Portrait Ben Marc Diendéré

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Entre le Québec et vos racines burkinabées, où vous situez-vous par rapport à vos différentes identités ? Mon identité se construit à plusieurs niveaux et j’en retire à chaque fois le meilleur. Je me définis comme Québécois mais d’origine africaine. Je rajouterais même que je suis avant tout montréalais car c’est ce que je connais le mieux. Au début, le Québec était flou pour moi, j’ai même mis du temps à savoir qu’elles étaient les provinces qui l’entouraient. Mais aujourd’hui je pense mieux connaître ce territoire que la moyenne des Québécois tant au niveau de sa littérature, de sa culture, de son histoire que de sa géographie. Concernant mes racines africaines, la seule chose qui m’autorise encore à parler du Burkina Faso est ma famille qui y habite. Je n’ai jamais voté ou travaillé là-bas. Ma vie d’adulte, je l’ai faite au Québec. Le Burkina Faso n’est pas un pays étranger pour moi mais presque. Je le connais un minimum car j’y suis né, j’y ai grandi et que j’y retourne tous les ans. D’ailleurs, quand j’y vais et que je reviens, je trouve que je suis meilleur car ça me permet de me rendre compte de la chance que j’ai eue, du destin qui m’était promis et que j’ai pu éviter. Quand je regarde d’où je viens, après avoir étudié sous des lampadaires, sans eau courante jusqu’à l’âge de 12 ans, et être où je suis aujourd’hui… C’est un miracle ! Quelle est votre définition du mot « intégration » ? De mon point de vue, se sentir intégré c’est se sentir en sécurité là où on vit et se lever chaque matin en ayant la certitude d’avoir fait le bon choix. Mais l’intégration va dans les deux sens. Le jour où j’ai décidé que je n’étais plus un immigrant, que le Québec allait devoir faire avec moi, m’assumer et me donner mes droits, je savais que j’allais aussi avoir des obligations envers ce nouveau chez-moi ou plutôt ce nouveau chez-nous comme j’aime souvent le répéter. C’est à ce moment que j’ai réellement posé mes valises au Québec et que j’ai pris toutes les décisions que je jugeais bonnes pour moi. J’ai décidé d’aller de l’avant et je savais que je voulais faire ma vie ici. Comprenez-vous les difficultés que peuvent connaître certains immigrants lorsque vient le temps de s’intégrer à cette nouvelle société ? Tout dépend de notre définition du mot intégration. Si, comme je le pense, l’intégration signifie s’assurer une certaine sécurité, la plupart des gens ici sont capables de s’intégrer. Il n’y a pas de guérilla dans les rues du Québec, personne ne va venir sonner chez vous pour vous mettre en prison de façon arbitraire. Ensuite, je suis conscient qu’il y a des promesses qui ne sont pas tenues et qui peuvent devenir autant d’obstacles à l’intégration : d’un côté, la promesse que le Québec fait aux immigrants d’être une terre d’accueil et de prospérité, et de l’autre, la promesse que les nouveaux arrivants font de donner le meilleur d’eux-mêmes pour que la société en profite. Aussi, j’ai du mal à comprendre que certains immigrants souhaitent s’installer au Québec sans parler français, c’est pourtant la base. Tu ne peux pas ensuite claquer des doigts et vouloir t’intégrer. Quelqu’un qui ne connaît pas le français ne peut pas lire et comprendre la littérature du Québec, son histoire, la télévision et les journaux. Tu ne peux même pas alors identifier les acteurs qui font du Québec ce qu’il est, au quotidien. Puis il y a la sempiternelle question du climat au Québec qui bloque certains immigrants. Quand je me lève le matin et qu’il fait froid, je fais comme tout le monde et je sacre « maudit hiver !!! » et là je suis intégré ! Originaire de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso, Ben Marc Diendéré est arrivé au Québec à l’âge de 22 ans après des études en France. Il est aujourd’hui vice-président communications et affaires publiques à La Coop fédérée, la plus importante organisation agroalimentaire au Québec. Le parcours de Ben Marc est jalonné de reconnaissances dont celle reçue en 2011, le prix du Professionnel de l’année décerné par le Réseau des entrepreneurs et professionnels africains (REPAF). Membre actuel du Conseil des Arts de Montréal. Salon de l’immigration et de l’intégration au Québec (SIIQ) ENTREVUE AVEC … BEN MARC DIENDÉRÉ Propos recueillis par Maël Cormier, Immigrant Québec Photographie Josias Gob

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Page 1: Portrait Ben Marc Diendéré

Entre le Québec et vos racines burkinabées, où vous situez-vous par rapport à vos différentes identités ?

Mon identité se construit à plusieurs niveaux et j’en retire à chaque fois le meilleur. Je me définis comme Québécois mais d’origine africaine. Je rajouterais même que je suis avant tout montréalais car c’est ce que je connais le mieux. Au début, le Québec était flou pour moi, j’ai même mis du temps à savoir qu’elles étaient les provinces qui l’entouraient. Mais aujourd’hui je pense mieux connaître ce territoire que la moyenne des Québécois tant au niveau de sa littérature, de sa culture, de son histoire que de sa géographie. Concernant mes racines africaines, la seule chose qui m’autorise encore à parler du Burkina Faso est ma famille qui y habite. Je n’ai jamais voté ou travaillé là-bas. Ma vie d’adulte, je l’ai faite au Québec. Le Burkina Faso n’est pas un pays étranger pour moi mais presque. Je le connais un minimum car j’y suis né, j’y ai grandi et que j’y retourne tous les ans. D’ailleurs, quand j’y vais et que je reviens, je trouve que je suis meilleur car ça me permet de me rendre compte de la chance que j’ai eue, du destin qui m’était promis et que j’ai pu éviter. Quand je regarde d’où je viens, après avoir étudié sous des lampadaires, sans eau courante jusqu’à l’âge de 12 ans, et être où je suis aujourd’hui… C’est un miracle !

Quelle est votre définition du mot « intégration » ?

De mon point de vue, se sentir intégré c’est se sentir en sécurité là où on vit et se lever chaque matin en ayant la certitude d’avoir fait le bon choix. Mais l’intégration va dans les deux sens. Le jour où j’ai décidé que je n’étais plus un immigrant, que le Québec allait devoir faire avec moi, m’assumer et me donner mes droits, je savais que j’allais aussi avoir des obligations envers ce nouveau chez-moi ou plutôt ce nouveau chez-nous comme j’aime souvent le répéter.

C’est à ce moment que j’ai réellement posé mes valises au Québec et que j’ai pris toutes les décisions que je jugeais bonnes pour moi. J’ai décidé d’aller de l’avant et je savais que je voulais faire ma vie ici.

Comprenez-vous les difficultés que peuvent connaître certains immigrants lorsque vient le temps de s’intégrer à cette nouvelle société ?Tout dépend de notre définition du mot intégration. Si, comme je le pense, l’intégration signifie s’assurer une certaine sécurité, la plupart des gens ici sont capables de s’intégrer. Il n’y a pas de guérilla dans les rues du Québec, personne ne va venir sonner chez vous pour vous mettre en prison de façon arbitraire. Ensuite, je suis conscient qu’il y a des promesses qui ne sont pas tenues et qui peuvent devenir autant d’obstacles à l’intégration : d’un côté, la promesse que le Québec fait aux immigrants d’être une terre d’accueil et de prospérité, et de l’autre, la promesse que les nouveaux arrivants font de donner le meilleur d’eux-mêmes pour que la société en profite. Aussi, j’ai du mal à comprendre que certains immigrants souhaitent s’installer au Québec sans parler français, c’est pourtant la base. Tu ne peux pas ensuite claquer des doigts et vouloir t’intégrer. Quelqu’un qui ne connaît pas le français ne peut pas lire et comprendre la littérature du Québec, son histoire, la télévision et les journaux. Tu ne peux même pas alors identifier les acteurs qui font du Québec ce qu’il est, au quotidien.

Puis il y a la sempiternelle question du climat au Québec qui bloque certains immigrants. Quand je me lève le matin et qu’il fait froid, je fais comme tout le monde et je sacre « maudit hiver !!! » et là je suis intégré !

Originaire de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso, Ben Marc Diendéré est arrivé au Québec à l’âge de 22 ans après des études en France. Il est aujourd’hui vice-président communications et affaires publiques à La Coop fédérée, la plus importante organisation agroalimentaire au Québec. Le parcours de Ben Marc est jalonné de reconnaissances dont celle reçue en 2011, le prix du Professionnel de l’année décerné par le Réseau des entrepreneurs et professionnels africains (REPAF). Membre actuel du Conseil des Arts de Montréal.

Salon de l’immigration et de l’intégration au Québec (SIIQ)

ENTREVUE AVEC …

BEN MARC DIENDÉRÉ

Propos recueillis par Maël Cormier, Immigrant QuébecPhotographie Josias Gob