Portraits des Chinois célebres · Portraits des Chinois célèbres 2 publiée dans : MEMOIRES...

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@ Joseph-Marie AMIOT PORTRAITS des CHINOIS CÉLÈBRES

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    Joseph-Marie AMIOT

    PORTRAITSdes

    CHINOIS CLBRES

  • Portraits des Chinois clbres

    2

    publie dans :

    MEMOIRESconcernant lHistoire, les Sciences, les Arts, Les Murs, les Usages, &c

    DES CHINOISpar les Missionnaires de P-kin

    Tome troisieme (1778), pages 5 386. Portraits I LII.

    Tome cinquieme (1780), pages 69 466. Portraits LII LXXVIII

    Tome huitieme (1782), pages 1 111. Portraits LXXIX LXXXVII

    Tome dixieme (1784), pages 1 131. Portraits LXXXVIII XCI.

    A Paris, chez Nyon lan, Libraire, rue Saint-Jean-de-Beauvais, vis--vis leCollege.

    mise en format texte parPierre Palpant

    www.chineancienne.fr

  • Portraits des Chinois clbres

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    TABLE

    Avertissements : Tome III Tome V Tome VIII

    Des origines la Dynastie des Hia

    I. TAI-HAO-FOU-HI-CH, Fondateur de la Monarchie II. YEN-TI, CHEN

    NOUNG-CH, Empereur III. HOANG-TI, YEOU-HIOUNG-CH, Empereur

    Lgislateur IV. TSANG-KI, Ministre V. CHAO-HAO, KIN-TIEN-CH,

    Empereur VI. TCHOAN-HIU, KAO-YANG-CH, Empereur VII. TI-KOU,

    KAO-SIN-CH, Empereur VIII. TI-YAO, TAO-TANG-CH, Empereur IX .

    TI-CHUN, YEOU-YU-CH, Empereur X. KAO-TAO, Ministre XI.

    HEOU-TSI, Ministre XII. TA-YU, Empereur.

    Dynastie des Chang

    XIII. TCHENG-TANG, Empereur XIV. Y-YN, Ministre XV. FOU-YU,

    Ministre XVI. TCHEOU, OUEN-OUANG, Roi XVII. TAY-KOUNG, Ministre.

    Dynastie des Tcheou

    XVIII. TCHEOU, OU-OUANG, Empereur XIX. TCHEOU-KOUNG, Ministre

    XX. LAO-TSE, Philosophe XXI. KOUNG-TSE, Philosophe XXII.

    KIU-PING, Ministre XXIII. MONG-TSE, Philosophe. XXIV. HAN-KAO-

    TSOU, Empereur.

    Dynastie des Tsin

    XLIX. Histoire de TSIN-CH-HOANG-TI, Empereur, Incendiaire des Livres.

    Dynastie des Han

    XXV. SIANG-OUANG, Empereur XXVI. TCHANG-LEANG, Ministre

    XXVII. HAN-OUEN-TI, Empereur XXVIII. HAN-KING-TI, Empereur

    XXIX. TOUNG-FANG-CHOUO, Ministre XXX. TOUNG-TCHOUNG-CHOU,

    Savant & Ministre XXXI. SE-MA-TSIEN, Pere de lHistoire chez les Chinois

    XXXII. HAN-KOANG-OU-TI, Empereur XXXIII. YEN-TSE-LING,

    Philosophe XXXIV. HEOU-HAN-TCHO, TCHAO-LI-HOANG-TI, Empereur.

    Et : L. FOU-CHENG, Lettr LI. SOU-TSE-KING, Homme dtat LII.

    PAN-HOEI-PAN, Savante.

  • Portraits des Chinois clbres

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    Les Trois Royaumes

    XXXV. TCHOU-KO, OU-HEOU, Ministre XXXVI. OUEI, OU-TI [Tsao-tsao],

    Ministre XXXVII. SE-MA, HIUEN-OUANG, Gnral dArme

    De la dynastie des Tsin la celle des Soui

    XXXVIII. TOUNG-TSIN, YUEN-TI, Empereur XXXIX. SONG-OU-TI,

    Empereur XL. TAO-YUEN-MING, Pote XLI. SOUNG-FEI-TI, Empereur

    XLII. SI-LING-YUN, Homme de Lettres XLIII. TSI-KAO-TI, Empereur

    XLIV. LEANG-OU-TI, Empereur XLV. TCHAO-MING, TAY-TSE, Lettr

    XLVI. TCHEN-OU-TI, Empereur XLVII. SOUI-OUEN-TI, Empereur XLVIII.

    OUEN-TCHOUNG-TSE, Philosophe LIII. TAN-TAO-TSI, Ministre & Guerrier

    Dynastie des Tang

    LIV. TANG-KAO-TSOU, Empereur LV. TANG-TAY-TSOUNG, Empereur

    LVI. YU-TCH-KOUNG, Guerrier LVII. FANG-HIUEN-LING, Ministre

    LVIII. TOU-JOU-HOEI, Ministre LIX. LY-TSING, Guerrier LX. LY-TSI,

    Guerrier LXI. TS-TIEN-HOANG-HEOU, Impratrice LXII. TY-JIN-KI,

    Ministre LXIII. TANG-HIUEN-TSOUNG, Empereur LXIV. YAO-TSOUNG,

    Ministre LXV. SOUNG-KING, Savant LXVI. YEN-TCHEN-TSING, Savant

    LXVII. TOU-FOU, Pote LXVIII. LY-PE, Pote LXIX. KOUO-TSEE-

    Y, Guerrier LXX. TANG-SIEN-TSOUNG, Empereur LXXI. P-KIU-Y,

    Savant LXXII. LIEOU-TSOUNG-YUEN, Pote LXXIII. HAN-YU, Savant

    LXXIV. MONG-KIAO, Pote LXXV. KIA-TAO, Pote LXXVI. TANG-

    SIUEN-TSOUNG, Empereur LXXVII. MIN-OUANG, Guerrier LXXVIII.

    NAN-TANG-LY-HEOU-TCHOU, Empereur

    Dynastie des Soung

    LXXIX. SOUNG-TAY-TSOU, Empereur LXXX. SOUNG-JEN-TSOUNG,

    Empereur LXXXI. PAO-TCHENG, [Magistrat] LXXXII. KAO-KIOUNG,

    [Guerrier] LXXXIII. CHAO-YOUNG, [Savant] LXXXIV. TCHANG-TSAI,

    [Guerrier] LXXXV. TCHEOU-TCHUN-Y, [Sage] LXXXVI. TCHENG-HO,

    [Philosophe] LXXXVII. TCHENG-Y, [Lettr] LXXXVIII. SE-MA-

    KOANG, [Lettr] LXXXIX. SOU-CH, [Lettr] XC. HOANG-TING-KIEN,

    [Lettr] XCI. YANG-CH, [Lettr].

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  • Portraits des Chinois clbres

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    AVERTISSEMENTS

    Tome 3

    @

    p.03.005 LAuteur Chinois, qui sest donn la peine de copier les

    Portraits de quelques-uns des Personnages clebres de sa Nation, a mis

    la tte de ses peintures les paroles suivantes :

    Au commencement de la onzieme lune de la vingt-quatrieme

    anne de Kang-hi (cest--dire sur la fin de lan 1685), moi Po-

    ki, surnomm Tchang-sieou, ayant achev de copier les

    Portraits de plus de cent Personnages clebres dont on

    conserve les originaux, dans le temple o on apprcie sans

    partialit le mrite de ceux qui ont pratiqu la vertu (Hing-t-

    se, Tao-ki-houng-koung), jai cru devoir dire p.03.006 quelque

    chose de chacun, pour quon pt au moins sen former une

    lgere ide ou sen rappeller le souvenir.

    Grand tre qui tes le principe des trois principes actifs San-

    tsai (cest--dire le Ciel, la Terre & lHomme), ayez pour

    agrable un ouvrage que je nai entrepris que pour la

    satisfaction & linstruction de la postrit.

    LAuteur ne donne exactement que ce quil a promis. Deux ou trois

    mots sont souvent tout ce quil dit dessentiel sur les Personnages quil

    reprsente. Cela peut suffire pour des Chinois qui peuvent se procurer

    des connoissances plus exactes, en consultant leur histoire & les autres

    livres qui entrent dans le dtail de tout ce qui concerne leurs hommes

    clebres.

    Mais ce que peuvent faire des Chinois qui sont dans leur patrie, pour

    se mettre au fait de ce qui concerne dautres Chinois, ne sauroit tre

    pratiqu par des Europens qui font leur sjour dans la Cour de P-kin,

    o tous les secours leur manquent. Cest ce qui ma engag ajouter

    quelques traits aux crayons un peu trop succints de Po-ki-tchang-sieou.

  • Portraits des Chinois clbres

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    En rassemblant quelques-uns des principaux traits qui caractrisent

    ceux des Chinois qui, depuis letablissement de leur monarchie, se sont

    rendus clebres dans le gouvernement, les lettres & les armes, je

    tracerai insensiblement le caractere de la nation elle-mme dans ses

    diffrens ges. Les Portraits des Personnages particuliers deviendront

    des Portraits gnraux. Les traditions populaires, les contes puriles

    quon y rencontrera quelquefois, y figureront & tourneront en preuve

    comme le reste. Ce morceau manquoit, je pense, la littrature

    franoise, & je suis bien aise de len enrichir. Du reste, je ne prtends

    donner ici quune lgere esquisse ; dautres, aprs moi, pourront achever

    ce tableau. Parmi les grands hommes quon verra parotre

    successivement sur la scene, il en est dont le mrite ne peut tre

    apprci que par ceux du pays ; parce que p.03.007 ce nest que dans le

    pays quon en connot le genre, & quon y fait cas de ceux qui lont

    possd dans un certain degr. Le lecteur doit donc se transporter en

    esprit la Chine pour y voir ce qui se pratique, & le voir, sil se peut, en

    vritable Chinois. Ce ne sera que de cette maniere quil pourra porter un

    jugement equitable, & sans prjug national.

    Il sen trouve aussi que les Abrgs de lhistoire Chinoise, imprims

    en Europe, ont dj, ce semble, suffisamment fait connotre. Jai cru

    nanmoins pouvoir y revenir, & les prsenter ma faon, parce que les

    coups de pinceau que jajouterai leurs Portraits, leur donneront la

    ressemblance, & les feront rentrer dans le costume dont on les avoir fait

    sortir.

    Il en est quelques-uns, enfin, dont je ne dirai guere ici que les noms ;

    parce que la postrit leur ayant dfr une place dans la salle de

    Confucius, je me rserve de les faire connotre, leur tour, la suite de

    lhistoire de ce Philosophe, lorsque je parlerai des Sages qui, en diffrens

    temps, ont illustr son ecole.

    Pour ce qui est de larrangement que jai donn ces Portraits, je

    men suis tenu lordre chronologique, comme etant le plus naturel. On

    pourra, si lon veut, leur en substituer un autre, & placer les Empereurs

  • Portraits des Chinois clbres

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    avec les Empereurs, les Ministres dEtat & les Magistrats avec ceux qui

    ont couru la mme carriere, les Lettrs avec les Lettrs, & les Guerriers

    avec les Guerriers. Javoue que jai cherch ma commodit en

    mattachant lordre que jai choisi ; on peut chercher la sienne, en le

    drangeant pour en suivre un autre 1.

    *

    Tome 5

    @

    p.05.069 Voici dix nouveaux Portraits de Chinois clebres. On trouvera

    dans ce que jai ecrit sur ces diffrens Personnages, une maniere, des

    dtails, un ton qui ne ressemblent probablement point ce quon a pu

    lire ailleurs dans le mme genre. Pour garder le costume, je devois

    parler des Chinois en Chinois, & conserver, dans ceux dont je parle,

    lempreinte du caractere national.

    Celui par qui je commence etoit tout la fois grand Capitaine &

    Ministre habile. Il eut pendant long-tems toute la confiance de ses

    Matres ; mais ayant et injustement souponn p.05.070 de vouloir

    envahir lautorit suprme, il reut la mort pour prix de ses services & de

    sa fidlit. Par le court expos que jai fait de ses principales actions & de

    sa conduite, on reconnotra sans doute quil etoit digne dun meilleur

    sort.

    Viennent ensuite les illustres Princes qui ont fond la grande Dynastie

    des Tang, je veux dire Li-yuen, qui lHistoire donne le nom de Kao-

    tsou, pour dsigner quil est le Chef de la race, & Ly-ch-min son fils,

    que la mme Histoire appelle Tay-tsoung, cest--dire le grand anctre,

    pour donner entendre que cest par lui sur-tout que sa race a

    commenc briller & setendre. Quand jai lu avec attention lHistoire

    de ces deux grands Princes, il ma paru que des Personnages qui ont

    jou le plus brillant rle dans la scne du monde, mritoient dtre

    1 On a suivi dans limpression lordre & les envois de lAuteur.

  • Portraits des Chinois clbres

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    connus particulirement, & je me flatte quon ne me saura pas mauvais

    gr des dtails dans lesquels je nai pas craint dentrer.

    Yu-tch-koung, qui par sa valeur, sa fidlit envers son Souverain, &

    son attachement particulier la personne du grand Ly-ch-min, a mrit

    que la postrit Chinoise le mt au rang des Esprits tutelaires de

    lEmpire, na pas d tre spar aprs sa mort du Prince quil a si bien

    servi pendant sa vie. Il veilla continuellement sur ses jours, il fut son

    bouclier contre les traits de lenvie, il lempcha de succomber sous les

    artifices de la trahison.

    Aprs lui on trouvera lHistoire de Fang-iuen-ling & de Tou-jou-hoei ;

    de Ly-tsing & de Ly-tsi ; tous quatre ont concouru la gloire immortelle

    dont jouit Tay-tsoung ; les deux premiers en leclairant de leurs

    lumieres, en partageant avec lui le pesant fardeau du Gouvernement ; &

    les deux autres en lui gagnant des batailles, en etendant les barrieres de

    son Empire jusque chez les nations recules de lOccident & du Nord.

    Je regrette de navoir pu completter les 24 Portraits qui, p.05.071 dans

    la Salle des grands Hommes, font cortege, si je puis mexprimer ainsi,

    ceux des deux premiers Empereurs des Tang. En les faisant connotre

    lun aprs lautre, jaurois fait insensiblement lHistoire presque entire

    de Li-yuen & de Ly-ch-min, & jaurois eu occasion de dcrire bien des

    vertus avant que den venir au simple enonc des crimes qui placerent la

    trop clebre Ou-ch sur le mme trne aprs eux.

    Cette femme, quon peut regarder comme lAthalie des Chinois,

    remplit la Maison Impriale de carnage & dhorreurs, lui ravit la

    couronne, & faillit la lui faire perdre pour toujours. Coupable des

    forfaits les plus affreux, teinte du sang des plus illustres ttes, elle eut

    limpudence de se qualifier du plus auguste des titres, en se disant la

    dlgue du Ciel, pour gouverner les hommes. Elle se fit appeler Ts-

    tien-hoang-heou.

    Le dernier des dix Chinois dont je donne aujourdhui les Portraits, est

    un Philosophe qui sut saccommoder au tems, sans manquer son

  • Portraits des Chinois clbres

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    devoir ; qui parvint aux premiers Emplois sans brigues comme sans

    ambition ; qui mit profit toutes les circonstances, pour faire le bien

    quil avoit pour objet ; & qui russit, sans parotre presque en avoir

    envie, faire lui seul ce dont des armes nauroient pu venir bout,

    sans inonder les campagnes de sang.

    Ce Sage sappelloit Ty-jin-ki, & fut Ministre sous la cruelle Ts-tien.

    Il prouva, par sa conduite & par ses succs, que la vertu eclaire dans

    un homme en place, lorsquelle a la modration & la douceur pour

    compagnes, triomphe tt ou tard de tous les obstacles, & se fait

    respecter mme des tyrans.

    Ty-jin-ki par ses avis, donns sans amertume & toujours propos ;

    par ses reprsentations quil avoit lart dadoucir, & par lintrt quil

    savoit mettre dans tout ce quil disoit, retint lEmpire dans la maison des

    Tang, lorsque la barbare Ts-tien etoit sur le point de len arracher pour

    le faire entrer dans sa propre maison.

    *

    Tome 8

    @

    Aprs deux annes dinterruption, je me suis remis mes Chinois

    clebres, & jai bauch les portraits de quelques-uns de ceux qui ont

    brill sous la grande Dynastie des Soung. On pourra les placer ct de

    ceux qui ont brill sous les autres Dynasties, & qui les ont prcds. On

    trouvera dans les uns & dans les autres de quoi se former une ide

    gnrale de la nation Chinoise dans les diffrens ges.

    Ces portraits, qui sont au nombre de treize 1 , feront voir en

    particulier, que la Chine na jamais t plus fconde en Philosophes & en

    Gens de Lettres que lorsque notre Europe toit, gnralement parlant,

    plonge dans lignorance la plus crasse & la plus profonde.

    1 [Les quatre derniers portraits sont dans le tome 10.]

  • Portraits des Chinois clbres

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    A lexception de lillustre Tchao-koang-yng, & de quelques autres

    Empereurs, tous ceux qui se prsenteront successivement sont des

    Lettrs du plus haut rang ; mais ces Lettrs nont pas seulement eclair

    leurs compatriotes par de savans ecrits, ils ont encore, servi la Patrie en

    y exerant, dune maniere peu commune, les emplois les plus importans.

    On en jugera par le court expos que je fais de ce qui les a rendus

    recommandables, & de ce qui a le plus contribu immortaliser leurs

    noms. Se-ma-koang, Tcheou-tchun-y, Tcheng-hao, Sou-che, quels

    hommes ! Rome & la Grce leur eussent galement dress des autels ; &

    nous lirions depuis long-tems en des langues que nous connoissons,

    lloge de leurs vertus encore plus que de leur science, sils avoient t

    Grecs ou Romains.

    Jai tch de lier lhistoire particuliere de ces hommes clebres, avec

    lhistoire gnrale de leurs tems, afin de prsenter aux yeux, une sorte

    de perspective o chaque objet part sa vritable place, & qui pt

    intresser le Lecteur des evnemens fastidieux peut-tre, par la

    maniere dont ils sont enoncs.

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  • Portraits des Chinois clbres

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    I

    TAI-HAO-FOU-HI-CH

    Fondateur de la Monarchie 1

    @

    p.03.008 Tai-hao, dont le nom propre etoit Fou-hi, & le surnom Soung,

    tenoit sa Cour Ouan-kieou : cest aujourdhui Tchen-tcheou dans le Ho-

    nan. Il rgna 115 ans. Le bois fut son emblme. On ne parle point de son

    pere ; on dit seulement que sa mere sappelloit Hoa-siu. Quelques-uns le

    font successeur de ce Soui-jen, auquel on attribue linvention du feu. Ils

    disent quil avoit la tte dun homme & le corps dun serpent : ce qui

    cependant ne doit pas se prendre la lettre, puisquen mme temps

    quils lui donnent un corps de serpent dans leurs ecrits, ils le peignent

    avec un corps dhomme.

    Fou-hi fut inventeur des filets pour la pche ; il apprit aux hommes

    lart de cuire les viandes & la maniere de les apprter. Cest pour cela

    quon lui a donn le nom de Pao-hi-ch. Sa vertu etoit semblable celle

    du ciel & de la terre ; & cest pour la constater aux yeux des hommes,

    que le ciel fit parotre sous son regne un phnix (foung-hoang) & un

    dragon (loung). Il parut aussi un cheval ail, qui etoit marqu sur son

    corps de certaines figures dont larrangement fournit Fou-hi loccasion

    de tracer les huit Koa. La vertu de ces Koa est spirituelle & toute

    cleste ; il nest rien quelle ne renferme, dit lHistorien. Voyez le Tome

    II, page 11 & suiv.

    p.03.009 Quelques nuds forms sur une corde etoient la seule

    maniere decrire avant Fou-hi. Sous ce Prince, on inventa des caracteres,

    1 Il y a des Lettrs en Chine qui ne remontent pas au-del de Yao, & qui renvoient dansles temps fabuleux ou incertains, tout ce qui regarde Fou-hi, Chen-noung, Hoang-ti, &c.Voyez le Tome I, pages 111 & 149 jusqu 244.

  • Portraits des Chinois clbres

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    auxquels on donna des noms particuliers, afin que tout le monde pt les

    apprendre, les retenir, & sen servir dans loccasion. Il noublia rien pour

    en fortifier lusage, & tout lart de lecriture fut renferm dans six

    prceptes.

    Avant lui, il ny avoit point de mariage dtermin ; il etablit une

    maniere de contracter cette union, & des crmonies pour en constater

    la ralit. Il assigna chacun des epoux, des devoirs particuliers

    remplir ; & par ce moyen il etablit des regles de biensance, & des

    murs. Il inventa aussi la Musique, & le premier usage quil en fit, fut de

    chanter le triomphe quil avoit remport sur lignorance & la barbarie.

    Linvention de la Musique fut suivie de celle de deux instrumens

    cordes, dont lun sappelle Kin & lautre Ch.

    Les hommes etant rassembls, & faisant un corps de nation, il leur

    falloit des chefs pour les astreindre au bon ordre, & le leur faire

    observer. Fou-hi tablit des Magistrats, auxquels il donna le nom de

    dragons.

    Enfin, aprs avoir travaill pendant lespace de 115 ans adoucir les

    murs de ces hommes barbares qui setoient soumis sa domination,

    aprs avoir tch de les mettre en etat de se procurer les commodits de

    la vie, il mourut.

    On ne sauroit assigner le tems prcis auquel il a vcu. Ce quon sait

    certainement, cest quil a et la Chine, quil y a donn des loix, & quil

    y est mort. On montre encore son tombeau, pour lequel les Chinois ont

    une espece de vnration.

  • Portraits des Chinois clbres

    13

    II

    YEN-TI, CHEN NOUNG-CH

    Empereur

    @

    p.03.010 Ce Prince est appell indiffremment du nom de Chen-noung,

    de Yen-ti, & de Kiang ; il tenoit sa Cour Ku-fou-hien, dans le Chan-

    tong. Sa mere sappelloit Jen-se, ou Ngan-teng. On lui donne le feu

    pour symbole, parce quil etoit expditif & exact traiter les affaires.

    Il inventa les instrumens du labourage, & apprit aux hommes les

    diffrentes manieres de cultiver la terre. Il connut les plantes

    venimeuses & celles qui sont salutaires ; il inventa la mdecine. Les

    mdecins & les laboureurs le reconnoissent pour leur premier matre, &

    tous les hommes pour leur bienfaiteur.

    Il etablit des marchs pour lechange des denres, & fit des

    rglemens pour y etablir de justes proportions & obvier aux fourberies.

    On lui attribue quelques livres sur lagriculture, & on le fait auteur

    dun ouvrage sur la mdecine, qui est encore aujourdhui entre les mains

    de tout le monde. Il renferme en substance tout ce quon peut dire de

    mieux sur lart de connotre les maladies & dappliquer des remedes pour

    les gurir. Si cet ouvrage nest pas de lui, il est certainement de quelque

    auteur qui vivoit dans les premiers siecles de la monarchie.

    Le sentiment le plus commun des historiens Chinois, en que Chen-

    noung fut le successeur de Fou-hi, & quil rgna pendant 145 ans. On ne

    peut fixer le tems auquel il a vcu. Il ny a sur cela que des conjectures,

    dont ce nest pas ici le lieu de faire usage.

  • Portraits des Chinois clbres

    14

    En reconnoissance des bienfaits dont les hommes sont redevables

    Chen-noung, la postrit lui a elev des temples, dans lesquels elle fait

    chaque anne des sacrifices en son honneur.

  • Portraits des Chinois clbres

    15

    III

    HOANG-TI, YEOU-HIOUNG-CH

    Empereur Lgislateur

    @

    p.03.011 Outre les noms de Hoang-ti, & de Yeou-hioung-ch, ce Prince

    porte encore ceux de Kou-sun & de Hiuen-yuen ; sa mere sappelloit

    Fou-pao.

    Ds quil fut en possession de lEmpire, aprs la mort de Tch-yeou,

    quil dfit dans les plaines de Tcho-lou, il mit tous ses soins le bien

    gouverner. La guerre ne loccupoit plus ; il etoit tems quil mt la main

    la grande lgislation quil avoit mdite. Il fit choix de six personnes

    habiles, dont il crut que les lumieres pouvoient leclairer pour lexcution

    de sa grande entreprise ; les noms de ces personnes sont Foung-heou,

    Li-mou, Tay-chang, Ki-tchang, Sien-ta, & Ta-houng. Outre ces six

    ministres, il cra des mandarins, auxquels il donna le nom de nuages, &

    prit la terre pour symbole de son regne.

    Il ordonna Ta-nao de composer le cycle de 60, qui rsulte de lunion

    des dix Kan ou troncs, avec les douze Tch ou branches. Par ses ordres

    Young-tcheng travailla sur lastronomie, & fit une sphere universelle.

    Ling-lun travailla sur la musique, en rgla les cinq tons & fit plusieurs

    instrumens, auxquels peu--peu on en ajouta quelques autres. Il rgla

    ensuite les principales crmonies, & dtermina la forme du bonnet &

    des habits. Il construisit un palais & donna des regles darchitecture.

    Avec le secours de Ki-p, il composa un livre qui traite de tout ce quil y

    a de plus essentiel savoir. Ce livre subsiste encore, ce quon

    prtend ; il porte le titre de Hoang-ty-fou-ouen.

    Limpratrice Si-ling-ch, son epouse, eleva des vers soie, &

    enseigna la maniere de cultiver les mriers. Enfin les sciences p.03.012 &

  • Portraits des Chinois clbres

    16

    les arts furent presque tous trouvs sous le regne de Hoang-ti. Le

    Foung-hoang & le Ki-lin parurent.

    Hoang-ti sentant que sa fin approchoit, se transporta King-chan, fit

    fondre au pied de la montagne trois de ces vases que lon appelle ting. Il

    mourut le quinzieme jour de la huitieme lune, dans la centieme anne de

    son regne, & dans la cent vingt-unieme de son ge, la deux mille cinq

    cens quatre-vingt-dix-huitieme avant J. C. Son corps fut dpos Kiao-

    chan.

  • Portraits des Chinois clbres

    17

    IV

    TSANG-KI

    Ministre

    @

    On croit communment que Tsang-ki vivoit du tems de Chen-noung,

    dont il fut, dit-on, un des ministres. Dautres le font vivre du tems de

    Hoang-ti. Tout le monde saccorde dire quil est le premier inventeur

    des caracteres. Ayant vu, dit lHistorien, les vestiges des pieds des

    oiseaux imprims sur la terre ou le sable, il imagina que des figures

    semblables celles quil voyoit pourroient former une espece decriture,

    & en inventa les caracteres. Hoai-nan-tse dit que lorsque Tsang-ki

    composoit ses caracteres, le ciel fit tomber une pluie abondante de

    grains, & que les Esprits verserent des larmes. Depuis linvention des

    caracteres, ajoute-t-il, la simplicit a disparu de ce monde ; les

    fourberies & la duplicit ont pris sa place ; on a abandonn les devoirs

    essentiels, & lon ne sest attach le plus souvent qu des travaux

    dangereux ou futiles ; on a nglig de cultiver la terre, & lon a mis tous

    ses soins se perfectionner dans lart de bien former des lettres, de les

    sculpter ou de les graver. Le ciel, prvoyant la faim venir, fit tomber

    sur la terre une abondante pluie de grains : les Esprits, prvoyant tout

    ce que des hommes peu p.03.013 crdules, mais eloquens, ecriroient

    contre eux & contre leur culte, dans la suite des siecles, en pleurerent de

    douleur.

  • Portraits des Chinois clbres

    18

    V

    CHAO-HAO, KIN-TIEN-CH

    Empereur

    @

    Il etoit fils de Hoang-ti, & fut son successeur lEmpire : Son premier

    nom etoit Tch, & son surnom Ki. Il tint sa cour Ku-fou-hien, & rgna

    quatre-vingt-quatre ans, depuis lan avant J. C. 2597, jusqu lan 2514

    inclusivement.

    Il marcha dabord sur les traces du grand Tai-hao son pere. Il prit les

    mtaux pour le symbole de son regne. Il ajouta aux premieres

    inventions de son pere ; & tout ce qui est ncessaire pour lusage

    ordinaire de la vie, fut ou trouv ou perfectionn de son tems. Il

    composa la musique surnomme ta-yuen-yo. La fin de son regne ne

    rpondit pas de si beaux commencemens. Chao-hao se pervertit par

    les flatteries & les perfides leons dun nomm Kieou-ly, homme adonn

    la magie. Les peuples, lexemple du Souverain, furent bientt

    corrompus. Ils ne craignirent plus doffenser le ciel ; ils redouterent

    seulement la colere des mauvais esprits, auxquels seuls ils offroient des

    sacrifices. Il ntoit presque aucune famille, qui net ses pratiques

    particulieres pour se mettre sous la protection de quelquun de ces tres

    invisibles, quils croyoient pouvoir les favoriser ou leur nuire.

    De si grands changemens dans les murs & dans la religion en

    attirerent dans la nature. Les maladies inonderent le monde ; la vie de

    lhomme fut considrablement abrge, & la paix disparut. Tous ces

    malheurs arriverent par la faute dun seul homme, parce que cet homme

    etoit la tte de tous les autres.

  • Portraits des Chinois clbres

    19

    VI

    TCHOAN-HIU, KAO-YANG-CH

    Empereur

    @

    p.03.014 Il etoit petit-fils de Hoang-ti, par Tchang-y. Sa mere sappelloit

    Tcho-chan-ch, & autrement Tchang-pou.

    Ds lge de dix ans, Tchoan-hiu entra dans le ministere, sous Chao-

    hao, dont dix ans aprs il fut le successeur ; car il monta sur le trne

    ntant g que de vingt ans ; ce fut lan avant J. C. 2513, onze ans aprs

    la naissance dAbraham ; il tint sa Cour Ti-kieou, qui est aujourdhui

    Pou-yang, dans le Chan-tong, & rgna soixante-dix-huit ans ; il prit leau

    pour le symbole de son regne.

    Il etoit savant & vertueux. Parmi les personnages illustres qui se

    distinguerent de son tems, on fait mention dun Tchen-tchoung qui eut le

    dpartement des provinces du midi, & le soin de ce qui concernoit

    lastronomie. Lhistoire fait mention encore dun nomm Tchong-li, qui le

    dpartement des provinces du nord fut donn avec la charge dInspecteur

    gnral de toutes les affaires de lEmpire.

    Tout alloit bien sous un aussi grand Prince & sous de tels ministres.

    LEmpereur fit mettre mort linfame Kieou-ly, auteur de tout le mal qui

    setoit fait sous le regne prcdent. Il abolit le culte superstitieux des

    Esprits, & ramena les hommes leurs devoirs. Il ordonna que le tribunal

    dAstronomie quil avoit lui-mme erig, feroit dsormais, chaque anne,

    un calendrier. Il dtermina quelle seroit la lune quon compteroit la

    premiere de lanne, le jour que commenceroit la premiere lune ; cest-

    -dire, quil rforma lancien calendrier. Il fit calculer aussi le moment

    des conjonctions pour les cinq Planetes, pour servir aux Astronomes

    comme dpoque fixe pour les calculs venir ; ce qui lui a fait donner le

  • Portraits des Chinois clbres

    20

    nom de p.03.015 Pere de lAstronomie. Il composa la Musique Tcheng-yun,

    pour tre employe dans les sacrifices quil offroit au ciel. Enfin, aprs

    avoir fait tous ses efforts pour rendre les hommes bons & vertueux, il

    mourut dans la quatre-vingt-dix-septieme anne de son ge. Cetoit la

    quatorzieme de la vocation dAbraham, lan avant J. C. 2436.

  • Portraits des Chinois clbres

    21

    VII

    TI-KOU, KAO-SIN-CH

    Empereur

    @

    Le nom propre de ce Prince etoit Tsun, & son surnom Ki. Il etoit fils

    de Kiao-ki, & petit-fils de Chao-hao. A lge de quinze ans il fut employ

    dans le Gouvernement par Tchoan-hiu, qui lui donna en appanage le

    pays de Sin, do il prit le nom de Yeou-sin-ch. Devenu Empereur, il tint

    sa Cour Po, ou Po-tcheou, quon appelle aujourdhui Yen-che-hien dans

    le Ho-nan, & prit le bois pour le symbole de son regne. Il avoit lesprit vif

    & pntrant. Attentif sur lui-mme, il ne laissoit echapper ni parole ni

    geste ne fussent dans toute la dcence de son etat. Libral, bienfaisant,

    il ne cherchoit en tout que lavantage de son peuple, dont il etoit autant

    le pere que le Souverain.

    Il eut quatre femmes, qui toutes sont recommandables. La premiere

    sappelloit Kiang-yuen ; aprs quelque temps de strilit, elle pria

    lEmpereur son epoux de vouloir bien offrir avec elle un sacrifice au ciel,

    pour obtenir un fils. Le sacrifice eut lieu. Kiang-yuen conut & mit ensuite

    au monde un fils qui fut nomm Ki ; cest de lui que sortirent les Tcheou,

    ou les Empereurs de la troisieme dynastie.

    La seconde sappelloit Kin-tou. Elle etoit fille de Tchen-foung-ch, &

    fut mere du sage Yao, sous qui arriva le dluge.

    p.03.016 La troisieme avoit pour nom Kien-ti. Elle toit fille de Yeou-

    ngo-ch, & fut mere de Si, dont les Empereurs de la seconde dynastie

    tirent leur origine. Ce Si est connu aussi sous le nom de Ki.

    La quatrieme fut mere de Tch ou Tsi. Elle sappelloit Tchang-y, &

    etoit fille de Tseou-tsi-ch.

  • Portraits des Chinois clbres

    22

    Ti-kou fit composer la Musique Kieou-chao. Enfin, aprs soixante-neuf

    ans de regne, il mourut g de cent cinq ans, lan avant J. C. 2367, trois

    ans avant la naissance dEsa & de Jacob. Son corps fut dpos dans le

    pays de Hio. Il eut pour successeur immdiat son fils Tch ; mais ce

    Prince nayant aucun talent pour le gouvernement, les Grands & le

    Peuple le detrnerent, pour lui substituer le grand Yao, son frere.

  • Portraits des Chinois clbres

    23

    VIII

    TI-YAO, TAO-TANG-CH

    Empereur

    @

    Yao 1 etoit fils de Ti-kou & de Kin-tou, qui netoit que la deuxieme des

    epouses de ce Prince. Il navoit que treize ans quand Tch, son frere,

    monta sur le trne. Il eut dabord pour appanage le pays de Tao &

    ensuite celui de Tang. Cest pour cette raison qu son nom de Yao, on a

    ajout le titre de Tao-tang-ch. Il portoit dans sa jeunesse le nom de Y-

    ki. Son frere Tch ayant et jug incapable de gouverner, il fut mis sa

    place par les Grands & le Peuple. En montant sur le trne, il choisit Ping-

    yang pour tre le lieu de sa Cour, & prit le feu pour symbole de son

    regne. Il ordonna aux Astronomes, Hi & Ho, de faire un Calendrier qui

    indiqut au peuple les diffrens temps de lanne, qui marqut les lunes

    p.03.017 quil falloit intercaler, & qui dtermint exactement le

    commencement de chacune des quatre saisons de lanne, afin que tout

    ft dans lordre.

    Yao, dit lhistoire, aimoit les hommes autant que le Ciel lui-mme

    peut les aimer ; eclair comme les Esprits, il avoit une vertu semblable

    celle du soleil, qui eclaire & echauffe en mme temps ; & les peuples

    avoient autant de confiance en ses bienfaits quen ceux quils recevoient

    des nues. Il ne se piquoit pas davoir de beaux palais, des meubles

    prcieux pour ses appartemens, des mets exquis pour sa table, ni des

    equipages brillans & lestes pour se transporter dun lieu un autre. Rien

    de plus simple que sa demeure, rien de plus frugal que sa table, rien de

    moins recherch que son habillement. Ayant gouverner les hommes, il

    ne soccupa que des moyens de pouvoir les rendre heureux. Il leur

    1 Cest le premier Empereur dont il soit parl dans le Chou-king.

  • Portraits des Chinois clbres

    24

    donna lexemple dune vie laborieuse & simple ; il ne se nourrissoit lui-

    mme que de mets les plus communs & les plus grossiers, quon ne lui

    servoit que dans une vaisselle de terre ; il ne shabilloit que de toile, &

    ne changeoit de chaussure ou dhabits que lorsque les premiers etoient

    hors detat de servir ; il nemployoit, au lieu de fourrure, pour se garantir

    du froid pendant lhiver, quune peau de cerf, & ne se dchargeoit sur

    personne de ce quil pouvoit faire lui-mme ; enfin, il portoit seul tout le

    fardeau de lEmpire, tant quil fut en etat de se passer de secours. Ce fut

    sous le regne dun Prince si sage & si humain, que les hommes

    eprouverent un des plus grands flaux dont ils oient conserv la

    mmoire ; je parle de ce dluge dont les eaux couvrirent presque toute

    la Chine, & y firent des ravages qui furent si difficiles rparer. Voyez le

    tome I, page 157.

    Yao avoit epous la fille de San-y-ch. Il en eut un fils, qui est connu

    sous le nom Tan-tchou. Mais comme il ne le jugea pas digne de lui

    succder, il demanda que parmi ses p.03.018 sujets, on lui trouvt

    quelquun qui pt gouverner lEmpire aprs lui. On lui nomma Chun, quil

    fit dabord son collegue, & auquel il donna ses deux filles en mariage.

    Lanne de lassociation de Chun est la soixante-treizieme du regne de

    Yao, & la 2285e avant lere chrtienne. Enfin, aprs avoir rgn encore

    vingt-huit ans, Yao mourut la cent-seizieme anne de son ge, lan

    avant J. C. 2258. Il avoit compos la Musique Ta-tchang, pour tre

    employe pendant les sacrifices, & pour chanter les mrites des grands

    hommes. Il avoit fait encore quantit detablissemens utiles, dont on

    peut voir le dtail dans le Chou-king & dans lhistoire. Cest un des

    hommes de la Chine quon propose pour modele, & dont le nom ne

    prira probablement jamais dans un pays o il est en si grande

    vnration.

  • Portraits des Chinois clbres

    25

    IX

    TI-CHUN, YEOU-YU-CH

    Empereur

    @

    Ce Prince avoit pour nom propre Yao (par un caractere diffrent de

    celui qui dsigne lEmpereur Yao). Il etoit descendant de Hoang-ti, la

    huitieme gnration. On vient de voir que Yao etant parvenu la

    soixante-treizieme anne de son regne, prit Chun pour son collegue &

    lassocia lEmpire. Yao etant mort, les Grands & le Peuple, dune

    commune voix, elurent Chun pour leur lgitime Empereur, & lui

    donnerent le bois pour le symbole de son regne.

    Chun etablit sa Cour Pou-pan. Il chargea Joui-ki & Yu-hen du soin

    de tout ce qui concernoit lAstronomie. Il nomma Yu, Heou-ki, Ki, Kao-

    tao, Tsoui, Y, Pai-y, Koui & Loung, pour tre les neuf principaux Officiers

    qui devoient laider dans ladministration de la justice pour toutes les

    affaires de lEmpire. Mais Heou-ki fut celui de tous p.03.019 quil

    affectionna le plus. Ds ses premieres annes Chun setoit adonn

    lagriculture. Toute sa vie il respecta cette profession, & composa un livre

    sur les diffrentes manieres de cultiver la terre. Il travailla aussi

    perfectionner les Sciences & les Arts ; mais il sappliqua sur-tout faire

    fleurir la vertu.

    Pour faciliter ses sujets un accs libre auprs de sa personne, & afin

    quils pussent lavertir immdiatement des fautes quils avoient

    remarques dans sa conduite, il fit placer la porte de son palais un

    tambour & un King. On frappoit sur lun de ces instrumens, & lon etoit

    admis sur le champ. Outre cela, il avoit fait mettre sur son char, dautres

    disent sur une des portes de son palais, une planchette sur laquelle il

  • Portraits des Chinois clbres

    26

    etoit libre chacun daller ecrire les dfauts dont on vouloit quil se

    corriget.

    Il se portoit de lui-mme, & sans attendre les reprsentations de ses

    Mandarins, tout ce quil croyoit tre lavantage de ses sujets. Il

    respecta les sages & les vieillards. Il assigna, pour ceux dentre eux qui

    navoient pas de quoi se procurer les commodits de la vie, une demeure

    particuliere o ils etoient dcemment entretenus.

    On prtend quil faisoit enterrer lor, pour tmoigner le mpris quil

    avoit pour ce mtal, & que son aversion pour le luxe lui fit condamner

    lusage des perles & des pierres prcieuses. La flatterie neut jamais

    daccs auprs de lui ; mais il ecoutoit volontiers les sages & suivoit leurs

    conseils.

    Il est inventeur du Kin cinq cordes, & auteur de la chanson qui

    commence ainsi : Le vent du midi amene la chaleur & dissipe la

    tristesse ; quil en soit de mme de Chun ; quil fasse la joie & la

    consolation de son peuple, &c. Il composa la Musique Kieou-chao-yo, qui

    est une Musique douce & faite pour inspirer la concorde & la paix. Il

    aimoit son peuple, dit lHistorien, comme un tendre pere aime ses enfans

    & ce fut par p.03.020 un effet de cette tendresse quil choisit Yu,

    prfrablement Chang-kiun, son propre fils, pour lui succder dans le

    gouvernement de lEmpire. Enfin, allant visiter les montagnes du midi,

    sur lesquelles il devoit offrir des sacrifices au ciel, comme il avoit

    coutume de le faire certains temps dtermins, il tomba malade, &

    mourut dans un lieu nomm Tsang-ou, lge de cent dix ans, dans la

    soixante-unieme anne de son regne. Ce fut lan avant J. C. 2208, huit

    ans aprs la mort de Jacob.

  • Portraits des Chinois clbres

    27

    X

    KAO-TAO

    Ministre

    @

    Tchoan-hiu, Kao-yang-ch, troisieme Empereur aprs Hoang-ti, avoit,

    sous son regne, huit personnages illustres quon appelloit communment

    les Pa-kai, cest--dire, les huit Kai. Kao-tao, autrement dit Ting-kien,

    est le sixieme de ces illustres. LEmpereur Chun, sous le regne duquel il

    vivoit encore, aprs avoir servi sous Tchoan-hiu & Yao, avec beaucoup

    de distinction, le mit la tte de la justice. Il etablit cinq sortes de

    supplices pour punir les coupables, suivant la grivet de leurs crimes ;

    mais il neut guere occasion den faire usage. Le peuple, auquel il avoit

    appris les cinq devoirs capitaux de lhomme, les pratiquoit si bien, que

    les chtimens devinrent hors dusage. Tout le monde se portoit de lui

    mme au bien, & gardoit en toute chose le juste milieu.

  • Portraits des Chinois clbres

    28

    XI

    HEOU-TSI

    Ministre

    @

    Il avoit pour nom-propre Ki, & pour surnom Ki ou Tsi, il etoit fils de

    Kiang-yuen, la principale des epouses de Ti-kou. p.03.021 Ds quil fut n,

    sa mere le fit porter dans un lieu dsert ; mais les btes froces, ni les

    oiseaux de proie, ne lui ayant fait aucun mal, Kiang-yuen comprit que ce

    fils, dont elle ne vouloit pas, etoit un enfant que le ciel protgeoit, elle le

    reprit & lleva avec soin. Elle lui donna alors le nom de Ki, qui signifie

    enfant abandonn. Devenu grand, Ki soccupa des travaux de la terre. Il

    engagea la plupart de ses amis & de ceux de sa connoissance suivre

    son exemple. Il leur apprit les meilleures manieres de la faire valoir ; &

    la fertilit quils lui donnerent en lui confiant les cinq sortes de grains, les

    rendit clebres dans tout lEmpire. Yao donna Ki le titre de Se-noung,

    ou dInspecteur gnral de tous les travaux qui ont rapport la culture

    de la terre.

    Le Fondateur de la troisieme dynastie, dite la dynastie des Tcheou,

    fait remonter son origine jusqu lui, & lui donna, en montant sur le

    trne imprial, le titre de Heou ; cest pourquoi il est connu sous le nom

    de Heou-tsi.

  • Portraits des Chinois clbres

    29

    XII

    TA-YU

    Empereur

    @

    Son nom propre etoit Se. Il etoit descendant de Hoang-ti, & fils de

    Pe-kouen. Avant quil prit les rnes du gouvernement, il eut la douleur

    de voir mettre mort celui dont il tenoit la vie, pour stre nglig dans

    limportante commission quil eut sous le regne de Yao de rparer les

    dommages causs par le dbordement des eaux. Il fut charg de la

    mme commission, & sen acquitta plus heureusement que son pere.

    Pendant treize annes entieres, il npargna ni soins, ni travaux, ni

    fatigues, pour venir bout de son entreprise ; & pendant quil etoit ainsi

    occup, il nentra pas une seule p.03.022 fois dans sa maison, quoiquil et

    pass jusqu trois fois devant sa porte.

    Il avoit des barques pour les voyages quil faisoit par eau, & des

    chariots pour ceux quil faisoit par terre, placs les unes & les autres de

    distance en distance pour servir au besoin. Il avoit fait faire aussi des

    especes de traneaux, dont le fond etoit plat & uni, & que des hommes

    poussoient par derriere, tandis que dautres tiroient par devant. Il sen

    servoit dans les lieux humides & marcageux. Lorsquil etoit oblig de

    traverser les montagnes, il y grimpoit, au moyen dune chaussure arme

    de pointes de fer.

    Il fit aussi des canaux pour communiquer dun endroit un autre

    dans les neuf pays qui furent habitables aprs le dluge ; & ces canaux

    formerent ensuite des rivieres. Il fit aussi des chemins pour

    communiquer aux neuf principales montagnes.

    Aprs quil fut mont sur le trne, il se donna tout entier aux pnibles

    soins du gouvernement : voulant savoir tout ce qui se passoit dans

  • Portraits des Chinois clbres

    30

    lEmpire, il fit faire quatre sortes dinstrumens pour tre placs la porte

    de son palais. Ds que le son de quelquun de ces instrumens venoit

    frapper son oreille, il faisoit entrer celui qui vouloit avoir audience, ou se

    rendoit lui-mme la porte pour lentendre.

    Il tenoit sa cour Ngan-y, & convoqua une assemble gnrale

    Tou-chan, o il reut les hommages & les prsens de tous les tributaires

    de lEmpire. Il fondit neuf vases appells Ting, sur lesquels furent

    graves les neuf Provinces qui partageoient alors lEmpire. Il dfendit

    lusage du vin, parce que, disoit-il, cette liqueur etoit capable de porter

    aux plus grands excs ceux qui en abusoient.

    Il ecoutoit avec beaucoup dattention, & mme avec une sorte de

    respect, ceux qui lui donnoient des avis. Il composa p.03.023 la musique

    Ta-hia. Enfin aprs un regne de vingt-sept ans, il mourut dans la

    centieme anne de son ge regrett de tous ses sujets. Un de ses fils,

    nomm Ki, lui succda lan avant Jesus-Christ 2197. Quand Ninias, fils

    de Ninus & de Smiramis, monta sur le trne dAssyrie, lEmpire Chinois,

    qui jusqualors avoit et lectif, devint hrditaire. Yu fut le Fondateur de

    cette premiere dynastie, dite des Hia.

  • Portraits des Chinois clbres

    31

    XIII

    TCHENG-TANG

    Empereur

    @

    Tcheng-tang, Fondateur de la seconde dynastie, dite la dynastie des

    Chang, ou des Yn, etoit descendant la treizieme gnration dun des

    Ministres de Chun, appell Si. Pour rcompenser le mrite & les

    services de Si, lEmpereur Chun erigea en Principaut le pays de Chang

    dans le Ho-nan, & lui en donna linvestiture. Les descendans de Si

    gouvernerent successivement ce petit Etat jusqu Tchen-tang, que la

    voix unanime, tant des grands que du peuple plaa la tte de tout

    lEmpire.

    Outre le nom de Tcheng-tang, ce Prince porte encore ceux de Tien-y,

    de Ly & de Tang-ouang. Il sappelloit See avant que dtre Empereur. A

    peine fut-il mont sur le trne, quun de ses premiers soins fut de faire

    revivre les anciennes loix, & de rappeller les hommes la vertu. On

    rapporte de lui qutant un jour se promener, il apperut un oiseleur. Il

    va droit lui, examine le filet qui etoit grand & quatre faces. Il coupe

    trois de ces faces, en laissant seulement la quatrieme, & se tournant du

    ct de la campagne, comme sil et d tre entendu par les oiseaux, il

    leur adressa ces paroles :

    Vous pouvez maintenant voler dans les airs, courir droite

    & gauche, suivant votre bon plaisir ; mais si vous p.03.024 vous

    ecartez, & que vous deveniez nuisibles, il reste encore assez de

    filet pour vous prendre.

    Ces paroles de Tcheng-tang adresses en apparence aux oiseaux,

    mais que ses nouveaux sujets pouvoient sappliquer & sappliquerent en

  • Portraits des Chinois clbres

    32

    effet, furent bientt rpandues de tous cts. Un Prince des environs,

    qui on les rapporta, secria :

    Il nen faut pas douter, Tang est un vrai sage, il mrite de

    gouverner lEmpire & lUnivers.

    Ce Prince ne fut pas, parmi les etrangers, le seul qui admira les vertus

    de Tcheng-tang, les quarante Royaumes quon connoissoit alors, avoient

    pour lui la plus profonde vnration.

    Sous le regne de Tcheng-tang, cest--dire entre lan avant Jesus-

    Christ 1766 & 1754, lEmpire fut afflig dune scheresse qui dura sept

    annes de suite. Le Tribunal des Rits dclara quil falloit faire des prieres,

    & offrir des sacrifices pour appaiser le Ciel.

    Je prierai, joffrirai des sacrifices, dit Tcheng-tang, pour

    appaiser le Ciel en faveur de mon peuple, je serai en mme

    temps sacrificateur & victime. Je suis le seul coupable, je dois

    tre le seul immol.

    Il coupa ses cheveux & ses ongles, il couvrit son corps de plumes

    blanches, & de poils de quadrupedes ; montant ensuite sur son char qui

    toit simple & sans peintures, & auquel il avoit fait atteler des chevaux

    blancs, il se fit conduire dans un lieu nomm Sang-lin. Arriv au pied de

    la montagne, il descend de son char, se prosterne la face contre terre, &

    se relevant ensuite, il saccuse devant le Ciel, & en prsence des

    hommes,

    1 Davoir eu de la ngligence instruire ses sujets.

    2 De ne les avoir pas fait rentrer dans le devoir lorsquils sen etoient

    ecarts.

    3 Davoir fait des palais trop superbes, & dautres dpenses

    superflues en btimens.

    4 Davoir eu trop de femmes, & davoir eu trop de tendresse pour

    elles.

  • Portraits des Chinois clbres

    33

    5 p.03.025 Davoir pouss trop loin la dlicatesse pour les mets de sa

    table.

    6 Enfin davoir trop ecout les flatteries de ses favoris & de quelques

    grands de sa cour.

    A peine eut-il fini lhumble confession de ses fautes, que le ciel, de

    serein quil etoit auparavant, se couvrit tout--coup, & fit tomber sur la

    terre une pluie des plus abondantes, dont elle fut suffisamment abreuve

    pour reprendre sa premiere fertilit.

    Tcheng-tang fit exploiter une mine de cuivre au pied de la montagne

    Tchouang-chan. De ce cuivre il fit faire des pieces de monnoie, qui furent

    distribues au peuple.

    Il composa la musique Ta-hou, & mourut regrett de tous ses sujets.

    Son petit-fils Tay-kia lui succda lan avant Jesus-Christ 1753. Trois ans

    aprs que le Peuple de Dieu eut et rduit en servitude pour la seconde

    fois.

  • Portraits des Chinois clbres

    34

    XIV

    Y-YN

    Ministre

    @

    Son nom-propre etoit Tsi. Il descendoit de Li-mou, qui fut ministre

    sous Hoang-ti, & naquit Koung-fan-tcheng. Quand il fut grand, il se

    transporta prs des bords de la riviere Y-choui, dont il voulut porter lui-

    mme le nom en se faisant appeller Y. On lui donna pour surnom

    Tcheng, qui signifie qui a de la droiture, qui est vrai & sincere, &c. Il

    labouroit la terre dans les campagnes de Yeou-king, lorsque Tcheng-tang

    lui envoya des prsens & une espece dambassade en forme, pour le

    prier de venir laider gouverner son peuple, & mettre le bon ordre

    dans ses Etats. Y-yn se rendit aux sollicitations de Tcheng-tang, & eut la

    meilleure part au p.03.026 gouvernement. Tcheng-tang, alors Prince de

    Chang, deploroit en secret le triste sort des sujets de lEmpire sous le

    regne dun Prince tel que le barbare Ki-koui. Il exhorta Y-yn travailler

    de toutes ses forces, pour faire rentrer lEmpereur dans le chemin que

    ses anctres lui avoient trac. Il lui donna pour cela la qualit de son

    Envoy, & le fit partir pour la Cour impriale ; mais Ki-koui etoit trop

    endurci dans le crime, pour respecter encore la vertu & pour faire cas de

    ceux qui la pratiquoient. Il renvoya Y-yn qui, de retour chez Tcheng-

    tang, y continua son premier emploi.

    Dans ce tems-l le Prince de Tchou, nomm Ko-p, ngligeoit

    entirement ses devoirs, & en particulier les sacrifices. Tcheng-tang & Y-

    yn se mirent la tte de quelques troupes, combattirent le Prince de

    Tchou, & remporterent sur lui une pleine victoire.

    Peu de tems aprs cette premiere expdition, les sujets de lEmpire

    ne pouvant plus supporter le joug que le cruel Ki-koui ne cessoit

  • Portraits des Chinois clbres

    35

    daggraver sur eux, le secouerent enfin, & appellent le sage Tcheng-tang

    pour les gouverner. Il fallut combattre encore, & Ki-koui fut

    entirement dfait. Devenu Empereur, Tcheng-tang voulut que Y-yn ft

    son premier Ministre.

  • Portraits des Chinois clbres

    36

    XV

    FOU-YU

    Ministre

    @

    Ou-ting, second Empereur de la seconde dynastie, eut un songe dans

    lequel il vit un Sage, que le Ciel lui destinoit pour tre son Ministre, afin

    que, par son moyen, il pt faire revivre le bon gouvernement de Yao, de

    Chun & de p.03.027 Tcheng-tang. A son rveil, lEmpereur fit peindre le

    Sage quil avoit vu, en donnant les principaux traits qui pouvoient servir

    le faire reconnotre. On chercha dans tout lEmpire un homme qui

    ressemblt ce portrait. On le trouva travaillant actuellement la

    corve pour les rparations de la digue de Fou-yen. On le conduisit la

    Cour, & lEmpereur scria en le voyant :

    Cest lui que jai vu en songe ; cest lui-mme.

    Le Sage ne fut pas dconcert par lappareil du trne, il parut tre sa

    place ; & par ses rponses toutes les demandes quon lui fit sur les

    objets les plus importans de la politique ; il donna des preuves dune

    sagesse consomme, qui firent conclure Ou-ting que ctoit

    vritablement l le Sage que le Ciel lui destinoit. Il le nomma ds-lors

    son premier Ministre ; & en le priant de ne pas refuser cet emploi, il lui

    promit que de son ct il seroit toujours docile ses avis, &

    nentreprendroit jamais rien sans lavoir consult.

    Fou-yu se chargea du pesant fardeau du ministere, mit tous ses

    soins procurer la gloire de lEmpire, & faire le bonheur des peuples,

    de sorte quen trs-peu de temps on crut tre gouvern par les Sages de

    la haute antiquit.

  • Portraits des Chinois clbres

    37

    Il sappelloit dabord du simple nom de Yu ; il prit, tant Ministre, le

    surnom de Fou, qui signifie, Assistant du Prince, celui qui fait les

    fonctions de matre envers les enfans du Souverain.

  • Portraits des Chinois clbres

    38

    XVI

    TCHEOU, OUEN-OUANG

    Roi de Si-p

    @

    Le nom propre de Ouen-ouang etoit Tchang-p, & son surnom Ki. Il

    descendoit de Hoang-ti par Heou-ki. Son pere Ki-li & sa mere Tay-jin

    employerent tous leurs soins pour p.03.028 llever dans la vertu ; ils y

    russirent au-del mme de leur esprance ; Ouen-ouang a et sans

    contredit un des plus sages Princes quait eu la Chine.

    Il gouverna le petit tat, qui etoit hrditaire dans sa famille, avec

    une entiere satisfaction non seulement de ses propres sujets, mais

    encore de ceux des Etats voisins. Quarante Royaumes se soumirent

    lui ; & les Princes qui les gouvernoient reurent avec plaisir les loix quil

    voulut bien leur donner. Les sujets mme de lEmpire indigns contre

    Tcheou, le dernier des Empereurs de la seconde dynastie, se rfugioient

    chez lui, dans lintention den faire leur Empereur, aprs avoir dtrn

    celui qui remplissoit alors si mal le trne.

    Allons, disoient-ils, chercher la sagesse, la justice & les

    vertus chez Ouen-ouang.

    Ouen-ouang fut accus auprs de lEmpereur davoir os faire les

    crmonies funebres sur le tombeau dun sage Ministre que ce Prince

    barbare avoit fait mettre mort. On se saisit de sa personne, & on

    lenferma dans une etroite prison Yeou-ly. Ce fut pendant sa dtention

    quil fit des commentaires sur les Koa-fou-hi. Ces commentaires ont et

    conservs, & ont mrit lestime de Confucius & ladmiration de la

    postrit.

    Dlivr de sa prison, il appaisa les diffrends qui setoient elevs

    entre les Rois de Yu & de Na. Le tyran Tcheou avoit fait construire une

  • Portraits des Chinois clbres

    39

    colonne de cuivre creuse en-dedans ; il la faisoit remplir de charbons

    ardens, & se faisoit un plaisir barbare de la faire embrasser de force

    ceux qui avoient eu le malheur de lui dplaire. Ouen-ouang offrit

    lEmpereur sa terre de Si-to, pour obtenir quil ne fit plus usage de la

    colonne, & quil la dtruisit. Ce qui lui fut accord. Tcheou le gratifia

    outre cela dun arc & dune hache ; ce qui, dans ce tems-l, signifioit

    quil lui accordoit le droit de faire la p.03.029 paix ou la guerre,

    indpendamment de lautorit de lEmpereur.

    Ouen-ouang se retira dans son Royaume, o il passa le reste de ses

    jours dans la pratique de toutes les vertus. Enfin aprs un regne de

    cinquante ans, il mourut dans la quatre-vingt-dix-septieme anne de son

    ge. Cest le pere du fameux Ou-ouang, Fondateur de la troisieme

    dynastie des Empereurs Chinois, dite la dynastie des Tcheou.

    Ouen-ouang etoit contemporain de Samuel, Prophete, Juge &

    Gouverneur du Peuple de Dieu.

  • Portraits des Chinois clbres

    40

    XVII

    TAY-KOUNG

    Ministre

    @

    Le nom de sa famille etoit Kiang, & son nom propre Chang. On

    lappelloit aussi Tsi-ya.

    Un jour quil samusoit pcher, prs de la source du Tsi, il trouva un

    fragment de pierre de Yu, sur lequel etoient gravs ces mots : Tcheou

    recevra lordre du Ciel, & Lu sera son Ministre. Recevoir lordre du Ciel,

    en style Chinois, cest devenir Empereur. Lu est un des noms de Tay-

    koung. Quelque temps aprs, Ouen-ouang voulut faire une partie de

    chasse, il consulta les sorts en supputant par les Koua. Les sorts lui

    firent entendre quil ne rencontreroit ni dragon, ni lopard, ni tigre, ni

    ours ; mais quil trouveroit un Sage capable dtre le Ministre dun grand

    Prince. Sur cette indication, Ouen-ouang se met en chemin. Non loin de

    la riviere Koui-choui, il apperut un homme dont lair vnrable le

    frappa.

    Cest l peut-tre, dit-il en lui-mme, le Sage que le Ciel me

    destine.

    Il sarrte, salue linconnu, & apprend quil se nomme Tsi-ya :

    Matre dit le Prince, quand on samuse p.03.030 pcher,

    quest-ce qui fait le plus de plaisir ?

    Seigneur, lui rpondit Tsi-ya, le Sage est content de tout,

    parce quil a toujours ce quil souhaite ; mais lhomme ordinaire

    nest guere satisfait que lorsquil obtient ce pourquoi il travaille.

    Ouen-ouang fit encore plusieurs questions auxquelles Tsi-ya rpondit

    avec la mme sagesse.

  • Portraits des Chinois clbres

    41

    Cest vous que je cherchois, dit-il au Sage en finissant, oui

    cest vous ; il ne faut pas que je vous laisse echapper : montez

    dans mon char & venez, venez dans ma Cour occuper la

    premiere place aprs moi.

    Moi-mme je vous attendois, rpondit Tsi-ya, pourquoi

    refuserois-je de vous suivre ?

    Il monte linstant dans le char, & suit le Prince dans son palais. Ouen-

    ouang le reconnut publiquement pour son Matre, le dclara son premier

    Ministre, & lui donna en propre la terre de Lu. Cest de-l quest venu le

    nom de Lu-chang quon lui donne quelquefois. Il leleva encore la

    dignit de Koung, & voulut quon rappelt Tay-koung, comme qui diroit,

    le premier Comte, le grand Comte, le Comte par excellence, &c. Cest

    par les secours de ce grand homme que les Tcheou firent fleurir leur

    Royaume ; cest parce quils furent eclairs de ses lumieres quils

    etablirent de si belles loix, & quils parvinrent enfin gouverner lEmpire.

    Tay-koung est Auteur dun Ouvrage sur lArt Militaire, intitul Lou-tao,

    cest--dire les six points de runion de la science de la guerre, pour le

    bon gouvernement dun Etat. Cest-l le sens quon donne au caractere

    Tao.

    Si ce livre nest pas vritablement de Tay-koung, il est probablement

    de quelque Lettr du tems des Tcheou, qui a ramass les prceptes de

    ce grand homme tels quon les dbitoit alors. On ne peut douter que le

    Lou-tao ne soit un amas de fragmens trs-anciens. Il est encore

    aujourdhui entre les mains de tout le monde, & jouit de lestime

    universelle.

    Tay-koung vivoit du temps de Samuel.

  • Portraits des Chinois clbres

    42

    XVIII

    TCHEOU, OU-OUANG

    Empereur

    @

    p.03.031 Ou-ouang, Fondateur de la dynastie des Tcheou, qui est la

    troisieme de celles qui a occup le trne Chinois, descendoit la

    seizieme gnration du fameux Heou-ki ou Heou-tsi (car il se dit des

    deux faons). Sa mere Kiang-yuen, la principale des pouses de Ty-kou,

    le fit exposer dabord aprs sa naissance. Il etoit le second des fils de

    Ouen-ouang, son nom propre etoit Ki-fa. Il succda son pere, & fut

    pendant treize ans Roi ou Prince de Si-p. Les Grands de lEmpire qui

    venoient se rfugier chez lui, pour y trouver un asyle contre les fureurs

    de Tcheou-sin, lui persuaderent de prendre les armes pour dtruire un

    monstre qui dshonoroit lhumanit. Ou-ouang assigna Men-tsing pour le

    rendez-vous gnral des troupes quil devoit commander. Il sy trouva

    jusqu huit cens Princes. LEmpereur Tcheou-sin ayant appris ce qui se

    tramoit contre lui, leva une arme de sept cens mille hommes quil

    envoya contre Ou-ouang ; mais cette formidable arme, au lieu de

    combattre, rendit les armes. Le tyran se voyant abandonn, se rfugia

    dans la capitale, senferma dans son palais, & y fit mettre le feu. Les

    Grands proclamerent Ou-ouang Empereur, & le reconnurent pour leur

    lgitime Souverain avec les crmonies accoutumes.

    Aprs la mort de Tcheou-sin, le nouvel Empereur alla dabord Po-

    tcheou dans le pays de Tang. Cest ce quon appelle aujourdhui le Ho-

    nan. A peine y fut-il arriv que de son char mme dont il netoit pas

    encore descendu, il assigna un des descendans de Hoang-ty le pays de

    Ki, dans le Ho-nan, titre de souverainet ; il donna un des

    descendans de Yao le pays de Tchou, dans le Hou-koang ; & p.03.032 un

    des descendans de Chun le pays de Tchen, qui faisoit alors une partie de

  • Portraits des Chinois clbres

    43

    ce quon appelle aujourdhui le Ho-nan. Il descendit ensuite de son char,

    & assigna la Principaut de Ki pour servir dappanage aux descendans du

    grand Yu, & la Principaut de Soung pour les descendans du sage

    Tcheng-tang. Il se transporta ensuite dans le lieu o etoit le tombeau de

    lillustre Pi-kan, qui le barbare Tcheou-sin avoir fait arracher le cur

    pour le punir des avis salutaires quen sage Ministre il navoit pas craint

    de lui donner. L il fit les crmonies funebres en prsence de toute sa

    Cour. Il dlivra Ki-tse, autre sage Ministre de Tcheou-sin, de la prison

    o il etoit renferm. Il lui donna une des premieres dignits de lEmpire

    en lexhortant en remplir les devoirs, comme avoient fait autrefois ses

    anctres sous Tchen-tang, & les autres grands Empereurs de sa

    dynastie.

    Ou-ouang sadressant ensuite au peuple, lui parla -peu-prs en ces

    termes :

    Vous tes aujourdhui mes sujets ; je ne prtends pas que

    vous vous conduisiez comme vous lavez fait du temps de

    Tcheou-sin, dont vous suiviez le mauvais exemple. Cest moi

    que vous devez dsormais prendre pour modele, puisque cest

    de moi que vous devez recevoir des loix ; & vous, Mandarins &

    Officiers de tous les Ordres, remplissez la rigueur toutes les

    obligations attaches vos diffrens emplois. Ds--prsent je

    vous assigne pour vos gages & appointemens le double de ce

    que vous perceviez ci-devant.

    Aprs avoir regl les affaires & donn ses ordres Po-tcheou, passa le

    Hoang-ho, & se transporta du ct de lOccident. Il renvoya tous les

    chevaux qui lui etoient dsormais inutiles, & les fit conduire sur la

    montagne Hoa-chan, qui est au Nord du fleuve. Les bufs & les autres

    btes de somme quon employoit durant la guerre traner les chariots,

    ou porter les bagages, furent envoys Tao-lin, pour se refaire des

    p.03.033 fatigues passes. Les cuirasses & les chars arms en guerre

    furent enferms dans des magasins. Les lances & les boucliers furent

    envelopps dans des peaux de tigre. Tout cela se fit pour persuader au

  • Portraits des Chinois clbres

    44

    peuple quil etoit sans dfiance, & quil ne pensoit qu jouir dsormais

    des avantages prcieux de la paix.

    Ceux dentre les Officiers qui setoient le plus distingus par leur

    valeur & leur fidlit son service, furent faits Souverains, sous le titre

    de Kien-kao, titre qui revient celui de brave par excellence. Il erigea

    des Principauts particulieres en faveur de ses freres, & de tous ceux

    qui, sans combattre, setoient distingus par leur sage administration au

    dedans. Il licencia ses troupes, la charge seulement de sexercer, de

    temps en temps, lancer un trait contre un but particulier dont il donna

    la forme. Il voulut quon dpost lepe, quon quittt les habits de

    crmonie, & lespece de masse que les Magistrats portoient en main

    pour se faire respecter. Il etablit de nouvelles crmonies, & de

    nouvelles marques de dcoration. Lexactitude avec laquelle il faisoit les

    crmonies en lhonneur de ses anctres, inspirerent au peuple lamour

    & le respect des parens.

    Il appella tous les Princes ses tributaires, tant ceux de la nouvelle

    cration, que ceux qui jouissoient dj de lhonneur de la souverainet,

    avant quil ne ft lui-mme Empereur, & les instruisit de leurs obligations

    envers tous ceux qui leur etoient soumis. Il voulut en leur prsence faire

    la crmonie du labourage de la terre ; & en leur donnant lui-mme

    lexemple des vertus quil recommandoit aux autres, il se fit aimer &

    respecter dans tout lEmpire.

    Il assigna un lieu particulier pour y entretenir les trois sortes de

    vieillards, cest--dire, les vieillards vertueux, les vieillards savans, & les

    vieillards auxquels on navoit rien p.03.034 reprocher. Il assistoit une fois

    lanne au festin de crmonie quon leur donnoit ; il retroussoit ses

    manches & aidoit les servir : il commenoit dpecer les viandes ; il

    donnoit chacun des vieillards quelques assaisonnemens, comme sil et

    voulu par-l aiguiser leur apptit, & leur portoit lui-mme boire ; enfin,

    il ne craignoit pas davilir la dignit impriale en commenant lui-mme

    une danse, pendant laquelle il tenoit en main le Kan. Tout cela se faisoit

    en prsence de Rois tributaires & des Grands de lEmpire, pour leur

  • Portraits des Chinois clbres

    45

    donner lexemple de ce quils devoient faire lgard de ceux qui leur

    etoient soumis.

    La doctrine de Ou-ouang se rpandit dans les quatre parties du

    monde, cest--dire dans toute la Chine. Il fut limitateur fidele des

    vertus de son pere, honora Lu-chang comme son matre, & traita

    Tcheou-koung son frere, comme son egal sur le trne. Les Crmonies

    quil etablit, releverent la majest de lEmpire. Il composa une nouvelle

    Musique ; il changea lordre du Calendrier, de faon que la lune quon

    comptoit alors la onzieme, fut prise pour tre la premiere de lanne.

    Enfin, aprs un regne de sept ans, il mourut la quatre-vingt-douzieme

    anne de son ge, lan avant J. C. 1116, cinq ans aprs que Sal eut

    commenc de rgner, conjointement avec Samuel, sur le peuple de

    Dieu. Son corps fut dpos dans le pays de Py.

  • Portraits des Chinois clbres

    46

    XIX

    TCHEOU-KOUNG

    Ministre

    @

    Tcheou-koung avoit pour nom propre Ki-tan. Il etoit fils de Ouen-

    ouang, & frere cadet de Ou-ouang, fondateur de Dynastie des Tcheou. Il

    montra ds son enfance une vertu p.03.035 peu commune, & les leons de

    Tay-koung, dont il fut profiter, en firent un des plus sages Princes & des

    plus habiles dans lart du gouvernement.

    Ou-ouang son frere, en montant sur le trne de lEmpire, le choisit

    pour son premier Ministre, & le traita toujours comme sil et et son

    egal sur le trne. Mais Tcheou-koung ne se servit de son crdit & de ses

    lumieres que pour faire fleurir lEtat. Il rtablit & perfectionna les

    Crmonies & la Musique, qui avoient beaucoup dchu sous les derniers

    Empereurs de la dynastie prcdente : il fit un nouveau Code, etablit de

    nouveaux Rits, adoucit de plus en plus les murs du peuple, & noublia

    rien pour lui procurer labondance & la flicit. Ce fut ses soins que la

    Dynastie des Tcheou fut redevable de tout son lustre, parce que ce fut

    lui qui fonda leur maniere de gouverner sur la vertu, dirige par lamour

    quun Souverain doit avoir pour ses sujets.

    Tcheou-koung avoit un fils nomm P-kin, -peu-prs de mme ge

    que celui des fils de Ou-ouang, & qui fut ensuite Empereur sous le nom

    de Tcheng-ouang. Quand celui-ci faisoit quelque faute, Tcheou-koung

    corrigeoit son propre fils en prsence du coupable, en disant que cetoit

    cause de ses mauvais exemples quun Prince destin gouverner les

    hommes setoit ainsi echapp. La correction nen faisoit que mieux son

    effet sur les deux jeunes Princes. Ou-ouang nomma, en mourant, son fils

  • Portraits des Chinois clbres

    47

    Tcheng-ouang pour tre son successeur, & Tcheou-koung son frere, pour

    tre le tuteur du jeune Prince, & Rgent de lEmpire pendant la minorit.

    Tcheou-koung continua comme il avoit commenc ; il mit tous ses

    soins bien instruire son neveu ; & ds quil le crut en etat de gouverner

    par lui-mme, il lui remit toute lautorit, ne se rservant pour toute

    prrogative que la libert p.03.036 de pouvoir lui faire des reprsentations,

    quand la gloire de lEmpire & le bien des peuples lexigeroient. Ce fut

    pendant la Rgence de Tcheou-koung que sintroduisit la coutume de

    donner audience aux Princes tributaires, avec tout lappareil de la

    majest impriale.

    La sagesse, la fidlit, le dsintressement, lamour du bien public, &

    les autres belles qualits de Tcheou-koung sont encore aujourdhui le

    modele quon propose imiter aux Souverains & leurs Ministres. On ne

    cesse de rappeller, avec les plus brillans eloges, laction mmorable par

    laquelle il offrit sa propre vie en sacrifice pour racheter celle de Ou-ouang

    son frere, qui etoit dangereusement malade. On ne rappelle pas avec

    moins de complaisance les instructions quil donna P-kin son fils,

    lorsquil lenvoya se mettre en possession de la principaut de Lou, dont

    lEmpereur venoit de lui donner linvestiture :

    Allez, mon fils, lui dit-il, allez fixer votre sjour chez les

    peuples que le Fils du Ciel veut bien confier vos soins ; soyez

    leur ami plutt que leur Prince ; soyez leur pere plutt que leur

    Souverain. Instruisez-les, aimez-les, soulagez-les dans leurs

    peines, consolez-les dans leurs afflictions. Que leurs intrts

    soient les vtres ; que votre satisfaction soit la leur. Soyez-leur

    accessible en tout temps : nul prtexte, nulle affaire qui vous

    soit propre ne doit jamais vous empcher de les ecouter. Votre

    plus grande affaire, votre affaire unique doit tre de leur

    rendre justice quand ils sadresseront vous pour lobtenir ; &

    la voie qui pourra les conduire jusqu vous doit leur tre

    ouverte en tout temps. Je puis me citer vous pour exemple :

    je suis votre pere, & vous tes mon fils bien aim. Combien de

  • Portraits des Chinois clbres

    48

    fois ne mavez-vous pas vu interrompre mes occupations les

    plus graves, pour donner audience ceux qui avoient besoin

    de moi ? Combien de fois ne me suis-je pas lev avant lheure,

    couch plus tard que je naurois souhait, & pris mes p.03.037

    repas la hte, pour ne pas diffrer un autre temps ce que je

    pouvois faire alors en mincommodant un peu ? Faites-en de

    mme, mon fils ; vos peuples seront heureux, & leur bonheur

    rejaillira sur vous, &c.

    Cest aux sages rglemens que fit ce Prince, pendant son ministere sous

    Ou-ouang son frere, pendant sa rgence sous Tcheng-ouang son neveu,

    que les Historiens attribuent les 867 annes du regne qua eu la Dynastie

    des Tcheou. Tcheou-koung vcut jusqu lge de cent ans. Aprs sa mort,

    Tcheng-ouang son neveu lui fit elever un tombeau ct de celui de Ou-

    ouang : il lui fit rendre tous les honneurs funebres quon rend aux

    Empereurs. On porta le deuil dans tout lEmpire ; par-tout on pleura sur

    lui comme on pleure sur un pere ; & il ny eut pas jusquaux etrangers qui

    donnerent des marques publiques de leur douleur.

    Il faut avouer que ce Prince a t un des plus grands hommes que la

    Chine ait jamais produits. Il runissoit dans sa personne les qualits de

    grand gnral, de politique habile, de sujet fidele, de lgislateur eclair ;

    il fut mme grand Gometre, & grand Astronome, par rapport au temps

    & au pays o il vivoit. Son mrite si universellement reconnu, si

    gnralement applaudi, ne le mit pas toujours couvert des traits

    empoisonns de lenvie ; il eut ses disgraces & ses revers. Tcheng-

    ouang, son neveu, se laissa persuader que ses vues setendoient

    jusquau trne, dont on lui dit quil vouloit le faire descendre pour sy

    placer lui-mme ; & en consquence, il le dpouilla de ses emplois &

    leloigna de la Cour.

    La grandeur dame de Tcheou-koung ne se dmentit pas dans ces

    circonstances critiques. Sil et et capable de ce dont on le souponnoit,

    rien netoit plus ais pour lui que de lexcuter. Les gens de guerre

    etoient sa disposition ; il avoit laffection du peuple & de tous les

  • Portraits des Chinois clbres

    49

    Ordres de lEtat ; il etoit p.03.038 frere du grand Ou-ouang, & le

    compagnon fidele de ses glorieux exploits ; il navoit qu vouloir. Mais

    satisfait du tmoignage quil se rendoit lui-mme davoir toujours agi

    sans intrt propre comme sans ambition, & de navoir jamais eu

    dautres vues que la gloire de son matre & le bien de letat ; sa

    magnanimit lui fit etouffer jusquau moindre sentiment de vengeance

    ou dindignation. Il ne chercha point se justifier ; il ne donna pas

    mme des marques de mcontentement. Il se disposoit couler le reste

    de ses jours dans le sein de la philosophie, lorsque Tcheng-ouang,

    honteux davoir souponn dinfidlit & de peu dattachement sa

    personne, le plus fidele & le plus affectionn de ses sujets, le rappella

    avec honneur, lui rendit ses dignits & lui confia de nouveau tout le

    dtail du Gouvernement. Il avoit reu sa disgrace sans en tre emu : il

    reut egalement sans semouvoir les nouvelles faveurs dont on le

    combloit. A la premiere nouvelle quil en eut, & sans attendre des ordres

    ritrs, il se rendit la Cour, & se remit la tte des affaires, comme

    sil ft revenu de sa maison de plaisance ou de quelque voyage de

    plaisir. Il nappartient quaux grandes ames dapprcier ce que vaut une

    action de cette nature. Je ne suis pas surpris que les Chinois parlent

    encore aujourdhui du grand Tcheou-koung avec une admiration qui tient

    de lenthousiasme.

  • Portraits des Chinois clbres

    50

    XX

    LAO-TSE

    Philosophe

    @

    Quoique ce Philosophe ne soit regard par les Lettrs Chinois que

    comme un Sectaire, qui a corrompu la vritable doctrine du King, il est

    cependant mis au rang des grands hommes, parce quon a pour maxime

    ici quil faut tre p.03.039 vritablement un grand homme, pour venir

    bout de se soumettre dautres hommes & de leur donner des loix. Il

    naquit dans le royaume de Tchou, qui occupoit alors une partie de ce

    quon appelle aujourdhui la province du Hou-koang, le quatorzieme jour

    de la neuvieme lune de la troisieme anne du regne de Ting-ouang,

    vingt-unieme Empereur de la dynastie des Tcheou, cest--dire, lan

    avant J. C. 604, lorsque Nabuchodonosor, surnomm le grand, monta

    sur le trne de Babylone, la place de son pere Nabopalassar, auquel il

    succdoit. Le nom de sa famille etoit Ly ; il avoit pour nom propre Eulh,

    & pour surnom P-yang. Tsee, Tan, Jan-kiun, &c. sont diffrens noms

    quon lui donna aprs sa mort.

    On nest pas trop au fait de ce qui le regarde, parce que la vie quil

    mena fut cache & presque toujours solitaire. Ce quen disent ses

    disciples & ses sectateurs, parot avoir et invent aprs coup, pour

    clbrer un homme dont la mmoire leur etoit chere, & dont ils vouloient

    etablir la rputation legal de celle de Confucius qui, dun consentement

    unanime, a et reconnu pour le Philosophe de la nation. Je ne dirai ici

    que ce quen rapporte lHistoire, & ce quelle en rapporte se rduit ce

    peu de mots. Lao-tse etoit grand observateur des usages qui furent

    etablis par la dynastie des Tcheou.

  • Portraits des Chinois clbres

    51

    Il etoit plus g de cinquante-quatre ans que Confucius ; ainsi sa

    rputation etoit toute faite, & il en jouissoit lorsque Confucius vint au

    monde : cependant les Historiens de Confucius & ceux de Lao-tse disent

    que ces deux Philosophes se sont vus & se sont entretenus une fois

    ensemble. Voici comment ils racontent la chose.

    Confucius ayant oui, dans bien des occasions, faire leloge de Lao-

    tse, voulut connotre par lui-mme quel etoit cet homme extraordinaire.

    Il se transporta dans le lieu o il p.03.040 faisoit son sjour, & linterrogea

    sur le fond de sa doctrine. Au lieu de lui rpondre, Lao-tse reprocha

    Confucius quil etoit trop rpandu au dehors ; que la conduite quil tenoit

    sentoit le faste & dnotoit la vanit, & que le grand nombre de ses

    disciples etoit plus propre entretenir lorgueil dans son cur, qu y

    faire natre ou y nourrir lamour de la sagesse.

    Le sage, lui dit-il, aime lobscurit : loin dambitionner les

    emplois, ils les fuit. Persuad quen terminant sa vie, lhomme

    ne laisse aprs soi que les bonnes maximes quil aura dbites,

    ceux qui etoient en etat de les retenir & de les pratiquer, il ne

    se livre pas tout venant ; il etudie les temps & les

    circonstances. Si les temps sont bons, il parle ; sils sont

    mauvais, il se tait. Celui qui est possesseur dun trsor le cache

    avec soin, de peur quon ne le lui enleve : il se garde bien de

    publier par-tout quil la en sa disposition. Celui qui est

    vritablement vertueux ne fait pas parade de sa vertu ; il

    nannonce pas tout le monde quil est vertueux. Voil tout ce

    que jai vous dire ; faites-en votre profit.

    Lao-tse eut raison de nen pas dire davantage ; car cest l tout le

    fond de sa doctrine. Il seroit souhaiter que Confucius et dit son

    sentiment un peu plus clairement quil ne fit, aprs cette entrevue, sur

    des maximes dont le vrai & le faux confondus ensemble ne peuvent

    quinspirer une faute sagesse ceux qui rduiroient indiffremment lun

    & lautre en pratique. Mais toute la rponse quil fit ses disciples,

  • Portraits des Chinois clbres

    52

    lorsquils linterrogerent sur le compte dun homme quil avoit et si

    curieux de connotre par lui-mme, est celle-ci.

    Jai vu Lao-tse, il ressemble au dragon.

    Ce peu de mots a et diffremment interprt, en bien & en mal, suivant

    quon etoit dispos pour ou contre le sujet. Lao-tse voyant que lEmpire

    alloit en dcadence, & que la Dynastie des Tcheou commenoit

    chanceler sur le trne, prit le parti de vivre encore plus retir p.03.041 quil

    navoit fait jusqualors. Il alla Han-kouan pour sy cacher. Le Mandarin

    du lieu ly reut bien, & lui dit :

    Vous voulez vivre en solitaire, je ne my oppose point ; mais

    dans votre solitude, occupez-vous quelque chose dutile.

    Composez quelque Ouvrage dans lequel les principes de votre

    doctrine soient clairement expliqus.

    Le Philosophe lui en fit la promesse & sen acquitta ; il composa le Tao-

    t-king, cest--dire, le livre de la doctrine & de la vertu. Cet Ouvrage

    nest pas tel aujourdhui quil etoit au sortir des mains de son auteur. On

    prtend que ses disciples & ses sectateurs y ont insr, en divers temps,

    bien des maximes pernicieuses qui netoient pas dans loriginal. Quoi

    quil en soit, aprs quil eut fini son Ouvrage, Lao-tse sortit de Han-

    kouan, & seclipsa tout--coup, sans quon ait jamais pu savoir o il se

    retira, ni ce quil devint.

    Les Sectateurs de Lao-tse sont encore aujourdhui trs-nombreux

    la Chine. On les connot sous le nom de Tao-se. Leur doctrine nest pas

    tout--fait telle que le dit le Pere du Halde. Il est probable que ce Pere a

    tir lui-mme les consquences & les a ensuite eriges en principes de la

    doctrine.

  • Portraits des Chinois clbres

    53

    XXI

    KOUNG-TSE

    Philosophe

    @

    Koung-tse, quil a plu nos Europans dappeller Confucius, avoit

    pour nom propre Kieou, & pour surnom Tchoung-ni. Ses anctres etoient

    originaires de la principaut de Soung, qui comprenoit depuis les confins

    de ce quon appelle aujourdhui le Ho-nan, jusquau Kiang-nan. Son pere

    sappelloit Chou-leang-h, & sa mere Yen-ch. Il naquit la onzieme

    lune de la vingt-deuxieme anne du regne de Siang-koung, Roi p.03.042 de

    Lou, cest--dire, au mois de Dcembre de lan 551 avant J. C. Il travailla

    avec ardeur faire fleurir la vertu, la saine doctrine & les bonnes murs.

    Il parcourut la plupart des petits Royaumes qui partageoient alors

    lEmpire, & fit un grand nombre de disciples ; on en compte jusqu trois

    mille, mais il ny en eut que soixante-douze qui surent expliquer & qui

    entendirent parfaitement quelquun des six Arts, & douze seulement qui

    furent constamment attachs sa personne, & qui ont mrit le surnom

    de sages.

    Aprs avoir pass par diffrens emplois, Koung-tse, g de soixante-

    huit ans, se retira dans sa patrie, o il employa le peu dannes qui lui

    restoient encore vivre, faire des gloses sur le Li-ki, purger le Ch-

    king de bien des pieces apocryphes ou indcentes quon y avoit insres,

    & donner une explication des Koua de Fou-hi. Enfin, se voyant prt

    terminer sa carriere, & persuad quil navoit oubli aucun des moyens

    qui dpendoient de lui, pour faire connotre & pratiquer la vertu, il

    attendit sans inquitude le moment de sa mort, qui arriva la quatrieme

    lune de la seizieme anne du regne de Ngai-koung, Roi de Lou, cest--

    dire lan avant J. C. 478. Il etoit alors dans la soixante-treizieme anne

    de son ge.

  • Portraits des Chinois clbres

    54

    Confucius neut quun fils auquel il survcut ; il sappelloit Koung-ly, &

    autrement P-yu ; mais de P-yu sortit le fameux Tse-se, qui, sur les

    maximes de son aeul, composa le livre du juste milieu, en Chinois,

    Tchoung-young 1.

    Sur les mmes maximes, Tseng-tse publia le Ta-hio ou la grande

    doctrine 2 ; & ses autres disciples ayant fait un choix des sentences &

    discours familiers de leur matre, en p.03.043 composerent ce quon appelle

    le Lun-yu. Confucius avoit rdig lui-mme le Chou-king, & compos les

    annales du Royaume de Lou, intitules Tchun-tsieou 3. Je donnerai la vie

    de ce Sage, dans laquelle on verra plus particulirement ce qui le

    regarde. En attendant, on peut se contenter du peu que jen dis ici.

    1 La Traduction de cet Ouvrage est imprime dans le Tome I de ces Mmoires.2 La Traduction de cet Ouvrage est aussi imprime dans le mme volume.3 Voyez ce qui est dit du Chou-king, dans le Tome I, p. 43 jusqu 64.

  • Portraits des Chinois clbres

    55

    XXII

    KIU-PING

    Ministre

    @

    Le nom de sa famille etoit Kiu, & son nom propre Ping. Il prit pour

    surnom Yuen ; del vient quon lappelle indiffremment Kiu-ping & Kiu-

    yuen. Il etoit de mme sang que le Roi de Tchou (Hoai-ouang), sous le

    regne duquel il fut mis la tte des affaires.

    Il setoit adonn de bonne heure letude, & y avoit si bien russi,

    quil fut regard comme un des plus savans hommes de son siecle. Il

    avoit, outre cela, une eloquence naturelle qui le faisoit admirer de tout le

    monde. Il ecrivoit bien, & avec beaucoup de facilit. Cetoit lui qui

    rpondoit toutes les lettres des Gouverneurs de Province, & autres

    Officiers qui etoient hors de la Capitale, & qui leur intimoit les ordres du

    Souverain, avec un discernement & une sagesse qui lui acquirent

    lestime universelle, & toutes sortes dhonneurs & de bienfaits de la part

    de son Prince.

    Il ne lui falloit pas tant de mrite pour avoir des envieux. Les Grands

    de la Cour lui supposerent des crimes, & laccuserent auprs du Roi, qui

    eut la foiblesse de sacrifier son principal Ministre, & son homme de

    confiance, sur de simples soupons ; il leloigna de la Cour.

    p.03.044 Kiu-yuen sentit vivement sa disgrace : il quitta non-seulement

    la Cour, mais encore le Royaume de Tchou, ne voulant plus vivre sous la

    domination dun Prince dont il avoit si bien mrit, & qui le traitoit si

    indignement. Il se retira dans les terres propres de lEmpire. L,

    dbarrass de tout soin, & rendu lui-mme, il exera son gnie, &

    dchargea son cur. Il composa la fameuse Elgie nomme Li-sao, dans

    laquelle il exhale sa douleur avec une eloquence & un pathtique qui

  • Portraits des Chinois clbres

    56

    arrachent des larmes. Il croyoit tre dsormais labri des fureurs de la

    calomnie ; il se trompoit : lenvie le poursuivit dans sa retraite, & suscita

    dabord contre lui le Mandarin du lieu, & ensuite quelques Grands de la

    Cour de lEmpereur qui le desservirent, & le firent regarder comme un

    personnage dangereux. LEmpereur, trop crdule, le relgua dans un lieu

    marcageux nomm Pin, non loin des bords du Kiang.

    Dans cet exil, Kiu-yuen composa neuf autres Elgies. Aprs quoi,

    dgot des hommes auxquels il avoit fait tout le bien quil avoit pu, &

    de la part desquels il navoit eprouv que des injustices, il tomba dans

    une profonde mlancolie quil ne put vaincre, tout philosophe quil etoit.

    La vie lui devint charge, & il prit le parti den terminer lui-mme le

    cours ; il sattacha une grosse pierre, & se prcipita dans le fleuve.

    Le peuple, touch des malheurs dun homme qui fut tout--la-fois

    grand sans faste, bel esprit sans orgueil, Ministre habile, Magistrat

    equitable, citoyen vertueux, lui donna des larmes. Il vint en foule sur les

    bords du fleuve, pour tcher de dcouvrir le corps de celui quil

    regrettoit. Pendant une espace de temps assez considrable, on fit

    chaque jour les mmes recherches ; ce qui a donn lieu une espece de

    fte qui se clebre chaque anne en son honneur, le cinquieme jour de

    p.03.045 la cinquieme lune. Les bateliers ornent leurs barques, courent les

    rivieres, comme sils cherchoient encore le corps du vertueux Magistrat,

    pour lui procurer les honneurs de la spulture dont il fut priv.

  • Portraits des Chinois clbres

    57

    XXIII

    MONG-TSE

    Philosophe

    @

    Mong-tse, le plus clebre des Philosophes Chinois, aprs Confucius,

    avoit pour nom propre Ko, & pour surnom Tse-yu ; il etoit de famille

    Mandarine, originaire du Royaume de Tchou, & descendoit de ce Mong-

    sun, qui, du temps de Confucius, exeroit une des principales charges de

    la Magistrature, avec un faste qui mrita lanimadversion de ce

    Philosophe. Son pere Ki-koung-y etoit etabli dans le pays de Tseou, qui

    appartenoit alors au Roi de Tchen, & qui est ce quon appelle aujourdhui

    Tseou-hien, du district & de Yen-tcheou-fou, de la Province de Chan-

    tong : il mourut peu de temps aprs la naissance de son fils. Tchang-

    ch, mere de Mong-tse, fut charge seule de son education, & y donna

    tous les soins qui dpendoient delle. On la cite aux peres & aux meres

    comme un modele. Le dtail de tout ce quelle fit pour inspirer de bonne

    heure lhorreur du vice & lamour de la vertu celui quelle devoit

    former, nest pas ici mon objet. Je ne puis cependant mempcher den

    rapporter un trait, par lequel on pourra juger du reste.

    La maison o elle demeuroit etoit voisine de celle dun boucher : elle

    sapperut quau moindre cri des animaux que son voisin alloit egorger,

    le petit Mong-ko couroit pour voir ce qui se passoit ; quil jouissoit avec

    plaisir de ce spectacle, & qu son retour il tchoit dimiter ce quil avoit

    vu.

    Un pareil voisinage, p.03.046 dit-elle ses parens, ne convient

    pas mon fils. Cherchons quelquautre demeure o il ne soit

    pas porte de voir des objets qui puissent endurcir le cur &

    accoutumer les yeux au sang.

  • Portraits des Chinois clbres

    58

    On lui trouva hors des murailles de la ville une maison isole, aux

    environs de laquelle il ny avoit que les spulcres de quelques citoyens.

    Elle fut peine dans son nouveau domicile, que de nouvelles inqu