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POUR UN MANIFESTE DU CONVIVIALISME POUR UN MANIFESTE DU CONVIVIALISME

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L’ÉCONOMIE N’EXISTE PASL’ÉCONOMIE N’EXISTE PAS, Bernard Traimond, Bernard TraimondCÉLINE, UN ANTISÉMITE EXCEPTIONNEL. UNE HISTOIRE FRANÇAISECÉLINE, UN ANTISÉMITE EXCEPTIONNEL. UNE HISTOIRE FRANÇAISE, Antoine Peillon, Antoine PeillonL’ÉQUATION GAGNANTE. LA GAUCHE PEUT-ELLE ENFIN GAGNER LA PRÉSIDENTIELLE ?L’ÉQUATION GAGNANTE. LA GAUCHE PEUT-ELLE ENFIN GAGNER LA PRÉSIDENTIELLE ?, Laurent , Laurent Baumel & François KalfonBaumel & François KalfonL’ESPRIT DU CERF. L’ESPRIT DU CERF. LA FORÊT AU CŒUR DE L’IMAGINAIRE OCCIDENTAL,LA FORÊT AU CŒUR DE L’IMAGINAIRE OCCIDENTAL, Antoine Peillon Antoine PeillonINTÉGRATION :INTÉGRATION : MODE D’EMPLOI. LES TRIBULATIONS D’UN « MUSULMAN LAÏQUE » MODE D’EMPLOI. LES TRIBULATIONS D’UN « MUSULMAN LAÏQUE », Ahmat , Ahmat Zeïdane BicharaZeïdane BicharaPLAIDOYER POUR UNE GAUCHE POPULAIRE. LA GAUCHE FACE À SES ÉLECTEURS, Laurent Laurent Baumel & François KalfonBaumel & François Kalfon

© LE BORD DE L’EAU 2011 LE BORD DE L’EAU 2011www.editionsbdl.com www.editionsbdl.com

33310 Lormont

ISBN : 978-2-35687-141-1

Alain CailléAlain Caillé

Pour un manifeste du convivialismePour un manifeste du convivialisme

LE BORD DE L’EAU LE BORD DE L’EAU

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AVERTISSEMENTAVERTISSEMENT

Partout un autre monde cherche à s’inventer. À travers Partout un autre monde cherche à s’inventer. À travers de multiples expériences, de multiples courants de pen-de multiples expériences, de multiples courants de pen-sée, sous de multiples appellations : autre économie, éco-sée, sous de multiples appellations : autre économie, éco-nomie sociale et solidaire, postdéveloppentisme, sobriété nomie sociale et solidaire, postdéveloppentisme, sobriété volontaire, abondance frugale, décroissance, indicateurs volontaire, abondance frugale, décroissance, indicateurs de richesse alternatifs, commerce équitable, microcrédit, de richesse alternatifs, commerce équitable, microcrédit, responsabilité sociale et environnementale, entreprise responsabilité sociale et environnementale, entreprise sociale, politique de l’association, démocratie radicale, sociale, politique de l’association, démocratie radicale, écologie politique, altermondialisme, etc. Ou encore, tout écologie politique, altermondialisme, etc. Ou encore, tout récemment, sous la forme d’une revendication de la di-récemment, sous la forme d’une revendication de la di-gnité, dans le cas des révoltes ou révolutions du monde gnité, dans le cas des révoltes ou révolutions du monde arabe, au nom de l’indignation en Espagne ou au Portugal arabe, au nom de l’indignation en Espagne ou au Portugal et ailleurs.et ailleurs.

Il est possible, bien sûr, de discuter du degré d’unité de Il est possible, bien sûr, de discuter du degré d’unité de ces expériences ou de ces aspirations. Vont-elles vraiment ces expériences ou de ces aspirations. Vont-elles vraiment toutes dans la même direction ? Rien ne permet d’en être toutes dans la même direction ? Rien ne permet d’en être assuré, mais ce qui est certain c’est qu’elles ne seront à la assuré, mais ce qui est certain c’est qu’elles ne seront à la hauteur des défis colossaux que nous devons affronter, et hauteur des défis colossaux que nous devons affronter, et en mesure, en effet, de contribuer à l’invention d’un autre en mesure, en effet, de contribuer à l’invention d’un autre monde, que si elles prennent conscience de leur unité monde, que si elles prennent conscience de leur unité potentielle. Sous quel nom, sous quelle bannière, sous potentielle. Sous quel nom, sous quelle bannière, sous quel signifiant ? quel signifiant ?

Le pari dont procède ce livre est que le nom qui cerne Le pari dont procède ce livre est que le nom qui cerne au plus près la doctrine commune qui se cherche est ce-au plus près la doctrine commune qui se cherche est ce-lui de convivialisme. Ce qui m’en a convaincu c’est que, lui de convivialisme. Ce qui m’en a convaincu c’est que,

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POUR UN MANIFESTE DU CONVIVIALISMEPOUR UN MANIFESTE DU CONVIVIALISME

quelques réserves qu’il puisse susciter, c’est celui autour quelques réserves qu’il puisse susciter, c’est celui autour duquel nous nous sommes spontanément mis d’accord, duquel nous nous sommes spontanément mis d’accord, Marc Humbert, Serge Latouche, Patrick Viveret et moi-Marc Humbert, Serge Latouche, Patrick Viveret et moi-même, hérauts de l’économie alternative, de la décrois-même, hérauts de l’économie alternative, de la décrois-sance, des indicateurs de richesse alternatifs, de la so-sance, des indicateurs de richesse alternatifs, de la so-briété volontaire ou de l’abondance frugale, et, pour ce briété volontaire ou de l’abondance frugale, et, pour ce qui me concerne de l’anti-utilitarismequi me concerne de l’anti-utilitarisme 1 1..

Mon intuition est que ce convivialisme ne prendra Mon intuition est que ce convivialisme ne prendra véritablement consistance que s’il assume sa dimension véritablement consistance que s’il assume sa dimension d’idéologie politique de notre temps. Une idéologie politi-d’idéologie politique de notre temps. Une idéologie politi-que qui à la fois synthétise et dépasse les quatre grandes que qui à la fois synthétise et dépasse les quatre grandes idéologies de la modernité, le libéralisme, le socialisme, idéologies de la modernité, le libéralisme, le socialisme, l’anarchisme et le communisme. S’il faut les dépasser l’anarchisme et le communisme. S’il faut les dépasser c’est parce que, en raison de leur soubassement utilita-c’est parce que, en raison de leur soubassement utilita-riste et économiciste, toutes les quatre, sauf dans leurs riste et économiciste, toutes les quatre, sauf dans leurs variantes marginales présupposent que seule une crois-variantes marginales présupposent que seule une crois-sance économique infinie, ou indéfinie, est susceptible de sance économique infinie, ou indéfinie, est susceptible de désamorcer le conflit entre les hommes et les peuples, et désamorcer le conflit entre les hommes et les peuples, et d’apporter le Progrès. Or si tel était le cas, nous n’aurions d’apporter le Progrès. Or si tel était le cas, nous n’aurions plus qu’à désespérer définitivement du sort de l’humanité plus qu’à désespérer définitivement du sort de l’humanité car il est désormais évident que notre planète ne pourra car il est désormais évident que notre planète ne pourra pas résister à une croissance illimitée. Il faut donc sauver pas résister à une croissance illimitée. Il faut donc sauver l’idéal démocratique en l’affranchissant de l’économie, au l’idéal démocratique en l’affranchissant de l’économie, au lieu de l’y réduire. lieu de l’y réduire.

À quoi pourrait ressembler le convivialisme, entendu À quoi pourrait ressembler le convivialisme, entendu comme idéologie politique ? Telle est la question à la-comme idéologie politique ? Telle est la question à la-quelle ce plaidoyer pour un manifeste du convivialisme quelle ce plaidoyer pour un manifeste du convivialisme tente d’esquisser une réponse. tente d’esquisser une réponse.

Pourquoi un plaidoyer pour un manifeste et non pas Pourquoi un plaidoyer pour un manifeste et non pas directement le manifeste lui-même ? Parce que j’ai tenté directement le manifeste lui-même ? Parce que j’ai tenté de fixer ici ce qui me paraît être le plus grand dénomi-de fixer ici ce qui me paraît être le plus grand dénomi-

1 Cf. A. Caillé, M. Humbert, S. Latouche et P. Viveret, 1 Cf. A. Caillé, M. Humbert, S. Latouche et P. Viveret, De la convivialité. De la convivialité. Dialogues sur la société conviviale à venirDialogues sur la société conviviale à venir, La Découverte, 2011. , La Découverte, 2011.

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AVERTISSEMENTAVERTISSEMENT

nateur commun entre toute une série d’auteurs, amis ou nateur commun entre toute une série d’auteurs, amis ou compagnons de route, avec lesquels je souhaiterais appro-compagnons de route, avec lesquels je souhaiterais appro-fondir la discussion pour, si possible, aboutir à la rédac-fondir la discussion pour, si possible, aboutir à la rédac-tion en commun de ce qui se présenterait alors comme tion en commun de ce qui se présenterait alors comme un véritable manifeste. L’expression d’une pensée collec-un véritable manifeste. L’expression d’une pensée collec-tive explicite, et non pas seulement, comme ici, l’inter-tive explicite, et non pas seulement, comme ici, l’inter-prétation individuelle de ce que je crois être une pensée prétation individuelle de ce que je crois être une pensée collective implicite. Mais il faut bien commencer et for-collective implicite. Mais il faut bien commencer et for-muler une première série de propositions pour vérifier la muler une première série de propositions pour vérifier la plausibilité de l’hypothèse que c’est bien sur le terrain du plausibilité de l’hypothèse que c’est bien sur le terrain du convivialisme que les convergences les plus fortes et les convivialisme que les convergences les plus fortes et les plus fécondes sont en effet susceptibles de s’opérer. D’où plus fécondes sont en effet susceptibles de s’opérer. D’où ce pré-manifeste. ce pré-manifeste.

S’y reconnaîtront certainement, dans tel ou tel pas-S’y reconnaîtront certainement, dans tel ou tel pas-sage ou dans l’inspiration générale, outre, bien sûr, Marc sage ou dans l’inspiration générale, outre, bien sûr, Marc Humbert, Serge Latouche ou Patrick Viveret : Jean-Bap-Humbert, Serge Latouche ou Patrick Viveret : Jean-Bap-tiste de Foucauld, Hervé Kempf, Jean-Louis Laville, Jean tiste de Foucauld, Hervé Kempf, Jean-Louis Laville, Jean Gadrey, Dominique Méda, Christian Laval, François Gadrey, Dominique Méda, Christian Laval, François Flahault, François Fourquet, Philippe Chanial, Denis Flahault, François Fourquet, Philippe Chanial, Denis Clerc, Yann Moulier-Boutang, Paul Jorion, Thomas Cou-Clerc, Yann Moulier-Boutang, Paul Jorion, Thomas Cou-trot, Gus Massiah, Geneviève Azam, Jean-Pierre Dupuy, trot, Gus Massiah, Geneviève Azam, Jean-Pierre Dupuy, Alain Supiot, Jacques T. Godbout, Edgar Morin, Jean-Alain Supiot, Jacques T. Godbout, Edgar Morin, Jean-Claude Guillebaud, René Passet, Bernard Perret, Jean-Claude Guillebaud, René Passet, Bernard Perret, Jean-Claude Michéa, Serge Audier et tant d’autresClaude Michéa, Serge Audier et tant d’autres 1 1. Et pour . Et pour en rester à la France. Ils ne sont, bien sûr, en rien engagés en rester à la France. Ils ne sont, bien sûr, en rien engagés par ce qui suit dont je porte, seul, la responsabilité. Mais par ce qui suit dont je porte, seul, la responsabilité. Mais c’est avec eux, notamment, que j’aimerais prolonger le c’est avec eux, notamment, que j’aimerais prolonger le débat. D’eux que j’attends au premier chef les critiques. débat. D’eux que j’attends au premier chef les critiques.

Ce pré-manifeste qui vise à une première synthèse Ce pré-manifeste qui vise à une première synthèse touche à beaucoup de questions. Souhaitant qu’il soit le touche à beaucoup de questions. Souhaitant qu’il soit le plus facile à lire possible par des non-spécialistes de l’éco-plus facile à lire possible par des non-spécialistes de l’éco-

1 Tant d’autres à qui j’emprunte également, sans les nommer – qu’ils me le 1 Tant d’autres à qui j’emprunte également, sans les nommer – qu’ils me le pardonnent –, idées, chiffres et analyses. pardonnent –, idées, chiffres et analyses.

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nomie, de l’anthropologie, de la sociologie ou de la phi-nomie, de l’anthropologie, de la sociologie ou de la phi-losophie politique, j’ai décidé de ne pas rédiger de note, losophie politique, j’ai décidé de ne pas rédiger de note, sauf exception, et de ne donner aucune référence (sauf, sauf exception, et de ne donner aucune référence (sauf, parfois, entre parenthèses, l’explicitation de l’allusion à un parfois, entre parenthèses, l’explicitation de l’allusion à un auteur de la tradition). auteur de la tradition).

INTRODUCTIONINTRODUCTION

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Un spectre hante le monde, celui de sa fin prochaine. Un spectre hante le monde, celui de sa fin prochaine. Elle pourrait survenir sous de multiples formes. Partiel-Elle pourrait survenir sous de multiples formes. Partiel-les, dramatiques, ravageant la planète et l’humanité, mais les, dramatiques, ravageant la planète et l’humanité, mais ne les faisant pas disparaître : le dérèglement climatique ne les faisant pas disparaître : le dérèglement climatique et ses séquelles, la prolifération de pollutions incontrô-et ses séquelles, la prolifération de pollutions incontrô-lables, l’épuisement des ressources énergétiques et des lables, l’épuisement des ressources énergétiques et des matières premières, une crise économique et financière matières premières, une crise économique et financière mondiale sans précédent, la montée d’une criminalité et mondiale sans précédent, la montée d’une criminalité et d’une corruption généralisées, le triomphe des mafias, d’une corruption généralisées, le triomphe des mafias, la fin de toutes les valeurs héritées, la mort de l’idéal la fin de toutes les valeurs héritées, la mort de l’idéal humaniste, démocratique et progressiste, de l’idée même humaniste, démocratique et progressiste, de l’idée même de l’Homme, etc. Mais se profile aussi à l’horizon la de l’Homme, etc. Mais se profile aussi à l’horizon la possibilité d’une fin absolue et irrémissible : celle qu’en-possibilité d’une fin absolue et irrémissible : celle qu’en-traîneraient une catastrophe nucléaire ou une troisième traîneraient une catastrophe nucléaire ou une troisième guerre mondiale emportant tout sur leur passage. Une guerre mondiale emportant tout sur leur passage. Une apocalypse.apocalypse.

Nous préférons ne pas trop nous attarder sur ce genre Nous préférons ne pas trop nous attarder sur ce genre de considérations et nous réjouir, plutôt, du gigantesque ac-de considérations et nous réjouir, plutôt, du gigantesque ac-croissement des richesses matérielles produites à l’échelle croissement des richesses matérielles produites à l’échelle du monde, et de la maîtrise technique proprement inouïe du monde, et de la maîtrise technique proprement inouïe que nous avons su acquérir. Et qui permet, entre de mul-que nous avons su acquérir. Et qui permet, entre de mul-tiples autres choses, de mettre potentiellement chacun en tiples autres choses, de mettre potentiellement chacun en contact avec tous, d’un bout à l’autre du monde, en temps contact avec tous, d’un bout à l’autre du monde, en temps réel. Dans cette perspective, optimiste, la mondialisation réel. Dans cette perspective, optimiste, la mondialisation n’est que secondairement économique et financière. Elle n’est que secondairement économique et financière. Elle se présente au premier chef comme la mondialisation des se présente au premier chef comme la mondialisation des consciences, et le prélude à un universalisme véritable et consciences, et le prélude à un universalisme véritable et à une paix perpétuelle enfin trouvés. à une paix perpétuelle enfin trouvés.

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Mais nous le sentons bien : pour que l’hypothèse op-Mais nous le sentons bien : pour que l’hypothèse op-timiste l’emporte, pour conjurer la fin toujours plus plau-timiste l’emporte, pour conjurer la fin toujours plus plau-sible de notre monde, nous ne pouvons nullement comp-sible de notre monde, nous ne pouvons nullement comp-ter sur le prolongement des logiques et des tendances ter sur le prolongement des logiques et des tendances aujourd’hui dominantes. Pour éviter les catastrophes qui aujourd’hui dominantes. Pour éviter les catastrophes qui nous menacent, il nous faut inventer de toute urgence de nous menacent, il nous faut inventer de toute urgence de nouvelles règles du jeu social, politique, économique et, nouvelles règles du jeu social, politique, économique et, pour cela, expliciter les valeurs-clés, universalisables, à pour cela, expliciter les valeurs-clés, universalisables, à partir desquelles pourrait se réorganiser la planète. Avec partir desquelles pourrait se réorganiser la planète. Avec la mondialisation-globalisation, avec la multiplication des la mondialisation-globalisation, avec la multiplication des découvertes techniques radicalement nouvelles, ce sont découvertes techniques radicalement nouvelles, ce sont toutes les échelles spatio-temporelles et le rythme même toutes les échelles spatio-temporelles et le rythme même de nos existences qui se retrouvent bouleversés de fond en de nos existences qui se retrouvent bouleversés de fond en comble. Les idéologies politiques héritées, inventées il y a comble. Les idéologies politiques héritées, inventées il y a deux ou trois siècles, ne sont plus à l’échelle. Si bien que deux ou trois siècles, ne sont plus à l’échelle. Si bien que nous ne savons plus comment penser, apprivoiser ni hu-nous ne savons plus comment penser, apprivoiser ni hu-maniser les puissances colossales qui nous échoient. Dont maniser les puissances colossales qui nous échoient. Dont nul ne peut dire si elles vont faire de nous, en définitive, nul ne peut dire si elles vont faire de nous, en définitive, des maîtres ou des esclaves. Ou autre chose encore. des maîtres ou des esclaves. Ou autre chose encore.

Inventer de nouvelles règles, énoncer et expliciter les Inventer de nouvelles règles, énoncer et expliciter les valeurs-clés qui doivent présider à nos actes, n’implique valeurs-clés qui doivent présider à nos actes, n’implique nullement de tout répudier de l’existant, ou de se mettre à nullement de tout répudier de l’existant, ou de se mettre à imaginer des mondes absolument inédits. Le révolution-imaginer des mondes absolument inédits. Le révolution-narisme ou l’utopisme, nous ne le savons désormais que narisme ou l’utopisme, nous ne le savons désormais que trop bien, sont aussi stériles et dangereux que le conser-trop bien, sont aussi stériles et dangereux que le conser-vatisme ou le laisser-fairisme. « Un autre monde est pos-vatisme ou le laisser-fairisme. « Un autre monde est pos-sible », en effet, et souhaitable et nécessaire. Mais il ne sible », en effet, et souhaitable et nécessaire. Mais il ne pourra pas et ne devra pas être un « tout autre » monde. pourra pas et ne devra pas être un « tout autre » monde. C’est au sein de celui qui existe, de notre monde actuel, C’est au sein de celui qui existe, de notre monde actuel, qu’il nous faut identifier les multiples alternatives, les fu-qu’il nous faut identifier les multiples alternatives, les fu-turs différents qui se cherchent et qui pourraient nous turs différents qui se cherchent et qui pourraient nous permettre d’opérer à temps les changements de trajec-permettre d’opérer à temps les changements de trajec-toire, les bifurcations nécessaires pour éviter le pire. toire, les bifurcations nécessaires pour éviter le pire.

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INTRODUCTIONINTRODUCTION

Mais il ne suffit pas de les repérer et de les dénombrer. Mais il ne suffit pas de les repérer et de les dénombrer. Pour que les pratiques alternatives à celles qui dominent Pour que les pratiques alternatives à celles qui dominent aujourd’hui puissent suffisamment faire masse pour peser aujourd’hui puissent suffisamment faire masse pour peser sur le cours de l’histoire, infléchir les cheminements vers sur le cours de l’histoire, infléchir les cheminements vers la catastrophe et la conjurer, le plus important désormais la catastrophe et la conjurer, le plus important désormais est de formuler ce qu’elles ont en commun, d’identifier est de formuler ce qu’elles ont en commun, d’identifier les aspirations qu’elles partagent, les valeurs centrales qui les aspirations qu’elles partagent, les valeurs centrales qui les animent. Car elles ne seront puissantes et efficientes les animent. Car elles ne seront puissantes et efficientes que si elles prennent clairement conscience qu’en agissant que si elles prennent clairement conscience qu’en agissant ici ou là, dans des espaces-temps déterminés et parti-ici ou là, dans des espaces-temps déterminés et parti-culiers, localisés, chacune selon son objet propre, elles culiers, localisés, chacune selon son objet propre, elles participent toutes, aussi diverses soient-elles, d’une vision participent toutes, aussi diverses soient-elles, d’une vision commune, d’une même représentation du devenir néces-commune, d’une même représentation du devenir néces-saire du monde. Une vision commune qu’il faut parvenir saire du monde. Une vision commune qu’il faut parvenir à nommer pour qu’elle puisse prendre forme, force et à nommer pour qu’elle puisse prendre forme, force et effectivité. Cette vision commune, qui se cherche à tra-effectivité. Cette vision commune, qui se cherche à tra-vers de multiples initiatives ou courants de pensée, est vers de multiples initiatives ou courants de pensée, est celle du convivialisme. À tout le moins, est-ce sous cette celle du convivialisme. À tout le moins, est-ce sous cette étiquette, semble-t-il, que toutes les aspirations portées étiquette, semble-t-il, que toutes les aspirations portées par ceux qui cherchent à inventer un autre monde, un par ceux qui cherchent à inventer un autre monde, un monde capable et digne de survivre et de progresser, sont monde capable et digne de survivre et de progresser, sont le plus susceptibles de se rassembler et de se condenser le plus susceptibles de se rassembler et de se condenser sous un signifiant partageable et endossable par tous. sous un signifiant partageable et endossable par tous.

Comme on s’est rassemblé hier, comme on est devenu Comme on s’est rassemblé hier, comme on est devenu fort, pour le meilleur ou pour le pire, sous les banniè-fort, pour le meilleur ou pour le pire, sous les banniè-res du libéralisme, du socialisme, du communisme ou de res du libéralisme, du socialisme, du communisme ou de l’anarchisme.l’anarchisme.

On tente ici de fixer certaines des lignes de force On tente ici de fixer certaines des lignes de force principales de ce convivialisme, que chacun, bien sûr, principales de ce convivialisme, que chacun, bien sûr, interprétera à sa manière, mais que tous s’accorderaient interprétera à sa manière, mais que tous s’accorderaient à nommer ainsi. à nommer ainsi.

PREMIÈRE PARTIEPREMIÈRE PARTIE

LA QUESTION PREMIÈRE : LA QUESTION PREMIÈRE : HAINE ET DÉMOCRATIEHAINE ET DÉMOCRATIE

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L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’est pas L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’est pas d’abord l’histoire de la lutte des classes (Marx). Elle est d’abord l’histoire de la lutte des classes (Marx). Elle est d’abord celle des réponses inventées pour répondre à la d’abord celle des réponses inventées pour répondre à la question première, celle dont toutes les autres dépendent : question première, celle dont toutes les autres dépendent : quelles règles de vie en société adopter pour permettre quelles règles de vie en société adopter pour permettre aux humains de vivre ensemble en « s’opposant sans se aux humains de vivre ensemble en « s’opposant sans se massacrer » (Marcel Mauss) ? C’est la question du convi-massacrer » (Marcel Mauss) ? C’est la question du convi-vialisme. vialisme.

S’OPPOSER SANS SE MASSACRERS’OPPOSER SANS SE MASSACRER

Qu’il soit préférable de ne pas se massacrer, voilà qui Qu’il soit préférable de ne pas se massacrer, voilà qui est aisément compréhensible. Ou presque. Presque, car il est aisément compréhensible. Ou presque. Presque, car il serait désastreux de dénier et de vouloir ignorer la part de serait désastreux de dénier et de vouloir ignorer la part de haine, infime ou démesurée selon les cas, qui entre dans haine, infime ou démesurée selon les cas, qui entre dans toute relation sociale et qui peut nous porter à préférer toute relation sociale et qui peut nous porter à préférer le massacre. La part de la pulsion de mort (Freud) ou le massacre. La part de la pulsion de mort (Freud) ou du mal radical (Kant), si l’on veut. Cette réalité du mal, du mal radical (Kant), si l’on veut. Cette réalité du mal, qui en pousse certains, beaucoup, presque tous parfois, qui en pousse certains, beaucoup, presque tous parfois, en certaines occasions, à trouver leur jouissance et leur en certaines occasions, à trouver leur jouissance et leur sentiment d’accomplissement dans la violence, le meur-sentiment d’accomplissement dans la violence, le meur-tre, la destruction et l’anéantissement. Dans la préférence tre, la destruction et l’anéantissement. Dans la préférence pour le massacre. Mais en règle générale, tout le monde pour le massacre. Mais en règle générale, tout le monde se déclare par principe partisan de la paix. se déclare par principe partisan de la paix.

Qu’il faille s’opposer, rivaliser, être en dissentiment, Qu’il faille s’opposer, rivaliser, être en dissentiment, et qu’il soit souvent souhaitable de le faire, est beaucoup et qu’il soit souvent souhaitable de le faire, est beaucoup moins couramment reconnu et admis que l’idée qu’il vau-moins couramment reconnu et admis que l’idée qu’il vau-

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drait mieux éviter de se massacrer. L’idéal dominant dans drait mieux éviter de se massacrer. L’idéal dominant dans l’histoire – bien loin de sa réalité – est très généralement, l’histoire – bien loin de sa réalité – est très généralement, en effet, celui de l’harmonie et du consensus. Il fait ap-en effet, celui de l’harmonie et du consensus. Il fait ap-paraître comme illégitime toute forme d’opposition ou de paraître comme illégitime toute forme d’opposition ou de conflit. Or, entre les humains, l’opposition et la division conflit. Or, entre les humains, l’opposition et la division sont inévitables. Il est donc nécessaire de leur permettre sont inévitables. Il est donc nécessaire de leur permettre de s’exprimer, de se mettre en scène, de se jouer, de se de s’exprimer, de se mettre en scène, de se jouer, de se symboliser et, ainsi, d’éviter qu’elles ne basculent dans le symboliser et, ainsi, d’éviter qu’elles ne basculent dans le massacre. massacre.

La division et l’opposition sont coextensives à l’exis-La division et l’opposition sont coextensives à l’exis-tence humaine en société. Les points de vue, les intérêts, tence humaine en société. Les points de vue, les intérêts, les désirs sont nécessairement différents et les désirs sont nécessairement différents et a prioria priori diver- diver-gents, ou à tout le moins pas nécessairement convergents, gents, ou à tout le moins pas nécessairement convergents, entres hommes et femmes, jeunes et vieux, parents et en-entres hommes et femmes, jeunes et vieux, parents et en-fants, frères et sœurs, aînés et cadets, riches et pauvres, fants, frères et sœurs, aînés et cadets, riches et pauvres, guerriers et paysans, clercs et laïques, lettrés et illettrés, guerriers et paysans, clercs et laïques, lettrés et illettrés, puissants et dominés, etc. Et non seulement ils le sont, puissants et dominés, etc. Et non seulement ils le sont, de fait, mais il faut que dans une certaine mesure – la-de fait, mais il faut que dans une certaine mesure – la-quelle ? C’est tout le problème –, ils le soient. De droit. quelle ? C’est tout le problème –, ils le soient. De droit. L’existence humaine en effet ne fait sens, ne vaut d’être L’existence humaine en effet ne fait sens, ne vaut d’être vécue, que si chacun est reconnu non seulement comme vécue, que si chacun est reconnu non seulement comme membre d’un groupe, comme participant d’une identité membre d’un groupe, comme participant d’une identité collective, mais aussi dans son identité particulière, en collective, mais aussi dans son identité particulière, en tant que membre d’un sous-groupe, et dans son identité tant que membre d’un sous-groupe, et dans son identité singulière, comme sujet. Identité différente de toutes les singulière, comme sujet. Identité différente de toutes les autres et donc, partiellement, en opposition avec les autres autres et donc, partiellement, en opposition avec les autres sujets puisque cette identité singulière doit être conquise sujets puisque cette identité singulière doit être conquise et affirmée. Nous n’accédons à l’estime de soi que par la et affirmée. Nous n’accédons à l’estime de soi que par la reconnaissance que les autres veulent bien nous accorder, reconnaissance que les autres veulent bien nous accorder, mais aussi en conflit potentiel avec eux aussi longtemps mais aussi en conflit potentiel avec eux aussi longtemps qu’ils peuvent craindre que la valeur qu’ils nous recon-qu’ils peuvent craindre que la valeur qu’ils nous recon-naissent ne vienne en soustraction de la leur. Comme naissent ne vienne en soustraction de la leur. Comme les joueurs, nous nous reconnaissons-nous mêmes, nous les joueurs, nous nous reconnaissons-nous mêmes, nous

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LA QUESTION PREMIÈRE : HAINE ET DÉMOCRATIELA QUESTION PREMIÈRE : HAINE ET DÉMOCRATIE

nous valorisons et donnons du sens à notre existence nous valorisons et donnons du sens à notre existence avecavec nos partenaires et rivaux, amis-ennemis. Avec eux, grâce nos partenaires et rivaux, amis-ennemis. Avec eux, grâce à eux, mais, en même temps, cà eux, mais, en même temps, contreontre eux. Contr’avec. eux. Contr’avec. Drame et charme de la pauvre et de la riche vie des hom-Drame et charme de la pauvre et de la riche vie des hom-mes ! Nous ne savons être différents, et reconnus comme mes ! Nous ne savons être différents, et reconnus comme tels, que dans le différend.tels, que dans le différend.

Le conflit, l’opposition, la division, sont donc ce qui Le conflit, l’opposition, la division, sont donc ce qui doit être en permanence non pas dénié et occulté mais doit être en permanence non pas dénié et occulté mais surmonté et aménagé. Quand l’aménagement est réussi, surmonté et aménagé. Quand l’aménagement est réussi, quand chacun y trouve son compte, sa place, et éprou-quand chacun y trouve son compte, sa place, et éprou-ve sa propre valeur, alors c’est en effet l’harmonie qui ve sa propre valeur, alors c’est en effet l’harmonie qui triomphe. Moment de félicité. Mais qui ne peut surgir que triomphe. Moment de félicité. Mais qui ne peut surgir que dans la mise en forme, le dépassement et la dialectisation dans la mise en forme, le dépassement et la dialectisation de l’opposition. Non dans son occultation. de l’opposition. Non dans son occultation.

Face à la haineFace à la haine

Plus l’opposition et le conflit sont au contraire déniés Plus l’opposition et le conflit sont au contraire déniés et occultés, plus s’intensifie l’ardeur à massacrer. À trou-et occultés, plus s’intensifie l’ardeur à massacrer. À trou-ver des ennemis sur lesquels reporter et projeter l’oppo-ver des ennemis sur lesquels reporter et projeter l’oppo-sition. Une opposition transformée en haine pour n’avoir sition. Une opposition transformée en haine pour n’avoir pas pu s’exprimer. pas pu s’exprimer.

Les sociétés connaissent trois grandes manières d’amé-Les sociétés connaissent trois grandes manières d’amé-nager le conflit, de faire leur place à la haine et à la co-nager le conflit, de faire leur place à la haine et à la co-lère en vue d’aboutir à la possibilité d’une vie en commun lère en vue d’aboutir à la possibilité d’une vie en commun plus ou moins harmonieuse : la projection de la haine, plus ou moins harmonieuse : la projection de la haine, son introjection et sa dialectisation. son introjection et sa dialectisation.

La projection de la haine,La projection de la haine, qui débouche tôt ou tard qui débouche tôt ou tard sur un passage à l’acte meurtrier, connaît deux grandes sur un passage à l’acte meurtrier, connaît deux grandes modalités. modalités.

Dans la première, lorsque les systèmes institués de Dans la première, lorsque les systèmes institués de la vendetta ne suffisent pas, ou plus, toute la haine du la vendetta ne suffisent pas, ou plus, toute la haine du

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groupe est concentrée sur un bouc émissaire, une victime groupe est concentrée sur un bouc émissaire, une victime sacrificielle à la fois interne et externe – la plus à l’exté-sacrificielle à la fois interne et externe – la plus à l’exté-rieur de l’intérieur – dont la mise à mort, plus ou moins rieur de l’intérieur – dont la mise à mort, plus ou moins ritualisée, permet d’apaiser les tensions et de réassurer les ritualisée, permet d’apaiser les tensions et de réassurer les identités de chacun. Après le meurtre collectif de celui identités de chacun. Après le meurtre collectif de celui dont était censé provenir tout le mal, tous retrouvent des dont était censé provenir tout le mal, tous retrouvent des identités désormais purifiées, temporairement expurgées identités désormais purifiées, temporairement expurgées de leurs composantes haineuses. de leurs composantes haineuses.

Dans la seconde, la haine est projetée sur un ennemi Dans la seconde, la haine est projetée sur un ennemi extérieur au groupe, sur l’étranger. L’ennemi. La singula-extérieur au groupe, sur l’étranger. L’ennemi. La singula-rité paroxystique et terrifiante des totalitarismes du XXrité paroxystique et terrifiante des totalitarismes du XXee siècle, et notamment du nazisme, tient au fait qu’ils ont siècle, et notamment du nazisme, tient au fait qu’ils ont télescopé les deux systèmes de projection en identifiant télescopé les deux systèmes de projection en identifiant des groupes entiers de la société à des étrangers ennemis, des groupes entiers de la société à des étrangers ennemis, qu’il était dès lors légitime à leurs yeux de traiter en qu’il était dès lors légitime à leurs yeux de traiter en masse comme des victimes émissaires juste bonnes à être masse comme des victimes émissaires juste bonnes à être sacrifiées. Des groupes parties intégrantes de la société sacrifiées. Des groupes parties intégrantes de la société soudain décrétés radicalement étrangers. Des groupes soudain décrétés radicalement étrangers. Des groupes d’une inquiétante non-étrangeté. Dans ce redoublement d’une inquiétante non-étrangeté. Dans ce redoublement des deux systèmes de projection, la haine meurtrière s’est des deux systèmes de projection, la haine meurtrière s’est retrouvée elle-même démultipliée. retrouvée elle-même démultipliée.

L’introjection de la haineL’introjection de la haine passe par l’institution d’une passe par l’institution d’une instance à la fois interne à la société et en surplomb, d’un instance à la fois interne à la société et en surplomb, d’un surmoi collectif qui soit en mesure d’opérer et de légi-surmoi collectif qui soit en mesure d’opérer et de légi-timer un refoulement. Elle suppose l’instauration d’une timer un refoulement. Elle suppose l’instauration d’une hiérarchie qui classe les sujets en fonction d’un diffé-hiérarchie qui classe les sujets en fonction d’un diffé-rentiel de valeur. À l’intensité variable des haines et des rentiel de valeur. À l’intensité variable des haines et des envies de meurtre se substitue une échelle graduée de la envies de meurtre se substitue une échelle graduée de la légitimité, de la visibilité, de la dignité, de la pureté ou légitimité, de la visibilité, de la dignité, de la pureté ou de la puissance. Chaque sujet ainsi assujetti à l’idéal de de la puissance. Chaque sujet ainsi assujetti à l’idéal de sa condition ou de son état social peut alors convertir sa sa condition ou de son état social peut alors convertir sa haine ou son envie en respect des supérieurs et mépris haine ou son envie en respect des supérieurs et mépris

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des inférieurs. Dans le régime de la projection, les en-des inférieurs. Dans le régime de la projection, les en-nemis ou les boucs émissaires mis à mort sont réputés nemis ou les boucs émissaires mis à mort sont réputés mauvais, et ceux qui les tuent, bons. Améliorés, rendus mauvais, et ceux qui les tuent, bons. Améliorés, rendus meilleurs en tout cas. Dans le régime de l’introjection meilleurs en tout cas. Dans le régime de l’introjection et de la hiérarchie, chacun renferme en lui, de par son et de la hiérarchie, chacun renferme en lui, de par son groupe d’appartenance, une combinaison de bon et de groupe d’appartenance, une combinaison de bon et de mauvais, de bien et de mal variable selon sa position mauvais, de bien et de mal variable selon sa position statutaire. Ceux qui se retrouvent tout en bas de l’échelle, statutaire. Ceux qui se retrouvent tout en bas de l’échelle, les moins bons, les mauvais, les impurs, les invisibles, les moins bons, les mauvais, les impurs, les invisibles, acceptent leur position en échange de la vie sauve et d’un acceptent leur position en échange de la vie sauve et d’un minimum vital. minimum vital.

Ici encore, on peut distinguer deux grandes modalités Ici encore, on peut distinguer deux grandes modalités de l’introjection de la haine, deux grandes modalités de de l’introjection de la haine, deux grandes modalités de la hiérarchie, selon que cette dernière est pensée comme la hiérarchie, selon que cette dernière est pensée comme principalement immanente ou au contraire transcendante, principalement immanente ou au contraire transcendante, légitimée par son inscription dans une hiérarchie cosmi-légitimée par son inscription dans une hiérarchie cosmi-que. Dans le premier cas, marqué par la prédominance que. Dans le premier cas, marqué par la prédominance des guerriers, un groupe s’arroge le monopole des armes des guerriers, un groupe s’arroge le monopole des armes et de la violence. Dans le second, les guerriers acceptent et de la violence. Dans le second, les guerriers acceptent leur subordination symbolique à un groupe de prêtres ou leur subordination symbolique à un groupe de prêtres ou d’intercesseurs du cosmos, chargés de fixer l’échelle des d’intercesseurs du cosmos, chargés de fixer l’échelle des valeurs, des dignités ou des impuretés. valeurs, des dignités ou des impuretés.

La troisième manière de gérer la violence est La troisième manière de gérer la violence est la dialec-la dialec-tisation de la hainetisation de la haine, et de l’amitié par l’instauration d’une , et de l’amitié par l’instauration d’une réversibilité (ou d’une réciprocité) entre moi et autrui, réversibilité (ou d’une réciprocité) entre moi et autrui, entre l’amitié et l’inimitié, entre le bien et le mal, entre la entre l’amitié et l’inimitié, entre le bien et le mal, entre la vie et la mort, entre les bienfaits et les méfaits, entre les vie et la mort, entre les bienfaits et les méfaits, entre les puissants et les non-puissants, etc. Cette solution est celle puissants et les non-puissants, etc. Cette solution est celle du don, plus ou moins agonistique, tel que l’analyse Mar-du don, plus ou moins agonistique, tel que l’analyse Mar-cel Mauss dans l’cel Mauss dans l’Essai sur le don Essai sur le don qui exhume et recons-qui exhume et recons-titue la logique profonde des sociétés premières. Par le titue la logique profonde des sociétés premières. Par le don, à la fois intéressé et désintéressé, obligé et libre, qui don, à la fois intéressé et désintéressé, obligé et libre, qui

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est fait à l’ennemi dont on veut se faire un allié, la guerre est fait à l’ennemi dont on veut se faire un allié, la guerre et l’échange des meurtres et des blessures se transforment et l’échange des meurtres et des blessures se transforment en guerre de générosité et en échange de présents. Dons en guerre de générosité et en échange de présents. Dons ambivalents puisqu’ils marquent à la fois la reconnais-ambivalents puisqu’ils marquent à la fois la reconnais-sance de la valeur accordée au partenaire et la valeur sance de la valeur accordée au partenaire et la valeur de celui qui donne. Ils scellent l’alliance des anciens ad-de celui qui donne. Ils scellent l’alliance des anciens ad-versaires devenus amis grâce à eux. Sous peine toutefois versaires devenus amis grâce à eux. Sous peine toutefois de rebasculer dans la guerre et l’inimitié, dans le cycle de rebasculer dans la guerre et l’inimitié, dans le cycle de la vengeance et de l’ensorcellement, faces sombres et de la vengeance et de l’ensorcellement, faces sombres et nocturnes du cycle diurne du don, si et pour autant que nocturnes du cycle diurne du don, si et pour autant que les obligations et les protocoles du don réciproque ne sont les obligations et les protocoles du don réciproque ne sont pas respectés. À la logique du pas respectés. À la logique du prendre, refuser, garderprendre, refuser, garder, , s’est substituée las’est substituée la triple obligation de donner, recevoir et triple obligation de donner, recevoir et rendrerendre, dans laquelle chacun affirme sa valeur au prorata , dans laquelle chacun affirme sa valeur au prorata des dons qu’il est en mesure d’effectuer. La paix succède des dons qu’il est en mesure d’effectuer. La paix succède à la guerre et la vie à la mort, mais sous contrainte de à la guerre et la vie à la mort, mais sous contrainte de leur réversibilité de principe. Cette forme est également leur réversibilité de principe. Cette forme est également celle de la république ou de la démocratie, dans laquelle celle de la république ou de la démocratie, dans laquelle chacun doit savoir à tour de rôle commander et obéir chacun doit savoir à tour de rôle commander et obéir (Aristote). (Aristote).

Le bon régimeLe bon régime

La question de savoir comment aménager la possibi-La question de savoir comment aménager la possibi-lité de vivre ensemble, celle de la place respective qu’il lité de vivre ensemble, celle de la place respective qu’il convient d’accorder à la haine et à l’amitié, à l’obligation convient d’accorder à la haine et à l’amitié, à l’obligation et à la liberté, la question du convivialisme, est en der-et à la liberté, la question du convivialisme, est en der-nière analyse l’unique question absolument commune à nière analyse l’unique question absolument commune à toutes les philosophies morales et politiques, à toutes les toutes les philosophies morales et politiques, à toutes les théories économiques et sociologiques, et, avant elles, à théories économiques et sociologiques, et, avant elles, à tous les systèmes religieux. Cette universalité de la ques-tous les systèmes religieux. Cette universalité de la ques-tion est cependant obscurcie par le fait qu’elle est toujours tion est cependant obscurcie par le fait qu’elle est toujours

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formulée dans le cadre d’une interrogation, logiquement formulée dans le cadre d’une interrogation, logiquement seconde, sur le bon régime. Est-ce la théocratie ? La seconde, sur le bon régime. Est-ce la théocratie ? La monarchie, l’aristocratie ou la démocratie ? Directe ou monarchie, l’aristocratie ou la démocratie ? Directe ou indirecte ? Ou bien l’empire ? Est-ce le libre marché, le indirecte ? Ou bien l’empire ? Est-ce le libre marché, le marché régulé, l’économie administrée ? La communauté marché régulé, l’économie administrée ? La communauté ou la société ? Et le gouvernement, qu’il soit celui d’un ou la société ? Et le gouvernement, qu’il soit celui d’un seul, de plusieurs ou de tous, doit-il se déployer au nom seul, de plusieurs ou de tous, doit-il se déployer au nom de Dieu, de l’ordre cosmique, de la tradition éternelle, de Dieu, de l’ordre cosmique, de la tradition éternelle, de la Nature, ou bien seulement au nom des hommes de la Nature, ou bien seulement au nom des hommes concrets se donnant à eux-mêmes leur propre Loi en un concrets se donnant à eux-mêmes leur propre Loi en un temps et un lieu déterminés ? temps et un lieu déterminés ?

La variété des réponses empêche de suffisamment La variété des réponses empêche de suffisamment voir l’universalité de la question commune, la question voir l’universalité de la question commune, la question du convivialisme, qui n’est autre que celle de savoir com-du convivialisme, qui n’est autre que celle de savoir com-ment aménager la coexistence pacifique des hommes sur ment aménager la coexistence pacifique des hommes sur un espace et pour un temps donnés. un espace et pour un temps donnés.

Autrement dit, monarchisme, aristocratisme, républi-Autrement dit, monarchisme, aristocratisme, républi-canisme civique, et, depuis l’ère moderne, libéralisme, canisme civique, et, depuis l’ère moderne, libéralisme, socialisme, anarchisme ou communisme doivent être socialisme, anarchisme ou communisme doivent être vus comme autant de réponses possibles à la question vus comme autant de réponses possibles à la question du convivialisme. Libéralisme, socialisme, anarchisme ou du convivialisme. Libéralisme, socialisme, anarchisme ou communisme, ainsi que toutes les théories contemporai-communisme, ainsi que toutes les théories contemporai-nes de la justice, ont en commun d’y répondre en posant nes de la justice, ont en commun d’y répondre en posant que les hommes sont les seuls inventeurs et les seuls su-que les hommes sont les seuls inventeurs et les seuls su-jets et destinataires légitimes de la Loi. Une Loi dont la jets et destinataires légitimes de la Loi. Une Loi dont la transcendance ne saurait procéder que de l’immanence. transcendance ne saurait procéder que de l’immanence. Qui ne peut prétendre être en surplomb de tous que parce Qui ne peut prétendre être en surplomb de tous que parce qu’elle procède d’eux. Telle est l’hypothèse constitutive de qu’elle procède d’eux. Telle est l’hypothèse constitutive de l’idéal moderne de la démocratie. l’idéal moderne de la démocratie.

Nous ne saurions en avoir d’autre que celui-là. C’est Nous ne saurions en avoir d’autre que celui-là. C’est en son nom qu’il nous faut définir de nouvelles règles du en son nom qu’il nous faut définir de nouvelles règles du jeu social. La difficulté est de lui redonner souffle et vie, jeu social. La difficulté est de lui redonner souffle et vie, alors que l’échelle et le rythme du monde ont radicale-alors que l’échelle et le rythme du monde ont radicale-

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ment changé depuis l’avènement des démocraties moder-ment changé depuis l’avènement des démocraties moder-nes. Nous avons désormais largement basculé dans une nes. Nous avons désormais largement basculé dans une ère post-démocratique. Au minimum, l’idéal démocrati-ère post-démocratique. Au minimum, l’idéal démocrati-que se révèle désormais de plus en plus à bout de souffle. que se révèle désormais de plus en plus à bout de souffle. Incapable et insusceptible de s’universaliser en suivant les Incapable et insusceptible de s’universaliser en suivant les pentes aujourd’hui dominantes. pentes aujourd’hui dominantes.

INCERTITUDES DE L’AVENIR EN GÉNÉRAL INCERTITUDES DE L’AVENIR EN GÉNÉRAL ET DE L’AVENIR DÉMOCRATIQUE EN PARTICULIERET DE L’AVENIR DÉMOCRATIQUE EN PARTICULIER

Contrairement à l’idée ultramajoritaire chez les his-Contrairement à l’idée ultramajoritaire chez les his-toriens, les ethnologues ou les philosophes politiques, le toriens, les ethnologues ou les philosophes politiques, le champ de la démocratie n’est nullement cantonné à la champ de la démocratie n’est nullement cantonné à la Grèce antique, à Athènes, et à la démocratie moderne. Grèce antique, à Athènes, et à la démocratie moderne. Ce qui est spécifique à la modernité et qu’on ne trouve Ce qui est spécifique à la modernité et qu’on ne trouve nulle part ailleurs, c’est la démocratie représentative, par-nulle part ailleurs, c’est la démocratie représentative, par-lementaire, pas la démocratie en tant que telle. Définie lementaire, pas la démocratie en tant que telle. Définie comment ? En son essence, par le refus de la domination comment ? En son essence, par le refus de la domination (en tant qu’elle est différente du pouvoir et de l’autorité) et (en tant qu’elle est différente du pouvoir et de l’autorité) et par la recherche de l’assentiment du plus grand nombre. par la recherche de l’assentiment du plus grand nombre. Cette aspiration démocratique est de tous les temps et de Cette aspiration démocratique est de tous les temps et de tous les lieux. Mais son expression et, plus encore, sa tous les lieux. Mais son expression et, plus encore, sa concrétisation institutionnelle ne sont possibles que dans concrétisation institutionnelle ne sont possibles que dans certaines conditions historiques particulières.certaines conditions historiques particulières.

L’enrayement de la démocratieL’enrayement de la démocratie

Quant à l’avenir possible de la démocratie aujourd’hui, Quant à l’avenir possible de la démocratie aujourd’hui, le débat savant hésite et oscille entre quatre grandes po-le débat savant hésite et oscille entre quatre grandes po-sitions. sitions.

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La position optimisteLa position optimiste veut croire que la chute du Mur veut croire que la chute du Mur de Berlin a scellé la fin des illusions totalitaires tragiques de Berlin a scellé la fin des illusions totalitaires tragiques qui ont ensanglanté le XXqui ont ensanglanté le XXee siècle et que, bon an mal an, siècle et que, bon an mal an, la démocratie est appelée à triompher progressivement la démocratie est appelée à triompher progressivement de tous les régimes dictatoriaux qui subsistent encore, et de tous les régimes dictatoriaux qui subsistent encore, et que, couplée à l’économie de marché, elle constituera à que, couplée à l’économie de marché, elle constituera à plus ou moins brève échéance, le régime politique univer-plus ou moins brève échéance, le régime politique univer-sel de l’humanité. Et assurera l’émancipation finale des sel de l’humanité. Et assurera l’émancipation finale des individus enfin devenus sujets et maîtres d’eux-mêmes. individus enfin devenus sujets et maîtres d’eux-mêmes.

La position nihilisteLa position nihiliste, le plus souvent située à la gau-, le plus souvent située à la gau-che de la gauche ou à la droite de la droite, estime qu’il che de la gauche ou à la droite de la droite, estime qu’il n’a jamais existé de démocratie, et que le discours de la n’a jamais existé de démocratie, et que le discours de la démocratie n’est donc que rhétorique, idéologie et trom-démocratie n’est donc que rhétorique, idéologie et trom-perie. Peut-être y a-t-il eu de la démocratie il y a très perie. Peut-être y a-t-il eu de la démocratie il y a très longtemps, dans de petites sociétés organiques closes, ou longtemps, dans de petites sociétés organiques closes, ou y en aura-t-il dans un avenir communiste ou anarchiste y en aura-t-il dans un avenir communiste ou anarchiste possible, mais certainement pas à la période moderne, possible, mais certainement pas à la période moderne, sous le règne de la bourgeoisie et du capitalisme. sous le règne de la bourgeoisie et du capitalisme.

La réponse pessimiste La réponse pessimiste pointe un enrayement de la dé-pointe un enrayement de la dé-mocratie dû aux excès de la libération individuelle et à mocratie dû aux excès de la libération individuelle et à la prolifération des droits au détriment des devoirs. L’in-la prolifération des droits au détriment des devoirs. L’in-dividualisme positif, celui qui libère, est, selon elle, de-dividualisme positif, celui qui libère, est, selon elle, de-venu négatif, simple opérateur de déliaison généralisée. venu négatif, simple opérateur de déliaison généralisée. Il concourt à un retournement de la démocratie contre Il concourt à un retournement de la démocratie contre elle-même. Corrélativement, avec la montée des inéga-elle-même. Corrélativement, avec la montée des inéga-lités, la démocratie se transforme en oligarchie ou en lités, la démocratie se transforme en oligarchie ou en ploutocratie.ploutocratie.

Une position hybrideUne position hybride fait observer que la désaffection fait observer que la désaffection incontestable envers la démocratie représentative, fondée incontestable envers la démocratie représentative, fondée sur la concurrence des partis politiques, est compensée sur la concurrence des partis politiques, est compensée par la montée en puissance à la fois d’une démocratie par la montée en puissance à la fois d’une démocratie d’opinion et de contestation, d’une démocratie délibéra-d’opinion et de contestation, d’une démocratie délibéra-tive de participation et d’une démocratie d’expertise. La tive de participation et d’une démocratie d’expertise. La

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montée de l’individualisme n’empêche pas, voire favorise, montée de l’individualisme n’empêche pas, voire favorise, l’engagement associatif, même si c’est sur des objectifs l’engagement associatif, même si c’est sur des objectifs plus partiels et restreints qu’hier et pour des laps de temps plus partiels et restreints qu’hier et pour des laps de temps plus courts.plus courts.

Quoi qu’on puisse penser par ailleurs de ces différentes Quoi qu’on puisse penser par ailleurs de ces différentes thèses, il convient d’observer plusieurs points essentiels.thèses, il convient d’observer plusieurs points essentiels.

- La dynamique démocratique moderne, concrétisée en - La dynamique démocratique moderne, concrétisée en Europe occidentale et aux États-Unis au XVIIIEurope occidentale et aux États-Unis au XVIIIee siècle – siècle – mais amorcée dès le XImais amorcée dès le XIee par la révolution communale par la révolution communale puis par la formation des cités républicaines italiennespuis par la formation des cités républicaines italiennes– a libéré des espoirs d’émancipation et des énergies irré-– a libéré des espoirs d’émancipation et des énergies irré-pressibles. Elle est devenue le phénomène social total des pressibles. Elle est devenue le phénomène social total des sociétés modernes, affectant tous les secteurs de l’exis-sociétés modernes, affectant tous les secteurs de l’exis-tence sociale et concernant tous les sujets. Aucun pays, tence sociale et concernant tous les sujets. Aucun pays, aucune sphère d’activité, aucun groupe ou individu ne aucune sphère d’activité, aucun groupe ou individu ne saurait prétendre agir au nom d’autre chose que l’exigence saurait prétendre agir au nom d’autre chose que l’exigence de démocratie. de démocratie.

- La condition pour que la multiplicité des revendica-- La condition pour que la multiplicité des revendica-tions démocratiques divergentes ne produise pas un chaos,tions démocratiques divergentes ne produise pas un chaos,est qu’il existe en moyenne un certain équilibre, dans cha-est qu’il existe en moyenne un certain équilibre, dans cha-que cas, dans chaque situation et en chaque sujet, entre que cas, dans chaque situation et en chaque sujet, entre sens des intérêts individuels et sens de l’intérêt collectif. sens des intérêts individuels et sens de l’intérêt collectif. Entre l’adonnement de chacun à ses intérêts particuliers et Entre l’adonnement de chacun à ses intérêts particuliers et le don à l’esprit de la démocratie. La revendication d’un le don à l’esprit de la démocratie. La revendication d’un équilibre entre droits et devoirs n’est que la traduction la équilibre entre droits et devoirs n’est que la traduction la plus courante de cette exigence générale. plus courante de cette exigence générale.

- La caractéristique première des totalitarismes du XX- La caractéristique première des totalitarismes du XXee siècle, communisme, fascisme ou nazisme, ces perver-siècle, communisme, fascisme ou nazisme, ces perver-sions de la démocratie nées sur son terreau et prétendant sions de la démocratie nées sur son terreau et prétendant la réaliser radicalement, la faire passer de l’état de fiction la réaliser radicalement, la faire passer de l’état de fiction idéologique à celui de réalité vraie, enfin advenue, est idéologique à celui de réalité vraie, enfin advenue, est d’avoir intégralement sacrifié les intérêts individuels – et d’avoir intégralement sacrifié les intérêts individuels – et

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les individus eux-mêmes – à un intérêt collectif imagi-les individus eux-mêmes – à un intérêt collectif imagi-naire et hypostasié. Les sujets individuels étaient appelés naire et hypostasié. Les sujets individuels étaient appelés à se fondre, et au besoin par la force et le meurtre, dans à se fondre, et au besoin par la force et le meurtre, dans le grand corps collectif de la classe, du parti, de la race le grand corps collectif de la classe, du parti, de la race ou de l’État.ou de l’État.

Depuis le milieu des années 1970, un mouvement de Depuis le milieu des années 1970, un mouvement de balancier symétrique, déployé sous l’égide du néolibéra-balancier symétrique, déployé sous l’égide du néolibéra-lisme, a fait basculer le riche Occident dans une défor-lisme, a fait basculer le riche Occident dans une défor-mation symétrique de la démocratie – dans une forme mation symétrique de la démocratie – dans une forme de de totalitarisme à l’enverstotalitarisme à l’envers. Ou encore, dans un . Ou encore, dans un parcelli-parcelli-tarismetarisme. Ce n’est plus l’individu qui doit être sacrifié au . Ce n’est plus l’individu qui doit être sacrifié au collectif, mais, au contraire, tout ce qui est de l’ordre du collectif, mais, au contraire, tout ce qui est de l’ordre du commun, du collectif ou du public qui doit être sacrifié commun, du collectif ou du public qui doit être sacrifié à un individu imaginaire. Le collectif invoqué et sacra-à un individu imaginaire. Le collectif invoqué et sacra-lisé par les totalitarismes d’hier était un pseudocollectif, lisé par les totalitarismes d’hier était un pseudocollectif, une fiction de collectif, un collectif fantasmé. De même une fiction de collectif, un collectif fantasmé. De même l’individu que l’idéologie néo-libérale prétend libérer de l’individu que l’idéologie néo-libérale prétend libérer de toutes ses sujétions, n’est pas l’individu réel, l’individu en toutes ses sujétions, n’est pas l’individu réel, l’individu en chair, en os et en esprit, mais uniquement l’chair, en os et en esprit, mais uniquement l’homo œco-homo œco-nomicusnomicus, une fiction d’individu, l’individu libéré par le , une fiction d’individu, l’individu libéré par le marché à proportion, très exactement, de la taille de son marché à proportion, très exactement, de la taille de son porte monnaie. Ou, plus précisément, de son compte en porte monnaie. Ou, plus précisément, de son compte en banque virtuel et de son portefeuille d’actions. banque virtuel et de son portefeuille d’actions.

DEUXIÈME PARTIE DEUXIÈME PARTIE

LA TROP FORTE DÉPENDANCE DE LA DÉMOCRATIE MODERNE LA TROP FORTE DÉPENDANCE DE LA DÉMOCRATIE MODERNE À LA CROISSANCE ÉCONOMIQUEÀ LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE

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Contrairement à ce que suggèrent la plupart des ana-Contrairement à ce que suggèrent la plupart des ana-lystes, il existe une certaine naturalité et une certaine lystes, il existe une certaine naturalité et une certaine universalité de l’aspiration à la démocratie, comme en universalité de l’aspiration à la démocratie, comme en témoignent les actuelles révoltes ou révolutions dans le témoignent les actuelles révoltes ou révolutions dans le monde arabo-musulman. Il a même existé une certaine monde arabo-musulman. Il a même existé une certaine universalité des structurations sociales ou politiques dé-universalité des structurations sociales ou politiques dé-mocratiques, jusqu’à l’apparition des sociétés de classes et mocratiques, jusqu’à l’apparition des sociétés de classes et de la lutte des classes. Mais dans le cadre historique, celui de la lutte des classes. Mais dans le cadre historique, celui qui a dominé les quatre ou cinq derniers millénaires, et qui a dominé les quatre ou cinq derniers millénaires, et même dans les sociétés occidentales modernes, berceaux même dans les sociétés occidentales modernes, berceaux de notre démocratie représentative, la démocratie se ré-de notre démocratie représentative, la démocratie se ré-vèle extrêmement fragile. Difficile à faire naître et dif-vèle extrêmement fragile. Difficile à faire naître et dif-ficile à préserver. Son basculement dans le totalitarisme ficile à préserver. Son basculement dans le totalitarisme au XXau XXee siècle n’est pas le fruit du hasard ou le fait d’une siècle n’est pas le fruit du hasard ou le fait d’une illusion qu’on pourrait aisément et définitivement dissiper. illusion qu’on pourrait aisément et définitivement dissiper. La désaffection envers la démocratie se fait jour aussitôt La désaffection envers la démocratie se fait jour aussitôt que la dégradation des conditions matérielles, le chômage que la dégradation des conditions matérielles, le chômage et la pauvreté s’installent et projettent d’énormes masses et la pauvreté s’installent et projettent d’énormes masses d’hommes et de femmes en dehors des cadres symboli-d’hommes et de femmes en dehors des cadres symboli-ques institués. Ceux dans lesquels et grâce auxquels ils ques institués. Ceux dans lesquels et grâce auxquels ils accédaient à la reconnaissance sociale et à l’estime de soi. accédaient à la reconnaissance sociale et à l’estime de soi. Ils deviennent alors des Ils deviennent alors des hommes en trophommes en trop, comme autant , comme autant de marchandises excédentaires qui ne trouvent plus ache-de marchandises excédentaires qui ne trouvent plus ache-teurs et preneurs. Poussés par la désolation ils sont prêts à teurs et preneurs. Poussés par la désolation ils sont prêts à se mobiliser dans toutes les luttes et dans toutes les causes se mobiliser dans toutes les luttes et dans toutes les causes qui leur permettent d’exprimer leur haine et de conquérir qui leur permettent d’exprimer leur haine et de conquérir la reconnaissance qui leur est refusée. la reconnaissance qui leur est refusée.

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Nous ne nous souvenons guère de cet état d’esprit. Nous ne nous souvenons guère de cet état d’esprit. Il prédominait en Italie et en Allemagne dans l’entre-Il prédominait en Italie et en Allemagne dans l’entre-deux-guerres – au point qu’il y a triomphé –, mais était deux-guerres – au point qu’il y a triomphé –, mais était également largement répandu en France et ailleurs après également largement répandu en France et ailleurs après la Crise de 1929. Nous pressentons qu’il pourrait vite se la Crise de 1929. Nous pressentons qu’il pourrait vite se manifester à nouveau, sous d’autres formes, si la crise manifester à nouveau, sous d’autres formes, si la crise économique et financière qui frappe déjà nombre de pays économique et financière qui frappe déjà nombre de pays européens devait se répandre encore, s’installer et se pé-européens devait se répandre encore, s’installer et se pé-renniser. C’est, malheureusement, loin d’être improba-renniser. C’est, malheureusement, loin d’être improba-ble. ble.

Même si nous ne devions pas connaître une crise de Même si nous ne devions pas connaître une crise de cette ampleur, le point essentiel à prendre en compte est cette ampleur, le point essentiel à prendre en compte est le suivant : une fois la Seconde Guerre mondiale termi-le suivant : une fois la Seconde Guerre mondiale termi-née (et qui peut croire qu’elle eut été gagnée par les dé-née (et qui peut croire qu’elle eut été gagnée par les dé-mocraties sans la puissance militaire américaine, rendue mocraties sans la puissance militaire américaine, rendue possible par sa puissance économique ?), le facteur prin-possible par sa puissance économique ?), le facteur prin-cipal qui a permis l’adhésion à la démocratie des peuples cipal qui a permis l’adhésion à la démocratie des peuples d’Europe occidentale puis, dans leur sillage, d’autres pays d’Europe occidentale puis, dans leur sillage, d’autres pays du monde, c’est la forte croissance de l’après-guerre qui a du monde, c’est la forte croissance de l’après-guerre qui a fait miroiter aux yeux de chacun la perspective d’un en-fait miroiter aux yeux de chacun la perspective d’un en-richissement matériel individuel ininterrompu, pour soi-richissement matériel individuel ininterrompu, pour soi-même et pour ses enfants. même et pour ses enfants.

C’est cet espoir, d’ailleurs largement réalisé pendant C’est cet espoir, d’ailleurs largement réalisé pendant les Trente Glorieuses, qui a permis de désamorcer les les Trente Glorieuses, qui a permis de désamorcer les haines et de contenir le conflit. Dans une société close, haines et de contenir le conflit. Dans une société close, la mise à mort sacrificielle de boucs émissaires permet-la mise à mort sacrificielle de boucs émissaires permet-tait de restaurer l’harmonie perdue. Dans la société dé-tait de restaurer l’harmonie perdue. Dans la société dé-mocratique ouverte, la perspective de la croissance sans mocratique ouverte, la perspective de la croissance sans fin a fonctionné comme une fin a fonctionné comme une boucle émissaire,boucle émissaire, comme comme le support de toutes les espérances et la conjuration de le support de toutes les espérances et la conjuration de tous les malheurs et de toutes les haines. Comme un tous les malheurs et de toutes les haines. Comme un bouc émissaire à l’envers. Positif et non pas négatif. Non bouc émissaire à l’envers. Positif et non pas négatif. Non pas un espace de projection de la haine et du désespoir, pas un espace de projection de la haine et du désespoir,

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DÉMOCRATIE MODERNE ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE...DÉMOCRATIE MODERNE ET CROISSANCE ÉCONOMIQUE...

mais, au contraire, de la foi en l’avenir et des espérances mais, au contraire, de la foi en l’avenir et des espérances partagées.partagées.

S’inventait ainsi une quatrième modalité de gestion de S’inventait ainsi une quatrième modalité de gestion de la haine. Non plus tant par sa projection, son introjection la haine. Non plus tant par sa projection, son introjection ou sa dialectisation – même si l’idéal démocratique, ma-ou sa dialectisation – même si l’idéal démocratique, ma-trice de la modernité, est en tant que tel un idéal de dia-trice de la modernité, est en tant que tel un idéal de dia-lectisation – que grâce à son extériorisation objectivante lectisation – que grâce à son extériorisation objectivante ((EntaüsserungEntaüsserung) dans l’univers matériel. Plutôt que de tuer ) dans l’univers matériel. Plutôt que de tuer toujours plus d’ennemis ou de victimes sacrificielles, on toujours plus d’ennemis ou de victimes sacrificielles, on allait accumuler toujours plus de choses.allait accumuler toujours plus de choses.

Plus récemment, ce n’est pas seulement par amour Plus récemment, ce n’est pas seulement par amour intrinsèque de la démocratie et par goût de la liberté in-intrinsèque de la démocratie et par goût de la liberté in-dividuelle que les peuples de Russie ou d’Europe de l’Est, dividuelle que les peuples de Russie ou d’Europe de l’Est, modelés par des décennies de totalitarisme ou de régime modelés par des décennies de totalitarisme ou de régime dictatorial, ont voulu s’ouvrir à l’Occident. C’est aussi, dictatorial, ont voulu s’ouvrir à l’Occident. C’est aussi, et parfois d’abord, pour accéder à un style de vie fondé et parfois d’abord, pour accéder à un style de vie fondé sur la consommation, et au niveau de vie afférent. Là où sur la consommation, et au niveau de vie afférent. Là où la promesse économique n’est pas ou plus tenue, on vote la promesse économique n’est pas ou plus tenue, on vote à nouveau pour les formations politiques porteuses des à nouveau pour les formations politiques porteuses des anciennes aspirations dictatoriales ou néo-totalitaires. Et anciennes aspirations dictatoriales ou néo-totalitaires. Et la même chose est vraie des vagues d’immigration. Elles la même chose est vraie des vagues d’immigration. Elles ne fuient pas seulement les dictatures, mais tout autant ou ne fuient pas seulement les dictatures, mais tout autant ou plus le chômage, la misère, l’absence de toute perspective plus le chômage, la misère, l’absence de toute perspective économique. économique.

L’idéal démocratique est un idéal de liberté, d’égalité L’idéal démocratique est un idéal de liberté, d’égalité et de solidarité politiques. Mais s’il ne réalise pas suf-et de solidarité politiques. Mais s’il ne réalise pas suf-fisamment ces trois valeurs et échoue à les articuler, il fisamment ces trois valeurs et échoue à les articuler, il lui faut séduire autrement. Et en premier lieu par la pro-lui faut séduire autrement. Et en premier lieu par la pro-messe de la prospérité.messe de la prospérité.

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FIN DE LA CROISSANCE FIN DE LA CROISSANCE ET TENDANCE À L’ÉTAT STATIONNAIREET TENDANCE À L’ÉTAT STATIONNAIRE

Inutile de se le dissimuler, donc : le triomphe des Inutile de se le dissimuler, donc : le triomphe des idéaux démocratiques dans l’après-guerre a largement idéaux démocratiques dans l’après-guerre a largement dépendu, dépend encore massivement de la croissance dépendu, dépend encore massivement de la croissance économique. Or, en Occident, celle-ci est de moins en économique. Or, en Occident, celle-ci est de moins en moins présente au rendez-vous, et il y a bien peu de chan-moins présente au rendez-vous, et il y a bien peu de chan-ces qu’elle reparte jamais, dans un avenir prévisible, de ces qu’elle reparte jamais, dans un avenir prévisible, de manière suffisante pour faire redonner vie et crédibilité manière suffisante pour faire redonner vie et crédibilité aux espoirs surgis lors des Trente Glorieuses et sur le aux espoirs surgis lors des Trente Glorieuses et sur le souvenir desquels nous vivons encore. Comme dans ces souvenir desquels nous vivons encore. Comme dans ces dessins animés où les personnages continuent à croire dessins animés où les personnages continuent à croire qu’ils courent encore alors qu’ils sont déjà dans le vide.qu’ils courent encore alors qu’ils sont déjà dans le vide.

En OccidentEn Occident

Les chiffres suivants sont sur ce point suffisamment Les chiffres suivants sont sur ce point suffisamment éloquents : de 5,4% en moyenne dans les années 1960, éloquents : de 5,4% en moyenne dans les années 1960, la croissance, en France par exemple, est passé à 4,15% la croissance, en France par exemple, est passé à 4,15% dans la décennie 1970, puis à 2,3% dans les années 1980, dans la décennie 1970, puis à 2,3% dans les années 1980, 1,85% dans la décennie 1990, pour tomber à 1,45% de-1,85% dans la décennie 1990, pour tomber à 1,45% de-puis l’an 2000. Et encore, faudrait-il retrancher de ce puis l’an 2000. Et encore, faudrait-il retrancher de ce chiffre la part de la croissance imputable, directement ou chiffre la part de la croissance imputable, directement ou indirectement, aux plus-values financières patrimoniales. indirectement, aux plus-values financières patrimoniales. Aux bulles spéculatives.Aux bulles spéculatives.

Ce que la crise consécutive à l’éclatement de la bulle Ce que la crise consécutive à l’éclatement de la bulle immobilière américaine alimentée par les prêts immobilière américaine alimentée par les prêts subprimesubprime a clairement mis en évidence, c’est la tendance structurelle a clairement mis en évidence, c’est la tendance structurelle à la stagnation de l’économie réelle des pays développés, à la stagnation de l’économie réelle des pays développés, atteints simultanément par l’épuisement de la dynamique atteints simultanément par l’épuisement de la dynamique de la reconstruction et de la démocratisation de l’après-de la reconstruction et de la démocratisation de l’après-

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guerre, et par un état cumulatif de sous-consommation – guerre, et par un état cumulatif de sous-consommation – alimenté par l’explosion des inégalités – et de faiblesse des alimenté par l’explosion des inégalités – et de faiblesse des débouchés. Cette entrée dans un état quasi stationnaire (si débouchés. Cette entrée dans un état quasi stationnaire (si flagrant au Japon depuis près de vingt ans) a été masquée flagrant au Japon depuis près de vingt ans) a été masquée et compensée par une spirale toujours plus vertigineuse de et compensée par une spirale toujours plus vertigineuse de l’endettement et de la spéculation. Aux États-Unis, depuis l’endettement et de la spéculation. Aux États-Unis, depuis la fin des années 1990, le secteur financier est devenu plus la fin des années 1990, le secteur financier est devenu plus important que le secteur industriel. Dans les années 2000, important que le secteur industriel. Dans les années 2000, 20% de l’enrichissement des ménages provenait des plus-20% de l’enrichissement des ménages provenait des plus-values boursières et 60% de l’augmentation de la valeur des values boursières et 60% de l’augmentation de la valeur des maisons. À l’échelle mondiale, on le sait, la vente des biens maisons. À l’échelle mondiale, on le sait, la vente des biens et services ne représente que 3% de la valeur totale des et services ne représente que 3% de la valeur totale des transactions financières. Ces dernières sont massivement transactions financières. Ces dernières sont massivement gérées et multipliées par des ordinateurs interconnectés et gérées et multipliées par des ordinateurs interconnectés et réagissant à la vitesse de l’éclair. Une ou deux nanosecondes réagissant à la vitesse de l’éclair. Une ou deux nanosecondes d’écart avec les concurrents peuvent impliquer des gains ou d’écart avec les concurrents peuvent impliquer des gains ou des manques à gagner vertigineux. Nous nous retrouvons des manques à gagner vertigineux. Nous nous retrouvons ainsi face à un capitalisme spéculatif et rentier largement ainsi face à un capitalisme spéculatif et rentier largement automatisé. En pilotage automatique vers l’abîme. automatisé. En pilotage automatique vers l’abîme.

Dans ces conditions, le capitalisme industriel n’occupe Dans ces conditions, le capitalisme industriel n’occupe plus désormais qu’une place fort réduite au regard de celle plus désormais qu’une place fort réduite au regard de celle du capitalisme financier spéculatif. En 2002, les cent pre-du capitalisme financier spéculatif. En 2002, les cent pre-mières firmes industrielles mondiales avaient un chiffre mières firmes industrielles mondiales avaient un chiffre d’affaires de 5 600 milliards de dollars, les cent premières d’affaires de 5 600 milliards de dollars, les cent premières banques géraient 29 600 milliards d’actifs. Traduisons : le banques géraient 29 600 milliards d’actifs. Traduisons : le grand capitalisme financier pèse plus de cinq fois plus grand capitalisme financier pèse plus de cinq fois plus que le grand capitalisme industriel. Symétriquement, on que le grand capitalisme industriel. Symétriquement, on constate que les cinq gérants des plus importants fonds constate que les cinq gérants des plus importants fonds spéculatifs américains gagnent à eux seuls plus que les 500 spéculatifs américains gagnent à eux seuls plus que les 500 dirigeants des firmes de l’indice SP500dirigeants des firmes de l’indice SP500 1 1. Ou encore : les . Ou encore : les

1 Indice boursier fondé sur les 500 grandes sociétés cotées sur les bourses 1 Indice boursier fondé sur les 500 grandes sociétés cotées sur les bourses américaines. L’indice est possédé et géré par Standard & Poor’s, l’une des trois américaines. L’indice est possédé et géré par Standard & Poor’s, l’une des trois principales sociétés de notation financière.principales sociétés de notation financière.

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dix premières banques mondiales possèdent en moyen-dix premières banques mondiales possèdent en moyen-ne 2000 milliards d’euros d’actifs chacune. À comparer ne 2000 milliards d’euros d’actifs chacune. À comparer avec, par exemple, le PIB de la Grèce, qu’elles mettent avec, par exemple, le PIB de la Grèce, qu’elles mettent à genoux : 200 milliards. Conclusion : économiquement à genoux : 200 milliards. Conclusion : économiquement la Grèce et ses onze millions d’habitants ne valent que le la Grèce et ses onze millions d’habitants ne valent que le dixième d’une grande banque internationale. dixième d’une grande banque internationale.

L’autre facteur qui a permis de conjurer et de différer L’autre facteur qui a permis de conjurer et de différer la crise de sous-consommation et la chute dans un état sta-la crise de sous-consommation et la chute dans un état sta-tionnaire qui menacent les économies occidentales depuis tionnaire qui menacent les économies occidentales depuis la fin des années 1980, a été l’attaque en règle menée, la fin des années 1980, a été l’attaque en règle menée, sous l’égide des politiques de déréglementation, contre les sous l’égide des politiques de déréglementation, contre les services publics et les biens communs. Contre tout ce qui services publics et les biens communs. Contre tout ce qui incarnait une dimension de gratuité, de sens du collec-incarnait une dimension de gratuité, de sens du collec-tif et d’aspiration à la justice sociale : l’enseignement, la tif et d’aspiration à la justice sociale : l’enseignement, la santé, les retraites, l’assurance mutualisée, la fourniture santé, les retraites, l’assurance mutualisée, la fourniture de l’eau, de l’électricité, du courrier, du ménage ou des de l’eau, de l’électricité, du courrier, du ménage ou des soins à domicile. La privatisation systématique des biens soins à domicile. La privatisation systématique des biens et des services publics, nationaux ou territoriaux a ouvert et des services publics, nationaux ou territoriaux a ouvert de nouveaux marchés et des débouchés aux capitaux en de nouveaux marchés et des débouchés aux capitaux en quête de rentabilité. Où trouver ailleurs, en effet, de quoi quête de rentabilité. Où trouver ailleurs, en effet, de quoi dégager les 15 à 20% de rentabilité annuelle recherchée dégager les 15 à 20% de rentabilité annuelle recherchée par l’énorme masse des capitaux flottants ? À une échelle par l’énorme masse des capitaux flottants ? À une échelle plus réduite, la même chose est vraie de l’appropriation plus réduite, la même chose est vraie de l’appropriation privée des biens communs. Et notamment de tout le privée des biens communs. Et notamment de tout le champ du savoir et de la recherche scientifique, menée champ du savoir et de la recherche scientifique, menée jusqu’à il y a peu en vue du bien commun de l’humanité, jusqu’à il y a peu en vue du bien commun de l’humanité, et désormais mis en coupe réglée par le dépôt systémati-et désormais mis en coupe réglée par le dépôt systémati-que de brevets privés. que de brevets privés.

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L’explosion des inégalitésL’explosion des inégalités

Quelle croissance auraient connue les économies oc-Quelle croissance auraient connue les économies oc-cidentales en dehors de la spéculation financière et de cidentales en dehors de la spéculation financière et de la mercantilisation systématique de toutes les gratuités ? la mercantilisation systématique de toutes les gratuités ? Une croissance très probablement proche de zéro. Comme Une croissance très probablement proche de zéro. Comme l’essentiel de la croissance provient du secteur financier, l’essentiel de la croissance provient du secteur financier, il n’est pas étonnant qu’elle ait avant tout profité à ceux il n’est pas étonnant qu’elle ait avant tout profité à ceux qui, directement ou indirectement, sont en rapport avec qui, directement ou indirectement, sont en rapport avec lui, et que, du même coup, pour le reste de la population, lui, et que, du même coup, pour le reste de la population, des classes les plus pauvres jusqu’aux classes moyennes des classes les plus pauvres jusqu’aux classes moyennes supérieures traditionnelles, les revenus moyens n’aient supérieures traditionnelles, les revenus moyens n’aient guère augmenté depuis une trentaine d’années. Et leur guère augmenté depuis une trentaine d’années. Et leur mise en concurrence de plus en plus directe avec leurs mise en concurrence de plus en plus directe avec leurs homologues des pays émergents, infiniment moins payés, homologues des pays émergents, infiniment moins payés, ne va évidemment rien arranger. ne va évidemment rien arranger.

On comprend mieux, dans ces conditions, l’ahuris-On comprend mieux, dans ces conditions, l’ahuris-sante, terrifiante et délétère explosion des inégalités qui sante, terrifiante et délétère explosion des inégalités qui s’est déchaînée depuis la fin des années 1970. Non seu-s’est déchaînée depuis la fin des années 1970. Non seu-lement à l’échelle mondiale – où, par exemple, les 500 lement à l’échelle mondiale – où, par exemple, les 500 personnes les plus riches gagnent à peu près autant que personnes les plus riches gagnent à peu près autant que les 500 millions de personnes les plus pauvres – mais au les 500 millions de personnes les plus pauvres – mais au sein même des pays riches. Là où, à la fin des années sein même des pays riches. Là où, à la fin des années 1970, les 1% les plus riches gagnaient aux États-Unis un 1970, les 1% les plus riches gagnaient aux États-Unis un peu moins de 9% du revenu national, ils en absorbent dé-peu moins de 9% du revenu national, ils en absorbent dé-sormais près du quart. Là où les cent patrons américains sormais près du quart. Là où les cent patrons américains les mieux payés percevaient une rémunération quarante les mieux payés percevaient une rémunération quarante fois supérieure à celle de leurs employés de base, l’écart fois supérieure à celle de leurs employés de base, l’écart est désormais de un à mille. Le différentiel de revenus a est désormais de un à mille. Le différentiel de revenus a été multiplié par 25. Dans des proportions juste un peu été multiplié par 25. Dans des proportions juste un peu moins vertigineuses, l’évolution a été comparable en Eu-moins vertigineuses, l’évolution a été comparable en Eu-rope occidentale, et parmi toutes les élites économiques, rope occidentale, et parmi toutes les élites économiques, ou plutôt financières, du monde entier. En France, par ou plutôt financières, du monde entier. En France, par

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exemple, si le rapport entre les deux déciles extrêmes de exemple, si le rapport entre les deux déciles extrêmes de la population (les 10% les plus riches et les 10% les plus la population (les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres) ne bouge guère, en revanche, entre 1994 et 2007 pauvres) ne bouge guère, en revanche, entre 1994 et 2007 le salaire moyen des 0,1% les mieux payés a augmenté de le salaire moyen des 0,1% les mieux payés a augmenté de 70%, et est actuellement de 35 600 70%, et est actuellement de 35 600 € € bruts par mois. Ce-bruts par mois. Ce-lui des 0,01% a presque quadruplé pour atteindre 1,6 mil-lui des 0,01% a presque quadruplé pour atteindre 1,6 mil-lions d’lions d’€€ bruts mensuels. Dans le même temps pour 90% bruts mensuels. Dans le même temps pour 90% des Français l’augmentation n’a été que de 7%, ce qui des Français l’augmentation n’a été que de 7%, ce qui représente un salaire moyen mensuel brut de 1 866 représente un salaire moyen mensuel brut de 1 866 €€. Un . Un millième, là encore, du salaire des 0,01% les plus élevés. millième, là encore, du salaire des 0,01% les plus élevés. Ajoutons que 30% des 1700 personnes gagnant plus de Ajoutons que 30% des 1700 personnes gagnant plus de 1,6 millions d’euros brut par mois sont des professionnels 1,6 millions d’euros brut par mois sont des professionnels de la finance. Et encore n’est-il parlé ici que de salaires. de la finance. Et encore n’est-il parlé ici que de salaires. Les écarts sont évidemment beaucoup plus importants si Les écarts sont évidemment beaucoup plus importants si l’on intègre les revenus des actions, des l’on intègre les revenus des actions, des stock optionsstock options des des bonus et autres parachutes dorés. Et davantage encore si bonus et autres parachutes dorés. Et davantage encore si l’on prend en compte les inégalités de patrimoine. l’on prend en compte les inégalités de patrimoine.

Cette explosion des inégalités est la cause première du Cette explosion des inégalités est la cause première du basculement des économies occidentales dans une sous-basculement des économies occidentales dans une sous-consommation structurelle. Elle les installe dans une for-consommation structurelle. Elle les installe dans une for-me d’état stationnaire larvé, puisque la propension mar-me d’état stationnaire larvé, puisque la propension mar-ginale à consommer des classes travailleuses et moyennes ginale à consommer des classes travailleuses et moyennes (la part de leur revenu supplémentaire qu’elles consacrent (la part de leur revenu supplémentaire qu’elles consacrent à la consommation plutôt qu’à l’épargne et aux placements) à la consommation plutôt qu’à l’épargne et aux placements) est infiniment plus élevée que celle des classes rentières, est infiniment plus élevée que celle des classes rentières, aussi dilapidatrices soient-elles, qui captent une gigantes-aussi dilapidatrices soient-elles, qui captent une gigantes-que masse d’argent inemployée en quête de placements que masse d’argent inemployée en quête de placements profitables. 10 à 15% du revenu national des pays riches profitables. 10 à 15% du revenu national des pays riches leur ont été octroyés depuis une trentaine d’années. Elles leur ont été octroyés depuis une trentaine d’années. Elles ont pu les obtenir en exigeant et en imposant une norme ont pu les obtenir en exigeant et en imposant une norme de rentabilité de leurs placements d’un même montant. de rentabilité de leurs placements d’un même montant. Symétriquement, cette tendance à la stagnation de l’« éco-Symétriquement, cette tendance à la stagnation de l’« éco-nomie réelle » et des revenus moyens de la plus grande nomie réelle » et des revenus moyens de la plus grande

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part de la population incite tous les gouvernements à fa-part de la population incite tous les gouvernements à fa-ciliter le développement du secteur financier et spéculatif, ciliter le développement du secteur financier et spéculatif, la privatisation des services publics et la mercantilisation la privatisation des services publics et la mercantilisation des gratuités puisque c’est uniquement de là que semble des gratuités puisque c’est uniquement de là que semble pouvoir provenir la croissance salvatrice. Mais ces solu-pouvoir provenir la croissance salvatrice. Mais ces solu-tions ne font qu’aggraver les inégalités à l’origine de la tions ne font qu’aggraver les inégalités à l’origine de la sous-consommation. Et donc la crise auxquelles elles sont sous-consommation. Et donc la crise auxquelles elles sont censées remédier (censées remédier (Manifeste des économistes atterrésManifeste des économistes atterrés). ).

La crise de l’automne 2008 a été à deux doigts de La crise de l’automne 2008 a été à deux doigts de reproduire celle de 1929. Les économies occidentales ont reproduire celle de 1929. Les économies occidentales ont été en partie sauvées par une injection massive de fonds été en partie sauvées par une injection massive de fonds publics qui a sauvé le secteur bancaire et permis de re-publics qui a sauvé le secteur bancaire et permis de re-lancer le capitalisme financier, rentier et spéculatif. Mais lancer le capitalisme financier, rentier et spéculatif. Mais cela revient à augmenter encore la surconsommation des cela revient à augmenter encore la surconsommation des médicaments qui ont entraîné la maladie aiguë de 2008. médicaments qui ont entraîné la maladie aiguë de 2008. Tout laisse donc à penser qu’une crise économique, plus Tout laisse donc à penser qu’une crise économique, plus violente encore, surviendra bientôt, dont personne ne sait violente encore, surviendra bientôt, dont personne ne sait comment elle pourra être jugulée. En tout état de cause, comment elle pourra être jugulée. En tout état de cause, des dizaines, ou des centaines de millions de personnes des dizaines, ou des centaines de millions de personnes sont déjà en train de payer l’addition, aux États-Unis, en sont déjà en train de payer l’addition, aux États-Unis, en Grèce, au Portugal, en Espagne, en Irlande, en Islande ou Grèce, au Portugal, en Espagne, en Irlande, en Islande ou en Grande-Bretagne.en Grande-Bretagne.

La conclusion qu’il importe de tirer de tout ceci est La conclusion qu’il importe de tirer de tout ceci est dramatiquement simple : l’adhésion à la démocratie ne dramatiquement simple : l’adhésion à la démocratie ne pourra plus reposer, dans les riches économies occiden-pourra plus reposer, dans les riches économies occiden-tales – et probablement aussi en Europe de l’Est –, sur la tales – et probablement aussi en Europe de l’Est –, sur la perspective d’une croissance continue et indéfinie. Elles perspective d’une croissance continue et indéfinie. Elles ont déjà basculé en fait dans un régime d’état économique ont déjà basculé en fait dans un régime d’état économique stationnaire.stationnaire.

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LES PAYS ÉMERGENTS ET LA FINITUDE DU MONDELES PAYS ÉMERGENTS ET LA FINITUDE DU MONDE

On pourrait penser cependant que la vraie conclusion On pourrait penser cependant que la vraie conclusion qui s’impose est que la dynamique économique aban-qui s’impose est que la dynamique économique aban-donne les rivages occidentaux pour bercer désormais donne les rivages occidentaux pour bercer désormais ceux de l’Orient et de l’Amérique latine. Et, plus tard, ceux de l’Orient et de l’Amérique latine. Et, plus tard, l’Afrique, peut-être, dont certains annoncent qu’elle est l’Afrique, peut-être, dont certains annoncent qu’elle est enfin en train de « partir » pour de bon. Les pays dits enfin en train de « partir » pour de bon. Les pays dits émergents, et notamment les BRIC (Brésil, Russie, Inde, émergents, et notamment les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) connaissent des taux de croissance fabuleux, pro-Chine) connaissent des taux de croissance fabuleux, pro-ches des 10% annuels. N’est-ce pas un juste retour des ches des 10% annuels. N’est-ce pas un juste retour des choses, après des siècles de domination et d’exploitation choses, après des siècles de domination et d’exploitation occidentales ? Et la condition occidentales ? Et la condition sine qua nonsine qua non pour que ces pour que ces pays, à leur tour, et dans leur sillage le reste de la planète, pays, à leur tour, et dans leur sillage le reste de la planète, basculent définitivement dans l’orbe de la démocratie ? basculent définitivement dans l’orbe de la démocratie ?

Il est évidemment hautement heureux que ces pays Il est évidemment hautement heureux que ces pays sortent de la pauvreté, comme avant eux le Japon, la sortent de la pauvreté, comme avant eux le Japon, la Corée du Sud, Taiwan ou Singapour. Mais trois séries Corée du Sud, Taiwan ou Singapour. Mais trois séries de considérations doivent tempérer notre optimisme. En de considérations doivent tempérer notre optimisme. En premier lieu, leur forte croissance s’avérera très problé-premier lieu, leur forte croissance s’avérera très problé-matique si elle s’opère systématiquement au détriment des matique si elle s’opère systématiquement au détriment des classes salariales occidentales et dans des conditions du-classes salariales occidentales et dans des conditions du-rables de surexploitation de leurs propres salariats. Or, rables de surexploitation de leurs propres salariats. Or, on voit bien que c’est déjà tendanciellement le cas. Il on voit bien que c’est déjà tendanciellement le cas. Il est assurément totalement justifié que les pays émergents est assurément totalement justifié que les pays émergents commencent à rattraper avec des bottes de sept lieues commencent à rattraper avec des bottes de sept lieues leur retard sur l’Occident. Il l’est beaucoup moins que les leur retard sur l’Occident. Il l’est beaucoup moins que les salariés occidentaux se retrouvent peu à peu plongés dans salariés occidentaux se retrouvent peu à peu plongés dans une situation qui s’apparente à ce que serait leur mise en une situation qui s’apparente à ce que serait leur mise en concurrence avec le prolétariat du XIXconcurrence avec le prolétariat du XIXee siècle européen, siècle européen, celui de Dickens ou de Zola, dénué de toute protection celui de Dickens ou de Zola, dénué de toute protection sociale et forcé d’accepter des salaires de simple survie sociale et forcé d’accepter des salaires de simple survie sous peine de mourir de faim. Quel retour en arrière ! La sous peine de mourir de faim. Quel retour en arrière ! La

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coexistence de centaines de millions de paysans chinois coexistence de centaines de millions de paysans chinois chassés de leurs terres, errant sur les routes ou esclavagi-chassés de leurs terres, errant sur les routes ou esclavagi-sés, et d’un chômage toujours grandissant en Europe ou sés, et d’un chômage toujours grandissant en Europe ou aux États-Unis – pendant que Madagascar ou des pays aux États-Unis – pendant que Madagascar ou des pays africains sont en train de brader à bas prix des pans en-africains sont en train de brader à bas prix des pans en-tiers de leurs territoirestiers de leurs territoires 1 1 –, peut difficilement passer pour –, peut difficilement passer pour un triomphe civilisationnel. un triomphe civilisationnel.

De surcroît, contrairement aux thèses optimistes sur De surcroît, contrairement aux thèses optimistes sur l’avenir de la démocratie, rien ne garantit que ces forts l’avenir de la démocratie, rien ne garantit que ces forts taux de croissance suffiront à induire un basculement dé-taux de croissance suffiront à induire un basculement dé-mocratique solide et pérenne. C’est apparemment ce qui mocratique solide et pérenne. C’est apparemment ce qui s’amorce au Brésil, malgré des inégalités sociales et une s’amorce au Brésil, malgré des inégalités sociales et une criminalité astronomiques, et l’Inde peut encore passer criminalité astronomiques, et l’Inde peut encore passer pour « la plus grande démocratie du monde ». Mais l’idée pour « la plus grande démocratie du monde ». Mais l’idée de la démocratie en Russie tient plus de la farce ou de la de la démocratie en Russie tient plus de la farce ou de la tragicomédie qu’autre chose, et la Chine ne semble guère tragicomédie qu’autre chose, et la Chine ne semble guère vouloir y songer. vouloir y songer.

Le point crucial toutefois est celui-ci : même si la Le point crucial toutefois est celui-ci : même si la dynamique de croissance des pays émergents ne se ta-dynamique de croissance des pays émergents ne se ta-rissait pas progressivement pour des raisons strictement rissait pas progressivement pour des raisons strictement économiques, comme elle l’a fait au Japon et en Occident, économiques, comme elle l’a fait au Japon et en Occident, avant d’avoir éradiqué la misère et d’avoir fait accéder avant d’avoir éradiqué la misère et d’avoir fait accéder la grande majorité de leurs populations à un bien-être la grande majorité de leurs populations à un bien-être matériel appréciable, il est désormais évident qu’au moins matériel appréciable, il est désormais évident qu’au moins en Chine puis en Inde elle se heurtera prochainement en Chine puis en Inde elle se heurtera prochainement à des limites et à des obstacles écologiques absolument à des limites et à des obstacles écologiques absolument dirimants. Voilà qui pose la question incontournable des dirimants. Voilà qui pose la question incontournable des limites écologiques à la croissance.limites écologiques à la croissance.

1 En 2009 les investisseurs étrangers ont acheté en Afrique 60 millions d’hec-1 En 2009 les investisseurs étrangers ont acheté en Afrique 60 millions d’hec-tares de terres agricoles, soit la surface de la France.tares de terres agricoles, soit la surface de la France.

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Les limites écologiques à la croissance Les limites écologiques à la croissance et la finitude du mondeet la finitude du monde

Le débat en la matière mobilise une extraordinaire Le débat en la matière mobilise une extraordinaire quantité d’arguments techniques et d’expertises en tous quantité d’arguments techniques et d’expertises en tous genres à travers lesquels il est difficile de se faire une genres à travers lesquels il est difficile de se faire une opinion définitive sur la période de temps durant laquelle opinion définitive sur la période de temps durant laquelle une forte croissance économique sera encore possible. une forte croissance économique sera encore possible. Combien de temps encore avant que le manque de pétrole Combien de temps encore avant que le manque de pétrole ne grippe radicalement la machine, que le dérèglement ne grippe radicalement la machine, que le dérèglement climatique ne provoque des catastrophes de plus en plus climatique ne provoque des catastrophes de plus en plus insupportables, que l’uranium ne vienne à manquer, ou insupportables, que l’uranium ne vienne à manquer, ou que de nouveaux Tchernobyl ou Fukushima ne condui-que de nouveaux Tchernobyl ou Fukushima ne condui-sent à déclarer le nucléaire hors la loi tant ses dégâts sent à déclarer le nucléaire hors la loi tant ses dégâts seront colossaux et que le retour au charbon n’accroisse seront colossaux et que le retour au charbon n’accroisse drastiquement les rejets de C02 ? Que des matières pre-drastiquement les rejets de C02 ? Que des matières pre-mières essentielles et jusqu’à la nourriture fassent défaut, mières essentielles et jusqu’à la nourriture fassent défaut, que l’air soit rendu totalement irrespirable, la mer et les que l’air soit rendu totalement irrespirable, la mer et les rivières si polluées que le poisson, déjà décimé par la rivières si polluées que le poisson, déjà décimé par la pêche intensive, vienne à manquer définitivement, que les pêche intensive, vienne à manquer définitivement, que les déchets industriels occupent tant de place qu’on ne saura déchets industriels occupent tant de place qu’on ne saura plus où les mettre ni comment les traiter, etc. ? plus où les mettre ni comment les traiter, etc. ?

Mais d’autres ressources ne vont-elles pas apparaître ? Mais d’autres ressources ne vont-elles pas apparaître ? De nouvelles sources d’énergie, inépuisables (l’hydrogène De nouvelles sources d’énergie, inépuisables (l’hydrogène par exemple), ne vont-elles pas être conçues, alimentant par exemple), ne vont-elles pas être conçues, alimentant une croissance verte, écologique, durable, qui se substi-une croissance verte, écologique, durable, qui se substi-tuera à l’ancienne en continuant à faire gonfler le PIB ? tuera à l’ancienne en continuant à faire gonfler le PIB ? L’artificialisation radicale de la planète, en un mot, ne L’artificialisation radicale de la planète, en un mot, ne palliera-t-elle pas, et au-delà, la déficience d’une Nature palliera-t-elle pas, et au-delà, la déficience d’une Nature surexploitée et définitivement disparue ?surexploitée et définitivement disparue ?

Par quelque bout qu’on prenne le problème, quatre Par quelque bout qu’on prenne le problème, quatre séries de considérations semblent difficilement contesta-séries de considérations semblent difficilement contesta-bles. bles.

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- Le dérèglement climatique lié à l’augmentation conti-- Le dérèglement climatique lié à l’augmentation conti-nue des émissions de CO2 va engendrer des catastrophes nue des émissions de CO2 va engendrer des catastrophes en série, et la multiplication des réfugiés climatiques pro-en série, et la multiplication des réfugiés climatiques pro-duire des dizaines de millions de migrants contraints de duire des dizaines de millions de migrants contraints de quitter leur terre d’origine et venant s’ajouter à l’émigra-quitter leur terre d’origine et venant s’ajouter à l’émigra-tion économique ordinaire. Même si les nouvelles tech-tion économique ordinaire. Même si les nouvelles tech-nologies sont plus économes sur ce plan, l’augmentation nologies sont plus économes sur ce plan, l’augmentation mondiale massive de la production matérielle amplifie mondiale massive de la production matérielle amplifie chaque année le problème. Le Pnud évalue à 1,7 ou 1,8 chaque année le problème. Le Pnud évalue à 1,7 ou 1,8 tonne de CO2 par habitant et par an dans le monde le tonne de CO2 par habitant et par an dans le monde le niveau qu’il faudrait atteindre dans les prochaines décen-niveau qu’il faudrait atteindre dans les prochaines décen-nies pour stabiliser le climat. Or les pays riches ont des nies pour stabiliser le climat. Or les pays riches ont des émissions en moyenne cinq fois supérieures à ce seuil. émissions en moyenne cinq fois supérieures à ce seuil. Nicholas Stern, l’économiste anglais auteur du Rapport Nicholas Stern, l’économiste anglais auteur du Rapport éponyme, très consensuel, qui avait attiré l’attention sur éponyme, très consensuel, qui avait attiré l’attention sur la nécessité de consacrer dès à présent d’importantes dé-la nécessité de consacrer dès à présent d’importantes dé-penses à la réduction du CO2 a révisé récemment son dia-penses à la réduction du CO2 a révisé récemment son dia-gnostic dans un sens plus pessimiste et alarmiste. Compte gnostic dans un sens plus pessimiste et alarmiste. Compte tenu de la corrélation étroite entre PIB et émission de tenu de la corrélation étroite entre PIB et émission de CO2, on a calculé que même avec d’importantes innova-CO2, on a calculé que même avec d’importantes innova-tions technologiques, il faudrait que le niveau de revenu tions technologiques, il faudrait que le niveau de revenu moyen sur terre soit à peine plus élevé que ce qu’il est moyen sur terre soit à peine plus élevé que ce qu’il est déjà aujourd’hui pour stabiliser le réchauffement clima-déjà aujourd’hui pour stabiliser le réchauffement clima-tique en 2050. Resterait à faire en sorte qu’il soit plus tique en 2050. Resterait à faire en sorte qu’il soit plus équitablement réparti. équitablement réparti.

- L’empreinte écologique représente l’ensemble des - L’empreinte écologique représente l’ensemble des surfaces productives, de terre ou de mer, nécessaire à la surfaces productives, de terre ou de mer, nécessaire à la production de l‘ensemble des consommations. Elle était production de l‘ensemble des consommations. Elle était en moyenne en 2007 de 2,7 hag (l’hectare global, en moyenne en 2007 de 2,7 hag (l’hectare global, haghag, , étant l’hectare de surface ayant une productivité biolo-étant l’hectare de surface ayant une productivité biolo-gique moyenne à l’échelle mondiale), soit près de quatre gique moyenne à l’échelle mondiale), soit près de quatre terrains de football. Un habitant des États-Unis a une terrains de football. Un habitant des États-Unis a une empreinte écologique de plus de 8hag, un Français de 5, empreinte écologique de plus de 8hag, un Français de 5,

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un Afghan de 1. La généralisation du mode de vie améri-un Afghan de 1. La généralisation du mode de vie améri-cain supposerait que la surface productive de la terre soit cain supposerait que la surface productive de la terre soit multipliée par trois. Que la terre en somme se détriple. multipliée par trois. Que la terre en somme se détriple. La même chose est vraie de l’eau, dont un Américain des La même chose est vraie de l’eau, dont un Américain des États-Unis consomme 2500 mÉtats-Unis consomme 2500 m33, un Français 1900 et un , un Français 1900 et un Afghan 660. Et ainsi de suite. Afghan 660. Et ainsi de suite.

- L’idée d’une croissance verte n’est pas sans séduc-- L’idée d’une croissance verte n’est pas sans séduc-tions. Pourquoi la croissance du PIB économique ne se-tions. Pourquoi la croissance du PIB économique ne se-rait-elle pas relancée en investissant dans l’ensemble des rait-elle pas relancée en investissant dans l’ensemble des technologies qui permettent de limiter les émissions de technologies qui permettent de limiter les émissions de CO2 et d’économiser l’énergie ? Dans les énergies renou-CO2 et d’économiser l’énergie ? Dans les énergies renou-velables ? Le problème est qu’il s’avère que toutes ces in-velables ? Le problème est qu’il s’avère que toutes ces in-ventions sont elles-mêmes beaucoup plus consommatrices ventions sont elles-mêmes beaucoup plus consommatrices d’énergies et, indirectement, émettrices de CO2 qu’on ne d’énergies et, indirectement, émettrices de CO2 qu’on ne pourrait le croire (pourrait le croire (CfCf. par exemple l’éthanol), et qu’elles . par exemple l’éthanol), et qu’elles ne permettront donc pas d’éviter la forte augmentation ne permettront donc pas d’éviter la forte augmentation des prix de l’énergie et des matières premières qui limi-des prix de l’énergie et des matières premières qui limi-tera la croissance. À supposer même qu’elle reste écologi-tera la croissance. À supposer même qu’elle reste écologi-quement soutenable. Sans compter « l’effet rebond », qui quement soutenable. Sans compter « l’effet rebond », qui amène à ce que l’on consomme toujours plus des produits amène à ce que l’on consomme toujours plus des produits qui économisent de l’énergie ou minimisent les émissions qui économisent de l’énergie ou minimisent les émissions de CO2, si bien qu’au bout du compte, en valeurs abso-de CO2, si bien qu’au bout du compte, en valeurs abso-lues, les ressources énergétiques continuent à diminuer et lues, les ressources énergétiques continuent à diminuer et le CO2 à croître. Et Fukushima a sonné le glas de l’espoir le CO2 à croître. Et Fukushima a sonné le glas de l’espoir que l’énergie nucléaire puisse systématiquement pallier la que l’énergie nucléaire puisse systématiquement pallier la raréfaction du pétrole. raréfaction du pétrole.

- En tout état de cause, 2% de taux de croissance an-- En tout état de cause, 2% de taux de croissance an-nuelle impliquent la multiplication par six des quantités nuelle impliquent la multiplication par six des quantités de biens produites en 2100 par rapport à aujourd’hui. de biens produites en 2100 par rapport à aujourd’hui. Et ne parlons donc pas de taux à 8 ou 10%. Ces taux, Et ne parlons donc pas de taux à 8 ou 10%. Ces taux, même le petit 2%, vont se révéler très vite matériellement même le petit 2%, vont se révéler très vite matériellement intenables.intenables.

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ConclusionConclusion

Toutes ces considérations débouchent sur une conclu-Toutes ces considérations débouchent sur une conclu-sion aussi simple que profondément inquiétante et désta-sion aussi simple que profondément inquiétante et désta-bilisante. L’adhésion aux valeurs démocratiques a reposé bilisante. L’adhésion aux valeurs démocratiques a reposé jusqu’ici sur la perspective d’un enrichissement matériel jusqu’ici sur la perspective d’un enrichissement matériel continu et indéfini pour tous. Sur une croissance inin-continu et indéfini pour tous. Sur une croissance inin-terrompue du PIB. Cette perspective ne sera plus guère terrompue du PIB. Cette perspective ne sera plus guère crédible longtemps, à la fois parce que la croissance de crédible longtemps, à la fois parce que la croissance de l’« économie réelle », l’« économie réelle », i.e.i.e. hors spéculation financière, est hors spéculation financière, est en fait et restera quasiment nulle dans les pays riches, et en fait et restera quasiment nulle dans les pays riches, et parce qu’elle se heurtera rapidement à des limites écolo-parce qu’elle se heurtera rapidement à des limites écolo-giques drastiques dans les pays émergents et à l’échelle giques drastiques dans les pays émergents et à l’échelle planétaire. Il n’est donc plus possible d’espérer répondre planétaire. Il n’est donc plus possible d’espérer répondre à la question de savoir comment les hommes pourraient à la question de savoir comment les hommes pourraient « s’opposer sans se massacrer » en plaçant ses espoirs « s’opposer sans se massacrer » en plaçant ses espoirs dans la boucle émissaire de la croissance. Il nous faut dans la boucle émissaire de la croissance. Il nous faut donc trouver de toute urgence d’autres réponses que celles donc trouver de toute urgence d’autres réponses que celles que nous ont léguées les grandes idéologies politiques de que nous ont léguées les grandes idéologies politiques de la modernité.la modernité.

TROISIÈME PARTIETROISIÈME PARTIE

CONSIDÉRATIONS INTERMÉDIAIRES : CONSIDÉRATIONS INTERMÉDIAIRES : AU-DELÀ DE L’AU-DELÀ DE L’HOMO HOMO ŒŒCONOMICUSCONOMICUS

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Posons, ou supposons donc, que le monde soit plus ou Posons, ou supposons donc, que le monde soit plus ou moins prochainement condamné à une croissance proche moins prochainement condamné à une croissance proche de zéro. Qu’il faille en adopter le principe, ou qu’elle de zéro. Qu’il faille en adopter le principe, ou qu’elle s’impose d’elle-même par essoufflement des dynamiques s’impose d’elle-même par essoufflement des dynamiques économiques, ou en raison de multiples contraintes éco-économiques, ou en raison de multiples contraintes éco-logiques. Serait-ce une catastrophe ? On pourrait le croire logiques. Serait-ce une catastrophe ? On pourrait le croire puisque le consensus démocratique a jusqu’à présent lar-puisque le consensus démocratique a jusqu’à présent lar-gement reposé sur la gement reposé sur la boucle émissaireboucle émissaire de l’enrichissement de l’enrichissement matériel, sur l’espoir d’une croissance indéfinie et ininter-matériel, sur l’espoir d’une croissance indéfinie et ininter-rompue. C’est la réalisation de cet espoir qui a largement rompue. C’est la réalisation de cet espoir qui a largement contribué à une certaine pacification du monde. Il y a contribué à une certaine pacification du monde. Il y a donc de fortes raisons de redouter que son abandon ne donc de fortes raisons de redouter que son abandon ne débouche sur un chaos mondial sans précédent, sur la débouche sur un chaos mondial sans précédent, sur la multiplication des guerres et des massacres, et, peut-être, multiplication des guerres et des massacres, et, peut-être, sur une guerre mondiale terminale. Ou, moindre mal, sur sur une guerre mondiale terminale. Ou, moindre mal, sur l’apparition de dictatures féroces. Qu’est-ce qui permet-l’apparition de dictatures féroces. Qu’est-ce qui permet-trait de l’éviter ? Quel ressourcement, quelle réanimation, trait de l’éviter ? Quel ressourcement, quelle réanimation, quelle rénovation de l’idéal démocratique ? quelle rénovation de l’idéal démocratique ?

VERS UN ÉTAT STATIONNAIRE DYNAMIQUE ET PROGRESSISTEVERS UN ÉTAT STATIONNAIRE DYNAMIQUE ET PROGRESSISTE

Ne pas confondre richesse et richesse monétaireNe pas confondre richesse et richesse monétaire

Pour avancer dans cette discussion, aussi cruciale Pour avancer dans cette discussion, aussi cruciale que délicate, il faut tout d’abord comprendre que la fin que délicate, il faut tout d’abord comprendre que la fin de la croissance ne signifie rien d’autre que la fin de la de la croissance ne signifie rien d’autre que la fin de la croissance du PIB, autrement dit de l’augmentation de la croissance du PIB, autrement dit de l’augmentation de la

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somme des valeurs ajoutés marchandes, de la quantité somme des valeurs ajoutés marchandes, de la quantité nette des biens et services vendus sur le marché (plus les nette des biens et services vendus sur le marché (plus les services publics estimés à leur coût). Ce n’est pas rien. services publics estimés à leur coût). Ce n’est pas rien. C’est même beaucoup, puisque plus personne ne vit en C’est même beaucoup, puisque plus personne ne vit en autarcie, que c’est sur le marché que nous nous procurons autarcie, que c’est sur le marché que nous nous procurons l’essentiel de nos biens de consommation, et qu’il nous l’essentiel de nos biens de consommation, et qu’il nous faut pour cela disposer du revenu monétaire nécessaire. faut pour cela disposer du revenu monétaire nécessaire. Mais ce n’est pas tout, bien loin de là. Ou encore, pour le Mais ce n’est pas tout, bien loin de là. Ou encore, pour le dire dans le langage de Marx et de l’économie politique dire dans le langage de Marx et de l’économie politique classique anglaise, une croissance nulle du PIB signifie classique anglaise, une croissance nulle du PIB signifie que la somme des valeurs d’échange réalisée sur le mar-que la somme des valeurs d’échange réalisée sur le mar-ché ne s’est pas accrue. Mais cela ne nous dit rien sur ché ne s’est pas accrue. Mais cela ne nous dit rien sur l’évolution des valeurs d’usage, l’évolution des valeurs d’usage, i.e.i.e. sur la satisfaction des sur la satisfaction des besoins. Celles-ci peuvent fort bien augmenter quantita-besoins. Celles-ci peuvent fort bien augmenter quantita-tivement et qualitativement alors même que les valeurs tivement et qualitativement alors même que les valeurs d’échange produites stagnent ou décroissent. Ou, inver-d’échange produites stagnent ou décroissent. Ou, inver-sement, que la satisfaction retirée des biens consommés sement, que la satisfaction retirée des biens consommés décroît alors que leur valeur marchande totale s’accroît. décroît alors que leur valeur marchande totale s’accroît. Il est même probable que tel est systématiquement le cas Il est même probable que tel est systématiquement le cas dans toutes les situations, ultrafréquentes, dans lesquel-dans toutes les situations, ultrafréquentes, dans lesquel-les, la nécessité ou le désir de se procurer un revenu mar-les, la nécessité ou le désir de se procurer un revenu mar-chand aboutit à sacrifier la qualité de la vie – le temps de chand aboutit à sacrifier la qualité de la vie – le temps de loisir et de culture, les amis, la vie de famille etc. – ou loisir et de culture, les amis, la vie de famille etc. – ou à dilapider un patrimoine, qu’il s’agisse d’un patrimoine à dilapider un patrimoine, qu’il s’agisse d’un patrimoine matériel, culturel ou naturel. matériel, culturel ou naturel.

On revendiquait en 1968 de pas être obligé de « perdre On revendiquait en 1968 de pas être obligé de « perdre sa vie à la gagner » en se voyant réduit au « métro, bou-sa vie à la gagner » en se voyant réduit au « métro, bou-lot, dodo ». Cette revendication est plus d’actualité que lot, dodo ». Cette revendication est plus d’actualité que jamais. Plus généralement, de multiples études montrent jamais. Plus généralement, de multiples études montrent que l’accroissement de la richesse marchande et monétai-que l’accroissement de la richesse marchande et monétai-re s’effectue bien souvent, et de plus en plus, au détriment re s’effectue bien souvent, et de plus en plus, au détriment de la richesse tout court (même si personne ne sait très de la richesse tout court (même si personne ne sait très bien en quoi elle consiste...). D’où l’appel de plus en plus bien en quoi elle consiste...). D’où l’appel de plus en plus

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CONSIDÉRATIONS INTERMÉDIAIRES : AU-DELÀ DE L’CONSIDÉRATIONS INTERMÉDIAIRES : AU-DELÀ DE L’HOMO HOMO ŒŒCONOMICUSCONOMICUS

populaire à la construction et au calcul d’indicateurs de populaire à la construction et au calcul d’indicateurs de richesse alternatifs, qui remettent la richesse monétaire à richesse alternatifs, qui remettent la richesse monétaire à sa juste place. Importante, mais partielle et limitée. sa juste place. Importante, mais partielle et limitée.

Plus généralement, le temps est désormais clairement Plus généralement, le temps est désormais clairement venu d’opérer un renversement radical dans nos concep-venu d’opérer un renversement radical dans nos concep-tions « allant de soi » de ce qui est souhaitable en matière tions « allant de soi » de ce qui est souhaitable en matière de politique économique et sociale. On distinguait, dans de politique économique et sociale. On distinguait, dans les années 1960-70 entre croissance et développement. La les années 1960-70 entre croissance et développement. La notion de développement renvoyait à tout ce qui est indu-notion de développement renvoyait à tout ce qui est indu-bitablement désirable : non seulement l’augmentation de bitablement désirable : non seulement l’augmentation de l’opulence, mais aussi celle du niveau d’éducation, de pro-l’opulence, mais aussi celle du niveau d’éducation, de pro-tection sociale, de culture, de santé, de qualité de la vie tection sociale, de culture, de santé, de qualité de la vie etc. La croissance était considérée comme le moyen de etc. La croissance était considérée comme le moyen de la fin, représentée par le développement. Cette croyance la fin, représentée par le développement. Cette croyance (d’ailleurs largement fondée à l’époque), était et est tou-(d’ailleurs largement fondée à l’époque), était et est tou-jours tenue pour incontestable par presque tout le monde. jours tenue pour incontestable par presque tout le monde. Or il devient de plus en plus probable que, dans les pays Or il devient de plus en plus probable que, dans les pays riches, il faille désormais inverser l’équation, ou le sens riches, il faille désormais inverser l’équation, ou le sens de la corrélation. La croissance se révèle de plus en plus de la corrélation. La croissance se révèle de plus en plus antithétique au développement. Il devient donc urgent de antithétique au développement. Il devient donc urgent de définir les conditions d’une prospérité sans croissance définir les conditions d’une prospérité sans croissance (Tim Jackson).(Tim Jackson).

Il est intéressant d’observer qu’on retrouve ainsi, trans-Il est intéressant d’observer qu’on retrouve ainsi, trans-posés, des débats qui avaient été au cœur de l’économie posés, des débats qui avaient été au cœur de l’économie politique classique anglaise. Et de l’économie marxiste. politique classique anglaise. Et de l’économie marxiste. Cette dernière, on le sait, pronostiquait la baisse tendan-Cette dernière, on le sait, pronostiquait la baisse tendan-cielle, inexorable, du taux de profit, et, donc, de la dy-cielle, inexorable, du taux de profit, et, donc, de la dy-namique centrale du capitalisme. Elle ne faisait d’ailleurs namique centrale du capitalisme. Elle ne faisait d’ailleurs ainsi que reprendre sous une autre forme le diagnostic de ainsi que reprendre sous une autre forme le diagnostic de Smith, Ricardo ou Malthus. Mais l’état stationnaire que Smith, Ricardo ou Malthus. Mais l’état stationnaire que ces derniers annonçaient dans une optique pessimiste, le ces derniers annonçaient dans une optique pessimiste, le plus grand philosophe libéral anglais du XIXplus grand philosophe libéral anglais du XIXee siècle, John siècle, John Stuart Mill, également économiste, à la fois utilitariste, Stuart Mill, également économiste, à la fois utilitariste,

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comme son père James Mill, et anti-utilitariste comme comme son père James Mill, et anti-utilitariste comme ses amis les plus proches, allait le dépeindre, en 1848, ses amis les plus proches, allait le dépeindre, en 1848, sous des traits nettement plus chatoyants : sous des traits nettement plus chatoyants :

« J’avoue, écrivait-il, que je ne suis pas enchanté de « J’avoue, écrivait-il, que je ne suis pas enchanté de l’idéal de vie que nous présentent ceux qui croient que l’idéal de vie que nous présentent ceux qui croient que l’état normal de l’homme est de lutter sans fin pour se l’état normal de l’homme est de lutter sans fin pour se tirer d’affaire, que cette mêlée où l’on se foule aux pieds, tirer d’affaire, que cette mêlée où l’on se foule aux pieds, où l’on se coudoie, où l’on s’écrase, où l’on se marche où l’on se coudoie, où l’on s’écrase, où l’on se marche sur les talons et qui est le type de la société actuelle, sur les talons et qui est le type de la société actuelle, soit la destinée la plus désirable pour l’humanité, au soit la destinée la plus désirable pour l’humanité, au lieu d’être simplement une des phases désagréables du lieu d’être simplement une des phases désagréables du progrès industriel. » Et il ajoutait : « Le meilleur état progrès industriel. » Et il ajoutait : « Le meilleur état pour la nature humaine est celui dans lequel personne pour la nature humaine est celui dans lequel personne n’est riche, personne n’aspire à devenir plus riche et ne n’est riche, personne n’aspire à devenir plus riche et ne craint d’être renversé en arrière par les efforts que font craint d’être renversé en arrière par les efforts que font les autres pour se précipiter en avant. » Conclusion : les autres pour se précipiter en avant. » Conclusion : « Je ne vois pas pourquoi il y aurait lieu de se féliciter « Je ne vois pas pourquoi il y aurait lieu de se féliciter de ce que des individus, déjà plus riches qu’il n’est de ce que des individus, déjà plus riches qu’il n’est besoin, doublent la faculté de consommer des choses besoin, doublent la faculté de consommer des choses qui ne leur procurent que peu ou point de plaisir, qui ne leur procurent que peu ou point de plaisir, autrement que comme signe de richesse ; ou de ce qu’un autrement que comme signe de richesse ; ou de ce qu’un plus grand nombre d’individus passent chaque année de plus grand nombre d’individus passent chaque année de la classe moyenne dans la classe riche ou de la classe la classe moyenne dans la classe riche ou de la classe des riches occupés dans celle des riches oisifs. C’est des riches occupés dans celle des riches oisifs. C’est seulement dans les pays arriérés que l’accroissement de seulement dans les pays arriérés que l’accroissement de la production a encore quelque importancela production a encore quelque importance 1 1. » . »

Quant aux pays développés, voici comment Stuart Quant aux pays développés, voici comment Stuart Mill imaginait leur organisation : Mill imaginait leur organisation :

1 John Stuart Mill, 1 John Stuart Mill, Principes d’économie politiquePrincipes d’économie politique, 1848, volume II, chapi-, 1848, volume II, chapi-tre VI, repris in tre VI, repris in La Revue du MAUSS semestrielle La Revue du MAUSS semestrielle n°37, 2011, 2n°37, 2011, 2ee semestre. semestre.

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« Un corps nombreux et bien payé de travailleurs ; « Un corps nombreux et bien payé de travailleurs ; peu de fortunes énormes, à part celles qui auraient peu de fortunes énormes, à part celles qui auraient été gagnées et accumulées durant la vie d’un homme, été gagnées et accumulées durant la vie d’un homme, mais un bien plus grand nombre de personnes qu’on mais un bien plus grand nombre de personnes qu’on n’en compte aujourd’hui, non seulement exemptes des n’en compte aujourd’hui, non seulement exemptes des travaux les plus rudes, mais jouissant d’assez de loisirs travaux les plus rudes, mais jouissant d’assez de loisirs du corps et de l’âme pour cultiver librement les arts du corps et de l’âme pour cultiver librement les arts qui embellissent la vie (qui embellissent la vie (graces of lifegraces of life), et donner des ), et donner des exemples aux personnes moins bien placées pour cela. exemples aux personnes moins bien placées pour cela. Cette condition de la société, bien meilleure que celle Cette condition de la société, bien meilleure que celle d’aujourd’hui, est non seulement compatible avec l’état d’aujourd’hui, est non seulement compatible avec l’état stationnaire, mais elle semble plus facile à réaliser dans stationnaire, mais elle semble plus facile à réaliser dans cet état que dans tout autre. »cet état que dans tout autre. »

Et il est difficile aujourd’hui, alors que nous assistons Et il est difficile aujourd’hui, alors que nous assistons à la disparition tendancielle de la nature, de ne pas être à la disparition tendancielle de la nature, de ne pas être sensible à l’inquiétude qu’il manifestait il y a plus d’un sensible à l’inquiétude qu’il manifestait il y a plus d’un siècle et demi : siècle et demi :

« Il n’y a pas grand plaisir à considérer un monde où « Il n’y a pas grand plaisir à considérer un monde où il ne resterait rien de livré à l’activité spontanée de la il ne resterait rien de livré à l’activité spontanée de la nature, où tout nature, où tout roodrood de terre propre à produire des de terre propre à produire des aliments pour l’homme serait mis en culture ; où tout aliments pour l’homme serait mis en culture ; où tout désert fleuri, toute prairie naturelle seraient labourés ; désert fleuri, toute prairie naturelle seraient labourés ; où tous les quadrupèdes et tous les oiseaux qui ne où tous les quadrupèdes et tous les oiseaux qui ne seraient pas apprivoisés pour l’usage de l’homme, seraient pas apprivoisés pour l’usage de l’homme, seraient exterminés comme des concurrents qui viennent seraient exterminés comme des concurrents qui viennent lui disputer sa nourriture ; où toute haie, tout arbre lui disputer sa nourriture ; où toute haie, tout arbre inutile seraient déracinés ; où il resterait à peine une inutile seraient déracinés ; où il resterait à peine une place où pût venir un buisson ou une fleur sauvage, place où pût venir un buisson ou une fleur sauvage, sans qu’on vint aussitôt les arracher au nom des sans qu’on vint aussitôt les arracher au nom des progrès de l’agriculture. Si la terre doit perdre une progrès de l’agriculture. Si la terre doit perdre une grande partie de l’agrément qu’elle doit à des objets grande partie de l’agrément qu’elle doit à des objets

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que détruirait l’accroissement continu de la richesse et que détruirait l’accroissement continu de la richesse et de la population, et cela seulement pour nourrir une de la population, et cela seulement pour nourrir une population plus considérable, mais qui ne serait ni population plus considérable, mais qui ne serait ni meilleure, ni plus heureuse, j’espère sincèrement pour meilleure, ni plus heureuse, j’espère sincèrement pour la postérité, qu’elle se contentera de l’état stationnaire la postérité, qu’elle se contentera de l’état stationnaire longtemps avant d’y être forcée par la nécessité. »longtemps avant d’y être forcée par la nécessité. »

Que la croissance ne fait pas le bonheurQue la croissance ne fait pas le bonheur

À une restriction près, essentielle, il est difficile de À une restriction près, essentielle, il est difficile de ne pas adhérer à ces réflexions de bon sens. Dont l’uni-ne pas adhérer à ces réflexions de bon sens. Dont l’uni-que défaut, justement, est de trop en rester au niveau du que défaut, justement, est de trop en rester au niveau du bon sens. Qui est loin d’être toujours la chose du monde bon sens. Qui est loin d’être toujours la chose du monde la mieux partagée. Reste qu’une série impressionnante la mieux partagée. Reste qu’une série impressionnante de recherches menées depuis une vingtaine d’années de recherches menées depuis une vingtaine d’années viennent corroborer les analyses de Stuart Mill. Au-delà viennent corroborer les analyses de Stuart Mill. Au-delà d’un certain niveau de revenu monétaire on n’observe d’un certain niveau de revenu monétaire on n’observe plus aucune corrélation avec le niveau de bien-être ou de plus aucune corrélation avec le niveau de bien-être ou de bonheur. Formulés en termes négatifs, ces résultats sont bonheur. Formulés en termes négatifs, ces résultats sont parfois présentés sous l’égide du « paradoxe d’Easterlin », parfois présentés sous l’égide du « paradoxe d’Easterlin », qui énonce que depuis les années 1970 aux États-Unis le qui énonce que depuis les années 1970 aux États-Unis le sentiment d’être heureux reste stable, voire diminue, mal-sentiment d’être heureux reste stable, voire diminue, mal-gré l’accroissement du PIB. Dit positivement, il apparaît gré l’accroissement du PIB. Dit positivement, il apparaît que les facteurs premiers du sentiment de bonheur ou que les facteurs premiers du sentiment de bonheur ou de bien-être sont les relations familiales ou amicales, la de bien-être sont les relations familiales ou amicales, la santé, bien sûr, et l’épanouissement dans le travail. santé, bien sûr, et l’épanouissement dans le travail.

Le résultat essentiel d’un grand nombre d’études Le résultat essentiel d’un grand nombre d’études convergentes est le suivant : soit il n’y a aucune corréla-convergentes est le suivant : soit il n’y a aucune corréla-tion entre les diverses variables du développement humain tion entre les diverses variables du développement humain et le PIB par tête, soit il y a bien une corrélation, très et le PIB par tête, soit il y a bien une corrélation, très générale, mais qui disparaît pour tout un groupe de pays, générale, mais qui disparaît pour tout un groupe de pays, les plus riches, au-dessus d’un seuil qui se situe quelque les plus riches, au-dessus d’un seuil qui se situe quelque

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part entre 12 à 15 000 part entre 12 à 15 000 € € par an et par tête. Aux alentours par an et par tête. Aux alentours de la moitié du PIB/habitant français. Soit, à peu près de la moitié du PIB/habitant français. Soit, à peu près le niveau de vie français des années 1970. La chose est le niveau de vie français des années 1970. La chose est d’autant plus intéressante à relever que c’est également à d’autant plus intéressante à relever que c’est également à partir des années 1970 que l’empreinte écologique et la partir des années 1970 que l’empreinte écologique et la pollution ont commencé à croître démesurément. pollution ont commencé à croître démesurément.

La question devient donc : la démocratie pourrait-elle La question devient donc : la démocratie pourrait-elle se pérenniser dans le monde avec l’équivalent du revenu se pérenniser dans le monde avec l’équivalent du revenu monétaire par tête français des années 70 – ou avec un monétaire par tête français des années 70 – ou avec un taux de croissance de 1,5%, le maximum compatible avec taux de croissance de 1,5%, le maximum compatible avec la diminution nécessaire du C02 – mieux réparti, et étant la diminution nécessaire du C02 – mieux réparti, et étant entendu qu’avec l’équivalent de ce revenu monétaire on entendu qu’avec l’équivalent de ce revenu monétaire on accéderait à toute une série de produits qui n’existaient accéderait à toute une série de produits qui n’existaient pas – les ordinateurs, par exemple – et que l’équivalent pas – les ordinateurs, par exemple – et que l’équivalent de ceux qui existaient ont bénéficié de multiples progrès de ceux qui existaient ont bénéficié de multiples progrès techniques. Si on ajoute à cela l’amélioration des services techniques. Si on ajoute à cela l’amélioration des services publics, c’est à dire la perspective d’avoir des hôpitaux qui publics, c’est à dire la perspective d’avoir des hôpitaux qui soignent sans créer de maladies iatrogènes, une justice soignent sans créer de maladies iatrogènes, une justice qui rendrait ses décisions sereinement et dans des délais qui rendrait ses décisions sereinement et dans des délais raisonnables, des prisons qui n’alimenteraient pas la cri-raisonnables, des prisons qui n’alimenteraient pas la cri-minalité, une police aimée et respectée, une violence en minalité, une police aimée et respectée, une violence en voie de diminution, donc, un enseignement en prise avec voie de diminution, donc, un enseignement en prise avec la culture vivante, etc. alors, oui, un tel état stationnaire la culture vivante, etc. alors, oui, un tel état stationnaire pourrait apparaître parfaitement désirable. Parce qu’il se-pourrait apparaître parfaitement désirable. Parce qu’il se-rait tout sauf stationnaire. Mais au contraire profondé-rait tout sauf stationnaire. Mais au contraire profondé-ment dynamique. Financièrement stationnaire mais éco-ment dynamique. Financièrement stationnaire mais éco-nomiquement et socialement dynamique, et progressiste.nomiquement et socialement dynamique, et progressiste.

Un tel standard de vie est-il universalisable ? Il fau-Un tel standard de vie est-il universalisable ? Il fau-drait trois planètes, on le sait, pour généraliser l’drait trois planètes, on le sait, pour généraliser l’American American way of lifeway of life. Combien pour généraliser la production maté-. Combien pour généraliser la production maté-rielle française par tête des années 1970 ? Une seule sem-rielle française par tête des années 1970 ? Une seule sem-ble pouvoir suffire. Et surtout si l’on prend en compte la ble pouvoir suffire. Et surtout si l’on prend en compte la considération suivante : il faut beaucoup plus de revenus considération suivante : il faut beaucoup plus de revenus

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monétaires pour faire vivre une population éclatée en mé-monétaires pour faire vivre une population éclatée en mé-nages d’une personne, en familles monoparentales ou di-nages d’une personne, en familles monoparentales ou di-vorcées, qu’une autre dans laquelle subsistent des cellules vorcées, qu’une autre dans laquelle subsistent des cellules familiales larges et pérennes, et d’importantes solidarités familiales larges et pérennes, et d’importantes solidarités communautaires. Selon l’INSEE, par exemple, il faut à un communautaires. Selon l’INSEE, par exemple, il faut à un célibataire 1,5 fois le revenu d’une personne vivant dans célibataire 1,5 fois le revenu d’une personne vivant dans un couple sans enfants pour avoir le même niveau de vie un couple sans enfants pour avoir le même niveau de vie effectif que celle-ci. Ou encore, la vie à deux permet effectif que celle-ci. Ou encore, la vie à deux permet d’accroître le niveau de vie de chaque membre du couple d’accroître le niveau de vie de chaque membre du couple de 40%. Et le même chiffre vaut pour d’autres adultes de 40%. Et le même chiffre vaut pour d’autres adultes vivant éventuellement dans le ménage. Conclusion : le vivant éventuellement dans le ménage. Conclusion : le revenu monétaire français moyen des années 1970 serait revenu monétaire français moyen des années 1970 serait d’autant plus aisément généralisable que survivraient en d’autant plus aisément généralisable que survivraient en Afrique ou en Orient des normes de vie familiale et com-Afrique ou en Orient des normes de vie familiale et com-munautaire vivaces. Et munautaire vivaces. Et a fortioria fortiori, si l’Occident rompait , si l’Occident rompait avec sa nouvelle normalité hyperindividualiste. avec sa nouvelle normalité hyperindividualiste.

Mais une telle survivance ou reviviscence de normes Mais une telle survivance ou reviviscence de normes familiales stables ou plus ou moins communautaires est-familiales stables ou plus ou moins communautaires est-elle intrinsèquement souhaitable ? Ne s’oppose-t-elle pas elle intrinsèquement souhaitable ? Ne s’oppose-t-elle pas à l’émancipation des individus ? Et, plus spécifiquement à l’émancipation des individus ? Et, plus spécifiquement encore, à celle des femmes ? encore, à celle des femmes ?

C’est ici, on le voit, que l’aspiration à un état station-C’est ici, on le voit, que l’aspiration à un état station-naire, formulée dans le langage et selon la conception de naire, formulée dans le langage et selon la conception de Stuart Mill, révèle ses limites. Son raisonnement présup-Stuart Mill, révèle ses limites. Son raisonnement présup-pose, en effet, que les hommes n’aspirent qu’à satisfaire pose, en effet, que les hommes n’aspirent qu’à satisfaire leurs besoins, et dans les limites de l’utile. Sans doute leurs besoins, et dans les limites de l’utile. Sans doute y a-t-il là une part de vérité. Mais très partielle. Qui ne y a-t-il là une part de vérité. Mais très partielle. Qui ne permettra pas d’avancer aussi longtemps qu’on n’aura pas permettra pas d’avancer aussi longtemps qu’on n’aura pas déterminé, au-delà du besoin, quelle place il convient de déterminé, au-delà du besoin, quelle place il convient de laisser au plaisir et au désir. À tout ce qui excède la re-laisser au plaisir et au désir. À tout ce qui excède la re-cherche de l’utile. cherche de l’utile.

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VERS UN PROGRESSISME DÉNIAISÉVERS UN PROGRESSISME DÉNIAISÉ

Avant même que la globalisation financière ne s’abatte Avant même que la globalisation financière ne s’abatte sur la planète et que le néo-libéralisme ne triomphe, on sur la planète et que le néo-libéralisme ne triomphe, on a assisté à la fin des années 1970 et au début des années a assisté à la fin des années 1970 et au début des années 1980 à une étonnante mutation dans la teneur des scien-1980 à une étonnante mutation dans la teneur des scien-ces sociales et de la philosophie politique. En quelques ces sociales et de la philosophie politique. En quelques années les sujets humains ont commencé à ne plus appa-années les sujets humains ont commencé à ne plus appa-raître à leurs yeux comme des sujets sociaux, mus par les raître à leurs yeux comme des sujets sociaux, mus par les valeurs de leur culture d’appartenance, et moins encore valeurs de leur culture d’appartenance, et moins encore par des idéaux universels, mais uniquement comme des par des idéaux universels, mais uniquement comme des sujets intéressés et calculateurs, indifférents les uns aux sujets intéressés et calculateurs, indifférents les uns aux autres. Bref, exclusivement comme des individus et com-autres. Bref, exclusivement comme des individus et com-me des me des homo œconomicushomo œconomicus, aux calculs plus ou moins so-, aux calculs plus ou moins so-phistiqués. Les théories de la justice qui ont fleuri, dans phistiqués. Les théories de la justice qui ont fleuri, dans le sillage de la le sillage de la Theory of JusticeTheory of Justice de John Rawls (1971) de John Rawls (1971) durant le dernier quart du XXdurant le dernier quart du XXee siècle, se sont d’abord in- siècle, se sont d’abord in-terrogées, par-delà toutes les variantes qui les séparent et terrogées, par-delà toutes les variantes qui les séparent et les opposent, sur ce qui peut apparaître juste aux yeux de les opposent, sur ce qui peut apparaître juste aux yeux de tels hommes économiques, « mutuellement indifférents ». tels hommes économiques, « mutuellement indifférents ». C’était là le cadre commun du questionnement.C’était là le cadre commun du questionnement.

Que l’homme n’est pas un Que l’homme n’est pas un homo œconomicushomo œconomicus

Il fallait, d’une certaine manière, que cette conception Il fallait, d’une certaine manière, que cette conception de la nature de l’homme, cette anthropologie normative de la nature de l’homme, cette anthropologie normative s’impose, passe pour aller de soi, pour que puisse s’opérer s’impose, passe pour aller de soi, pour que puisse s’opérer dans le monde réel la subordination de toutes les activités dans le monde réel la subordination de toutes les activités sociales à une norme généralisée d’efficacité marchande sociales à une norme généralisée d’efficacité marchande et, plus spécifiquement, financière. Si les hommes ne sont et, plus spécifiquement, financière. Si les hommes ne sont que des hommes économiques, alors, en effet, la seule loi que des hommes économiques, alors, en effet, la seule loi qui puisse leur permettre de coexister est celle de l’offre qui puisse leur permettre de coexister est celle de l’offre

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et de la demande, la loi du Marché – pour peu que l’État et de la demande, la loi du Marché – pour peu que l’État la fasse respecter –, et le seul objectif qui puisse leur être la fasse respecter –, et le seul objectif qui puisse leur être proposé, est celui de leur enrichissement personnel. proposé, est celui de leur enrichissement personnel.

Si tel était le cas, si en effet les êtres humains n’étaient Si tel était le cas, si en effet les êtres humains n’étaient que des hommes économiques, n’admettant comme maxi-que des hommes économiques, n’admettant comme maxi-me de leur action que l’impératif catégorique de satisfaire me de leur action que l’impératif catégorique de satisfaire leurs propres besoins individuels, tels qu’ils les ressentent leurs propres besoins individuels, tels qu’ils les ressentent subjectivement, alors il serait tout à fait vain de tenter de subjectivement, alors il serait tout à fait vain de tenter de mettre un terme à la dynamique de la croissance sans mettre un terme à la dynamique de la croissance sans fin. Leur seul désir, en effet, infini, serait de pouvoir fin. Leur seul désir, en effet, infini, serait de pouvoir satisfaire toujours plus de nouveaux besoins et donc, pour satisfaire toujours plus de nouveaux besoins et donc, pour cela, de s’enrichir indéfiniment. Dans ce télescopage du cela, de s’enrichir indéfiniment. Dans ce télescopage du besoin et du désir, chacun se dit : peu importe que le besoin et du désir, chacun se dit : peu importe que le monde périsse, si moi je me porte mieux et deviens plus monde périsse, si moi je me porte mieux et deviens plus riche en attendant. riche en attendant. Fiat opulentia mea, pereat mundusFiat opulentia mea, pereat mundus. .

Il se trouve que cette vision de l’homme, aujourd’hui Il se trouve que cette vision de l’homme, aujourd’hui dominante, est fausse et intenable. L’homme n’a pas tou-dominante, est fausse et intenable. L’homme n’a pas tou-jours été un animal économique. Il n’y a que bien peu jours été un animal économique. Il n’y a que bien peu de temps qu’il semble l’être devenu (Mauss). Et il n’y a de temps qu’il semble l’être devenu (Mauss). Et il n’y a que bien moins de temps encore, une trentaine d’années, que bien moins de temps encore, une trentaine d’années, que les sciences sociales – à commencer par la science que les sciences sociales – à commencer par la science économique, bien sûr –, et la philosophie politique ont économique, bien sûr –, et la philosophie politique ont majoritairement décidé de faire et de raisonner comme majoritairement décidé de faire et de raisonner comme s’il l’était. Comme si seul présidait à ses désirs et à ses s’il l’était. Comme si seul présidait à ses désirs et à ses actions l’intérêt individuel souverain, conscient ou incons-actions l’intérêt individuel souverain, conscient ou incons-cient, et que tout le reste n’était qu’illusion, duperie de soi cient, et que tout le reste n’était qu’illusion, duperie de soi et faux-semblants. et faux-semblants.

Or, indubitablement, le souci de notre propre conser-Or, indubitablement, le souci de notre propre conser-vation, et de nos propres intérêts, l’intérêt pour soi, en-vation, et de nos propres intérêts, l’intérêt pour soi, en-trent pour une part tout à fait importante dans toutes nos trent pour une part tout à fait importante dans toutes nos actions. Mais, contrairement à la dogmatique utilitariste actions. Mais, contrairement à la dogmatique utilitariste aujourd’hui triomphante, ils n’y entrent pas seuls. L’intérêt aujourd’hui triomphante, ils n’y entrent pas seuls. L’intérêt pour soi est toujours mêlé d’un intérêt pour autrui (d’une pour soi est toujours mêlé d’un intérêt pour autrui (d’une

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empathie si l’on préfère), tout aussi premier et originel empathie si l’on préfère), tout aussi premier et originel que lui. Et cette première dialectique de l’intérêt pour soi que lui. Et cette première dialectique de l’intérêt pour soi et de l’intérêt pour autrui, du et de l’intérêt pour autrui, du jeje et du et du tutu, se recroise avec , se recroise avec une dialectique entre deux autres mobiles aussi puissants une dialectique entre deux autres mobiles aussi puissants et originaires de nos actions : l’obligation, d’une part, et originaires de nos actions : l’obligation, d’une part, sociale ou biologique, et l’aspiration à la liberté et à la sociale ou biologique, et l’aspiration à la liberté et à la créativité. Dans tous nos actes, nous agissons à la fois créativité. Dans tous nos actes, nous agissons à la fois par intérêt pour nous mêmes et par intérêt pour autrui par intérêt pour nous mêmes et par intérêt pour autrui (par empathie), par obligation et par liberté-créativité. Et (par empathie), par obligation et par liberté-créativité. Et il faut qu’il en soit ainsi, qu’un équilibre soit trouvé entre il faut qu’il en soit ainsi, qu’un équilibre soit trouvé entre ces quatre pôles. C’est là le secret de la bonne politique. ces quatre pôles. C’est là le secret de la bonne politique. De la bonne politique du sujet, et de la bonne politique De la bonne politique du sujet, et de la bonne politique tout court. tout court.

Les sujets humains ne sont donc nullement animés par Les sujets humains ne sont donc nullement animés par le seul souci de leur intérêt individuel. Entrent en jeu, tout le seul souci de leur intérêt individuel. Entrent en jeu, tout autant, dans leurs actions, l’intérêt pour les autres, l’ami-autant, dans leurs actions, l’intérêt pour les autres, l’ami-tié, l’amour, la solidarité ; le sens de ses obligations, de tié, l’amour, la solidarité ; le sens de ses obligations, de la nécessité et du devoir ; le désir d’être libre et de créer. la nécessité et du devoir ; le désir d’être libre et de créer. Par rapport aux anthropologies utilitaristes simplistes, qui Par rapport aux anthropologies utilitaristes simplistes, qui ne veulent connaître que de l’intérêt pour soi, c’est à la ne veulent connaître que de l’intérêt pour soi, c’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Une bonne nou-fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Une bonne nou-velle puisqu’elle laisse la porte grande ouverte à toute une velle puisqu’elle laisse la porte grande ouverte à toute une gamme de comportements et de passions variées, bien au-gamme de comportements et de passions variées, bien au-delà du morne et répétitif souci unique d’accroître la taille delà du morne et répétitif souci unique d’accroître la taille de son portefeuille de titres boursiers. L’investissement de son portefeuille de titres boursiers. L’investissement dans le bien commun, à quelque échelle et dans quelque dans le bien commun, à quelque échelle et dans quelque domaine qu’on le définisse, redevient possible et légitime. domaine qu’on le définisse, redevient possible et légitime. Allant de soi, lui aussi. Ou encore, il est possible d’être Allant de soi, lui aussi. Ou encore, il est possible d’être rationnel sans être idiot, au sens originel du terme, rationnel sans être idiot, au sens originel du terme, i.e.i.e. limité à son moi (Sen). limité à son moi (Sen).

Si ce n’est toutefois pas nécessairement qu’une bonne Si ce n’est toutefois pas nécessairement qu’une bonne nouvelle, c’est parce que cette complexification de la topi-nouvelle, c’est parce que cette complexification de la topi-que de l’action ne nous dit rien en tant que tel de son mo-que de l’action ne nous dit rien en tant que tel de son mo-

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teur premier, du désir. Autrement dit, de ce qui pousse à teur premier, du désir. Autrement dit, de ce qui pousse à investir son énergie plutôt dans l’intérêt pour soi ou dans investir son énergie plutôt dans l’intérêt pour soi ou dans l’intérêt pour autrui, dans l’accomplissement du devoir ou l’intérêt pour autrui, dans l’accomplissement du devoir ou dans la créativité de l’agir. De manière cohérente avec dans la créativité de l’agir. De manière cohérente avec son monisme, qui fait qu’elle ne veut voir dans l’action son monisme, qui fait qu’elle ne veut voir dans l’action que le motif de l’intérêt individuel, l’anthropologie utili-que le motif de l’intérêt individuel, l’anthropologie utili-tariste postule que le seul désir des hommes est d’accu-tariste postule que le seul désir des hommes est d’accu-muler toujours plus. Toujours plus de biens matériels, ou muler toujours plus. Toujours plus de biens matériels, ou toujours plus de pouvoir, toujours plus de prestige, etc. toujours plus de pouvoir, toujours plus de prestige, etc. Toujours plus de pouvoir, d’avoir et de savoir. Car cette Toujours plus de pouvoir, d’avoir et de savoir. Car cette accumulation permet d’accroître le différentiel entre les accumulation permet d’accroître le différentiel entre les plaisirs recherchés et les peines que l’on veut éviter. plaisirs recherchés et les peines que l’on veut éviter.

Ce postulat est congruent avec l’optimisme qui carac-Ce postulat est congruent avec l’optimisme qui carac-térise l’utilitarisme et avec l’économisme qui en dérive. térise l’utilitarisme et avec l’économisme qui en dérive. Si, en effet, le désir des hommes était uniquement d’ac-Si, en effet, le désir des hommes était uniquement d’ac-cumuler, alors le problème politique central, le problème cumuler, alors le problème politique central, le problème du convivialisme, serait en principe aisément soluble par du convivialisme, serait en principe aisément soluble par la poursuite des logiques aujourd’hui dominantes. Il suffi-la poursuite des logiques aujourd’hui dominantes. Il suffi-rait en principe, grâce au progrès technique, de produire rait en principe, grâce au progrès technique, de produire toujours plus pour que tout le monde soit content. S’il n’y toujours plus pour que tout le monde soit content. S’il n’y avait pas les contraintes écologiques, on pourrait ainsi en avait pas les contraintes écologiques, on pourrait ainsi en théorie résoudre au moins la question de la satisfaction théorie résoudre au moins la question de la satisfaction du désir d’accumulation matérielle. En revanche, il serait du désir d’accumulation matérielle. En revanche, il serait plus délicat de prétendre distribuer toujours plus de pou-plus délicat de prétendre distribuer toujours plus de pou-voir et toujours plus de prestige à tout le monde (même voir et toujours plus de prestige à tout le monde (même si la télévision et les medias s’emploient à donner à cha-si la télévision et les medias s’emploient à donner à cha-cun son « quart d’heure de gloire »). Il faudrait pour cela cun son « quart d’heure de gloire »). Il faudrait pour cela pouvoir concevoir le pouvoir et le prestige comme des pouvoir concevoir le pouvoir et le prestige comme des choses, ou des quasi-objets susceptibles d’être accumulés. choses, ou des quasi-objets susceptibles d’être accumulés. Or, tel n’est pas le cas. Pouvoir et prestige ne sont pas des Or, tel n’est pas le cas. Pouvoir et prestige ne sont pas des choses, mais des relations. choses, mais des relations.

Mais le désir premier des sujets humains n’est pas Mais le désir premier des sujets humains n’est pas d’accumuler, comme en atteste l’exemple de ces peuples d’accumuler, comme en atteste l’exemple de ces peuples

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ou des ces individus qui préfèrent se laisser mourir, de ou des ces individus qui préfèrent se laisser mourir, de faim ou de désespoir, ou ceux qui s’engagent dans des faim ou de désespoir, ou ceux qui s’engagent dans des conduites toujours plus risquées, lorsque leur désir le plus conduites toujours plus risquées, lorsque leur désir le plus profond n’est pas satisfait. Ce désir, le désir de tout sujet profond n’est pas satisfait. Ce désir, le désir de tout sujet humain, est d’abord celui d’être reconnu par des sujets humain, est d’abord celui d’être reconnu par des sujets que l’on reconnaît eux-mêmes comme dignes de recon-que l’on reconnaît eux-mêmes comme dignes de recon-naissance, et qu’ainsi la vie fasse sens. Ce n’est qu’une naissance, et qu’ainsi la vie fasse sens. Ce n’est qu’une fois cette reconnaissance et ce sens premier assurés qu’il fois cette reconnaissance et ce sens premier assurés qu’il peut être question de songer à accumuler quoi que ce soit. peut être question de songer à accumuler quoi que ce soit. L’être précède l’avoir. Et l’on ne peut être reconnu qu’en L’être précède l’avoir. Et l’on ne peut être reconnu qu’en accédant à la liberté-créativité et à l’individuation, à tra-accédant à la liberté-créativité et à l’individuation, à tra-vers la dialectique de l’intérêt pour soi, de l’intérêt pour vers la dialectique de l’intérêt pour soi, de l’intérêt pour autrui et de l’obligation. Autrement dit, qu’en entrant dans autrui et de l’obligation. Autrement dit, qu’en entrant dans la logique du don. la logique du don.

C’est, là encore, une bonne et une mauvaise nouvelle. C’est, là encore, une bonne et une mauvaise nouvelle. Bonne puisqu’il en résulte que les hommes ne sont en rien Bonne puisqu’il en résulte que les hommes ne sont en rien des des homo œconomicus homo œconomicus par nature. Ils ne le deviennent par nature. Ils ne le deviennent que là et quand la seule voie d’accès à la reconnaissance que là et quand la seule voie d’accès à la reconnaissance est devenue l’enrichissement matériel. Mauvaise puisque est devenue l’enrichissement matériel. Mauvaise puisque la concurrence des quêtes de reconnaissance, si elle n’est la concurrence des quêtes de reconnaissance, si elle n’est pas canalisée – chacun voulant être reconnu mais refu-pas canalisée – chacun voulant être reconnu mais refu-sant de reconnaître les autres – ne peut déboucher que sant de reconnaître les autres – ne peut déboucher que sur la lutte à mort pour la reconnaissance (Hegel), sur sur la lutte à mort pour la reconnaissance (Hegel), sur l’explosion de la haine et sur le massacre. Elle fait bascu-l’explosion de la haine et sur le massacre. Elle fait bascu-ler chacun dans la démesure. À moins que la lutte pour ler chacun dans la démesure. À moins que la lutte pour la reconnaissance ne soit contenue, négativement, par des la reconnaissance ne soit contenue, négativement, par des interdits imposés, et, positivement, par des passions ou interdits imposés, et, positivement, par des passions ou des idéaux partagés. Où l’on retrouve la question récur-des idéaux partagés. Où l’on retrouve la question récur-rente dans toutes les sociétés humaines, la question du rente dans toutes les sociétés humaines, la question du convivialisme : comment s’opposer sans se massacrer ? convivialisme : comment s’opposer sans se massacrer ?

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Conjurer l’illimitationConjurer l’illimitation

Selon les Grecs, ceux que les Dieux voulaient per-Selon les Grecs, ceux que les Dieux voulaient per-dre, ils les faisaient entrer et s’abîmer dans la démesure. dre, ils les faisaient entrer et s’abîmer dans la démesure. Dans l’Dans l’ubrisubris. Dans le désir insatiable d’être ou apparaî-. Dans le désir insatiable d’être ou apparaî-tre plus que ce que l’on peut et doit être, d’être le plus tre plus que ce que l’on peut et doit être, d’être le plus beau, le plus fort, le plus puissant, le plus riche, le plus beau, le plus fort, le plus puissant, le plus riche, le plus renommé, etc. Ceux-là devaient être ostracisés, exclus de renommé, etc. Ceux-là devaient être ostracisés, exclus de la cité, qui basculaient dans l’illimitation, car rien n’est la cité, qui basculaient dans l’illimitation, car rien n’est plus dangereux pour elle que le déchaînement de l’plus dangereux pour elle que le déchaînement de l’ubris. ubris. C’est elle qui déclenche les haines inexpiables. Le désir C’est elle qui déclenche les haines inexpiables. Le désir insatiable de certains nourrit la haine de tous. D’une cer-insatiable de certains nourrit la haine de tous. D’une cer-taine manière, c’est là également le message central com-taine manière, c’est là également le message central com-mun et universel de toutes les religions. Qui apparaissent, mun et universel de toutes les religions. Qui apparaissent, vues sous ce jour, comme autant de dispositifs destinés vues sous ce jour, comme autant de dispositifs destinés à conjurer la soif de toute-puissance des hommes en les à conjurer la soif de toute-puissance des hommes en les subordonnant à un principe transcendant toujours plus subordonnant à un principe transcendant toujours plus puissant qu’eux, et en leur laissant espérer, s’ils renoncent puissant qu’eux, et en leur laissant espérer, s’ils renoncent à une toute-puissance fantasmatique, à être tout, à valoir à une toute-puissance fantasmatique, à être tout, à valoir tout, qu’ils y gagneront une vraie récompense : la puis-tout, qu’ils y gagneront une vraie récompense : la puis-sance effective mais limitée, la paix de l’âme, la santé ou sance effective mais limitée, la paix de l’âme, la santé ou le salut éternel. le salut éternel.

En termes laïcs, ce que Durkheim reprochait à l’utili-En termes laïcs, ce que Durkheim reprochait à l’utili-tarisme comme au socialisme utopique français, d’inspi-tarisme comme au socialisme utopique français, d’inspi-ration saint-simonienne, c’était de croire que le but de la ration saint-simonienne, c’était de croire que le but de la politique pourrait être d’accroître sans cesse la production politique pourrait être d’accroître sans cesse la production en vue de satisfaire toujours plus de besoins, alors que, en vue de satisfaire toujours plus de besoins, alors que, expliquait-il, les besoins ne peuvent être satisfaits que expliquait-il, les besoins ne peuvent être satisfaits que s’ils sont limités, et limités par quelque puissance morale s’ils sont limités, et limités par quelque puissance morale légitime. À défaut les hommes basculent dans ce qu’il légitime. À défaut les hommes basculent dans ce qu’il appelait l’anomie, la perte de toute règle. Une variante appelait l’anomie, la perte de toute règle. Une variante de l’de l’ubrisubris. .

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Aujourd’hui, la question de la démesure reste entière, Aujourd’hui, la question de la démesure reste entière, à cela près qu’en changeant d’échelle elle a changé de na-à cela près qu’en changeant d’échelle elle a changé de na-ture. Jamais, on le sait, les inégalités et la soif de puissan-ture. Jamais, on le sait, les inégalités et la soif de puissan-ce n’ont été aussi vertigineuses qu’aujourd’hui. D’autant ce n’ont été aussi vertigineuses qu’aujourd’hui. D’autant plus vertigineuses que la science et la technique nous of-plus vertigineuses que la science et la technique nous of-frent des possibilités inouïes, et que l’accès à des formes frent des possibilités inouïes, et que l’accès à des formes de toute-puissance n’est plus réservé à quelques-uns mais, de toute-puissance n’est plus réservé à quelques-uns mais, en droit, à tous. Dans un monde où les 500 personnes les en droit, à tous. Dans un monde où les 500 personnes les plus riches gagnent autant que les 500 millions les plus plus riches gagnent autant que les 500 millions les plus pauvres, où un homme peut donc en valoir un million, pauvres, où un homme peut donc en valoir un million, le différentiel de puissance tend vers l’infini. Et l’le différentiel de puissance tend vers l’infini. Et l’ubrisubris avec lui.avec lui.

Mais, au-delà de ce changement d’échelle, le fait le Mais, au-delà de ce changement d’échelle, le fait le plus massif et le plus terrifiant, c’est que ce n’est plus plus massif et le plus terrifiant, c’est que ce n’est plus seulement l’aspiration à la toute puissance de certains in-seulement l’aspiration à la toute puissance de certains in-dividus au sein de la société qu’il s’agit de limiter, c’est dividus au sein de la société qu’il s’agit de limiter, c’est celle de nos sociétés elles-mêmes. Leur caractéristique celle de nos sociétés elles-mêmes. Leur caractéristique majeure, c’est bien qu’elles sont entrées résolument au majeure, c’est bien qu’elles sont entrées résolument au XXXXee siècle, d’abord avec les totalitarismes puis avec le siècle, d’abord avec les totalitarismes puis avec le triomphe des technosciences et du capitalisme financier triomphe des technosciences et du capitalisme financier dans une logique de l’absolue illimitation. Devenues in-dans une logique de l’absolue illimitation. Devenues in-tégralement faustiennes, elles ne veulent plus connaître tégralement faustiennes, elles ne veulent plus connaître aucune limite ni à l’enrichissement matériel, ni aux in-aucune limite ni à l’enrichissement matériel, ni aux in-ventions techniques, ni à la transvaluation de toutes les ventions techniques, ni à la transvaluation de toutes les normes morales héritées. N’est légitime, en définitive, et normes morales héritées. N’est légitime, en définitive, et valorisé que le mouvement de transgression ininterrompu valorisé que le mouvement de transgression ininterrompu de toutes les limites imaginables. Mouvement qui devient de toutes les limites imaginables. Mouvement qui devient à lui-même sa propre fin. à lui-même sa propre fin.

Dès lors, tout le monde le sait ou le sent bien, la ques-Dès lors, tout le monde le sait ou le sent bien, la ques-tion centrale qui se pose désormais à l’humanité, est de tion centrale qui se pose désormais à l’humanité, est de savoir si elle saura maîtriser sa maîtrise. Limiter l’illimi-savoir si elle saura maîtriser sa maîtrise. Limiter l’illimi-tation. Quelle force morale, et tout autant sociale et po-tation. Quelle force morale, et tout autant sociale et po-litique, pourrait-elle être assez puissante pour s’y risquer litique, pourrait-elle être assez puissante pour s’y risquer

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avec de vraies chances de succès ? Pour l’instant, on ne avec de vraies chances de succès ? Pour l’instant, on ne la voit guère poindre à l’horizon. Les multiples formes de la voit guère poindre à l’horizon. Les multiples formes de contestation de l’ordre établi – ou du désordre établi, du contestation de l’ordre établi – ou du désordre établi, du chaos qui est une forme de gouvernance particulièrement chaos qui est une forme de gouvernance particulièrement efficace pour certains objectifs –, qui existent à travers le efficace pour certains objectifs –, qui existent à travers le monde, peinent à trouver leur unité, à raisonner et à agir monde, peinent à trouver leur unité, à raisonner et à agir à l’échelle des problèmes qui se posent.à l’échelle des problèmes qui se posent.

Y parviendraient-elles, il leur faudrait affronter des Y parviendraient-elles, il leur faudrait affronter des adversaires redoutables. En partie illocalisables, invisi-adversaires redoutables. En partie illocalisables, invisi-bles et insaisissables. Qui peut dire où est « le pouvoir » bles et insaisissables. Qui peut dire où est « le pouvoir » aujourd’hui et qui le détient véritablement ? Comment aujourd’hui et qui le détient véritablement ? Comment s’articulent concrètement le pouvoir formel, légal, celui s’articulent concrètement le pouvoir formel, légal, celui des États et des gouvernements, et les pouvoirs informels, des États et des gouvernements, et les pouvoirs informels, légaux ou illégaux ? Ceux des très grandes entreprises, légaux ou illégaux ? Ceux des très grandes entreprises, des très grandes banques, des ordinateurs réagissant à la des très grandes banques, des ordinateurs réagissant à la nanoseconde près, mais aussi ceux des services secrets, nanoseconde près, mais aussi ceux des services secrets, des lobbys, du côté du légal et du formel ; ceux des maf-des lobbys, du côté du légal et du formel ; ceux des maf-fias et des groupes criminels organisés, ou de l’économie fias et des groupes criminels organisés, ou de l’économie clandestine, de l’autre côté. clandestine, de l’autre côté.

Face à ces nébuleuses de pouvoir impalpables et im-Face à ces nébuleuses de pouvoir impalpables et im-placables, déployées sur des dizaines de pays, reliées par placables, déployées sur des dizaines de pays, reliées par des robots informatiques et transitant par de multiples des robots informatiques et transitant par de multiples paradis fiscaux qui prospèrent sur le secret organisé, le paradis fiscaux qui prospèrent sur le secret organisé, le modèle classique de la révolution – et modèle classique de la révolution – et a fortioria fortiori de la de la révolution dans un seul pays –, se révèle dénué de sens. révolution dans un seul pays –, se révèle dénué de sens. Couper la tête d’un roi ou d’un détenteur et condensateur Couper la tête d’un roi ou d’un détenteur et condensateur de pouvoir particulier, ne servirait rigoureusement à rien, de pouvoir particulier, ne servirait rigoureusement à rien, puisque cent autres repousseraient aussitôt à sa place. puisque cent autres repousseraient aussitôt à sa place.

De même, il devient impossible d’isoler une classe De même, il devient impossible d’isoler une classe révolutionnaire sujet de l’histoire, dont les intérêts parti-révolutionnaire sujet de l’histoire, dont les intérêts parti-culiers s’identifieraient à ceux de l’humanité tout entière. culiers s’identifieraient à ceux de l’humanité tout entière. D’abord parce que les diverses classes, les divers salariats, D’abord parce que les diverses classes, les divers salariats, proto- ou néo-salariats existants, se retrouvent éparpillés proto- ou néo-salariats existants, se retrouvent éparpillés

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et fragmentés comme à l’infini par leurs appartenances et fragmentés comme à l’infini par leurs appartenances nationales, culturelles ou religieuses spécifiques. Quelle nationales, culturelles ou religieuses spécifiques. Quelle unité entre un salarié chinois surexploité, un ouvrier fran-unité entre un salarié chinois surexploité, un ouvrier fran-çais qui gagne dix ou quinze fois plus, et un travailleur çais qui gagne dix ou quinze fois plus, et un travailleur intermittent du Mali ou du Nigeria, qui gagne encore intermittent du Mali ou du Nigeria, qui gagne encore beaucoup moins que l’ouvrier chinois ? Sans compter les beaucoup moins que l’ouvrier chinois ? Sans compter les écarts de langue et de culture. écarts de langue et de culture.

Mais, surtout, les classes sociales sont définies au pre-Mais, surtout, les classes sociales sont définies au pre-mier chef par leur place dans l’économie et par leurs inté-mier chef par leur place dans l’économie et par leurs inté-rêts économiques. Or l’enjeu premier, désormais, variable rêts économiques. Or l’enjeu premier, désormais, variable selon les pays, assurément, n’est plus tant cependant, et selon les pays, assurément, n’est plus tant cependant, et de manière générale, de développer l’économie que de de manière générale, de développer l’économie que de restreindre la place qu’elle occupe dans la vie des socié-restreindre la place qu’elle occupe dans la vie des socié-tés.tés.

Qui sera le porteur d’un tel projet ? Certainement pas Qui sera le porteur d’un tel projet ? Certainement pas une « classe sociale », définie et mue principalement par une « classe sociale », définie et mue principalement par des intérêts économiques, mais une nébuleuse – à op-des intérêts économiques, mais une nébuleuse – à op-poser à la nébuleuse des pouvoirs –, une multitude si poser à la nébuleuse des pouvoirs –, une multitude si l’on préfère, que ne pourra rassembler qu’une perspective l’on préfère, que ne pourra rassembler qu’une perspective postmatérialiste et une aspiration commune, à la fois à : postmatérialiste et une aspiration commune, à la fois à :

- préserver la planète des diverses catastrophes écolo-- préserver la planète des diverses catastrophes écolo-giques qui la menacent ;giques qui la menacent ;

- placer au premier plan la revendication de la dignité - placer au premier plan la revendication de la dignité des divers peuples, cultures et individus ;des divers peuples, cultures et individus ;

- pour cela, lutter contre toutes les formes de déme-- pour cela, lutter contre toutes les formes de déme-sure et de corruption au nom d’un sentiment partagé de sure et de corruption au nom d’un sentiment partagé de la décence commune (la décence commune (common decencycommon decency) ;) ;

- accéder ainsi à la vie bonne partagée dans un état - accéder ainsi à la vie bonne partagée dans un état économique tendanciellement stationnaire mais porteur économique tendanciellement stationnaire mais porteur de la possibilité d’un progrès civilisationnel permanent de la possibilité d’un progrès civilisationnel permanent grâce à un surcroît de conscience et de réflexivité.grâce à un surcroît de conscience et de réflexivité.

Ce dernier point est crucial. Il est en effet indispensa-Ce dernier point est crucial. Il est en effet indispensa-ble de ne pas rompre avec l’idéal du progrès, indissocia-ble de ne pas rompre avec l’idéal du progrès, indissocia-

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ble de la lutte pour la démocratie. Ce qui ôte beaucoup ble de la lutte pour la démocratie. Ce qui ôte beaucoup de leur force aux analyses des écologistes ou des post-de leur force aux analyses des écologistes ou des post-développementistes, c’est qu’elles semblent – du moins les développementistes, c’est qu’elles semblent – du moins les en accuse-t-on systématiquement, et peut être pas toujours en accuse-t-on systématiquement, et peut être pas toujours sans raisons – vouloir bloquer la marche de l’histoire. sans raisons – vouloir bloquer la marche de l’histoire. Voire, faire machine arrière et retourner à des formes Voire, faire machine arrière et retourner à des formes sociales historiques passées. Une telle perspective est sociales historiques passées. Une telle perspective est vouée à l’échec. Ce qu’il importe de montrer, ce n’est pas vouée à l’échec. Ce qu’il importe de montrer, ce n’est pas d’abord ce à quoi l’humanité doit renoncer pour sauver la d’abord ce à quoi l’humanité doit renoncer pour sauver la planète, la croissance ininterrompue, mais tout ce qu’elle planète, la croissance ininterrompue, mais tout ce qu’elle a à gagner à le faire. Et pas seulement sa survie, qui n’est a à gagner à le faire. Et pas seulement sa survie, qui n’est pas une motivation suffisante. Écrire sur les paquets de pas une motivation suffisante. Écrire sur les paquets de cigarettes que fumer nuit gravement à la santé ou tue, cigarettes que fumer nuit gravement à la santé ou tue, ne dissuade que les fumeurs déjà décidés à arrêter. C’est ne dissuade que les fumeurs déjà décidés à arrêter. C’est l’idéal d’un progrès purement économique ou techno-l’idéal d’un progrès purement économique ou techno-scientifique qu’il faut répudier. Pas celui du Progrès en scientifique qu’il faut répudier. Pas celui du Progrès en tant que tel. Au contraire.tant que tel. Au contraire.

C’est donc, très largement, une révolte morale qu’il C’est donc, très largement, une révolte morale qu’il s’agit de rendre possible. Une révolte contre le non-sens du s’agit de rendre possible. Une révolte contre le non-sens du monde, contre le risque de sa fin, et pour qu’il fasse sens monde, contre le risque de sa fin, et pour qu’il fasse sens à nouveau. Toutes les révoltes ou les révolutions passées à nouveau. Toutes les révoltes ou les révolutions passées ont été entreprises au nom d’un espoir de sens, ici-bas ou ont été entreprises au nom d’un espoir de sens, ici-bas ou dans l’au-delà. Dans cette vie ou dans une autre. Elles ont dans l’au-delà. Dans cette vie ou dans une autre. Elles ont supposé que d’énormes quantités d’hommes et de fem-supposé que d’énormes quantités d’hommes et de fem-mes abandonnent leurs existences quotidiennes, ou, au mes abandonnent leurs existences quotidiennes, ou, au minimum, sacrifient leurs intérêts de survie immédiats, minimum, sacrifient leurs intérêts de survie immédiats, pour que puisse naître le monde nouveau dans lequel ils pour que puisse naître le monde nouveau dans lequel ils plaçaient leurs espérances. Seules des motivations reli-plaçaient leurs espérances. Seules des motivations reli-gieuses ou quasi religieuse, celles des grandes idéologies gieuses ou quasi religieuse, celles des grandes idéologies de la modernité, ces religions séculières, ont pu mobiliser de la modernité, ces religions séculières, ont pu mobiliser et libérer de telles énergies. Nous ne résoudrons pas les et libérer de telles énergies. Nous ne résoudrons pas les défis colossaux que l’humanité doit maintenant relever, défis colossaux que l’humanité doit maintenant relever, pour sa survie même, si nous ne parvenons pas à donner pour sa survie même, si nous ne parvenons pas à donner

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consistance à une nouvelle idéologie, à une nouvelle qua-consistance à une nouvelle idéologie, à une nouvelle qua-si-religion si l’on préfère, qui rendra explicite le message si-religion si l’on préfère, qui rendra explicite le message central de l’ensemble des religions héritées, qu’elles n’ont central de l’ensemble des religions héritées, qu’elles n’ont énoncé que de façon trop implicite et détournée. énoncé que de façon trop implicite et détournée.

Conclusion Conclusion

Le problème récurrent dans toute l’histoire de l’hu-Le problème récurrent dans toute l’histoire de l’hu-manité est de savoir comment permettre aux hommes de manité est de savoir comment permettre aux hommes de s’opposer sans se massacrer. Pour cela il faut satisfaire à s’opposer sans se massacrer. Pour cela il faut satisfaire à deux conditions minimales, pas toujours suffisantes mais deux conditions minimales, pas toujours suffisantes mais absolument nécessaires : absolument nécessaires :

- Il faut empêcher les hommes de basculer dans la - Il faut empêcher les hommes de basculer dans la démesure, le fantasme de la toute-puissance, en les subor-démesure, le fantasme de la toute-puissance, en les subor-donnant à une force morale supérieure à eux.donnant à une force morale supérieure à eux.

- Pour qu’ils acceptent cette subordination il faut qu’ils - Pour qu’ils acceptent cette subordination il faut qu’ils puissent recevoir en échange la promesse de pouvoir jouir puissent recevoir en échange la promesse de pouvoir jouir a minimaa minima de la reconnaissance de tous ceux qui comptent de la reconnaissance de tous ceux qui comptent à leurs yeux et l’espoir que leur vie ait ainsi un sens. à leurs yeux et l’espoir que leur vie ait ainsi un sens.

C’est à la question de savoir comment remplir ces C’est à la question de savoir comment remplir ces deux conditions dans la monde actuel que devra répon-deux conditions dans la monde actuel que devra répon-dre le convivialisme qu’il nous faut maintenant rendre dre le convivialisme qu’il nous faut maintenant rendre conscient, au-delà des multiples expériences et aspirations conscient, au-delà des multiples expériences et aspirations concrètes qui en sont grosses. concrètes qui en sont grosses.

QUATRIÈME PARTIEQUATRIÈME PARTIE

LINÉAMENTS D’UN CONVIVIALISME UNIVERSALISABLE.LINÉAMENTS D’UN CONVIVIALISME UNIVERSALISABLE.AU-DELÀ DU LIBÉRALISME, DU SOCIALISME, AU-DELÀ DU LIBÉRALISME, DU SOCIALISME,

DE L’ANARCHISME ET DU COMMUNISMEDE L’ANARCHISME ET DU COMMUNISME

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Il nous faut revivifier l’idéal démocratique et le refor-Il nous faut revivifier l’idéal démocratique et le refor-muler en tenant compte à la fois de l’échelle nouvelle et muler en tenant compte à la fois de l’échelle nouvelle et des nouveaux rythmes du monde, et de l’urgence dra-des nouveaux rythmes du monde, et de l’urgence dra-matique des problèmes qui se posent désormais à nous. matique des problèmes qui se posent désormais à nous. Dans le cadre de la modernité cet idéal s’est exprimé à Dans le cadre de la modernité cet idéal s’est exprimé à travers quatre grandes idéologies principales : le libéra-travers quatre grandes idéologies principales : le libéra-lisme, le socialisme, l’anarchisme et le communisme. Le lisme, le socialisme, l’anarchisme et le communisme. Le libéralisme place au premier rang la liberté de l’individu. libéralisme place au premier rang la liberté de l’individu. L’anarchisme radicalise cette revendication de la liberté L’anarchisme radicalise cette revendication de la liberté individuelle, mais la tempère par le principe autogestion-individuelle, mais la tempère par le principe autogestion-naire de l’association particulière et localisée. Socialisme naire de l’association particulière et localisée. Socialisme et communisme privilégient l’égalité et la solidarité à et communisme privilégient l’égalité et la solidarité à l’échelle de la société tout entière, ou du monde – par l’échelle de la société tout entière, ou du monde – par l’association généralisée – le premier en confiant à l’État l’association généralisée – le premier en confiant à l’État la tâche de maîtriser consciemment l’économie, le second la tâche de maîtriser consciemment l’économie, le second en visant la suppression ou le dépassement de l’économie en visant la suppression ou le dépassement de l’économie et de l’État. et de l’État.

REPOSITIONNEMENT IDÉOLOGIQUE REPOSITIONNEMENT IDÉOLOGIQUE

Libéralisme, socialisme, anarchisme et communisme Libéralisme, socialisme, anarchisme et communisme

Cette symétrie, telle quelle, est en réalité trompeuse. Cette symétrie, telle quelle, est en réalité trompeuse. À certains égards, le libéralisme constitue l’idéologie ori-À certains égards, le libéralisme constitue l’idéologie ori-ginelle et englobante de toutes les autres. De toutes les ginelle et englobante de toutes les autres. De toutes les idéologies démocratiques possibles de la modernité. En-idéologies démocratiques possibles de la modernité. En-tendu au sens large, il est coextensif à l’idéal de la démo-tendu au sens large, il est coextensif à l’idéal de la démo-

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cratie moderne. Aucune idéologie démocratique, en effet, cratie moderne. Aucune idéologie démocratique, en effet, ne peut renoncer à l’idéal de la liberté des individus et à ne peut renoncer à l’idéal de la liberté des individus et à l’idée qu’une règle ou une société ne peuvent être tenues l’idée qu’une règle ou une société ne peuvent être tenues pour être justes et légitimes que si elles obtiennent leur pour être justes et légitimes que si elles obtiennent leur consentement. Cette insistance sur la valeur éminente de consentement. Cette insistance sur la valeur éminente de la liberté individuelle est indissociable d’une affirmation la liberté individuelle est indissociable d’une affirmation de l’égalité de principe de tous les sujets humains, par-de l’égalité de principe de tous les sujets humains, par-faitement exprimée dans les différentes déclarations des faitement exprimée dans les différentes déclarations des Droits de l’hHomme. Si la liberté individuelle doit être Droits de l’hHomme. Si la liberté individuelle doit être accordée à tous, alors tous les hommes sont égaux quant accordée à tous, alors tous les hommes sont égaux quant à ce droit à la liberté. Et réciproquement. Le libéralisme à ce droit à la liberté. Et réciproquement. Le libéralisme largo sensulargo sensu recherche donc la liberté de fait dans l’éga- recherche donc la liberté de fait dans l’éga-lité de droit. Et réciproquement. Corrélativement, si les lité de droit. Et réciproquement. Corrélativement, si les hommes sont libres, ils le sont de différer les uns des hommes sont libres, ils le sont de différer les uns des autres, d’avoir des opinions divergentes, en droit toutes autres, d’avoir des opinions divergentes, en droit toutes également légitimes également légitimes a prioria priori. Le principe que toutes les . Le principe que toutes les décisions doivent être soumises à délibération entre opi-décisions doivent être soumises à délibération entre opi-nions divergentes va donc de pair avec l’idéal libéral nions divergentes va donc de pair avec l’idéal libéral largo largo sensusensu. Nécessairement délibératif.. Nécessairement délibératif.

Le libéralisme Le libéralisme stricto sensustricto sensu traduit cet idéal démo- traduit cet idéal démo-cratique général en posant que la réalisation de la liberté cratique général en posant que la réalisation de la liberté suppose la propriété privée et le marché libre. C’est ce suppose la propriété privée et le marché libre. C’est ce libéralisme libéralisme stricto sensu stricto sensu qui entre en débat et en conflit, qui entre en débat et en conflit, historiquement, avec le socialisme, l’anarchisme et le historiquement, avec le socialisme, l’anarchisme et le communisme. Chacune de ces quatre idéologies se mani-communisme. Chacune de ces quatre idéologies se mani-feste sous une forme noble, légitime, et sous une forme feste sous une forme noble, légitime, et sous une forme corrompue. La corruption du socialisme est l’étatisme. La corrompue. La corruption du socialisme est l’étatisme. La corruption de l’anarchisme est le nihilisme. La corruption corruption de l’anarchisme est le nihilisme. La corruption du communisme est le totalitarisme. La corruption du du communisme est le totalitarisme. La corruption du libéralisme (libéralisme (stricto sensustricto sensu) est le libérisme ou le néolibéra-) est le libérisme ou le néolibéra-lisme, lisme, i.e. i.e. la destruction de la liberté par le règne unique la destruction de la liberté par le règne unique du marché. du marché.

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LINÉAMENTS D’UN CONVIVIALISME UNIVERSALISABLE...LINÉAMENTS D’UN CONVIVIALISME UNIVERSALISABLE...

Le fonctionnement d’une démocratie saine et vivace Le fonctionnement d’une démocratie saine et vivace suppose une certaine forme d’équilibre entre ces qua-suppose une certaine forme d’équilibre entre ces qua-tre idéologies, ces quatre interprétations de la matrice tre idéologies, ces quatre interprétations de la matrice libérale (libérale (largo sensulargo sensu) commune et originelle) commune et originelle 1 1. Chacune, . Chacune, pour lutter contre ses dérives ou ses multiples formes de pour lutter contre ses dérives ou ses multiples formes de corruption possible, est amenée à s’autocritiquer et, pour corruption possible, est amenée à s’autocritiquer et, pour cela, à emprunter peu ou prou aux trois autres.cela, à emprunter peu ou prou aux trois autres.

C’est ainsi que l’on ne compte plus, dans l’histoire C’est ainsi que l’on ne compte plus, dans l’histoire du libéralisme, les tentatives de conjurer les dérives du du libéralisme, les tentatives de conjurer les dérives du libérisme ou du manchesterisme – le poids excessif ac-libérisme ou du manchesterisme – le poids excessif ac-cordé au marché et aux inégalités économiques –, par cordé au marché et aux inégalités économiques –, par l’introduction de considérations sociales, éthiques et po-l’introduction de considérations sociales, éthiques et po-litiques. Et la même chose est vraie, symétriquement, litiques. Et la même chose est vraie, symétriquement, du côté socialiste où l’on a voulu voir dans le socialisme du côté socialiste où l’on a voulu voir dans le socialisme un « individualisme vrai et complet », enfin réalisé, et un « individualisme vrai et complet », enfin réalisé, et l’apothéose de la liberté. Libéraux et socialistes ont donc l’apothéose de la liberté. Libéraux et socialistes ont donc fréquemment convergé dans un libéral socialisme, un fréquemment convergé dans un libéral socialisme, un libéro-socialisme, une social-démocratie, un socialisme libéro-socialisme, une social-démocratie, un socialisme libéral, voire dans un néolibéralisme première manière libéral, voire dans un néolibéralisme première manière (Lippmann), aux antipodes absolues du néolibéralisme (Lippmann), aux antipodes absolues du néolibéralisme aujourd’hui triomphant. Auxquels anarchisme et commu-aujourd’hui triomphant. Auxquels anarchisme et commu-nisme reprocheront toujours leur insuffisante radicalité, nisme reprocheront toujours leur insuffisante radicalité, soit du côté de la liberté soit de celui de la solidarité ou soit du côté de la liberté soit de celui de la solidarité ou de la fraternité.de la fraternité.

Libéralisme et socialisme ont représenté les deux pi-Libéralisme et socialisme ont représenté les deux pi-liers de l’idéal démocratique moderne. Anarchisme et liers de l’idéal démocratique moderne. Anarchisme et communisme leurs formes de critique principale. Aux communisme leurs formes de critique principale. Aux yeux des anarchistes l’individu libéral n’est pas assez li-yeux des anarchistes l’individu libéral n’est pas assez li-bre. Aux yeux des communistes le socialisme n’est pas bre. Aux yeux des communistes le socialisme n’est pas assez social. La critique est nécessaire, mais elle ne peut assez social. La critique est nécessaire, mais elle ne peut

1 Les défenseurs du républicanisme pourraient dire qu’il est, dans l’idéal, la 1 Les défenseurs du républicanisme pourraient dire qu’il est, dans l’idéal, la forme même de cet équilibre.forme même de cet équilibre.

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venir qu’après l’équilibrage réciproque du libéralisme et venir qu’après l’équilibrage réciproque du libéralisme et du socialisme, qui est indispensable. du socialisme, qui est indispensable.

Au-delà de l’utilitarisme. Au-delà de l’utilitarisme. Radicalisation et universalisation de l’idéal démocratiqueRadicalisation et universalisation de l’idéal démocratique

Le convivialisme s’inscrit dans la continuité de cet Le convivialisme s’inscrit dans la continuité de cet équilibre recherché entre libéralisme et socialisme. Et il équilibre recherché entre libéralisme et socialisme. Et il intègre également la dimension associationniste et auto-intègre également la dimension associationniste et auto-gestionnaire revendiquée par l’anarchisme, ainsi que l’as-gestionnaire revendiquée par l’anarchisme, ainsi que l’as-piration universalisante, à l’égalité de tous les hommes piration universalisante, à l’égalité de tous les hommes portée par le communisme. Mais il va au-delà de la visée portée par le communisme. Mais il va au-delà de la visée de cette synthèse par la prise en compte d’au moins deux de cette synthèse par la prise en compte d’au moins deux séries de considérations, qui en font un séries de considérations, qui en font un socialisme libéral socialisme libéral radicalisé et universaliséradicalisé et universalisé..

La première limite des grandes idéologies politiques La première limite des grandes idéologies politiques de la modernité réside dans le fait qu’elles prennent racine de la modernité réside dans le fait qu’elles prennent racine dans le terreau de l’utilitarisme et ne développent, en fin dans le terreau de l’utilitarisme et ne développent, en fin de compte, très généralement, qu’une interprétation ins-de compte, très généralement, qu’une interprétation ins-trumentale de l’idéal démocratique. Pour elles, l’homme trumentale de l’idéal démocratique. Pour elles, l’homme est avant tout un est avant tout un homo œconomicushomo œconomicus, d’abord soucieux , d’abord soucieux d’améliorer sa condition matérielle, même si chacune d’en-d’améliorer sa condition matérielle, même si chacune d’en-tre elles ajoute à ce schéma commun une touche anti- ou tre elles ajoute à ce schéma commun une touche anti- ou supra-utilitariste spécifique : la passion de la liberté, pour supra-utilitariste spécifique : la passion de la liberté, pour le libéralisme ; la quête de l’unicité pour l’anarchisme ; le libéralisme ; la quête de l’unicité pour l’anarchisme ; l’empathie, pour le socialisme ; la passion de l’égalité et l’empathie, pour le socialisme ; la passion de l’égalité et de la communauté (de la communauté (GemeinwesenGemeinwesen), pour le communisme. ), pour le communisme. Il n’est donc pas étonnant que toutes communient dans Il n’est donc pas étonnant que toutes communient dans la certitude que la condition la certitude que la condition sine qua nonsine qua non de réalisation de réalisation de leur idéal réside dans l’augmentation indéfinie de la de leur idéal réside dans l’augmentation indéfinie de la production matérielle et dans le progrès technique. Dans production matérielle et dans le progrès technique. Dans le « développement des forces productives ». Toutes sont le « développement des forces productives ». Toutes sont

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donc ainsi marquées par un biais économiciste et techni-donc ainsi marquées par un biais économiciste et techni-ciste. Qui les conduit, mi-implicitement mi-explicitement, ciste. Qui les conduit, mi-implicitement mi-explicitement, à penser la démocratie comme un moyen, plus qu’une à penser la démocratie comme un moyen, plus qu’une fin, comme le résultat d’une association des hommes ef-fin, comme le résultat d’une association des hommes ef-fectuée au premier chef en vue d’accroître leur prospérité fectuée au premier chef en vue d’accroître leur prospérité matérielle. Ce biais est particulièrement marqué dans les matérielle. Ce biais est particulièrement marqué dans les premières déclarations des Droits de l’homme qui énon-premières déclarations des Droits de l’homme qui énon-cent les règles de respect et de tolérance mutuelle que les cent les règles de respect et de tolérance mutuelle que les citoyens doivent s’accorder mutuellement afin de pouvoir citoyens doivent s’accorder mutuellement afin de pouvoir s’occuper de leurs affaire privées. s’occuper de leurs affaire privées.

Dit autrement : les grandes idéologies politiques de Dit autrement : les grandes idéologies politiques de la modernité n’ont su formuler l’aspiration démocratique la modernité n’ont su formuler l’aspiration démocratique elle-même, l’idéal de la liberté, de l’égalité et de la so-elle-même, l’idéal de la liberté, de l’égalité et de la so-lidarité qu’en le subordonnant hiérarchiquement à l’idéal lidarité qu’en le subordonnant hiérarchiquement à l’idéal de la richesse matérielle. Même les Droits de l’homme de la richesse matérielle. Même les Droits de l’homme qui portent à son plus haut niveau l’affirmation de l’égale qui portent à son plus haut niveau l’affirmation de l’égale dignité des hommes et de l’inaliénabilité de leur liberté dignité des hommes et de l’inaliénabilité de leur liberté n’échappent pas à ce biais constitutif. n’échappent pas à ce biais constitutif.

Le convivialisme repose sur des bases différentes. En Le convivialisme repose sur des bases différentes. En premier lieu, il prend acte de l’impossibilité physique de premier lieu, il prend acte de l’impossibilité physique de poursuivre indéfiniment la croissance économique, et du poursuivre indéfiniment la croissance économique, et du fait qu’au-delà d’un certain seuil cette poursuite se ré-fait qu’au-delà d’un certain seuil cette poursuite se ré-vèle frustrante et contre-productive. Ensuite, il s’inspire vèle frustrante et contre-productive. Ensuite, il s’inspire d’une vision de l’être humain plus riche et plus com-d’une vision de l’être humain plus riche et plus com-plexe. D’un sujet qui ne cherche pas tant à accumuler plexe. D’un sujet qui ne cherche pas tant à accumuler qu’à être reconnu. À avoir qu’à être. Et qui allie à l’in-qu’à être reconnu. À avoir qu’à être. Et qui allie à l’in-térêt pour soi, l’intérêt pour autrui (térêt pour soi, l’intérêt pour autrui (l’empathiel’empathie), le sens ), le sens de ses obligations et le goût de la liberté-créativité. Dans de ses obligations et le goût de la liberté-créativité. Dans cette représentation, enfin, la démocratie n’apparaît plus cette représentation, enfin, la démocratie n’apparaît plus comme un moyen propre à l’enrichissement mais comme comme un moyen propre à l’enrichissement mais comme une fin en elle-même. Elle devient à elle-même sa propre une fin en elle-même. Elle devient à elle-même sa propre fin en tant qu’elle s’identifie au convialisme, à l’art enfin fin en tant qu’elle s’identifie au convialisme, à l’art enfin

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trouvé de s’opposer sans se massacrer. L’énigme résolue trouvé de s’opposer sans se massacrer. L’énigme résolue de l’Histoire. de l’Histoire.

La seconde grande limite des idéologies de la moder-La seconde grande limite des idéologies de la moder-nité tient au fait que pour des raisons qui renvoient à la nité tient au fait que pour des raisons qui renvoient à la fois aux conditions historiques de leur naissance et à leurs fois aux conditions historiques de leur naissance et à leurs soubassements philosophiques, elles ont largement indexé soubassements philosophiques, elles ont largement indexé leur conception de la démocratie sur la figure de l’État-leur conception de la démocratie sur la figure de l’État-nation. C’est à son échelle et dans son cadre que la démo-nation. C’est à son échelle et dans son cadre que la démo-cratie était appelée à se réaliser. Même l’internationalisme cratie était appelée à se réaliser. Même l’internationalisme prolétarien s’est ainsi retrouvé sommé de construire le so-prolétarien s’est ainsi retrouvé sommé de construire le so-cialisme ou le communisme « dans un seul pays ». Or, ce cialisme ou le communisme « dans un seul pays ». Or, ce cadre symbolique est de plus en plus inadapté aux réalités cadre symbolique est de plus en plus inadapté aux réalités contemporaines. Imaginairement et tendanciellement, en contemporaines. Imaginairement et tendanciellement, en effet, l’État-nation se définit ainsi : un même peuple, de effet, l’État-nation se définit ainsi : un même peuple, de même origine – de même naissance, de même même origine – de même naissance, de même nationatio –, –, parlant la même langue, partageant la même culture et parlant la même langue, partageant la même culture et une même religion, placé sur un même territoire et sous une même religion, placé sur un même territoire et sous un même gouvernement. Bien sûr ce type idéal, cette fic-un même gouvernement. Bien sûr ce type idéal, cette fic-tion, tolère de multiples accommodements avec la réalité. tion, tolère de multiples accommodements avec la réalité. Des étrangers peuvent être naturalisés, il peut, dans un Des étrangers peuvent être naturalisés, il peut, dans un même pays, être parlé deux ou trois langues, ou pratiqué même pays, être parlé deux ou trois langues, ou pratiqué des religions différentes, etc. Mais il continue d’incarner des religions différentes, etc. Mais il continue d’incarner le schéma directeur majeur. Or la réalité de la plupart le schéma directeur majeur. Or la réalité de la plupart des sociétés contemporaines est infiniment plus compo-des sociétés contemporaines est infiniment plus compo-site et bariolée. Il n’en résulte nullement que la figure de site et bariolée. Il n’en résulte nullement que la figure de l’État-nation soit irrémédiablement dépassée et à jeter aux l’État-nation soit irrémédiablement dépassée et à jeter aux oubliettes. Mais elle aussi doit être repensée sur des ba-oubliettes. Mais elle aussi doit être repensée sur des ba-ses plus complexes. Corrélativement, l’universalisme doit ses plus complexes. Corrélativement, l’universalisme doit également se réformer, faire toute sa place à la diversité également se réformer, faire toute sa place à la diversité des cultures et se détacher de son occidentalocentrisme des cultures et se détacher de son occidentalocentrisme congénital. congénital.

Le convivialisme doit donc consister en une radicalisa-Le convivialisme doit donc consister en une radicalisa-tion et une universalisation de l’idéal démocratique porté tion et une universalisation de l’idéal démocratique porté

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par le socialisme libéral, et critiqué par l’anarchisme et par le socialisme libéral, et critiqué par l’anarchisme et le communisme. Une radicalisation qui fasse de la démo-le communisme. Une radicalisation qui fasse de la démo-cratie pas seulement un moyen mais aussi la fin même du cratie pas seulement un moyen mais aussi la fin même du politique. Une universalisation qui permette de penser le politique. Une universalisation qui permette de penser le politique à l’échelle à la fois de la planète, de la diversité politique à l’échelle à la fois de la planète, de la diversité des cultures et de la pluralité des générations. Qu’est-ce des cultures et de la pluralité des générations. Qu’est-ce que cela implique concrètement ? À ces questions il ne que cela implique concrètement ? À ces questions il ne peut pas y avoir de réponse simple, unique et univoque. peut pas y avoir de réponse simple, unique et univoque. Selon les périodes, les pays, les inspirations théoriques di-Selon les périodes, les pays, les inspirations théoriques di-verses et les problèmes de l’heure, il a existé de multiples verses et les problèmes de l’heure, il a existé de multiples variantes du libéralisme, du socialisme, de l’anarchisme variantes du libéralisme, du socialisme, de l’anarchisme ou du communisme. Il en sera nécessairement de même ou du communisme. Il en sera nécessairement de même pour le convivialisme. Mais ces variantes s’organiseront pour le convivialisme. Mais ces variantes s’organiseront autour de quelques perspectives communes qu’il importe autour de quelques perspectives communes qu’il importe de fixer de fixer a minimaa minima. .

CONTRE LA DÉMESURE : PRINCIPE DE COMMUNE HUMANITÉ, CONTRE LA DÉMESURE : PRINCIPE DE COMMUNE HUMANITÉ, REVENU MINIMUM ET REVENU MAXIMUMREVENU MINIMUM ET REVENU MAXIMUM

Le convivialisme se propose de prendre acte de la fi-Le convivialisme se propose de prendre acte de la fi-nitude du monde et de l’épuisement de la nature et de ses nitude du monde et de l’épuisement de la nature et de ses dons, pour tendre vers un état économique stationnaire dons, pour tendre vers un état économique stationnaire dynamique qui permette un véritable développement hu-dynamique qui permette un véritable développement hu-main et culturel en faisant de la démocratie et de l’art de main et culturel en faisant de la démocratie et de l’art de coexister dans la jouissance du monde une fin en soi et coexister dans la jouissance du monde une fin en soi et non un moyen. Pour atteindre de tels objectifs en pré-non un moyen. Pour atteindre de tels objectifs en pré-servant et en améliorant la capacité des hommes à vivre servant et en améliorant la capacité des hommes à vivre ensemble sans se massacrer il faut à la fois les rendre ensemble sans se massacrer il faut à la fois les rendre suffisamment exaltants pour faire émerger une moralité suffisamment exaltants pour faire émerger une moralité commune universalisable à partir de laquelle chacun puis-commune universalisable à partir de laquelle chacun puis-se donner du sens à sa propre vie, et, symétriquement, se donner du sens à sa propre vie, et, symétriquement, au nom de laquelle on puisse énergiquement limiter la au nom de laquelle on puisse énergiquement limiter la

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tendance à la démesure, à l’tendance à la démesure, à l’ubrisubris qui nous guette tous. Et qui nous guette tous. Et nous rendre enfin moralement et politiquement maîtres de nous rendre enfin moralement et politiquement maîtres de notre maîtrise technique, scientifique et économique.notre maîtrise technique, scientifique et économique.

Le principe central qui cristallise le plus immédiate-Le principe central qui cristallise le plus immédiate-ment ces objectifs en s’attaquant directement à la question ment ces objectifs en s’attaquant directement à la question de la démesure, est de la démesure, est le principe de commune humanité le principe de commune humanité et et de commune socialitéde commune socialité. .

Principe de commune humanitéPrincipe de commune humanité : l’affirmation de : l’affirmation de l’unité du genre humain, de l’égale dignité et valeur en l’unité du genre humain, de l’égale dignité et valeur en droit de tous les êtres humains est première par rapport droit de tous les êtres humains est première par rapport à toutes les différences biologiques, culturelles, sociales, à toutes les différences biologiques, culturelles, sociales, économiques, politiques, religieuses, etc. aussi inévitables économiques, politiques, religieuses, etc. aussi inévitables ou légitimes que puissent être par ailleurs certaines d’en-ou légitimes que puissent être par ailleurs certaines d’en-tre elles.tre elles.

Principe de commune socialitéPrincipe de commune socialité : les sujets humains : les sujets humains ne sont pas d’abord et pas seulement des individus, mais ne sont pas d’abord et pas seulement des individus, mais avant tout des êtres sociaux. Ce sont les relations avec avant tout des êtres sociaux. Ce sont les relations avec d’autres êtres sociaux qui constituent leur principale ri-d’autres êtres sociaux qui constituent leur principale ri-chesse.chesse.

L’idée directrice du convivialisme doit donc être le L’idée directrice du convivialisme doit donc être le souci de la dignité des hommes et la préservation de ce souci de la dignité des hommes et la préservation de ce qui leur permet de faire société. qui leur permet de faire société.

La traduction politique de cette idée directrice est l’af-La traduction politique de cette idée directrice est l’af-firmation qu’aucun être humain n’a de titre à posséder firmation qu’aucun être humain n’a de titre à posséder individuellement une richesse qui dépasse un seuil jugé individuellement une richesse qui dépasse un seuil jugé excessif par le sens de la décence commune. Et que, sy-excessif par le sens de la décence commune. Et que, sy-métriquement, aucun être humain ne doit se voir réduit à métriquement, aucun être humain ne doit se voir réduit à l’extrême pauvreté, condamné à l’abjection de la misère. l’extrême pauvreté, condamné à l’abjection de la misère. Ni misère ni ploutocratie. Voilà qui implique l’instaura-Ni misère ni ploutocratie. Voilà qui implique l’instaura-tion en parallèle d’un revenu maximum et d’un revenu tion en parallèle d’un revenu maximum et d’un revenu minimum. Une telle instauration soulève, évidemment, de minimum. Une telle instauration soulève, évidemment, de nombreux et complexes problèmes. Avant d’en discuter, il nombreux et complexes problèmes. Avant d’en discuter, il faut d’abord en reconnaître la légitimité de principe. faut d’abord en reconnaître la légitimité de principe.

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Quant au revenu minimumQuant au revenu minimum

Le principal champion des Droits de l’homme a été à Le principal champion des Droits de l’homme a été à la fin du XVIIIla fin du XVIIIee siècle le publiciste anglais Thomas Payne siècle le publiciste anglais Thomas Payne (on écrit aujourd’hui Paine) dont le premier livre, un (on écrit aujourd’hui Paine) dont le premier livre, un best best sellerseller, prenait ardemment la défense de la révolution amé-, prenait ardemment la défense de la révolution amé-ricaine et le second, tout aussi populaire, rédigé contre ricaine et le second, tout aussi populaire, rédigé contre Edmund Burke, celle de la Révolution et de la République Edmund Burke, celle de la Révolution et de la République française dont il fut fait citoyen d’honneur. En 1797 il dé-française dont il fut fait citoyen d’honneur. En 1797 il dé-die au Directoire un libelle, die au Directoire un libelle, La justice agraire…,La justice agraire…, dont le dont le sous-titre précise : « Contenant un plan pour améliorer la sous-titre précise : « Contenant un plan pour améliorer la situation générale de tous les hommes. » L’argumentation situation générale de tous les hommes. » L’argumentation générale, remarquable, reste toujours, malheureusement, générale, remarquable, reste toujours, malheureusement, plus actuelle que jamais.plus actuelle que jamais.

« C’est encore une question fort incertaine, se de-« C’est encore une question fort incertaine, se de-mande-t-il d’entrée de jeu, de savoir si l’état de société mande-t-il d’entrée de jeu, de savoir si l’état de société qu’on intitule orgueilleusement, et peut-être indûment qu’on intitule orgueilleusement, et peut-être indûment la civilisation, a augmenté ou diminué le bonheur de la la civilisation, a augmenté ou diminué le bonheur de la race humaine en général. » Mettant en contraste la mi-race humaine en général. » Mettant en contraste la mi-sère hideuse constaté dans toutes les villes d’Europe et sère hideuse constaté dans toutes les villes d’Europe et celle d’un Indien d’Amérique, misérable au regard « de celle d’un Indien d’Amérique, misérable au regard « de nos personnages opulents », mais tel « un jour de fête nos personnages opulents », mais tel « un jour de fête perpétuel », à celui de nos misérables, il conclut que la perpétuel », à celui de nos misérables, il conclut que la civilisation « a rendu une partie des hommes plus riches civilisation « a rendu une partie des hommes plus riches et l’autre plus pauvre qu’ils ne le seraient dans leur état et l’autre plus pauvre qu’ils ne le seraient dans leur état primitif ou naturel ». La question politique première, à la-primitif ou naturel ». La question politique première, à la-quelle toutes les autres sont subordonnées, est alors celle quelle toutes les autres sont subordonnées, est alors celle de savoir comment rendre l’état de société et de civilisa-de savoir comment rendre l’état de société et de civilisa-tion préférable à l’état de nature aux yeux de la grande tion préférable à l’état de nature aux yeux de la grande majorité des êtres humains alors que c’est actuellement, majorité des êtres humains alors que c’est actuellement, poursuit-il, la situation inverse qui prévaut. poursuit-il, la situation inverse qui prévaut.

Qui peut douter que ce sera là la question première Qui peut douter que ce sera là la question première du XXIdu XXIee siècle également : comment éviter qu’une partie siècle également : comment éviter qu’une partie

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de l’humanité, rendue d’autant plus pauvre que l’autre de l’humanité, rendue d’autant plus pauvre que l’autre sera toujours plus riche, ne préfère systématiquement sera toujours plus riche, ne préfère systématiquement « l’état de nature », autrement dit la guerre de tous contre « l’état de nature », autrement dit la guerre de tous contre tous, à l’état de société ? Et le risque qu’il en soit ainsi tous, à l’état de société ? Et le risque qu’il en soit ainsi est d’autant plus grand que l’état de société, réduit à la est d’autant plus grand que l’état de société, réduit à la domination du marché, se révèle chaque jour davantage domination du marché, se révèle chaque jour davantage comme n’étant lui-même qu’une autre forme d’état de na-comme n’étant lui-même qu’une autre forme d’état de na-ture et de guerre. La guerre économique et financière de ture et de guerre. La guerre économique et financière de tous contre tous. tous contre tous.

Le seul moyen, concluait Thomas Paine de conver-Le seul moyen, concluait Thomas Paine de conver-tir l’immense majorité des humains à la certitude que tir l’immense majorité des humains à la certitude que la civilisation est préférable à l’état de nature est de leur la civilisation est préférable à l’état de nature est de leur accorder inconditionnellement un revenu (ou un capital) accorder inconditionnellement un revenu (ou un capital) minimum leur permettant d’échapper à la misère. Géné-minimum leur permettant d’échapper à la misère. Géné-ralisons : dans la société conviviale qu’il revient au XXIralisons : dans la société conviviale qu’il revient au XXIee siècle d’édifier de toute urgence, la source première de la siècle d’édifier de toute urgence, la source première de la légitimité des États et des gouvernements résidera dans légitimité des États et des gouvernements résidera dans leur capacité à assurer effectivement à tous leurs citoyens leur capacité à assurer effectivement à tous leurs citoyens les conditions matérielles d’existence de base, proportion-les conditions matérielles d’existence de base, proportion-nées à la condition générale du pays ou de la région, quel-nées à la condition générale du pays ou de la région, quel-les que soient leur race, leur religion ou leurs croyances. les que soient leur race, leur religion ou leurs croyances. Tout gouvernement se révélant incapable de le faire doit Tout gouvernement se révélant incapable de le faire doit être réputé illégitime et condamné, par l’opinion publi-être réputé illégitime et condamné, par l’opinion publi-que internationale autant que par son propre peuple, pour que internationale autant que par son propre peuple, pour manquement à la décence élémentaire. Et plus encore, manquement à la décence élémentaire. Et plus encore, bien évidemment, si le maintien du peuple dans la misère bien évidemment, si le maintien du peuple dans la misère s’opère pour les profits personnels des dirigeants. Les s’opère pour les profits personnels des dirigeants. Les révoltes arabes du printemps 2011 ont vu là leur premier révoltes arabes du printemps 2011 ont vu là leur premier déclencheur. La révolte contre l’indécence de quelques déclencheur. La révolte contre l’indécence de quelques familles s’appropriant à elles seules des fractions colossa-familles s’appropriant à elles seules des fractions colossa-les de la richesse nationale, et pour la restauration d’une les de la richesse nationale, et pour la restauration d’une communauté politique digne. communauté politique digne.

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Quant au revenu maximumQuant au revenu maximum

Voilà qui soulève aussitôt la question du niveau de ri-Voilà qui soulève aussitôt la question du niveau de ri-chesse et d’enrichissement personnel maximum tolérable. chesse et d’enrichissement personnel maximum tolérable. Redoutable puisque toute la dynamique du libéralisme Redoutable puisque toute la dynamique du libéralisme et de la démocratie moderne semble reposer sur l’idée et de la démocratie moderne semble reposer sur l’idée qu’aucune limite ne doit être apportée à la liberté et au qu’aucune limite ne doit être apportée à la liberté et au désir d’accroissement des individus. Il en irait de leur désir d’accroissement des individus. Il en irait de leur bonheur même, qui suppose de ne jamais être arrêté. bonheur même, qui suppose de ne jamais être arrêté. L’arrêt de toute perspective d’accroissement continu infini L’arrêt de toute perspective d’accroissement continu infini de leur puissance d’acquérir, ce serait la mort. Personne de leur puissance d’acquérir, ce serait la mort. Personne n’a mieux formulé cette certitude centrale des Modernes n’a mieux formulé cette certitude centrale des Modernes que Hobbes au XVIIque Hobbes au XVIIee siècle, pour qui l’idéal d’un bon- siècle, pour qui l’idéal d’un bon-heur stable et pérenne, fondé sur la sagesse qui était celui heur stable et pérenne, fondé sur la sagesse qui était celui de l’Antiquité doit être définitivement abandonné. Selon de l’Antiquité doit être définitivement abandonné. Selon lui ce que visent les hommes n’est certainement pas cet lui ce que visent les hommes n’est certainement pas cet état de bonheur à lui-même toujours pareil, ce souverain état de bonheur à lui-même toujours pareil, ce souverain bien, « dont il est question dans les ouvrages des anciens bien, « dont il est question dans les ouvrages des anciens moralistes », car « la félicité est une continuelle marche moralistes », car « la félicité est une continuelle marche en avant du désir d’un objet à un autre », la cause en étant en avant du désir d’un objet à un autre », la cause en étant « que l’objet du désir de l’homme n’est pas de jouir une « que l’objet du désir de l’homme n’est pas de jouir une seule fois et pendant un seul instant, mais de rendre à seule fois et pendant un seul instant, mais de rendre à jamais sûre la route de son désir futur »jamais sûre la route de son désir futur » 1 1. Ainsi, conclut-. Ainsi, conclut-il : « Je mets au premier rang, à titre d’inclination géné-il : « Je mets au premier rang, à titre d’inclination géné-rale de toute l’humanité, un désir perpétuel et sans trêve rale de toute l’humanité, un désir perpétuel et sans trêve d’acquérir pouvoir après pouvoir, désir qui ne cesse qu’à d’acquérir pouvoir après pouvoir, désir qui ne cesse qu’à la mort » (la mort » (idid. p. 96).. p. 96).

Et il serait en effet intenable de prétendre trop brider Et il serait en effet intenable de prétendre trop brider l’énergie à entreprendre de certains ou de viser un égali-l’énergie à entreprendre de certains ou de viser un égali-tarisme rigoriste, qui deviendrait vite mortifère et despo-tarisme rigoriste, qui deviendrait vite mortifère et despo-tique. Il faut pourtant enrayer définitivement la machine tique. Il faut pourtant enrayer définitivement la machine infernale qui en multipliant les fortunes indécentes en-infernale qui en multipliant les fortunes indécentes en-1 Thomas Hobbes, 1 Thomas Hobbes, LéviathanLéviathan, Sirey, 1971 (1651), p. 95., Sirey, 1971 (1651), p. 95.

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traîne dans leur sillage tout le monde dans une frustration traîne dans leur sillage tout le monde dans une frustration générale et dans cette course frénétique de tous contre générale et dans cette course frénétique de tous contre tous à l’enrichissement permanent qui mène le monde à tous à l’enrichissement permanent qui mène le monde à sa perte. Objectif inacessible ? Pas nécessairement si l’on sa perte. Objectif inacessible ? Pas nécessairement si l’on considère qu’entre l’égalitarisme, indésirable, et l’inéga-considère qu’entre l’égalitarisme, indésirable, et l’inéga-litarisme obscène de l’oligarchie financière actuelle, la litarisme obscène de l’oligarchie financière actuelle, la marge de variation et de jeu est énorme. Rappelons que marge de variation et de jeu est énorme. Rappelons que les revenus des cent patrons américains les mieux payés les revenus des cent patrons américains les mieux payés représentent mille fois ceux de leurs salariés de base alors représentent mille fois ceux de leurs salariés de base alors qu’ils ne s’élevaient qu’à quarante fois en 1970. Et que le qu’ils ne s’élevaient qu’à quarante fois en 1970. Et que le taux d’imposition des plus hauts revenus a été aux États-taux d’imposition des plus hauts revenus a été aux États-Unis de 91% de 1941 à 1965, et qu’il était encore de Unis de 91% de 1941 à 1965, et qu’il était encore de 70% en 1980 au moment de l’élection de Ronald Reagan. 70% en 1980 au moment de l’élection de Ronald Reagan. Or, les États-Unis des années 1970, ou même des an-Or, les États-Unis des années 1970, ou même des an-nées 1950 peuvent difficilement passer pour un bastion nées 1950 peuvent difficilement passer pour un bastion du communisme.du communisme.

État stationnaire et redistribution de la richesseÉtat stationnaire et redistribution de la richesse

La détermination du niveau d’inégalité tolérable, et La détermination du niveau d’inégalité tolérable, et donc du seuil de richesse maximale autorisé ne peut ré-donc du seuil de richesse maximale autorisé ne peut ré-sulter que d’une délibération démocratique. Qui devra sulter que d’une délibération démocratique. Qui devra toutefois prendre en compte deux séries de considéra-toutefois prendre en compte deux séries de considéra-tions. D’une part, même si l’économie doit tendre vers un tions. D’une part, même si l’économie doit tendre vers un état stationnaire, autrement dit vers un PIB stationnaire état stationnaire, autrement dit vers un PIB stationnaire en valeur monétaire à prix constants, il faudra maintenir en valeur monétaire à prix constants, il faudra maintenir l’incitation à entreprendre, à inventer de nouvelles tech-l’incitation à entreprendre, à inventer de nouvelles tech-niques ou de nouveaux produits, et à améliorer la qualité niques ou de nouveaux produits, et à améliorer la qualité des anciens. On ne pourra donc pas se passer du désir des anciens. On ne pourra donc pas se passer du désir légitime d’une réussite matérielle. En dessous de quel ni-légitime d’une réussite matérielle. En dessous de quel ni-veau de revenu serait-il découragé ? Pas nécessairement veau de revenu serait-il découragé ? Pas nécessairement très élevé si l’on se rappelle qu’un niveau de vingt à un très élevé si l’on se rappelle qu’un niveau de vingt à un

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était jugé amplement suffisant à cette fin par un Henry était jugé amplement suffisant à cette fin par un Henry Ford ou un J.P. Morgan. Ford ou un J.P. Morgan.

Le principe général à observer est sans doute le sui-Le principe général à observer est sans doute le sui-vant. Il généralise le « principe de différence » de Rawls vant. Il généralise le « principe de différence » de Rawls (sont justes les inégalités qui permettent d’améliorer la (sont justes les inégalités qui permettent d’améliorer la condition des plus démunis) : le taux d’inégalité souhaita-condition des plus démunis) : le taux d’inégalité souhaita-ble est celui qui permet de pérenniser un état stationnaire ble est celui qui permet de pérenniser un état stationnaire dynamique qui maximise la puissance d’agir et d’inventer dynamique qui maximise la puissance d’agir et d’inventer du plus grand nombre, dans le respect des équilibres avec du plus grand nombre, dans le respect des équilibres avec la Nature. la Nature.

Mais la question se complique sérieusement si, comme Mais la question se complique sérieusement si, comme il se doit, on la replace dans une perspective internationa-il se doit, on la replace dans une perspective internationa-le. Un même niveau de richesse monétaire n’a nullement le. Un même niveau de richesse monétaire n’a nullement la même signification aux États-Unis, en Russie, en Chine la même signification aux États-Unis, en Russie, en Chine ou au Mali. Et un même niveau de pauvreté monétaire ou au Mali. Et un même niveau de pauvreté monétaire non plus. Les niveaux de revenu maximum ou minimum non plus. Les niveaux de revenu maximum ou minimum à établir doivent donc être proportionnés aux standards à établir doivent donc être proportionnés aux standards de vie régionaux. Mais ils doivent également tenir compte de vie régionaux. Mais ils doivent également tenir compte d’une certaine redistribution de la richesse qui va devoir d’une certaine redistribution de la richesse qui va devoir s’opérer – et qui s’opère déjà de fait – entre pays actuel-s’opérer – et qui s’opère déjà de fait – entre pays actuel-lement riches et pays actuellement pauvres. Dans cette lement riches et pays actuellement pauvres. Dans cette optique la limitation de la croissance doit commencer par optique la limitation de la croissance doit commencer par les pays riches, et, on l’a vu, c’est d’ailleurs en réalité les pays riches, et, on l’a vu, c’est d’ailleurs en réalité déjà largement le cas. Et elle doit permettre d’améliorer déjà largement le cas. Et elle doit permettre d’améliorer la situation matérielle des plus pauvres des pays riches. la situation matérielle des plus pauvres des pays riches. Cela doit pouvoir s’effectuer par la redistribution progres-Cela doit pouvoir s’effectuer par la redistribution progres-sive des 10 à 15% du PIB qui sont allés des salariés sive des 10 à 15% du PIB qui sont allés des salariés aux actionnaires depuis une trentaine d’années. Ce qui aux actionnaires depuis une trentaine d’années. Ce qui implique, bien évidemment, de mettre fin à l’hégémonie implique, bien évidemment, de mettre fin à l’hégémonie du capitalisme financier spéculatif. Très probablement en du capitalisme financier spéculatif. Très probablement en interdisant les stock options, bonus et autres golden pa-interdisant les stock options, bonus et autres golden pa-rachutes, en distinguant à nouveau rigoureusement entre rachutes, en distinguant à nouveau rigoureusement entre banques de dépôts et banques d’affaires et en interdi-banques de dépôts et banques d’affaires et en interdi-

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sant les paris sur l’évolution des prix. L’étape ultérieure, sant les paris sur l’évolution des prix. L’étape ultérieure, ou complémentaire, étant la guerre aux paradis fiscaux. ou complémentaire, étant la guerre aux paradis fiscaux. Qu’il va falloir mener pour de bon et pas seulement en Qu’il va falloir mener pour de bon et pas seulement en paroles. L’instauration d’une taxe Tobin peut être un outil paroles. L’instauration d’une taxe Tobin peut être un outil efficace de cette lutte. efficace de cette lutte.

Une partie de la richesse reconquise et arrachée au Une partie de la richesse reconquise et arrachée au capitalisme spéculatif, versée par les pays riches, devra capitalisme spéculatif, versée par les pays riches, devra permettre aux pays les plus pauvres de financer une crois-permettre aux pays les plus pauvres de financer une crois-sance plus respectueuse de l’environnement. En contre-sance plus respectueuse de l’environnement. En contre-partie, les pays les plus riches seront en droit d’instaurer partie, les pays les plus riches seront en droit d’instaurer un protectionnisme limité en taxant les produits obtenus un protectionnisme limité en taxant les produits obtenus dans des pays qui violent systématiquement les normes dans des pays qui violent systématiquement les normes environnementales, n’ont aucune législation du travail et environnementales, n’ont aucune législation du travail et ne garantissent pas à leurs populations le revenu minimal ne garantissent pas à leurs populations le revenu minimal leur permettant d’échapper à la misère. Lié à l’instau-leur permettant d’échapper à la misère. Lié à l’instau-ration d’une taxe sur les kilomètres parcourus par les ration d’une taxe sur les kilomètres parcourus par les marchandises, ce protectionnisme raisonné et équitable marchandises, ce protectionnisme raisonné et équitable permettra une nécessaire reterritorialisation partielle de permettra une nécessaire reterritorialisation partielle de l’activité économique. l’activité économique.

Pour que de telles mesures n’alimentent pas une guerre Pour que de telles mesures n’alimentent pas une guerre commerciale généralisée, il faut qu’elles s’inscrivent clai-commerciale généralisée, il faut qu’elles s’inscrivent clai-rement dans le cadre d’une politique de (re)civilisation. rement dans le cadre d’une politique de (re)civilisation. Ce qui suppose, au premier chef, de repenser le statut des Ce qui suppose, au premier chef, de repenser le statut des valeurs universelles en procédant à une réappréciation du valeurs universelles en procédant à une réappréciation du rôle de l’Occident.rôle de l’Occident.

AU-DELÀ DE L’ÉTAT-NATION CLASSIQUE : AU-DELÀ DE L’ÉTAT-NATION CLASSIQUE : VERS UN UNIVERSALISME RELATIVISTE VERS UN UNIVERSALISME RELATIVISTE

Le fait que les humains se soucient plus d’être que Le fait que les humains se soucient plus d’être que d’avoir, d’éprouver le sentiment d’exister plus que d’accu-d’avoir, d’éprouver le sentiment d’exister plus que d’accu-muler, qu’ils désirent avant tout être reconnus pour la va-muler, qu’ils désirent avant tout être reconnus pour la va-

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leur et l’importance de leurs dons, est à la fois rassurant leur et l’importance de leurs dons, est à la fois rassurant et inquiétant. Rassurant puisqu’il indique que l’état éco-et inquiétant. Rassurant puisqu’il indique que l’état éco-nomique stationnaire dynamique qu’il va prochainement nomique stationnaire dynamique qu’il va prochainement nous falloir atteindre ne se heurte à aucun obstacle an-nous falloir atteindre ne se heurte à aucun obstacle an-thropologique ou psychologique majeur. Après tout, c’est thropologique ou psychologique majeur. Après tout, c’est à peu près l’état dans lequel la majorité de l’humanité a à peu près l’état dans lequel la majorité de l’humanité a vécu durant la plus grande partie de son histoire, n’as-vécu durant la plus grande partie de son histoire, n’as-pirant qu’à couler indéfiniment des jours paisibles, dès pirant qu’à couler indéfiniment des jours paisibles, dès lors que l’essentiel, abondance et reconnaissance de base, lors que l’essentiel, abondance et reconnaissance de base, était assuré. Mais ce fait anthropologique est tout autant était assuré. Mais ce fait anthropologique est tout autant inquiétant puisque la lutte pour la reconnaissance est en inquiétant puisque la lutte pour la reconnaissance est en elle-même, potentiellement, infiniment plus génératrice elle-même, potentiellement, infiniment plus génératrice de haines que la lutte pour la survie matérielle ou pour de haines que la lutte pour la survie matérielle ou pour l’enrichissement. Une fois dépassé le seuil de la survie, il l’enrichissement. Une fois dépassé le seuil de la survie, il est moins dur d’être pauvre que méprisé ou invisible aux est moins dur d’être pauvre que méprisé ou invisible aux yeux de tous. yeux de tous.

Vers un nouvel universalismeVers un nouvel universalisme

C’est en ayant ce point fermement présent à l’esprit C’est en ayant ce point fermement présent à l’esprit qu’il faut se demander à quelles conditions le convivia-qu’il faut se demander à quelles conditions le convivia-lisme pourrait devenir un nouvel universalisme. Car il est lisme pourrait devenir un nouvel universalisme. Car il est clair, en effet, qu’il échouera, et l’humanité avec lui, s’il clair, en effet, qu’il échouera, et l’humanité avec lui, s’il ne parvient pas à s’universaliser, puisque les problèmes à ne parvient pas à s’universaliser, puisque les problèmes à affronter sont mondiaux et qu’il n’y a aucune chance de affronter sont mondiaux et qu’il n’y a aucune chance de pouvoir commencer à les résoudre s’il ne se forme pas pouvoir commencer à les résoudre s’il ne se forme pas une conscience mondiale qui converge vers les mêmes une conscience mondiale qui converge vers les mêmes solutions et dans les mêmes espérances. solutions et dans les mêmes espérances.

De ce point de vue l’obstacle majeur à la formation De ce point de vue l’obstacle majeur à la formation d’une conscience mondiale est le fait que la domination d’une conscience mondiale est le fait que la domination économique et financière de l’Occident sur le reste du économique et financière de l’Occident sur le reste du monde se redouble de sa domination symbolique. C’est monde se redouble de sa domination symbolique. C’est

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lui qui définit et énonce les valeurs dominantes à l’échelle lui qui définit et énonce les valeurs dominantes à l’échelle mondiale, et qui détermine donc la hiérarchie des légiti-mondiale, et qui détermine donc la hiérarchie des légiti-mités et des dignités. Cette domination comporte plusieurs mités et des dignités. Cette domination comporte plusieurs dimensions, des plus triviales et quotidiennes jusqu’aux dimensions, des plus triviales et quotidiennes jusqu’aux plus sophistiquées. Parmi les premières, on rangera, bien plus sophistiquées. Parmi les premières, on rangera, bien sûr, la publicité qui porte au pinacle l’sûr, la publicité qui porte au pinacle l’american way of american way of life life et les standards de consommation y afférents, la folk et les standards de consommation y afférents, la folk music, le rock, le r’n’b, la techno, le rap, etc. qui don-music, le rock, le r’n’b, la techno, le rap, etc. qui don-nent sa matrice à la nent sa matrice à la world musicworld music, les séries télévisées, le , les séries télévisées, le cinéma, etc. Parmi les secondes, la science, la technique, cinéma, etc. Parmi les secondes, la science, la technique, la littérature et, surtout, la certitude de détenir la clé de la littérature et, surtout, la certitude de détenir la clé de l’universel. l’universel.

Au sein de cette culture hégémonique il importe de Au sein de cette culture hégémonique il importe de distinguer deux composantes, deux grands blocs, de na-distinguer deux composantes, deux grands blocs, de na-ture bien distincte, un bloc technoscientifique, ou assi-ture bien distincte, un bloc technoscientifique, ou assi-milé, et un bloc proprement symbolique. milé, et un bloc proprement symbolique.

La science et la technique sont en principe appropria-La science et la technique sont en principe appropria-bles par tous. Affaire de moyens. Techniquement, Bol-bles par tous. Affaire de moyens. Techniquement, Bol-lywood peut concurrencer Hollywood. Mais il est beau-lywood peut concurrencer Hollywood. Mais il est beau-coup plus difficile de mettre en question la certitude que coup plus difficile de mettre en question la certitude que seul l’Occident a su développer une pensée rationnelle de seul l’Occident a su développer une pensée rationnelle de la société, de l’Histoire, de la morale et de la politique la société, de l’Histoire, de la morale et de la politique et qu’en conséquence toute l’histoire universelle n’a tendu et qu’en conséquence toute l’histoire universelle n’a tendu qu’à une chose : la mise en place de la société occiden-qu’à une chose : la mise en place de la société occiden-tale qui doit nécessairement servir de modèle à toutes tale qui doit nécessairement servir de modèle à toutes les autres. Entre l’Occident et le reste du monde la rela-les autres. Entre l’Occident et le reste du monde la rela-tion se laisserait ainsi aisément et simplement formuler tion se laisserait ainsi aisément et simplement formuler en termes d’avance et de retard, de modèle et de copie. en termes d’avance et de retard, de modèle et de copie. La thèse de la fin de l’Histoire n’est qu’une formulation La thèse de la fin de l’Histoire n’est qu’une formulation radicalisée de cette conception. Et celle qui prophétise radicalisée de cette conception. Et celle qui prophétise le choc inéluctable des civilisations la reprend en termes le choc inéluctable des civilisations la reprend en termes pessimistes et inversés. Toutes les sociétés tendent vers le pessimistes et inversés. Toutes les sociétés tendent vers le modèle occidental, affirme la thèse de la fin de l’histoire. modèle occidental, affirme la thèse de la fin de l’histoire.

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Les sociétés non occidentales ne sont pas assez puissantes Les sociétés non occidentales ne sont pas assez puissantes pour y parvenir, rétorque la thèse du choc des civilisa-pour y parvenir, rétorque la thèse du choc des civilisa-tions. Mais aucune de ces deux thèses n’émet le moindre tions. Mais aucune de ces deux thèses n’émet le moindre doute sur l’idée que l’Occident occupe la première place doute sur l’idée que l’Occident occupe la première place sur l’échelle symbolique des civilisations. sur l’échelle symbolique des civilisations.

Être reconnu, c’est être reconnu comme ayant donné Être reconnu, c’est être reconnu comme ayant donné quelque chose. Quelque chose qui inspire de la gratitude, quelque chose. Quelque chose qui inspire de la gratitude, de la reconnaissance. L’Occident se pense comme le do-de la reconnaissance. L’Occident se pense comme le do-nateur suprême, voire unique. Et prétend donc à la re-nateur suprême, voire unique. Et prétend donc à la re-connaissance suprême. C’est lui qui a donné la science, la connaissance suprême. C’est lui qui a donné la science, la technique, la richesse économique, la littérature, la démo-technique, la richesse économique, la littérature, la démo-cratie, la philosophie, etc. Et il est largement pensé ainsi cratie, la philosophie, etc. Et il est largement pensé ainsi dans le reste du monde. Ce qui suscite à la fois admira-dans le reste du monde. Ce qui suscite à la fois admira-tion, envie, mimétisme, haine, jalousie et ressentiment. tion, envie, mimétisme, haine, jalousie et ressentiment.

Il est possible, et nécessaire, de faire valoir les apports Il est possible, et nécessaire, de faire valoir les apports des autres cultures dans ces divers champs, et le rôle de des autres cultures dans ces divers champs, et le rôle de précurseurs ou de passeurs qu’elles ont joué. De réhabili-précurseurs ou de passeurs qu’elles ont joué. De réhabili-ter des savoirs ancestraux, longtemps tenus pour insigni-ter des savoirs ancestraux, longtemps tenus pour insigni-fiants. De montrer les splendeurs de l’art, des musiques, fiants. De montrer les splendeurs de l’art, des musiques, des cuisines, de la médecine ou de l’architecture qui ont des cuisines, de la médecine ou de l’architecture qui ont éclos en dehors de l’Occident. Mais il est peu douteux éclos en dehors de l’Occident. Mais il est peu douteux que celui-ci a joué un rôle majeur depuis plusieurs siècles que celui-ci a joué un rôle majeur depuis plusieurs siècles dans tous les domaines précités : technique, scientifique, dans tous les domaines précités : technique, scientifique, économique ou politique. Aussi bien le problème n’est-il économique ou politique. Aussi bien le problème n’est-il pas exactement celui-là. Certains savoir-faire, les techni-pas exactement celui-là. Certains savoir-faire, les techni-ques, certains discours, les sciences, sont effectivement ques, certains discours, les sciences, sont effectivement par nature universalisables, et pourront être produits par-par nature universalisables, et pourront être produits par-tout dans le monde, selon les moyens disponibles. Peu tout dans le monde, selon les moyens disponibles. Peu importera symboliquement, à terme, qu’ils aient été à importera symboliquement, à terme, qu’ils aient été à l’origine inventés en Chine, en Afrique, en Europe ou l’origine inventés en Chine, en Afrique, en Europe ou en Amérique. Ils sont efficaces ou pas. Vrais ou pas, au en Amérique. Ils sont efficaces ou pas. Vrais ou pas, au moins provisoirement. Et voilà tout. Ou, en tout cas, le moins provisoirement. Et voilà tout. Ou, en tout cas, le principal. principal.

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Il n’en va pas de même pour les cultures qui, par es-Il n’en va pas de même pour les cultures qui, par es-sence relèvent du domaine de la contingence. Dont toute sence relèvent du domaine de la contingence. Dont toute la valeur, le sens et le charme tiennent précisément à ceci la valeur, le sens et le charme tiennent précisément à ceci qu’elles ne procèdent pas d’une nécessité fonctionnelle, et qu’elles ne procèdent pas d’une nécessité fonctionnelle, et qu’elles auraient pu être autres qu’elles ne sont. On pour-qu’elles auraient pu être autres qu’elles ne sont. On pour-rait cuire le pain autrement, manger salé plutôt que sucré, rait cuire le pain autrement, manger salé plutôt que sucré, bouilli plutôt que rôti, arborer un chapeau plutôt qu’être bouilli plutôt que rôti, arborer un chapeau plutôt qu’être nu-tête, porter un pantalon plutôt qu’une robe, un short nu-tête, porter un pantalon plutôt qu’une robe, un short ou une djellaba, représenter les dieux ou se l’interdire, ou une djellaba, représenter les dieux ou se l’interdire, etc. C’est l’ensemble de ces traits en eux-mêmes arbitrai-etc. C’est l’ensemble de ces traits en eux-mêmes arbitrai-res qui marquent une culture et qui caractérisent un être res qui marquent une culture et qui caractérisent un être au monde singulier. Qui vaut par sa singularité même. au monde singulier. Qui vaut par sa singularité même. De même que ce qui est attachant (ou repoussant) chez De même que ce qui est attachant (ou repoussant) chez les individus c’est ce qu’ils ont de singulier. les individus c’est ce qu’ils ont de singulier.

Entre les pratiques ou les discours universalisables, Entre les pratiques ou les discours universalisables, la technique et la science, et les cultures qui ne le sont la technique et la science, et les cultures qui ne le sont précisément pas, il existe toute une gamme de pratiques précisément pas, il existe toute une gamme de pratiques et de discours qui tiennent des deux registres à la fois. et de discours qui tiennent des deux registres à la fois. C’est notamment le cas de la littérature et, plus encore, C’est notamment le cas de la littérature et, plus encore, de la philosophie ou de ses équivalents parareligieux ou de la philosophie ou de ses équivalents parareligieux ou paralittéraires – appelons-les savoirs intermédiaires, ou paralittéraires – appelons-les savoirs intermédiaires, ou encore les œuvres de pensée, à mi-chemin du proprement encore les œuvres de pensée, à mi-chemin du proprement technique et du proprement symbolique – dont le degré technique et du proprement symbolique – dont le degré d’universabilité ou de singularité reste indéterminé puis-d’universabilité ou de singularité reste indéterminé puis-qu’il ne pourrait être tranché que par un métadiscours qu’il ne pourrait être tranché que par un métadiscours de l’ordre de la science ou de la raison pure qui leur de l’ordre de la science ou de la raison pure qui leur est en définitive étranger. En ce domaine, plus encore est en définitive étranger. En ce domaine, plus encore qu’ailleurs, il n’y a pas de métadiscours. qu’ailleurs, il n’y a pas de métadiscours.

Ce que les Ce que les subalternsubaltern ou les ou les postcolonial studiespostcolonial studies, tous , tous les discours qui commencent à porter sur l’histoire de la les discours qui commencent à porter sur l’histoire de la modernité un autre regard que celui jusqu’ici enseigné modernité un autre regard que celui jusqu’ici enseigné dans les universités occidentales, reprochent à l’univer-dans les universités occidentales, reprochent à l’univer-salisme occidental, c’est d’être un universalisme faux ou salisme occidental, c’est d’être un universalisme faux ou

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tronqué parce qu’il refuse de reconnaître l’égale valeur tronqué parce qu’il refuse de reconnaître l’égale valeur de principe des différentes manières d’être au monde, et de principe des différentes manières d’être au monde, et parce qu’il entend juger de la variété des savoirs intermé-parce qu’il entend juger de la variété des savoirs intermé-diaires, des divers types d’œuvres de pensée, au nom d’un diaires, des divers types d’œuvres de pensée, au nom d’un type de savoir intermédiaire spécifique, la philosophie type de savoir intermédiaire spécifique, la philosophie occidentale, posé comme par nature identique à la Raison occidentale, posé comme par nature identique à la Raison universelle ou à la science, alors qu’il comporte, comme universelle ou à la science, alors qu’il comporte, comme les autres, une part de contingence et d’indétermination. les autres, une part de contingence et d’indétermination.

Dans la relation de don, le don n’existe que s’il est re-Dans la relation de don, le don n’existe que s’il est re-connu comme tel par son destinataire par celui qui reçoit. connu comme tel par son destinataire par celui qui reçoit. Et il ne peut l’être que si le donateur lui offre la possibilité Et il ne peut l’être que si le donateur lui offre la possibilité de donner à son tour. Or l’Occident se présente au monde de donner à son tour. Or l’Occident se présente au monde comme étant l’unique dispensateur de dons, n’attendant comme étant l’unique dispensateur de dons, n’attendant rien en retour. Plus encore que sa puissance technique, rien en retour. Plus encore que sa puissance technique, économique et militaire, ou plutôt, en amont d’elle, c’est économique et militaire, ou plutôt, en amont d’elle, c’est cette posture de donateur exclusif qui lui assure sa domi-cette posture de donateur exclusif qui lui assure sa domi-nation symbolique. Mais qui fera aussi sa faiblesse et la nation symbolique. Mais qui fera aussi sa faiblesse et la faiblesse de la démocratie. Car entre le fort et le faible, faiblesse de la démocratie. Car entre le fort et le faible, comme le dit la sagesse taoïste, à la fin c’est le faible qui comme le dit la sagesse taoïste, à la fin c’est le faible qui l’emporte. Et il sera impossible d’universaliser la démo-l’emporte. Et il sera impossible d’universaliser la démo-cratie et ses valeurs si elles se présentent comme exclusi-cratie et ses valeurs si elles se présentent comme exclusi-vement occidentales. vement occidentales. A fortioriA fortiori, si l’Occident entendait les , si l’Occident entendait les imposer par la force, alors il verrait le monde entier se imposer par la force, alors il verrait le monde entier se retourner contre lui. Et contre la démocratie. Et contre la retourner contre lui. Et contre la démocratie. Et contre la vie et le monde eux-mêmes. vie et le monde eux-mêmes.

L’universalisme occidental, dans sa formulation clas-L’universalisme occidental, dans sa formulation clas-sique, se présente de même comme unique détenteur des sique, se présente de même comme unique détenteur des vérités universelles sur l’essence de l’humanité et le sens vérités universelles sur l’essence de l’humanité et le sens de la vie. Il veut bien, désormais, reconnaître la part de la vie. Il veut bien, désormais, reconnaître la part d’indétermination rationnelle qui subsiste d’indétermination rationnelle qui subsiste en son seinen son sein, à , à l’intérieur du cercle de la Raison, mais il ne sait pas en-l’intérieur du cercle de la Raison, mais il ne sait pas en-core reconnaître que cette part d’indéterminé ait pu être core reconnaître que cette part d’indéterminé ait pu être également ou mieux explorée et pensée en dehors de ce également ou mieux explorée et pensée en dehors de ce

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cercle, à travers d’autres types de pratiques discursives, cercle, à travers d’autres types de pratiques discursives, autrement arrimées au corps et à l’esprit. En dehors de lui. autrement arrimées au corps et à l’esprit. En dehors de lui. Il ne sait donc encore que donner, pas recevoir. Et donc Il ne sait donc encore que donner, pas recevoir. Et donc pas véritablement dialoguer. Pour accéder à ce stade, il pas véritablement dialoguer. Pour accéder à ce stade, il lui faudra commencer à reconnaître que certaines vérités lui faudra commencer à reconnaître que certaines vérités importantes ne se sont dites, voire ne peuvent se dire importantes ne se sont dites, voire ne peuvent se dire que dans un autre langage que celui de la « philosophie que dans un autre langage que celui de la « philosophie rationnelle », de la psychanalyse ou des sciences sociales. rationnelle », de la psychanalyse ou des sciences sociales. Celui qu’ont adopté les religions, ou bien les sagesses Celui qu’ont adopté les religions, ou bien les sagesses extra européennes, orientales ou africaines, la littérature, extra européennes, orientales ou africaines, la littérature, les poésies, les mythes, etc. Assurément, la question reste les poésies, les mythes, etc. Assurément, la question reste posée, plus aiguë que jamais, de savoir quels discours posée, plus aiguë que jamais, de savoir quels discours peuvent le mieux et le plus aisément fonctionner comme peuvent le mieux et le plus aisément fonctionner comme interprétant général des autres. Le discours occidental de interprétant général des autres. Le discours occidental de la Raison et de la science a en la matière de sérieux titres la Raison et de la science a en la matière de sérieux titres à faire valoir. Mais à la condition à faire valoir. Mais à la condition sine qua nonsine qua non d’admettre d’admettre son indétermination et son incomplétude et de se faire son indétermination et son incomplétude et de se faire Raison et science dialogiques.Raison et science dialogiques.

C’est à cette condition que pourra réellement com-C’est à cette condition que pourra réellement com-mencer à prendre corps et vie mencer à prendre corps et vie le principe de commune le principe de commune humanité et de commune intelligibilitéhumanité et de commune intelligibilité qui se trouve au qui se trouve au cœur du convivialisme. Et qui est la condition première cœur du convivialisme. Et qui est la condition première d’un véritable universalisme. Un universalisme pluriel. d’un véritable universalisme. Un universalisme pluriel. Un universalisme relativiste. Un pluriversalisme.Un universalisme relativiste. Un pluriversalisme.

Surmonter la figure de l’État-nation héritéeSurmonter la figure de l’État-nation héritée

L’enjeu de cette discussion apparemment abstraite est L’enjeu de cette discussion apparemment abstraite est en réalité éminemment concret. Les gigantesques mouve-en réalité éminemment concret. Les gigantesques mouve-ments de population que connaît le monde désormais, et ments de population que connaît le monde désormais, et dont tout indique qu’ils vont encore s’accroître, font que la dont tout indique qu’ils vont encore s’accroître, font que la fiction qui faisait de la nation une communauté imaginai-fiction qui faisait de la nation une communauté imaginai-

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re – de sang, de langue, de culture et de religion – n’est re – de sang, de langue, de culture et de religion – n’est plus tenable telle quelle. Rien, pourtant, ne la remplace plus tenable telle quelle. Rien, pourtant, ne la remplace véritablement. L’État-nation demeure, aujourd’hui encore, véritablement. L’État-nation demeure, aujourd’hui encore, le seul espace important de la solidarité politique, et donc le seul espace important de la solidarité politique, et donc la forme concrète qui permet l’exercice de la démocratie, la forme concrète qui permet l’exercice de la démocratie, en rassemblant l’ensemble de ceux qui se reconnaissent en rassemblant l’ensemble de ceux qui se reconnaissent comme alliés et associés en fonction des dons qu’ils se comme alliés et associés en fonction des dons qu’ils se font et reçoivent les uns des autres. Y compris les dons font et reçoivent les uns des autres. Y compris les dons reçus des générations passées – la tradition –, et ceux faits reçus des générations passées – la tradition –, et ceux faits aux générations futures. Mais « le peuple » qui forme la aux générations futures. Mais « le peuple » qui forme la nation est désormais trop composite et bariolé pour limi-nation est désormais trop composite et bariolé pour limi-ter la figure des donateurs et des donataires à ceux qui ter la figure des donateurs et des donataires à ceux qui ont la même couleur de peau et qui participent de longue ont la même couleur de peau et qui participent de longue date de la même culture. date de la même culture.

La nation qui se pensait comme une sorte d’empi-La nation qui se pensait comme une sorte d’empi-re ou d’univers en miniature, surtout lorsqu’il s’agissait re ou d’univers en miniature, surtout lorsqu’il s’agissait d’une grande nation comme, en leur temps, la France, d’une grande nation comme, en leur temps, la France, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, doit se reconnaître une le Royaume-Uni ou l’Allemagne, doit se reconnaître une parmi une pluralité de nations, et admettre que la valeur parmi une pluralité de nations, et admettre que la valeur des autres ne le cède en rien des autres ne le cède en rien a prioria priori à la sienne. Mais à la sienne. Mais cette reconnaissance doit également valoir en son sein, cette reconnaissance doit également valoir en son sein, envers les populations nouvellement arrivées. Elle ne sera envers les populations nouvellement arrivées. Elle ne sera pas obtenue par de vertueuses proclamations antiracistes pas obtenue par de vertueuses proclamations antiracistes de principe et en faisant appel aux bons sentiments. Le de principe et en faisant appel aux bons sentiments. Le convivialisme repose sur un principe de commune huma-convivialisme repose sur un principe de commune huma-nité. Mais l’humanité dont il s’agit n’est pas une humanité nité. Mais l’humanité dont il s’agit n’est pas une humanité désincarnée, hors sol. Elle est marquée par la diversité de désincarnée, hors sol. Elle est marquée par la diversité de ses inscriptions et de ses trajectoires spatiales, temporel-ses inscriptions et de ses trajectoires spatiales, temporel-les et culturelles. les et culturelles.

L’articulation du principe universel de commune hu-L’articulation du principe universel de commune hu-manité et de ses incarnations concrètes, toujours parti-manité et de ses incarnations concrètes, toujours parti-culières, se traduit dans un double désir légitime et un culières, se traduit dans un double désir légitime et un double droit humain. Le désir et le droit d’être ancré double droit humain. Le désir et le droit d’être ancré

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dans un lieu, une temporalité et une histoire particulière, dans un lieu, une temporalité et une histoire particulière, tout d’abord. Le désir d’appartenance. Mais aussi, symé-tout d’abord. Le désir d’appartenance. Mais aussi, symé-triquement, le désir et le droit de pouvoir s’en émanciper triquement, le désir et le droit de pouvoir s’en émanciper pour explorer d’autres rivages. Il ne peut pas exister de pour explorer d’autres rivages. Il ne peut pas exister de réponse simple à cette dualité, voire cette duplicité du dé-réponse simple à cette dualité, voire cette duplicité du dé-sir légitime. Il faut bien que les nomades soient hébergés sir légitime. Il faut bien que les nomades soient hébergés par des sédentaires. Et le lieu occupé par les sédentaires par des sédentaires. Et le lieu occupé par les sédentaires perdrait toute consistance s’il n’était plus qu’un campe-perdrait toute consistance s’il n’était plus qu’un campe-ment de nomades. ment de nomades.

L’orientation générale à suivre semble donc être la sui-L’orientation générale à suivre semble donc être la sui-vante. Il est nécessaire que les arrivants reconnaissent la vante. Il est nécessaire que les arrivants reconnaissent la valeur éminente de la langue, de la culture, des croyances valeur éminente de la langue, de la culture, des croyances et des institutions des habitants les plus anciens, héri-et des institutions des habitants les plus anciens, héri-tiers de la culture locale. Mais, réciproquement, il est tiers de la culture locale. Mais, réciproquement, il est absolument nécessaire que ceux-ci reconnaissent chez les absolument nécessaire que ceux-ci reconnaissent chez les arrivants plus récents leur appartenance à d’autres cultu-arrivants plus récents leur appartenance à d’autres cultu-res qui interrogent la culture d’accueil et qui représentent res qui interrogent la culture d’accueil et qui représentent d’autres manières légitimes d’être au monde. Légitimes d’autres manières légitimes d’être au monde. Légitimes pour autant qu’elles aussi s’ouvrent suffisamment à l’al-pour autant qu’elles aussi s’ouvrent suffisamment à l’al-térité et à l’auto-interrogation pour reconnaître la valeur térité et à l’auto-interrogation pour reconnaître la valeur de la culture-hôte dans leurs propres termes. Le principe de la culture-hôte dans leurs propres termes. Le principe régulateur qui émerge ainsi est le suivant : la formule régulateur qui émerge ainsi est le suivant : la formule politique adéquate à l’inéluctable internationalisation des politique adéquate à l’inéluctable internationalisation des États-nationsÉtats-nations est celle qui tend à favoriser le maximum de est celle qui tend à favoriser le maximum de pluralisme culturel qui soit compatible avec leur propre pluralisme culturel qui soit compatible avec leur propre maintien. Ou encore, qui permet la plus grande compa-maintien. Ou encore, qui permet la plus grande compa-tibilité possible entre droit à l’enracinement et droit au tibilité possible entre droit à l’enracinement et droit au déracinement, entre égalité de droit des cultures et leurs déracinement, entre égalité de droit des cultures et leurs inégalités de fait. inégalités de fait.

Ce qui s’installe alors c’est une culture en créolisation Ce qui s’installe alors c’est une culture en créolisation permanente, une culture par recoupements, fondée sur permanente, une culture par recoupements, fondée sur des hiérarchies enchevêtrées et partiellement réversibles des hiérarchies enchevêtrées et partiellement réversibles parce qu’au final indéterminées quant à leur essence et parce qu’au final indéterminées quant à leur essence et

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quant à leur valeur respective. Les représentants d’une quant à leur valeur respective. Les représentants d’une culture ou d’un être-au-monde minoritaire et en situa-culture ou d’un être-au-monde minoritaire et en situa-tion d’infériorité au sein d’une nation peuvent fort bien tion d’infériorité au sein d’une nation peuvent fort bien se retrouver en situation de supériorité en regardant les se retrouver en situation de supériorité en regardant les choses de l’extérieur, où leur culture d’origine apparaît choses de l’extérieur, où leur culture d’origine apparaît plus puissante que la culture d’accueil. Il ne s’agit pas plus puissante que la culture d’accueil. Il ne s’agit pas d’affirmer que tout et tous se vaut ou se valent, que tou-d’affirmer que tout et tous se vaut ou se valent, que tou-tes les cultures ou tous les individus sont indifféremment tes les cultures ou tous les individus sont indifféremment égaux, beaux et gentils, mais de multiplier les hiérarchies égaux, beaux et gentils, mais de multiplier les hiérarchies croisées et réversibles qui font apparaître que selon les croisées et réversibles qui font apparaître que selon les points de vue, les uns ou les autres sont tantôt égaux, points de vue, les uns ou les autres sont tantôt égaux, inférieurs ou supérieurs. inférieurs ou supérieurs.

Comprenons bien toutefois qu’il y a deux manières de Comprenons bien toutefois qu’il y a deux manières de jouer ce jeu des hiérarchies de valeur enchevêtrées et in-jouer ce jeu des hiérarchies de valeur enchevêtrées et in-déterminées. La première, enfermée dans la lutte pour la déterminées. La première, enfermée dans la lutte pour la reconnaissance, ne peut déboucher que sur le conflit et la reconnaissance, ne peut déboucher que sur le conflit et la haine. La seconde débouche sur la convivialité en se fon-haine. La seconde débouche sur la convivialité en se fon-dant sur le postulat qu’une culture n’atteste effectivement dant sur le postulat qu’une culture n’atteste effectivement sa propre valeur que pour autant qu’elle n’a pas peur de sa propre valeur que pour autant qu’elle n’a pas peur de recevoir et de reconnaître les dons, autrement dit les défis recevoir et de reconnaître les dons, autrement dit les défis des autres. Mais, là comme ailleurs, la seule manière de des autres. Mais, là comme ailleurs, la seule manière de surmonter vraiment les conflits identitaires, est de ras-surmonter vraiment les conflits identitaires, est de ras-sembler les adversaires ou concurrents dans un objectif sembler les adversaires ou concurrents dans un objectif commun qui les dépasse et les passionne suffisamment. commun qui les dépasse et les passionne suffisamment.

Si cet objectif partagé ne peut plus être celui de l’en-Si cet objectif partagé ne peut plus être celui de l’en-richissement individuel général, le seul objectif alternatif richissement individuel général, le seul objectif alternatif concevable est un objectif civilisationnel. Toute la ques-concevable est un objectif civilisationnel. Toute la ques-tion est de savoir si la visée de sauver ce qui peut l’être du tion est de savoir si la visée de sauver ce qui peut l’être du monde en construisant la démocratie à la fois à l’échelle monde en construisant la démocratie à la fois à l’échelle mondiale et locale, dans une culture partagée de la com-mondiale et locale, dans une culture partagée de la com-mune humanité qui soit diffractée en cultures particuliè-mune humanité qui soit diffractée en cultures particuliè-res, peut se révéler assez attrayant, excitant et mobilisa-res, peut se révéler assez attrayant, excitant et mobilisa-teur pour désamorcer la guerre de tous contre tous. Il teur pour désamorcer la guerre de tous contre tous. Il

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faut pour cela constituer une nouvelle faut pour cela constituer une nouvelle boucle émissaireboucle émissaire positive. Non plus celle de l’accumulation indéfinie des positive. Non plus celle de l’accumulation indéfinie des objets, mais celle de la démultiplication des possibilités objets, mais celle de la démultiplication des possibilités d’action, de liberté effective et donc de reconnaissance d’action, de liberté effective et donc de reconnaissance offertes aux êtres humains. offertes aux êtres humains.

Le problème européenLe problème européen

Dans le travail d’invention et de formulation du convi-Dans le travail d’invention et de formulation du convi-vialisme à venir, l’Europe est à la fois la mieux et la plus vialisme à venir, l’Europe est à la fois la mieux et la plus mal placée. La mieux placée puisque c’est sur son sol, mal placée. La mieux placée puisque c’est sur son sol, dans sa culture, dans le sillage du christianisme que se dans sa culture, dans le sillage du christianisme que se sont inventées toutes les idéologies politiques de la moder-sont inventées toutes les idéologies politiques de la moder-nité démocratique. Les valeurs de l’Occident qu’il s’agit nité démocratique. Les valeurs de l’Occident qu’il s’agit désormais de relativiser pour leur conférer une véritable désormais de relativiser pour leur conférer une véritable portée universelle, ce sont d’abord, à l’origine, les valeurs portée universelle, ce sont d’abord, à l’origine, les valeurs de l’Europe. C’est donc à elle au premier chef qu’il re-de l’Europe. C’est donc à elle au premier chef qu’il re-viendrait d’en reconnaître les limites pour les actualiser et viendrait d’en reconnaître les limites pour les actualiser et les dépasser. Et d’autant plus, qu’avec deux guerres mon-les dépasser. Et d’autant plus, qu’avec deux guerres mon-diales et l’émergence des totalitarismes, elle a ressenti diales et l’émergence des totalitarismes, elle a ressenti dans sa chair et payé de son sang l’expérience qu’elle a dans sa chair et payé de son sang l’expérience qu’elle a faite des dérives possibles de ses propres valeurs.faite des dérives possibles de ses propres valeurs.

Mais est-elle en mesure d’effectuer cet indispensable Mais est-elle en mesure d’effectuer cet indispensable travail de dépassement de soi ? A-t-elle encore la puis-travail de dépassement de soi ? A-t-elle encore la puis-sance nécessaire et la légitimité pour le faire ? Rien sance nécessaire et la légitimité pour le faire ? Rien n’est moins sûr. L’Occident, désormais dédoublé, n’est n’est moins sûr. L’Occident, désormais dédoublé, n’est plus perçu et audible que dans la version qu’en donnent plus perçu et audible que dans la version qu’en donnent les États-Unis, qui mènent à peu près seuls le jeu mon-les États-Unis, qui mènent à peu près seuls le jeu mon-dial, économiquement, financièrement, médiatiquement, dial, économiquement, financièrement, médiatiquement, culturellement, militairement et intellectuellement. À côté culturellement, militairement et intellectuellement. À côté d’eux, l’Europe, poussière d’ex-États-nations, anciens ou d’eux, l’Europe, poussière d’ex-États-nations, anciens ou récents, grands ou petits, ne pèse guère et s’abîme dans récents, grands ou petits, ne pèse guère et s’abîme dans

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son impuissance. La grande majorité des politiques et son impuissance. La grande majorité des politiques et intellectuels européens ont voulu croire et faire croire intellectuels européens ont voulu croire et faire croire que le projet de l’Union européenne représentait la forme que le projet de l’Union européenne représentait la forme enfin trouvée du progrès civilisationnel, le modèle politi-enfin trouvée du progrès civilisationnel, le modèle politi-que à donner en exemple au reste du monde. Un modèle que à donner en exemple au reste du monde. Un modèle politique postpolitique, postnational, reposant non plus politique postpolitique, postnational, reposant non plus sur la force mais sur l’éthique, la conviction et l’adhésion sur la force mais sur l’éthique, la conviction et l’adhésion à/de la Raison. Sans compter, évidemment, les avantages à/de la Raison. Sans compter, évidemment, les avantages économiques escomptés de l’instauration d’une zone de économiques escomptés de l’instauration d’une zone de libre-échange et de l’adoption d’une monnaie commune. libre-échange et de l’adoption d’une monnaie commune.

Or toutes ces espérances se dissipent comme neige au Or toutes ces espérances se dissipent comme neige au soleil. L’évidence qu’avait si bien formulée Pascal s’im-soleil. L’évidence qu’avait si bien formulée Pascal s’im-pose : « La justice sans la force est impuissante » (à sup-pose : « La justice sans la force est impuissante » (à sup-poser même que le projet soit intrinsèquement juste). Il poser même que le projet soit intrinsèquement juste). Il apparaît désormais au grand jour que l’espoir d’une forme apparaît désormais au grand jour que l’espoir d’une forme politique apolitique est un leurre. Qui, au mieux, ne peut politique apolitique est un leurre. Qui, au mieux, ne peut donner naissance qu’à une technocratie. Et au pire, sus-donner naissance qu’à une technocratie. Et au pire, sus-citer des catastrophes. Et il se confirme de plus en plus citer des catastrophes. Et il se confirme de plus en plus clairement que l’idée même d’une monnaie qui ne renvoie clairement que l’idée même d’une monnaie qui ne renvoie à aucune souveraineté économique et politique est auto-ré-à aucune souveraineté économique et politique est auto-ré-futante et autodestructrice, de l’ordre de l’oxymore, puis-futante et autodestructrice, de l’ordre de l’oxymore, puis-que la monnaie est la cristallisation par excellence d’une que la monnaie est la cristallisation par excellence d’une souveraineté. L’Europe se manifeste ainsi de plus en plus souveraineté. L’Europe se manifeste ainsi de plus en plus comme la vieille Europe, en panne démographique, en comme la vieille Europe, en panne démographique, en panne de croissance, en panne d’espérance, d’inventivité panne de croissance, en panne d’espérance, d’inventivité et de foi. Bien mal placée pour prétendre donner des et de foi. Bien mal placée pour prétendre donner des leçons au monde. Si elle était seule à prôner le convivia-leçons au monde. Si elle était seule à prôner le convivia-lisme, alors celui-ci serait mort-né. Comme dans la fable lisme, alors celui-ci serait mort-né. Comme dans la fable du renard à la queue coupée, qui aimerait convaincre les du renard à la queue coupée, qui aimerait convaincre les autres que c’est chic d’avoir la queue coupée, elle appa-autres que c’est chic d’avoir la queue coupée, elle appa-raîtrait comme ce continent qui se lamente sur la perte raîtrait comme ce continent qui se lamente sur la perte de sa grandeur passée et ne voudrait persuader le reste de sa grandeur passée et ne voudrait persuader le reste du monde de renoncer à la croissance que parce qu’il est du monde de renoncer à la croissance que parce qu’il est

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incapable d’en retrouver lui-même la dynamique. L’inven-incapable d’en retrouver lui-même la dynamique. L’inven-tion du convivialisme devra donc être mondiale ou ne pas tion du convivialisme devra donc être mondiale ou ne pas être, même si l’on comprend bien pourquoi c’est en Eu-être, même si l’on comprend bien pourquoi c’est en Eu-rope, en raison de son déclin mais aussi de la subsistance rope, en raison de son déclin mais aussi de la subsistance de ses ressources passées, économiques et intellectuelles, de ses ressources passées, économiques et intellectuelles, que ces questions premières s’y posent. que ces questions premières s’y posent.

ASSOCIATIONNISME ET GRATUITÉASSOCIATIONNISME ET GRATUITÉ

Les acteurs, les inventeurs du convivialisme sont infi-Les acteurs, les inventeurs du convivialisme sont infi-niment divers et multiples. Et ils le seront toujours plus. niment divers et multiples. Et ils le seront toujours plus. Groupes opprimés, expropriés, privés de tout, victimes Groupes opprimés, expropriés, privés de tout, victimes des sinistres industriels, journalistes courageux en lutte des sinistres industriels, journalistes courageux en lutte contre le mensonge et la corruption au risque de leur contre le mensonge et la corruption au risque de leur carrière ou de leur vie, hackers, geeks, coopérateurs ou carrière ou de leur vie, hackers, geeks, coopérateurs ou partageurs du partageurs du Peer to peerPeer to peer, sonneurs d’alerte (, sonneurs d’alerte (whistle-whistle-blowersblowers), créatifs culturels, hommes et femmes ordinai-), créatifs culturels, hommes et femmes ordinai-res, innombrables, soucieux de préserver leur dignité dans res, innombrables, soucieux de préserver leur dignité dans leur travail ou dans leur vie de tous les jours, artistes, leur travail ou dans leur vie de tous les jours, artistes, écrivains, universitaires ne se résignant pas à produire un écrivains, universitaires ne se résignant pas à produire un savoir académique froid et vide de sens, peuples en ré-savoir académique froid et vide de sens, peuples en ré-volte contre leurs tyrans ou leurs oligarchies, militants et volte contre leurs tyrans ou leurs oligarchies, militants et activistes révoltés par toutes les formes d’injustice, etc. activistes révoltés par toutes les formes d’injustice, etc.

De l’AssociationDe l’Association

La forme la plus générale de ces multiples types de La forme la plus générale de ces multiples types de mobilisation est celle de l’association. De l’ad-sociation, mobilisation est celle de l’association. De l’ad-sociation, pourrait-on dire. De ce geste par lequel on décide de sor-pourrait-on dire. De ce geste par lequel on décide de sor-tir de son quant à soi, de son « idiotie » au sens originel tir de son quant à soi, de son « idiotie » au sens originel du terme, pour faire en sorte qu’il y ait du rapport social du terme, pour faire en sorte qu’il y ait du rapport social

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plutôt que rien, pour faire advenir de la sociation – de plutôt que rien, pour faire advenir de la sociation – de l’être-ensemble, de la con-vivialité –, en donnant de son l’être-ensemble, de la con-vivialité –, en donnant de son temps, de son énergie, de sa personne et de ses ressour-temps, de son énergie, de sa personne et de ses ressour-ces à une cause ou une raison d’agir qui fait émerger du ces à une cause ou une raison d’agir qui fait émerger du commun. Les sujets humains ne sont pas seulement des commun. Les sujets humains ne sont pas seulement des individusindividus, n’éprouvant d’intérêt que pour eux-mêmes et , n’éprouvant d’intérêt que pour eux-mêmes et mutuellement indifférents. Ils sont aussi des mutuellement indifférents. Ils sont aussi des personnespersonnes, , liées par des relations d’interconnaissance à d’autres per-liées par des relations d’interconnaissance à d’autres per-sonnes concrètes à travers toute une série de dons, de sonnes concrètes à travers toute une série de dons, de dettes et de créances. Ils sont encore des dettes et de créances. Ils sont encore des citoyens citoyens ou ou des des croyantscroyants, membres d’une grande société qui crée du , membres d’une grande société qui crée du commun, politique ou/et religieux entre une infinité de commun, politique ou/et religieux entre une infinité de personnes qui ne se connaîtront et ne se rencontreront personnes qui ne se connaîtront et ne se rencontreront jamais. Ils sont, enfin, des jamais. Ils sont, enfin, des êtres humains génériquesêtres humains génériques, , membres de l’espèce humaine et partageant un sentiment membres de l’espèce humaine et partageant un sentiment de commune humanité. de commune humanité.

À chacune de ces trois dernières échelles du sujet cor-À chacune de ces trois dernières échelles du sujet cor-respond une forme et une échelle associative caractéris-respond une forme et une échelle associative caractéris-tique : à l’échelle des personnes, les associations à but tique : à l’échelle des personnes, les associations à but non lucratif, les coopératives, les mutuelles, etc., gèrent non lucratif, les coopératives, les mutuelles, etc., gèrent des des biens communsbiens communs. Les États ou les Églises, instances . Les États ou les Églises, instances de l’association des citoyens ou des croyants, et, en deçà, de l’association des citoyens ou des croyants, et, en deçà, les partis, les sectes ou les chapelles, les très grandes les partis, les sectes ou les chapelles, les très grandes associations, les fondations, s’occupent du associations, les fondations, s’occupent du bien publicbien public. . Organismes internationaux, ONG, réseaux de militance Organismes internationaux, ONG, réseaux de militance par internet, en influant sur la formation de l’opinion par internet, en influant sur la formation de l’opinion publique internationale, etc., posent la question de la pré-publique internationale, etc., posent la question de la pré-servation des servation des biens communs de l’humanitébiens communs de l’humanité. Entre ces . Entre ces trois échelles et ces trois nivaux d’intervention, auxquels trois échelles et ces trois nivaux d’intervention, auxquels correspondent différentes formes de la richesse, privée, correspondent différentes formes de la richesse, privée, commune, publique, mondiale, il existe, bien sûr, de commune, publique, mondiale, il existe, bien sûr, de nombreux chevauchements. nombreux chevauchements.

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Formulé de la manière la plus générale possible il ap-Formulé de la manière la plus générale possible il ap-paraît que l’acteur central du convivialisme est la société paraît que l’acteur central du convivialisme est la société civile associationniste, autrement dit l’ensemble des or-civile associationniste, autrement dit l’ensemble des or-ganisations supra-individuelles et supra-familiales qui ne ganisations supra-individuelles et supra-familiales qui ne sont pas mues d’abord par la recherche de l’intérêt finan-sont pas mues d’abord par la recherche de l’intérêt finan-cier individuel ou privé et qui agissent en vue du bien cier individuel ou privé et qui agissent en vue du bien commun à une autre échelle et selon d’autres modalités commun à une autre échelle et selon d’autres modalités que les États. Tel était l’idéal du socialisme association-que les États. Tel était l’idéal du socialisme association-niste français qu’il faut maintenant reprendre et revivifier niste français qu’il faut maintenant reprendre et revivifier en le reformulant à l’aune des bouleversements du monde. en le reformulant à l’aune des bouleversements du monde. Les deux grandes idéologies démocratiques de la moder-Les deux grandes idéologies démocratiques de la moder-nité, libéralisme et socialisme, se sont présentées comme nité, libéralisme et socialisme, se sont présentées comme les championnes, respectivement, du Marché et de l’État. les championnes, respectivement, du Marché et de l’État. Le convivialisme, sans nier la légitimité ni du Marché Le convivialisme, sans nier la légitimité ni du Marché ni de l’État entend faire entrer en jeu, en deçà et au-delà ni de l’État entend faire entrer en jeu, en deçà et au-delà du Marché et de l’État, la société elle-même. Mais la du Marché et de l’État, la société elle-même. Mais la société ne peut devenir acteur qu’à travers les multiples société ne peut devenir acteur qu’à travers les multiples associations qui lui donnent forme, voix et visage. Et elle associations qui lui donnent forme, voix et visage. Et elle est à la fois locale, territoriale, régionale, infranationale, est à la fois locale, territoriale, régionale, infranationale, nationale ou supranationale. nationale ou supranationale.

Le combat politique principal à mener désormais est Le combat politique principal à mener désormais est celui de la conquête par la société civile associationnis-celui de la conquête par la société civile associationnis-te de son autonomie effective vis-à-vis du Marché et de te de son autonomie effective vis-à-vis du Marché et de l’État. Combat dont il convient de ne pas sous-estimer la l’État. Combat dont il convient de ne pas sous-estimer la difficulté ni les ambiguïtés. Les associations ne sont en difficulté ni les ambiguïtés. Les associations ne sont en effet ni plus vertueuses ni plus efficaces par nature que effet ni plus vertueuses ni plus efficaces par nature que les administrations étatiques ou les entreprises. Et leur les administrations étatiques ou les entreprises. Et leur dynamique spontanée peut fort bien se révéler tout à fait dynamique spontanée peut fort bien se révéler tout à fait insuffisante. Sans compter la menace permanente de leur insuffisante. Sans compter la menace permanente de leur corruption. C’est donc un jeu complexe qu’il s’agit d’ins-corruption. C’est donc un jeu complexe qu’il s’agit d’ins-taurer entre les divers acteurs, États, administrations, taurer entre les divers acteurs, États, administrations, entreprises, partis politiques, ONG, etc. De même que entreprises, partis politiques, ONG, etc. De même que le rôle de l’État instituteur est de former des individus le rôle de l’État instituteur est de former des individus

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suffisamment autonomes pour devenir des citoyens capa-suffisamment autonomes pour devenir des citoyens capa-bles d’agir par eux-mêmes, et au besoin contre lui, pour bles d’agir par eux-mêmes, et au besoin contre lui, pour le rappeler à ses devoirs et, ainsi, le faire vivre, de même le rappeler à ses devoirs et, ainsi, le faire vivre, de même les États, ou les partis candidats à l’exercice du pouvoir les États, ou les partis candidats à l’exercice du pouvoir d’État, doivent mener vis-à-vis du monde associatif, for-d’État, doivent mener vis-à-vis du monde associatif, for-mel ou informel, une politique non instrumentalisante qui mel ou informel, une politique non instrumentalisante qui permette son autonomisation maximale. Condition permette son autonomisation maximale. Condition sine sine qua nonqua non pour qu’il soit en mesure de donner en retour à pour qu’il soit en mesure de donner en retour à la démocratie. Dans les pays où l’État est trop faible, les la démocratie. Dans les pays où l’État est trop faible, les nébuleuses associatives ont à jouer un rôle d’accoucheur. nébuleuses associatives ont à jouer un rôle d’accoucheur. Dans ceux où il est trop fort, il lui faut apprendre à se Dans ceux où il est trop fort, il lui faut apprendre à se dessaisir d’une partie de sa puissance sans renoncer à ses dessaisir d’une partie de sa puissance sans renoncer à ses fonctions propres en les bradant au secteur marchand ou à fonctions propres en les bradant au secteur marchand ou à des associations inféodées. Cette radicalisation démocra-des associations inféodées. Cette radicalisation démocra-tique passe par l’adossement de la démocratie représen-tique passe par l’adossement de la démocratie représen-tative à des formes de démocratie participative et directe tative à des formes de démocratie participative et directe permettant le jeu d’une contre-démocratie. permettant le jeu d’une contre-démocratie.

Les associations du secteur de l’économie sociale et Les associations du secteur de l’économie sociale et solidaire, coopératives, mutuelles, etc. sont pour leur part solidaire, coopératives, mutuelles, etc. sont pour leur part les acteurs d’une contre-démocratie économique qui joue-les acteurs d’une contre-démocratie économique qui joue-ra nécessairement un rôle central dans le cadre d’un état ra nécessairement un rôle central dans le cadre d’un état économique stationnaire dynamique. économique stationnaire dynamique.

Mais la condition majeure pour que le monde asso-Mais la condition majeure pour que le monde asso-ciatif conquière sa pleine autonomie et que l’aspiration au ciatif conquière sa pleine autonomie et que l’aspiration au convivialisme ne tourne pas au cauchemar technocratique convivialisme ne tourne pas au cauchemar technocratique ou à la dictature moralisatrice des économies forcées et ou à la dictature moralisatrice des économies forcées et de la sobriété imposée, c’est de bien comprendre que la de la sobriété imposée, c’est de bien comprendre que la valeur centrale de la société civile associationniste ne peut valeur centrale de la société civile associationniste ne peut être que la recherche et la valorisation de la gratuité. être que la recherche et la valorisation de la gratuité.

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Gratuité et lutte contre la quantophrénieGratuité et lutte contre la quantophrénie

En arrière-plan de la discussion autour du statut de En arrière-plan de la discussion autour du statut de la croissance économique et du point de savoir si l’on la croissance économique et du point de savoir si l’on peut se passer d’elle et renoncer au désir d’amasser tou-peut se passer d’elle et renoncer au désir d’amasser tou-jours plus de richesses matérielles ou monétaires, il y a jours plus de richesses matérielles ou monétaires, il y a un débat latent, encore trop peu avancé, autour de l’idée un débat latent, encore trop peu avancé, autour de l’idée même de richesse. L’espoir placé dans les indicateurs de même de richesse. L’espoir placé dans les indicateurs de richesse alternatifs procède de la certitude ou du pari que richesse alternatifs procède de la certitude ou du pari que ce que l’on perd, ou devrait perdre, en croissance du PIB ce que l’on perd, ou devrait perdre, en croissance du PIB puisse être compensé par l’accroissement d’autres formes puisse être compensé par l’accroissement d’autres formes de richesse. Ou, pour le dire autrement, qu’une certaine de richesse. Ou, pour le dire autrement, qu’une certaine stagnation de la croissance quantitative, corrélative à l’en-stagnation de la croissance quantitative, corrélative à l’en-trée dans un état économique stationnaire dynamique, trée dans un état économique stationnaire dynamique, aille de pair avec une croissance qualitative.aille de pair avec une croissance qualitative.

Mais ce débat manque encore de clarté en raison de Mais ce débat manque encore de clarté en raison de l’incertitude qui subsiste sur l’idée même de richesse. La l’incertitude qui subsiste sur l’idée même de richesse. La richesse est-elle identique à l’opulence, à la prospérité, au richesse est-elle identique à l’opulence, à la prospérité, au bien-être, au bonheur, au désirable, etc. ? Une des raisons bien-être, au bonheur, au désirable, etc. ? Une des raisons de l’obscurité de cette discussion est que nous oscillons de l’obscurité de cette discussion est que nous oscillons entre deux conceptions de la richesse. Une conception entre deux conceptions de la richesse. Une conception étroite mais facile à cerner : celle qui identifie la richesse étroite mais facile à cerner : celle qui identifie la richesse à la richesse monétaire. Une conception large, beaucoup à la richesse monétaire. Une conception large, beaucoup plus riche, si l’on ose dire, d’autant plus difficile à cerner plus riche, si l’on ose dire, d’autant plus difficile à cerner qu’elle est presque totalement parasitée aujourd’hui par la qu’elle est presque totalement parasitée aujourd’hui par la première, et qui peut sembler paradoxale, pour laquelle première, et qui peut sembler paradoxale, pour laquelle la richesse n’est rien d’autre que la gratuité, la quantité la richesse n’est rien d’autre que la gratuité, la quantité ou la part de gratuité, de grâce, de gracieux, de désirable ou la part de gratuité, de grâce, de gracieux, de désirable obtenu sans peine auxquelles il nous est permis ou donné obtenu sans peine auxquelles il nous est permis ou donné d’accéder. d’accéder.

D’une certaine manière, le profit monétaire est l’ex-D’une certaine manière, le profit monétaire est l’ex-pression monétaire, concrète, palpable, de cette idée plus pression monétaire, concrète, palpable, de cette idée plus générale et ineffable de la richesse générale. Le profit générale et ineffable de la richesse générale. Le profit

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n’est-il pas en effet ce qui vient n’est-il pas en effet ce qui vient de surcroîtde surcroît, une fois rému-, une fois rému-nérés tous les facteurs de production, du travail dépensé, nérés tous les facteurs de production, du travail dépensé, des matières premières achetées, du capital accumulé ? des matières premières achetées, du capital accumulé ? Une sorte de petit miracle économique, en somme. Ainsi Une sorte de petit miracle économique, en somme. Ainsi en va-t-il de la richesse en général, de l’idée même de en va-t-il de la richesse en général, de l’idée même de richesse, qui renvoie à cette abondance gratuite, à cette richesse, qui renvoie à cette abondance gratuite, à cette part du désirable qui n’est pas annulée par les efforts pé-part du désirable qui n’est pas annulée par les efforts pé-nibles que nous avons déployés pour y accéder. Cette part nibles que nous avons déployés pour y accéder. Cette part de vie que l’on n’a pas perdue à la gagner. de vie que l’on n’a pas perdue à la gagner.

On pourrait ramasser toutes ces considérations dans On pourrait ramasser toutes ces considérations dans deux définitions de la richesse. Une définition étroite et deux définitions de la richesse. Une définition étroite et une définition large.une définition large.

Définition étroiteDéfinition étroite, qui ne surprendra guère : est riche , qui ne surprendra guère : est riche celui qui possède beaucoup de signes de richesse recon-celui qui possède beaucoup de signes de richesse recon-nus comme tels. En clair, et aujourd’hui : est riche celui nus comme tels. En clair, et aujourd’hui : est riche celui qui a beaucoup d’argent ! qui a beaucoup d’argent !

Définition largeDéfinition large : est riche celui qui jouit de nombreu- : est riche celui qui jouit de nombreu-ses gratuités, sait les recevoir et les reconnaître comme ses gratuités, sait les recevoir et les reconnaître comme telles, et en prodiguer à son tour. telles, et en prodiguer à son tour.

Tous les débats sur la richesse portent en dernière Tous les débats sur la richesse portent en dernière analyse sur les relations entre ces deux acceptions. Dans analyse sur les relations entre ces deux acceptions. Dans quelle mesure la possession de la richesse au sens étroit, quelle mesure la possession de la richesse au sens étroit, la possession de beaucoup d’argent, est-elle la condition la possession de beaucoup d’argent, est-elle la condition d’accès à la gratuité, reçue et donnée ? Et réciproquement d’accès à la gratuité, reçue et donnée ? Et réciproquement d’ailleurs.d’ailleurs.

L’utilitarisme sous-jacent aux idéologies démocrati-L’utilitarisme sous-jacent aux idéologies démocrati-ques modernes, libéralisme, socialisme, communisme ou ques modernes, libéralisme, socialisme, communisme ou anarchisme, les conduit presque mécaniquement à pos-anarchisme, les conduit presque mécaniquement à pos-tuler que la richesse entendue au sens étroit, la richesse tuler que la richesse entendue au sens étroit, la richesse monétaire, le PIB, est la condition de l’accès à la richesse monétaire, le PIB, est la condition de l’accès à la richesse au sens large. De moyen, du coup, elle en devient insensi-au sens large. De moyen, du coup, elle en devient insensi-blement le but même. Or, c’est désormais, de plus en plus blement le but même. Or, c’est désormais, de plus en plus le contraire qui s’avère. La subordination de toute l’exis-le contraire qui s’avère. La subordination de toute l’exis-

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tence sociale à la nécessité d’accroître sans cesse le PIB tence sociale à la nécessité d’accroître sans cesse le PIB fait disparaître le sens même et le plaisir de l’existence en fait disparaître le sens même et le plaisir de l’existence en annulant toute dimension de gratuité alors que c’est elle annulant toute dimension de gratuité alors que c’est elle qui constitue la vraie richesse. qui constitue la vraie richesse.

Cette annihilation tendancielle de la gratuité – la di-Cette annihilation tendancielle de la gratuité – la di-minution tendancielle du taux de gratuité – se poursuit minution tendancielle du taux de gratuité – se poursuit selon deux lignes parallèles. L’une, évidente, et l’autre, selon deux lignes parallèles. L’une, évidente, et l’autre, beaucoup moins visible, mais plus redoutable encore. beaucoup moins visible, mais plus redoutable encore.

La première, évidente, concerne la disparition des La première, évidente, concerne la disparition des gratuités qui résulte de la privatisation désormais systé-gratuités qui résulte de la privatisation désormais systé-matique des biens communs. On ne saurait mieux me-matique des biens communs. On ne saurait mieux me-surer l’ampleur et l’enjeu du problème ainsi posé qu’en surer l’ampleur et l’enjeu du problème ainsi posé qu’en rappelant l’état d’esprit qui a dominé dans le monde, du rappelant l’état d’esprit qui a dominé dans le monde, du lendemain de la Seconde Guerre mondiale aux années lendemain de la Seconde Guerre mondiale aux années 1970-1980, et qu’avait initié avec force le 10 mai 1944, 1970-1980, et qu’avait initié avec force le 10 mai 1944, à Philadelphie, la première déclaration internationale des à Philadelphie, la première déclaration internationale des droits à vocation universelle qui fixait les objectifs gé-droits à vocation universelle qui fixait les objectifs gé-néraux de l’Organisation internationale du travail (néraux de l’Organisation internationale du travail (OITOIT). ). Déclaration suivie en 1948 de la Déclaration universelle Déclaration suivie en 1948 de la Déclaration universelle des Droits de l’homme. Dans le sillage du grand discours des Droits de l’homme. Dans le sillage du grand discours de Franklin Roosevelt de 1941 sur les quatre libertés, de Franklin Roosevelt de 1941 sur les quatre libertés, freedom of speechfreedom of speech, , freedom of religionfreedom of religion, , freedom from freedom from wantwant, , freedom from fearfreedom from fear, la Déclaration de Philadelphie , la Déclaration de Philadelphie disposait, en son article II : « Tous les êtres humains, disposait, en son article II : « Tous les êtres humains, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, quels que soient leur race, leur croyance ou leur sexe, ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur ont le droit de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales. » De la sécurité économique et avec des chances égales. » De tels principes impliquaient que soit rendu commun – et tels principes impliquaient que soit rendu commun – et donc à des degrés divers plus ou moins gratuitsdonc à des degrés divers plus ou moins gratuits, i..e., i..e. non non marchands –, l’accès au savoir, à la santé, à la protection marchands –, l’accès au savoir, à la santé, à la protection contre le chômage ou l’impuissance de la vieillesse, etc. contre le chômage ou l’impuissance de la vieillesse, etc. En un mot, tout ce qui concourt à l’affirmation incondi-En un mot, tout ce qui concourt à l’affirmation incondi-

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tionnelle de la dignité humaine, collectivement ou en la tionnelle de la dignité humaine, collectivement ou en la personne de chaque individu, devait, dans la mesure du personne de chaque individu, devait, dans la mesure du possible, relever du commun et du gratuit. Dans cette possible, relever du commun et du gratuit. Dans cette optique, le progrès de l’humanité passait par le dévelop-optique, le progrès de l’humanité passait par le dévelop-pement conjoint du bien-être matériel des individus et des pement conjoint du bien-être matériel des individus et des gratuités communes. Le convivialisme devra nécessaire-gratuités communes. Le convivialisme devra nécessaire-ment renouer avec ses principes. Que formulait aussi à sa ment renouer avec ses principes. Que formulait aussi à sa manière le Programme de la Résistance en France. C’est manière le Programme de la Résistance en France. C’est ce qu’affirme avec force le mouvement altermondialiste. ce qu’affirme avec force le mouvement altermondialiste.

Mais la déferlante néolibérale impulsée par le capita-Mais la déferlante néolibérale impulsée par le capita-lisme rentier et spéculatif ne se borne pas à liquider les lisme rentier et spéculatif ne se borne pas à liquider les biens communs et la gratuité qui leur est associée. Elle biens communs et la gratuité qui leur est associée. Elle installe une forme de discipline et de contrôle social gé-installe une forme de discipline et de contrôle social gé-néralisés qui passe par la quantification systématique et néralisés qui passe par la quantification systématique et désormais obligée de toutes les pratiques sociales. Une désormais obligée de toutes les pratiques sociales. Une nouvelle raison du monde. La norme financière impose nouvelle raison du monde. La norme financière impose la monétarisation de tout ce qui peut-être monétarisé de la monétarisation de tout ce qui peut-être monétarisé de manière à pouvoir évaluer le plus précisément et le plus manière à pouvoir évaluer le plus précisément et le plus rapidement possible la plus-value potentielle qu’il serait rapidement possible la plus-value potentielle qu’il serait possible d’en retirer. Mais le plus inquiétant est que dé-possible d’en retirer. Mais le plus inquiétant est que dé-sormais le reste des activités sociales, tout ce qui n’est sormais le reste des activités sociales, tout ce qui n’est pas encore transformé en marchandise, monétarisable, pas encore transformé en marchandise, monétarisable, achetable et vendable, est sommé de faire la preuve de achetable et vendable, est sommé de faire la preuve de son utilité sociale quantifiable et doit donc pour cela se son utilité sociale quantifiable et doit donc pour cela se transformer en quasi-marchandise. Toute la gestion des transformer en quasi-marchandise. Toute la gestion des entreprises s’organise ainsi autour du entreprises s’organise ainsi autour du reportingreporting, , i.e. i.e. de de l’obligation faite à chaque salarié de rendre compte du l’obligation faite à chaque salarié de rendre compte du degré auquel il a accompli les objectifs quantitatifs qui lui degré auquel il a accompli les objectifs quantitatifs qui lui sont assignés. Et, pour cela, de quantifier et mesurer à sont assignés. Et, pour cela, de quantifier et mesurer à son tour l’ensemble de ses actions. Dans l’administration, son tour l’ensemble de ses actions. Dans l’administration, un peu partout, le un peu partout, le New Public ManagementNew Public Management – en France – en France la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) –, la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) –, soumet l’ensemble de la fonction publique, nationale ou soumet l’ensemble de la fonction publique, nationale ou

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territoriale à une logique comparable, même là où, com-territoriale à une logique comparable, même là où, com-me c’est le plus souvent le cas, les indices quantitatifs me c’est le plus souvent le cas, les indices quantitatifs d’efficacité utilisés sont largement arbitraires et contre-d’efficacité utilisés sont largement arbitraires et contre-productifs. productifs.

La même chose vaut, de manière plus générale, pour La même chose vaut, de manière plus générale, pour le monde associatif et pour celui de l’économie sociale et le monde associatif et pour celui de l’économie sociale et solidaire, sommés eux aussi de se plier à un solidaire, sommés eux aussi de se plier à un reportingreporting et à et à un un benchmarkingbenchmarking quantitatifs systématiques dès lors qu’ils quantitatifs systématiques dès lors qu’ils dépendent des subventions. Et même, d’ailleurs, quand ils dépendent des subventions. Et même, d’ailleurs, quand ils n’en dépendent guère. Le poids de l’isomorphisme insti-n’en dépendent guère. Le poids de l’isomorphisme insti-tutionnel et de la légitimité des normes de gestion ensei-tutionnel et de la légitimité des normes de gestion ensei-gnées par les écoles de gestion ou les cabinets d’audit est gnées par les écoles de gestion ou les cabinets d’audit est tel, en effet, que ces univers, eux aussi, se soumettent tel, en effet, que ces univers, eux aussi, se soumettent d’eux-mêmes à la nouvelle raison du monde. d’eux-mêmes à la nouvelle raison du monde.

Il n’est pas besoin de beaucoup extrapoler ces tendan-Il n’est pas besoin de beaucoup extrapoler ces tendan-ces aujourd’hui dominantes dans toutes les organisations, ces aujourd’hui dominantes dans toutes les organisations, pour imaginer nos sociétés transformées en de gigantes-pour imaginer nos sociétés transformées en de gigantes-ques panoptiques, dans lesquels chacun se verrait affecté ques panoptiques, dans lesquels chacun se verrait affecté d’une note globale d’utilité sociale, résultat agrégé de ses d’une note globale d’utilité sociale, résultat agrégé de ses scores d’efficacité dans toute une série de domaines. Ces scores d’efficacité dans toute une série de domaines. Ces sociétés panoptiques, véritables totalitarismes à l’envers, sociétés panoptiques, véritables totalitarismes à l’envers, terreur apparente en moins – au cœur en tout cas de l’em-terreur apparente en moins – au cœur en tout cas de l’em-pire du bien utilitaire –, se présenteront sous les traits de pire du bien utilitaire –, se présenteront sous les traits de la démocratie et de la justice enfin réalisées dans la trans-la démocratie et de la justice enfin réalisées dans la trans-parence absolue. Chacun n’y sera-t-il pas récompensé se-parence absolue. Chacun n’y sera-t-il pas récompensé se-lon son mérite et son efficacité ? Et n’obtiendra-t-il pas un lon son mérite et son efficacité ? Et n’obtiendra-t-il pas un quantum de reconnaissance parfaitement objectif ? quantum de reconnaissance parfaitement objectif ?

Dans un tel univers, il ne subsisterait plus la moindre Dans un tel univers, il ne subsisterait plus la moindre parcelle de gratuité. Aucune activité ne serait faite pour parcelle de gratuité. Aucune activité ne serait faite pour elle-même. Tout le serait en vue d’obtenir un bon indice elle-même. Tout le serait en vue d’obtenir un bon indice d’utilité sociale. À commencer, peut-être, par un bon in-d’utilité sociale. À commencer, peut-être, par un bon in-dice d’efficience écologique ou de responsabilité sociale, dice d’efficience écologique ou de responsabilité sociale, voire de correction morale et politique.voire de correction morale et politique.

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C’est ici qu’il faut se montrer particulièrement vigilant C’est ici qu’il faut se montrer particulièrement vigilant et prendre conscience que le plus grand danger qui guette et prendre conscience que le plus grand danger qui guette le convivialisme est qu’au nom de la pénurie des ressour-le convivialisme est qu’au nom de la pénurie des ressour-ces et du risque environnemental, il ne se transforme en ces et du risque environnemental, il ne se transforme en une dictature de la norme objective de bonne conduite une dictature de la norme objective de bonne conduite convivialiste. Cette dictature écologiste déployée pour les convivialiste. Cette dictature écologiste déployée pour les meilleures raisons du monde – le sauver, quelle meilleure meilleures raisons du monde – le sauver, quelle meilleure raison trouver ? – signerait la disparition de toute gratuité raison trouver ? – signerait la disparition de toute gratuité et donc de toute raison de vivre, d’habiter et d’aimer le et donc de toute raison de vivre, d’habiter et d’aimer le monde. monde.

Ou encore, elle parachèverait ce que le règne du néo-Ou encore, elle parachèverait ce que le règne du néo-libéralisme est en train de réaliser : la suppression des libéralisme est en train de réaliser : la suppression des motivations intrinsèquesmotivations intrinsèques de l’action au profit de ses seu- de l’action au profit de ses seu-les les motivations extrinsèquesmotivations extrinsèques. La disparition de tout ce . La disparition de tout ce que l’on fait par sens du devoir, par sympathie pour les que l’on fait par sens du devoir, par sympathie pour les autres ou par plaisir et goût du travail bien fait, au profit autres ou par plaisir et goût du travail bien fait, au profit de ce qui est accompli uniquement en vue d’obtenir une de ce qui est accompli uniquement en vue d’obtenir une récompense, indifférente à la nature particulière de l’ac-récompense, indifférente à la nature particulière de l’ac-tivité : une récompense en termes de salaire, de pouvoir tivité : une récompense en termes de salaire, de pouvoir ou de prestige. Or, contrairement à ce qu’enseignent en-ou de prestige. Or, contrairement à ce qu’enseignent en-core nombre de gestionnaires, c’est cette part de don et core nombre de gestionnaires, c’est cette part de don et de gratuité, ce sont les motivations intrinsèques beaucoup de gratuité, ce sont les motivations intrinsèques beaucoup plus que les motivations extrinsèques qui déterminent lar-plus que les motivations extrinsèques qui déterminent lar-gement l’efficacité des organisations. Et, gement l’efficacité des organisations. Et, a fortioria fortiori, dans , dans le champ de la société civile associationniste dont la rai-le champ de la société civile associationniste dont la rai-son d’être est justement de maintenir vivaces le sens du son d’être est justement de maintenir vivaces le sens du devoir, la solidarité et le plaisir d’agir ensemble pour une devoir, la solidarité et le plaisir d’agir ensemble pour une cause commune. cause commune.

Sans cette part de gratuité et de jeu, d’indétermina-Sans cette part de gratuité et de jeu, d’indétermina-tion, l’univers physique sera peut-être sauvé. Mais le sens tion, l’univers physique sera peut-être sauvé. Mais le sens et le goût de la vie seront perdus et le monde humain et le goût de la vie seront perdus et le monde humain s’effondrera.s’effondrera.

CONCLUSION CONCLUSION

POUR RÉAMORCER LE PROCESSUS DE CIVILISATIONPOUR RÉAMORCER LE PROCESSUS DE CIVILISATION

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On se moquait ou s’offusquait hier encore du mot même On se moquait ou s’offusquait hier encore du mot même de civilisation. N’a-t-il pas avant tout servi de masque et de civilisation. N’a-t-il pas avant tout servi de masque et d’alibi au racisme et au colonialisme ? Et justifié toutes d’alibi au racisme et au colonialisme ? Et justifié toutes les hiérarchies sociales instituées en son nom ? Pourtant, les hiérarchies sociales instituées en son nom ? Pourtant, le défi de l’humanité est bien de trouver une réponse pé-le défi de l’humanité est bien de trouver une réponse pé-renne à la question de savoir comment vivre ensemble en renne à la question de savoir comment vivre ensemble en s’opposant sans se massacrer. En surmontant ses haines et s’opposant sans se massacrer. En surmontant ses haines et ses folies meurtrières. Ce défi qui est celui du convivia-ses folies meurtrières. Ce défi qui est celui du convivia-lisme passe par la redéfinition d’un idéal civilisationnel. lisme passe par la redéfinition d’un idéal civilisationnel. Nous n’avons plus le choix. Il nous faut maintenant le Nous n’avons plus le choix. Il nous faut maintenant le réaliser pleinement ou disparaître. Convivialisme ou bar-réaliser pleinement ou disparaître. Convivialisme ou bar-barie. Civilisation (pour de bon) ou disparition. barie. Civilisation (pour de bon) ou disparition.

Vœu pieux, pari irénique et irréaliste ? On pourrait le Vœu pieux, pari irénique et irréaliste ? On pourrait le croire à en rester à la contemplation du XXcroire à en rester à la contemplation du XXee siècle. Peut- siècle. Peut-être l’histoire tout entière n’a-t-elle jamais été que bruit et être l’histoire tout entière n’a-t-elle jamais été que bruit et fureur. Un conte narré par un idiot, vide de sens, et pleine fureur. Un conte narré par un idiot, vide de sens, et pleine de meurtres, de guerres et de massacres. Mais jamais on de meurtres, de guerres et de massacres. Mais jamais on ne s’est attaqué aussi frontalement à l’idéal même de la ci-ne s’est attaqué aussi frontalement à l’idéal même de la ci-vilisation que ne l’ont fait les totalitarismes, le nazisme, le vilisation que ne l’ont fait les totalitarismes, le nazisme, le communisme ou le fascisme, en réduisant l’homme à ne communisme ou le fascisme, en réduisant l’homme à ne pouvoir choisir qu’entre le rôle de marionnette idéologique pouvoir choisir qu’entre le rôle de marionnette idéologique ou celui de victime sacrificielle. Le propre de ces tota-ou celui de victime sacrificielle. Le propre de ces tota-litarismes est d’avoir entrepris de répudier radicalement, litarismes est d’avoir entrepris de répudier radicalement, chacun à sa façon, tout le travail de civilisation accompli chacun à sa façon, tout le travail de civilisation accompli depuis des millénaires. Et de répudier du même pas toute depuis des millénaires. Et de répudier du même pas toute dimension de naturalité ou de spontanéité dans l’existence dimension de naturalité ou de spontanéité dans l’existence humaine au profit d’une vision intégralement artificialiste humaine au profit d’une vision intégralement artificialiste de l’Homme, de l’Histoire et de la société. La société et de l’Homme, de l’Histoire et de la société. La société et

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l’homme totalitaires, en prétendant s’inventer de toutes l’homme totalitaires, en prétendant s’inventer de toutes pièces, dans le fantasme d’une liberté absolue, se sont pièces, dans le fantasme d’une liberté absolue, se sont conçus hors nature, hors histoire et hors culture. Et donc conçus hors nature, hors histoire et hors culture. Et donc contre la nature, l’histoire et la culture héritées.contre la nature, l’histoire et la culture héritées.

Célébrant la grandeur de la civilisation japonaise Célébrant la grandeur de la civilisation japonaise Claude Lévi-Strauss écrivait : « Pour vivre dans le pré-Claude Lévi-Strauss écrivait : « Pour vivre dans le pré-sent, il n’est pas nécessaire de haïr et de détruire le passé. sent, il n’est pas nécessaire de haïr et de détruire le passé. Il n’est pas d’œuvre de culture digne de ce nom qui ne Il n’est pas d’œuvre de culture digne de ce nom qui ne fasse sa place à l’amour de la nature et à son respect. » fasse sa place à l’amour de la nature et à son respect. » Le convivialisme, au contraire des totalitarismes d’hier Le convivialisme, au contraire des totalitarismes d’hier et du totalitarisme à l’envers d’aujourd’hui, reconnaît et et du totalitarisme à l’envers d’aujourd’hui, reconnaît et accueille comme tels les dons de la nature comme ceux accueille comme tels les dons de la nature comme ceux des cultures passées. Les dons de la tradition et ceux des des cultures passées. Les dons de la tradition et ceux des non-humains. Non pour se figer dans cette acceptation et, non-humains. Non pour se figer dans cette acceptation et, moins encore, pour retourner en arrière, mais, au contrai-moins encore, pour retourner en arrière, mais, au contrai-re, pour démultiplier les possibles dans une réversibilité re, pour démultiplier les possibles dans une réversibilité permanente entre passé et avenir, nature et culture. Seule permanente entre passé et avenir, nature et culture. Seule une telle démultiplication des possibilités d’accomplisse-une telle démultiplication des possibilités d’accomplisse-ment ouvertes aux sujets pourra se substituer à la pers-ment ouvertes aux sujets pourra se substituer à la pers-pective d’une croissance infinie en évitant de retomber pective d’une croissance infinie en évitant de retomber dans la projection de la haine, qui ne peut conduire qu’à dans la projection de la haine, qui ne peut conduire qu’à la guerre générale, ou dans son introjection, qui ne peut la guerre générale, ou dans son introjection, qui ne peut conduire qu’au despotisme. La seule alternative, la tierce conduire qu’au despotisme. La seule alternative, la tierce solution, est de faire confiance à l’esprit du don et de la solution, est de faire confiance à l’esprit du don et de la démocratie en choisissant de s’engager résolument dans démocratie en choisissant de s’engager résolument dans la voie de la construction d’une démocratie universalisa-la voie de la construction d’une démocratie universalisa-ble, choisie pour elle-même et non, en premier lieu, pour ble, choisie pour elle-même et non, en premier lieu, pour favoriser un enrichissement matériel individuel sans limi-favoriser un enrichissement matériel individuel sans limi-tes. Une démocratie qui repose sur la priorité accordée tes. Une démocratie qui repose sur la priorité accordée à la question de savoir comment bien vivre ensemble et à la question de savoir comment bien vivre ensemble et sauver la Nature, ce qui est indispensable à la survie du sauver la Nature, ce qui est indispensable à la survie du monde, et qui lui subordonne la gestion de l’économie, au monde, et qui lui subordonne la gestion de l’économie, au lieu de s’y dissoudrelieu de s’y dissoudre

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Trente ou quarante ans après la fin de la Deuxième Trente ou quarante ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, alors que la démocratie était revenue et Guerre mondiale, alors que la démocratie était revenue et que la dynamique de la civilisation semblait avoir repris que la dynamique de la civilisation semblait avoir repris son cours, le néolibéralisme a impulsé un totalitarisme son cours, le néolibéralisme a impulsé un totalitarisme à l’envers et enclenché un nouveau processus de dé-ci-à l’envers et enclenché un nouveau processus de dé-ci-vilisation, en réduisant l’homme au statut de mannequin vilisation, en réduisant l’homme au statut de mannequin économique, replié sur ses seuls intérêts matériels et in-économique, replié sur ses seuls intérêts matériels et in-différent aux autres. Un mannequin économique lancé, différent aux autres. Un mannequin économique lancé, d’une part, dans une course échevelée à la reconnais-d’une part, dans une course échevelée à la reconnais-sance illimitée à travers une dynamique de consommation sance illimitée à travers une dynamique de consommation ostentatoire sans fin (et même sans faim), et désormais ostentatoire sans fin (et même sans faim), et désormais sommé, d’autre part, d’apporter à tout moment la preuve sommé, d’autre part, d’apporter à tout moment la preuve de son utilité économique et sociale en se conformant à de son utilité économique et sociale en se conformant à d‘illusoires indicateurs ou indices d’efficacité quantifiée. d‘illusoires indicateurs ou indices d’efficacité quantifiée.

Cet état de dé-civilisation dans lequel nous nous trou-Cet état de dé-civilisation dans lequel nous nous trou-vons ne nous permet plus de nous opposer à la montée en vons ne nous permet plus de nous opposer à la montée en toute-puissance de l’hyperfinance, des mafias, du crime toute-puissance de l’hyperfinance, des mafias, du crime organisé, et à la dévastation de la planète. Notre seule organisé, et à la dévastation de la planète. Notre seule chance de salut est donc de renouer avec l’idéal civili-chance de salut est donc de renouer avec l’idéal civili-sationnel. D’enclencher un processus de re-civilisation. sationnel. D’enclencher un processus de re-civilisation. Mais qui n’apparaisse plus comme l’argument qu’une par-Mais qui n’apparaisse plus comme l’argument qu’une par-tie de l’humanité fait valoir contre le restant pour asseoir tie de l’humanité fait valoir contre le restant pour asseoir et légitimer sa domination, mais au contraire, comme le et légitimer sa domination, mais au contraire, comme le résultat de l’effort commun de toute l’humanité, dans sa résultat de l’effort commun de toute l’humanité, dans sa diversité, pour s’arracher à ses fatalités.diversité, pour s’arracher à ses fatalités.

Un tel processus suppose de s’orienter progressive-Un tel processus suppose de s’orienter progressive-ment, à un rythme variable selon les régions du globe, ment, à un rythme variable selon les régions du globe, vers un état économique stationnaire dynamique, vers un état économique stationnaire dynamique, i.e.i.e. quantitativement et matériellement stable, mais qualitati-quantitativement et matériellement stable, mais qualitati-vement évolutif parce que systématiquement orienté vers vement évolutif parce que systématiquement orienté vers le progrès social, éthique et culturel. Vers l’accomplisse-le progrès social, éthique et culturel. Vers l’accomplisse-ment des personnes comme sujets pleinement humains et ment des personnes comme sujets pleinement humains et

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pas seulement comme des hommes économiques effica-pas seulement comme des hommes économiques effica-ces. Il suppose trois conditions principales : ces. Il suppose trois conditions principales :

- Une lutte délibérée contre la démesure, source de - Une lutte délibérée contre la démesure, source de toutes les corruptions, qui mette hors la Loi, au nom toutes les corruptions, qui mette hors la Loi, au nom du principe de commune humanité et de commune so-du principe de commune humanité et de commune so-cialité, tant l’extrême richesse que l’extrême pauvreté. cialité, tant l’extrême richesse que l’extrême pauvreté. Ceci suppose que soient instaurés conjointement, selon Ceci suppose que soient instaurés conjointement, selon les conditions locales, un revenu maximum et un revenu les conditions locales, un revenu maximum et un revenu minimum, et que soit systématiquement découragée la minimum, et que soit systématiquement découragée la déconnexion entre la finance spéculative et rentière et déconnexion entre la finance spéculative et rentière et l’économie réelle.l’économie réelle.

- La redéfinition des États-nations dans une perspec-- La redéfinition des États-nations dans une perspec-tive transnationale et transculturelle qui prenne comme tive transnationale et transculturelle qui prenne comme principe régulateur l’objectif de favoriser le maximum de principe régulateur l’objectif de favoriser le maximum de pluralisme culturel qui soit compatible avec leur maintien. pluralisme culturel qui soit compatible avec leur maintien. Ou encore, celui de viser la plus grande compatibilité Ou encore, celui de viser la plus grande compatibilité possible, dans chaque communauté politique, entre droit à possible, dans chaque communauté politique, entre droit à l’enracinement et droit au déracinement, entre l’égalité de l’enracinement et droit au déracinement, entre l’égalité de droit des diverses cultures et leurs inégalités de fait.droit des diverses cultures et leurs inégalités de fait.

- La conquête par la société civile associationniste, - La conquête par la société civile associationniste, locale, régionale, nationale ou transnationale, de sa pleine locale, régionale, nationale ou transnationale, de sa pleine autonomie et de sa souveraineté politique. Libéralisme autonomie et de sa souveraineté politique. Libéralisme et socialisme ont été les champions, respectivement, du et socialisme ont été les champions, respectivement, du Marché et de l’État. Le convivialisme parle au nom de la Marché et de l’État. Le convivialisme parle au nom de la Société elle-même, telle que représentée, mise en forme Société elle-même, telle que représentée, mise en forme et en actes par l’efflorescence des associations. . et en actes par l’efflorescence des associations. .

Cette voie, qui, à la fois compose et dépasse libéra-Cette voie, qui, à la fois compose et dépasse libéra-lisme, socialisme, anarchisme et communisme est assez lisme, socialisme, anarchisme et communisme est assez claire. Nécessaire. Possible et suffisante puisque intrin-claire. Nécessaire. Possible et suffisante puisque intrin-sèquement désirable. Mais elle n’a de chances d’être em-sèquement désirable. Mais elle n’a de chances d’être em-pruntée que si des millions, des dizaines ou des centai-pruntée que si des millions, des dizaines ou des centai-nes de millions d’hommes et de femmes se convainquent nes de millions d’hommes et de femmes se convainquent qu’elle est notre seule issue désirable possible et s’ils dé-qu’elle est notre seule issue désirable possible et s’ils dé-

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ploient pour l’imposer une ferveur démocratique quasi-ploient pour l’imposer une ferveur démocratique quasi-religieuse. Messianique, en un sens. Car il s’agit bien, en religieuse. Messianique, en un sens. Car il s’agit bien, en effet, pour l’humanité, de se sauver. Mais en sachant non effet, pour l’humanité, de se sauver. Mais en sachant non pas que « seul un Dieu peut nous sauver » (Heidegger), pas que « seul un Dieu peut nous sauver » (Heidegger), mais que seule l’humanité pourra se sauver elle-même et mais que seule l’humanité pourra se sauver elle-même et conjurer sa fin, même s’il lui faudra pour cela mobiliser conjurer sa fin, même s’il lui faudra pour cela mobiliser toutes les espérances et toutes les éthiques portées par toutes les espérances et toutes les éthiques portées par les grandes religions en les mettant en relation dialogique les grandes religions en les mettant en relation dialogique généralisée. généralisée.

De ce messianisme proprement politique quel pour-De ce messianisme proprement politique quel pour-rait être le déclencheur ? L’étincelle qui permettrait de rait être le déclencheur ? L’étincelle qui permettrait de relier les multiples luttes, les multiples expériences, les relier les multiples luttes, les multiples expériences, les multiples théorisations qui se font jour partout à travers multiples théorisations qui se font jour partout à travers la planète mais sans réussir jusqu’ici à suffisamment la planète mais sans réussir jusqu’ici à suffisamment converger pour peser de manière effective sur le cours du converger pour peser de manière effective sur le cours du monde ? Très probablement la conjonction d’un désastre, monde ? Très probablement la conjonction d’un désastre, économique, social ou écologique – économique, social économique, social ou écologique – économique, social etet écologique – et d’un sentiment d’indignation irrépressi- écologique – et d’un sentiment d’indignation irrépressi-ble. Mais la difficulté, énorme, sera alors d’éviter que la ble. Mais la difficulté, énorme, sera alors d’éviter que la catastrophe ne débouche sur des régressions archaïsantes catastrophe ne débouche sur des régressions archaïsantes et fascisantes ou sur des fuites en avant millénaristes ou et fascisantes ou sur des fuites en avant millénaristes ou révolutionnaristes. Qu’entre l’introjection ou la projection révolutionnaristes. Qu’entre l’introjection ou la projection de la haine, qui ne laissent de chance qu’au despotisme ou de la haine, qui ne laissent de chance qu’au despotisme ou à la guerre, une voie se trouve, viable tant économique-à la guerre, une voie se trouve, viable tant économique-ment que symboliquement, qui s’ouvre à l’approfondisse-ment que symboliquement, qui s’ouvre à l’approfondisse-ment et à l’universalisation de l’exigence démocratique. ment et à l’universalisation de l’exigence démocratique. Pour cela il faudra qu’un grand nombre d’hommes et Pour cela il faudra qu’un grand nombre d’hommes et de femmes se soient déjà convaincus qu’une politique de de femmes se soient déjà convaincus qu’une politique de civilisation (Morin) et de dialectisation démocratique de civilisation (Morin) et de dialectisation démocratique de la haine est en effet possible. La seule possible, en réa-la haine est en effet possible. La seule possible, en réa-lité. Et qu’elle suppose que soient enfin dépassées dans lité. Et qu’elle suppose que soient enfin dépassées dans l’histoire humaine les logiques de vengeance et de ressen-l’histoire humaine les logiques de vengeance et de ressen-timent. Tel est le véritable défi qui nous attend. Non pas timent. Tel est le véritable défi qui nous attend. Non pas

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tant devenir maîtres et possesseurs de techniques toujours tant devenir maîtres et possesseurs de techniques toujours plus puissantes, ce qui est relativement aisé, que maîtres plus puissantes, ce qui est relativement aisé, que maîtres et possesseurs de nous-mêmes. Ce qui est une autre his-et possesseurs de nous-mêmes. Ce qui est une autre his-toire. La fin de la préhistoire de l’humanité ? toire. La fin de la préhistoire de l’humanité ?

TABLE DES MATIÈRESTABLE DES MATIÈRES

AVERTISSEMENT AVERTISSEMENT 77

INTRODUCTION 1INTRODUCTION 111

PREMIÈRE PARTIPREMIÈRE PARTIEELA QUESTION PREMIÈRE :LA QUESTION PREMIÈRE : HAINE ET DÉMOCRATIHAINE ET DÉMOCRATIEE

S’OPPOSER SANS SE MASSACRER 1S’OPPOSER SANS SE MASSACRER 199Face à la haine 2Face à la haine 211

INCERTITUDES DE L’AVENIR EN GÉNÉRAL INCERTITUDES DE L’AVENIR EN GÉNÉRAL ET DE L’AVENIR DÉMOCRATIQUE EN PARTICULIER 2ET DE L’AVENIR DÉMOCRATIQUE EN PARTICULIER 266

L’enrayement de la démocratie 2L’enrayement de la démocratie 266

DEUXIÈME PARTIEDEUXIÈME PARTIE LA TROP FORTE DÉPENDANCE DE LA DÉMOCRATIE MODERNLA TROP FORTE DÉPENDANCE DE LA DÉMOCRATIE MODERNEE

À LA CROISSANCE ÉCONOMIQUÀ LA CROISSANCE ÉCONOMIQUEE

FIN DE LA CROISSANCEFIN DE LA CROISSANCE ET TENDANCE À L’ÉTAT STATIONNAIRE 3ET TENDANCE À L’ÉTAT STATIONNAIRE 366En Occident 3En Occident 366L’explosion des inégalités 3L’explosion des inégalités 399

LES PAYS ÉMERGENTS ET LA FINITUDE DU MONDE 4LES PAYS ÉMERGENTS ET LA FINITUDE DU MONDE 422Les limites écologiques à la croissanceLes limites écologiques à la croissance et la finitude du monde 4et la finitude du monde 444Conclusion 4Conclusion 477

TROISIÈME PARTITROISIÈME PARTIEECONSIDÉRATIONS INTERMÉDIAIRES :CONSIDÉRATIONS INTERMÉDIAIRES : AU-DELÀ DE L’AU-DELÀ DE L’HOMO HOMO ŒŒCONOMICUSCONOMICUS

VERS UN ÉTAT STATIONNAIRE DYNAMIQUE ET PROGRESSISTE 5VERS UN ÉTAT STATIONNAIRE DYNAMIQUE ET PROGRESSISTE 511Ne pas confondre richesse et richesse monétaire 5Ne pas confondre richesse et richesse monétaire 511Que la croissance ne fait pas le bonheur 5Que la croissance ne fait pas le bonheur 566

VERS UN PROGRESSISME DÉNIAISÉ 5VERS UN PROGRESSISME DÉNIAISÉ 599Que l’homme n’est pas un Que l’homme n’est pas un homo œconomicushomo œconomicus 5 599Conjurer l’illimitation 6Conjurer l’illimitation 644Conclusion 6Conclusion 699

QUATRIÈME PARTIEQUATRIÈME PARTIE LINÉAMENTS D’UN CONVIVIALISME UNIVERSALISABLELINÉAMENTS D’UN CONVIVIALISME UNIVERSALISABLE.. AU-DELÀ DU LIBÉ-AU-DELÀ DU LIBÉ-

RALISME, DU SOCIALISME,RALISME, DU SOCIALISME, DE L’ANARCHISME ET DU COMMUNISMDE L’ANARCHISME ET DU COMMUNISMEE

REPOSITIONNEMENT IDÉOLOGIQUE 7REPOSITIONNEMENT IDÉOLOGIQUE 733Libéralisme, socialisme, anarchisme et communisme 7Libéralisme, socialisme, anarchisme et communisme 733Au-delà de l’utilitarisme.Au-delà de l’utilitarisme. Radicalisation et universalisation Radicalisation et universalisation de l’idéal démocratique 7de l’idéal démocratique 766

CONTRE LA DÉMESURE : PRINCIPE DE COMMUNE HUMANITÉ, CONTRE LA DÉMESURE : PRINCIPE DE COMMUNE HUMANITÉ, REVENU MINIMUM ET REVENU MAXIMUMREVENU MINIMUM ET REVENU MAXIMUM 7 799

Quant au revenu minimum 8Quant au revenu minimum 811Quant au revenu maximum 8Quant au revenu maximum 833État stationnaire et redistribution de la richesse 8État stationnaire et redistribution de la richesse 844

AU-DELÀ DE L’ÉTAT-NATION CLASSIQUE : AU-DELÀ DE L’ÉTAT-NATION CLASSIQUE : VERS UN UNIVERSALISME RELATIVISTE 8VERS UN UNIVERSALISME RELATIVISTE 866

Vers un nouvel universalisme 8Vers un nouvel universalisme 877Surmonter la figure de l’État-nation héritée 9Surmonter la figure de l’État-nation héritée 922Le problème européen 9Le problème européen 966

ASSOCIATIONNISME ET GRATUITÉ 9ASSOCIATIONNISME ET GRATUITÉ 988De l’Association 9De l’Association 988Gratuité et lutte contre la quantophrénie 10Gratuité et lutte contre la quantophrénie 1022

CONCLUSIOCONCLUSIONNPOUR RÉAMORCER LE PROCESSUS DE CIVILISATION 10POUR RÉAMORCER LE PROCESSUS DE CIVILISATION 1099

Composition : Le Bord de L’eau éditionsComposition : Le Bord de L’eau éditions

Cet ouvrage a été achevé d’imprimer en septembre 2011Cet ouvrage a été achevé d’imprimer en septembre 2011pour le compte des éditions Le Bord de L’eaupour le compte des éditions Le Bord de L’eau

par Pulsio sarl, Paris. par Pulsio sarl, Paris.

Dépôt légal : Dépôt légal : octobre 2011octobre 2011Imprimé en EuropeImprimé en Europe

DU MÊME AUTEURU MÊME AUTEUR

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POOURUR UUNN MMANIFESTEANIFESTE DDUU ... · LLe pari dont procède ce livre est que le nom qui...

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