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Jean DÉNÈS Yvette LE GOUILL L’année 1793 dans le canton de Fouesnant 1793 : « L’année terrible »… Elle débute par l’exécution de Louis XVI le 21 janvier, qui déclenche la formation de la première coalition européenne contre la France. A l’intérieur, la rupture est définitive entre la France révolutionnaire et la France monarchique, avec comme conséquences l’émigration des nobles, la réaction du clergé, la chouannerie… Comment cette situation est-elle vécue dans notre canton, c’est ce que propose d’exposer le texte que nous soumettons ci-après à vos réflexions. La levée de 300 000 hommes Après la tragique révolte de 1792, Fouesnant a retrouvé la paix. La nation est en guerre et a besoin d’hommes. Par un décret du 24 février, la Convention Nationale prescrit la levée de 300 000 hommes sur l'ensemble du territoire. Tous les célibataires et veufs sans enfants, âgés de 18 ans à moins de 40 ans, sont portés au rôle de leur municipalité. Les contingents du canton Le contingent que doit fournir Fouesnant s'élève à 24 hommes, celui des autres communes du canton à 6 chacune. Le recrutement se fait par tirage au sort ou par voie de scrutin. Le mercredi 13 mars, les 171 fouesnantais portés au rôle sont convoqués en l'église pour procéder aux opérations de désignation des recrues. Avant l'arrivée des intéressés et des curieux, le citoyen Durun, administrateur délégué par le district pour assurer la bonne tenue de l'assemblée, en accord avec le conseil municipal présent, fait fermer les auberges du bourg et interdit la vente de boissons. Une fois les hommes réunis dans l’église, Durun leur donne lecture du décret de la Convention Nationale et, pour les rassurer sur leur prochaine destination, les informe, sans toutefois l’assurer avec certitude, que le directoire du district a adressé une requête au ministre de la guerre pour que les recrues soient affectées à la défense des côtes bretonnes. Il fait ensuite un appel aux volontaires, qui reste sans effet. A la question du choix du mode de recrutement, les intéressés optent pour le tirage au sort et promettent que ceux sur qui le sort tombera l’accepteront. Satisfait de cette bonne entente, le délégué appelle le premier de la liste. L’homme s'avance vers la boîte, prend un temps de réflexion et refuse de prendre un billet. 1/15

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Jean DÉNÈS Yvette LE GOUILL

L’année 1793 dans le canton de Fouesnant 1793 : « L’année terrible »… Elle débute par l’exécution de Louis XVI le 21 janvier, qui déclenche la formation de la première coalition européenne contre la France. A l’intérieur, la rupture est définitive entre la France révolutionnaire et la France monarchique, avec comme conséquences l’émigration des nobles, la réaction du clergé, la chouannerie… Comment cette situation est-elle vécue dans notre canton, c’est ce que propose d’exposer le texte que nous soumettons ci-après à vos réflexions.

La levée de 300 000 hommes Après la tragique révolte de 1792, Fouesnant a retrouvé la paix. La nation est en guerre et a besoin d’hommes.

Par un décret du 24 février, la Convention Nationale prescrit la levée de 300 000 hommes sur l'ensemble du territoire. Tous les célibataires et veufs sans enfants, âgés de 18 ans à moins de 40 ans, sont portés au rôle de leur municipalité. Les contingents du canton

Le contingent que doit fournir Fouesnant s'élève à 24 hommes, celui des autres communes du canton à 6 chacune. Le recrutement se fait par tirage au sort ou par voie de scrutin.

Le mercredi 13 mars, les 171 fouesnantais portés au rôle sont convoqués en l'église pour procéder aux opérations de désignation des recrues. Avant l'arrivée des intéressés et des curieux, le citoyen Durun, administrateur délégué par le district pour assurer la bonne tenue de l'assemblée, en accord avec le conseil municipal présent, fait fermer les auberges du bourg et interdit la vente de boissons.

Une fois les hommes réunis dans l’église, Durun leur donne lecture du décret de la Convention Nationale et, pour les rassurer sur leur prochaine destination, les informe, sans toutefois l’assurer avec certitude, que le directoire du district a adressé une requête au ministre de la guerre pour que les recrues soient affectées à la défense des côtes bretonnes. Il fait ensuite un appel aux volontaires, qui reste sans effet. A la question du choix du mode de recrutement, les intéressés optent pour le tirage au sort et promettent que ceux sur qui le sort tombera l’accepteront.

Satisfait de cette bonne entente, le délégué appelle le premier de la liste. L’homme s'avance vers la boîte, prend un temps de réflexion et refuse de prendre un billet.

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« Alors a commencé l'orage » écrira Charles Eléonore Durun dans son rapport. L'homme explique qu'il accepte le tirage au sort, mais pas la manière d'opérer. Dans le

temps ancien, on restait sur le placître, on formait deux rangs et on passait de rang en rang avec les billets. L’assemblée confirme. Le délégué n’y voit aucun inconvénient et invite donc les intéressés à se ranger selon l’habitude.

Une heure et demie plus tard, seuls huit fouesnantais ont accepté de rester alignés. Au neuvième, la situation se dégrade à nouveau et tourne à l’empoignade. Quelques temps plus tard le calme revient enfin, mais, comme dira Durun, « autant que l'on a pu en voir dans une assemblée influencée par des gens qui n'y avaient aucune affaire et qui paraissaient même jouir de la vue d'un désordre qui sûrement était occasionné par le venin aristocratique dont ils empoisonnent le plus qu'ils peuvent les citoyens qui sont assez faibles pour se laisser darder par les serpents. »

L'administrateur propose alors une troisième solution ; il fait l'appel à la porte de l'église et chaque nommé prend un billet, en sa présence et celle des officiers municipaux, et entre dans l’édifice. Les hommes refusent. Le ton monte a nouveau. Les fouesnantais mariés, et donc exempts, venus en curieux, sont pris à partie ; les officiers municipaux qui tentent d'intervenir sont agressés et menacés et Durun, la loi à la main, s'évertue en vain à vouloir ramener le calme.

Les officiers municipaux, qui connaissent leurs concitoyens, savent que seul leur renoncement ramènera le calme. Ils en font part à 1’administrateur qui, dépité, se voit contraint, comme l'an passé, de battre en retraite. Durun conclut: « J'ai cru devoir le faire d'après 1’avis des personnes qui connaissent mieux que moi le caractère de leurs concitoyens; et ce sont les faits qui ont empêché la levée des 24 hommes ».

Le lendemain, c’est au tour d’Alain Clorennec, agent national de Pleuven, délégué pour

sa commune et celles de Clohars et Perguet, de tenter de former des contingents de six hommes chacun. Les citoyens concernés et leurs officiers municipaux ont été convoqués à huit heures du matin en la cour du château de Cheffontaines.

Vers huit heures et quart, Clorennec et quelques pleuvennois venus en sa compagnie se présentent. Vers neuf heures et demie, plusieurs groupes les rejoignent. A dix heures, considérant l’assemblée suffisamment fournie, le délégué ouvre la séance et invite les maires à aligner leurs concitoyens. Comme à Fouesnant, les hommes sont assez réticents à ce commandement ; sitôt rangés, sitôt sortis du rang.

Une fois à peu près alignés, Clorennec leur fait lecture du décret, puis énumère les récompenses que la Nation accorde à ses défenseurs, rappelle les succès que leurs « braves frères d’armes » remportent tous les jours sur les ennemis de la liberté, et leur laisse entendre que, sans ce petit effort, le régime féodal risque de reparaître. Comme Durun, il leur fait part de la requête adressée au ministère de la guerre pour qu’ils restent servir la France en Bretagne.

Son exposé terminé, le délégué s’attend, non pas à une réaction enthousiaste de son auditoire, mais au moins à une acceptation de ses devoirs. Mais la réponse est tout autre : « Puisque que Fouesnant, qui est le chef-lieu du canton et qui forme plus de la moitié de la population cantonale n’a rien fait, nous n’en ferons pas davantage »

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Alors Clorennec, comptant sur la sagesse des élus, leur propose de s’isoler quelques instants avec leurs concitoyens pour débattre de la question. Les décisions de Clohars et de Perguet ne tardent pas : « On suit l’exemple de Fouesnant ! » Pleuven, par contre, accepte le tirage au sort. Certains ajoutent même que « la loi est faite pour être suivie… »

Le délégué tente une nouvelle fois de convaincre les opposants, les conjure de ne pas suivre l’exemple de Fouesnant et rappelle « les funestes effets de leur révolte » ; rien n’y fait.

Une petite bruine commence à tomber. Clorennec en profite pour entraîner les gens de Pleuven de l’autre côté de la cour, vers une petite maison où, à l’abri de la pluie, ils pourront procéder au tirage au sort. Durant ce court trajet, on lui rapporte qu’un officier municipal de Clohars et quelques individus promettent que si les gars de Pleuven tirent au sort, « les bâtons rouleront bientôt ». Le délégué fait demi-tour, interpelle l’élu et lui intime de répéter ses menaces. Ce dernier nie toute menace personnelle et assure qu’il n’a rien dit ou fait de plus que les autres.

Dans la maison, Clorennec prépare les billets. Dehors, les hommes de Clohars et de Perguet sont rassemblés, crient leur refus, malaxent de la boue dont ils bombardent la fenêtre, insultent les gars de Pleuven et jurent que le premier qui franchira la porte après avoir tiré au sort « perdra la vie ». Ces menaces amènent les pleuvennois à réfléchir sur leurs devoirs de citoyens. Clorennec les comprend et, comme Durun à Fouesnant, clôt l’assemblée

Les contingents doivent être levés De nouvelles assemblées sont imposées par le directoire du District : à Gouesnac’h le dimanche 17 mars, Fouesnant le mardi 19, Pleuven le jeudi 21, Clohars et Perguet le vendredi 22.

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A Gouesnac’h, les hommes se réunissent dans la cour du presbytère. Thomas Le Dizet, du Stang, et Vincent Coré, de Penfrat, manquent à l’appel. Le maire interroge les présents sur la manière de statuer sur le cas de ces absents. Une aubaine que les présents s’empressent de saisir : d’un commun accord, ils sont d’avis que les absents soient désignés d’office. Joachim Berrou et Guillaume Déniel sont ensuite volontaires. Pour désigner les deux dernières recrues, les hommes de Gouesnac’h optent pour le scrutin : Louis Cotten, de Kergoreden et Yves Drolès, de Botgarvan, recueillent le plus de suffrages. On ne sait s’ils ont remercié leurs électeurs… A Fouesnant, avant la tenue de l’assemblée, quelques élus se sont rendus à Quimper auprès des administrateurs, pour solliciter la présence de quatre gendarmes ce mardi 19 mars. D’autre part, Toussaint Silguy, officier municipal, a rencontré les citoyens concernés le dimanche 17, à la sortie des messes de La Forêt et de Fouesnant. Il leur a expliqué qu’il est de leur intérêt de respecter la loi, surtout que maintenant ils ont l’assurance d’être affectés à la défense des côtes bretonnes. Le mardi 19 au matin, le citoyen Durun se présente au bourg de Fouesnant escorté, non pas de quatre gendarmes, mais de cent hommes de troupe ! La levée des 24 recrues fouesnantaises s’effectue sans incident, et l’administrateur présente la note : 614 livres 12 sols, à régler avant son départ. C’est le prix à payer pour une réunion paisible, les élus commencent à en prendre l’habitude… A Pleuven, fidèles à leur ligne de conduite, les hommes ont tiré au sort. Yves Lahuec, tisserand, de Prataré Bras ; Yves Guillou, domestique à Kerourin ; Jacob Cotten, du Rest Bras ; Jean Nédélec, domestique à Penhoat Saint-Thomas ; Jacob Le Gac, tisserand à Kercadic , au bourg ; Jean Caradec, apprenti maréchal à Brest sont appelés à « marcher ». A Clohars, Pierre Prigent, domestique à Bodinio ; François le Calvez, domestique, et Jean Berrou, domestique au Minven se portent volontaires. Jacques Guillou, meunier à Kergoat, Louis Lahuec, domestique à Kerstrad et Jean Hascoet, domestique à Cheffontaines, sont désignés par le sort. A Perguet, Mathurin Le Rhun, de Pleuven ; Tanguy Le Faou, domestique à Kerler en Fouesnant ; Jean Baloin, tisserand, de Gouelet-Guériven, en Clohars ; Guillaume Le Du, domestique au moulin de Bodinio, aussi en Clohars, se portent volontaires ; Perguet ne fournit donc que deux hommes : Pierre Bourgot et Joseph Gourmelen, domestique à Kerconan. A Saint-Évarzec, commune appelée à être rattachée au canton de Fouesnant, les hommes choisissent le tirage au sort : le citoyen Kerliézec, commissaire délégué, dépose dans un chapeau un nombre de billets égal à celui des hommes ; six de ces billets sont noirs. Pierre Le Guivanac’h, du moulin du Treff ; Laurent Gourlay, du Moustoir Coat ; Corentin Le Branquet, de Neisvran ; Pierre-Louis Mahé, Louis Le Bec, de Guilvinec et Jean Forte, de Keriou, les ont tirés. Toutes ces recrues sont dirigées sur Quimper, accompagnées de citoyens désignés par leurs municipalités pour les remettre aux autorités militaires. Un commissaire de guerre juge de leur aptitude ; en cas de réforme, la commune concernée doit fournir un remplaçant, en suivant les mêmes méthodes.

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Les comités de surveillance révolutionnaires Le 21 mars, la Convention instaure des « comités de surveillance révolutionnaires » dans chaque commune ou section. A Fouesnant, le 26 du mois, les citoyens Quirmeur, Petit Henry, La Caille et Bacon s’occupent particulièrement de surveillance côtière ( nous sommes en guerre ) et de la bande de brigands qui profitent des lacunes dans la mise en place progressive des nouvelles institutions pour commettre de nombreux vols. Quirmeur et Petit Henri, qui doivent avoir une jonction journalière, ont prévu de se retrouver le mercredi 27 chez la veuve Besançon, débitante au bourg de Fouesnant. Leur prochain contact devrait se faire le samedi suivant. Mais le dimanche 31, c’est Pâques. Quirmeur et Petit Henri pensent « qu’il y a imprudence à se joindre pendant les fêtes de Pâques parce que les paroissiens de Fouesnant, étant dans l’habitude de se trouver ces jours là au bourg et de s’y enivrer, ils pourraient avoir avec eux quelque querelle ». Ce qu’ils veulent éviter. Quimeur ajoute : « Je suis certain que les justes peines que les gens de Fouesnant ont encourues sont dans le cas de retenir plusieurs d’entre eux. Mais il existe malheureusement parmi eux, je pense, plusieurs qui ont la rancune dans le cœur, et qui dans un moment d’ivresse pourraient exciter les autres à nous insulter et peut-être même à nous maltraiter. Et que peuvent deux hommes vis à vis d’une populace effrénée ! Leur unique ressource serait dans la fuite pour éviter les malheurs que leur résistance pourrait occasionner. » Cependant, ce 27 mars, Quirmeur rend visite à Jean Saouzanet, curé constitutionnel et officier d’état civil. Les deux hommes se sont connus au collège. Au cours de leur conversation, Quirmeur évoque les problèmes d’insécurité dans la commune. Saouzanet lui confirme « qu’il y a plusieurs voleurs qui exercent leurs brigandages dans la paroisse, et qu’il y a peu de temps, ils ont enlevé à la veuve Guillermou, au bourg de Fouesnant, une quantité considérable de linge ». De leur côté, La Caille et Bacon ont appris de la bouche de Pierre Choquet, marchand mercier au bourg, que « le nommé Alain Calvez, 32 ans, mesurant 5 pieds 5 pouces, cheveux noirs, figure pleine, homme sans aveu et très suspect, ayant subi plusieurs emprisonnements à Quimper et à Concarneau, est le chef de bande ; il a pour associé un nommé Hervé, cordonnier de profession, 30 ans, d’une taille de 5 pieds, cheveux presque noirs, figure blanche et marquée de petite vérole, demeurant au bas du bourg de Locamand. »

Les batteries côtières Dès 1791, le ministre de la guerre avait ordonné la remise en état de tous les corps de garde, poudrières et guérites en pierres. Début 1793, seuls les postes d’observation de Mousterlin et le corps de garde de Bénodet sont dans un état convenable. Celui de Beg Meil et le fort Cigogne des Glénan sont pour ainsi dire à l’abandon. Les événements nationaux vont précipiter leur réfection. En avril1793 le directoire du district nomme Toussaint Silguy, du Mesmeur, en La Forêt, commissaire pour l’armement des côtes du canton de Fouesnant. Il établit un état des lieux, note les réparations à effectuer, prévoit l’équipement et les effectifs nécessaires à ces postes.

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Le corps de garde et la batterie de Beg Meil C’est une bâtisse de 5m 30 sur 4m 85, sans porte ni fenêtre, avec une cheminée au pignon ouest. Adossée au pignon Est, la poudrière, réduit de 1m sur 0m 80. Travaux à réaliser : au sud, face à la mer, enlever les gonds rouillés, en fixer quatre nouveaux scellés au plomb, poser une porte en châtaignier. A l’arrière, changer les gonds et poser une fenêtre. La poudrière n’a besoin que d’une porte. D’après Toussaint Silguy, la batterie est mal implantée, en contrebas du corps de garde : il suggère de la relever de 1m50 ou de l’installer près de la bâtisse sur une aire en terre battue comme les aires à blé. L’équipement : Deux pièces de 24 avec affûts marins. Un mât d’une quinzaine de mètres pour correspondre par signaux avec les autres corps de garde ou postes d’observation. Il n’est pas prévu de lunette de vue. Toussaint Silguy suggère de rechercher cet instrument d’optique parmi les biens saisis aux émigrés. 16 hommes seront affectés à cette batterie. Le poste de Mousterlin C’est un simple poste d’observation qui sera tenu par 7 hommes. Il est doté du même équipement que celui de Beg Meil en signaux, mais n’est pas armé de canon, les nombreux rochers suffisant pour décourager d’éventuels envahisseurs. Le poste est estimé en état convenable, mais Clorennec, second de Toussaint Silguy, n’est pas de cet avis : il manque une porte, des serrures, un chassis de fenêtre, un petit lit de camp et un râtelier pour les armes. Le corps de garde et la batterie de Bénodet « La batterie de Bénodet, située sur la rive gauche de la rivière de Quimper, à son embouchure, est armée de deux pièces de huit avec affûts de côte. Elle est de forme circulaire, fermée à la gorge par un mur très peu élevé et qui ne peut servir de défense. L’objet de la batterie est uniquement de défendre l’entrée de la rivière à son embouchure. Cet objet est parfaitement rempli avec le calibre de huit dont elle est armée. Mais nous pensons qu’elle aurait été mieux placée à la pointe du Groasguen qui est éloignée de Bénodet d’environ 200 toises. Cette pointe, armée de deux pièces de gros calibre aurait rempli le même but en défendant l’entrée de la rivière, et de plus ses feux auraient croisé avec ceux de la batterie de Combrit sur le mouillage en avant de cette entrée. Cette batterie renferme un corps de garde couvert d’ardoises. La couverture a besoin d’être réparée. La poudrière, éloignée de quelques pas, est en très bon état. Cette batterie était en embrasures. On en a fermé quelques unes, mais sans soin. Elles demandent toutes à être comblées et revêtues, ainsi que l’épaulement. Les pièces doivent être visitées et peintes, ainsi que les affûts. Il est convenu que le service de cette batterie sera fait par un garde d’artillerie, un caporal et six hommes. » Le fort Cigogne, aux îles Glénan La remise en état de ce fort destiné à recevoir une garnison de 60 hommes nécessite des travaux importants, concernant essentiellement les structures de

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logement : 9 portes et 7 fenêtres à replacer ( elles sont à Concarneau dans les magasins de l’artillerie ), deux croisées à faire à neuf. A faire aussi à neuf : le plancher de la poudrière ; les charniers et plate-forme pour les salaisons et boissons, pour les biscuits et provisions fraîches dans le magasin des vivres ; le lit de camp du corps de garde ; le plancher de la chambre des officiers ; 30 lits pour la garnison ; les bancs, tables et râteliers d’armes ; deux guérites ; les sièges et toits des latrines ; le pont-levis de neuf pieds sur six.

Il resterait en outre 7 grands corps d’appartement non occupés, et qui au besoin pourraient être réparés, l’un pour le four, bois à four et boulangerie, un autre pour chambre et cuisine d’officier, quatre pour casernes de dix lits chacune, un pour prison et basse-fosse. Le toit et les portes du donjon sont à refaire. L’enrôlement des volontaires Dans le même temps, les administrateurs du district, par l’intermédiaire des municipalités concernées, procèdent à l’enrôlement des volontaires qui armeront ces postes. La solde est de 15 sous par jour pour un simple canonnier, égale à celle d’un garde national. Le chef de poste a la solde de sergent. Environ deux mois plus tard, suite à un mouvement d’humeur de certains volontaires du Département qui réclament une véritable égalité avec les gardes nationaux qui, en campagne, sont nourris, les administrateurs leur allouent 13 sous d’augmentation par jour, ainsi décomptés : 7 sous pour le pain ; 5 pour la viande ; un pour le riz ou les deux livres de légumes secs qui sont dues « gratis ». Les volontaires du poste de Beg Meil :

- François Le Séhédic, de Lantécost, chef de poste ; - François Tessier, de Lespont, canonnier ; - Louis Bernard, de Kerlosquen ;

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- Jean Guillou, de La Forêt ; - Tanguy Hélias, de Rosnabat ; - Guilaume Le Dréau, du bourg de Locamand ; - Jean Le Marc, de Rospiec ; - Jean Fidelle, du Petit Rospiec ; - Jean Guillou, dit Ninquin, du bourg de La Forêt ; - Pierre Conan, de Lantécost ; - François Berrou, du bourg de La Forêt ; - Laurent Le Reun, du bourg de Pleuven ; - François Le Reun, du bourg de Pleuven ; - Jean Clément, de Perguet ; - Germain Lancien, de Kerveil en Perguet ; - Louis Le Calvé, de Kerlosquen.

Un des rôles du chef de poste est de consigner sur un registre les faits journaliers.

François Séhédic ne sait ni lire, ni écrire. Les administrateurs, avertis, décident de le remplacer.

Ducret, lieutenant des douanes, et Joseph Jauréguy, 30 ans, marin à La Forêt sont

postulants. Ducret est éconduit par les administrateurs qui nomment Jauréguy. Bien que celui-ci soit fouesnantais depuis une douzaine d’années, et marié à une demoiselle L’Héretère de La Forêt, les élus ne sont pas « d’avis de conférer le poste de chef de batterie de Beg Meil à Joseph Jauréguy ci-devant nommé par le directoire du district à cette place, attendu qu’il est originaire d’Espagne et que nous avons guerre avec eux ». ( Jauréguy est effectivement originaire de la province de Ferrol, en Espagne ). On revient donc à François Séhédic. Le directoire demande cependant à la municipalité de lui soumettre les noms d’autres postulants éventuels ; réponse de Parker, le secrétaire : « Les citoyens sachant lire et écrire, dans ce pays, sont rares, surtout parmi ceux voulant s’enrôler pour les batteries ».

Finalement, le directoire détache La Caille, ancien militaire en poste à Mousterlin, et

nomme chef de poste François Tessier, de Lespont, canonnier à la batterie de Beg Meil. Début juin, la défense côtière est en place. La batterie de Beg Meil est dotée de 131

boulets et 536 livres de poudre, mais les hommes n’ont pas encore d’armement individuel. Toussaint Silguy se démène pour essayer de récupérer quelques fusils auprès de la population, mais les chefs de ménage , qui tous en possèdent un, ne veulent pas s’en dessaisir ; ils font valoir qu’après l’affrontement du 10 juillet, l’an passé, les forces armées en avaient saisi un grand nombre. Le commissaire à l’armement réussira à dénicher seulement 8 fusils pour armer les 16 volontaires.

Au poste de Mousterlin, le confort laisse à désirer. Clorennec, responsable de

l’aménagement, se plaint « du peu de respect que l’administration fouesnantaise porte à ses volontaires » : la paille fournie pour les trois couettes suffit à peine pour une, les hommes n’ont pas de couvertures, ne disposent pas de table, si bien qu’au moment des repas ils sont obligés de poser leur gamelle à même le sol ou de la maintenir sur leurs genoux.

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A fort Cigogne, la garnison est également en place : un officier, un sergent, deux caporaux, 12 canonniers, 28 fusiliers, 3 artilleurs et 2 enfants « admis à la solde ». 26 ouvriers terminent les travaux.

On s’accorde à trouver la boulangerie superbe. La réserve de farine est suffisante pour tenir cinq à six mois. Pour l’ordinaire, en plus du pain, la garnison dispose d’un petit approvisionnement de viande salée, de biscuits, de légumes secs, cinq barriques de vin et 200 pintes d’eau de vie ( environ 180 litres ). Pour défendre la position, l’armement se compose de huit pièces de 18, un mortier de 10 pouces, 290 boulets, 30 bombes et 2 200livres de poudre.

Les renforts pour Brest

Début août, les commandants de la Marine et des troupes de Brest réclament au département un renfort de 9 372 hommes, 3 372 pour le service des batteries côtières et 6 000 cantonnés aux environs de Brest. Lever plus de 9 000 hommes à l’époque de la moisson n’est pas très indiqué. C’est pourquoi les administrateurs proposent de n’enrôler que les 3 372 affectés au service des batteries, e t de demander à la Nation et surtout aux départements limitrophes de se charger des 6 000 autres défenseurs réclamés par les autorités militaires brestoises. Suggestion acceptée : le contingent du district de Quimper est fixé à 419 hommes. Fouesnant devra fournir 20 défenseurs et chacune des autres communes du canton 5. Il sera d’abord fait appel au volontariat, complété si besoin est par désignation d’office. La solde est de 15 sous par jour, l’engagement de trois mois renouvelables.

Le dimanche 19 août, Louis Le Lagadec, maire de Fouesnant, fait annoncer au prône de la messe que le conseil général de la commune recevra les volontaires le mercredi 22. Ce jour, 14 citoyens font acte de candidature :

- François Marie Ansquer, 33 ans, du bourg de La Forêt ; - Gaspard Louis Longchamp, 44 ans, du bourg de La Forêt ; - Melchior Marie Longchamp, 39 ans, du bourg de La Forêt ; - Guillaume Le Dréau, originaire de Rosporden, domicilié à La Forêt ; - Yves Bertholom, 42 ans, Valet laboureur à Lanjulien, section de La Forêt ; - Louis Crédou, 25 ans, id° - Hervé Branquet, 20 ans, id° - Jean Le Berre, 21 ans, valet tisserand au bourg de La Forêt ; - Jean Guillou, 22 ans, valet à Pleuven ; - Yves Rica, 21 ans, valet laboureur, section de Fouesnant ; - François Le Calvez, 55 ans, veuf, journalier laboureur, section de Fouesnant ; - Corentin Bourhis, 18 ans, valet laboureur id° - Louis Dumoulin, 21 ans, id° - Thomas Bourgot, 25 ans, id°

Six hommes nommés par le maire complètent ce contingent, affecté à la Compagnie de l’Est, à l’Ile Longue. Le détachement quitte Quimper le samedi 25 août, aux ordres de François Marie Ansquer, capitaine, et de Melchior Marie Longchamp, sergent-major.

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La réquisition générale Le 23 août 1793, la Convention Nationale décrète : « Dès ce moment, jusqu’à celui où les ennemis auront été chassés du territoire de la République, tous les français sont en réquisition permanente pour le service des armées. Les jeunes iront au combat ; les hommes mariés forgeront les armes et transporteront les subsistances ; les femmes feront des tentes, des habits, et serviront dans les hôpitaux ; les enfants mettront le vieux linge en charpie ; les vieillards se feront transporter sur les places publiques pour exciter le courage des guerriers, prêcher la haine des rois et l’unité de la République. La levée sera générale. Les citoyens non mariés ou veufs sans enfant, de 18 à 25 ans, marcheront les premiers. Ils se réuniront sans délai au chef-lieu de leur district où ils s’exerceront, tous les jours, au maniement des armes, en attendant l’heure du départ. » En fait, la réquisition est effective début novembre. Le 4 de ce mois, le conseil général de la commune de Fouesnant arrête le rôle.

- Fouesnant : 125 jeunes dont 23 réformés et 2 qui fournissent un remplaçant ; - Pleuven : 20 jeunes dont un réformé et un renvoyé ; - Clohars : 30 jeunes ; - Perguet : 21 jeunes dont 2 renvoyés. - Le rôle de Gouesnac’h est illisible.

Rendus à Quimper, les appelés restent groupés par cantons et reçoivent une instruction militaire. Ainsi, du 11 au 23 novembre, les recrues du canton de Fouesnant font leurs classes dans le quartier Saint-François. Suivant les besoins, elles seront affectées à l’armée de Brest, revêtues « autant que possible » de l’uniforme national. Leur paquetage comprend : un pantalon de drap garni de peau entre les cuisses, une veste de drap « à la marseillaise » de quelque couleur que ce soit, un gilet doublé, un bonnet de police, deux paires de souliers, deux paires de bas, trois chemises, trois cols, trois brosses, deux peignes, un sac de peau ou de toile cirée, un sabre avec ceinturon. Les premières désertions Les jeunes soldats savent que, même incorporés dans l’armée de Brest, ils n’ont pas l’assurance, comme le contingent de mars dernier, de rester en Bretagne. Alors bon nombre renonce. Fin novembre, 35 fouesnantais sont portés déserteurs du cantonnement de Quimper ; 6 de Perguet, plusieurs de Clohars et de Pleuven, un de Gouesnac’h et huit de Saint-Évarzec. Face à ces désertions, les administrateurs du district interviennent auprès des municipalités, leur rappellent qu’il est de leur devoir d’intervenir afin que les réfractaires regagnent leur cantonnement et les avisent qu’un détachement de la Garde Nationale, ayant pour mission de ramener ces jeunes soldats, se présentera à leur maison commune à une date qui leur sera communiquée ultérieurement. Le citoyen André Ponsard, négociant à Quimper, l’un des chefs de détachement, a la charge du canton de Fouesnant. Il organise sa tournée, en avise les maires des différentes communes et les invite à faire en sorte que les déserteurs soient à sa disposition les jours et heures prévus.

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Le 1er décembre, vers neuf heures du matin, Ponsard et ses sept « frères d’armes » mettent pied à terre devant la maison commune de Saint-Évarzec où ils sont reçus par Francès, maire, et Jean Daniel, officier municipal. Le chef du détachement leur renouvelle l’objet de sa mission et leur demande s’ils ont eu connaissance de l’arrêté du district. Les deux représentants du corps municipal répondent par l’affirmative et ajoutent : « Comme cet arrêté ne comporte aucune injonction, nous n’avons rien fait. » Ils acceptent cependant de piloter le détachement, et pour montrer leurs bonnes dispositions, les deux hommes, ceints de leur écharpe, se portent en tête du groupe. Ponsard, flatté de cette soumission, leur témoigne sa satisfaction, mais comme la municipalité n’a rien fait pour rechercher les déserteurs, elle est donc en faute : il inflige au maire une amende de 100 livres à payer sur le champ, le laissant libre de se retourner vers les parents des réfractaires. Le détachement se rend chez la veuve Lénard dont le fils est recherché. La perquisition est infructueuse. Au village de Kerambesc, le père de Lucas Le Coz ne sait où se trouve son fils. Ponsard le fait saisir, et l’homme, en plein désarroi, promet que « son fils sera demain matin à Quimper ». A Kerilis, Yves Riou est introuvable. Au Mur Huella, on leur dit que Alain Le Dizet est peut-être chez sa mère au Guern Glas : ils ne l’y trouvent pas, mais mettent la main sur Louis Le Bars et François Le Branquec. A Lanveron, chez Noël Chiquet, les recherches ne donnent rien, non plus qu’à Touaru pour Alain Riou. A Keralec, le père de Louis Daniel jure que son fils a rejoint Quimper le matin même. A Kerarzul, dernier lieu visité, la mère d’Olivier Lozac’h ignore où est son fils. Ponsard a l’impression que la femme lui ment, et lui inflige 80 livres d’amende. La femme paie, mais ne sait toujours pas où est son fils. Peu convaincu, avant de quitter les lieux, le chef de détachement lui lance que si son fils n’a pas rejoint le cantonnement dans deux jours, il reviendra et lui appliquera une amende plus forte.

Mission terminée, le groupe revient au bourg de Saint-Évarzec. Le maire et l’officier municipal « libérés », les déserteurs sous bonne garde, Ponsard se retire pour rédiger son rapport. Le 6 décembre, dans les mêmes formes, Ponsard s’attaque au canton de Fouesnant.

Volontaire de retour de l’armée du Rhin

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Il arrive vers trois heures de l’après-midi à Pleuven où aucun élu ne l’attend. Par un exprès (messager), il convoque le conseil municipal pour huit heures du soir et fait prévenir la municipalité de Fouesnant de sa prochaine arrivée. A huit heures du soir, seuls deux conseillers se présentent. Ponsard leur demande s’ils ont connaissance des réquisitions relatives à sa mission. Comme à Saint-Évarzec, les deux hommes reconnaissent « n’avoir point agi vis à vis des jeunes gens pour les punir de leur insubordination ». L’amende tombe : 100 livres. Malgré l’heure tardive, il les somme de le conduire à Penhoat Salaun, chez Jean Conan, dont le fils est l’un des déserteurs. Jean Conan, ancien partisan d’Alain Nédélec, se montre rétif à toute collaboration : Ponsard le fait saisir. Embarrassé par son prisonnier, le chef de détachement décide d’interrompre sa mission sur Pleuven pour se rendre à Fouesnant et remettre Jean Conan entre les mains des douaniers du Cap Coz repliés depuis quelque temps au bourg, avec ordre de le conduire à la prison de Quimper. Il est minuit. Ponsard se rend à la maison commune, mais trouve porte close. Il réveille alors plusieurs fouesnantais et les charge, dans cette nuit de décembre, de se rendre au domicile des officiers municipaux, par les chemins impraticables que l’on sait, pour exiger leur présence immédiate à la maison commune. Ponsard et ses frères d’armes, « exposés à la dureté de la saison », attendent les élus le reste de la nuit. Le matin, à huit heures, comme s’ils s’étaient concertés, le maire et les conseillers municipaux se présentent à la maison commune. Sans perdre un instant, le chef de détachement leur remet l’arrêté du district et la liste des 35 déserteurs. En fait, tous ne sont pas déserteurs : certains ne se sont jamais présentés à Quimper ! Ponsard demande aux élus « quelles sont les causes qui les ont déterminés à être indociles aux injonctions qui leur avaient été faites par l’autorité supérieure de Quimper, il y a quinze jours, de faire rejoindre les jeunes citoyens désertés et même ceux qui n’avaient jamais paru ». Avant de prendre leur décision, les élus veulent en délibérer. Ponsard y consent et se retire. Trois heures plus tard, vers onze heures, les élus annoncent : « Nous ne vous fournirons pas les jeunes citoyens que vous demandez ! » La réaction est immédiate : 500 livres d’amende, et la menace d’être saisis… Après ce moment d’énervement, Ponsard s’attache à les dissuader de persévérer dans leur résolution contraire aux lois de la Nation, et que leur devoir est justement de les faire appliquer, même si, en la circonstance, leurs sentiments les poussent à comprendre ces jeunes déserteurs. Convaincus, les élus reviennent sur leur décision, paient les 500 livres et acceptent de ramener à Quimper, sous trois jours, les 35 déserteurs de la commune. Ponsard se rend ensuite à Perguet, et là aussi on le fait attendre. Enfin on le prévient que les conseillers municipaux sont partis à sa rencontre à Clohars, pensant qu’il visiterait d’abord cette commune. Sur place, les élus de Perguet reconnaissent leur lenteur et promettent que dans trois jours les six déserteurs de la commune seront de nouveau à leur cantonnement à Quimper. Ponsard est surpris « d’une telle loyauté dont il est peu d’exemple » ; néanmoins, pour punir les parents et assurer les frais de son détachement, il condamne les élus à lui verser immédiatement 100 livres, tout en leur laissant un droit de recours. Les élus de Clohars et Demizit, le curé, s’entretiennent du sujet à la sacristie, qui fait office de maison commune. Ponsard les rejoint et leur rappelle sa mission. « Ils l’écoutent avec douceur et promettent d’être dociles à sa demande », mais désirent en discuter encore quelques instants.

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Le chef de détachement ne s’y oppose pas et se retire. Dehors, il attend, longtemps… Lassé, mais soucieux de ne pas contrarier les élus, il se renseigne auprès de quelques habitants. On lui dit que la réunion est terminée depuis un bon moment, et que Yves Nédélec, le maire, et Guillaume Bolloré, procureur de la commune, se sont rendus dans une maison proche et conversent avec quelques citoyens. Outré d’un tel comportement à l’égard d’un représentant du district, Ponsard pénètre dans la maison, somme le maire de lui fournir les déserteurs et lui inflige une amende de 150 livres. La réponse est brutale : « Vous n’aurez ni les hommes, ni l’argent ».Ponsard tente de ramener le maire à des sentiments plus civiques et demande à Demizit de l’aider à le raisonner ; Yves Nédélec ne veut rien entendre. Cet affrontement verbal a poussé les habitants du bourg et probablement les familles et amis des déserteurs à s’assembler devant la maison. Ponsard s’en aperçoit, et craignant un mouvement d’humeur ordonne à ses hommes de dégainer leur sabre, de prendre leur pistolet et de saisir Yves Nédélec et Guillaume Bolloré. Cette démonstration de force surprend. Dehors, on s’écarte. Le détachement monte à cheval, entoure les prisonniers et s’éloigne du bourg de Clohars. Le maire et le procureur de la commune, ce dernier n’ayant rien dit ni fait, marchent vers la prison de Quimper. A Gouesnac’h, un seul jeune a déserté. Ponsard, gêné avec ses deux prisonniers, décide de ne pas s’y rendre. En chemin, il requiert un citoyen, lui remet une livre 10 sols, et le charge de porter au maire de Gouesnac’h une lettre par laquelle il l’enjoint de ramener à Quimper, sous trois jours, le déserteur de sa commune. La mission de Ponsard dans le canton de Fouesnant, à Beuzec, Trégunc, Ergué-Armel, a duré neuf jours. Les dépenses « de bouche » du détachement, des prisonniers et des chevaux se sont élevées à 745 livres. Ponsard et ses hommes ont reçu 8 livres par jour, soit 648 livres ; ce qui fait au total 1493 livres, dépense couverte par les amendes infligées : la Nation a retrouvé ses défenseurs à peu de frais !

La levée des chevaux

Comme il se fait une levée d’hommes, il se fait aussi une levée de chevaux : chaque canton doit mettre à la disposition du service des armées 6 chevaux de 5 ans et plus, mesurant au garrot au moins 4 pieds 6 pouces (1,46 m). En fait, la nation impose cette réquisition, mais achète les animaux. En Pays fouesnantais, si les travaux agricoles sont en général effectués à l’aide de bœufs, les chevaux sont tout de même bien présents : environ 600 dans le canton. Mais ils sont de petite taille, et bien des cultivateurs, informés des critères de sélection, n’ont pas jugé utile de présenter leurs bêtes. D’ailleurs, aucun des chevaux présentés n’atteint la taille requise, ce qui n’empêche pas les propriétaires d’en demander un bon prix. Finalement, 6 chevaux sont tout de même retenus. Les bêtes doivent être présentées à Quimper, harnachées. Mais les cultivateurs n’ont pas de harnais. Quelques notables veulent bien en céder, moyennant finance, naturellement : Coroller, de Cheffontaines, cède une selle pour 50 francs et une bride 9 francs ; Ansquer demande 100 francs pour une selle, 9 francs pour une bride. Demizit, curé de Clohars, brade une selle 40 francs, et Clorennec une selle 36 francs plus une paire de bottes 15 francs. Toussaint Silguy et Parker se rendent à Quimper pour faire confectionner rapidement six selles..

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Louis Renault et Quintin sont les seuls selliers de la ville. Le premier est seul, malade et manque du cuir nécessaire ; le second a un aide, mais surchargé de commandes, ne peut accepter le travail. Mais finalement, tout se passe bien, car les administrateurs, prévoyant cette insuffisance d’équipements en avaient fait confectionner en nombre !

L’armement des jeunes recrues Les soldats manquent d’armes. La Convention demande aux citoyens de prêter celles dont ils disposent aux jeunes soldats, le temps que les ouvriers des manufactures en fabriquent suffisamment. Les dépôts se font sous la responsabilité des municipalités. A Fouesnant, 81 fusils sont ainsi récupérés. Jean Saouzanet, curé constitutionnel, a remis le sien ; le citoyen Parker, du bourg, a fourni un fusil simple, sans plaque, plus « deux fusils a lui laissés en dépôt lors de la guerre de Fouesnant ». Ces dépôts ne se sont pas faits dans un grand élan patriotique. Ils se sont échelonnés, sans que cela semble avoir gêné les autorités. Les administrateurs du district ont avisé les communes le 30 novembre. Le 30 décembre, les officiers municipaux clôturent leur procès-verbal de remise des armes au district. Les habitants de Gouesnac’h ont déposé 27 fusils. Nous n’avons pas trouvé les états des autres communes.

En fait, cet appel au patriotisme est un leurre. Les édiles ne l’apprendront que plus d’un an plus tard ; la véritable raison est que la crainte de troubles intérieurs a déterminé les autorités à désarmer la population des cantons à risque, et Fouesnant est dans cette catégorie…

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Les émigrés Nous n’aborderons que superficiellement ce sujet. Il a fait l’objet d’une étude dans « Aspects de la Révolution en Pays Fouesnantais », de Foen Izella. (1) Pour éviter des redites, nous ne citons que les émigrés qui étaient domiciliés dans le canton : - Cheffontaines Jonathas Clohars - Cheffontaines Fils 1er cadet id° - Cheffontaines Fils 2ème cadet id° - Cheffontaines Fils 3ème cadet id° - Cheffontaines Julie Fille 11 ans id° - Madame Vieux-Châtel, épouse Cheffontaines id° - Cheffontaines oncle, ingénieur id° - Cheffontaines oncle, officier de marine id° - Cheffontaines François oncle, officier de marine id° - Cheffontaines oncle, ex-officier de Malte id° - Sizun Olivier ex-vicaire de Fouesnant - David François Marie ex-prêtre de Fouesnant - Quéré Henri ex-curé de Pleuven - Pellerin Guillaume ex-curé de Perguet - L’Haridon Jacques ex-vicaire de Perguet Ces quinze personnes figurent sur l’état récapitulatif des émigrés, établi par le directoire du district, en avril 1795. En conclusion, on peut s’étonner de constater à quel point la population du canton de Fouesnant a semblé indifférente aux événements tragiques qui secouaient la France et l’Europe entière pendant cette période cruciale de la Révolution. Le comte de Castellane – provençal – qui fut préfet du Finistère en 1827, porte sur ses administrés ce jugement qui constitue peut-être une explication : « Les habitants du Finistère doivent être divisés en deux peuples, celui des campagnes et celui des villes. Le premier forme à peu près les 6 / 7 de la population générale. Son caractère apathique et insouciant le rend indifférent aux améliorations qui, sur tous les points du royaume, ont changé la situation des classes analogues ; il a conservé les usages, les mœurs et les routines de ses pères. » (1) : « Aspects de la Révolution en Pays Fouesnantais » : Un ouvrage de 192 pages sous couverture en quadrichromie. Quelques exemplaires disponibles au prix de 12 €.

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