qui ne sont pas différents de ceux des services des collectivités territoriales et de l’INRAP – contrairement à ce que certains supposaient a priori. De fait, ce n’est pas le secteur privé qui s’est développé mais ce sont certaines collectivités territoriales qui ont souhaité développer ou même créer leurs services, marque d’un grand intérêt pour la préservation de leur patrimoine archéologique. Dans tous les cas, le « marché » du travail archéologique ne risque guère d’être saturé dans l’immédiat, si l’on songe que, dans l’état actuel des prescriptions, seulement 15 % environ des surfaces aménagées chaque année font l’objet de diagnostics archéologiques, dont un cinquième environ débouche lui-même sur des fouilles. Dès sa mise en place, et dans un dispositif où il avait le monopole légal, l’INRAP a pris contact avec l’ANACT et avec les archéologues de collectivités afin de mettre en pratique le principe d’association prévu par la loi. La première convention fut signée le 17 janvier 2003 avec la communauté d’agglomération du Douaisis. La loi de 2003 a modifié l’ensemble du dispositif légal et obligé à revoir ces conventions. Par ailleurs, plusieurs dizaines de conventions sont signées chaque année pour des opérations ponctuelles de fouille ou de valorisation avec les collectivités. En l’état, une quinzaine de conventions-cadres devraient être signées prochainement entre l’INRAP et différentes collectivités territoriales, dont le Conseil Général du Bas-Rhin.

Cette collaboration se situe à plusieurs niveaux :

Le diagnosticUn petit nombre de collectivités ont demandé à disposer du monopole de la réalisation des diagnostics ; mais elles travaillent la plupart du temps en partenariat avec l’INRAP. Pour les autres collectivités, comme le Bas-Rhin, une structure de concertation permanente est prévue, associant l’INRAP, le SRA et le Conseil Général afin de prévoir une planification et une répartition harmonieuse du travail. Une concertation le plus en amont possible est en effet souhaitable. Les fouillesS’agissant des fouilles, nous n’avons pas assisté à une mise en concurrence « sauvage » des services des collectivités territoriales avec l’INRAP – d’autant que les collectivités doivent être attentives à ce que leurs devis ne comportent pas des « coûts cachés », puisqu’elles disposent d’infrastructures et de personnels permanents. Une partie des archéologues territoriaux sont de toute façon plus engagés dans des actions de recherche ou de

valorisation, que sur le terrain ; les collectivités territoriales souhaitant intervenir de manière importante sur le terrain ne sont pas majoritaires. Il paraît donc raisonnable de pouvoir se répartir les fouilles envisagées en fonction des intérêts de chacun ou même de travailler en coopération sur une même fouille. Il est possible également de répondre ensemble à des appels d’offre, en déterminant en commun les coûts, les tarifs et les règles de sécurité notamment. Je citerai à titre d’exemple l’intervention sur la ZAC « Actiparc » dans la banlieue d’Arras, où les opérations de fouille et de valorisation ont étroitement associé le service municipal de la ville et l’INRAP. Il est assez logique que les très grosses opérations de fouilles, les grands tracés linéaires par exemple, restent du domaine de l’INRAP. Un institut national de recherche a par ailleurs aussi pour vocation de développer, en liaison avec les autres institutions de recherche, mais aussi avec les instances consultatives (CIRA, CNRA), des méthodologies et des problématiques novatrices. Les moyens communs Les dépôts de fouillesDes moyens peuvent être mis en commun, notamment les dépôts de fouilles, qui, pour nombre d’entre eux en France, sont dans un état préoccupant. Une gestion commune des dépôts peut être profitable, associant un service de collectivité, l’INRAP et le cas échéant les services de l’Etat. Nous savons que les objets changent de statut : ils sont pour moitié la propriété du propriétaire du terrain (qui a un an pour la revendiquer), ils sont placés sous la garde provisoire de l’organisme qui a fait la fouille et les étudie (et en conserve la propriété intellectuelle), puis ils reviennent en définitive aux collectivités territoriales et à l’Etat. Néanmoins, le statut juridique d’un objet peut changer sans que l’on soit nécessairement tenu de modifier le lieu de dépôt. Il conviendrait donc de développer de telles opérations intégrées, fondées aussi sur un système d’archivage cohérent. Les archives de fouilleLes archives de fouilles posent un problème préoccupant, car il existe un risque grave de perte de l’information avec les supports électroniques, qui sont hétérogènes, pas toujours compatibles et en constante évolution. Là encore, un effort coordonné au niveau à la fois national et local devrait être fait. Les bibliothèquesLa situation des bibliothèques archéologiques en France n’est pas satisfaisante. Il n’existe aucune grande bibliothèque de référence. Il serait donc au moins utile de mettre localement en réseau les bibliothèques existantes et de définir de façon cohérente une politique de répartition et d’achat selon les centres d’intérêt. Laboratoires et espaces de travailIl serait même possible, sans confusion des missions respectives, d’envisager des laboratoires et des espaces de travail communs, associant divers partenaires en une même « maison de l’archéologie », comme cela existe déjà à des échelles diverses, y compris avec des services archéologiques territoriaux. On sait que, pour leur part,

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particulier pour les grosses opérations ; il a aussi pour mission de mener une politique de recherche nationale et de développer à ce niveau de nouvelles méthodologies. Les collectivités territoriales sont sans aucun doute, là où elles le souhaitent, les mieux à même de pratiquer une « archéologie de proximité » et de développer sur le long terme l’étude de l’histoire d’un terroir, au fil des interventions préventives. L’État, enfin, prescripteur, est aussi le garant, selon les termes de la loi, de la nécessaire conciliation entre les exigences respectives de la préservation du patrimoine, de la recherche scientifique et du développement économique et social. La coopération se met actuellement en place de façon concrète, à chaque fois selon les réalités du terrain. Chaque acteur a une mission identifiée et complémentaire de celle de ses deux autres partenaires. On ne peut qu’être résolument optimiste sur l’avenir qui nous attend dans un paysage enfin stabilisé et pacifié.

les Services archéologiques départementaux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ont déjà œuvré en ce sens.

La politique de formation On peut également envisager de développer une politique de coopération globale dans le domaine de la formation, formation continue d’une part (stages, etc) et formation initiale, en partenariat avec les universités et avec les centres de formation des collectivités territoriales.

La politique de rechercheL’INRAP est associé à plusieurs services de collectivités pour développer la recherche jusqu’à la publication, sur telle ou telle ville. Une politique de recherche commune doit d’ailleurs être le fondement même de telles collaborations, avant les aspects techniques, qui ne sont que des moyens. On sait que l’une des grandes faiblesses du système français de l’archéologie préventive a été jusqu’ ici le petit nombre des publications au regard des moyens engagés. Il convient donc d’y remédier en associant étroitement toutes les forces en présence, en liaison avec les Unités Mixtes de Recherche du CNRS, le CNRA et les CIRA.

La politique de valorisationL’enjeu de l’archéologie préventive est en définitive de restituer à l’ensemble des citoyens (qui supportent l’effort financier) les nouvelles connaissances acquises sur leur propre passé. Un effort continu et croissant de valorisation doit donc être fait. L’INRAP a renforcé ses moyens et souhaite à chaque fois que cela est possible développer en commun avec les collectivités des actions de valorisation, non seulement au moment des découvertes, mais surtout après, pour des expositions, des publications et divers supports multimedias. C’est ce qui a été fait par exemple avec la ville d’Arras à la suite des fouilles d’Actiparc ou plus récemment avec Nancy et maintenant avec Besançon. L’exposition de 2006 sur les fouilles du TGV Est associe étroitement les musées des principales villes concernées. L’autoroute A19 a été l’occasion d’une convention de partenariat, y compris pour la valorisation, entre le Conseil Général du Loiret, le groupe autoroutier, l’État et l’INRAP. Et de nombreuses opérations à des échelles plus modestes ont été réalisées ou le seront avec les collectivités partenaires.Pour conclure, après vingt ans de construction spontanée, l’archéologie préventive est désormais devenue l’affaire du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Le processus de stabilisation n’est pas encore complètement achevé (il reste quelques incertitudes techniques quant au mode de financement). Mais nous voyons bien aujourd’hui que le statut des services archéologiques des collectivités territoriales tout comme celui de l’INRAP sont désormais définitivement définis et confortés. Comme l’a bien montré le Président Philippe Richert, la chaîne opératoire de l’archéologie préventive repose indissociablement sur trois pieds : l’Etat, les collectivités territoriales et l’INRAP. Ce dernier, en effet, a en définitive la mission d’intervenir là où il n’existe pas d’autre organisme volontaire, et en

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« L’Association Nationale des Archéologues de Collectivités Territoriales : pour une logique de coopération, un partenaire des acteurs de l’archéologie préventive » ou « travailler ensemble »Bruno DUFAŸ L’ANACT, lieu central

Un lieu d’échange entre archéologues de collectivités

Créée en 1981, l’ANACT a permis de regrouper la poignée d’archéologues de collectivités qui, depuis

une dizaine d’années, commençaient à bâtir ce nouveau métier d’archéologue de collectivités territoriales. Trente-sept agents appartenant à des services archéologiques de collectivités étaient recensés en 1981. Vingt-cinq ans après, nous sommes dix fois plus nombreux.Ces pionniers avaient tout à apprendre, à persuader les élus des avantages de leur existence et convaincre les collègues de l’Etat de leur utilité. Au demeurant, au début des années 80, de nombreux postes furent créés avec le concours de l’Etat, qui voyait, à juste titre, l’intérêt de relais dans les collectivités perçues alors essentiellement comme des aménageurs.Partage d’expérience, visites de services faisaient alors l’essentiel des réunions de l’ANACT.Puis l’ANACT s’est engagée à la fin de la décennie 80 dans des actions qu’on pourrait qualifier de lobbying, afin que les archéologues de collectivités soient présents dans les réorganisations administratives de notre beau pays.Nous avons du coup été moins tournés vers le partage d’expérience, d’autant que, la maturité des services venant, nous étions plus assurés dans notre métier. Cet aspect d’organisation de la profession n’a pas séduit la majorité des collègues, il faut le dire, et l’ANACT s’est trouvée rétrécie à un noyau actif mais peu nombreux. On ajoutera que la génération des responsables des services des années 80 commence à n’être plus toute jeune…Toutefois l’ANACT a continué à tenir son rôle de lieu d’échanges et d’informations. Elle l’a fait par la tenue de son AG annuelle, ouverte à tous, par des colloques (à Bourges en 1998, au Sénat en 1999, à Lyon en 2005), par un bulletin de 1993 à 1998, relayé par un site Internet (http://perso.wanadoo.fr/anact.collectivites/).On assiste en ce moment à une nouvelle donne de l’archéologie de collectivités, à la suite de la réforme législative de 2003. Une dizaine de nouveaux services est en train de voir le jour, d’autres se repositionnent. Clairement, ces nouvelles structures ont des missions principalement opérationnelles dans le cadre de l’archéologie préventive. Il n’est que de voir la carte des services agréés pour s’en convaincre : la corrélation entre agréments et dynamisme de l’aménagement du territoire est patente.Il est possible et souhaitable que l’ANACT retrouve cette

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voire depuis 1997, avec les premiers conflits graves, tant sociaux qu’institutionnels (type « affaire de Rodez »), qui ont abouti à la réforme de 2001.L’ANACT n’a pas peu contribué à la réforme de 2003 et a été entendue sur certains points, notamment sur les diagnostics (ANACT 2002, 2003, Dufaÿ 2004a, 2004b, 2005). Le dispositif n’est pas stabilisé et l’ANACT est toujours une force de proposition : un rapport vient d’être transmis au Parlement, qui est notre contribution au débat sur l’archéologie préventive prévu par la loi pour la fin 2005 (ANACT 2005b).Cette capacité de réflexion et de proposition en fait un interlocuteur privilégié pour les autres acteurs de l’archéologie, notamment les élus, les services de l’Etat et l’INRAP, avec lesquels nous entretenons des rapports suivis et en général constructifs. Cette collaboration est souvent utile. A tout le moins, elle permet à ces partenaires d’avoir un interlocuteur unique mais au fait de la diversité des situations locales.Je noterai juste qu’à l’inverse, l’ANACT n’a pas vocation à faire passer des mots d’ordre ou des consignes à l’ensemble des collègues, comme l’ont parfois pensé les collègues de l’INRAP ou de l’Etat. L’ANACT n’est pas un syndicat, elle n’a aucun pouvoir sur ses membres, et a fortiori sur ceux qui ne le sont pas, et respecte pleinement le principe de libre administration des collectivités.Redisons une dernière fois que l’ANACT est un lieu d’échange et de réflexions, qui peuvent déboucher sur des propossitions concernant l’organisation de notre métier, mais ni plus, ni moins.

Vers une gestion participative du patrimoine

Les acteurs de l’archéologie doivent travailler ensemble• parce que la profession traverse une crise :

Je n’ai pas besoin de rappeler que la profession traverse une crise, dont on espère qu’elle est une crise de croissance et d’adaptation aux nouvelles données économiques et sociales, et non le prélude à son effondrement.Si l’on veut justement éviter cette catastrophe, il faut laisser de côté les vieilles querelles. Mais il ne s’agit pas de le faire au profit de l’un ou l’autre des acteurs du jeu : si l’on veut sortir par le haut de cette crise, il faut trouver des méthodes nouvelles pour travailler ensemble.En bref, le débat n’est sans doute plus de savoir qui doit commander, qui doit prescrire, mais il faut dépasser tout cela pour mettre en place une véritable gestion commune de notre patrimoine archéologique.

• parce qu’il faut des regards croisés : non à la pensée unique en archéologie :

La science n’avance que si la liberté est donnée aux chercheurs d’expérimenter des méthodes différentes. A condition bien sûr que le dialogue se fasse, pour que puissent être évaluées ces méthodes.Par ailleurs, il est vrai que dans la mesure où nous sommes engagés dans l’opérationnel, avec obligation de résultats et de délais, il faut que des méthodes éprouvées soient adoptées. C’est là encore par le dialogue et la comparaison de « ce qui marche », plus que par des textes législatif, que nous arriverons à un résultat satisfaisant. La matrice

mission des débuts, partager des expériences dans un contexte neuf. J’en veux pour preuve cette table-ronde, qui n’est pas organisée par l’ANACT, mais qui aurait pu l’être. Si une nouvelle génération d’archéologues de collectivités se retrouve dans cette association, qu’ils la fassent leur, ils sont les bienvenus.

Un lieu d’inventaire

L’ANACT a régulièrement entrepris l’inventaire des services de collectivités et tenté d’analyser leur structure et leur répartition géographique (Soulier 1984, Demolon 1992, Desachy 1994, Demolon, Suméra 1998, Dufaÿ 2002a). Ce travail de recensement n’a jamais été mené par le Ministère de la culture et de la communication, alors qu’il est indispensable pour connaître l’état de développement de l’archéologie dans les collectivités. Cette méconnaissance a engendré pendant longtemps une sous-estimation systématique du dynamisme des collectivités en la matière.

Un lieu de réflexions et de propositions

Outre un lieu d’échange entre collègues, l’ANACT a été depuis plus de quinze ans un lieu de réflexion sur la profession, celle d’archéologue de collectivité, mais aussi, plus généralement, celle d’archéologue en France. On peut lister ainsi les dossiers sur lesquels nous avons travaillé :

• les statuts de la fonction publique territoriale, création de la filière culturelle :

Celle-ci s’est concrétisée dans les décrets de 1991. Cela a été la première occasion d’inscrire notre profession dans la réalité de textes réglementaires et d’affirmer clairement notre appartenance au service public de la culture. Mais nous n’avons guère évité deux écueils : l’absence de cadres B et C dans la spécialité archéologie et un certain nombre d’inégalités par rapport aux collègues de l’Etat qui ne favorisent pas le passage d’un corps à l’autre (existence des attachés de conservation du patrimoine, absence du généralat, numerus clausus du nombre de conservateurs…) (Soulier 1991, Desachy 1994 et 1996).

• les concours, la formation :Elaboration des fiches métier avec le CNFPT, organisation de nombreuses journées de formation, participation à des jurys de concours. En revanche, le dialogue est plus difficile avec l’INP et les universités et, malgré des réformes et des progrès, il est toujours évident que la réalité territoriale est mal transmise dans ces établissements.

• réflexion sur la décentralisation :Dès les années 90, l’ANACT, réfléchissant à l’organisation de l’archéologie française, arrivait à la conclusion que la décentralisation devait toucher l’archéologie (ANACT 1998, 2005a, Dufaÿ 2002b).Bien que l’on soit dans la « phase II de la décentralisation », celle-ci n’est toujours pas effective en matière d’archéologie, même si le rôle des collectivités est mieux pris en compte depuis 2003, après la courte mais violente phase de régression de 2001-2002.

• la réforme de l’archéologie préventive :Cette réforme nous a beaucoup occupé depuis 2000,

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de Harris n’est pas le résultat d’un décret ministériel…• parce que les problématiques sont territoriales et

que les territoires sont des « anthropo-systèmes complexes » :

Ce « travailler ensemble » doit tout de même avoir des bases concrètes, faute de quoi ce ne sera jamais que des agglomérats d’intérêts et d’ententes personnelles. Ces bases doivent être organisationnelles et scientifiques à la fois.Or la recherche archéologique actuelle met l’accent sur la notion de rapports hommes-milieux, c’est-à-dire sur les interactions entre un territoire et les sociétés qui l’occupent. Comme l’on dit, cela forme des « anthropo-systèmes complexes », où les variables sociétales et naturelles doivent être également et ensemble prises en compte.Cela nous oriente vers une structuration de la recherche qui combine les différentes disciplines dans un effort de décloisonnement qui a commencé, mais qui doit être absolument poursuivi.D’autre part, cette structuration doit se faire à partir de territoires. Un maillage de base doit être établi : l’ANACT pense à ce propos que l’échelle départementale serait la meilleure, mais pas forcément la seule. D’autre part cela n’empêche pas, en jouant sur la notion d’échelle, que des programmes intéressent des territoires de toute taille, et sans forcément respecter des limites administratives actuelles.Une archéologie territoriale n’est pas une archéologie de clocher… et d’ailleurs certains clochers sont inscrits au patrimoine mondial…

Créer de nouvelles structures participatives

On pourrait alors imaginer de créer des « pôles de compétence » qui permettent de fédérer des équipes.Il ne s’agit pas de concevoir des structures centralisées, mais des réseaux qui mettent en relation organique les diverses équipes travaillant sur un territoire à différentes échelles : universités, laboratoires CNRS (d’ailleurs déjà le plus souvent regroupés en UMR), musées, associations, armatures plus régulièrement réparties de l’INRAP, des SRA et des services de collectivités (dans l’hypothèse d’un accroissement sensible de leur nombre). Selon les types de programmes ou d’actions, des institutions chefs de file pourraient être désignées.De tels pôles ont été évoqués lors des réflexions préparant la loi de 2001, sans qu’ils aient vu le jour, tués dans l’œuf par le monopole de l’INRAP.Ils pourraient, outre des missions classiques de recherche, être dotés de compétences plus précises :

• réalisation de la carte archéologique,• définition des zonages de saisine,• acquisition de la personnalité juridique qui leur

permette d’être des opérateurs de fouille,• formation permanente.

Les archéologues doivent répondre à un besoin social et partager l’usage du sol

Il ne suffit pas toutefois de travailler entre nous, même

si cela serait déjà très bien. Il faut aussi nous ouvrir sur la société pour laquelle au fond nous travaillons.Je ne vais pas développer ici ce qui devrait constituer une évidence pour tous. Nous disons les origines et le passé humains, les seuls mêmes dès lors que la disparition des sources écrites rend vaine la méthode historique, les seuls en face du discours religieux.Nous décryptons la lente stratification des paysages, fournissant ainsi des repères pour mieux nous situer aujourd’hui.Nous montrons que les expériences humaines sont à la fois diverses, mais qu’elles contribuent toutes à la dignité de l’homme et que le progrès et la supériorité de telle civilisation sont des concepts à manier pour le moins avec prudence.C’est pour tout cela que la société accepte de nous payer, directement par le biais des impôts, indirectement par celui du renchérissement de l’aménagement du territoire.Cette part qui nous est réservée, on peut la trouver trop petite.Mais elle n’augmentera que si la société est davantage persuadée de notre utilité. Elle n’augmentera également que si elle comprend mieux nos méthodes, autrement dit que nous justifions le coût de nos entreprises.Outre ces considérations générales, nous devons travailler avec les autres composantes de la société parce que notre métier repose sur un usage concret et même destructeur du sol. Ce sol, nous le partageons, notamment avec les agriculteurs et les aménageurs.Nous partageons aussi les vestiges que nous ne détruisons pas : ils sont objets d’appropriation, d’exploitation touristique, de jouissance esthétique etc. Nous n’avons pas le monopole de leur usage, et pourtant nous nous arrogeons le droit de dire la manière dont il faut les conserver et le discours qui doit leur être appliqué.

Un modèle dont on pourrait s’inspirer : « Natura 2000 »

Tout ceci est source de malentendus : nous sommes du coup relégués dans une sorte de mythologie, chasseurs de trésor ou aventuriers, doux rêveurs en tous cas n’ayant aucune conscience des enjeux de la vraie vie. Que cette caricature soit encore vivace dans l’opinion est lourd de sens. Cette difficulté à être en phase avec la société est une des causes de la crise actuelle de la profession.Les élus rappellent sans arrêt qu’ils trouvent « le retour sur investissement » des fouilles archéologiques très insuffisant. Les audits et rapports actuels, pour maladroits qu’ils soient, sont le signe que, pour la première fois, l’archéologie est placée sous la loupe des représentants du peuple. Jamais on n’aura tant débattu d’archéologie, c’est à nous de tirer ce débat vers le haut, d’être des interlocuteurs capables de faire évoluer les visions simplistes de notre métier.Pour cela, rien ne remplace la concertation au quotidien.C’est pourquoi je conclurai en évoquant une démarche qui se met en place dans le domaine de l’environnement, dont il me semble que nous avons à apprendre. La préservation et l’étude de notre environnement est au moins aussi importante que celle du patrimoine et

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les ressources naturelles comme les archives du sol ne sont pas renouvelables. Comme pour le patrimoine, un ensemble de lois et d’inventaires permet aux aménageurs de considérer l’impact de leurs travaux et les oblige à des mesures compensatoires.Il s’agit de la méthode de travail mise en place pour la définition des zones « Natura 2000 ». Cette méthode consiste en « l’élaboration concertée, site par site, (…) d’un document qui vise à décrire l’existant et à définir les moyens les plus adaptés pour le préserver ou l’orienter. C’est également une démarche de concertation et de prise en compte pragmatique des situations locales, qui se place résolument dans un contexte de gestion contractuelle de l’espace » (Ministère de l’écologie et du développement durable). Placé sous l’autorité du préfet de département, un comité de pilotage réunit les administrations, les élus locaux, les usagers du territoire et les experts.Une telle démarche pourrait être appliquée au patrimoine sur la base des documents d’inventaire et en croisant les perspectives d’aménagement et les souhaits de programmation des scientifiques. Des zones, des priorités et des calendriers pourraient être définis. Cela vaudrait mieux que des zonages parachutés sans explication et une carte archéologique dissimulée aux citoyens.

Conclusion : utopie ?

Quand en 1981 nous étions moins d’une quarantaine, nous imaginions déjà une importante expansion, car c’était l’élan de la première décentralisation.Nous sommes à la deuxième phase de cette décentralisation, mais le contexte a changé.L’utopie nécessaire n’est plus seulement de déplacer le pouvoir pour le rapprocher des citoyens, mais de le partager pour enrichir les compétences de tous par celles de chacun.

Références bibliographiques

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nous faisons face à des blocages. Il y a également des « croche-pieds » entre les services des collectivités locales. Nous avons formulé des propositions de collaboration, mais on ne nous a jamais répondu.Jean-Paul DEMOULELyon est un cas extrême. Jean CHAUSSERIE-LAPREE Nous fonctionnons seuls à Martigues et non en lien avec l’INRAP. De mon point de vue, le responsable de cette situation est le Ministère de la culture et de la communication. Il y a eu des services territoriaux jusqu’à la fin des années 80, puis les services de l’Etat ont bloqué le système. Une région comme le Languedoc-Roussillon ne comptait jusqu’à récemment aucun service territorial d’archéologie. Marie-Claude DEPASSIOTMonsieur Dufaÿ, vous avez pris l’exemple de Natura 2000. Nous pourrions retenir l’exemple des archives, qui ont défini des normes et une hiérarchie entre les services départementaux et municipaux et les services de l’Etat. Pourquoi serait-il impossible que l’archéologie fonctionne de la même manière ?

Discussion à la suite des communications

Jean-Jacques WOLF Vous nous proposez tous un programme intéressant pour mettre véritablement en œuvre une archéologie préventive et non une archéologie de sauvetage en fonction des questions d’aménagement du territoire. Comment se passe le reversement de la redevance sur vos territoires ? Alexandre AUDEBERTNous avons obtenu une seule recette pour une opération, à hauteur de 400 000 euros. Pour une autre opération, il y aura une exonération à hauteur des moyens engagés. Pour la dernière, nous attendrons ; il faut que l’aménageur reçoive la feuille d’imposition avant que nous ne puissions en demander le reversement. De la salle Comment envisagez-vous l’évolution de la maîtrise de la prescription ? L’écart entre les dépenses et les recettes n’est pas toujours maîtrisé. Alexandre AUDEBERT Nous ne disposons pas d’un recul suffisant pour réaliser des prospections. A priori, la redevance reversée au département n’équilibre pas les dépenses réalisées lors des diagnostics. Jean CHAUSSERIE-LAPREE Le décalage est important entre le moment d’intervention et le versement de la redevance, surtout concernant les études d’impact. Son calcul dépend du calcul de l’emprise de l’opération, qui ne peut parfois être défini que plusieurs années après l’intervention. Pour les opérations d’anticipation, la situation est encore pire. La redevance du diagnostic archéologique pour le pipe-line que Total construit dans la région de Martigues n’est pas encore perçue car l’Etat ne connaît pas l’emprise exacte de cet ouvrage. La ville de Martigues ne s’est pas impliquée dans l’archéologie préventive pour la redevance, mais elle se réjouit de la recevoir. Il est prévu actuellement que, si l’INRAP présente un budget déficitaire, une compensation est mise en œuvre par l’Etat. En est-il de même pour les collectivités qui disposent de l’agrément ? Le financement actuel de l’archéologie préventive ne semble pas assuré. A-t-on des orientations sur le sujet ?Jean-Jacques WOLFJe souhaiterais que nous nous en tenions à des questions sur les interventions.Bruno DUFAŸ Lors des colloques, on évoque, en règle générale, ce qui fonctionne. Dans les endroits où il existe des problèmes de fonctionnement, c’est que la volonté n’est sans doute pas suffisante. Il faudrait établir des référentiels ; l’Etat doit fixer des normes. Il me semble à ce sujet que le positionnement de l’Etat serait mieux accepté si des outils fédérateurs étaient mis en place. Etienne HOFMANNJe ne suis pas certain que la volonté manque dans les services qui ne fonctionnent pas de façon efficace. Malgré de bons rapports avec les personnes de l’INRAP,

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La gestion des collections :

un nouveau défi pour les collectivités ?

Marie STAHL, SRA Alsace

Caroline KUHAR, SADY

Gwenola ROBERT, SRA Lorraine

Olivier CAUMONT, SRA Lorraine

Sous la présidence de Joël SERRALONGUE, Service archéologique départemental, Haute-Savoie.

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Les applications de la nouvelle réglementation en matière de dévolution de mobilier Marie STAHL

La loi de 2003, reprise dans le code du patrimoine, a modifié les possibilités d’attribution des objets

issus d’une opération d’archéologie préventive : nous aborderons dans cet exposé les principales étapes menant de l’inventaire des objets à leur dévolution définitive. Mais avant de traiter de la propriété du mobilier archéologique, il convient de s’interroger sur la définition même de mobilier archéologique par opposition aux vestiges immobiliers, car de ces deux notions découle un régime juridique différent. Nous n’aborderons pas ici le problème spécifique de certains vestiges immobiliers qui peuvent changer de nature du fait de leur dépose, et renvoyons à la bibliographie dont plusieurs références traitent de ces cas parfois sources de litige.Le code du patrimoine qui a intégré la loi de 2003 sur l’archéologie préventive et le décret du 3 juin 2004 relatif aux procédures administratives et financières en matière d’archéologie préventive ne détaillent pas la notion de mobilier archéologique. En revanche, l’arrêté du 16 septembre 2004 portant définition des normes d’identification, d’inventaire, de classement et de conditionnement de la documentation scientifique et du mobilier issu des diagnostics et fouilles archéologiques définit le mobilier comme étant des objets transformés par l’activité humaine et recueillis lors d’une opération. Si cette définition peut s’appliquer de manière évidente à la plupart du mobilier mis au jour au cours d’une fouille, on peut s’interroger sur les ossements humains déposés dans une tombe : sont-ils transformés par l’activité humaine, sont-ils considérés comme des matériaux naturels ou de nature biologique ?1 Et alors où les affecter ?On voit bien que la notion de mobilier est une notion vaste, parfois fluctuante, qu’il convient de bien prendre en compte avant de procéder à son attribution.

Propriété du mobilier archéologique et archéologie préventive

Le point de départ de la propriété du mobilier archéologique, pour ce qui concerne les opérations d’archéologie préventive, est que celui-ci est partagé «à parts égales» entre le propriétaire du terrain et l’Etat. Alors que d’autres pays ont statué sur la propriété exclusive de l’Etat sur le mobilier archéologique, la France, lors de la rédaction de la loi de 2003, a conservé le principe de partage entre Etat et propriétaire.À la fin d’une opération d’archéologie préventive, le mobilier mis au jour est conservé par l’opérateur le temps que le responsable d’opération rédige son rapport. Ce délai de rédaction est de deux ans maximum à compter de la date de délivrance de l’attestation de libération du

1 Depuis, la mission archéologie du Ministère de la culture et de la communication nous a précisé que les ossements entraient dans la catégorie des matériaux naturels et de nature biologique, et, de ce fait, étaient à exclure du partage du mobilier.

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terrain. Après l’achèvement du rapport et au plus tard dans les deux ans, le responsable d’opération doit également remettre à l’Etat, donc au SRA, la documentation accompagnée du mobilier. Le rapport doit comporter un inventaire, sur la base duquel la procédure de dévolution du mobilier peut commencer.La première étape est réglementée par l’article 61 du décret du 3 juin 2004 : le SRA, après avoir reçu le rapport d’opération et l’avoir évalué, doit le transmettre avec l’inventaire au propriétaire du terrain dans un délai de six mois. Il a obligation d’informer le propriétaire sur ses droits relatifs au mobilier mis au jour, ce qui est une nouveauté par rapport aux textes antérieurs.Toujours dans le même article, le propriétaire a un droit de propriété sur la moitié du mobilier inventorié, et non pas mis au jour. Est-ce que ce terme a été employé sciemment afin d’éviter d’éventuelles contestations lors du tri du mobilier par le fouilleur avant inventaire ?De là découlent deux possibilités :

1. le propriétaire revendique ce droit à propriété : le mobilier est alors partagé en deux lots équivalents en valeur. Ce partage s’effectue soit à l’amiable, soit, s’il y a désaccord, par expertise.Dans le cas d’une expertise, c’est le décret du 19 avril 1947 qui s’applique : l’expertise est confiée à deux experts choisis sur la liste dressée au début de chaque année par le Conseil supérieur de la recherche archéologique, un étant désigné par le Ministère de la culture et de la communication, l’autre par le propriétaire. Ces deux experts se prononcent sur la valeur des objets et procèdent au partage : les lots sont attribués par tirage au sort si aucun accord n’a pu être émis avant. Si un partage équitable n’a pu se faire, celui qui se verra attribuer le lot le plus élevé devra fournir une compensation financière à l’autre partie.Il est à noter que, même si le propriétaire a manifesté son désir de faire valoir son droit de propriété, l’Etat peut faire exercer son droit à revendication, moyennant une indemnité fixée à l’amiable ou par expert.Il faut rajouter que le propriétaire dispose d’un délai d’un an pour faire valoir ce droit à la propriété. Si le propriétaire ne s’est pas manifesté passé ce délai, il est réputé avoir renoncé à ce droit et sa part revient à titre gratuit à l’Etat.

2. le propriétaire renonce à son droit de propriété : l’Etat devient alors propriétaire de la totalité du mobilier archéologique.Toutefois la propriété des objets n’est pas encore réglée puisque la commune sur le territoire de laquelle a eu lieu l’opération peut demander le transfert à titre gratuit de la propriété des vestiges attribués à l’Etat. Comme dans le cas du propriétaire du terrain, il y a obligation d’information à la commune concernée du transfert de propriété à l’Etat (art. 62 décret 3 juin 2004).Avant de pouvoir obtenir la propriété des objets, la commune doit toutefois respecter un certain nombre de critères, fixés dans l’arrêté du 25 août 2004 portant définition des conditions de bonne conservation des vestiges archéologiques mobiliers. La commune peut

entreposer ce mobilier dans un Musée de France : à ce moment-là, les conditions de conservation sont réputées être respectées. Le local peut également être une réserve ou un dépôt archéologique, mais il doit alors satisfaire aux conditions de conservation d’un mobilier archéologique (notamment en termes de climat, de vol, d’incendie, d’inondation, de stockage adapté….) et être placé sous l’autorité d’un responsable scientifique, garantir l’accès aux collections à des fins de recherche… Une visite des lieux est organisée afin de vérifier si ces conditions sont effectivement bien remplies. Cette procédure est suivie chaque fois qu’un transfert de propriété de collection archéologique est sollicité par une commune.Si la commune ne peut assurer la bonne conservation des objets ou si elle en refuse la propriété, tout autre collectivité ou groupement de collectivités peut demander à l’Etat le transfert de propriété, à partir du moment où le mobilier mis au jour est du ressort de cette collectivité. Là, l’obligation d’information de l’Etat, comme c’était le cas pour le propriétaire du terrain et la commune, n’est pas mentionnée.Dernière remarque sur ce droit à revendication des communes : à la différence du propriétaire du terrain qui dispose d’un an pour faire valoir ses droits, aucun délai n’est mentionné pour les communes qui voudraient demander le transfert gratuit de propriété.De manière générale, les procédures sont nombreuses et imposent des délais, même si elles sont détaillées. En Alsace, les propriétaires reçoivent une lettre d’information avec un coupon réponse qui invite le propriétaire à se positionner. Par ailleurs, le service régional de l’archéologie a mis en place un comité de pilotage pour les objets, qui sera amené à l’avenir à répartir les collections dans les différents lieux d’accueil. Certes, la possibilité offerte aux communes est louable, mais ces dernières sont peu nombreuses à disposer d’un Musée de France ou d’un dépôt archéologique. Le Centre départemental d’archéologie du Bas-Rhin propose donc de mettre en place une aide aux communes en gérant pour elles leurs collections archéologiques.La question qui reste en suspens est celle du risque de scission des collections lorsque le propriétaire est un particulier. Rien n’oblige un propriétaire privé à céder le mobilier. Toutefois, le fait de détruire ou de dégrader du mobilier archéologique est puni par le code pénal, même si l’auteur des faits est le propriétaire des objets dégradés. Les propriétaires doivent donc mettre en œuvre les moyens pour garantir la bonne conservation des objets. La loi de 2003 ne résout pas l’ensemble des problèmes de propriété. La situation trouve de fait une solution en discutant avec les propriétaires. L’INRAP, le service régional de l’archéologie, les services départementaux d’archéologie travailleront ensemble en Alsace, pour que l’attribution définitive des objets se passe sans heurt.

Références bibliographiques

Textes législatifs et réglementairesCode du patrimoineMinistère de la culture et de la communication. Décret

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Le Service archéologique départemental des Yvelines. Gestion et conservation des collections Caroline KUHAR Présentation des collections

Le Service archéologique départemental des Yvelines (SADY) conserve et assure la gestion de collections

archéologiques provenant aussi bien de fouilles, de sondages que de prospections réalisés dans le département, et exécutés pour la plupart par le SADY lui-même, mais aussi par des amateurs, associations ou professionnels (AFAN / INRAP / Universités). L’ensemble représente environ 4000 caisses de mobilier, qui contiennent des collections de tailles et de matériaux très divers, en verre, céramique, métal, matériaux organiques ou pierre. Ces collections recouvrent différentes périodes chronologiques, de la Préhistoire à l’époque moderne. Elles ont aussi différents statuts : elles peuvent appartenir au Conseil Général des Yvelines, mais la plupart sont mises en dépôt au SADY et appartiennent soit à l’Etat, soit à d’autres collectivités ou encore à des particuliers. Toutefois, quel que soit leur propriétaire, toutes les collections sont soumises aux mêmes traitements. Le Service archéologique départemental des Yvelines a pris aussi le parti d’inventorier non seulement les collections qu’il conserve, mais aussi les collections découvertes dans le département conservées dans d’autres dépôts, le tout participant à la connaissance du patrimoine départemental.

Les locaux du Service archéologique départemental des Yvelines

Le Service archéologique départemental des Yvelines a emménagé en octobre 2003 à Montigny-le-Bretonneux dans un bâtiment neuf, où sont réunis les différents services patrimoniaux du Conseil Général des Yvelines (Archives départementales, Conservation des Antiquités et Objets d’art, Service archéologique départemental). Le SADY a été étroitement associé à la conception et à la rédaction du cahier des charges nécessaire à la construction de ce nouveau bâtiment, qui a été conçu en fonction de besoins spécifiques. Le bâtiment offre notamment des conditions optimales de conservation dans les espaces destinés au stockage. Au lieu des systèmes de climatisation classiques, il est basé sur les principes d’isolation et d’inertie thermique (système à double paroi) qui permettent de garantir des conditions climatiques relativement stables. D’autre part, le cheminement à l’intérieur du bâtiment a été conçu de manière à suivre logiquement le parcours du mobilier. Les espaces se succèdent ainsi en suivant l’ordre logique du traitement du mobilier depuis son arrivée par le quai de déchargement jusqu’à son stockage en magasin. La fonctionnalité des locaux, qui facilite au quotidien la gestion et la conservation des collections, tient à un important travail de conception mené en amont. Au final, le Service archéologique départemental des Yvelines aura consacré presque cinq années à ce projet, depuis la

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bases (sites, dessins, photos, radios, restaurations…). Ces liens permettent ainsi un échange d’informations d’une base à l’autre et la récupération de données déjà saisies. L’avantage de File Maker est de pouvoir générer également différents modèles en fonction des besoins. Un modèle complémentaire permet notamment de gérer les mouvements d’objets en regroupant toutes les informations concernant l’emprunt avec un code sortie, la valeur d’assurance de l’objet, le motif du prêt, le nom de l’emprunteur, les dates de sortie et de retour prévues. Une fois les objets rentrés, la mise à jour du fichier permet de sauvegarder automatiquement les informations dans l’historique des mouvements. Des formulaires de prise en charge peuvent aussi être imprimés toujours à partir du même fichier.L’inventaire est réalisé aujourd’hui à peu près à 50 %, ce qui représente environ 33900 objets ou lots d’objets inventoriés. L’objectif est donc d’optimiser la gestion des collections en ayant un inventaire exhaustif du mobilier conservé.

Gestion du stockage

La base « Collections » est complétée par deux autres bases « Contenants » et « Etagères ». La base « Contenants » permet de gérer directement les caisses. Toutes les caisses sont inventoriées avec un numéro de boîte, un numéro d’étagère et un descriptif de leur contenu. Elles sont ensuite étiquetées avec leur numéro de boîte et leur numéro d’étagère. La base « Etagères » permet, en complément, de gérer l’espace occupé par les caisses et la place disponible restante sur les étagères. Une fois inventoriées, les caisses sont stockées en magasins. Le dépôt se compose de deux magasins pourvus d’étagères mobiles montées sur rails pour optimiser l’espace et de quelques étagères fixes pour entreposer les objets fragiles. Le classement des collections en magasin se fait par type de découverte (fouille/prospection), par périodes, par sites et par matériaux. Un espace « grands volumes » a été prévu dans l’un des magasins pour stocker tous les objets encombrants. Une salle « métaux » existe également pour recevoir tous les objets métalliques. Celle-ci est pourvue d’un déshumidificateur pour permettre d’abaisser le taux d’humidité relative en dessous de 40 %. Le reste des magasins avoisine 55 % d’humidité relative et 18-20°C en température. Toutes ces données climatiques, de température et d’humidité, sont enregistrées automatiquement sur le logiciel de gestion technique du bâtiment qui permet de retracer les courbes climatiques de chaque magasin. Ce système est couplé à des relevés de thermohygrographes. L’essentiel de ces contrôles est donc de veiller à la stabilité du climat : l’important étant d’éviter des variations brutales de température et d’humidité qui peuvent nuire à la bonne conservation des collections. L’ensemble des caisses stockées en magasins occupe aujourd’hui la moitié de l’espace de stockage disponible. Le service a en effet prévu, lors de la rédaction du cahier des charges, le doublement des collections actuelles.

conception jusqu’à l’emménagement.

Les missions du régisseur des collections

Le régisseur des collections a pour mission de gérer et conserver les collections, dans l’objectif de mettre ces données à disposition des chercheurs et du grand public. Ces missions se traduisent au quotidien par une normalisation des différentes étapes du traitement des collections pour faciliter leur gestion et garantir une conservation à long terme. Les aspects pratiques de ces missions sont présentés ci-dessous au travers des étapes de conditionnement, de l’inventaire et de la gestion du stockage.

Normes de conditionnement (Fig. 01 et 02)

Le mobilier est d’abord trié par type de matériau, pour faciliter l’étude mais aussi pour des questions de conservation : les objets ayant des degrés de fragilité différents, il est donc nécessaire de ne pas mélanger. Une fois lavé et séché, le mobilier est conditionné en sachets et rangé dans des caisses plastiques standard empilables pour faciliter leur gestion et leur stockage. Les emballages non conformes sont éliminés systématiquement. Les objets métalliques sont conditionnés à part dans des boîtes hermétiques avec un sachet de gel de silice sec pour absorber l’humidité. A l’inverse, les matériaux organiques traités sont conservés avec des sachets de gel de silice saturés en eau pour les conserver dans un environnement humide. D’autres conditionnements peuvent être mis en oeuvre pour les objets fragiles qui demandent un support et un conditionnement plus adapté ou encore les objets encombrants qui ne peuvent pas être contenus dans les caisses standard. Toutes ces étapes de tri et de conditionnement sont entreprises dès la mise au jour des objets sur le chantier de fouille. Sur toutes les fouilles exécutées par le SADY, un responsable du mobilier est systématiquement présent pour gérer le mobilier dès sa découverte.

Inventaire (Fig. 03 et 04)

Une fois trié et conditionné, le matériel est inventorié. Il est enregistré dans une base de données « Collections » créée sur File Maker Pro qui permet d’inventorier les collections découvertes dans le département, qu’elles soient ou non conservées au SADY. Cette base de données permet à la fois la gestion, la consultation et la recherche des informations. Elle permet de prendre en compte toutes les collections, quel que soit leur degré d’information et de conservation. Ce système permet aussi de récupérer les différents modes d’enregistrement utilisés sur le chantier de fouille et de conserver les numéros d’inventaire utilisés par les fouilleurs eux-mêmes. D’autre part, il a été conçu dès le départ comme un système de gestion des collections et non pas comme une base d’étude. Le système d’enregistrement reste donc assez général et se compose de plusieurs rubriques consacrées à la description de l’objet ou du lot d’objets, au lieu de découverte, au numéro d’inventaire et à la localisation de l’objet. De plus, cette base de données est reliée à d’autres

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Conclusion

Toutes ces étapes présentées ici contribuent à faciliter la gestion des collections et à garantir une conservation à long terme, dans l’objectif de mettre ces données à disposition des chercheurs et du grand public. Dans cette optique, le Service archéologique départemental des Yvelines a créé une version simplifiée des bases de travail pour les mettre à disposition du public dans la salle de lecture du bâtiment. Le SADY a également mis en place plusieurs expositions itinérantes qui circulent avec des objets originaux dans les écoles, les mairies, les centres socioculturels, etc. Enfin, cette mise à disposition des informations passe aussi bien sûr par l’accueil de chercheurs qui viennent étudier le matériel, mais aussi par l’accueil de classes (initiation à l’archéologie et aux premiers traitements du mobilier), d’étudiants, d’associations et même de collègues d’autres collectivités (formation à l’inventaire et à la gestion des collections). Ces échanges entre services archéologiques de collectivités sont aussi l’occasion de partager nos expériences et de comprendre les modes de fonctionnement de chacun. Faute de réglementation claire en termes de normes de conditionnement, d’inventaire, de stockage ou encore de tri sélectif, chaque service a en effet développé différentes méthodes de travail, qu’il serait bon d’homogénéiser. La mise en place de normes permettrait d’uniformiser nos façons de faire en vue d’un éventuel regroupement des données à plus grande échelle.

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Fig. 01. Les objets archéologiques sont rangés dans des boîtes standard et stockés sur des compactus.

Fig. 02. Les objets fragiles sont stockés sur des étagères fixes.

Fig. 03. Une fiche de la base «Etagères».

Fig. 04. Une fiche de la base «Collections»

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Le dépôt archéologique régional, géré par le service régional de l’archéologie, a été mis en place à la

suite de la circulaire « Jack Lang » de 1985 relative à la gestion des collections archéologiques au sein des services déconcentrés du Ministère de la culture et de la communication. Sa mission première est la conservation « transitoire » des collections pendant le temps des premières études et avant dévolution aux musées. Mais, de fait, le dépôt conserve aussi des collections à long terme, c’est-à-dire depuis quinze à vingt ans pour certaines, dans la mesure où le rythme des dévolutions vers les musées est sensiblement inférieur au rythme des entrées. Des normes d’inventaire, de conditionnement, de conservation et de restauration ont été définies progressivement depuis 1997. Ces procédures ont été en partie définies en amont avec l’INRAP et en aval avec les musées, qui sont nos partenaires réguliers. Pendant le temps de présence des collections dans le dépôt, nous sommes naturellement aussi en relation avec des laboratoires de restauration et avec des chercheurs, qui consultent les collections dans ce bâtiment. Le personnel du dépôt réalise par ailleurs les bilans juridiques nécessaires aux conventions de dévolution aux musées, dépendant essentiellement des collectivités territoriales.

Le bâtiment de 3 000 m² est situé dans la banlieue de Metz. Il contient 2 000 collections, soit environ 800 000 objets ou lots d’objets, correspondant à vingt années d’archéologie préventive dans cette région. Juridiquement, on peut rappeler que 55 à 60 % de ces objets sont la propriété de l’Etat, 25 à 30 % la propriété des collectivités territoriales et 15 % la propriété de personnes privées (essentiellement des personnes morales de droit privé). En termes qualitatifs, 30 % des objets ou lots conservés sont des écofacts, 50 % sont des céramiques, 15 % des restes anthropologiques et 5 % des matériaux de construction. Les autres catégories ne sont représentées que par de faibles pourcentages : par exemple, 1 % d’objets métalliques, correspondant néanmoins à 10 000 objets. Le budget annuel de fonctionnement est de 50 à 100 000 euros pour la restauration et de 10 000 euros pour le petit équipement technique (matériels de stockage et de conservation). Le budget de fonctionnement courant (fluides, chauffage ...) est pris en charge par la DRAC et le dépôt emploie deux équivalents temps plein correspondant à trois personnes. Rappelons immédiatement combien les moyens humains sont, pour ce lieu comme pour d’autres dépôts, aussi vitaux pour le fonctionnement de la structure que le sont les moyens financiers.

Le dépôt régional a donc une double mission, de conservation et de consultation. Les collections sont gérées à l’aide d’une base de données informatisée

Le dépôt archéologique régional de Lorraine dans la chaîne opératoire de l’archéologie, de la fouille au muséeOlivier CAUMONT et Gwenola ROBERT

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créée pour ce dépôt en 1997. Elle contient à ce jour plus de 87 000 fiches d’inventaires, qui concernent essentiellement des lots d’objets. Cette base de données est organisée en quatre grandes zones d’information : la référence d’identité, la référence d’adresse (c’est-à-dire le lieu de rangement dans le dépôt), les informations scientifiques et les informations de gestion. La référence d’identité et la référence d’adresse sont différentes, ce qui facilite grandement la gestion dans le dépôt. Les rapports de restauration et les fichiers de mouvement de collection sont automatiquement liés à cette base. Concernant les aspects pratiques, on peut mentionner par exemple l’édition automatique des étiquettes (sur un matériau non périssable) à partir de la base de données.Le dépôt est donc premièrement un lieu de conservation. Pour cela, il est équipé d’espaces différents, correspondant aux normes spécifiques à chaque matériau, avec notamment une pièce pour le métal (atmosphère sèche), une pièce pour le verre et les matériaux organiques après restauration (atmosphère moyenne), une pièce pour les matériaux organiques humides (atmosphère humide). Les collections sont donc essentiellement rangées selon des critères de conservation, mais aussi selon des critères de facilité de consultation : les ossements humains sont réunis dans un même espace pour faciliter le travail des anthropologues. C’est donc le système informatisé d’inventaire qui recréé le lien entre les lots provenant d’une même fouille, bien que physiquement séparés dans le bâtiment.

En amont de la chaîne opératoire de l’archéologie préventive, nous sommes en relation quasi-quotidienne avec l’INRAP, qui demeure le principal opérateur d’archéologie préventive au niveau régional. Les bonnes relations et la convergence d’objectifs avec la personne affectée à ce travail à l’INRAP, Mme Florence Mousset, facilitent grandement le travail. En l’occurence, l’INRAP utilise le même mode de rangement et de conditionnement et la même base de données que le dépôt régional. Ce fonctionnement commun permet de substantiels gains de temps : il n’est pas nécessaire de reconditionner les objets ni de réaliser des manutentions multiples. Il n’y a pas non plus de double saisie des informations, la base de données étant partagée. Par ailleurs, nous cherchons à définir progressivement des choix communs en matière de restauration et de conservation préventive. Même s’il demeure nécessaire de mener au quotidien un travail de sensibilisation en matière de conservation et de restauration auprès d’une partie des responsables d’opérations, l’INRAP prend des décisions dans ce domaine en associant le plus souvent le SRA, ce qui permet notamment de prendre en compte les impératifs de conservation dès les premiers jours suivant la découverte. Dans le cadre de la mise en place du décret n°2004-490 du 3 juin 2004 (article 59) et de l’arrêté du 27 septembre 2004 (article 7), l’inventaire à joindre aux rapports d’opération sera une extraction de la base de données du dépôt. Les dévolutions vers les musées sont également accompagnées d’inventaires

extraits de cette base. En cas de transfert d’une collection, l’information scientifique demeure naturellement dans la base de données du dépôt. Ainsi, la base de données ne fait que s’accroître pour une recherche statistique plus fiable et la personne qui l’interroge est informée du lieu de conservation des objets, si ceux-ci ne sont plus dans le dépôt. Concernant particulièrement le travail en amont, il est honnête de rappeler que, si les procédures sont maintenant essentiellement définies, leur application systématique est encore un problème, du fait à la fois du manque de personnel pour suivre toutes les opérations en matière de conservation et de restauration et d’une tendance persistante dans la communauté archéologique à considérer ces aspects comme relativement secondaires dans le travail archéologique en général.

En aval de la chaîne opératoire, nous passons des conventions de dévolution avec les musées, pour une part encore faible de nos collections (environ 5 %). Il s’agit toutefois de collections importantes tant d’un point de vue scientifique que muséographique. Les ensembles dévolus sont en outre souvent importants quantitativement, ce qui permet indirectement de libérer de la place dans le dépôt pour de nouvelles entrées. Le principe de non dissociation des collections est retenu lors des dévolutions : les musées prennent l’ensemble de la collection et non uniquement une partie. Ainsi, les chercheurs peuvent étudier la totalité des objets en un même lieu. Autant que possible, une seule convention est signée pour un même ensemble, en proposant aux propriétaires des sols, propriétaires d’une partie de la collection, de signer en même temps que l’Etat un seul acte de dévolution vers un musée. Les conventions sont donc bipartites ou plus souvent tri- ou quadripartites. Les nouvelles dispositions du code du patrimoine et du code général des propriétés des personnes publiques devraient faciliter la gestion des collections en plaçant l’Etat en position centrale dans la gestion des collections conservées dans les dépôts, mais aussi en facilitant leur transfert de plein droit (sous la forme de la cession - article L 3112-1 du CGPPP) aux collectivités territoriales disposant de musées. A la partie juridique de la convention de don et/ou de dépôt est annexé un inventaire sous la forme de notices résumées, classées par grandes catégories de matériaux. Nous réalisons en outre un inventaire spécifique pour les écofacts, ce qui permet aux musées de réaliser, s’ils le souhaitent, un tri-sélection sur cette partie de la collection transférée au musée. Généralement, les collections ont déjà été, pour tout ou partie, restaurées au moment de la dévolution. Un exemplaire du rapport de fouille accompagne la dévolution.

Concernant les demandes de prêt pour expositions, nous consultons le fichier informatisé, sortons et conditionnons les objets avant transport. Les sorties font l’objet d’un formulaire de prêt. La date de sortie est enregistrée dans la partie gestion de la base de données. Les mouvements de collections sont tous enregistrés, que les demandes émanent de chercheurs, d’étudiants ou de musées. De

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septembre 2004 à septembre 2005, il a été géré sept dossiers de dévolutions aux musées et 34 personnes ont consulté des collections dans le dépôt. Au total, 167 collections ont fait l’objet d’une consultation durant ce délai. On peut éditer pour les étudiants, les chercheurs et les musées une version résumée de notre base de données, que nous transmettons par courrier ou par mail.

On peut constater que le dépôt archéologique de Lorraine, du fait de sa dimension régionale (hébergement de la grande majorité des collections issues de l’archéologie préventive) et de son fonctionnement dans la durée (depuis vingt ans dont dix avec une gestion normalisée) s’est inscrit progressivement dans la chaîne opératoire de gestion de ces collections, entre opérateurs générant des témoignages matériels du passé et musées les conservant à long terme. On peut s’interroger sur l’opportunité et la pérennité de cette position devenue quasiment structurelle dans le paysage des institutions et des personnes en charge de ce patrimoine. Dans cette région, le dépôt devient donc insensiblement un service d’archives archéologiques, au sens des archives du sol, qui fonctionne un peu comme les services d’archives historiques (grandes quantités, entrées règlementaires, possibles procédures de tri-sélection ...). Sans que l’on doive aucunement considérer le fonctionnement lorrain comme un modèle, loin s’en faut, il s’agit cependant d’un exemple de ces structures, encore dénommées « dépôts », mais le terme deviendra sans doute caduc, appelées à jouer aux côtés des musées un rôle permanent dans l’équipement du territoire en matière de conservation et de gestion des collections archéologiques. Aujourd’hui réparties de manière très inégales et avec des missions très variables, ce qui demeure problématique, ces « archéothèques » devront sans doute s’appuyer sur l’Etat, que la nouvelle législation a placé au centre du dispositif archéologique, et probablement aussi, à terme, sur l’un ou l’autre échelon territorial, parce que les collectivités portent dorénavant une bonne part du travail de préservation de la mémoire collective.

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Discussion à la suite des communications

Joël SERRALONGUE Comment faire si le propriétaire qui a revendiqué réside à l’étranger ? Bernadette SCHNITZLERLes exportations temporaires ou définitives d’objets archéologiques sont soumises à une réglementation spécifique : le propriétaire doit alors demander une autorisation de sortie du territoire. De la salle Quel est l’organisme qui accorde l’agrément aux locaux de stockage des communes ? Marie STAHLSelon les textes, le SRA et les représentants de la collectivité visitent les lieux. Un constat contradictoire est établi par la collectivité territoriale et l’Etat. Le procès-verbal est signé par les deux parties et adressé au Préfet de région. De la salle Il est regrettable que la prise en charge de la collectivisation des mobiliers de fouilles à l’Etat n’ait pas été prévue par la loi. En Ile-de-France, nous n’avons pas encore étudié la question. Comment définir le propriétaire du terrain ? Parfois, nous intervenons, en zone urbaine, dans le montage des projets et la propriété du sol change pendant la fouille. Il arrive aussi que nous fouillions plusieurs parcelles. Comment faire jouer l’identification topographique ? Avez-vous déjà été confrontée à ce type de problème ? Comment les avez-vous résolus ? Je suis par ailleurs surprise de la possibilité que les départements fassent une offre de services aux communes. Il me semble en effet qu’à défaut de revendication, la collectivité du niveau supérieur peut revendiquer. Les départements pourraient ainsi inciter les communes à leur confier la propriété des biens, ce qui permettrait une cohérence. Marie STAHLNous nous sommes posés les questions que vous soulevez, mais nous n’avons pas encore les réponses. Quant au problème de dépôt, le Conseil Général du Bas-Rhin réfléchit à un projet de dépôt, qui n’est pas encore mis en œuvre. Joël SERRALONGUE Nous nous posons la question du mobilier de prospection : il est difficile de savoir quel mobilier appartient à quel propriétaire. De la salle Le propriétaire doit-il récupérer les archives de fouilles qui concernent les mobiliers qu’il garde ? Marie STAHLEn principe, les archives de fouilles sont remises à l’Etat ; nous en sommes dépositaires. Encore faudrait-il que le propriétaire dispose d’une copie. En Alsace, les archives ne sont pas toujours dans le lieu de dépôt du mobilier. De la salle Depuis la promulgation de la loi du 4 août 2003, nous devrions avoir abordé la phase de rétrocession aux propriétaires. Or nous n’avons pas encore engagé les démarches, ou très rarement. Quand le propriétaire est une collectivité, il n’est plus acceptable que nos réponses

mettent en avant la confusion des textes. Marie STAHLNous commençons seulement à mettre le dispositif en place pour l’Alsace. De la salle J’accueille des agents ne dépendant pas de collectivités territoriales. Quel est le statut de la collection pendant les deux ans qui sont utilisés pour rédiger le rapport ? Quelle est la responsabilité de ma collectivité vis-à-vis de ce mobilier ?Marie STAHLIls sont placés sous la responsabilité de l’opérateur, sous le contrôle de l’Etat. De la salle Rappelons que pour une commune, déposer un mobilier au Conseil Général n’est pas la même chose que confier la propriété au Conseil Général. De la salle Comment sont gérés les problèmes d’ensachage dans les Yvelines ? Caroline KUHARNous renouvelons régulièrement les sachets de gel de silice. Nous n’avons pas de système informatique pour gérer la durée de vie de ces sachets. De la salle Quelles sont vos relations avec les musées ? Que faites-vous des lots de céramiques ? Caroline KUHARNous mettons en place des expositions ; certains objets sont par ailleurs accueillis dans les musées pour des expositions temporaires. Il n’y a pas de dévolution dans les musées. Marie-Aline CHARIERLes musées ne sont pas nombreux à rechercher nos pièces. Joël SERRALONGUE Il n’y a pas de musée archéologique dans les Yvelines, à part le Musée des Antiquités Nationales, qui n’a pas de vocation territoriale. De la salleVos bases sont-elles reliées à celles des musées ? Caroline KUHARNon, nous avons créé nous-mêmes notre base de données. De la salle Concrètement, les musées n’utilisent pas le même logiciel de gestion que vous, comme nous l’avons dit précédemment. Quelle est la base commune ? Olivier CAUMONT Le service régional d’archéologie a créé son propre système d’inventaire, alors que les musées utilisent la base Micromusée. Afin de faciliter le dialogue, nous fournissons aux musées des informations relevant de notre base. Bruno DUFAŸEn Indre-et-Loire, nous réfléchissons actuellement à l’informatisation du service d’archéologie en fonction des systèmes utilisés par les musées d’archéologie qui dépendent du Conseil Général. Ce ne sera pas le même logiciel mais nous voulons garantir le mieux possible le

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suivi du mobilier et éviter les pertes de temps. Olivier CAUMONTNous sommes favorables à la création de normes au niveau national. Gwenola ROBERT En Lorraine, les musées ont transféré leurs données sur Excel, ce qui a permis d’éviter une double saisie. De la salle Le problème est que nous n’utilisons pas les mêmes termes pour désigner des choses identiques. De la salle Nous ne pourrons pas normaliser l’ensemble des fouilles, mais mettre en place un tronc commun semble être une bonne idée. Le passage par un tableur permet en outre de récupérer les données venant d’un autre système, mais le problème vient du vocabulaire. Le thesaurus est dans ce cadre un bon outil. Olivier CAUMONTEn effet, il n’existera jamais de modèle global. Nous avons construit notre base après avoir étudié différents systèmes. Nous avons conclu que Micromusée n’était pas un logiciel de gestion de collections archéologiques. En effet, il permet de gérer de façon générale des objets uniques et non des lots. De la salle Micromusée a été créé avec la direction des Musées de France, mais les musées rencontrent des difficultés pour réaliser leurs inventaires. Les problèmes proviennent de la définition du contenu des champs de vocabulaire et de la dénomination, non du logiciel. De la salle Y a-t-il des dépôts départementaux en Lorraine ? Olivier CAUMONTNous avons un projet qui pourrait se monter en collaboration avec les collectivités départementales. Nous en sommes au début. Pour l’instant, il n’existe qu’un dépôt central régional et 34 dépôts de fouilles anciens. Il y a deux autres dépôts institutionnels et un dépôt dans la banlieue de Metz. Contrairement à ce qui était prévu à l’origine, notre mission n’est de fait pas transitoire, mais permanente. Concernant le classement, les musées choisissent leurs entrées selon les thèmes, alors que les services archéologiques fonctionnent comme un service d’archives avec des dépôts obligatoires. De la salle Détruisez-vous une partie des collections ? Olivier CAUMONT Qu’en est-il du tri-sélection dans les dépôts ? Nous étions à un colloque hier qui a traité du sujet. Nous avons mené 36 actions de ce type, ce qui est très limité. Le tri-sélection est considéré comme une des actions de la conservation préventive. Tous les lots ont une part de valeur scientifique, mais on choisit parfois l’élimination pour des raisons économiques et de bon sens.

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Le laboratoire de restauration :

un outil au service du patrimoine

Silvia PAÏN, Conseil Général des Yvelines

Christine RIQUIER, Laboratoire d’Archéologie des Métaux, Jarville

Patrick BLANC, Conseil Général des Bouches-du-Rhône

Marie-Claude DEPASSIOT, CREAM Vienne

Sous la présidence d’Alain SCHMITT, Musées de Strasbourg.

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Conservation et restauration au sein de l’institution : le rôle du laboratoire Silvia PAÏN Introduction

Le Conseil Général des Yvelines s’est doté d’un laboratoire de restauration en 1989. L’objectif de

sa création était de contribuer à l’action du service archéologique départemental pour tout ce qui concerne la conservation-restauration. Le statut du laboratoire correspond à un choix d’intégration institutionnelle. En effet, son activité est financée intégralement par le Conseil Général, au sein du budget du service archéologique. Les interventions, essentiellement orientées vers le besoins internes du SADY, parfois au profit d’autres acteurs de l’archéologie locale (INRAP, associations,…), ne donnent lieu ni à devis, ni à facturation.Seize années de travail au sein de ce laboratoire nous ont permis de réfléchir sur les spécificités d’un laboratoire institutionnel et les différents rôles qu’il pouvait assumer.

Spécificités d’un laboratoire institutionnel

Si on devait définir rapidement un laboratoire institutionnel, trois mots-clés nous semblent essentiels :

disponibilité : le laboratoire peut faire face à des modifications de priorités (même drastiques) au sein de la structure ; il peut également intervenir quasiment « en temps réel » dans les cas d’urgence,proximité, que l’on peut entendre de deux façons :

o vis-à-vis des archéologues : un dialogue permanent permet, au laboratoire, de coller aux problématiques archéologiques, et, à l’équipe du SADY, d’intégrer la démarche de conservation dans son mode de fonctionnement. Vis-à-vis d’équipes extérieures, associées ponctuellement à son activité ou simplement hébergées, ce dialogue, moins aisé sans doute, peut néanmoins s’établir, ainsi qu’un questionnement utile sur la prise en compte de la conservation sur des opérations archéologiques, fussent-elles préventives. La démarche de conservation acquise grâce à la présence d’un laboratoire « résident » peut par la suite être appliquée sur d’autres opérations et, on l’espère, être imitée… ;

o vis-à-vis des collections : on peut suivre l’état de conservation des objets au jour le jour et surveiller les plus fragiles ;

continuité : ce suivi peut être fait sur le long terme. La permanence du laboratoire au sein de la structure, au-delà des interventions ponctuelles, permet la mise en place de politiques de

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conservation à long terme et de leur évaluation.

Les laboratoires institutionnels rattachés à des services archéologiques ont d’autres caractéristiques essentielles, étroitement liées à cette intégration :

ce sont des laboratoires généralistes car ils doivent pouvoir faire face à la plupart des situations et matériaux retrouvés en fouilles, du moins pour les interventions de conservation urgentes ;ce sont des laboratoires unipersonnels, le plus souvent, car peu d’équipes archéologiques sont assez étendues pour accueillir plusieurs restaurateurs en leur sein. Sauf exception, ce sont donc des structures prises en charge par un seul professionnel, parfois assisté de stagiaires mais très rarement secondé par un collègue lui-même restaurateur.

Les rôles du laboratoire

Ces spécificités vont avoir un effet sur la façon dont les différents rôles d’un laboratoire vont être assumés par la structure.

Information et sensibilisation

Continuité et proximité vont permettre de travailler avec l’équipe archéologique sur les problèmes de conservation avant, pendant et juste après la fouille :

information sur l’altération des matériaux pendant l’enfouissement ;formation aux risques propres à l’exhumation des objets (certains ont des effets rapides et spectaculairement destructeurs) et aux « gestes qui sauvent » (lors du dégagement et du prélèvement des vestiges) ;sensibilisation à la conservation du mobilier lors des phases de conditionnement, transport, premier traitement (lavage, remontage, dessin…), formation du personnel chargé de la gestion dans le domaine de la conservation préventive.

Prélèvements sur le terrain

Le restaurateur peut aussi se déplacer sur le terrain lorsque c’est nécessaire, à la demande de l’équipe archéologique, pour des prélèvements d’objets fragiles. Il est disponible rapidement pour les opérations d’urgence ; il peut planifier les interventions lorsque le risque est connu (prélèvements d’enduits peints sur une villa gallo-romaine (Fig. 01), de façon à intervenir de façon coordonnée par rapport au reste du chantier.

Aide à la décision

La proximité vis-à-vis des collections et des problématiques archéologiques qui animent l’équipe permet au laboratoire de jouer un rôle dans l’aide à la décision par rapport aux choix de restauration de tel ou tel objet d’un ensemble, en fonction du potentiel informatif et de l’état de conservation, le cas échéant à l’aide de radiographies ou d’analyses spécifiques.

Traitements de conservation-restauration

Bien entendu, le laboratoire prend en charge les traitements de conservation-restauration des matériaux pour lesquels il est compétent. Il peut parfois les décliner en traitements pour étude (à l’intention des seuls spécialistes) et traitements pour présentation au public, pour lesquels la restitution des parties manquantes sera généralement plus affirmée, dans le but d’en accroître la lisibilité (Fig. 02).

Suivi des traitements effectués à l’extérieur

Il n’est pas toujours possible de traiter tous les objets ou tous les matériaux en interne, pour plusieurs raisons :

le laboratoire ne possède pas les équipements nécessaires et/ou les compétences pour le traitement de TOUS les objets ou matériaux ; certains traitements ne sont « rentables », en terme de temps investi, que s’ils sont pratiqués en masse et le laboratoire à lui seul n’a pas les volumes suffisants ; le laboratoire a des échéances et ne peut absorber une surcharge ponctuelle de travail.

Dans tous ces cas, on sollicitera un laboratoire spécialisé pour effectuer le travail en tant que prestataire de service. Le cas se présente également pour les analyses ou examens complémentaires effectués à l’extérieur. Le rôle du laboratoire institutionnel est alors de rédiger le cahier des charges, d’analyser les offres, de dialoguer avec les professionnels de ces laboratoires, de planifier et de suivre les opérations, de programmer les phasages des opérations réalisées à l’extérieur par rapport à celles qui sont faites en interne.Les rapports qui s’établissent entre laboratoire institutionnel et prestataires de service ne sont pas de concurrence mais de complémentarité. En effet, certains laboratoires se sont spécialisés, de façon assez pointue, sur des matériaux ou objets particuliers, et le laboratoire institutionnel – nécessairement généraliste – aurait tort de se priver de cette expertise dans ce cas spécifique. La présence d’un collègue au sein de l’institution garantit également au prestataire un interlocuteur informé avec qui dialoguer dans des cas complexes. Enfin, la présence d’un laboratoire implique une sensibilité à la conservation qui se traduit par une hausse générale de la « demande de conservation » et par une meilleure pertinence de cette demande.

Préconisations en matière de conservation préventive

Le laboratoire, de par sa proximité avec les collections et sa continuité dans le temps, peut également effectuer des préconisations en matière de conservation préventive (de façon globale pour les collections ou spécifique selon l’état de tel ou tel objet particulier). Ces préconisations concernent deux risques majeurs : chocs et vibrations, notamment lors de manipulations (largement sous-estimés) et climat inadapté (humidité, température…) et trois situations : stockage, présentation au public (Fig. 03) et… le passage de l’un à l’autre, c’est-à-dire le transport.

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Lorsque des prestataires extérieurs sont sollicités (emballeurs, socleurs, muséographes,…) le rôle du laboratoire est essentiel lors de la rédaction du cahier des charges, l’analyse des offres et le suivi des réalisations.

Recherche et formation

Disponibilité, proximité et continuité se mêlent dans le rôle du laboratoire dans la recherche et la formation :

disponibilité, pour accueillir les stagiaires et leur consacrer du temps, ainsi que pour faire de la recherche appliquée ;proximité vis-à-vis des collections, qui permet de choisir des objets pour la recherche. En effet, les collections constituent, à ces fins, des échantillonnages intéressants, dont on peut généralement retracer, au moins sur la période la plus récente, les traitements subis et les conditions de conservation ;continuité : tout ceci peut être observé sur le long terme, ce qui est essentiel pour des programmes nécessitant un investissement sur du moyen ou long terme (vieillissement naturel de produits employés, par exemple).

Les laboratoires de restauration ne se sont pas lancés de façon notable vers des coopérations, si ce n’est par le partage ponctuel d’informations et les échanges au cours des Journées des restaurateurs en archéologie organisées annuellement. Le domaine de la recherche aurait tout à gagner au développement de coopération entre laboratoires, autour de problématiques communes. Dans ce cadre, quelques chantiers à explorer, où une mise en commun des expériences et des compétences serait intéressante, peuvent être évoqués :

évaluation sur le long terme de procédures et de produits utilisés en conservation-restauration, avec l’avantage, pour les laboratoires adossés à un dépôt archéologique de disposer d’ensembles statistiquement exploitables, dont on peut maîtriser les conditions du test et ceci sur le long terme ;documentation des interventions de conservation-restauration et gestion de cette documentation : systématisation des modalités d’enregistrement des interventions, thesaurus, méthodologie, optimisation des procédures…

Conclusion : construire une démarche cohérente de conservation

Les rôles que l’on vient d’énumérer sont essentiels, mais il ne suffit pas de les assumer ponctuellement, au coup par coup, pour assurer la conservation du patrimoine archéologique. Chacun sait que ce qu’on appelle « le cursus du mobilier » a souffert, et souffre souvent encore, des ruptures dans la chaîne des responsabilités et des compétences : combien de prélèvements se sont effrités, faute d’une prise en charge dans la foulée ? ; combien d’objets ont vu leur potentiel informatif irrémédiablement abîmé parce que les traitements indispensables à leur

survie n’ont pas été effectués dans un délai raisonnable ? ; combien qui, après l’étude, se sont désagrégés, oubliés de tous ?... Le laboratoire de restauration ne doit pas être seulement le lieu où on effectue les traitements, mais un moyen de prendre en charge les problèmes de conservation et de restauration dès le terrain et jusqu’à la présentation au public et ce, dans une démarche cohérente, inscrite dans la durée. Nous avions cité les mots-clés disponibilité, proximité et continuité : s’il fallait synthétiser encore plus, nous dirions volontiers que le rôle – et la spécificité - du laboratoire est d’assurer la cohérence de la démarche de conservation sur le long terme, et c’est dans la capacité d’un laboratoire institutionnel à garantir cette approche que réside son principal intérêt.

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Fig. 02. Traitements de conservation-restauration de céramiques. a) collage simple, pour étude ; b) restauration pour présentation au public : la lisibilité de l’objet par un public non spécialisé nécessite la restitution des volumes au moyen du comblement des manques et d’une mise en couleur. (Cliché : Pascal Laforest, SADY).

Fig. 01. Prélèvement d’une plaque d’enduits peints fragmentée, au moyen d’un entoilage de gaze encollée avec une résine réversible, qui permettra de solidariser les éléments pour pouvoir les déposer d’un seul tenant. (Cliché : Pascal Laforest, SADY).

Fig. 02 a Fig. 02 b

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Fig. 03. Lors de l’exposition, on veille à la conservation des objets par des préconisations sur l’environnement et sur les dispositifs de présentation, notamment le soclage des objets fragmentaires ou instables, telle la fiole à fond bombé au centre. (Cliché : Pascal Laforest, SADY).

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Laboratoire d’Archéologie des Métaux, association loi 1901. Quels rapports possibles avec les collectivités territoriales et l’Etat ?Christine RIQUIER

Je représente, contrairement à l’intervenante précédente, un laboratoire qui facture ses interventions.

Il s’agit en effet d’un laboratoire de conservation travaillant par prestations de service et embauchant sous contrat privé. Le Laboratoire d’archéologie des Métaux est une association loi de 1901, qui fait partie de ce qu’on appelle « le Réseau ». Ce dernier regroupe treize laboratoires de restauration dédiés à l’archéologie. Le statut de ces différents laboratoires peut toutefois varier, puisque le Réseau comprend un GIPC, trois laboratoires rattachés à des collectivités territoriales et huit laboratoires sous statut « loi de 1901 ». S’agissant de ces derniers, il convient toutefois de noter qu’en dépit de leur statut, leur fonctionnement se révèle davantage para-administratif que véritablement associatif. Ainsi ces associations sont-elles toutes hébergées dans des locaux mis à disposition par des collectivités territoriales. De même, certaines de ces structures reçoivent une subvention au titre de la mission de service public qu’elles assument, notamment en matière de formation et de médiation. Aujourd’hui, ces associations font face à d’importantes difficultés, dans la mesure où leur statut n’est plus adapté à la réalité de leurs missions. Une loi vient d’ailleurs d’être adoptée récemment, dont l’objet est de régler les problèmes liés au statut de ces associations para-administratives.

L’histoire du Laboratoire d’Archéologie des Métaux

Le Laboratoire d’Archéologie des Métaux est une association créée en 1950, grâce à la passion d’Edouard Salin pour l’archéologie. Rapidement conscient que toute fouille devait être suivie de mesures de conservation à long terme, la création d’une telle association lui est apparue comme une évidence. Face au retard de la France dans ce domaine, il s’est inspiré des pratiques des pays d’Europe du Nord. Edouard Salin s’est donc associé à Albert France-Lanord pour créer le Laboratoire de Recherches Archéologiques, qui a d’abord été hébergé au sein du Musée Lorrain. Les activités du laboratoire se sont axées sur la conservation et la restauration des objets archéologiques, ainsi que sur la recherche relative à la sidérurgie ancienne. En 1966, le Centre de Recherche sur l’Histoire de la Sidérurgie est créé, avec le soutien de la ville de Nancy et de la Chambre syndicale de la sidérurgie. Peu à peu, le montant des financements publics attribués au laboratoire augmente tandis que son champ d’intervention s’élargit. L’année 1966 est également marquée par la création du Musée de l’Histoire du Fer, implanté dans le domaine de Montaigu, par les mêmes E. Salin et A. France-Lanord. Le laboratoire y est transféré et devient, dès lors, une véritable référence dans son domaine d’expertise, puisqu’il s’agit du seul laboratoire en France à pratiquer la restauration sur prestation de service et à former les restaurateurs. En

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effet, les formations spécifiques n’avaient pas encore été créées à l’époque. En 1980, s’opère la dissociation du musée et du laboratoire. La gestion des locaux et du personnel est reprise par le district de la ville pour le musée, alors que le laboratoire choisit de conserver son statut associatif, qui lui octroie une plus grande autonomie. Le Centre de Culture Scientifique Technique et Industriel du Fer et de la Métallurgie devient l’association regroupant désormais les « Amis du musée » et la personne morale en charge de représenter le laboratoire.

Les limites du statut associatif

L’évolution des activités et des aides allouées au laboratoire a mis en lumière les limites du statut associatif. En effet, avant 2002 les principales subventions du laboratoire émanaient de :

• La Communauté Urbaine du Grand Nancy, qui alloue une subvention indirecte en fournissant les locaux et les fluides,

• La DRAC et le CNRS, qui fournissent du personnel (direction, personnel de recherche et photographe) et des équipements,

• Le Conseil Général et le Conseil Régional, qui allouent une subvention pour la recherche.

En 1989, le Président du CCSTIFM avait déjà interpellé les membres de l’association sur les limites du statut associatif, pointant l’inadéquation entre la réalité du fonctionnement du laboratoire et son statut. Ainsi, par exemple, le conseil d’administration est composé de représentants d’institutions, lesquels ne peuvent pas se sentir personnellement impliqués, d’où des lourdeurs de gestion considérables. La progression du chiffre d’affaires est certes constante, mais cela ne se traduit nullement par une progression des bénéfices. La crise s’aggrave après 2002, du fait de l’affectation du directeur à un autre poste, non remplacé par le Ministère de la culture et de la communication. Et dans le même temps, le CNRS ne remplace pas le photographe, parti à la retraite. Depuis lors, la direction du laboratoire est assumée par une restauratrice et les travaux photographiques et radiographiques par les autres salariés. Pour assurer l’équilibre budgétaire du laboratoire, ce dernier a dû développer des activités nouvelles, qu’il s’agisse de la copie d’objets ou du traitement de matériaux autres que le fer, comme l’os et le verre. Dépendant d’aides institutionnelles, directes ou indirectes, le laboratoire doit également chercher des financements au travers de prestations de service, désormais soumises au code des marchés publics. Pour l’instant, le laboratoire parvient à s’autofinancer (le chiffre d’affaire couvre toutes les dépenses hors locaux et fluides). En 2004, le laboratoire a essentiellement travaillé pour la Lorraine et l’Alsace et jusqu’en Rhône-Alpes. Ses principaux clients sont l’INRAP, les SRA et les musées. Je précise que le SRA de Lorraine prend en charge ou pallie les problèmes de conservation post-fouilles. Le SRA intervient également quand les résultats des fouilles se sont révélés bien plus conséquents qu’escomptés, de sorte que les coûts de

conservation n’avaient pas été intégralement budgétés. Il n’existe pas de service archéologique rattaché à une collectivité territoriale en Lorraine.

Réflexions sur l’avenir

Je vais vous présenter le projet qui pourrait donner lieu à l’évolution de notre statut. Un cabinet d’experts mène actuellement une étude sur le « Legs Salins » sur le domaine de Montaigu, à la demande de la Communauté Urbaine du Grand Nancy, laquelle est maître d’ouvrage. Le cahier des charges a été rédigé par la DRAC. Le projet est cofinancé par l’Etat, la Communauté Urbaine du Grand Nancy et la Région. La Ville de Nancy est associée et le Conseil Général devrait pouvoir bientôt s’y associer. L’étude porte sur le statut et la vocation du domaine de Montaigu qui regroupe plusieurs institutions, à des titres divers. Ce domaine est excentré au sud de l’agglomération, les visiteurs y sont peu nombreux. Ses composantes sont :

• Le Musée de l’Histoire du Fer,• Le Laboratoire d’Archéologie des Métaux,• Le Centre de documentation, • Le Parc XVIIIe classé de 17 hectares,• Le Château classé avec les collections Salin

(gérées par le Musée Lorrain),• L’Orangerie XVIIIe classée,• La ferme, en ruines, inscrite à l’inventaire.

Cette étude se subdivise en deux étapes : une première phase de diagnostic et d’audit, laquelle est achevée. La seconde phase a pour objet d’étudier les propositions et de rechercher des partenaires autour, notamment, de tables rondes. Il est évident qu’un tel projet, comme d’ailleurs la majeure partie des missions du laboratoire, relève du service public. Le futur statut vers lequel évoluerait la structure serait donc celui d’un EPCC. L’idée présidant à cette démarche est de créer un pôle de compétences au sein duquel le laboratoire serait intégré et renforcé par d’autres expertises, lesquelles ne seraient pas nécessairement exclusivement archéologiques. Pour l’heure, la réflexion se poursuit sur l’opportunité d’adopter un statut d’établissement public administratif (EPA) ou plutôt de service public industriel et commercial (EPIC) : la question n’a pas encore été tranchée.

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Un atelier de conservation et de restauration de mosaïques au cœur d’un musée archéologique départemental Patrick BLANC Le Musée de l’Arles et de la Provence antiques se

compose de plusieurs services : la conservation, la gestion, l’accueil des publics, une bibliothèque, un laboratoire photo, un service archéologique et un laboratoire de conservation et de restauration. Outre les salles d’expositions permanentes, deux salles d’expositions temporaires, une salle de conférence, des réserves légères et lourdes complètent l’aménagement. Issu d’un service de gestion de l’archéologie locale, le musée a été conçu dès l’origine comme un lieu de rencontre ouvert à différents services (SRA, INRAP, CNRS, DRASSM…).Depuis son ouverture en mars 1995, le nouveau musée archéologique arlésien, conçu et réalisé par l’architecte Henri Ciriani, a connu plusieurs statuts successifs. Il a tout d’abord bénéficié du statut de musée municipal ; puis un Syndicat mixte de gestion du musée a été créé en 1999 entre la ville et le Département des Bouches-du-Rhône ; en 2003, le musée a été départementalisé intégrant ainsi la Direction de la culture du Conseil Général des Bouches-du-Rhône. En 1992, dès avant l’ouverture du nouveau bâtiment, l’Atelier de conservation et de restauration de mosaïques a été créé au sein du Musée de l’Arles et de la Provence antiques pour répondre aux besoins en matière de sauvegarde, d’entretien et de présentation au public du patrimoine mosaïstique mis au jour à Arles et dans sa région : mosaïques présentées dans les salles du musée, conservées dans ses réserves ou encore maintenues en place sur le lieu même de leur découverte. Spécialisé dans le traitement des pavements antiques, l’Atelier de conservation et de restauration traite également les céramiques provenant des fouilles arlésiennes. Pour répondre aux exigences modernes de la conservation, il est nécessaire de mettre en œuvre une technologie adaptée et des agents formés à l’éthique et à la pratique de la conservation des biens culturels. A cet égard, l’Atelier est bien doté en termes de locaux et d’équipements. Quant à l’équipe, elle se compose de huit personnes restaurateurs et techniciens (titulaires, contractuels et vacataires). Cependant l’emploi de vacataires s’avère parfois inadapté. En effet, certains de nos chantiers sont conséquents, tant en termes de surfaces concernées qu’en terme de durée de travail, de sorte que l’instauration d’une dynamique d’équipe est indispensable pour mener à bien notre mission (Fig. 01 et 02).Parallèlement à son activité sur le terrain local, l’Atelier est également appelé à participer à la protection de mosaïques dans les musées et sites archéologiques tant dans la Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur qu’à l’étranger. Il collabore à de nombreuses missions de coopération dans le bassin méditerranéen. L’action de l’Atelier s’inscrit également dans une

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perspective de formation, de coopération et d’échange. Une part importante de l’activité est le partage des connaissances techniques et l’organisation de stages de formation destinés à de jeunes restaurateurs en cours d’études ou de collègues restaurateurs qui dépendent d’institutions étrangères. Enfin, une attention particulière est réservée à l’accueil de groupes scolaires, d’étudiants et d’adultes pour des visites de l’Atelier et des chantiers d’intervention. Nous intervenons dans différents cas, qu’il s’agisse de la maintenance ou de la « dérestauration » de mosaïques anciennement entrées dans un musée, de l’accroissement des collections lors de nouvelles découvertes ou encore de la préservation des mosaïques en place sur le lieu de leur mise au jour. Notre champ opératoire se situe donc dans trois principaux domaines : la conservation préventive afin de stabiliser une pièce, le prélèvement archéologique, la conservation in situ. Notre priorité est de favoriser, dès lors qu’elle est possible et que les conditions de préservation des pavements sont assurées, la conservation in situ.

Les missions de l’Atelier aux niveaux local et national

A sa création, l’Atelier s’est vu tout d’abord confier la tâche de traiter les découvertes arlésiennes, très riches, et le patrimoine mosaïstique de la région. Une de ses premières missions a résidé dans la préparation des pavements anciennement présentés dans les différents musées d’Arles et devant entrer dans les salles d’exposition du nouveau musée, ouvert en mars 1995. Parallèlement, nous devions assurer la sauvegarde de mosaïques découvertes lors des fouilles menées dans Arles sous la direction de MM. Jean-Maurice Rouquette et Claude Sintès depuis les années 1970 et 1980 ; certains pavements qui ne pouvaient plus être maintenus in situ rejoignirent alors la collection ancienne.L’Atelier travaille aujourd’hui également avec la Ville d’Arles pour assurer la préservation des pavements maintenus en place sur les sites et dans les cryptes archéologiques. Les mosaïques du site du Crédit Agricole sont visibles dans une crypte aménagée et contrôlée régulièrement, ouverte au public sur demande ; d’autres pavements encore en place (Jardin d’Hiver, Esplanade des Lices, rue Brossolette) ont été recouverts après documentation et consolidation, tout comme les sols récemment découverts lors de la fouille de la cathédrale d’Arles.Par ailleurs, l’Atelier répond, comme les autres structures traitant de la conservation et de la restauration des objets archéologiques, aux appels d’offre tant en Région Provence-Alpes-Côte-d’Azur que sur l’ensemble du territoire français. Nous travaillons notamment avec le Musée d’Histoire de la Ville de Marseille, le Musée du Louvre, le Musée archéologique de Vaison-la-Romaine, le Musée archéologique de la Ville de Fréjus, le Musée de l’Ephèbe à Agde etc., sur des projets qui ont fait l’objet d’un accord de partenariat sur commande. Notre statut nous permet d’être très réactifs et d’intervenir rapidement, à l’occasion de toute découverte de mosaïques.

Dans les musées

L’Atelier peut être amené à effectuer des prélèvements au sol ou sur les murs de musées, suivis de travaux de dérestauration justifiés par l’état des supports anciens défectueux ou encore en raison de présentation erronée. Jusqu’à la fin des années 60, les supports utilisés pour transférer une mosaïque détachée de son lieu de découverte consistaient souvent en une lourde dalle de béton, dont le transport et la manipulation étaient peu aisés ; parfois, ces supports de restauration étaient constitués de plâtre armé de filasse ou de toile rigidifiée par une structure en bois, qui se fragilisent avec le temps. Actuellement, la méthode privilégiée est la mise sur panneau alvéolaire en nid d’abeille d’aluminium stratifié. Une telle modification du support n’altère en rien l’objet archéologique ayant déjà connu une mise sur support moderne.D’autres interventions, du domaine de la conservation préventive, sont plus légères. En musée, il s’agit essentiellement de tâches de maintenance, avec reprises des lacunes et nettoyage de la surface du tessellatum. Ce genre d’intervention permet de contrôler l’état de conservation d’un pavement. Un de nos souhaits serait de proposer aux différents musées avec lesquels nous travaillons régulièrement un programme de maintenance cohérent, impliquant le personnel du musée, afin d’assurer une surveillance continue des collections et d’alerter les conservateurs à temps en cas de problème.

Sur les sites archéologiques

Par ailleurs, l’Atelier est amené à intervenir lors de fouilles et de découvertes nouvelles –qui peuvent, selon les conditions de sauvegarde du site, offrir la possibilité d’un maintien in situ ou nécessiter une dépose–, ou à l’occasion de la maintenance des collections anciennes. A Fréjus, les découvertes récentes sur l’îlot Mangin ont imposé le prélèvement d’un opus signinum lors d’une fouille conjointe INRAP et Laboratoire archéologique de la Ville de Fréjus. La fouille de sauvetage était liée à un programme immobilier qui n’a pu être modifié.En revanche, à Vaison-la-romaine, à la suite de la terrible inondation qui a touché la ville mais aussi le site antique, le Musée archéologique municipal a sollicité l’intervention de l’Atelier arlésien pour un programme de restauration de plusieurs pavements conservés sur le site ; l’état de certaines mosaïques a nécessité des reprises complètes afin d’assurer leur conservation dans leur contexte archéologique d’origine.Un autre exemple de conservation sur site a touché des mosaïques découvertes en 1975 à l’occasion de la construction d’un parking souterrain au Jardin d’Hiver et en 1976 sur l’Esplanade des Lices, en Arles. Faute de moyens et de garanties de sécurité des cryptes aménagées sur l’un et l’autre site, les pavements ne peuvent être présentés au public. Après avoir consolidé et documenté ces pièces, elles ont été ré-enfouies, avec l’espoir de pouvoir, ultérieurement, les « redégager » et les présenter à nouveau au public. Un bon exemple de présentation dans un contexte

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archéologique est la domus romaine pavée de mosaïques découverte en Arles en 1977, lors de l’agrandissement des locaux du Crédit Agricole ; devant l’ampleur de la découverte, l’architecte modifia ses plans, incluant la présentation de quatre pavements en place. Des visites sont organisées, notamment pour un public scolaire. Cette expérience constitue pour l’Atelier un véritable laboratoire, qui nous permet en particulier de mener des recherches et des expérimentations en matière de climatologie, de matériaux employés en conservation pour identifier les procédés les plus efficaces afin de stabiliser les vestiges archéologiques pour une conservation et une présentation à long terme.

Les missions de l’Atelier à l’étranger

L’ouverture du Musée de l’Arles et de la Provence antiques sur le bassin méditerranéen offre aussi la possibilité d’intervenir sur d’autres rivages méditerranéens. Tout a commencé avec mon implication personnelle dans la conservation in situ des pavements de la grande basilique paléochrétienne de Xanthos en Turquie, où j’avais été appelé par le responsable de la fouille, le Professeur Jean-Pierre Sodini (Université de Paris I). Par la suite, l’Atelier ayant été créé entre temps, de nouveaux programmes de ce chercheur nous ont amené à intervenir à Byllis en Albanie. D’autres équipes de recherche nous ont également demandé notre aide tant à Gaza qu’à Alexandrie, par exemple. Généralement, nos interventions se doublent d’un travail de formation d’équipes locales à la conservation, suivi parfois d’une formation en Arles même. A Alexandrie, nous avons procédé à la dépose des pavements d’une fouille de sauvetage menée sous la direction de Jean-Yves Empereur (CNRS – Centre d’Etudes alexandrines) sur le site de l’ancien théâtre Diana, puis à la restauration de l’emblema à la Méduse, mosaïque réalisée en atelier et donc de facture très minutieuse. Cette opération était accompagnée d’un volant de formation pour nos collègues égyptiens, restaurateurs au Musée gréco-romain, mais aussi pour une étudiante française. Par la suite, une nouvelle collaboration avec le Centre d’Etudes alexandrines et le Musée gréco-romain d’Alexandrie fut montée pour la restauration de la mosaïque du Chien, coopération réalisée pendant six mois à Alexandrie, à laquelle furent associés plusieurs membres de l’équipe arlésienne. Ces travaux ont été intégrés et présentés lors de plusieurs expositions internationales sur l’archéologie à Alexandrie. Cette coopération s’est poursuivie avec différents projets et des séjours de formation en Arles (grâce à l’aide financière et active du Rotary Club).Comme pour Alexandrie, notre intervention à Gaza, placée dans le cadre des opérations de l’Ecole biblique et archéologique française à Jérusalem, s’est inscrite d’abord dans une perspective de coopération sur le terrain, avec formation de techniciens locaux. Notre programme s’est développé avec le montage d’une exposition sur l’archéologie à Gaza présentée en France. Ce fut alors l’occasion de séjours de formation en Arles

pour des restaurateurs palestiniens. Notre coopération se poursuit actuellement sur plusieurs sites palestiniens particulièrement pour la conservation des pavements sur leur lieu de découverte. Le partenariat avec Gaza s’inscrit par exemple dans une collaboration à long terme : l’Atelier y travaille depuis 1995, certes de manière irrégulière du fait des contraintes liées au contexte politique, mais avec une réalité certaine. Un partenariat s’est également noué avec l’Algérie à partir de l’organisation de « Djezair 2003, l’Année de l’Algérie en France ». A débuté alors pour nous une collaboration qui se développe avec plusieurs nouveaux programmes : formations en France, programme de restauration des pavements du Musée national des Antiquités à Alger, coopération touchant le site et le Musée de Lambèse avec des chercheurs algériens et français du programme « Corpus des mosaïques de Lambèse » (Ministère des Affaires étrangères). Avec nos collègues algériens, restaurateurs ou conservateurs des musées et des sites concernés, nous avons procédé à l’expertise de l’ensemble des collections du musée d’Alger et du musée de Lambèse. Ces collaborations ont été l’occasion également de faire venir en Arles, pendant sept ou huit mois, de jeunes restaurateurs algériens qui ont partagé nos expertises ; sept collègues algériens sont ainsi venus, quelques uns plusieurs fois (Fig. 03).Plus récemment un partenariat d’assistance à la restauration des mosaïques du Musée national de Belgrade a permis de former une restauratrice qui a été engagée par le musée pour remonter un service de restauration. Ce sont alors de vrais liens qui se créent, des échanges suivis, une garantie pour la sauvegarde concertée des pavements qui nous sont confiés.Nos missions à l’étranger ne participent nullement d’une approche substitutive, mais se font au contraire toujours en coopération avec les populations locales et les différents musées ou organismes compétents. Ces coopérations s’accompagnent souvent de la présentation des résultats au grand public lors d’expositions, mais aussi au cours de colloques et rencontres plus spécialisés, présentation commune aux intervenants étrangers et arlésiens.

La formation

Ces chantiers sont autant d’occasions d’échanges et de coopération. Dans cette optique de collaboration, des restaurateurs étrangers tout comme des étudiants en conservation sont régulièrement accueillis par l’Atelier qui assure ainsi une formation au cours de stages organisés pour diffuser les principes et les techniques mises en œuvre par l’Atelier pour la conservation des mosaïques antiques. Parallèlement, les opérations menées à l’étranger sont aussi l’occasion de présenter et d’initier les restaurateurs locaux aux techniques et méthodes appliquées pour la préservation in situ des sols antiques et leur présentation au public. Nous nous attachons alors à développer une stratégie propre au milieu local, tant en ce qui concerne le personnel que dans l’application de moyens techniques et l’utilisation de matériaux. Récemment se sont développés les cours donnés dans le

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cadre d’instituts de formation aux métiers du patrimoine (Serbie, Tunisie, Algérie…).La conservation in situ des mosaïques ne peut être transposée et systématisée de site en site, de pays en pays. Pour pouvoir se généraliser et se développer, elle se doit de respecter les traditions culturelles des milieux au travers desquels se sont transmis les messages de l’Antiquité. En revanche, ces mêmes milieux se doivent de protéger et de transmettre aux générations futures les vestiges d’un passé méditerranéen.

Documentation et partenariat avec des chercheurs

Parallèlement à toutes nos interventions, nous menons un travail de documentation et de recherche sur la mosaïque antique, en coopération avec les archéologues concernés et les chercheurs, notamment ceux du CNRS ou d’entreprises privées. Notre participation à des documentaires filmés permet d’archiver une part des opérations auxquelles nous sommes associés mais aussi les gestes techniques de nos interventions. La documentation nécessaire aux cours que nous dispensons s’accroît également, permettant aux stagiaires reçus à l’Atelier d’y trouver de nombreuses informations complémentaires. Dans notre Atelier, s’est ainsi constitué un espace de documentation important ; la bibliothèque du musée a, quant à elle, développé son rayon sur la conservation.

Ouverture de l’Atelier à un large public

Au sein du Musée de l’Arles antique, l’équipe de l’Atelier contribue à la diffusion d’une information de proximité auprès des publics, scolaires ou adultes, dans un programme de visites et de présentations de ses travaux, de conférences, voire sous forme d’expositions temporaires. Cet accueil du public permet de faire connaître non seulement l’histoire de la mosaïque, ses techniques de mise en œuvre et de conservation, mais aussi l’importance de la sauvegarde de ce patrimoine. C’est en effet l’occasion pour les visiteurs de comprendre les techniques utilisées en restauration, d’en voir illustrer quelques phases opératoires et de rencontrer des professionnels.

Conclusion

En tant que service public, il nous incombe de nous adresser aussi bien aux professionnels qu’à des publics non-spécialistes. Ce partage de notre expertise, de nos connaissances, prend de multiples formes, qu’il s’agisse de la publication d’Actes de colloques, de la participation à des conférences et à des expositions, de l’ouverture de nos locaux lors des Journées du Patrimoine, de journées « Portes ouvertes », ou encore de la réalisation de documentaires sur nos travaux. Les travaux en cours comme les projets ne manquent pas. Pourtant se fait jour un souci de plus en plus prégnant : la précarisation de notre profession. Les difficultés liées à l’incertitude sur le renouvellement des contrats des vacataires rendent plus complexes l’accomplissement et l’aboutissement de notre mission de service public.

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Fig. 01. Vue générale de l’Atelier de conservation et de restauration.Musée de l’Arles et de la Provence antiques, Conseil Général des Bouches-du-Rhône. (Photo ACRM/MAPA).

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Fig. 02. Vue générale de l’Atelier de conservation et de restauration.Musée de l’Arles et de la Provence antiques, Conseil Général des Bouches-du-Rhône. (Photo ACRM/MAPA).

Fig. 03. Restauration de la mosaïque des Monstres marins. Musée archéologique de Lambèse (Tazoult), Algérie. (Photo ACRM/MAPA).

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Trente ans d’expérience d’un laboratoire et ses relations avec l’archéologie localeMarie-Claude DEPASSIOT

La richesse archéologique et historique de Vienne a conduit, dès les années 50, à la création d’un centre

archéologique, doté d’un atelier de restauration, le but était la gestion des fouilles viennoises et la conservation de matériel destiné au musée municipal. Cinquante années ont passé : un dépôt de fouilles a été créé, des archéologues ont été recrutés, deux ateliers de restauration et plusieurs musées cohabitent sur le même périmètre de la Vienne antique : aujourd’hui le Centre de Restauration et d’Etudes Archéologiques Municipal (CREAM) est-il intégré dans la chaîne de l’archéologie ?

Un rappel historique

Créé à l’initiative de Gabriel Chapotat, professeur d’histoire passionné d’archéologie, le CREAM a d’abord fonctionné avec des bénévoles, amis et étudiants. La ville de Vienne se contentait alors de loger le centre dans des bâtiments vacants et voués à la démolition. En 1973, le centre archéologique est devenu municipal, grâce à l’intervention de Monsieur Pelletier, archéologue et proche du Maire de l’époque, Louis Mermaz. Dès lors, une chaîne archéologique a pu se constituer, puisque Monsieur Pelletier gérait tout à la fois les fouilles, le centre archéologique et intervenait au musée. En 1978, Monsieur Lauxerois est nommé conservateur au musée. Ce dernier prend la direction du centre archéologique, fouilles et restauration. En 1979, un professionnel est nommé à l’atelier de restauration, c’est la fin du bénévolat. Ainsi, au début des années 80, la ville de Vienne disposait d’un atelier de conservation-restauration, sans en avoir jamais véritablement eu la volonté. A la même époque, à Grenoble, se mettaient en place les prémices d’un atelier de restauration du bois gorgé d’eau. A Saint-Romain-en-Gal, l’atelier de restauration des mosaïques et des peintures murales voyait le jour sous l’impulsion des départements Rhône et Isère. Au même moment, la création du centre archéologique de Grenoble et de l’Isère met fin aux perspectives de développement du centre de recherches archéologiques, alors que son atelier de restauration se développe rapidement. La richesse archéologique de la région, la création d’autres ateliers complémentaires de restauration en Rhône Alpes et la volonté de l’Etat de développer ce secteur ont permis de donner une autre dimension au CREAM : en 1984, un deuxième poste de restaurateur est créé ; entre 1988 et 1992, ce sont quatre postes supplémentaires qui sont ouverts. Les sept restaurateurs sont fonctionnaires municipaux titulaires.En 1998, l’atelier rebaptisé «Centre Gabriel Chapotat», s’installe dans de nouveaux locaux mis à disposition par la ville ; la rénovation et l’équipement ont été financés par l’Etat, la Région et le Département.

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La situation actuelle

Un changement d’objectif

Créé à l’origine pour répondre aux besoins de conservation-restauration des découvertes viennoises, son développement rapide, dû aux raisons évoquées plus haut, conjugué à une décision toujours reportée de rénovation du musée de Vienne, ont détourné le Centre Gabriel Chapotat de son objectif initial.Tout en s’efforçant de répondre à des urgences locales, comme la restauration du trésor d’argenterie de la place Camille Jouffray ou à des stabilisations d’objets en danger, le travail sur les collections viennoises est resté marginal, ponctuel et fluctuant, soumis à des décisions plus économiques et politiques que scientifiques.Il est en effet compréhensible que les responsables locaux aient souhaité, en l’absence de projet muséographique, limiter le coût du centre en lui demandant un autofinancement.Depuis 1980, le Centre Gabriel Chapotat a restauré pour des institutions dans toute la France, mais également à l’étranger. Son périmètre géographique s’est légèrement modifié au fil des créations d’ateliers, la Région Rhône-Alpes restant sa zone d’activité privilégiée.Ses spécialités sont la restauration des métaux, du verre, de la céramique, la réalisation de moulages et la conservation préventive depuis 2000. Nous exerçons pour l’heure essentiellement nos compétences auprès des musées plutôt qu’auprès des archéologues et, malgré l’existence d’un dépôt archéologique du SRA sur le périmètre de notre commune et de la base INRAP de Rhône-Alpes à moins de trente kilomètres, nous avons très peu participé à la chaîne archéologique dans le passé.

Les perspectives

Pour corriger la situation passée et nous rapprocher de l’archéologie, nous avons signé une convention avec l’INRAP Rhône-Alpes-Auvergne, dont les conditions de mise en œuvre précises restent à déterminer. Elle prévoit notamment :

L’organisation de trois jours de formation pour des archéologues (ex. une journée consacrée au fer),L’intervention sur des chantiers, avec de notre part l’engagement d’une intervention rapide sur les chantiers de toute la Région Rhône-Alpes et en Auvergne si nécessaire,La participation à des travaux de stabilisation dans nos locaux ou ceux de l’INRAP,La fourniture d’une assistance pour l’identification (tout particulièrement avec la radiographie) et le stockage.

Conclusion

L’atelier bénéficie d’une véritable dynamique collective au niveau de la région, avec l’existence de quatre ateliers, Lyon (textile), Grenoble (matériaux organiques), Saint-

Romain-en-Gal (mosaïque et peinture murale) et Vienne (métal, céramique, verre, conservation préventive et moulage). Grâce aux partenariats avec l’INRAP, le CREAM espère réintégrer son rôle dans la chaîne archéologique locale.

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Discussion à la suite des communications

Alain SCHMITTDans les Yvelines, disposez-vous d’outils ou de systèmes spécifiques pour assurer cette cohérence ?Silvia PAÏNEn la matière, notre méthodologie réside pour l’essentiel dans un travail de sensibilisation. De fait, nous ne procédons pas nous-mêmes directement à tous les prélèvements. Il est en conséquence indispensable que les archéologues eux-mêmes soient en mesure d’intégrer les problématiques de la conservation et qu’ils exercent une fonction d’alerte en cas de péril pour l’objet qu’ils s’apprêtent à prélever. Seule une démarche qui a fait l’objet d’une appropriation collective, par l’ensemble des acteurs de la chaîne, se révèle efficace. Alain SCHMITTVous préconisez donc la diffusion par l’exemple et la sensibilisation de toute la chaîne liée à la conservation ?Silvia PAÏNMoi-même, je n’ai suivi qu’une formation de restauration et non d’archéologie, ce que je regrette. J’ignore donc le contenu exact de la formation que reçoivent les archéologues en matière de conservation. J’ai toutefois le sentiment que les nouvelles générations d’archéologues sont un peu plus sensibilisées que les précédentes à ces enjeux. Des progrès n’en restent pas moins souhaitables. L’une de mes fiertés réside précisément dans le fait qu’une personne, après avoir été en contact avec le laboratoire, modifie sa pratique en intégrant les enjeux de la conservation. Ainsi sommes-nous parvenus, peu à peu, et non sans efforts, à supprimer dans le département l’usage de produits nocifs pour les objets. De la salleVous avez dit ne pas facturer vos interventions. Pouvez-vous me le confirmer ? Silvia PAÏNTout à fait. A titre liminaire, je tiens à préciser que le laboratoire dispose de la faculté juridique de facturer. Toutefois, je ne travaille pour un tiers extérieur que dans le cadre d’un projet lié à un besoin identifié par le service. C’est le cas notamment pour la restauration d’un objet, appartenant à un tiers, que le Conseil Général souhaite exposer. A mes yeux, la possibilité d’échapper à la logique de la course à la facturation et des rapports commerciaux avec des clients constitue un avantage tout à fait appréciable lié au statut du laboratoire. J’espère que cette politique ne sera pas remise en cause.De la salleComment êtes-vous perçue par vos collègues contraints d’exercer leur métier en jouant le jeu de la concurrence et du secteur privé ? Ne leur apparaissez-vous pas comme une concurrence déloyale ?Silvia PAÏNLes laboratoires privés n’ont pas à se plaindre de l’existence d’un laboratoire institutionnel, dans la mesure où nos champs d’intervention sont complémentaires, bien plus que concurrents. En effet, un laboratoire de conservation institutionnel dispose d’une compétence très généraliste,

alors que les laboratoires privés fournissent une expertise plus spécialisée. De plus, comme je vous l’ai signalé, nous leur sous-traitons certains travaux, soit lorsque nous ne sommes pas en mesure techniquement de les réaliser, soit lorsqu’ils portent sur de gros volumes. De la salleEu égard au code des marchés publics, comment se déroule la mise en concurrence entre les différents laboratoires privés et comment vous positionnez-vous sur cette questionau LAM ?Christine RIQUIERCe point fait l’objet actuellement de débats délicats. Les laboratoires du réseau ne relevaient pas en principe de la TVA auparavant... De la salle…une telle assertion me semble inexacte. La TVA a été imposée aux laboratoires qui ont un statut d’association, il y a plus de dix ans déjà. Christine RIQUIERVous avez raison : certaines associations ont fait le choix à l’époque d’accepter d’être assujetties à la TVA afin de pouvoir répondre à des appels d’offres. Quoi qu’il en soit, la situation des différents laboratoires présente une telle disparité à l’heure actuelle qu’il convient d’urgence d’harmoniser nos prix et de les rendre cohérents. Or le Ministère de la culture et de la communication ne nous a donné aucune directive pour répondre à la question suivante : comment faire pour que la concurrence soit loyale, alors même que les divers laboratoires ne disposent ni des mêmes aides, ni des mêmes statuts ? Un autre enjeu est celui des devis. En effet, tout devis occasionne des déplacements et la mobilisation de ressources matérielles et humaines. Or ces devis sont gratuits et leur financement est problématique. En effet, il est parfois fort onéreux de nous rendre sur site. Il conviendrait de prévoir une ligne budgétaire spécifique.De la salleLes directions administratives et les services financiers nous contraignent à des procédures de mise en concurrence. Si l’un d’entre vous dispose d’une expérience différente en la matière, je souhaite qu’il me la présente. Dans notre cas, il n’existe à proximité que deux laboratoires traitant les métaux, à savoir Draguignan et Vienne. Or en vertu du code des marchés publics, deux devis seulement ne sont pas considérés comme suffisants. Ne serait-il pas possible de déroger à cette règle par une clause « d’exception archéologique »? Alain SCHMITTJe ne crois pas qu’il soit envisageable de déroger au code des marchés publics. Christine RIQUIERIl est à noter qu’à présent, même l’INRAP nous assujettit à cette obligation. Le problème se pose pour les interventions d’urgence ; la cohérence de la chaîne et la notion de proximité doivent être en conséquence revues. Il n’existe pour l’instant pas de réponse ; nous sommes dans une situation d’attente. De la sallePourquoi ne pas mettre en place des appels d’offres sur

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une période d’un ou deux ans, plutôt que de procéder à un appel d’offres pour chaque projet concret ? De la sallePourquoi les collectivités territoriales n’accorderaient-elles pas l’emploi d’un restaurateur supplémentaire dans la structure, au lieu de donner une aide financière ?De la sallePrendre du personnel supplémentaire implique un engagement sur le long terme alors que les subventions, accordées par année, permettent plus de souplesse. De plus, le restaurateur ayant une formation spécifique, il ne pourra pas être facilement replacé dans un autre service.De la salleFace aux contraintes légales de la procédure de marchés publics, nous avons trouvé deux solutions. La première consiste à adopter un fonctionnement par bon de commande, après avoir négocié un marché pour une durée déterminée, par la mise en concurrence de plusieurs entreprises, l’établissement d’un cahier des charges et le choix de l’une d’entre elles. La seconde ne peut être mise en œuvre sans un accompagnement du service juridique et financier : elle consiste à adopter, aux termes du cahier des charges, un certain nombre de critères (proximité, travail fourni) qui permettent de n’obtenir qu’un seul devis répondant à toutes les conditions requises. De la salleCe n’est pas le critère du moins-disant mais du mieux-disant qui est déterminant, selon le code des marchés publics. Concernant la mise à disposition du personnel, cette possibilité est applicable sur des projets ponctuels. Pour des opérations sur des projets bien définis, il nous est arrivé d’employer un restaurateur contractuel temporaire au sein de notre laboratoire. De la salleSelon le code des marchés publics, le critère de proximité ne peut être retenu et peut donner lieu à une contestation. De la salleJe tiens à rappeler que le code des marchés publics ne fixe pas un nombre précis de devis nécessaires, mais exige la publication d’un appel d’offres. Nous procédons systématiquement de la manière suivante : nous diffusons sur le site Internet des marchés publics nos appels d’offres, en demandant une réponse sous dix jours. A défaut de réponse, nous contactons alors celui qui est susceptible de fournir la prestation demandée à un prix raisonnable. De la salleEn Isère, le laboratoire fait la dépose sur chantier ; ensuite, la restauration est payante. En conséquence, c’est la création de la structure qui prévoit les interventions gratuites encadrées.Alain SCHMITTJe me permets de rectifier les propos précédents : selon le code des marchés publics, au moins trois devis sont exigés. De la salleQuel argumentaire avez-vous développé au Musée de l’Arles et de la Provence antiques pour que le Conseil Général des Bouches-du-Rhône accepte de vous confier

des missions à l’étranger ? Patrick BLANCLa ville d’Arles, comme le département et plus globalement la région, est au cœur du bassin méditerranéen et son histoire ne se comprend qu’au travers de la circulation des hommes dans cette partie du monde. De plus, il existe indéniablement une volonté politique au niveau local d’intégrer la région dans le bassin méditerranéen. Enfin, un autre aspect concret s’est révélé utile : les travaux effectués à l’étranger donnent très souvent lieu à des prêts de collections qui viennent enrichir nos expositions. Ce fut le cas, par exemple, de certaines pièces d’Algérie sur lesquelles nous étions intervenus et qui ont été exposées en Arles. Précisons toutefois que nos activités à l’étranger ne représentent que 20 à 30 % de nos travaux. De la salleQuel est le chiffre d’affaires du CREAM ?Marie-Claude DEPASSIOTNotre objectif est d’atteindre 200 000 euros hors taxe par an, en sachant que les frais de personnel s’élèvent à 300 000 euros. Nous bénéficions d’une subvention du département, globale à l’ensemble de l’archéologie viennoise. Afin d’équilibrer le budget – nous apparaissons en budget annexe dans les comptes de la municipalité, la mairie a repris cette subvention, l’a globalisée et l’a répartie entre l’archéologie et l’Atelier.De la salleAssistons-nous à une tendance où les collectivités territoriales viseraient à se positionner sur les marchés ?Marie-Claude DEPASSIOTNotre atelier n’aurait jamais dû exister : si les élus municipaux s’étaient penchés sérieusement sur les problèmes structurels et de financement, l’atelier n’aurait pas été créé. Dans les faits, nous relevons davantage en effet d’une dimension régionale que municipale. Nous voulons ainsi nous renforcer par rapport à la Ville, dont la position est dictée par le manque de moyens. Les élus municipaux se sont enthousiasmés dans les années 70 sans prendre la mesure de leur décision. Certains ont même imaginé à un moment que notre activité pourrait être dédiée au seul patrimoine de Vienne. Monique ZANNETTACCIDans la région, le potentiel archéologique est réel et les personnels qualifiés existent. Mais nous faisons face à une absence totale de coordination des politiques. De la salleQui était à l’initiative de la convention avec l’INRAP ?Marie-Claude DEPASSIOTJ’en ai moi-même fait la démarche. De la salleL’activité privée d’une structure publique est parfaitement possible. Tout laboratoire peut participer à des appels d’offres. Jean CHAUSSERIE-LAPREE Bon nombre de services territoriaux agréés reçoivent aussi des demandes de fouilles hors de leur territoire. Pour l’instant, à Martigues nous avons systématiquement décliné, mais il est tout à fait possible que cette situation évolue.

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Une politique de valorisation s’appuyant sur des

études scientifiques plurielles

Philippe BRUNELLA, Conseil Général de la Moselle

Sandrine LEFEVRE, Conseil Général des Yvelines

Emmanuelle THOMANN, Communauté de communes d’Alsace-Bossue

Jean MATHIA, Communauté de communes d’Alsace-Bossue

Olivier AGOGUE, Conseil Général de Dordogne

Serge MAURY, Conseil Général de Dordogne

Sous la présidence de Nicola COULTHARD, Service archéologique départemental du Calvados.

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Deux exemples mosellans de mise en valeur de sites archéologiques, Bliesbruck- Reinheim et le briquetage de la Seille : de la recherche à la valorisation et réciproquementPhilippe BRUNELLA

Je tiens à excuser l’absence de mon collègue Jean-Paul Petit, présent hier mais obligé d’être au Conseil

Général de la Moselle aujourd’hui. Je vais vous présenter deux opérations de mise en valeur de sites mosellans, l’une en phase de développement, l’autre dans une configuration qui rend la visite possible par un large public.

Le briquetage de la Seille

Le briquetage est une industrie qui a permis l’exploitation du sel : grâce à des sources salées, le minerai de sel gemme dans le sous-sol est exploité sous forme de saumure que l’on fait évaporer pour obtenir des pains de sel. Le briquetage de la Seille dans le Pays du Saulnois, en particulier autour des villages de Marsal, Moyenvic et Salonnes, est connu depuis les travaux de fortification de Marsal par Vauban au XVIIe s. A l’occasion de ces travaux, l’architecte a découvert des éléments de terre cuite sur des épaisseurs très importantes et des surfaces gigantesques. Le sens et la portée de ces découvertes n’ont pas été clairement perçus. La reprise des travaux au début du XXe s. a permis d’établir l’hypothèse d’une exploitation du sel dès 1000 avant J.-C, puis au Moyen Age et à l’époque moderne. Cette activité semblait moins significative à l’époque gallo-romaine. Dans la deuxième moitié du XXe s., les recherches effectuées permettent d’attester de la présence du briquetage un peu partout dans la vallée. Depuis la fin des années 70, plus aucune recherche n’est conduite sur le sel. A l’initiative du Service régional d’archéologie de Lorraine, un appel d’offres a été lancé et une opération a été confiée à Laurent Olivier, Conservateur au Musée des Antiquités nationales. Il a réuni autour de lui des laboratoires et des universités, sous le contrôle du SRA, avec le soutien financier de l’Etat, principal acteur de l’opération, et avec le soutien du Conseil Général. En 2001, des prospections héliportées détectent des anomalies géologiques sur une zone d’environ dix kilomètres sur trois. En 2002, les prospections au sol se poursuivent pour essayer d’analyser à une échelle plus fine les anomalies détectées ; elles ont permis la découverte d’une nécropole, à l’Est de Marsal. En 2003, des sondages encore plus précis sont effectués et se traduisent par la découverte et la fouille de fourneaux datant de 800 à 400 avant notre ère. A terme, l’ensemble des résultats de ces recherches devrait être présenté au public dans la future présentation des collections du Musée du Sel. Cet exemple montre un processus de recherche archéologique, initié par l’Etat, accompagné par notre collectivité, avec une implication de la Conservation de l’archéologie du département et

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un prolongement de la recherche jusqu’à la mise en valeur des résultats dans un musée.

Le parc archéologique européen de Bliesbruck-Reinheim

Un vaste programme de recherche est conduit dans le parc archéologique européen de Bliesbruck-Reinheim, situé à l’Est du Département de la Moselle. Il porte sur une partie de la vallée de la Blies, rivière d’orientation nord-sud à mi-chemin de la vallée de la Moselle et de celle du Rhin, dans un secteur frontalier avec l’Allemagne. La rivière de la Blies dessine une boucle qui forme l’espace étudié. Les principaux résultats des recherches effectuées depuis plusieurs années dans ce secteur sont : une nécropole celtique et pour l’époque gallo-romaine, une agglomération secondaire, une vaste villa et une zone de nécropole.

La « tombe de la princesse de Reinheim »

Ce secteur est connu des archéologues depuis 1954 grâce à la découverte d’une tombe princière celtique à Reinheim, dite « tombe de la princesse de Reinheim », contenant de nombreux objets et bijoux de valeur (or, bronze, corail, ambre). D’autres tumuli avaient été découverts à proximité du tumulus de la princesse ; ils ont été restitués à quelques dizaines de mètres de leur lieu de découverte. Un tertre, ouvert au public depuis 1999, est accessible au moyen d’un sas et d’un dispositif d’accueil. Il offre une restitution de la chambre funéraire de la princesse, avec des copies du mobilier mis au jour dans une scénographie qui restitue le moment de l’inhumation.

La villa de Reinheim

S’agissant de la période gallo-romaine, la découverte de la villa de Reinheim (zone résidentielle et grande cour) a conduit à de nombreux travaux de fouilles, mais aussi d’aménagements. Nos collègues allemands ont procédé aux fouilles et ont également entrepris des travaux de restitution et de conservation. Une restitution partielle de la villa est actuellement envisagée, moins importante toutefois que celle de Borg, en Sarre. Seul le porche de la cour, en avant de la résidence, est en cours de reconstruction. Une évocation de la villa a été réalisée par Jean-Claude Golvin afin de montrer au public à quoi elle pouvait ressembler dans l’Antiquité.

La ville antique

S’agissant de l’agglomération gallo-romaine de Bliesbruck, quelques vues de l’avancement des travaux montrent que jusqu’en 1981 une sablière était encore en cours d’exploitation ; à cette date, les travaux d’exploitation ont été arrêtés, du fait de leur proximité avec des vestiges. Les premiers bâtiments du quartier artisanal et des thermes étaient encore ensevelis à l’époque. Une « bande » d’archéologues bénévoles, dont Jean-Paul Petit et Jean Schaub faisaient partie, réussit à convaincre le Conseil Général de la Moselle que le sous-sol recelait une ville antique : quelques bâtiments gallo-romains furent alors

mis au jour. Convaincu par les premières découvertes, le Département s’est porté acquéreur des terrains, ce qui a permis de geler définitivement l’avancée de la sablière. En 1989, un ensemble thermal a commencé à être fouillé. La présence de la route départementale à travers le site constituant un problème, des travaux de déviation de l’axe routier sont envisagés. Un quartier artisanal et commercial émerge (quartier est) ; l’opération de déviation de la route suivant ce tracé est abandonnée et des fouilles sont entreprises sur une surface plus grande. En 1993, le quartier ouest est consolidé et restauré ; le quartier est, plus récemment découvert, est fouillé et partiellement restauré ; des structures de couverture sont mises en place pour protéger les vestiges les plus fragiles. L’ensemble thermal est également protégé par une structure faite de tube et de tôle avant que le pavillon de protection et de mise en valeur ne soit réalisé. Il est à noter qu’en 1993, le site est alors géré directement par le Conseil Général. Les effectifs du service d’archéologie, passent de deux à sept personnes, ceux de l’association GESAB, en charge d’une partie des activités sur le site, étant intégrés aux services départementaux. En 1999, plusieurs équipements étaient en place, notamment un centre archéologique avec une zone d’hébergement et un aménagement cohérent du quartier artisanal ouest (systèmes muséographiques d’aide à la visite et systèmes de couverture). En 2004, un nouveau tracé de déviation de la voie traversant le site est décidé. A cette occasion, une opération d’archéologie préventive est réalisée. La mise au jour de quelques structures protohistoriques comble progressivement les lacunes pour la période préromaine. La connaissance de l’agglomération antique a progressé dans la perception de l’organisation des bâtiments ainsi que dans l’aspect des façades de ces derniers. En 2005, après la mise en service de la voie de contournement, à l’emplacement de l’ancienne route départementale, une fouille de la voie antique est ouverte. Ces exemples montrent que parfois ce sont des aménagements qui ont induit les fouilles ou que des fouilles non nécessitées par les aménagements ont été réalisées uniquement pour des motivations scientifiques.

Les thermes

Les thermes, qui ont été fouillés à partir de 1989, ont donné lieu à une publication en 2000 (26 auteurs et collaborateurs, intégration de mémoires de maîtrise, études particulières). Ce complexe thermal suscitait des questionnements particuliers dans le secteur de la palestre, concernant notamment la présence de certains murs. Les résultats de prospections radars (mises en place avec le concours du mécénat technologique d’EDF) ont permis de proposer la restitution d’un nymphée. Les plans phasés de l’évolution des thermes ne sont pas lisibles par le grand public, d’où la réalisation par un infographiste d’une restitution graphique de l’évolution des thermes facilitant une médiation plus aisée, avec des coupes intérieures pour comprendre l’ensemble des structures et la circulation des baigneurs, de la chaleur et de l’eau.

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Il a été décidé de mettre en place le pavillon muséal des thermes. Ce bâtiment de métal et de verre remplit une double fonction : protection des fragiles vestiges du complexe thermal et présentation à destination d’un large public, au moyen de cheminements sur des passerelles équipées de dispositifs de médiation adaptés. S’agissant du quartier ouest, nous avons eu recours à des systèmes de couverture des zones fragiles comme les pièces chauffées ou les sous-sols. Ces couvertures ont trois de leurs côtés ouverts en période de visite du parc, mais elles sont fermées par des toiles latérales en hiver. Des évocations de la ville antique ont été réalisées par Jean-Claude Golvin, visibles dans l’ouvrage très récemment publié dans la collection Les Lieux de l’Histoire. Des évocations de détails ont aussi été réalisées.

L’avenir du site

Après avoir évoqué le site tel qu’il se trouve aujourd’hui, je vous présente brièvement le site tel qu’il est envisagé dans le futur. Nous prévoyons la construction d’un centre de ressources et d’expositions, d’une surface de 1 100 m² à proximité de dix bungalows, destinés à l’accueil de chercheurs, et du restaurant au cœur du parc. Vers 2006-2009, nous envisagerons la mise en valeur du quartier est, ce qui implique la mise en place de couvertures définitives. Cette opération nécessitera des fouilles ponctuelles pour compléter notre connaissance de ce quartier occupé jusqu’au début du Ve s. Nous prévoyons également la réalisation d’une zone de restitution au nord et dans le prolongement de l’agglomération antique, ce qui impliquera également des fouilles. Nous souhaitons par ailleurs pouvoir dégager une grande partie de la voie antique, afin de l’étudier pour mieux comprendre l’organisation et l’évolution de cette ville.J’insiste sur le fait que les aménagements que nous réalisons sur le site de Bliesbruck nécessitent des interventions archéologiques de terrain, dans le domaine de l’archéologie préventive. Ces opérations génèrent des découvertes importantes qu’il convient de présenter dans le cadre d’une muséographie nécessitant elle-même des aménagements, qui impliquent des fouilles donnant des résultats. Toutefois, nous ne nous situons pas uniquement dans une logique d’aménagement, valorisation et présentation. Le volet des recherches scientifiques est très important pour la connaissance du site et constitue l’un des éléments d’attractivité majeurs pour le parc. Pour répondre aux problématiques développées par l’équipe archéologique, de nouvelles fouilles archéologiques sont donc projetées, exécutées, exploitées. Elles sont suivies d’études pour la protection, la conservation et la mise en valeur des vestiges découverts.

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Rendre compte de la recherche archéologique aux citoyens : exemples de médiation en collectivités territoriales (78/93)Sandrine LEFEVRE Introduction

Je suis actuellement en poste au sein du Service archéologique départemental des Yvelines (SADY, 78),

en tant que médiatrice du patrimoine, après avoir exercé des fonctions similaires pendant six ans en Seine-Saint-Denis (93), parmi une équipe de quatre médiateurs. Il m’est apparu pertinent de croiser ces deux expériences dans la mesure où elles ont porté sur des territoires et des populations différentes, offrant l’occasion d’évoquer un large panel de formes de transmission.Les Yvelines constituent un vaste territoire principalement rural, dont la population est peu mobile ; la Seine-Saint-Denis, au contraire, est très urbanisée et se caractérise par une population largement ouvrière et issue de l’immigration. Ces différences poussent à adapter les modes de communication.La terminologie utilisée pour qualifier ces missions de transmission est variée, pour ma part j’ai choisi les mots « médiation » et « médiateur ». D’autres sont employés, mais leur sens ne correspond pas aux missions menées au sein d’un service archéologique : « animateur », sous-entend souvent une action ciblée sur le public jeune et à un contact direct. Le terme de « guide » est également trop réducteur dans la mesure où il implique uniquement l’organisation et la réalisation de visites. « Médiateur » par contre, ne se restreint pas à un public particulier, il symbolise une sorte de passerelle entre le monde des chercheurs et celui des non-spécialistes. Ce rôle de média entre ces deux pôles suggère des allers-retours qui, à mon sens, sont fondamentaux. Le médiateur transmet des informations et fait circuler les questionnements, finalement il est à l’écoute des attentes de chacun. Le terme de « médiation » n’évoque pas non plus une forme spécifique de communication ; il laisse ouvert les champs et les modes d’intervention.

Les objectifs d’une transmission de la recherche archéologique

On ne se pose plus assez la question des raisons qui motivent une médiation des résultats ou des méthodes de la recherche, il s’agit là pourtant d’enjeux de société.Voici, à mon sens, les principales :

Faire connaître l’histoire de l’humanité

L’archéologie a pour objet d’étude l’histoire de l’humanité. En tant qu’humain, chacun d’entre nous peut être intéressé par ses résultats. Il paraît donc normal que les connaissances accumulées par les chercheurs soient rendues publiques.

Justifier la recherche

Au fil de mes années d’études d’Histoire de l’art et

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Archéologie, j’ai réalisé l’écart incroyable qui existait entre les connaissances accumulées par les chercheurs et ce que la population en avait acquis (sans même aller jusqu’aux points de détails comme l’est par exemple la typologie des fibules de l’Age du fer). Pourquoi ou plutôt pour qui faire de la recherche, pour une élite ou pour la société ? Bien que les sciences humaines ne soient pas stimulées par des enjeux économiques, elles recèlent des enjeux culturels primordiaux.

Favoriser la conservation du patrimoine

L’expérience montre que la préservation du patrimoine passe par sa connaissance. Il faut se sentir un minimum concerné par le patrimoine pour souhaiter sa conservation. Plus il sera rendu compréhensible, plus la population pourra trouver des raisons de vouloir le protéger.

Rendre compte de notre travail de service public

L’archéologie est, encore aujourd’hui, globalement intégrée au domaine public. De plus, au sein d’un service de collectivité territoriale, le souci d’un service rendu au public est évident. Rendre compte des résultats aux citoyens est indispensable. Par ailleurs, nos financements provenant des impôts, il semble normal qu’il y ait un retour vers le contribuable. Toutefois, rendre ce « service » au public uniquement pour cette raison serait assez critiquable. Cela signifierait que ceux qui ne payent pas d’impôts n’ont pas droit à la connaissance.

Créer un lien entre les habitants d’un territoire

Si la référence aux ancêtres communs n’est plus nécessairement adaptée à la population actuelle très mobile, l’idée de « nos ancêtres les Gaulois » est dépassée, celle de l’histoire du territoire qu’elle occupe l’est encore. Faire découvrir le patrimoine local peut être un moyen de créer un lien entre des habitants aux multiples origines. Ce qui lie aujourd’hui une population est bien l’histoire des peuplements de son territoire, car elle en fait partie. Pour illustrer ces enjeux, l’exemple de la forme que prend l’enseignement de l’histoire et de l’archéologie est significatif. Des Pôles nationaux de ressources ont été institués par l’Education nationale en régions ; celui qui traite du patrimoine archéologique est situé en Bourgogne (Dijon). Les séminaires de travail de ce pôle réunissent des professionnels de l’archéologie, de la médiation et de la pédagogie. Dernièrement, nous avons évoqué la place de l’archéologie dans les manuels scolaires et constaté l’ampleur des problèmes. En effet, les images se limitent souvent à des photographies anciennes, complexes et peu lisibles pour un enfant ou bien à une légende inexacte sur le plan historique. De surcroît, les informations transmises présentent au moins quinze ans de retard sur l’état actuel des recherches et restent muettes sur les questions de méthodologie. Or il paraît fondamental de transmettre non seulement les connaissances accumulées depuis longtemps sur une période ou un thème donné, mais

également et plus encore sur les recherches en cours. En effet, il est indispensable que l’histoire ne soit pas présentée comme une compilation de faits indiscutables. Cet écueil ne peut être évité que si les doutes, les questionnements, la formulation des hypothèses et les déductions issus du travail en cours sont mis en lumière. C’est d’ailleurs la médiation de la recherche vivante que je juge la plus pertinente au sein d’un service archéologique.

Les formes multiples d’une transmission au public

Pour atteindre ces objectifs de transmission, les formes de communication seront à adapter. Les choix dépendent de plusieurs critères, les publics visés et le niveau de proximité avec les connaissances que l’on propose.

• Les publics visés :Les catégories de groupes ou d’individus sont aussi importantes que le nombre de personnes que l’on rencontre. Toutefois pour simplifier, il est possible de distinguer trois principaux ensembles en fonction de leur niveau d’expertise de l’histoire : le premier, bénéficiant de connaissances de fond, est celui des connaisseurs, des amateurs et des étudiants ; le second est celui des adultes au sens large, des familles et des enseignants ; le dernier groupe concerne les enfants, qu’ils soient dans un cadre scolaire ou non.

• Les supports de la médiation :Il y a une grande diversité de moyens de communiquer, en faire la liste serait autant fastidieux qu’inutile. Voici plutôt un certain nombre de supports de médiation expérimentés dans le 78 et le 93, présentés selon le type de lien, plus ou moins proche, que chacun crée entre le savoir à transmettre et le public.

Un lien indirect

Les publications sont l’illustration d’une médiation indirecte, qu’il s’agisse de publications scientifiques s’adressant à un public de connaisseurs ou de brochures à l’attention du grand public. En effet, il n’y a aucun contact entre le public et les chercheurs ; l’ouvrage peut être lu des années après, d’autres hypothèses ont pu être effectuées entre temps et les lecteurs ne peuvent pas faire part de leurs questionnements.

Ex. : en Seine-Saint-Denis, une série de petits dépliants sur les dernières recherches effectuées a été éditée à l’attention des habitants « Patrimoine en Seine-Saint-Denis », notamment à l’issue des fouilles de l’hôpital Avicenne à Bobigny. Bien que le document ait été bien reçu, nous ne savons pas ce qui au final est véritablement compris ou assimilé.

Un lien moins indirect et plus interactif

Les vidéos permettent de présenter le travail des chercheurs, les résultats comme les méthodes employées (ex. « ArchéoMag », 78). Les raisonnements peuvent être expliqués et les hypothèses présentées. Mais là encore aucun échange n’est possible.Les sites Internet – notamment celui des Yvelines – offrent la possibilité d’une relation interactive entre le public et le monde de la recherche. Un tel mode n’est pas encore

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un véritable outil de transmission car il ne fournit pas suffisamment d’informations et il ne peut pas être adapté à tous les publics.

Les portails documentaires : celui du SADY est consultable par tout visiteur dans la salle de lecture du bâtiment qui accueille le service (commun avec les Archives départementales). Il donne accès aux bases « Sites » et « Collections » extraites de l’inventaire archéologique. C’est un lien direct vers le patrimoine local pour chaque citoyen. Un lien vers une messagerie permet d’interroger l’équipe.

Les expositions itinérantes font également partie de ce type de transmission avec, parfois, une dimension ludique. Des connaissances sont données et elles peuvent être assimilées par le biais de manipulations, de mises en scène… L’utilisation de cahiers-enquêtes peut faciliter la visite des groupes scolaires. Toutefois cela implique de focaliser l’attention des enfants uniquement sur les thèmes des questions posées au détriment de tous les autres aspects.

Ex. : la dernière exposition du SADY « Petit tour au Moyen Age » a été conçue pour devenir itinérante dans les établissements scolaires. Cela fonctionne au point qu’elle est réservée jusqu’en avril 2007. Ex. : à Bobigny (93), une exposition dans un centre commercial a été organisée pour présenter les résultats des dix années de fouilles dans la ville (Fig. 01). Le choix de ce lieu inhabituel nous a permis de toucher un public qui ne vient jamais aux expositions en dépit des journées « Portes ouvertes ». Les grandes photographies de sépultures ont suscité des réactions parfois très vives (en lien avec la religion principalement) et plutôt positives. Des après-midi de discussion et d’ateliers pédagogiques ont permis la rencontre avec le public.

Les reconstitutions de sites à taille réelle, comme celle du nymphée gallo-romain de Septeuil (78) donnent à voir un vestige concret du passé. Il convient de souligner à quel point il est parfois difficile pour le grand public de comprendre comment s’organisait la vie sur le site, du fait de l’absence de troisième dimension. Le nymphée de Septeuil reste peu visité pour cela, mais aussi parce que son entretien n’est pas complètement assumé par la commune.C’est pourquoi, notre service a souvent recours à des maquettes, soit reproduisant un site (ex. : la villa gallo-romaine de Richebourg), soit présentant un type de vestige idéal (ex. un château à motte). Il s’agit dans ce cas de proposer une image qui permet la réflexion. Ces maquettes, empruntables gratuitement, sont toujours accompagnées de dossiers documentaires et de fiches pédagogiques.

Les mallettes pédagogiques complètent les maquettes de site. Elle abordent principalement les méthodologies (sur la taille du silex, l’apport de la céramique…) et sont prêtées

sous condition d’avoir suivi au préalable une formation. Ce contact avec les enseignants permet une véritable transmission de savoirs actualisés. Avec ces derniers, nous nous efforçons d’ailleurs de ne plus nous cantonner dans des démarches ponctuelles : nous cherchons à instaurer un partenariat sur l’année.

Un lien direct par l’oralité et la mise en pratique

Les visites de sites archéologiques permettent le contact le plus direct qui puisse s’établir entre la recherche archéologique et le public (ex. visite sur la fouille programmée de Richebourg, 78). L’accès aux fouilles préventives est aussi fondamental pour rendre compte des recherches en cours et rendre lisible l’archéologie française. L’opérateur principal de l’archéologie préventive (INRAP) n’a, actuellement, pas mis en place de véritable dispositif d’accessibilité de ses chantiers. Cela n’est pas sans poser des problèmes en termes de sécurité ou de préservation du patrimoine. Toutefois, ils sont diminués si ce choix de faire visiter le site est envisagé dès le montage de l’opération (balisage, rampe d’accès et de circulation, équipe de médiateurs, panneaux ou supports de visite…). A Bobigny (93), les fouilles se déroulaient sur un espace qui servait précédemment de terrain de jeu aux enfants du quartier. Ces derniers continuaient donc à l’utiliser le soir et le week-end, avec ce que cela implique comme dégradation du site. Nous avons donc décidé d’entreprendre une campagne de sensibilisation : quatre médiateurs, dont moi-même, sommes venus plusieurs samedis successifs pour faire fouiller les jeunes : au bout de deux mois, les dégradations avaient cessé. Le chantier n’était pas fermé, un « Journal de fouille » informait tous les quinze jours de l’avancée des travaux. L’information des habitants de la commune ou du quartier est indispensable ; l’histoire révélée par la fouille est celle du territoire qu’ils occupent aujourd’hui. Par ailleurs, au cours d’une visite, le public est en mesure d’appréhender les questionnements des chercheurs, leurs doutes et leur savoir-faire. Les échanges sont possibles. Lorsque des animations sont proposées en parallèle (qu’il s’agisse d’une expérimentation, de démonstrations ou encore de mises en pratique de savoirs), les connaissances deviennent vivantes parce que vécues.

Une autre forme de contact direct entre la recherche et le grand public réside dans les visites de services archéologiques, qui permettent de découvrir non plus la fouille, mais le travail de post-fouille, un aspect méconnu du processus de recherche.

Ex. : au Centre d’archéologie de Seine-Saint-Denis (93), des « Rendez-vous du Patrimoine » ont été mis en place ; tous les mois ou tous les deux mois, une soirée à thème est proposée. Ces rendez-vous réguliers permettent aussi une appropriation du lieu, une proximité avec les chercheurs.

Enfin, pour assurer efficacement une mission de sensibilisation au patrimoine, il faut envisager un travail

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sur le long terme avec la population en « ouvrant » les portes le plus souvent possible (Journées du patrimoine, accueil de stagiaires de 3ème, classes patrimoine…).

Le développement de partenariats avec d’autres interlocuteurs culturels est aussi une piste (associations, musées, services culturels municipaux, autres services comme ceux de l’environnement…) (Fig. 02 et 03).

Ex. : la conception de projets pédagogiques avec les enseignants sur une année permet un travail de fond, avec d’une part la formation des enseignants, et d’autre part la transmission de savoirs et de savoir-faire auprès des jeunes. Les projets thématiques peuvent utiliser plusieurs médias : ateliers pédagogiques, visites, projections… L’important est dans la continuité du travail et donc le contact régulier des jeunes avec la recherche. Par la pratique, les informations circulent mieux et les questionnements émergent.

On constate finalement que ce n’est qu’avec un contact direct que l’on peut évaluer la compréhension et, par là même, l’appropriation du patrimoine archéologique.

Pour résumer

La mise en place d’actions de médiation de l’archéologie, au sein de collectivités territoriales, nécessite de réunir une partie des conditions suivantes :

• une équipe de médiation compétente et motivée ;

• les moyens matériels (infrastructure, conditions de sécurité) d’un accueil sur les sites et dans les services ;

• la création de véritables partenariats avec des structures culturelles (musées, services culturels de municipalités, Education nationale…) ;

• la nécessité de former d’autres relais pour pallier au manque de médiateurs, comme les enseignants ;

• la capacité à utiliser plusieurs formes de médiation croisées (ex. : pour la publication future de la Carte Archéologique de la Gaule des Yvelines, prévoir aussi un cycle de conférences, une exposition avec catalogue, des animations…) ;

• la volonté de favoriser les contacts directs permettant les échanges.

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Fig. 02

Fig. 01 : exposition présentant les résultats de 10 ans de fouille dans un centre commercial de Bobigny (93). (Cliché E. Jacquot, CG 93).

Fig. 02 : stagiaires sur un chantier de fouille du Conseil Général de Seine-Saint-Denis.(Cliché E. Jacquot, CG 93).

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Fig. 03 : atelier sur l’Art préhistorique destiné aux jeunes.(Cliché E. Jacquot, CG 93).

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Présentation du projet du Centre d’Interprétation du Patrimoine archéologique gallo-romain de l’Alsace-Bossue à DehlingenEmmanuelle THOMANN et Jean MATHIA

Emmanuelle THOMANN L’Alsace Bossue gallo-romaine et le site de Dehlingen

L’Alsace Bossue est une région de collines située entre les Vosges et la Sarre. L’activité économique de

cette région est essentiellement agricole et artisanale. Les entreprises importantes du secteur s’attachent à l’exploitation des richesses du sous-sol, qu’il s’agisse du grès, du calcaire ou de l’argile. La valorisation de ces ressources de l’Alsace Bossue a commencé au Ier s. de notre ère, avec une occupation gallo-romaine très dense de ce secteur allant du pays de Bitche jusque dans la région de Sarrebourg. Depuis 150 ans, de nombreux vestiges de cette occupation ont été mis au jour. Un autre site important est celui de Mackwiller, où des vestiges d’une villa, d’un mithraeum, et de thermes ont été découverts. Cet important domaine que l’on suppose relever du Fiscus impérial devait administrer l’exploitation de la carrière de grès dès la fin du Ier s. après J.-C. La plupart des sites recensés sont plus modestes, on dénombre un important nombre de villae c’est-à-dire de fermes. Le site du Gurtelbach à Dehlingen est l’une de ces fermes. Pour preuve de la densité d’occupation, précisons que deux autres villae ont été identifiées sur le ban de Dehlingen. La richesse archéologique de l’Alsace Bossue a été soulignée dès le milieu du XIXe s. par les travaux du Pasteur Ringel. C’est en 1860 qu’il a découvert la villa du Gurtelbach, mais le site, après avoir été dégagé, a finalement été oublié et a probablement servi de carrière de pierres. Ce n’est qu’en 1993 que le site est redécouvert par la Société de Recherche Archéologique de l’Alsace Bossue (SRAAB), qui y a entrepris des fouilles. Ces dernières ont permis de dégager la pars urbana de la villa et les installations d’une forge, structures déjà dégagées par le pasteur Ringel. Aujourd’hui, il serait intéressant de reprendre des fouilles sur les dépendances de cette villa afin d’en connaître plus précisément les activités économiques. Le site de Dehlingen est actuellement un site ouvert au public, tout comme celui de Mackwiller. Non loin de là, le site de Bliesbruck poursuit son projet scientifique tout en restituant ses découvertes aux visiteurs. Les sites des hauteurs de Saverne, quant à eux, devraient prochainement être mis en valeur parallèlement à la réorganisation du musée archéologique.

Exploitation scientifique du site

Ce travail de fouilles a donné lieu, de la part de la SRAAB, à la publication d’articles dans des périodiques associatifs sur les bâtiments mis au jour et sur certains aspects du mobilier. En 1998, l’embauche d’un archéologue par l’association puis par la Communauté de communes d’Alsace Bossue a marqué une intensification des

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travaux. Les missions archéologiques se sont étendues à tout le territoire et à d’autres périodes, le travail sur le site de Dehlingen se poursuit toujours en collaboration avec la SRAAB. Cette collaboration s’est concrétisée par la rédaction des notices sur les 45 communes d’Alsace Bossue pour la Carte Archéologique de la Gaule parue en 2000. En 2000, un bilan scientifique des travaux a été publié sur «l’occupation antique de la frange orientale du territoire médiomatrique», lequel constitue la synthèse de 150 années de découvertes archéologiques en Alsace Bossue et qui se double d’une analyse systémique du fonctionnement de ce territoire rural à l’époque gallo-romaine. La cartographie de l’ensemble des sites, repérés tant dans les archives que sur le terrain, permet une analyse géographique de l’occupation et la définition de nouvelles problématiques que soutendront les recherches à venir. Les prospections se sont poursuivies de 2002 à 2003 sur le canton de Rohrbach-lès-Bitche en proche Moselle. Le rapport de 2000 révèle une concentration de sites le long de l’Eichel et un vide archéologique relatif au sud de l’Alsace Bossue. Ce vide correspond à une activité de prospections localisée de la SRAAB. Afin de corriger ce

déficit d’informations, la CCAB a décidé de lancer, à partir de 2005, une campagne de prospections sur la vallée de l’Isch.

Les dimensions pédagogiques et touristiques du site

Plusieurs collectivités et de nombreux acteurs locaux sont impliqués dans le projet global de mise en valeur du patrimoine archéologique de l’Alsace-Bossue : le Conseil Général du Bas-Rhin s’investit dans la valorisation du site de Mackwiller et la CCAB dans celle de la villa de Dehlingen. Dès la redécouverte du site en 1993, la Communauté de communes d’Alsace Bossue s’est portée acquéreur des parcelles du site dans une perspective de valorisation. Depuis cette date, des séjours d’initiation à l’archéologie sont organisés chaque année (stages d’été organisés par l’Association des Oeuvres Scolaires, classes du patrimoine...). Divers ateliers à l’attention du jeune public notamment ont été mis en place. Il peut s’agir, par exemple, de dessin de mobilier, d’initiation à la céramique tournée ou montée au colombin, de travaux de recherche, de rédaction d’article ou de montage d’exposition.... Lors des séjours d’été, tout un travail d’animation ludique,

Faire comprendre… Donner à réfléchir… Projeter vers l'avenir…

… les connaissances acquises. …sur la recherche en cours. Qu'est-ce que l'archéologie ? Comment sont acquises les connaissances ?

… le sens que l'on donne au patrimoine archéologique, pour agir en connaissance de cause.

• Un constat : faiblesse de

l'enseignement sur l'époque gallo-

romaine et l'Antiquité en général

(histoire, histoire de l'art, architecture,

vie quotidienne).

• Hormis quelques rares initiatives isolées

(IDD, club archéo…), pas

d'enseignement artistique et aucune

sensibilisation au patrimoine.

• Reprendre et développer les

connaissances des publics sur

l'Antiquité de notre région :

chronologie, exploitation et

occupation du territoire, vie

quotidienne d'une ferme.

• Expliquer les méthodes de recherche

aboutissant à ces données.

• Histoire de la recherche : évolution des

méthodes, retour sur des théories

devenues obsolètes.

• L'interprétation et le doute.

• Présenter les problématiques

actuelles liées aux thématiques :

réflexions en cours, remises en

question, découvertes récentes.

• Valoriser l'objet en tant que témoin,

importance du contexte / objet de

collection dont la valeur réside dans

la beauté, la rareté, la préciosité du

matériau, mais qui a perdu son sens.

• Présenter la législation de

l'archéologie et les problématiques

liées à la conservation et à la mise en

valeur des sites.

• Archéologie du paysage, des

Romains à nos jours : continuité de

l'occupation, terroirs fossiles,

cheminements anciens, et mutations

dans l'exploitation des ressources

naturelles.

• Sensibilisation de la population à son

cadre de vie.

• Continuité de l'occupation.

• Réappropriation : rencontrer et

connaître les jalons d'un passé

collectif.

• Réutilisation du patrimoine : le

conserver vivant comme cadre de vie

mais sans le dénaturer. Eviter la

muséification du patrimoine rural

(écomusée).

• La prise de conscience, la

connaissance et la reconnaissance,

l’intérêt des habitants pour leur

patrimoine assureraient sa

préservation.

• Inciter à la réflexion sur l'héritage reçu

et celui à donner (le village et sa

mémoire, qualité de vie, paysage…).

• Pourquoi et pour qui conserver,

préserver, sauvegarder ?

Hier… AAujourd’hui… DDemain…

… la villa gallo-romaine … le site archéologique de la villa …un lieu de mémoire et de culture

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centré sur des thèmes du monde antique, est mis en place. Par des jeux, l’imagination et les connaissances, les animateurs viennent corriger l’imaginaire que le collectif a plaqué sur la civilisation antique.En 1996, un jardin expérimental «gallo-romain» a été créé par la SRAAB à côté du site avec notamment la plantation de variétés de céréales anciennes dont quantités de graines calcinées ont été retrouvées dans une des pièces de la villa. A ces rangées de blé poulard, d’engrain, d’épeautre et d’orge à deux rangs, ont été ajoutés des plessis d’herbes aromatiques dont on sait qu’elles étaient largement utilisées dans la cuisine romaine. Ce jardin permet de ménager une pause gourmande durant la visite guidée du site et de l’exposition. A certaines occasions (Journées du patrimoine, accueil de groupes,...), un petit «banquet d’Apicius» est mis en place par la SRAAB. Il constitue en effet un attrait supplémentaire du site. En 1997 un lieu d’exposition permanent a été inauguré au centre de Dehlingen, grâce au soutien financier de la commune. En 1999, le Conseil Général a financé la construction d’une route pour accéder au site. Depuis 1998, l’offre de visites guidées promues par l’Office du tourisme et assurées par les membres de la SRAAB et un guide-interprète régional est en développement constant, grâce à l’appui de l’Office de tourisme : nous accueillons en moyenne 1 000 visiteurs entre le 1er juillet et le 31 août.Depuis 2003, une exposition itinérante fruit d’une collaboration CCAB/SRAAB intitulée «Terres d’Abondance, l’Alsace Bossue gallo-romaine» circule à travers le Bas-Rhin. Elle restitue auprès d’un large public le bilan de 200 ans de découvertes archéologiques. Elle a d’ores et déjà été présentée à Saverne, Lorentzen, Niederbronn-les-Bains et Sarre-Union.

Le projet de la CCAB...

Aujourd’hui, force est de constater que les infrastructures d’accueil du site ne répondent plus à l’accroissement de sa fréquentation, tant au niveau touristique que pédagogique.La CCAB travaille donc à la création d’un Centre d’interprétation du patrimoine archéologique de l’Alsace Bossue, auquel sont associés de nombreux partenaires. Une étude de faisabilité, menée en 2003, a conduit au montage du programme architectural et du projet pédagogique achevé en 2005. Le comité de pilotage, qui a suivi aussi bien l’étude de faisabilité que la programmation, compte des élus et des chargés de mission de la CCAB, des responsables de sites et musées partenaires du projet (Bliesbruck, Sarrebourg, Saverne, Strasbourg), le Parc Naturel Régional des Vosges du Nord, le Département du Bas-Rhin, l’Université Marc Bloch de Strasbourg et le SRA. Ce comité de pilotage concrétise un réseau, pour l’heure informel, qui pourra conduire plus tard à l’élaboration d’un projet commun de valorisation du patrimoine archéologique gallo-romain le long du cours de la Sarre.

Le projet de la CCAB concerne 3 lieux : La restauration de la maison Koeppel datée du XVIIe s. Le logis du XVIIe s. sera restauré à l’identique (façade et plan intérieur) et regroupera l’espace d’accueil, les bureaux et la médiathèque. A l’arrière du bâtiment, sur l’emprise des dépendances détruites, sera construit l’espace d’interprétation dans un bâtiment neuf au traitement contemporain mais intégré sans rupture de volume.La valorisation d’un sentier à travers le village et le verger. Cet espace de circulation ne subira qu'une intervention minimale. Ce sentier est apprécié pour ce qu'il est, il n'y aura aucune stabilisation du tracé. Quatre stations rythmeront ce kilomètre de sentier "à remonter le temps" de la ferme du XVIIe s. à la villa gallo-romaine.La mise en valeur du site archéologique de la villa gallo-romaine de Dehlingen (Ier – IVe s. après J.-C.) explicité par 4 tableaux sur les vestiges de la villa et les jardins expérimentaux.

...d’un centre d’interprétation...

Le centre d’interprétation propose une pédagogie nouvelle autour :

d’un concept nouveau et fédérateur, un thème dominant avec des approches plurielles,d'un programme appuyé sur une sérieuse assise scientifique, sur l’histoire des lieux, permettant d’expliquer les enjeux contemporains,d'innovations et d'inventions scénographiques et pédagogiques répondant à des préoccupations nouvelles,de l’expérience active et de l’apprentissage ludique comme levier pour la connaissance.

L'option du centre d'interprétation est souvent envisagée par les collectivités territoriales dans le cadre d’une politique de développement culturel de leur territoire. Véritable centre de médiation, cette structure relève plus de la communauté des habitants que de l’institution muséale. Le centre d'interprétation est une structure qui propose moins la conservation de collections que la restitution au public de connaissances par des médias inventifs et ludiques et des approches et des thématiques transversales. Plus que d’assouvir la curiosité, un centre d’interprétation se propose de l’aiguiser. Un tel centre propose donc tout à la fois une représentation du territoire, un lieu de convergence des publics et une offre de services à la population (médiathèque, accueil d'étudiant et de chercheurs, club archéo, etc..).

...proposant une pédagogie novatrice...

La pédagogie qui sera mise en oeuvre reprend celle du projet de Centre d’Initation à la Nature et à l’Environnement à Lorentzen ; elle s’articule en trois temps :

• Transmettre, faire comprendre les connaissances acquises,

• Donner à réfléchir,• Projeter vers l'avenir.

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Ces trois temps un peu théoriques appliqués au domaine de l'archéologie et de la chronologie peuvent se traduirent

par Hier, Aujourd'hui, Demain.

... sur l’Alsace Bossue gallo-romaine...

Le discours de ce centre d’interprétation s’articulera autour d’un axe principal et de trois thématiques. L’axe fondamental en cohérence avec la nature de l’occupation gallo-romaine, avec les vestiges présentés et avec la tradition rurale de l’Alsace Bossue : la vie quotidienne et l’économie d’une campagne à l’époque gallo-romaine. Autour de cette épine dorsale s’articuleront trois thématiques :

• « L’Alsace Bossue, une campagne gallo-romaine » : il s’agit de donner à voir au public ce qu’était ce territoire hier et les connaissances acquises depuis lors sur le passé gallo-romain du site.

• « L’archéologie : recherche scientifique et patrimoine partagé » : ce parcours aura pour objet de faire réfléchir le visiteur sur ce qui se passe aujourd’hui sur ce territoire, à savoir les travaux de recherche en cours, pour l’inviter plus largement à comprendre ce qu’est la recherche archéologique.

• « De ferme en ferme : de la villa gallo-romaine à la Maison Koeppel » : ce thème, en déroulant les évolutions successives du territoire, permettra au visiteur de se projeter vers l’avenir et d’envisager ce que le territoire pourra devenir demain.

Pour l’heure, la CCAB travaille au montage financier du projet, avant de lancer le concours d’architecte.

… pour tous…

Les publics cibles sont :• Les scolaires,• Les jeunes en accueil extra-scolaire,• Les habitants de l’Alsace Bossue,• Le public de passage,• Les groupes constitués et les associations,• Les chercheurs, étudiants en formation

ou en séminaire,Ainsi que des publics ayant des besoins spécifiques :

• Le public en situation de handicap,• Le public étranger.

En dehors d’être un outil pédagogique à l’usage du plus grand nombre, le centre d’interprétation archéologique de l’Alsace Bossue sera un pôle de recherche archéologique à destination d’un public de chercheurs (étudiants, scientifiques, enseignants, …) en leur ouvrant la médiathèque thématique et le dépôt de fouilles (réserves archéologiques), en s’inscrivant dans des programmes de recherches scientifiques et en diffusant les résultats par divers supports (publications, site internet, CD-ROM, …).

Jean MATHIAJe tiens à rappeler que ce site a été identifié par une association. La Communauté de communes a été, par la suite, amenée à prendre la relève du fait des enjeux de sécurité, mais aussi de l’intérêt pédagogique évident de ce site. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de développer ce projet, d’autant plus qu’avait été mis au jour un patrimoine non exclusivement gallo-romain, datant des XVIIe et XVIIIe s. De fil en aiguille, l’idée d’un centre d’interprétation du patrimoine a émergé.

Nota bene : La démarche HQELa réhabilitation de la maison Koeppel se fera dans une perspective de qualité environnementale : le confort et la qualité de l’utilisation des bâtiments seront conçus de manière à ménager les ressources naturelles (choix d’énergies renouvelables, de matériaux respectueux de l’environnement, gestion écologique du chantier…). La promotion de cette démarche durant les travaux et par la suite dans le fonctionnement de la structure répond à une volonté didactique du projet. Cette démarche reprendra dans une moindre mesure ce qui constitue le credo du CINE de Lorentzen et plus largement de l’intercommunalité.

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Vingt ans de médiation autour de l’archéologie préhistorique en DordogneOlivier Agogué et Serge Maury Le Service archéologique de Dordogne est actuellement

l’un des seuls services territoriaux du Sud-Ouest de la France, et le seul à ce niveau de personnel titulaire (huit personnes à temps plein). Son rôle en matière de médiation est un facteur clé de sa pérennisation et de son renforcement. C’est en s’insérant délibérément à la fois dans un contexte patrimonial particulier et dans la politique culturelle du Conseil Général que le service a gagné sa légitimité.La table ronde sur l’archéologie territoriale de Strasbourg offre l’opportunité de présenter un bilan de l’action de médiation menée par le service archéologique départemental depuis 1984. Plutôt que d’énumérer les animations ou les outils développés, il semble plus intéressant d’insister sur les choix structurels qui ont conduit au développement continu du service.

Le contexte : un département favorable, une orientation spécifiqueLa Dordogne est un département rural, mais avec un fort attrait sur le plan touristique, lié non seulement à sa géographie (et à sa gastronomie) mais également à son patrimoine historique et surtout préhistorique. Le Conseil Général, conscient de l’importance de ce dernier, a créé un poste d’archéologue départemental dès la première vague de décentralisation, confié à Serge Maury en 1984.La Préhistoire est très directement liée à l’image du département. La Dordogne est un haut lieu de la recherche archéologique depuis la naissance de la discipline. La vallée de la Vézère en particulier présente une concentration exceptionnelle de gisements de référence et de grottes ornées. Le Conseil Général a d’ailleurs axé sa communication sur cette richesse, en baptisant le département “ le pays de l’Homme ”.C’est donc logiquement que l’archéologue départemental a orienté son action pédagogique vers la Préhistoire. Sans mandat précis de sa tutelle, il a décidé de partir à la rencontre des publics, autour de deux pivots :

• Une volonté d’inscrire son action dans le cadre de la politique du Département et ainsi de rechercher les partenariats avec les autres services culturels du département,

• Une approche mobile de la médiation, afin de couvrir l’ensemble du territoire et d’apporter les outils pédagogiques au public. Ce concept s’est avéré particulièrement pertinent et a conduit au développement d’outils spécifiques largement diffusés depuis, y compris au-delà du territoire départemental.

Les concepts de la médiation au service archéologiqueLa politique de médiation du Service départemental archéologique de la Dordogne s’articule autour de plusieurs axes de transmission :

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• l’interactivité, afin d’instaurer une dynamique d’échanges plutôt qu’une logique de verticalité ;

• la conception de supports pédagogiques (module de fouille ou d’art pariétal, permettant au public de s’investir dans la recherche) ;

• l’initiation à une véritable démarche de culture scientifique, dans la mesure où, plutôt que des actions ponctuelles, un travail sur le long terme au travers de contacts réguliers entre les enseignants et les chercheurs est privilégié ;

• la transversalité dans le cadre du développement culturel global du département et en partenariat avec les services de l’Etat.

Un exemple d’interactivité : le module de fouille (Fig. 01)Cet outil est particulièrement représentatif de la démarche pédagogique initiée au Service archéologique de la Dordogne. Développé dès les premières années, présenté en 1987 lors de l’opération “ Périgord à La Villette ”, puis adapté pour le rendre itinérant et breveté par Archéolud en 1991, il s’agit de la reconstitution d’un chantier de fouille préhistorique, associée à un panneau présentant une séquence chrono-stratigraphique. Il permet ainsi aux enfants d’appréhender les méthodes de la recherche archéologique, en étant directement acteurs de la démarche de sensibilisation. Le module est ainsi le support interactif du discours du médiateur.

Un exemple de transversalité : “ Bâtisseurs de paysage ” (Fig. 02)Cette opération est née d’un PCR sur les relations homme/milieu dans la vallée de la Dronne, dont le pivot était la réalisation de carottages palynologiques. Le service a élaboré un parcours pédagogique sur le support de ce PCR au long de l’année scolaire 2001-2002. Le scénario en 5 étapes a permis d’impliquer de nombreux partenaires scientifiques et culturels, archéologues ou non : Centre National de la Préhistoire (pilote du PCR), Archives départementales, architectes du CAUE, plasticiens, communes concernées…

Ce projet ne s’est pas limité à l’année scolaire puisque la thématique paléoenvironnementale s’est trouvée pérennisée au sein du service avec le développement d’un nouvel outil pédagogique : la valise palynologique. Développée en partenariat avec une palynologue et un enseignant, elle regroupe un jeu de panneaux sur le thème de l’évolution des paysages, le moulage de pollens et un mini laboratoire de traitement palynologique.

Un levier de développement et de diffusion : Archéolud (Fig. 03)Jusqu’en 1995, le service se réduisait au Conservateur, assisté d’une secrétaire et d’un agent technique. Tant pour les lourds investissements liés à la création des modules pédagogiques que pour le montage de projets et la diffusion des produits, il a fallu trouver un relais au-delà du cadre budgétaire du service archéologique : d’abord via

l’Association départementale de développement culturel (ADDC) puis, à partir de 1991, avec Archéolud, branche spécifique de cette dernière.

Cette structure associative dispose d’un budget propre. Le Conseil Général subventionne les investissements liés à la création d’outils (modules, audiovisuels, multimédias…) et Archéolud gère la diffusion de ces produits (mise en vente ou location). Les droits générés sont réinjectés dans la création. La marque déposée Archéolud permet de labelliser les outils pédagogiques. Archéolud permet également une aide au montage de projets de sensibilisation à l’archéologie, en assistant les établissements scolaires, centres culturels ou associations. Le service archéologique se place en tant que tutelle scientifique et pédagogique dans ce dispositif.

Le besoin de cohérence et la réponse apportée par la création du Pôle international de PréhistoireLe potentiel de la Dordogne autour du Paléolithique est particulièrement riche, ce qui a des incidences tant du point de vue de la recherche que de la conservation et de l’exploitation touristique. De fait, de nombreuses institutions sont en capacité d’influer sur la valorisation des gisements et des résultats scientifiques.

L’Etat est acteur à travers trois ministères (Education, Recherche et, bien sûr, culture avec deux directions différentes, la DAPA et la DMF), dont les objectifs et les méthodologies sont parfois sensiblement distinctes. Outre les autres collectivités publiques (Région Aquitaine, départements, communautés de communes, communes…), les intervenants privés, les parcs archéologiques au premier chef ont souvent su se rendre plus visibles. Certains de ces derniers étant peu soucieux de rigueur scientifique, et, de fait, difficilement contrôlables, c’est l’ensemble du territoire qui est décrédibilisé.Ainsi, face à un tel foisonnement et une qualité disparate, il existe un besoin évident de cohérence du service public. C’est la raison pour laquelle le Pôle international de Préhistoire a été créé en 2002, sous la forme d’un GIP (Groupement d’Intérêt Public) rassemblant l’Etat (Ministère de la culture et de la communication et Ministère de l’Education nationale), la Région et le Département, inscrit au contrat de plan. Après une longue gestation où le Conseil Général de la Dordogne (et le service archéologique en particulier) s’est fortement impliqué, le PIP est opérationnel autour de ces missions :

• Tourisme, “ en vue d’améliorer la communication des produits culturels et de faciliter l’accès des visiteurs aux différents sites en vallée de la Vézère ” ;

• Médiation afin de “ développer l’offre de formation en vallée de la Vézère ” ;

• Documentation, “ mise en réseau des bibliothèques de Dordogne afin de valoriser et rendre plus accessibles les collections spécialisées en Préhistoire ”.

Parmi les difficultés qui sont apparues, certaines ont trait

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à la forme juridique (un GIP n’étant pas d’une grande souplesse, notamment pour le recrutement de personnel), d’autres à son affichage (comment ne pas apparaître comme un nouvel organisme mais bien comme une passerelle, un instrument de lien), d’autres à son fonctionnement interne encore balbutiant. Néanmoins, la structure est en place, la mise en réseau est effective pour le volet documentaire et le volet médiation prend le relais du service sur le terrain.Au niveau du Ministère de l’Education nationale, l’Aquitaine est Pôle national ressources pour la Préhistoire. Le service collabore depuis longtemps avec le milieu scolaire, en développant des projets au long de l’année plutôt qu’en proposant des animations ponctuelles. Une nouvelle étape est franchie avec le détachement à temps complet d’un enseignant au sein du PIP. Une formation nationale a été organisée cette année dans le cadre du PNR, avec le développement, piloté par le Conservateur départemental, d’un jeu de rôle autour de la démarche pluridisciplinaire en archéologie.Le PIP a désormais la charge de la programmation et de la réalisation des animations autour de la Préhistoire. Le service archéologique se place en amont dans la réflexion et la production de supports pédagogiques.

Nouveau contexte de l’archéologie territoriale : évolution de l’activité de médiationTant du point de vue de l’archéologie préventive que de la sensibilisation à la Préhistoire, le service archéologique repense son rôle en matière de médiation. Pour l’archéologie préhistorique, il s’agit d’un apport méthodologique en accompagnement du PIP et surtout de la production d’outils pédagogiques et scientifiques audiovisuels et multimédias. Un projet européen avec l’Espagne et le Portugal a abouti à la réalisation d’un CD-ROM sur l’art pariétal de ces régions.Le service est engagé depuis longue date dans la réalisation de films (Tailler le silex, 1990). Aujourd’hui, il collabore au tournage des “ Gestes de la Préhistoire ”, série de films très brefs, d’une durée de cinq à dix minutes, à vocation encyclopédique. Quarante films ont d’ores et déjà été tournés (Fig. 04). Chacun de ces films donne à voir la fabrication d’un objet de la Préhistoire, en se centrant sur l’objet lui-même, sans subjectivité. Il s’agit d’une production Archéolud, développée sous la direction scientifique de Jean-Michel Geneste (Directeur du Centre National de Préhistoire), avec le soutien de l’Etat, de la Région Aquitaine et du Département. Pour l’instant, l’exploitation de ces films est réservée aux lieux patrimoniaux, dans la mesure où il est nécessaire que leur diffusion soit accompagnée par une présentation pédagogique explicative. A terme, ils seront compilés sous forme de DVD thématiques interactifs.

L’archéologie préventive génère de nouveaux besoins au-delà de la période préhistorique. La médiation peut alors s’adresser aux professionnels de l’aménagement, qu’ils soient internes ou externes au Conseil Général. L’un de nos objectifs actuels réside dans la mise en ligne des zones

de protections sur le support de la Carte archéologique. Pour ceci, un partenariat étroit a été mis en place avec le SRA afin de mettre à jour la numérisation des informations pour toutes les communes de Dordogne possédant un schéma d’urbanisme (PLU, Carte Communale, ZPPAUP…). Ce projet doit se prolonger par la mise en place d’un Atlas archéologique des bourgs ruraux dont la restitution sous forme numérisée facilitera la prise en compte des enjeux archéologiques pour chaque commune dans sa propre problématique d’aménagement. La sensibilisation des aménageurs (à tout le moins des aménageurs publics) nous semble en effet un axe important pour l’avenir.

ConclusionLa désormais longue histoire de la médiation autour de la Préhistoire en Dordogne s’est construite sur une démarche volontariste, en s’ouvrant à de nombreux partenaires culturels (bibliothèque départementale, centres culturels, conteurs, plasticiens...). Celle-ci s’appuie sur une expertise renforcée par la présence de centres de recherche (Musée national, Centre National de Préhistoire, Université…). Il s’agit réellement de transmettre un discours scientifique de pointe avec des outils à même de le rendre accessible à tous.La difficile gestation du PIP, pourtant basé sur l’idée simple d’une mise en réseau, montre combien un projet territorial partenarial se met en place sur un temps long. Aujourd’hui, le service peut bénéficier de son expérience autour de la Préhistoire pour poursuivre sa mission de médiation autour des axes suivants :

Journées d’information à destination des professionnels de l’aménagement (ex ONF),Sensibilisation à la protection du Patrimoine archéologique,Réseau d’échanges avec les associations d’archéologie (Journées archéologiques),Formation professionnelle (stage de dessin archéologique CNFPT),Production de supports pédagogiques (Films, DVD, CD-ROM),Développement de projet avec les associations culturelles, les centres culturels, les institutions patrimoniales et pédagogiques.

Références bibliographiques

Maury 2000 : MAURY (S.) - Archéologie et médiation : les actions de l’ADDC Archéolud – Histoire de la mise en place d’une association de culture scientifique, Bulletin de l’AMCSTI, 2000, n° 7, p. 5-9.Maury 2002 : MAURY (S.) - Culture scientifique, technique et industrielle : pour une insertion dans les nouvelles dynamiques du développement culturel territorial, Bulletin de l’AMCSTI, 2002, n° 10, p. 2-5.Maury 2004 : MAURY (S.) - Archéologie et culture scientifique, Revue du Palais de la Découverte, 2004, n° 319, p. 8-10.

www.pole-prehistoire.com

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Fig. 01 : reconstitution d’un chantier de fouille préhistorique associée à un panneau chronostratigraphique.(Archéolud).

Fig. 02 : illustration d’une vallée glacaire pour le projet « Bâtisseurs de paysage ».(Dessin Jean-Georges Marcillaud).

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Fig. 03 : valise pédagogique « Tailler le silex ».(Archéolud).

Fig. 04 : film portant sur la fabrication d’une statuette féminine, collection «Gestes de la Préhistoire».(Production Archéolud).

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Discussion à la suite des communications

De la salleExiste-t-il encore, à Bliesbruck, une place pour les fouilles programmées ?Philippe BRUNELLATout à fait, telle est la volonté du Conseil Général. Nous recevons en effet 45 000 visiteurs par an, qui sont à parité français et allemands, dans un parc ouvert du 15 mars au 1er novembre. Nous avons constaté que la réalisation de fouilles programmées constitue un facteur tout à fait important d’attractivité touristique. De la salleExiste-t-il un projet commun franco-allemand ?Philippe BRUNELLALe projet commun réside dans un aménagement global de l’ensemble. Les mises en valeur découlent des opérations archéologiques de terrain, qui relèvent des compétences régaliennes de l’Etat pour la France et du Land de la Sarre pour l’Allemagne. Les opérations de terrain sont strictement encadrées par les réglementations. Il existe cependant des divergences déontologiques sur ce que nous nous autorisons à faire sur les vestiges : nous maintenons dans l’état proche de leur découverte (sauf quelques consolidations et restaurations) les vestiges mis au jour tandis que nos collègues allemands restituent sur les vestiges. Les animations, la commercialisation, les circuits de visite et de promenade du parc bénéficient d’une approche commune ; en revanche, les aspects de recherche et de présentation ne sont pas communs. En matière de recherche de terrain, nous collaborons avec des universités allemandes. En outre, lors de fouilles faites par une équipe allemande sur le territoire français, des remarques maladroites ont été formulées à leur encontre, ce qui ne les incite plus à renouveler l’expérience. De la salleQuelles sont vos relations avec l’INRAP ?Philippe BRUNELLANous avons obtenu l’agrément départemental il y a trois ans et nos relations avec l’INRAP sont tout à fait satisfaisantes et assez régulières. Comme nous sommes agréés, l’INRAP n’est pas véritablement intervenu jusqu’à présent. Il semblerait que l’assemblée départementale soit prête à accepter de nous doter de quatre personnes supplémentaires pour s’occuper des projets d’archéologie préventive relevant de maîtrise d’ouvrage départementale. De la salleIl me semble que l’INRAP est en train de créer des postes de médiateurs dans chacun de ses secteurs. Sandrine LEFEVREEffectivement, mais il s’agit essentiellement de postes assortis de missions de communication et de publication. Ils n’ont pas véritablement pour rôle de faciliter le contact direct et la proximité entre le travail de la recherche et le grand public. De la salleVous avez mentionné la problématique de la diversité des publics en Ile de France, mais vous n’avez pas évoqué les

publics spécifiques, comme les personnes en situation de handicap ou les primo-arrivants. Quelle est votre politique en la matière ?Sandrine LEFEVREPour les publics spécifiques, nous intervenons généralement sur la base d’une demande ponctuelle. Nous ne disposons pas d’outils spécifiques, à l’exception de la mallette sur la céramologie qui est en cours d’adaptation pour les malvoyants. Nous nous adressons également aux classes de SEGPA, mais, à leur égard, je tente de ne pas procéder selon des méthodes trop différentes de celles qui s’adressent à d’autres publics scolaires. Nicola COULTHARDPrévoyez-vous des embauches de personnel supplémentaire en lien avec le projet de Dehlingen ?Emmanuelle THOMANNNous avons voulu inscrire le projet dans la continuité, de sorte qu’il intègre naturellement les personnels de l’association. S’agissant des modalités précises, le budget du personnel reste à établir, mais il est très probable que ce projet nécessite des recrutements. Je tiens par ailleurs à préciser qu’au titre des publics visés figurent non seulement le public scolaire, mais également les handicapés, puisque des aménagements spécifiques ont été prévus. Nous souhaitons aussi accueillir des chercheurs qui pourront venir travailler sur le mobilier mis au jour. De la salleVotre projet semble répondre aux critères du label de ville ou de pays d’art et d’histoire, ce qui permet de bénéficier de subventions de l’Etat. Avez-vous sollicité ce label ? Emmanuelle THOMANNDans la mesure où il ne s’agit pas à proprement parler d’une ville, nous n’avons pas entrepris de telles démarches. Mais votre suggestion, qui semble indiquer que le label peut être octroyé à un pays, m’incitera à me renseigner plus avant. De la salleAvez-vous un projet précis en matière de fouilles programmées ? Il me semble que les exigences accrues des pouvoirs publics ont eu pour effet de tuer l’archéologie amateur et bénévole et, en conséquence, de faire pour ainsi dire disparaître les fouilles programmées. Certes, les recherches conduites par des amateurs ont occasionné nombre d’erreurs, mais elles n’en étaient pas moins nécessaires à la vitalité de l’archéologie. Jean MATHIAJe partage votre analyse. Les pouvoirs publics ont considéré qu’il existait déjà de nombreux sites gallo-romains, de sorte qu’ils n’ont pas souhaité financer les fouilles en Alsace-Bossue. Dans le même temps, il n’est pratiquement plus possible de procéder à des fouilles avec des équipes de bénévoles, pourtant compétentes et consciencieuses. A mes yeux, il est important d’admettre que l’archéologie ne peut pas rester une affaire de spécialistes uniquement. Emmanuelle THOMANNNous avons initié un programme de prospection

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thématique depuis l’an 2000. En 2006, nous allons reprendre des fouilles programmées, mais, pour l’instant, nous n’avons pas encore résolu le problème de la constitution de l’équipe, qui devrait également comprendre des bénévoles. De la salleComment organisez-vous votre travail d’information à l’attention des aménageurs ?Oliver AGOGUEUne journée d’information a été organisée à l’attention des personnels de l’ONF et des services forestiers, en partenariat avec le SRAC. Nous avions en effet constaté qu’il existait en la matière de fortes lacunes, mettant en péril la préservation du patrimoine. Cette journée de sensibilisation s’adressait tout aussi bien aux décideurs qu’aux personnels techniques, puisque ce sont ces derniers qui sont en contact avec les sites archéologiques potentiels. Elle a donné lieu à une présentation des matériels archéologiques et des enjeux. Les participants ont ainsi pu se familiariser avec la manipulation de pièces archéologiques. Les personnels forestiers ont été pour l’instant les seuls aménageurs concernés. Mais le bilan de cette opération s’est révélé tout à fait positif. Nous souhaitons donc étendre ce dispositif à d’autres aménageurs, notamment aux services techniques des communes. Mais il s’agit de projets très longs à concevoir. Etienne HOFMANNLa Dordogne est certes un véritable paradis pour la Préhistoire. Mais votre exposé semble induire que son patrimoine s’arrête à cette période. D’autres acteurs interviennent-ils sur d’autres périodes ? Oliver AGOGUEMa présentation était quelque peu biaisée puisqu’elle ne portait que sur la mise en place du Pôle international de Préhistoire. Bien évidemment, des acteurs sont également présents en matière d’archéologie historique. Le Conseil Général et le service départemental archéologique ont toutefois pris conscience d’un certain déséquilibre en la matière et se sont fixé pour objectif d’y remédier. Nicola COULTHARDA titre personnel, lors de la projection du petit film, qui a suivi l’intervention d’Olivier Agogué, j’ai particulièrement apprécié l’absence de musique et de commentaire, qui restitue toute la beauté du geste. Malheureusement, il me revient le rôle ingrat d’interrompre les débats et la tâche plus gratifiante de remercier, au nom de tous les participants, le Conseil Général du Bas-Rhin, Matthieu Fuchs et toute son équipe pour l’organisation de ces journées qui ont suscité l’enthousiasme de tous.

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Synthèse des travauxMatthieu FUCHS, Centre départemental d’archéologie du Bas-Rhin

Ces journées n’ont été possibles que grâce à un travail d’équipe mené de longue haleine. L’organisation de cette table ronde nous est apparue importante à l’occasion de la création de

notre propre service d’archéologie afin de partir à la rencontre de nos collègues territoriaux. Nous avons pu constater, au cours de ces journées, à quel point les statuts des services territoriaux, nos missions et les enjeux auxquels nous devions répondre étaient hétérogènes, mais également quelle source de richesse, de diversité et d’expérience il en résultait. Nous vous remercions donc d’avoir partagé avec nous vos expériences, qui seront profitables à tous et nourriront le développement du projet interdépartemental d’archéologie alsacien. Cette logique de coopération, et le point d’interrogation inséré dans le titre, s’inscrit dans une volonté politique en Alsace ; la démarche, initiée en 2003, a nécessité du temps pour son aboutissement et requiert encore quelques mois pour sa concrétisation sous la forme d’un établissement interdépartemental. Cette coopération doit aussi s’appuyer sur la Direction de l’Architecture et du Patrimoine. Nous avons entendu le message de Madame Isabelle Balsamo qui orchestre une mutation profonde au sein des services centraux du Ministère et souhaite mettre en place un dialogue renouvelé avec les collectivités, dans un contexte de développement équilibré et un objectif de pérennisation d’un système fiscal encore fragile pour l’archéologie préventive.

En synthèse, je reprendrai les thèmes abordés et les aspects les plus marquants. En matière de systèmes d’information sur l’archéologie, nous sommes en présence d’une grande hétérogénéité des expériences, mais surtout d’un fourmillement des méthodes et des outils mis en place. Ces systèmes tendent de plus en plus à jouer un rôle de pivot au sein de nos services ; ils concentrent et redistribuent l’information. Ce sont des outils fondamentaux d’aide à la décision, qui légitiment nos actions dans nos territoires et nos collectivités ; ce sont également des outils scientifiques ou encore des outils à vocation pédagogique. De nombreux obstacles demeurent sur le partage des données et les échanges avec les systèmes comme Patriarche. Il faut tirer un enseignement de nos échecs et de nos succès pour continuer à avancer. Ces systèmes montrent que la logique de coopération doit être prédominante dans leur élaboration.

Nous devons en permanence nous interroger sur nos rôles, les missions spécifiques des archéologues territoriaux et leur constante évolution. Un principe fondamental doit toutefois rester au cœur de notre réflexion : nous sommes au service de nos collectivités, de nos élus et de nos concitoyens. Il nous faut absolument, dans ce domaine, parvenir à un équilibre entre les exigences scientifiques et les enjeux sociétaux. Nous devons à cet effet avoir le sens du travail en équipe ainsi qu’une connaissance parfaite des mécanismes et des règles régissant nos collectivités. A nous, en effet, techniciens de l’archéologie de nous approprier les méthodes de nos collectivités afin de pouvoir en user. Certes, il ne nous appartient pas de faire des choix sur des questions relevant de la compétence du politique, mais de mettre à la disposition des élus les outils qui leur permettront de prendre les décisions appropriées. L’archéologue territorial doit s’immerger dans les processus décisionnels et en maîtriser la chaîne opératoire. De cette maîtrise et de la pédagogie dont nous saurons faire preuve dépend la légitimité de notre discipline et de notre insertion dans le corps social.

L’archéologie préventive suscite de multiples questionnements. Il convient en la matière de s’adapter au cadre réglementaire et, en conséquence, il faut nous appliquer à disposer de l’information relative aux projets d’aménagements le plus en amont possible. Nous avons en effet un rôle d’acteur de proximité. Nous devons également partager davantage nos procédures en la matière, avant d’initier une réflexion de fond commune. Les partenariats ponctuels ne sont pas suffisants : nous devons nous doter d’une véritable méthodologie partagée. Nous avons besoin d’outils communs, de coopérations pragmatiques et efficaces. L’INRAP semble maintenant prêt à accepter un partenariat sur un pied d’égalité. L’équilibre « à trois pieds » présenté par Jean Paul Demoule associant Etat, collectivités et INRAP, doit être élargi à d’autres partenaires. Je songe en particulier aux universités, au CNRS, aux associations et aux bénévoles. Un vaste chantier s’ouvre à nous, en vue d’une dynamique de mise en commun, d’échange et de partage d’expériences. En sus de la volonté de travailler ensemble, il convient également que nous définissions une méthode et que nous nous dotions des outils à cet effet. Le sous-titre de la table ronde a été parfaitement synthétisé par Bruno Dufaÿ « Travailler ensemble ». Mais la question se pose du « Comment ?». L’ANACT constitue un lieu d’échanges privilégié, mais il ne nous en faudra pas moins élaborer d’autres outils. Nous ne devons pas en effet nous contenter de nous réunir entre

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nous. Nous devons décloisonner notre discipline. Nous ne sommes pas les détenteurs du savoir relatif au patrimoine, mais des acteurs parmi d’autres dans ce domaine qui déchiffrent et donnent des clés de lecture de nos territoires.

Les problèmes liés à la gestion des collections posent encore de nombreuses questions tant techniques qu’administratives. Les présentations qui nous ont été faites proposent néanmoins des pistes très intéressantes, démontrant qu’il est possible de mener à bien des projets passionnants, grâce à l’intervention de plusieurs partenaires. Le problème d’une harmonisation régionale, nationale voire européenne demeure.

Les interventions des représentants des laboratoires ont souligné toute la pertinence de l’intégration des différents maillons en une démarche cohérente pour les restaurateurs, depuis le prélèvement jusqu’à la conservation. Aujourd’hui, il semble fondamental de jouer la carte de la complémentarité entre laboratoires. Les perspectives de travail en réseau doivent être renforcées, l’émergence de pôles de compétences (correspondant au besoin de mutualisation) pouvant déjà constituer un pas en avant. Je note toutefois qu’archéologues et techniciens doivent encore s’approprier les règles des marchés publics : elles sont certes lourdes, mais nous ne saurions nous en exonérer en tant qu’acteurs publics et devons user au mieux des outils à notre disposition.

La médiation culturelle développée autour de notre discipline doit maintenant être placée au cœur de nos rapports sociaux. Ces activités de médiation et de transmission doivent faire feu de tout bois, en s’adressant à tous les publics, en ayant recours à tous les supports et, là encore, en ayant le souci constant du partage d’expériences dans un esprit de réseau et de proximité de la population. Nous devons nous assurer de quatre éléments principaux indissociables pour mener à bien cette mission : des équipes, des moyens, des collaborations et des relais-vecteurs.

Pour conclure, je souhaiterais évoquer les termes qui sont revenus comme un leitmotiv tout au long de nos débats : nous ne travaillons pas pour notre communauté scientifique, mais pour nos concitoyens. J’espère que ces journées auront contribué à enrichir votre réflexion. Elles donneront lieu à une publication des actes en version électronique et sur support papier. Ces actes permettront de relayer au sein de nos équipes, pour les collègues qui n’ont pas pu être présents, le fruit de nos réflexions sur le thème Comment travailler ensemble ? Je remercie encore l’ensemble des participants et des orateurs, ainsi que les présidents de séance. Je tiens également à remercier mon équipe et tout particulièrement Elodie Thouvenin, chargée de mission dans le service, qui a été, bien plus que moi, la véritable cheville ouvrière du projet. Nous aurons, par ailleurs, le plaisir de vous inviter et de vous revoir dans un cadre interdépartemental pour l’inauguration des locaux à Sélestat.

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Liste des participants

Franck Abert, Val-d’OiseOlivier Agogué, DordogneFranck Allegrini-Simonetti, CorseElise Alloin, Bas-RhinPhilippe Andrieux, Val-de-MarneAlexandre Audebert, Aisne Isabelle Balsamo, ParisPatrick Blanc, Bouches-du-Rhône Eric Boës, Bas-RhinBluenn Boulangé, Meurthe-et-Moselle Olivier Boyer, Bas-RhinSuzanne Braun, Bas-RhinPhilippe Brunella, Moselle Corinne Bury, Bas-RhinOlivier Caumont, MoselleMarie-Aline Charier, YvelinesAlain Chartrain, HéraultJean Chausserie-Laprée, Bouches-du RhôneJean-François Chevrot, CherAnnick Clavier, IsèrePatrick Clerc, MoselleLaurent Costa, Val-d’OiseNicola Coulthard, CalvadosMarie Dauphiné, Bas-RhinCamille Daval, IsèreIsabelle Dechanez-Clerc, Bas-RhinHans de Klijn, Côte d’OrFrançois Delache, Bas-Rhin Myriam del Vecchio, Bas-RhinPierre Demolon, NordJean-Paul Demoule, Paris Marie-Claude Depassiot, Isère Armelle Devillez, ParisDominique Deyber, CherLaure Dobrovitch, Bas-RhinBruno Dufaÿ, Indre-et-Loire Pascale Dupont, LoiretFlorence Dusseré, Val-d’OiseJane Echinard, Oise François Entz, Bas-RhinPascal Flotté, Bas-RhinGwenaëlle Fontana, ParisMatthieu Fuchs, Bas-RhinLouis Ganter, Bas-RhinJean-Baptiste Gervreau, Bas-RhinMonica Gherzo, Bas-RhinMarie-France Gleizes, Seine-Saint-DenisRobert Heimlich, Bas-RhinMathias Heissler, Bas-RhinNathalie Herbert, Eure-et-LoirClaude Héron, Seine-Saint-DenisEtienne Hofmann, Rhône Olivier Kayser, Bas-RhinLaure Koupaliantz, Bas-RhinPhilippe Kuchler, MarneCaroline Kuhar, Yvelines Marie-Pierre Lambert, Meurthe-et-Moselle

Michaël Landolt, Bas-RhinSandrine Lefèvre, Yvelines Isabelle Lesueur, Bas-RhinThierry Logel, Bas-RhinChristine Louvion, NordMarie-Laure Mangavel, YvelinesJean-Luc Marcy, Pas-de-CalaisClaire Martin, Val-de-MarneJean Mathia, Bas-Rhin Roger Maubert, Bas-RhinLéopold Maurel, Charente-MaritimeDelphine Minni, Bas-RhinPierre Mougin, DoubsFrédérique Niedergang, Haut-RhinPaul Nüsslein, Bas-RhinClaudi Orditz, Bas-RhinSilvia Païn, Yvelines Dominique Pargny, MarneJean-Paul Petit, Moselle Emmanuel Pierrez, Bas-RhinVéronique Pimmel, Bas-RhinSuzanne Plouin, Bas-RhinPascal Prévost-Bouré, Bas-RhinAbdessalem Rachedi, Bas-RhinSophie Reeb, Bas-RhinStéphane Revillion, NordPascal Rieth, Haut-RhinChristine Riquier, Meurthe-et-MoselleGwenola Robert, MoselleYves Roumegoux, NordAlain Schmitt, Bas-RhinAuguste Schmitt, Bas-RhinAudrey Schneider, Bas-RhinBernadette Schnitzler, Bas-RhinJean-Jacques Schwien, Bas-Rhin Frédéric Séara, Côte d’OrJoël Serralongue, Haute-SavoieFrançois Sigrist, Bas-RhinClaire Soriano, Bouches-du RhôneMarie Stahl, Bas-RhinEmmanuelle Thomann , Bas-RhinElodie Thouvenin, Bas-RhinAlphonse Troestler, Bas-RhinSophie Vauthier, Bas-RhinCécile Veber, Bas-RhinVéronique Viellard-Baron, Paris Maxime Werlé, Bas-RhinMartine Weyl, Bas-RhinJean-Jacques Wolf, Haut-RhinMonique Zannettacci, IsèreOlivier Zumbrunn, Bas-Rhin

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