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Med Pal 2007; 6: 329-334

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SOINS PALLIATIFS ET PSYCHOLOGIE

Médecine palliative

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N° 6 – Décembre 2007

Polyvalence ou ambivalence du psychologue en soins palliatifs ? Analyse de deux modalités d’intervention : entretien en binôme et prise en charge individuelle

Cyrille Le Jamtel

Summary

Is the psychologist polyvalent or ambivalent in palliative care? Analysis of two modes of intervention: three-way interview, individual management

Practice of the psychologist in palliative care, either within the framework of a palliative care mobile team, unit or network, is never isolated. It will always be considered in methods of inter-vention with patients, relatives and care teams, which question the place of psychology in the end of life and, from an ethical point of view, so that the place of the psychologist will be poly-valent but not ambivalent. In an interdisciplinary context that we define, and in which the intervention of the psychologist and the teams of palliative care can sometimes be associated with a med-ical prescription, we will see that the psychologist can preserve his professional autonomy, while taking part, as well as the other professionals, in a common plan of action to the profit of the patient. We analyse here the methods of the psychologist’s inter-vention, from two complementary approaches, as well both the functional level and chronological; binomial (that of the psycho-logist with a doctor or a nurse) and individual psychological aid of the patient, when he is in request and capacity to continue it.

Key-words:

psychologist, prescription, methods of intervention, binomial, individual psychological aid.

Résumé

La pratique du psychologue en soins palliatifs, qu’elle soit ins-crite dans le cadre d’une équipe mobile de soins palliatifs, d’une unité fixe ou d’un réseau, n’est jamais isolée. Elle s’en-visage toujours dans des modes d’interventions auprès du pa-tient, des proches et des équipes, qui questionnent la place du psychologique dans la fin de vie et, d’un point de vue éthique, la place du psychologue afin que la polyvalence de son rôle ne devienne pas ambivalence. Dans un contexte interdiscipli-naire que nous définissons et dans lequel l’intervention du psychologue et des équipes de soins palliatifs peut parfois être associée à une prescription médicale, nous verrons que le psy-chologue peut conserver son autonomie professionnelle, tout en participant, au même titre que les autres intervenants, à un dispositif commun au profit du patient. Nous analysons ici les modalités d’intervention du psychologue, autour de deux pra-tiques complémentaires, tant sur le plan fonctionnel que chro-nologique ; l’entretien en binôme (du psychologue avec un professionnel médical ou infirmier) et la prise en charge indi-viduelle du patient, lorsque celui-ci est en demande et en ca-pacité de la poursuivre.

Mots clés :

psychologue, prescription, modalités d’intervention, binôme, prise en charge individualisée.

I

ntervenant au cœur de situations mettant en jeu dessujets confrontés à la maladie et la fin de vie, le psy-chologue en soins palliatifs propose la mise en placed’un cadre d’intervention spécifique dont la définitionne s’inscrit que partiellement dans le cadre le plus fré-quent de la psychothérapie. La prise en charge des patientsen fin de vie, de leurs proches et parfois conjointementdes équipes de soins confronte le psychologue à un ques-tionnement éthique sur la validité et l’utilité de sa pra-tique, l’oblige à cerner le déplacement possible de saplace de polyvalente à ambivalente. À un moment oùles processus mortifères de désorganisation physique et

psychique rendent très difficile toute élaboration dutraumatisme engendré par la maladie, le psychologue estpourtant souvent convoqué dans un dispositif palliatif,dans lequel la mort est inéluctable. Dans certains cas, laquestion d’une intervention psychologique n’est poséeque tardivement, ne permettant pas au patient d’instau-rer une relation transférentielle avec le psychologue ;dans d’autres cas, cette dernière, par défaut d’élaborationpréalable, fera effraction dans la sphère de l’intime et duprivé d’un patient déjà en grande souffrance, dérive évo-quée par le psychanalyste Robert Higgins dans la revue

Esprit :

« Les psys, mobilisés au chevet du mourant,

Le Jamtel C. Polyvalence ou ambivalence du psychologue en soins palliatifs ?

Analyse de deux modalités d’intervention : entretien en binôme et prise en

charge individuelle. Med Pal 2007 ; 6 : 329-334.

Adresse pour la correspondance :

Cyrille Le Jamtel, EMSP du Centre régional de lutte contre le cancer François-Baclesse,

avenue du Général-Harris, 14076 Caen cedex 05.

e-mail : [email protected]

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peuvent apparaître à un autre niveau, plus fondamen-tal, comme les préposés à la privatisation de la mort,comme des instruments essentiels dans l’opération deconversion de la mort en un problème psychologiqueet une affaire privée [1]. »

Nombre de patients pourtant motivés par l’entourageou l’équipe soignante vont refuser une prise en chargepsychologique qui n’aura, selon eux, aucun bénéficecompte tenu de leur mort prochaine. D’autres patientsmettront en jeu des représentations défensives associéesà l’intervention d’un « psy », objet anxiogène, associéalors notamment à l’idée de folie.

Dans un tout premier lieu, la pratique du psycholo-gue le renvoie donc à une indispensable collaborationavec une équipe de soins d’une part et une équipe desoins palliatifs d’autre part, que ce soit en unité, équipemobile ou réseau, afin que son aide ne soit pas vécuecomme intrusive pour le patient. La proximité réelle etfantasmatique de la mort va alors interroger une certaineredéfinition de cette intervention du psychologue, en ap-parence plus restreinte du point de vue temporel maistout aussi utile au regard du soulagement évoqué par lespatients. Les modalités pratiques d’intervention ainsi quele cadre thérapeutique du psychologue correspondent icià la définition même des soins palliatifs qui n’est plusde guérir le patient mais de lui apporter un soulagementde sa souffrance, envisagée depuis Cicely Saunders demanière globale. La mort, omniprésente tant dans leschambres que dans le discours des différents acteurs dela situation de soins palliatifs (patients, proches, soi-gnants), est envisagée ici par toute l’équipe dans unpositionnement très ambivalent, à mi-chemin entre pro-cessus naturel et réalité pathogène, et induirait une souf-france à tous les niveaux de lecture de l’être humain.Pour faire face à ses souffrances si envahissantes,l’équipe va recourir à un grand nombre de professionnelsintervenant dans le cadre de dispositifs simplement plu-ridisciplinaires ou plus ciblés puisque interdisciplinaires.L’interdisciplinarité, en matière de prise en charge glo-bale, pouvant être définie comme « un dialogue etl’échange de connaissances, d’analyses, de méthodes en-tre deux ou plusieurs disciplines. Elle implique qu’il yait des interactions et un enrichissement mutuel entreplusieurs spécialistes » [2]. Cette nécessaire collaborationavec des acteurs du champ médical va rapidement abou-tir en soins palliatifs à l’élaboration de savoirs communs,à la mise en place de dispositifs d’intervention conjointsmais aussi à la création implicite d’un champ de réfé-rentiels communs aux différents membres de cetteéquipe.

Pour illustrer cette idée, nous évoquerons tout d’abordl’exemple des entretiens en binôme (médico-psychologiquesou paramédico-psychologiques) qui concernent bon

nombre d’équipes de soins palliatifs. Ces dispositifs, à mi-chemin entre acte médical et consultation psychologique,peuvent constituer un véritable outil dans la relation aupatient : nous en définirons les avantages et les inconvé-nients. Nous montrerons en quoi cet outil peut être en-tendu par l’équipe de soins comme un outil diagnostique.Dans un second temps, nous évoquerons une des consé-quences du travail en commun du psychologue avec lemonde médical : la mise en place de représentations del’intervention psychologique l’assimilant à un acte infir-mier ou médical permettant de soulager un symptôme. Larelation entre le psychologue et le patient sera entendueici par l’équipe médicale comme un processus d’analgésiepsychique soulageant l’angoisse, au même niveau qu’unantalgique soulage la douleur. Sur ce parallélisme, sefonde une définition implicite de la relation d’aide psy-chologique en soins palliatifs, dans une démarche qui nesera plus ici vécue comme diagnostique pour le médecinet l’équipe du patient mais prescriptive, au même titre quecelle d’autres intervenants transversaux (kinésithérapeute,orthophoniste, diététicien, etc.).

En associant, volontairement ou non, sa pratique à undispositif commun : diagnostic puis prescriptif, le psycho-logue répond aux nécessités d’une approche interdiscipli-naire de la situation palliative, même si la relation denature psychothérapique permettra de dépasser ce para-digme initial et d’affranchir la pratique du psychologueauprès du patient, d’un tiers médical prescripteur. En effet,il est à rappeler l’engagement déontologique des psycho-logues en faveur du libre accès des usagers à leur pratique :« Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé despersonnes concernées. Réciproquement, toute personnedoit pouvoir s’adresser directement et librement à unpsychologue

1

.

»

L’entretien en binôme dans la relation d’aide en soins palliatifs

Lorsqu’un service de soins dans lequel est hospitaliséun patient fait appel à une équipe de soins palliatifs, uneunité ou un réseau, il sollicite toujours l’intervention deprofessionnels dans le but de soulager un ou des symp-tômes. Venant de la part de soignants, cette demande sefera donc sur la base d’un schéma en trois temps (données,actions, résultats) : schéma auquel s’ajoute une indispen-sable réévaluation des symptômes à traiter. On est donc

1. Code de déontologie de psychologues, Titre I-1, Respect des droits de lapersonne, 22 mars 1996.

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ici dans une objectivation du symptôme qui cadre malavec la souffrance psychologique pouvant être engendréepar une maladie évolutive.

Néanmoins, l’intervention du psychologue pourras’accommoder de ce problème de définition et pourraprendre place, lors d’un premier entretien par exemple,dans le cadre d’une collaboration avec le médecin oul’infirmier de l’équipe. On parlera alors de relationd’aide interdisciplinaire prenant la forme d’un entretienen binôme. Cet entretien, réalisé le plus souvent au litdu patient permettra d’évaluer de manière détaillée l’en-semble de ses difficultés et les demandes qu’il va y as-socier. Lorsque ce dernier est efficient, le binôme permetde potentialiser l’intervention isolée d’un infirmier, d’unmédecin ou d’un psychologue. À l’inverse, il peut abou-tir à l’effacement d’un professionnel au profit de soncollègue. Nous présentons ici un tableau qui résumel’ensemble des avantages et des inconvénients de ce dis-positif

(tableau I)

.Dans la plupart des cas, l’intervention en binôme

s’organise autour de deux professionnels de l’équipe desoins palliatifs dont l’un est médical ou paramédical etl’autre psychologue, même si l’existence chez ces profes-sionnels de compétences relationnelles permet d’autresmontages. Dès lors, l’entretien se déroule selon unschéma travaillé au préalable pour éviter tout chevau-chement et perte d’efficacité. Dans la plupart des cas,on reconnaît quatre étapes (préparation, présentationdes objectifs, évaluation des symptômes et propositionde suivi)

(tableau II)

.

Cet outil demande donc rigueur, complicité profes-sionnelle et mise en œuvre de capacités d’écoute quis’ouvrent au-delà du patient et de ses proches versl’autre professionnel. Même s’ildemande beaucoup de temps, cedispositif plus économique enmoyens mais aussi pour la pa-role du patient n’est bien sûrqu’une étape préliminaire à uneprise en charge individualiséedu psychologue notamment,mais il constitue une collabora-tion adaptée au mode d’inter-vention en soins palliatifs. Unevignette clinique tirée de notre pratique en soins pal-liatifs permet de mettre en évidence cette articulationentre un entretien en binôme (premier entretien) et uneprise en charge psychologique individuelle (poursuitede l’aide apportée au patient)

(annexe 1)

.

La prescription : métaphore de l’intervention du psychologue en soins palliatifs

Convoqué auprès de patients en fin de vie, qui peuvent,malgré la précarité de leur état, élaborer une demanded’aide, le psychologue intervient dans des modalités simi-laires pour l’équipe soignante à celles d’une prescription mé-dicale (d’antalgiques par exemple). Dans un positionnement

Tableau I : Avantages et inconvénients de la relation d’aide en soins palliatifs en binôme2.Table I: Advantages and disadvantages of the binomial in palliative care.

Avantages pour l’équipe Inconvénients pour l’équipe

InterdisciplinaritéDifférence du questionnementPrise en compte de la dimension globale de la souffranceReconnaissance d’une dimension subjective (inconscient)Position tierce de l’observateur

Effacement de la spécificité et de l’identité professionnelleAppauvrissement du discoursIllusion d’un savoir communDifficulté d’instaurer un cadre d’intervention commun :

– ni entretien psychologique– ni auscultation médicale ou infirmière– inégalité des intervenants (tiers exclus)– parole accaparée– sentiment d’infériorité et mise en échec

Avantages pour le patient Inconvénients pour le patient

Pour certains patients, la relation triangulaire est moins fusionnelle et troublante (qu’un homme et une femme par exemple)

Pour d’autres patients, la relation triangulaire est plus anxiogène (rappelant l’autorité parentale)

2. Le Jamtel C et al., Collège des psychologues en soins palliatifs de Basse-Normandie, 2003.

Le binôme permet de potentialiser l’intervention isolée d’un infirmier, d’un médecin ou d’un psychologue.

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décrit comme individualiste et parfois décrié comme fai-sant obstacle à un esprit d’équipe, le psychologue auraparfois des difficultés à accepter l’assimilation de sonintervention à celle d’un soignant. La plupart d’entre eux,par exemple, ne souhaitent pas reconnaître cette analogiede nature à amener une confusion identitaire aux yeuxdes patients et des soignants, qui assimilent parfois diffé-rents intervenants « psy ». Les débats suscités au sein descollèges de psychologues en soins palliatifs par le port dela blouse – uniforme médical – témoignent bien de cettedifficulté de certains psychologues à endosser l’uniformeet à rejoindre ce qu’on pourrait alors qualifier de bataillonde soignants. Cette métaphore guerrière, très active, nousle savons, notamment dans le domaine de la cancérologie,amène patients et soignants à s’envisager mutuellementcomme « alliés » dans une « bataille » qui les oppose à un« ennemi » commun. Pour autant, le psychologue n’est pas« déserteur » de ce champ (de bataille ?) mais la questionde son statut faisant débat, on peut se demander s’il peutêtre ici qualifié de personnel « soignant ». Pas au mêmetitre que les soignants médicaux ou paramédicaux, dirontcertains, Emmanuel Hirsch dans son ouvrage

Le devoir denon-abandon

introduisant l’ingénieux concept de «

priseen soin

» [3] du patient qu’il substitue à celui de prise encharge et qui concerne aussi, selon nous, le psychologue.

Nous pouvons mettre en lumière ici un véritable pa-radoxe de l’intervention psychologique en soins palliatifsqui emprunte certains modes opératoires aux intervenantsmédicaux et paramédicaux tout en rejetant les valeurs in-

trinsèques d’efficacité et d’objectivation. La relation d’aideque tentera d’instaurer le psychologue tiendra compte devariables médicales et hospitalières tout en aménageantun espace symbolique et temporel propre à son action. Le« soin psychique » proposé par le psychologue au patientou aux proches est donc une proposition singulière et iné-dite, qui partage malgré tout deux caractéristiques avecla prescription médicale : il est

facilement mobilisable

parle patient ou son entourage et

efficace rapidement

car ils’inscrit dans une démarche pragmatique de soutien psy-chologique de proximité du patient, dans l’interventionclinique (au chevet du patient). Il est cependant nécessairede ne pas y subsister la proximité, réelle ou fantasmatiquedu traumatisme, qui réduirait le champ de l’interventionpsychologique à l’actualité de la maladie et sur ses réper-cussions. Ainsi, le soulagement rapide des premiers symp-tômes évoqués par le patient, généralement liés à l’angoissede mort, tend à le soulager et avec lui entourage etl’équipe, qui en restera parfois à ce premier niveau d’in-tervention du psychologue. Ce n’est que par le biais d’uncontrat passé entre le patient et le psychologue que pourrapar la suite s’instaurer une prise en charge plus longue,qui tendra à reformuler du sens à cet événement-maladieet à apporter un soulagement plus durable, mais toujourssur un mode précaire compte tenu de la dégradation phy-sique inéluctable. Cette similitude aboutit donc parfois àune assimilation du psychologue à une prescription mé-dicale, la proposition d’intervention étant, de plus, avali-sée par le médecin responsable du patient, dans la plupart

Tableau II : Les quatre étapes de l’entretien en binôme.Table II: The four steps of the binomial.

I Préparation de l’entretien II Rencontre et présentation des objectifs

– Discussion préliminaire avec l’équipe : sur l’état général du patient et son information concernant notre venue.– Consultation du dossier infirmier : pour un complément d’information et des données infirmières préliminaires sur la douleur et les autres symptômes.

– Présentation et formulation de la demande.– Reformulation : pour s’assurer que le patient est réellement en demande.– Présentation des objectifs : proposer de faire le point, d’évaluer la situation avec le patient.

III Évaluation des symptômes IV Proposition d’objectifs

– Au niveau physique : l’infirmier ou le médecin évalue la douleur de manière quantitative et qualitative puis les autres symptômes.– Passage de relais sur la souffrance psychique.

– Au patient : améliorer la douleur, des autres symptômes.– Retranscription orale et écrite des objectifs à l’équipe (afin de garantir l’interdisciplinarité et la traçabilité du suivi).

Pendant cet entretien, le psychologue repère les problématiques psychologiques à élaborer avec le patient :– anxiété, angoisse, peurs (de souffrir, de la maladie, de la mort) ;– tristesse, apathie, retrait, perturbation de l’image du corps (atteintes narcissiques majeures liées à la dégradation physique ou dans les stomies, vécues comme très intrusives) ;– problèmes de communication (dire ou cacher la maladie à ses proches) ;– résonance affective avec le vécu (qui permet de proposer la poursuite individuelle dans une relation d’aide psychologique plus classique).

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des structures. Le psychologue doit alors pouvoir élaborerun espace intermédiaire entre prescription parfois inadap-tée de sa pratique par le corps médical et velléités d’in-dépendance se manifestant par son isolement du reste del’équipe.

En résumé, la relation d’aide proposée en soins pal-liatifs par les psychologues est un domaine de sa prati-que assez difficile à définir et à cerner. Comme dans biendes domaines, il est un intervenant singulier au regarddes interactions en jeu dans la fin de vie. Sollicité à dif-férents niveaux, il tient à distance la tentation d’omni-présence, contrôle les tensions institutionnelles maissurtout analyse son implication par une attitude éthiqued’humilité et de renoncement, familière aux soins pal-liatifs. Par cette attitude, il se retrouve ainsi au contactdes autres soignants dans une philosophie de soins qu’ilspartagent. Sa pratique est singulière, complémentairemais désormais nécessaire. Le travail thérapeutique dupsychologue ne pouvant que difficilement être qualifiéde psychothérapie, tant le cadre surmédicalisé de la finde vie y fait souvent obstacle, il n’est pas non plus unsimple soutien psychologique et peut prendre des formes

variables que nous avons décrites (prise en charge psy-chologique individuelle ou relation d’aide en binôme).Quoi qu’il en soit, le psychologue aura toujours à cœurque sa pratique soit lisible et utile tant au patient qu’aureste de l’équipe. Son approche centrée sur le sujet-patientet ses rapports avec sa maladie se trouveront alorscomplémentaires de la pratique soignante centrée sur lamaladie et ses répercussions sur le patient. En aména-geant autour du patient la possibilité d’entrevoir de ma-nière réciproque les rapports conflictuels entre sujet etmaladie, le psychologue participe ainsi à une prise encharge globale du patient, cohérente, éthique et adaptéeà la singularité de la situation palliative.

Références

1. Higgins R. L’invention du mourant, violence de la mort pa-cifiée. Esprit 2003 ; 1 : 139-41.

2. Morin E. Sur l’interdisciplinarité. Bulletin interactif du Cen-tre international de recherches et études transdisciplinaires2. Paris, 1994.

3. Hirsch E. Le devoir de non-abandon. Pour une éthique hos-pitalière et du soin. Paris : Editions du Cerf 2004

Annexe 1. Vignette clinique d’illustration du binôme.

Appendix 1. Clinical illustration of the binomial.

MD est un patient âgé de 45 ans, en instance de divorce et hospitalisé dans le centre hospitalier de sa ville pourune cirrhose d’origine alcoolique. La maladie a dégénéré en cancer hépatique traité par chimiothérapie dans une plusgrosse structure mais la maladie est, au moment de l’intervention de l’EMSP, à un stade très avancé qui ne permet plusde perspectives curatives. Seules des ponctions d’ascite sont effectuées en lien avec cette cirrhose. Parallèlement, ondécouvre chez lui un cancer ORL dont on peut soupçonner les liens avec la maladie alcoolique. Il est soigné du cancerpar radiothérapie. Une chute entraîne une fracture de la mâchoire qui s’est trouvée fragilisée par les rayons. L’équipede soins de l’hôpital local demande l’aide de l’EMSP qui propose, après une première évaluation téléphonique, d’inter-venir en binôme afin d’assurer une première évaluation globale de la prise en charge.

L’infirmière et le psychologue se rendent dans le service, qui a au préalable annoncé à MD la venue d’une équipetransversale. Lors de la première rencontre se pose d’emblée la question des objectifs. MD semble assez résigné maisparticipe activement à l’investigation de l’infirmière sur tous ses symptômes physiques. Il évoque notamment tous lessymptômes liés à la sphère alimentaire, respiratoire mais c’est la douleur qui reste le symptôme le plus invalidant pourle patient. Lors de cette première phase, le psychologue n’intervient pas mais perçoit néanmoins la dimension émo-tionnelle très forte de la douleur du patient. Le patient décrit à l’infirmière cette douleur invivable mais nécessaire pourexpurger son comportement alcoolique passé et dont il se culpabilise.

Dans la suite de l’entretien, le psychologue, percevant que l’infirmière a terminé l’évaluation de symptômes physi-ques, « prend le relais » de cet échange tout en veillant à ne pas se substituer à l’infirmière. Il peut alors évoquer avecle patient et l’infirmière les autres symptômes de nature psychique ainsi que les différentes problématiques psycholo-giques. Cette approche conjointe du patient par le biais d’un discours centré sur les symptômes permettra aux deuxprofessionnels la prise de conscience que le sentiment même d’unité du sujet est en jeu, sous l’effet de cette douleurpsychosomatique forte. Son corps est devenu un objet clivé au point qu’il ne se nomme pas comme sujet douloureux(physique) mais comme « souffrant de sa mâchoire », distinguant son foie de celle-ci. Il ne se plaint pas de ses douleursdans l’hôpital qui s’occupe de son foie. Il y vient pour des ponctions d’ascite, n’y dit pas sa douleur, la réserve pourle service de l’hôpital local. Le lien réussira à se faire dans l’espace intermédiaire que représente le soutien psychologique

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avec ce binôme (infirmier-psychologue) qui n’appartient à aucun des deux services. La douleur peut enfin être nomméeet reprend du sens à un moment où plus rien n’en conserve.

À la fin de l’entretien, qui dure environ une heure, les deux membres de l’EMSP proposent alors au patient deréfléchir à une poursuite de prise en charge individualisée : de l’infirmière en lien avec l’équipe de soins pour gérerphysiquement douleur et autres symptômes et du psychologue, pour continuer à dire cette douleur et à creuser les liensque celle-ci entretient avec son histoire personnelle et l’irruption de sa maladie dans son parcours de vie déjà vécu

comme difficile. L’équipe nous rappellera dès le lendemain pour nous dire que le patient est d’accord.