Portfolio balade dans jadis

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Portfolio d’une balade dans la Ville infinie

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Portfolio d’une baladedans la Ville infinie

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O riana, la fragile optimate aux yeux noirs, mèches mêlées et teint d’anémone, le sourire oublié et la parole pressée. Elle se raconte à bout de souffle, le temps chiqué entre ses petites dents blanches.

Quand elle descend, je vois bien que le Dessous lui dessine l’épaule basse, elle lorgne la voûte comme un ciel en devenir. Faut dire qu’elle aime ses toits et que son corps en équilibre lui compose une vie penchée, façon de dire que marcher droit lui fait honte. À ses talons, toujours la même paire de taiseux, des Bougres aux faces de soupirant. Ces deux-là habitent son ombre comme un royaume et goûteraient à la chute libre pour la rendre heureuse. En attendant, ils s’aiguisent le mollet, cœurs encordés, pour hanter les toits, dessouder d’antiques statues et leur faire un destin de girouette.Dis-toi que la belle empressée voit nos toitures comme un échiquier au vent. À la moindre brise, elle fait ses adieux aux pavés, le faîte en perspective. Elle voudrait tant me convaincre que ces silhouettes marmoréennes murmurent leurs prophéties dans le noroît. Pauvre jeune fille, elle rêve trop haut ces vieux symboles de l’Empire disparu. Probable que je suis son lest et que mes sous-sols ont la couleur un peu passée de ses densités, une mélancolie organique qu’elle éprouve ici, avec mes silences, afin de se souvenir que sa féminité forge ses augures.

Une lettre de Silenzio.

JadiSSilenzio

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Sur leS toitS de la HanSe

de CHrySolitHe,leS StatueS

murmurent leurS propHétieS

aux ventS du nord.

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danS la rue, leS apotHèqueS ouvrent leurS boutiqueS et évoquent leS dernierS tourS de dame Fortune

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O ui, Maestro, je me rappelle ce terrible duel. Non pas mon premier, mais le plus éprouvant. Ce matin-là, le soleil naissant nimbait les façades d’une lumière verdâtre. Les mercantès

ouvraient leurs boutiques et dans la grand-salle de l’enseigne du Lion Bleu flottaient des arômes d’épices. Assise sur le pas de la porte, une tasse d’infusion brûlante entre les mains, je retardais le plus possible le moment où il me faudrait vérifier une dernière fois le tranchant de ma rapière, me lever et quitter l’auberge, avec la certitude qu’en y revenant, ce soir, victorieuse ou vaincue mon existence ne serait plus jamais la même.Parce que j’étais contrainte d’affronter mon propre frère.Et tout cela, parce qu’il était trop aveugle, trop épris pour s’apercevoir que sa dona Lisa l’entraînait à sa perte. Je lui avais montré le destin qui l’attendait, pourtant. À trois reprises, j’avais interrogé le tarot de Dame Fortune. À trois reprises, le résultat avait été le même. Ruines et désolation, la mort au bout du chemin. Quand je tentai, exaspérée, de déciller ses yeux, il me gifla, m’interdisant d’insulter l’amour de sa vie. Voilà, Maestro. Nous en étions là. Un duel au premier sang, un duel insensé au cœur d’un vieux jardin, entre deux jumeaux autrefois liés. L’enjeu ? L’honneur d’une des créatures les plus dangereuses de Senanq…

Lettre d’Éris à Maestro, brouillon retrouvé dans l’âtre d’une cheminée…

JadiSÉris

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tandiS que le Carabin et l’enFant S’enFonCent danS leS ruelleS du quartier du CHat-Huant.

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L ’enfant a peur. L’enfant tremble, mais ne peut ni crier ni appeler à l’aide. Il ne s’appartient pas : sa propre mère l’a échangé contre un artefact à celui qui le traîne dans les venelles et les rues mal

éclairées du quartier du Chat-Huant. « Chez moi, lui a-t-il chuchoté, tu seras bien traité. Tu pourras écrire sans être dérangé. J’y veillerai personnellement. » L’enfant aimerait échapper à la main froide et sèche du carabin, sauf qu’il n’a nulle part où aller et, sans autre langage que les signes ou les mots qu’il couche sur le papier, il deviendra vite une proie. « Je suis une proie, songe-t-il, avec un coup d’œil furtif à son maître. Sa proie. Il peut faire de moi ce qu’il veut, nul n’en aura cure. Aux yeux du monde, je n’existe pas. Et, pour ceux qui me connaissent, je ne suis qu’un objet, une chose sans nom, sans identité… »— Ce n’est plus très loin…La voix du carabin, douce et feutrée, lui donne la chair de poule. Un cri étouffé retentit quelque part dans le lacis de ruelles. Il tourne la tête, croise le regard opaque d’une statue de marbre blanc. Il a le sentiment qu’elle est vivante et l’observe, le toise, le juge… À moins qu’elle ait simplement pitié ?

L’enfant

JadiS

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lorSque l’on navigue Sur le Canal qui paSSe devant leS FenêtreS du palaiS deS tritonS, il arrive Souvent d’entendre leS trilleS d’une méneStrelle tiSSant une FantaSia pour l’un deS potentèS de la HanSe.

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C ent ans. Cent ans qu’ils s’aimaient sans que leurs jeunesses ne semblent s’user. Cette jouvence, le peuple l’attribuait à leur amour, sans deviner que le potentès et sa dame la devaient aux

fontaines du palais des Tritons. L’édifice était tout entier parcouru d’une eau bleue dont l’écoulement chantait en se faufilant de pièce en pièce, de bassins en cascades. Elle se déversait parfois en vrombissant en jets puissants des voûtes du palais. Souvent aussi, elle faisait tintinnabuler, goutte à goutte, des notes claires dont les murs du bâtiment renvoyaient l’écho. Cette partition fluide, dont le rythme dépendait du débit du fleuve proche, enchantait les lieux d’une fantasia peu commune : le monument était l’instrument de cet enchantement, il était une clepsydre capable d’ordonner l’arrêt du temps. Mais cela, le potentès ne le comprit que trop tard, qu’après avoir cru apercevoir un picarès amant dans ses appartements. Cette ombre, il jurait qu’il l’avait vue s’enfuir alors qu’elle plongeait dans le bassin aux céramiques argentées. L’amant devait déjà nager vers la salle aux Reflets ! De là, il pouvait filer jusqu’au Salon miroitant et se glisser dans le puits des Bougres ! Sa femme avait beau lui dire que c’était faux, qu’il n’y avait pas d’amant, juste un chatoiement, le potentès n’en démordit pas. Sa folle jalousie lui fit ordonner de fermer les vannes pour envoyer la garde. Qu’elle s’enfonce dans les conduits, qu’elle retrouve ce galant ! Le palais, alors, cessa son chant, et sur le potentès et sa dame s’abattirent cent ans. L’amant, lui, se faufila à temps jusqu’au fleuve en s’étonnant de constater que cette escapade d’une nuit avait en réalité duré un an. Il attribua ce charme à sa belle et se mit à siffloter l’air que lui avait si longtemps fredonné le palais des Tritons.

Extrait du Traité d’architecture et de ménestrandiepar Amarante

JadiSAmarante

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Imagine l’amont, rade parfumée et baroque, où les amants s’invitent dans une nef effilée de la guilde du Cuivre. Imagine-les, corps noués dans un écrin de soie crue, dériver jusqu’au pont.

À l’aplomb des mille rouages, dos au fleuve, ils égoutteront leurs caresses en trois battements de cœur. Il n’en faut pas plus pour dépasser le tablier. Trois coups au cœur pour cogner le lever de rideau et guetter la symphonie furtive du machiniste Bruneschelli. Son peuple grinçant de câbles, de poulies et d’engrenages aurait les faveurs de Dame Fortune et livrerait l’heure de ta mort. Son theatrum machinarum, c’est le trou du souffleur sur la scène du Rouet, tu vois le genre ? Une œillade sur ta fin, le charme carié de ton dernier soupir. Les amants révélés te racontent le gémissement des piles maçonnées comme des geôles pour des Automatons oubliés que le machiniste condamne en cabestans, le poitrail bobiné et supplicié.Faut croire que Bruneschelli est un bourreau inspiré. Si tu veux le cauchemar limpide, rêve donc de ses muses.

Silenzio

JadiSSilenzio

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Sur le Fleuve magenta, il eSt poSSible de paSSer SouS le pont aux mille rouageS,

l’une deS merveilleS de JadiS.

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A h, je sais que je vais trépasser tantôt... La Sélène à la beauté fa-rouche me l’a encore annoncé ce matin, au réveil... « La carte du Sieur qui suit l’Automaton, en opposition avec La Tapisse-

rie... Tsss, prépare-toi à changer de vie... Peut-être pire... », m’a-t-elle murmuré, un demi-sourire flottant sur son visage blanc magnétite, résillé de fins tatouages mordorés...Puisqu’il en est ainsi, que Dame Fortune a méchamment cousu mon destin de ce jour, allons nous étourdir une dernière fois, allons retrou-ver les hétaïres fameuses des jardins de la Lune disparue, vaquons à la meilleure des occupations tout en s’enivrant copieusement de ce sublimissime nectar des vignobles suspendus de la Hanse de Lazurite... Les bourses vidées, l’esprit nettoyé par le raisin fermenté, je n’en serai que plus acéré et plus léger à la riposte de la demi-quinte de la faucheuse impériale ! Mon duel contre cet insupportable sieur, je le perdrai peut-être mais je conquerrai ma gloire !Perdita, Raphaëla, Oris et Lune de Jade du Manoir des Mille et Un Plaisirs, me voici !

Dernière feuille du carnet de Don Cristobal probablement dictée le matin de sa grande mort

JadiS

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au Cœur deS immenSeS JardinS de la lune diSparue qui S’étendent danS leS méandreS du nerprun, un aFFluent du Fleuve magenta, on déCouvre Souvent de petitS manoirS, deS SalleS de ConCert,

deS HallS de réCeption ou deS FolieS arCHiteCturaleS où aiment Se retrouver leS HabitantS de JadiS.

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le nerprun Semble prendre Sa SourCe danS l’outreville du grand rouet, l’immenSe CHamp de ruineS Situé à la Frontière deS HanSeS de SapHir et de rutile et dont une bonne part Sert de néCropole aux HabitantS deS deux régionS de la ville inFinie.

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Maestro : C’est ici que j’aimerais être enterré, le Sieur.

Le sieur : Il n’y a point de meilleur siège que le cimetière des Délices pour un artiste tel que vous. On dit que même la tombe de Léonard est cachée quelque part ici, dans un mausolée secret.

Maestro : Je n’aimerais pas que mon sépulcre soit dissimulé aux regards de mes contemporains, le Sieur, pas plus qu’à ceux de leurs incarnations futures.

Le sieur : Fort bien, nous saurons vous octroyer une concession digne de vous. Que diriez-vous de quelque caveau comme celui-ci ? Il abrite la dépouille du célèbre sculpteur Bartolucci.

Maestro : Je vaux bien mieux que lui, le Sieur. Mon énigmatique sourire n’a-t-il pas hypnotisé Sa Majesté immaculée Guillaume de la Lune ? N’ai-je point fait voler Don Cristobal sur mon hippogriffe mécanique ? Que n’ai-je conçu un quartier entier ?

Le sieur : Lequel ?

Maestro : Le Sanglier de Quartz, qui n’était qu’outreville quand nous sommes tous les deux nés.

Le sieur : C’est vrai ! Où donc alors, souhaitez-vous reposer ?

Maestro : Là-haut !

Le sieur : C’est impossible, Maestro ! Pas au pied de la Gloire de Dame Fortune !

Maestro : J’ai moi-même construit cette gloire, le Sieur. Et ce n’est son pied, mais son faîte, que vous me concéderez !

JadiSLe Sieur

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reJoignez la pyramide deS FanFreluCHeS !piCarèS, HypoCritèS, ServantèS, laborantèS, merCantèS,

optimateS, CapitanS, potentèS ou nobilèS... guildienS, bougreS, SélèneS ou CHromatiqueS...

HabitantS de la ville inFinie, CHaque Jour, vouS déFiez ou vénérez dame Fortune

pour notre pluS grande Joie !

JadiSCarnets et souvenirs piCaresques de la ville infinie

pour ce portfolio, Charlotte Bousquet a visité les boutiques des apothèques et le quartier du Chat-Huant. Mathieu Gaborit a rencontré Oriana sur les toits de la Hanse de Chrysolithe et Bruneschelli au pont aux Mille Rouages. Raphaël Granier de Cassagnac a traversé l’outreville du Grand Rouet, Régis Antoine Jaulin a visité le palais des Tritons et Frédéric Weil s’est encanaillé dans les jardins de la Lune disparue. Enfin, Nicolas Fructus est Maestro !

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