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Les manches larges et fendues de la courte veste s'arrêtent au coude, laissant déborder les manches bouffantes de la chemise. Mais cette race et cette mode s'arrêtent net au lit de l'Odet. Sur l'autre rive règnent les grandes coiffes blanches aux ailes aériennes, les collerettes tuyautées à la paille, qu'aucune femme n'omet jamais de porter, alors même que la pauvreté l'oblige à marcher pieds nus. La population elle aussi est tout autre. Celle-ci, renommée avec raison pour sa beauté, est de taille moyenne, les cheveux noirs et les yeux foncés ; cependant, la finesse des attaches, le rose délicat des joues chez les jeunes filles et les enfants, l'aspect général des tissus, donnent, à première vue, l'impression d'une race blonde. C'est un effet que produisent également la belle population brune de l'île d'Oléron et les habitants d'une grande partie des cantons de Douvres et de Creully (Calvados), avec lesquels les habitants de Fouesnant ont la plus grande analogie. Peut-être reconnaîtra-t-on quelque jour que, dans les trois cas, les éléments constitutifs sont les mêmes, un mélange de sang celtique et de sang du Nord. C'est surtout avec les personnes âgées que la ressemblance des habitants de Fouesnant avec l'un des types peuplant la Normandie est frappante. Elle est si prononcée, que je sais des normands authentiques qui ont leurs sosies à Gouesnac'h ou à Pleuven. Ce n'est pas qu'ils diffèrent entièrement du reste des Comouaillais. Comme eux, ils ont la face oblongue ; la distance de la racine du nez au menton est considérable; mais la physionomie est plus ouverte, les yeux plus grands et moins enfoncés sous l'orbite ; le bas du visage est plein et non pointu ; enfin, la carnation est plus fraîche et plus belle. L' onomatologie est ici, comme partout en Bretagne, féconde en problèmes imprévus. Dans les communes riveraines de la mer, aussi bien à Fouesnant qu'à Ouessant et Saint-Pol de Léon, j'ai compté environ un tiers de noms de famille purement français. Cette proportion s'abaisse immédiatement de façon considérable dès qu'on s'éloigne des communes côtières. On ne sait par quelle conjecture expliquer comment ces noms sont portés par des bretons bretonnants, de tout point semblables aux autres et qu'aucune tradition ne fait venir du dehors. Quelques- uns d'entre eux sont datés, par leur forme, d'une époque relativement récente, par exemple Rousseau, au lieu de l'orthographe archaïque Roussel ou Rousset. Quoi qu'il en soit, l'homogénéité de la population, sous le rapport de l'anthropologie, est entière; elle égale celle qui existe au point de vue intellectuel, moral, esthétique, et nous allons voir qu'au point de vue démographique, elle n'est pas moindre entre les communes. Etat démographique. Les tableaux qui suivent résument l’histoire de la natalité dans le canton de Fouesnant, depuis le commencement du siècle, et celle des principaux phénomènes concomitants qui sont habituellement susceptibles de la modifier. N.D.L.R. : Nous reproduisons ci-après les tableaux établis par l'auteur, mais nous en allégeons le commentaire qui est souvent redondant. 1/11

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Les manches larges et fendues de la courte veste s'arrêtent au coude, laissant déborder les manches bouffantes de la chemise.

Mais cette race et cette mode s'arrêtent net au lit de l'Odet. Sur l'autre rive règnent les grandes coiffes blanches aux ailes aériennes, les collerettes tuyautées à la paille, qu'aucune femme n'omet jamais de porter, alors même que la pauvreté l'oblige à marcher pieds nus.

La population elle aussi est tout autre. Celle-ci, renommée avec raison pour sa beauté, est de taille moyenne, les cheveux noirs et les yeux foncés ; cependant, la finesse des attaches, le rose délicat des joues chez les jeunes filles et les enfants, l'aspect général des tissus, donnent, à première vue, l'impression d'une race blonde. C'est un effet que produisent également la belle population brune de l'île d'Oléron et les habitants d'une grande partie des cantons de Douvres et de Creully (Calvados), avec lesquels les habitants de Fouesnant ont la plus grande analogie. Peut-être reconnaîtra-t-on quelque jour que, dans les trois cas, les éléments constitutifs sont les mêmes, un mélange de sang celtique et de sang du Nord. C'est surtout avec les personnes âgées que la ressemblance des habitants de Fouesnant avec l'un des types peuplant la Normandie est frappante. Elle est si prononcée, que je sais des normands authentiques qui ont leurs sosies à Gouesnac'h ou à Pleuven.

Ce n'est pas qu'ils diffèrent entièrement du reste des Comouaillais. Comme eux, ils ont la face oblongue ; la distance de la racine du nez au menton est considérable; mais la physionomie est plus ouverte, les yeux plus grands et moins enfoncés sous l'orbite ; le bas du visage est

plein et non pointu ; enfin, la carnation est plus fraîche et plus belle.

L' onomatologie est ici, comme

partout en Bretagne, féconde en problèmes imprévus. Dans les communes riveraines de la mer, aussi bien à Fouesnant qu'à Ouessant et Saint-Pol de Léon, j'ai compté environ un tiers de noms de famille purement français. Cette proportion s'abaisse immédiatement de façon considérable dès qu'on s'éloigne des communes côtières.

On ne sait par quelle conjecture expliquer comment ces noms sont portés par des bretons bretonnants, de tout point semblables aux autres et qu'aucune tradition ne fait venir du dehors. Quelques-uns d'entre eux sont datés, par leur forme, d'une époque relativement récente, par exemple Rousseau, au lieu de l'orthographe archaïque Roussel ou Rousset.

Quoi qu'il en soit, l'homogénéité de

la population, sous le rapport de l'anthropologie, est entière; elle égale celle qui existe au point de vue intellectuel, moral, esthétique, et nous allons voir qu'au point de vue démographique, elle n'est pas moindre entre les communes.

Etat démographique. Les tableaux qui suivent résument l’histoire de la natalité dans le canton de Fouesnant, depuis le commencement du siècle, et celle des principaux phénomènes concomitants qui sont habituellement susceptibles de la modifier. N.D.L.R. : Nous reproduisons ci-après les tableaux établis par l'auteur, mais nous en allégeons le commentaire qui est souvent redondant.

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II : Évolution de la population du canton de 1800 à 1886 N.D.L.R. : ■ La commune de La Forêt-Fouesnant n'a été créée qu'en 1873. ■ Les tableaux III, IV, V, et VI qui suivent comportent deux séries de nombres :

L'un, en caractères droits, correspond au nombre des naissances, décès, mariages pendant la période considérée. Exemple: A Bénodet, 200 naissances de 1802 à 1813.

L’autre, en italique, correspond à ce même nombre, mais calculé pour une année moyenne et pour une population théorique de 1.000 habitants. Exemple : Les 200 naissances précédentes pour la décennie 1802-1813 représentent une moyenne de 20 naissances par an, pour une population de 529 habitants (tableau II). Pour 1.000 habitants, ce nombre de naissances annuelles serait de 37,8. L'intérêt de ce calcul est de pouvoir comparer, toutes choses égales, les données des différentes communes entre elles ou à des époques différentes.

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Commentaire des tableaux numériques

L’histoire démographique du canton de Fouesnant est extrêmement facile à embrasser d'un coup d'oeil. Tandis qu'ailleurs la profonde individualité des communes rurales rend nécessaire ( et d'ailleurs très intéressant ) de les étudier séparément, ici elles n'offrent entre elles aucune différence importante: on pourrait dire que le trait dominant de l'état démographique de ce canton, depuis le commencement du siècle jusqu'à aujourd'hui, est la plus complète homogénéité dans le temps aussi bien que dans l'espace. Ce fait mérite d'être remarqué. On peut le considérer, jusqu'à plus ample informé, comme caractéristique des populations arriérées, restées pauvres et fécondes. 1° Accroissement de la population : Le canton de Fouesnant comptait 5.529 habitants en 1800. En 1886, il en possède 8.933. L'augmentation a donc été de 3.404.

Cet accroissement s'est réparti a peu près également entre les diverses communes, au prorata de leur population. Clohars cependant a vu sa population rester stationnaire depuis 35 ans : c'est l'effet d'une mortalité un peu supérieure, et depuis 1831, de l'émigration.

■ De 1830 à 1831, l'accroissement s'explique à concurrence de 835 par l'excès des naissances sur les décès et pour le reste par l'excès des immigrants sur le nombre inconnu des émigrants.

■ De 1831 à 1872, l'accroissement de population a été seulement de 612, correspondant à peu près à l'excédent des naissances (624).

■ De 1872 à 1886, en 14 ans, l'augmentation de la population a été de 1.618 habitants. L'excédent des naissances sur les décès a atteint le chiffre énorme de 2260. Le canton a donc fourni un excès notable d'émigrants. 2° Densité . La densité moyenne dans le canton est de 69 habitants par Km2, à peu près celle de la France. Si l'on considère qu'il n'existe ni ville, ni bourg, ni industrie, ni commerce et presque point de marine dans le pays, qu’enfin la moitié du sol est inculte, on trouvera cette densité satisfaisante. Elle pourrait s'accroître beaucoup si l'on défrichait les landes, soignait mieux les terres, et surtout si l'on augmentait l'étendue des plants de pommiers. Il est clair que ce qui l'empêche d'augmenter est le manque de subsistances. Ce qui le prouve, c'est que la densité est surtout considérable dans les trois communes riveraines de la mer, où l'on a la ressources du poisson: elle atteint 92 à La Forêt, 77 à Fouesnant, 74 à Bénodet, tandis qu'elle descend à 51 à Clohars. 3° Natalité: Elle est très élevée dans toutes les communes du canton depuis le début du siècle, très supérieure à la moyenne française. A La Forêt, elle atteint même, pour la dernière période de 6 années, le maximum de 47, se rapprochant des natalités de la Russie et de la Hongrie, les plus élevées que l'on connaisse.

Il serait intéressant de connaître combien il existe d'enfants vivants par famille. Malheureusement, ce travail ne semble avoir été bien fait qu'à Bénodet, où l'on dénombre 239 familles ayant 4, 5, 6, ou 7 enfants vivants, contre 203 familles en ayant 0, 1, 2, ou 3.

Mais un autre mode de calcul met en évidence la grande fécondité de la population fouesnantaise.

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On sait que le nombre de naissances légitimes, pour 100 femmes mariées de 15 à 45 ans est en France de 19,4; dans le Finistère, il s'élève à 32,9. De 1873 à 1883, il est de 32 à Bénodet, 37,9 à Saint-Évarzec, 39,7 à Clohars, 40,5 à Gouesnac'h, 41,5 à La Forêt. (L’état récapitulatif n'a pas été fait à Fouesnant, ni à Pleuven ). Cette triomphante natalité est le résultat d'une nuptialité extrêmement élevée et d'une fécondité considérable des mariages. 4° Nuptialité: Dans plus de la moitié des cas, elle se tient au-dessus de 9,0; elle atteint son plus haut niveau à Pleuven en 1802-1813 avec 12,3. Cette nuptialité, énorme en elle-même, est encore plus considérable si l'on considère que les rapports sont calculés en prenant en compte la population totale, qui comprend un grand nombre d'impubères.

Les mariages ne sont pourtant pas particulièrement précoces. Mais le nombre des hommes et des femmes qui renoncent au mariage est très restreint. La population ayant atteint l'âge de 40 ans et que l'on peut considérer comme ayant pris son parti du célibat comptait en 1881 A Hommes Filles Total ■ Bénodet 5 6 11 ■ Clohars 3 4 7 ■ La Forêt 7 22 29 ■ Gouesnac'h 16 22 38 ■ Pleuven 9 12 21 ■ St-Evarzec 7 4 11 ■ Fouesnant ? ? ? 5° Fécondité moyenne des mariages : Le nombre moyen des naissances pour un mariage oscille autour de 4,3 depuis le début du siècle. Il comprend les naissances illégitimes, mais qui sont rares (moins de 1

%). La fécondité des unions est donc élevée, mais n'a rien de phénoménal. La grande natalité de Fouesnant est surtout le résultat de son énorme nuptialité. 6° Mortalité: Jusqu'à ces dernières années, elle a été considérable. Elle est répandue d'une manière à peu près uniforme dans les diverses communes. Considérée dans le temps, elle a atteint son maximum au commencement du siècle: 41,8 à Clohars, 43,4 à Bénodet, 48,5 à Pleuven. Les choses s'améliorent au fil des décennies, mais restent tout de même au-dessus de la moyenne française. Ces chiffres élevés ne doivent pourtant pas étonner si l'on considère qu'ils étaient largement dépassés dans les dernières années de l'Ancien Régime; leurs causes: misère, faim, fièvres paludéennes.

Ces fièvres sont très communes dans tout le Finistère. Elles tiennent aux flaques d'eau qui croupissent toute l'année dans les chemins, dans les cours de fermes et les fossés. Sur les bords de la mer, les marigots existant entre les dunes et la terre, les vases des baies sans profondeur et des larges estuaires comme ceux de l'Odet, qui couvrent et découvrent avec les marées, sont de nouvelles sources d'infection. Elles ont d'autant plus de prise sur la population que celle-ci est débilitée par une ali-mentation insuffisamment tonique et par le manque absolu de confort.

Plusieurs épidémies de choléra ont été très meurtrières; enfin, une grande cause de mort a été, à toutes les époques, la variole. Les habitants sont ignorants et insouciants, n'ayant pas de médecin dans le canton, n'en appelant presque jamais de Quimper ou de Concarneau que quand le malade est à l'agonie. Ils ne sont pas vaccinés et ne font pas vacciner leurs enfants.

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En 1885, la population de Clohars fut, à la lettre, décimée par la variole. La leçon a porté: aujourd'hui presque tous les ha-bitants sont vaccinés ou portent sur le visage les traces de la maladie.

Si l'on considère la population actuelle par groupes d'âge, le fait qui frappe le plus est la faible importance des plus de 60 ans. Lors du recensement de 1876, sur une population totale de 7.814 habitants, le canton entier ne comptait que 345 vieillards de plus de 60 ans. Dans les familles pauvres, qui sont l'immense majorité, une vieillesse prématurée est la conséquence des privations de toute la vie. Et les vieillards n'attendent rien de leurs enfants, sachant qu'un jeune ménage ne peut donner du pain à la fois à ses enfants et à ses vieux parents.

La mortalité des enfants, surtout du premier âge, est extrêmement faible. Le fait est d'autant plus surprenant que les premiers jours des nouveaux-nés sont l'objet de pratiques aussi absurdes que de leur donner de l'eau-de-vie, du vin, voire du ragoût de mouton ! Résistance du sexe mascuHn aux

inlirmités et à la mort

Le tableau VIII indique le nombre des naissances mâles pour chaque année depuis 1858 jusqu'à 1867 inclus, le nombre des conscrits que chaque année a fournis 20 ans après, et le nombre des exemptés pour infirmités de toute nature. Il a deux objets : 1°- Faire voir le rapport entre le nombre des conscrits et celui des réformés ; 2°- Montrer ce que devient, dans ce canton, au bout de 20 ans, la procréation mâle de chaque année, combien sont décédés, combien sont invalides, combien sont

devenus des hommes sains et vigoureux. 1°- RapPort du nombre des réformés au nombre des conscrits :

Il est de 25 %. (Il s'élève même à 37,33% en 1865). Dans l'ensemble, il reste faible. En Seine Inférieure, par exemple, département riche et prospère, 47% des conscrits sont atteints d'infirmités les rendant impropres à tout service armé.

A Fouesnant, sur 780 jeunes gens examinés de 1858 à 1867 par les conseils de révision, 195 seulement ont été déclarés inaptes. Les causes de réforme ont été les suivantes : ■ Affection des membres (dont pieds plats ou déviés: 29 ) 61 = 7,82 % ■ Constitution faible 18 = 2,30 ■ Affections de la vue 16 = 2,05 ■ Défaut de taille 14 = 1,79 ■ Varices 14 = 1,79 ■ Scrofule 10 = 1,28 ■ Hernie 10 = 1,28 ■ Rachitisme 7 = 0,89 ■ Gibbosité 6 = 0,77 ■ Arrêt de développement 6 = 0,77 ■ Varicocèle 6 = 0,77 ■ Bégaiement 5 = 0,64 ■ Divers 22

A noter qu'un grand nombre de réformés ont été affectés au service auxiliaire. Les non-valeurs peuvent être évalués à 15 ou 16 % tout au plus. Les réformés pour faiblesse de constitution sont 2,30 % seulement, contre 21,91 % en Seine-Inférieure ! Le canton de F ouesnant, avec sa natalité exubérante, sa nourriture principalement composée de bouillies et de végétaux, a dix fois moins de faiblesses de constitution que la Seine-Inférieure, où la natalité est beaucoup moindre, la richesse plus considérable, aussi bien que la consommation en vin et en viande fraîche!

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En outre il est à remarquer que près de 15 % des conscrits de Seine Inférieure sont réformés pour carie dentaire, tandis qu'il n'en existe pas un seul cas parmi ceux du canton de Fouesnant. Il faut donc bien admettre à l'actif de ces derniers une réelle supériorité physiologique.

2°- Rapport du nombre des naissances mâles au nombre des réformés et

décédés : Pour fournir 585 hommes en état de

porter les armes, il faut, dans notre canton, 1416 naissances mâles. Le déchet comprend 636 morts et 195 réformés. Remarquons que chaque fois que sur 100 naissances il y a eu un grand nombre de décès (1858, 1860, 1864), le nombre de réformés est très petit. La mort a fait par avance le travail des conseils de révision en emportant ceux que leur faiblesse de constitution eût rendus impropres au service. On ne peut plus douter que dans ce canton la vie rude, l'alimentation grossière ou insuffisante, la mauvaise hygiène, le défaut de soins dans les maladies, l'absence de médecin, épurent la race en éliminant tous les tempéraments les moins résistants.

Il était intéressant de vérifier les constatations précédentes en considérant séparément les différentes communes du canton: c'est l'objet du tableau IX. Chaque commune se comporte ici avec une certaine indépendance. Bénodet et La Forêt n'ont chacune que 19,4 réformés pour cent conscrits ; Saint-Évarzec en a jusqu'à 34,8. Mais cette disparité vient, pour Bénodet en particulier, d'un fort et continu excédent d'immigrés par rapport aux émigrés, qui fausse le déficit réel par décès. Remarquons aussi les chiffres de Clohars,

qui pour 100 naissances, perd par décès près de 55 de ses garçons, mais ne présente que 20,3 cas de réforme.

Recherche des causes de la forte natalité du canton de Fouesnant

Nous avons reconnu que la grande

natalité de ce canton avait pour facteurs une nuptialité extraordinaire, combinée avec une fécondité considérable des mariages.

La nuptialité tient en grande partie à l'impossibilité absolue pour l'ouvrier rural de vivre célibataire. Le jeune homme de retour du service militaire sent bien qu'il n'y a plus de place pour lui dans le penty de ses parents. Il en loue ou en construit un sur quelque morceau de lande, mais alors sa situation est intenable tant qu'il reste seul. Il lui faut une femme pour tenir son ménage. Le grand nombre des mariages, et, par suite, des naissances sont donc, au moins en partie, l'effet du domaine congéable. Il faut y ajouter le caractère plus expansif du cornouaillais en comparaison de l’habitant du Léon ou du Trégor. De leur côté, les jeunes filles de Fouesnant, malgré leur réserve et leur modestie, sont infiniment plus attrayantes que celles du versant nord de la Bretagne.

Quant au grand nombre des enfants par mariage, il tient évidemment à ce qu'ils coûtent peu à nourrir, à élever et à instruire. Mais si dans nos communes la natalité atteint les plus hautes valeurs de France, elle reste en dessous des limites physiologiques. Les femmes, en allaitant comme elles le font, 18 mois au minimum, ont en vue bien moins la vigueur de leurs enfants que l'obstacle à une nouvelle grossesse.

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Un fait important et sans doute très exceptionnel est l'égale répartition de la fécondité des ménages indépendamment de leur degré de fortune. En France, il est ordinaire que les pauvres aient beaucoup d'enfants, les ménages aisés moins, et les riches très peu. A Fouesnant, il n'en est pas ainsi: les ménages riches ont autant d'enfants que les pauvres. On m'a même affirmé, à Bénodet notamment qu'ils en avaient davantage. Il y a là un phénomène très exceptionnel.

A vrai dire, les cultivateurs riches mènent exactement le même genre de vie que leurs ouvriers; ils s’habillent et se nourrissent comme eux; comme eux, ils parlent le breton et affectent d'ignorer le français. Là réside sans doute l'explication de la forte natalité de ces populations: la façon dont vit la classe riche exerce toujours une grande influence sur la fécondité de la race, car tout le monde l'imite...

Une population semblable cons-titue, pour la France, une admirable réserve de forces encore inexploitées, comme seraient les bois d'une forêt vierge que l'éloignement des villes et l'absence de routes auraient par impossible, conservée au sein d'un État civilisé. Mais c'est là un fait transitoire qui ne saurait se maintenir longtemps. Les habitants vivent contents de leur sort, parce qu'ils n'en envisagent pas un autre. Ignorant tout des sciences et des arts, à part quelques applications qui, pour eux, prennent valeur de miracles, ils vivent indolents et résignés dans un état de paix morale et de détente nerveuse qui leur fait aimer l'atmosphère mentale où ils vivent, toute autre leur paraissant fatigante. Les plus riches n'éprouvent encore que de l'antipathie pour la civilisation et pour les moeurs urbaines que leur apportent les touristes et qui les humilient. Mais dans cette aversion même réside un premier changement qui est le gage de tous les au-tres. I1s finiront par se mettre du côté des

moeurs nouvelles et par les imiter de leur mieux.

Peut-être ce phénomène inévitable a-t-il déjà commencé de se produire. A Bénodet, depuis qu'une station de bains s'est fondée, qu'une cinquantaine de maisons bourgeoises ont été construites, qu’un certain nombre de retraités et de pensionnés sont venus s'établir ; que, d'autre part, l'esprit d'initiative s'est éveillé et qu'une légère fraction des habitants se sont convertis aux moeurs urbaines, la natalité s'est abaissée.

Doit-on le regretter ? Il n'est pas désirable que toute la population d'un canton vive ainsi indéfiniment sans art ni science, sans industrie et presque sans commerce ... Il faut que tous les hommes participent à la culture mentale, et que tous aussi contribuent à maintenir le niveau de la natalité. Tous les citoyens ont vocation à la plénitude de leur développement mental comme à la plénitude de leur activité politique, de par l'idée même de démocratie et la notion d'égalité. Conclusion

Voici quelques propositions sug-gérées par l'étude de notre canton, qui, confirmées ou rectifiées par d'autres travaux du même genre, seront peut-être susceptibles quelque jour d'acquérir la valeur de lois.

■ Régime de la terre et prolétariat: Dans le canton de Fouesnant, le fait dominant de l'économie rurale est le domaine congéable. Ce genre d'amodiation permet à l'homme, même entièrement dépourvu de capital, d'occuper une portion du sol et de la faire quasi-sienne ; il est encore plus avantageux pour sa dignité morale que pour son bien-être.

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■ Régime de la terre et natalité: Le même genre d'amodiation est très favorable aux défrichements. Le père n'ayant pas à craindre un manque de débouchés pour ses enfants est poussé à en élever un plus grand nombre. ■ Etat stagnant et natalité : Une population qui reste à l'état stagnant, sans préoccupation du progrès, est corrélative d'un puissant développement en nombre. ■ Homogénéité et natalité : Quand une population présente, dans les diverses communes et classes sociales entre lesquelles elle se répartit, le même état démographique, moral esthétique et intellectuel, cette homogénéité est habituellement corrélative d'une natalité élevée. ■ Attraction de l'idéal urbain et natalité: La natalité semble être partout en raison inverse de l'attraction exercée par l'idéal urbain ■ Richesse et natalité : Quand la richesse augmente dans une collectivité, la natalité y diminue. Mais ce phénomène n'est pas inévitable, comme le montre l'exemple de Fouesnant. ■ Natalité et valeur physiologique: En règle générale, l'effort fait par l'individu pour augmenter sa valeur ou ses Jouissances est en raison inverse du

développement en nombre de la po-pulation. L'exemple de Fouesnant fait voir, par exception, qu'une population de forte natalité peut atteindre un degré très satisfaisant de valeur physiologique, beauté, santé, résistance aux infirmités et à la mort. ■ Natalité et mortalité: En général, une natalité très élevée est corrélative d'une mortalité très forte, surtout infantile. Cette règle a eu son application à Fouesnant pendant longtemps, mais elle n'est pas nécessaire.

Indépendamment de leur intérêt propre, ces quelques résultats de l'étude d'un seul canton, étude fort incomplète puisqu'on a laissé de côté tout ce qui n'avait pas de rapport immédiat avec la natalité, montre quelle mine inépuisable de faits sociaux peut fournir la démographie, quand à la partie arithmétique du travail vient s'ajouter l'observation directe du pays et des populations étudiées;

Une armée de chercheurs peut hardiment se lancer dans cette voie, il y a certainement pour tous du nouveau à découvrir.

N.D.L.R. : Puisse Mr. Dumont être entendu! Ses statistiques s'arrêtent à 1886, il reste encore un siècle à étudier, et certainement celui qui a vu les changements les plus importants. Nous avons reproduit intégralement les tableaux chiffrés précisément parce qu'en dehors de leur intérêt propre, ils peuvent fournir à d'éventuels chercheurs un modèle de méthodologie. Bien que la sympathie de Mr . Dumont semble acquise aux fouesnantais, le commentaire ne peut que suivre les données numériques... Chacun pourra cependant mesurer la pertinence de ce commentaire, ses insuffisances, voire relever des erreurs d'interprétation...et nous en faire part, pour une éventuelle publication.

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