POLYHANDICAP : BONNES PRATIQUES ET EVALUATION PALAIS DE LUNESCO 23 NOVEMBRE 2006.

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POLYHANDICAP : BONNES PRATIQUES ET EVALUATION PALAIS DE L’UNESCO 23 NOVEMBRE 2006

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POLYHANDICAP :BONNES PRATIQUES

ET EVALUATION

PALAIS DE L’UNESCO

23 NOVEMBRE 2006

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SOMMAIRE UNESCO 23 NOVEMBRE 2006

Accueil des participants p : 3Monique RONGIERES, Présidente G.P.F.

PRESENTATION DE LA JOURNEE p : 4Modérateur : Philippe GAUDON, Chargé de Mission G.P.F.Directeur Général Association « Le Clos du Nid »

DE L’EVALUATION A L’EVALUATION INTERNE p : 5Jean-Yves MOINE, PROMOQUALTS

LA LOI DE 2002 : ASPECTS LEGISLATIFS ET MISE EN ŒUVRE p : 9 Philippe DIDIER-COURBIN, Sous-Directeur des Personnes Handicapées(D.G.A.S.)

CONSEIL NATIONAL DE l’EVALUATION SOCIALE ET MEDICO SOCIALE p : 13 ORIENTATIONS ET CLARIFICATIONS, Gérard BASLE, Administrateur G.P.F.,membre du C.N.E.S.M.S., Directeur Général Adjoint Association Don Bosco

CONDITION D’UNE EVALUATION UTILE p : 19Philippe GAUDON

LA DEMARCHE D’EVALUATIONModérateur : Georges SAULUS, Psychiatre, Administrateur G.P.F.

METHODOLOGIE D’ELABORATION D’UN REFERENTIEL ASSOCIATIF p : 26Patrick SORIA, Cabinet ABAQ CONSEIL (Lyon)

PROCESSUS D’EVALUATION DANS UN ETABLISSEMENT p : 30Eliane LE RETIF, Directrice Association Marie-Hélène (27)Estelle BACHER

PLACE DES USAGERS AU REGARD DE L’EVALUATION p : 34Laurence DESEIGNE, parent – Présidente A.S.S.E.P.H. (45)

POLYHANDICAP ET BONNES PRATIQUES : DES OBJECTIFS AUX CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE Modérateur : Gérard COURTOIS, Secrétaire Général G.P.F. Directeur Général Association Les Tout-Petits (91)

TABLE RONDE : MISE EN ŒUVRE DES BONNES PRATIQUES p : 38VIE QUOTIDIENNE : Joëlle TOBELEM, Chef de Service L’OASIS (86) C. MITTAULT, Parent L’OASISSOINS : Dr Xavier BIED-CHARRETON, Administrateur G.P.F., Directeur Médical C.E.S.A.P. p : 42DEVELOPPEMENT DE LA PERSONNE : p : 46 Philippe ROSSET, Directeur I.M.E. « Amis de Laurence » (75) Madame HETIER, Parent

EVALUATION DES FORMES D’ORGANISATION ET DE PARTICIPATION p : 49Roland LEFEVRE, Directeur La Montagne C.E.S.A.P. (60)

EXEMPLE DE RESEAUX ET DE COOPERATIONS TABLE RONDE Modérateur : Henri FAIVRE, Président Adjoint G.P.F. Président : HANDAS – CLAPEAHA

L’HOPITAL p : 56 Dr Philippe DE NORMANDIE, Mission Handicap AP-HP, ParisLES COOPERATIONS INTER ETABLISSEMENTS p : 59Michel BELOT, Psychologue Hôpital Marin d’Hendaye (64), Coordinateur national des correspondants G.P.F.Claude SŒUR, Directrice M.A.S. Mont de Marsan (40)LOISIRS ET VIE SOCIALE p : 64Alban BEAUDOUARD, Directeur de Moulin Mer (Loisirs Mer Vacances – Asso DON BOSCO)L’ECOLE p : 67Estelle GOUDON, Chef de Service S.E.S.S.A.D., Association Les Tout-Petits

CONCLUSION - Dr Elisabeth ZUCMAN p : 71

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ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Madame Monique RONGIERES, Présidente G.P.F.

Mesdames, Messieurs,

Cette journée d’étude sera l’occasion d’une large sensibilisation sur la dynamique d’évaluation et permettra d’illustrer comment ce qui apparaissait souvent comme une contrainte peut être efficacement convertie en valorisation d’une approche pluridisciplinaire réfléchie et concentrée.

Plusieurs expériences de terrain illustreront les principes spécifiques pouvant guider à la réflexion dans l’élaboration et l’évaluation des « bonnes pratiques » auprès des enfants et adultes polyhandicapés.

Je vous souhaite une bonne journée et vous remercie de votre fidélité.

Avant de donner la parole à Philippe GAUDON, je souhaite dédier cette journée à notre ami Stanislaw TOMKIEWICZ pour les 10 ans du G.P.F.

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PRESENTATION DE LA JOURNEE

Modérateur : Philippe GAUDON, Chargé de Mission G.P.F. Directeur Général Association « Clos du Nid » (48)

Dans la tradition des journées d’études du GPF, qui traitent de thèmes associant échange de pratiques et vision éthique de l’accompagnement des personnes polyhandicapées, nous avons choisi d’aborder cette année la question de l’évaluation des établissements et services médico-sociaux.

Cette question s’éclaire de l’actualité du secteur et constitue à cet égard une « passerelle » avec les Etats généraux du polyhandicap qui nous ont réunis l’an passé.

Nous souhaitons ainsi analyser comment cette question de l’évaluation émerge dans l’esprit des différents acteurs engagés (gestionnaires, familles, professionnels) et va contribuer à faire évoluer les pratiques dans une perspective d’amélioration de la qualité, de transparence et de communication.

Au-delà de l’actualité législative, il s’agit également pour nous de répondre aux inquiétudes manifestées par notre secteur, peu familiarisé avec ces approches et à certains égards craintif sur sa compatibilité avec nos fondamentaux, nos valeurs, nos pratiques.

A partir de quelques pré requis, l’objectif de cette journée est de tenter de faire émerger une vision commune des conditions de mise en place de l’évaluation dans les établissements et services pour personnes polyhandicapées, conciliant les indispensables dimensions éthiques du projet, et leur traduction en termes de « bonnes pratiques professionnelles ».

A cette fin, et dans une démarche allant du général au particulier, nous vous proposons un rappel de cadre réglementaire qui nous est proposé et des bases conceptuelles telles qu’elles ont été déjà explorées par des pionniers du champ associatif, social et médico-social.

Au fil de la journée, nous aborderons les dimensions plus directement pratiques de l’évaluation, dans le domaine des acteurs engagés, des méthodologies de travail, illustrées de l’expérience de quelques établissements déjà engagés dans ce travail.

Vous l’avez compris, notre « fil rouge » de la journée sera de « dédramatiser » cette notion souvent encore mal connue, pour que chacun puisse s’en saisir comme d’une opportunité pour encore améliorer les conditions d’accueil proposées à nos usagers.

C’est sans doute également une occasion supplémentaire de réfléchir à la valorisation des axes qui nous paraissent essentiels dans l’accompagnement au quotidien des enfants et adultes polyhandicapés, dont nous connaissions l’étendue des besoins.

Je remercie au nom du GPF l’ensemble des intervenants qui ont accepté de nous faire partager leurs connaissances, expériences, et sans doute leurs interrogations.

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J’ai dirigé pendant 25 ans un établissement médico social qui était un centre d’hébergement et de réinsertion sociale qui accueillait des mères avec enfants.

Depuis 1987, une démarche d’évaluation a été développée. Donc, c’est plutôt mon expérience que je vais partager ; mon côté pointu dans la place de l’évaluation s’est centré sur la personne accueillie, développement des compétences sociales, valorisation à partir des forces de projets personnalisés quel que soit l’espace disponible pour valoriser un projet personnel.

Je vais faire un bout de chemin avec vous pour vous parler de l’évaluation « début » et « aujourd’hui ». Par rapport à l’évaluation, je voulais vous dire que ce n’est pas parce qu’on en parle aujourd’hui qu’elle n’existait pas avant. Quand on circule dans les structures, d’abord les gens travaillent bien dans la majorité des cas et ont déjà mis en place des stratégies d’évaluation, c'est-à-dire que quand vous faites une organisation, il y a forcément de l’évaluation, dès que vous définissez des objectifs, ne serait-ce que sur le principe méthodologique d’une définition d’objectif (Q.Q.C.O.Q.P., échelle de temps, échelle d’intensité), vous avez toujours quelque part le mot « évaluation » pour pouvoir dire « avons-nous atteint l’objectif dans le temps prévu avec les moyens donnés ? ». Lorsque vous faites des réunions de synthèse ou de projet, cela vient aussi de l’évaluation, quand on embauche quelqu’un, on l’intègre dans une équipe, il y a aussi quelque chose qui tient de l’évaluation. Donc, il y a bien longtemps que, tous, vous faites de l’évaluation.

Si vous êtes sur la dimension de la complexité, effectivement, on est plus à l’aise pour parler de systémie ; en 1987, c’était beaucoup plus difficile de parler de ce regard. Il y a la notion de rétroaction, feed-back, tous ces retours pour en tirer un enseignement et pour en faire, à partir de ces enseignements, une continuité, il y a de l’évaluation aussi. Et puis, dans la pratique quotidienne des acteurs, on s’aperçoit qu’on ne peut pas ne pas évaluer. Aujourd’hui, il y a une loi pour vous dire : évaluer mais cette loi veut dire qu’il faut évaluer avec une méthodologie, c’est cela l’enjeu : il faut passer d’une culture d’évaluation pratiquée par les uns et les autres à une culture méthodologique pour pouvoir coordonner, coopérer, mutualiser mais s’il n’y a pas un optimum d’accrochage possible avec une reconnaissance des uns et des autres, cela sera difficile de monter des systèmes de coopération, de coordination.

Si on veut aussi aller dans « donner du sens à ces indicateurs », il faut que ceux-ci soient dans un langage à peu près commun à tous pour que l’on puisse donner du sens à un échange sur le regard des indicateurs d’un côté et de l’autre. S’ils sont trop différenciés, on se demande à quoi ils peuvent servir. Tant que la culture n’est pas plus méthodologique, il est difficile d’en faire quoi que ce soit.

Comme les psychiatres disent « on ne peut pas ne pas fusionner », les comportementalistes disent « on ne peut pas ne pas se comporter » et en systémie « on ne peut pas ne pas interagir », on peut dire globalement « qu’on ne peut pas ne pas évaluer ». On est dans une démarche qui nous amène à avancer sur cette logique. Pour l’instant, les uns et les autres ont déjà fait du développement de démarche méthodologique avec des outils qui venaient soit des fédérations, soit de la créativité des institutions mais la route, le démarrage de toutes ces logiques est bien entamé. Qu’est-ce qu’on peut faire maintenant pour regrouper tout cet ensemble ? L’évaluation, c’est bien un système qui va stimuler l’échange au niveau d’un regard méthodologique sur ce qui se passe entre les humains, sur ce qui se passe en termes d’organisation de façon naturelle : relation à l’autre, on est bien dans une logique où il y a un système d’échange soit organisé, soit naturel. Heureusement, dans notre champ médico-social, on est bien dans une relation à l’autre, donc forcément il faut que la dimension d’échange naturel reste une des forces de la rencontre avec l’autre.

Ce qui nous est demandé aujourd’hui à partir de cette évaluation un peu implicite, c’est de la rendre plus explicite pour partager et comprendre, pour contrôler et coordonner, rendre compte et mutualiser, pour ensuite piloter et manager. C’est intéressant car, dans cette journée, la notion d’évaluation devrait ressortir sur une logique de pilotage et de management c’est à dire pas simplement le résultat, cela ne nous intéresse pas, c’est la culture que l’évaluation va mettre en place dans les institutions : culture de pilotage et de management.

DE L’EVALUATION A L’EVALUATION INTERNEJean-Yves MOINE, PROMOQUALTS

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Il est certain que, si tous les 5 ans, on revient sur de l’évaluation interne, c’est bien pour dire que, tous les 5 ans, on ne va pas faire un travail comme si 6 mois avant rien n’avait été fait mais c’est une continuité d’évaluation, de recherche de stratégie de progrès et donc vraiment du pilotage et du management le plus partagés possible en interne avec les professionnels mais aussi avec les personnes accueillies et aussi avec l’environnement.

Pour voir un peu plus clair, il me semble qu’il ne faut pas faire de confusion entre tel ou tel modèle à choisir, il n’y a pas de conflit de modèles, il y a seulement une intelligence de l’harmonisation de ces modèles pour rendre compte parce qu’on ne peut pas trouver un seul modèle universel qui répond à tout puisque chaque objectif est affublé des indicateurs des critères d’évaluation et que toute organisation a plusieurs objectifs, on peut très bien imaginer qu’il y a plusieurs modèles d’évaluation dans vos structures (et c’est d’ailleurs le cas).

Il y a une culture de l’évaluation qui est côté « organisation » : nous avons des institutions, des services, des établissements et forcément on a à répondre à des modèles d’évaluation qui sont de l’ordre de l’organisation. Mais on ne peut pas se satisfaire d’un choix d’une évaluation du côté de l’organisation pour dire que l’on a fait un projet d’accompagnement personnalisé de qualité. L’organisation peut être de qualité mais ce n’est pas suffisant sur la qualité de mission. Quand vous avez, par exemple, AFNOR normalisation, côté personne accueillie, on a du mal à dire qu’on va « normaliser la personne accueillie » et c’est une chance qu’on ne puisse pas le faire. On laisse ces modèles côté organisation, là où ils ont leur pertinence.

La démarche d’évaluation, il faut bien savoir à quoi cela sert, pour évaluer quoi. La rationalisation des choix budgétaires, c’est aussi une tentation car quand on a besoin de 1 200 € et qu’on nous en donne que 1 000, il va bien falloir faire des choix ; mais on ne peut pas faire ces choix en se centrant sur une définition du prix de la vie humaine en disant que cette personne ne mérite pas qu’on investisse sur elle donc on va faire l’économie sur telle ou telle personne qui ne le mérite pas ou qui coûte trop cher. Arriver dans cette logique de connexion de modèles centrés sur l’organisation pour en faire une déduction sur les stratégies d’accompagnement, c’est un peu difficile ; ISO, au départ, c’est zéro défaut processus et procédures et zéro défaut chez l’être humain, ce n’est pas intéressant car les défauts, c’est ce qui fait la différence, c’est ce qui fait l’énergie et c’est ce qui fait la vie.

Si vous êtes dans des ateliers (C.A.T., par exemple), vous avez une possibilité d’utiliser ISO au niveau de la production ; certains C.A.T. sont dans cette logique parce qu’ils sont dans une logique de production. Et puis, vous avez les modèles qui sont centrés sur les personnes : on aura à répondre, dans l’évaluation interne, à ces logiques centrées sur l’organisation et ces logiques centrées sur les personnes accueillies. La personne accueillie fait intervenir toute une série de métiers et chaque métier a ses propres outils d’évaluation. Il n’est pas question de gommer ces outils, au contraire, il faut que chaque métier devienne de plus en plus expert dans sa discipline et pour développer l’expertise, il faut bien que ces personnes utilisent leurs outils le mieux possible (les psychologues ont des grilles spécialisées, dans les formations, les professionnels ont des grilles d’évaluation qui appartiennent à chaque métier) et c’est là, à un moment donné, si on respecte les outils d’évaluation de chaque métier, comme ces métiers font une réponse à cette prise en charge globale, il faut bien que, dans la contractualisation avec la personne accueillie, on ait un discours qui soit simple pour elle donc qu’on crée, au dessus de tous ces outils d’évaluation, un langage commun et c’est à partir de ce langage commun que l’on peut créer une démarche d’évaluation. Ensuite, quand c’est compliqué, il faut mieux aller dans l’explicite car on maintient la dimension complexe mais on la rend moins compliquée. On est allé aussi sur l’idée de réfléchir en disant que, quand vous êtes en train d’accompagner une personne handicapée, il y a toute une série de » prestations/pour » c'est-à-dire que la personne ne peut pas faire quelque chose, il va bien falloir mettre en place des modalités d’accompagnement pour elle et quand on est dans la prestation/pour, on est dans une prestation où l’organisation est assez dominante et on

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peut dire que la culture de l’évaluation des organisations (protocoles, modalités d’accompagnement, procédures pour les toilettes par exemple….) peut être mise en place avec une logique liée à des modèles organisationnels. Et puis il y a la « prestation avec » : on est dans l’échange avec la personne accueillie et cette « prestation avec » doit s’affiner pour être dans une réalité de la relation humaine et pas dans la mécanique des organisations : c’est pas l’un contre l’autre mais c’est l’un en complémentarité car quand vous avez une personne handicapée, vous avez forcément à répondre à une organisation au regard du handicap et vous avez à avoir aussi une organisation en lien avec son projet personnalisé. Concernant la « prestation avec », il semble que l’enjeu soit intéressant car c’est sur cet enjeu que l’originalité de notre secteur doit valoriser sa place dans le champ sanitaire et médico-social c'est-à-dire on doit laisser cet espace de créativité et de liberté dans la rencontre avec les personnes accueillies et ne pas tenter de faire trop de groupes comme on peut retrouver dans le sanitaire avec des groupes homogènes… L’individu est unique donc ne commençons pas à essayer de rassurer les partenaires financeurs en disant « on va mettre tout le monde dans le même sac » et on va vous définir un coût par rapport aux uns et aux autres. Gardons la capacité à donner du relief à l’accompagnement comme étant un caractère chaque fois unique avec la personne accueillie.

Dans ce champ, il me parait important, et vous verrez dans l’évaluation, à un moment donné, vous aurez à faire la démonstration de la qualité du projet d’accompagnement personnalisé en lien avec les modalités d’accompagnement que vous allez mettre en place à partir d’une capacité (dont il faudra également faire à démonstration) à faire un diagnostic et puis d’établir ce qui est dans la notion de contrat, qu’est-ce qu’on va faire pour la personne et qu’est-ce qu’on attend de la personne dans ce contrat. L’important c’est que, quel que soit le rouleau compresseur des organisations et des moyens financiers, c’est de toujours avoir en sens et valeurs : la place de la personne accueillie est au centre de tout ce qui est notre engagement et de notre mission. Il faut se rappeler, pour cela, que, pour nous, toute l’organisation passe par la personne accueillie : elle est unique et globale, elle a la maîtrise du projet de vie, elle est inscrite dans son environnement social et on ne peut pas la réduire à son handicap. Pour nous, dire cela, c’est déjà induire la façon dont la culture va se mettre en place : quand on dit la personne est unique et globale, c’est la personne accueillie mais nous-mêmes aussi donc l’interaction dans l’accompagnement, c’est un caractère unique et global qui se fait ici et maintenant et il n’y a pas une façon d’agir qui dirait « faites comme ceci », il n’y a pas de corrélation directe entre un mode d’action et son effet.

On sait que, dans la dimension globale de la personne, on a une organisation globale à mettre en place et on sait qu’il y a des corrélations entre un ensemble de mode d’actions et un ensemble d’effets. En disant cela, je dis que dès qu’il n’y a pas de corrélation directe avec un mode d’action et son effet, on dit que l’évaluation ne peut pas être un contrôle sur une personne ou sur les intervenants, on ne peut pas dire que « c’est à cause de toi ou grâce à toi que la personne régresse ou progresse ». Par contre, on peut se poser globalement la question de l’institution qui est aidante et structurante pour la personne. Elle est inscrite dans son environnement social, c’est évident, et ne peut pas réduire la personne à son handicap et cela me fait penser toute de suite à Jean-Dominique BAUBY qui a écrit « Le scaphandre et le papillon » avec un mouvement de paupière. C’est bien que derrière le mouvement de paupière, si on avait organiser des logiques d’accompagnement centré sur le handicap, on aurait stigmatisé le handicap et enfermé la personne alors que si on est sur le projet de valorisation, on va chercher au-delà du handicap c’est quoi le projet de vie. La qualité sociale sur laquelle peut fonder une démarche évaluation interne nécessite d’expliciter la qualité de proposition de l’accompagnement de l’accueil personnalisé, de démontrer la qualité de l’organisation mais ce n’est pas parce que le projet personnalisé et la qualité de l’organisation sont réussis que cela suffit. Il faut que, simultanément, il y ait un mieux-être pour les personnes accueillies mais aussi une valorisation des acteurs et de l’expertise des professionnels mais aussi que la société y retrouve des gains sociaux, culturels et économiques et là, on aura la qualité sociale et on pourra mettre dans ce tiroir de l’évaluation interne toute cette démonstration.

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Donc, on est parti de l’évaluation « pas grand-chose », naturelle, à une évaluation « coté organisation », « côté personnes ». L’évaluation interne cherche à l’ambition de la qualité au travers du management et d’un pilotage participatif dans le respect de la personne accueillie. Je vous rappelle la Loi 2002.2 qui pose un cadre fort :* tous les cinq ans,

* le contrôle de l’activité (cela viendra mais après avec l’évaluation externe) * et depuis le 01/09/2006, il y a un guide de l’évaluation consultable pour voir l’ambiance plutôt de l’ordre des recommandations et la de culture qui va être développée

Exigences : * Une évaluation interne* Des activités de qualité des prestations délivrées* Evaluation tous les cinq ans* Des résultats formalisés dans un rapport communiqué à l’autorité ayant délivré

l’autorisation* Sur la base des références professionnelles* Une évaluation externe sur le même champ que l’évaluation interne (tous les 7 ans)

1 guide en préambule :* Impulser une culture propre au secteur* Respecter la marge d’autonomie dont les établissements doivent bénéficier * Fixer des orientations générales* Formuler des principes fondamentaux et des repères incontournables* Rendre cohérentes les démarches

Objectifs :* Faire évoluer les pratiques et les compétences* Produire des connaissances pour nourrir la décision* Renouer le dialogue social et la coopération entre les acteurs* Valoriser l’action conduite

4 grandes étapes :* Mettre le cadre de la réalisation de l’évaluation interne : qu’est ce que l’on veut faire ?* Construire un référentiel en interne (travail contextuel pour que tout le monde se

l’approprie)* Réalisation de l’évaluation interne* Détermination de la dynamique de la formation continue (management et pilotage)

Les 4 axes du guide :* le projet d’établissement et sa dynamique* le droit à la charte des usagers* la démonstration de l’accompagnement personnalisé* la gestion des ressources

Conclusion :

Il s’agit d’apprécier la façon dont l’ensemble des activités et prestations concrétisent le projet et prennent en compte les recommandations de bonnes conduites professionnelles.

Jean-Yves MOINE

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LA LOI DE 2002 : ASPECTS LEGISLATIFS ET MISE EN ŒUVREPhilippe DIDIER-COURBIN, Sous Directeur des Personnes Handicapées (D.G.A.S.)

Je vais essayer de mettre l’accent sur un certain nombre de sujets qui sont des sujets d’actualité qui montrent comment la Loi du 11 février 2005 vient, d’une certaine façon, donner un éclairage nouveau et un prolongement à un certain nombre de dispositions qui avaient trouvé leur place dans la Loi 2002.2. Cette dernière était une loi très axée sur les institutions sociales et médico-sociales (qu’il s’agisse des établissements et des services) en mettant un accent très marqué sur la place de la personne usager de ces structures.

La Loi du 11 février s’inscrit dans ce prolongement et porte sur le cadre beaucoup plus large que celui des institutions sociales et médico-sociales accueillant des personnes handicapées mais, au-delà de cela, c’est également une loi qui, en quelque sorte, met un accent extrêmement marqué sur quelque chose d’ambitieux qui est le parcours de la personne et qui est le projet de vie. Cette notion de projet de vie était naturellement déjà présente dans la loi 2002.2 mais je pense que la loi de février 2005 lui donne peut-être une dimension et une dynamique beaucoup plus importantes.

Ce que je voulais également vous dire, c’est que les grands principes et objectifs de la Loi de 2005 concernent certes l’ensemble des personnes qui sont confrontées à une situation de handicap, quelles qu’en soient les raisons, la cause du handicap, l’âge des personnes et ce sont des principes naturellement dont on peut se dire est-ce que tous concernent de près le publics et les personnes, dont vous, professionnels du champ du handicap, êtes en charge ? Je crois que oui, y compris quand on parle de principe de non discrimination, lorsqu’on parle de principes de choix de vie, lorsqu’on parle de compensation personnalisée, lorsqu’on parle même de participation effective des personnes, on se dit « mais attendez, il y a un certain nombre de personnes dont on a voit mal comment elles peuvent être concernées par la Loi ». En définitive, qu’il s’agisse de la personne elle-même ou de son entourage familial proche, on voit bien que ce sont des objectifs qui naturellement les concernent et auxquels elles doivent être associées.

Quelque chose à noter dans cette Loi de 2005, c’est que, pour la première fois, a été inscrite une définition du handicap. Le législateur s’est bien gardé de définir ce qu’est une personne handicapée, il a essayé, par contre, de mettre en lumière ce qu’est le handicap, ce qu’est cette situation et ce qu’il a permis de faire, c’est de faire ressortir une définition qui montre bien le lien et l’interaction qui existent entre la déficience, dont la personne peut être porteuse, et également la réponse ou la non réponse que lui apporte son environnement (social, familial, établissements…) ; autre chose qu’il faut noter : cette définition du handicap tente de balayer l’ensemble des principales manifestations du handicap et naturellement le polyhandicap est mentionné. Cette Loi évoque des situations qui sont nouvelles, non pas dans la réalité, mais dans leur prise en compte par des textes notamment : le handicap psychique et notamment les troubles de santé invalidants. C’est une façon de montrer que le handicap peut frapper à tout âge et qu’il convient d’y apporter des réponses dans le cadre des dispositions prévues par cette Loi et cette définition du handicap signifie, notamment concernant le champ du handicap psychique, qu’il n’y a pas lieu d’opérer cette distinction en disant d’un côté nous avons certaines personnes en situation de handicap et d’un autre côté, des personnes frappées par la maladie. Cela n’a pas de sens. Des personnes peuvent être frappées par un problème de santé et qui, du fait de l’installation dans la durée de ce problème, se retrouvent en situation de handicap. C’est toute la problématique de l’articulation entre le sanitaire, le social, le médico-social et l’articulation avec les dispositifs de droit commun.

Cette Loi également tend à opérer un équilibre entre une volonté de mise en œuvre de dispositions d’accessibilité au sens large : la Loi parle de l’accessibilité en termes « d’accessibilité » des transports, des logements mais aussi d’accessibilité au sens « d’accès » (accès à l’éducation, accès à la scolarisation, accès à l’emploi, accès à la vie sociale…) et un balancement dans cet aspect accessibilité et un autre volet dit de la compensation. Cette compensation est souvent confondue avec la mise en place d’une nouvelle mesure qui s’appelle la prestation de compensation. Le principe de la compensation va beaucoup plus loin : la compensation c’est en quelque sorte l’ensemble des réponses individualisées apportées à une personne dès lors que le droit commun, l’environnement, même avec des accompagnements,

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même avec des adaptations, n’arrive pas totalement à apporter la réponse qui permet de faire face à la situation de handicap. Les établissements, les services, l’ensemble des dispositifs social et médico-social, que vous connaissez, fait partie de ce champ de la compensation. En ce qui concerne la prestation de compensation, c’est un des nouveaux dispositifs prévus par la Loi. Il est complexe, lourd, il a été long à mettre en place et, sur un certain nombre d’engagements qui ont été pris notamment dans le cadre du « plan polyhandicap action », je comprends que vous puissiez vous demander où on en est. La mise en œuvre de cette Loi 2005, avec près de 80 décrets, ce qui est énorme mais pas étonnant étant donné la diversité des champs couverts par la Loi ; sur ces décrets, 40 étaient des textes qui relevaient, pour l’essentiel, de la D.G.A.S. qui a fait au plus vite. Cependant, on a passé pas mal de temps sur la mise en place de la compensation et on a passé également pas mal de temps, au préalable, sur la construction et la proposition de nouveaux outils d’évaluation. Cela ne concerne pas l’évaluation par les services, par les équipes, des prestations qu’elles offrent aux usagers mais c’est l’évaluation de la situation de handicap. Il s’agissait bien entendu d’apporter aux nouvelles équipes pluridisciplinaires des maisons départementales des outils nouveaux puisque, en quelque sorte, il ne s’agit plus d’attendre des équipes qui viennent se substituer aux anciennes C.D.E.S. et aux C.O.T.O.R.E.P. simplement un rôle de guichet qui vient répondre de manière ponctuelle à une demande pointue d’orientation, de prestation, d’allocation, ce qui était malheureusement un peu le cas auparavant, mais il s’agit dorénavant d’essayer de porter sur une personne un regard plus transversal, plus global, sur non seulement sa situation, ses besoins mais aussi sur ses attentes pour, avec elle et son entourage, essayer d’établir quelque chose qui soit du domaine d’un projet de vie. Donc, nous avons été amenés à mettre à la disposition des maisons départementales qui se mettaient en place et notamment des équipes pluridisciplinaires, un outil multidimensionnel d’évaluation qui est un instrument que je vous invite à examiner puisque, je pense, c’est assez intéressant car cela sera également non seulement un outil de dialogue interne aux M.D.P.H. et aux équipes pluridisciplinaires pour dialoguer avec les personnes handicapées mais ce sera aussi un outil qui doit permettre de dialoguer avec les services, les équipes qui ont vocation à accompagner notamment les personnes polyhandicapées car, malgré toutes les ambitions que l’on porte sur les M.D.P.H. et les équipes pluridisciplinaires, c’est quelque chose qui va mettre du temps à se mettre en place, qui pose des difficultés, que la C.N.S.A. ait des crédit d’Etat et l’action des départements dans des financements nouveaux, tentent d’accélérer au maximum, mais on voit bien qu’une évaluation sérieuse réussie, pas seulement à un moment donné mais qui est sur la durée du parcours de quelqu’un ne peut se faire qu’en liaison et avec un dialogue extrêmement étroit avec les établissement et les services qui doivent jouer le rôle d’équipes ressources pour les nouvelles M.D.P.H.

On a commencé par la mise en place de la prestation de compensation dite à domicile, il y a ensuite un deuxième volet qui vous intéresse peut-être encore davantage : c’est la mise en place de prestation de compensation pour les personnes qui sont admises en établissement. La prestation de compensation en établissement, c’est un texte qui est maintenant stabilisé, qui a été soumis au C.N.C.P.H. et pour lequel, compte tenu d’un certain nombre de demandes de modifications d’amélioration du texte, il a été nécessaire de le « remettre sur le métier » et nous venons d’obtenir des arbitrages interministériels qui nous permettent, dans les semaines qui viennent, de pouvoir le publier.

Ce qu’il faut en retenir, c’est que, en ce qui concerne la prestation d’’établissement, le choix a été fait, sachant que de plus en plus de personnes sont, en quelque sorte, à la frontière entre ce qui est l’établissement proprement dit et puis des formules autres d’accueil des personnes et également la réalité du retour souvent de plus en plus fréquent des personnes dans leur entourage familial à un certain moment de la semaine ou de l’année, amène à ce qu’il n’y ait pas césure mais un continuum entre les deux dispositifs : prestation à domicile et prestation d’établissement afin que les personnes qui sont amenées à quitter un certain moment l’établissement puissent bénéficier de l’ensemble des droits financiers offerte par la prestation de compensation à domicile mais également, et cela fait partie des avancées les plus récentes de la Loi, de veiller à ce que les personnes qui sont en établissement puissent bénéficier d’une certaine portion de l’élément des aides humaines de la prestation y compris pendant les moments où elles sont hébergées. C’était une question complexe comme d’ailleurs a été complexe la question de se dire comment ouvre-t-on le droit aux autres éléments (aides

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techniques, frais de transports) à des personnes qui sont accueillies de manière générale dans les établissements. C’était complexe parce qu’il s’agissait à la fois, bien entendu, ne pas priver ce public-là des avancées de la prestation de compensation et, en même temps, de veiller à ce qu’on n’encourage pas le désengagement de certains autres financeurs. Pour être clair, la personne, qui est prise en charge dans une structure, y est accueillie avec l’ensemble de l’accompagnement humain qui est nécessaire. Il faut faire attention à ne pas mettre le doigt dans une mécanique qui ferait que progressivement, au prétexte qu’il existe une prestation de compensation, y compris accordée dans une certaine limite lorsque la personne est en établissement, que cela puisse inciter certains mauvais esprits à verrouiller un peu plus les moyens donnés aux établissements et aux services au prétexte que la prestation de compensation peut compenser un certain nombre de manques. Ce n’est pas le choix qui a été fait ni proposé par la D.G.A.S., ni celui qui a été retenu. Ce qui peut expliquer une certaine lenteur et précaution à sortir des textes dont on voit tous les aspects positifs mais dont il faut faire attention à verrouiller certains retours et certaines récupérations qui pourraient en être faites.

Un petit mot sur deux sujets :

Le plan d’action en faveur des personnes handicapées : parmi les choses qui avait été actées dans ce plan d’action, il y avait notamment la poursuite d’un effort de création de places en faveur des personnes polyhandicapées et également la nécessité de poursuivre le rééquilibrage entre les différentes régions et les différents départements. La réponse à cet engagement est naturellement la poursuite du plan d’action pluriannuel 2005-2007 qui, depuis le démarrage, comporte des moyens spécifiquement dédiés aux personnes polyhandicapées qu’elles soient en établissements pour adultes ou en établissements et services pour enfants. Concernant le rééquilibrage, les instruments qui nous sont donnés pour tenter d’y répondre sont notamment la mise en place des P.R.I.A.C. C’est un nouveau dispositif qui permet aux Préfets de Région, en liaison avec l’ensemble des services de l’Etat, de pouvoir établir, de façon peut-être plus formalisée et plus projetée dans le temps qu’antérieurement, de pouvoir programmer la façon dont il va utiliser les moyens qui lui sont donnés par l’Etat ou par la C.P.A.M. ou par la C.N.S.A. pour pouvoir dire voilà quels sont les moyens dont je vais pouvoir disposer et voilà comment je vais pouvoir à la fois prendre part et donner une réalité aux fameux schémas d’équipements départementaux mis en place en liaison et sous l’autorité des présidents des conseils généraux mais en liaison avec les Préfets, ce qui lui permet également de nouer non seulement ce dialogue avec les départements mais aussi avec le secteur sanitaire notamment avec les ARG. Les P.R.I.A.C. ont été mis en place fin 2005 et commencent à s’appliquer en 2006. C’est nouveau et la D.G.A.S. a exercé une assez forte pression sur les D.R.A.S.S. pour qu’elles s’approprient cet outil avec le soutien de la C.N.S.A.; on a conscience qu’on essuie les plâtres. Lorsqu’un programme de ce type a été adopté, ce n’est pas figé dans le marbre, il doit vivre et évoluer et si on se rend compte qu’une appréciation de besoins et de réponses n’a pas été suffisamment pensée et calibrée, à tout instant, la mécanique prévoit de faire évoluer les choses. Egalement, le plan d’action en faveur des personnes polyhandicapées appelait à développer, au sein de chaque M.D.P.H. et d’offrir aux personnes polyhandicapées et à leur entourage, la possibilité de bénéficier d’une évaluation et d’un plan de compensation. Tous les outils réglementaires et financiers ont été mis en place pour permettre la mise en place des M.D.P.H. et des équipes pluridisciplinaires en direction des personnes polyhandicapées et en direction de l’ensemble des usagers de pouvoir établir cette compensation. On connaît à la fois toutes les ambitions des textes concernant les M.D.P.H. et on en mesure actuellement toute la complexité d’installation qui est réelle et qui doit s’accompagner d’un certain nombre de précautions et prendre un temps minimum pour se stabiliser, qui va demander, selon nous, un à deux ans.

Il est également évoqué, dans le plan, la place des aidants familiaux dont la Loi de 2005 reconnait de manière très précise le rôle. Elle prévoit un dispositif de dédommagement des aidants familiaux et prévoit même des dispositions qui permettent à des personnes de faire le choix entre la mécanique du simple dédommagement et, dans certains cas, de permettre y compris le salariat d’un aidant familial. Cela a été un débat difficile car cela

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pose des problèmes pratiques et financiers auxquels nous avons souhaité répondre mais, en même temps, cela pose des problèmes d’ordre éthique plus délicats. On a essayé de trouver un équilibre qui permet de répondre à une attente très financière et pratique et en même temps de ne pas tomber dans des dérives qui pourraient être complexes.

Pour terminer, un mot sur un autre engagement, pris dans le cadre du plan d’action, qui est l’adoption d’une réglementation concernant les établissements et services qui accueillent des personnes handicapées. Il y a deux choses qui se sont surajoutées : on a la Loi 2002.2 qui dit que les établissements et services doivent donner lieu à la sortie de textes, de décrets qui déterminent les conditions techniques de fonctionnement. Il existe déjà pour les établissements pour adultes, notamment les M.A.S., un texte, déjà ancien, qui définit ces conditions de fonctionnement. La Loi de 2005 donne une commande complémentaire, ce qu’elle nous oblige à faire, c’est de sortir un texte qui concernerait la loi que le législateur défini ainsi les personnes adultes n’ayant pu acquérir un minimum d’autonomie et de définir, dans un texte, les obligations en termes de composition et de qualification des équipes qui interviennent dans ces structures. La question que l’on s’est posée, c’est de se dire est-ce, compte tenu de la définition prise par le législateur (et on voit bien qu’on est sur une définition qui concerne un public qui peut être très hétérogène : personnes polyhandicapées, traumatisés crâniens, personnes très lourdement handicapées, à domicile…), on voit également que, dans cette définition, on ne vise pas nécessairement qu’un seul type d’établissement (M.A.S. ou F.D.T.), cela vise un champ beaucoup plus loin.

Ce chantier, nous n’avons pas pu l’ouvrir jusqu’ici puisque nous avons dû traiter les 40 autres décrets. Les premiers contacts pris avec les têtes de réseaux, nous amène à se dire qu’on n’a pas tellement l’intention en quelque sorte de faire une annexe 24 de plus (dans l’esprit des anciens textes) ni de refaire nécessairement un nouveau décret M.A.S. car on est sur quelque chose de plus large. Ce que nous allons tenter de faire, c’est plutôt de revisiter, au sein d’un groupe de travail qui va être mis en place sous l’égide à la fois du C.N.C.P.H. et de la D.G.A.S. pour déterminer un certain nombre de besoins et de se dire les textes, notamment sur les M.A.S., doivent être complétés pour aller plus loin. Une fois qu’on a déterminé les besoins, il faut, en face, définir un certain nombre de réponses (censées y répondre). Qu’est-ce qui va se passer ? On a le choix de rester dans un système avec un contrôle a priori et qui est de dire que pour pouvoir accueillir des personnes ayant tel ou tel type de besoins, il faut absolument, pour être agréé, aligner telles personnes, offrir tels types de locaux, de prestations…. On resterait dans un mécanisme traditionnel. L’exercice que l’on va tenter, en liaison avec des professionnels et des têtes de réseaux, c’est de plutôt s’orienter vers quelque chose qui aurait l’aspect d’un cahier des charges et de dire dès lors qu’un organisme, quelle que soit son appellation (M.A.S., F.A.M….), a pour vocation d’accueillir des personnes qui présentent des besoins définis de telle sorte, il s’engage à offrir une réponse et des besoins sur lesquels on va se mettre d’accord avec les autorités de tutelle et il s’engage à respecter ce cahier des charges. On sera moins dans une culture d’un contrôle à priori mais dans une pratique de contrôle a postériori compte tenu des engagements pris par l’organisme, c’est là-dessus qu’il sera évalué pour en tirer des conséquences. Ce travail va être conduit au cours des semaines, des mois, à venir. Notre ambition est de pouvoir dans un espace d’environ 2 mois lancer ce groupe de travail à un rythme accéléré (1 séance hebdomadaire). Une équipe va s’en charger au sein de la D.G.A.S. (bureau chargé des adultes handicapés) et on aura également à réfléchir, pour les organismes qui accueillent certains types de publics présentant un certain type de besoins et qui entreraient dans cette démarche de cahier des charges qui sera la réponse apportée en termes financiers (un organisme qui ferait des engagements de plus grande exigence compte tenu de l’exigence des besoins des personnes qu’il accueille demandera à en avoir la traduction dans le contrat qu’il passera avec l’autorité de tutelle). Voilà l’esprit dans lequel on s’engage ; c’est quelque chose qui est ambitieux car il va falloir faire la jonction entre les exigences de la Loi 2002.2 et en même temps les attentes nouvelles de la Loi de 2005. J’ajoute, quand je parle d’exigence au cahier des charges des établissements et service, on envisage bien entendu que cette exigence puisse concerner un établissement donné, un service donné mais aussi qu’elle puisse concerner un ensemble ou un réseau de services et d’établissements puisque, dès lors qu’on parle de parcours et de projet, on peut avoir plusieurs équipes qui peuvent, en liaison entre elles, se coordonner pour apporter cette réponse. C’est une façon également de mettre en synergie des moyens et d’avoir une réponse de qualité qui n’oblige pas à chaque fois, dans chaque équipe et dans chaque établissement, à exiger et à prévoir des objectifs que l’on ne pourrait atteindre.

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CONSEIL NATIONAL DE L’EVALUATION SOCIALE ET MEDICO SOCIALEORIENTATIONS ET CLARIFICATIONS

Gérard BASLE, Administrateur G.P.F., membre du C.N.E.S.M.S.Directeur Général Adjoint Association Don Bosco (29)

La Loi du 2 janvier 2002, rénovant l’action sociale et médico-sociale, instaure une obligation d’évaluation pour l’ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux.

Cette obligation comporte deux modalités : * Une évaluation interne réalisée par les structures elles-mêmes,* une évaluation externe confiée à des organismes extérieurs habilités.

Afin d’accompagner cette obligation, la loi a prévu la mise en place d’un Conseil National de l’Évaluation Sociale et Médico-sociale (C.N.E.S.M.S.). Ce conseil, placé auprès du ministre chargé de l’action sociale, est chargé principalement de quatre missions :

* Valider les procédures, références et recommandations de bonnes pratiques professionnelles au regard desquelles seront évalués les établissements et services 

* Examiner les dossiers déposés par les organismes qui sollicitent une habilitation à pratiquer l’évaluation externe et donner un avis au ministre sur ces organismes

* Promouvoir la culture de l’évaluation dans le secteur social et médico-social* Participer à l’évaluation d’établissements et services expérimentaux

La composition du Conseil National de l’Evaluation Sociale

Installé en avril 2005, le Conseil National de l'Evaluation Sociale et Médico-Sociale associe professionnels, usagers, personnes qualifiées, gestionnaires de l’ensemble des institutions et services qui répondent aux besoins des enfants et familles en difficulté, des personnes handicapées, des personnes âgées, et des personnes en situation d’exclusion. Le Conseil comprend également des élus locaux, des représentants de l’Etat, des organismes de protection sociale.

Le nombre de membres du Conseil, titulaires et suppléants, est désormais de 114 personnes. La présidence est assurée par Monsieur Stéphane Paul, Inspecteur Général des Affaires Sociales.

Les missions du Conseil national de l’évaluation sociale et médico-sociale concernent l’ensemble du champ couvert par la Loi du 2 janvier 2002. Ce champ, très étendu, concerne les personnes âgées, les personnes handicapées, la protection de l’enfance et l’inclusion sociale. Sa composition prend en compte cette diversité des secteurs et des acteurs.

Le fonctionnement du Conseil national de l’évaluation sociale

Au cours de sa première année de fonctionnement le Conseil s’est doté d’un règlement intérieur qui fixe les modalités de son fonctionnement général et qui précise aussi le fonctionnement de la commission technique permanente et celui des commissions techniques spécifiques. Ce règlement intérieur explicite également les dispositions relatives à la déontologie, applicables aux membres du Conseil.

Une commission technique permanente, chargée d’assurer la préparation et le suivi des travaux des séances plénières, a été constituée en mai 2005. Un secrétariat, placé sous l’autorité du Président, assiste le Conseil pour l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des réunions.

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Les travaux du Conseil national de l’évaluation sociale

La diversité des acteurs et des secteurs du domaine social et médico-social qui se reflète dans la composition du Conseil est également reconnaissable dans la multiplicité des initiatives et dans la disparité des travaux réalisés, ainsi que dans leur état d’avancement en matière de références, de procédures ou de bonnes pratiques professionnelles.

Dans ce contexte, le Conseil s’est rendu compte que sa mission de validation devait comporter une étape préalable visant à recueillir des éléments permettant de mieux cerner la compréhension qu’ont les acteurs du domaine social et médico-social, de ces concepts de « procédures, références et recommandations de bonnes pratiques professionnelles ». Avec l’aide d’un laboratoire universitaire un état des lieux a été réalisé.

Deux notes d’orientations :

La première, relative au champ de l’évaluation et à la complémentarité entre évaluation interne et évaluation externe est parue en novembre 2005.

La deuxième relative aux procédures, références et bonnes pratiques professionnelles a été communiquée en janvier 2006.

Un groupe de travail chargé de coordonner la rédaction du guide de l’évaluation interne prévu dans la note d’orientation n° 2 a reçu du Président du CNESMS sa lettre de mission en février 2006. Destiné à tous les établissements et services du secteur social et médico-social, ce guide a vocation à donner un cadre commun. Il sera également une aide pour tous ces établissements et services, soit pour s’engager dans une démarche évaluative, soit pour continuer à améliorer une démarche déjà avancée.

L’évaluation interne n’est pas une pratique fondamentalement nouvelle : des démarches visant à apprécier les activités et la qualité des prestations ont d’ores et déjà été initiées au sein de nombreux établissements et services. Pour autant, de façon à ce que ces démarches puissent porter tous leurs fruits et que les établissements et services partagent une véritable « culture de l’évaluation », ces démarches devront progressivement s’organiser, se formaliser et tendre à respecter les exigences suivantes.

Une démarche intégrée

L’évaluation interne n’est pas un exercice « à part », « en plus » ou « à côté » : elle doit être intégrée à la politique et à la stratégie de l’établissement ou du service. Si elle demande un investissement plus particulier lors des premières années (notamment en raison de la nécessaire construction d’outils répondant aux spécificités de l’établissement : supports d’évaluation, critères et indicateurs pertinents,…) et si elle comporte un temps spécifique d’analyse et de production de résultats, elle doit cependant s’articuler pleinement au fonctionnement régulier des établissements et services.

Une démarche structurée et rigoureuse

L’évaluation est une démarche exigeant du temps, de l’énergie et de la méthode. En ce sens, elle doit préalablement se structurer, s’organiser, se programmer, se planifier. Elle exige des temps de passage à l’écrit permettant à la fois de « mettre en mots », de mieux partager, mais aussi de laisser des traces, à la fois sur les processus initiés et les résultats produits.

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Une démarche impliquant les instances décisionnelles

L’évaluation doit éclairer et favoriser la prise de décision : de ce fait, elle implique directement les décideurs – à tous niveaux – qu’il s’agisse des administrateurs, des directeurs ou des responsables d’établissements et de service. L’inscription volontariste des décideurs dans toutes leurs composantes, dès en amont de l’évaluation, est une condition déterminante de la réussite de ce processus.

Une « démarche projet »

L’évaluation est une démarche permettant de légitimer l’action d’un service ou d’un établissement par la mise en débat de celle-ci, en contribuant au positionnement de chacun en tant qu’acteur autonome et responsable, dans le respect de son rôle, de ses attributions, de sa place dans le système, sans redondance ni substitution. Dans ce cadre, des espaces de réflexion et une autonomie de la pensée de chacun doivent être garantis aux différents acteurs de l’établissement ou du service afin qu’ils soient en capacité d’élaborer et d’exprimer un point de vue étayé.

Une démarche éthique et déontologique

L’évaluation interne doit se réaliser conformément aux principes éthiques et déontologiques garantissant la liberté de parole et d’expression, le respect des droits fondamentaux des personnes, la reconnaissance de la légitimité de chacun ; elle doit être conduite en appliquant les règles de discrétion, de confidentialité, de déontologie professionnelle.

Un exercice de prise de distance

L’évaluation interne suppose de prendre de la distance par rapport aux contingences quotidiennes, aux habitudes, aux évidences ; pour ce faire, est nécessaire la conjugaison de plusieurs éléments, notamment les suivants :

* la pluralité et la confrontation des points de vue ;* la pluridisciplinarité ;* le recours à un ou des supports d’évaluation adaptés aux spécificités de l’établissement

ou du service et appropriés par l’ensemble de ses acteurs…

Une logique systémique

L’évaluation doit resituer l’établissement ou le service dans son contexte : ainsi, elle ne peut faire l’économie d’une appréciation du projet d’établissement ou de service dans l’environnement institutionnel dans lequel il se situe (par exemple, au regard du projet associatif dans lequel il s’inscrit ou au regard des différents schémas existants…).

De même, l’évaluation devra prendre en compte les « sous-systèmes » qui structurent l’établissement ou le service : projet social, projet éducatif, projet médical, projets personnalisés,…

Enfin, l’évaluation veillera à tirer des enseignements sur les articulations, la cohérence et la complémentarité entre ces différents systèmes et sous-systèmes.

Ainsi, l’évaluation est globale et ne peut se centrer sur un seul objet, par exemple les moyens financiers d’un établissement ou d’un service. Pour autant, la question des moyens sera une dimension abordée dans le cadre de l’évaluation, notamment au regard de l’efficience des actions conduites.

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Une dynamique collective et plurielle

L’évaluation interne doit impérativement impliquer les différents acteurs et composantes de l’établissement ou du service :

* l’institution (à travers ses valeurs, son projet, ses missions, sa stratégie, son organisation et son mode de fonctionnement)

* les personnels (à travers leurs responsabilités professionnelles, leurs différentes qualifications, leurs cultures, leur positionnement réciproque et leurs complémentarités)* les usagers (à travers leurs histoires singulières, leur projet de vie, leurs besoins mais aussi leurs attentes à l’égard de l’établissement ou du service)

Plus qu’une démarche « participative » de type « consultatif », c’est un engagement et une co-responsabilité dans une dynamique de progrès.

L’évaluation suppose l’engagement des dirigeants mais aussi celle de tous les acteurs :cadres, salariés, usagers, familles…la démarche d’évaluation pour être utilement conduite nécessite un accompagnement par un « maïeuticien » c’est à dire quelqu’un d’extérieur capable d’aider a éclairer les zones de non-dits pour aider chacun dans un mode participatif à produire des connaissances partagées, a développer des apprentissages collectifs. L’évaluation doit permettre de nourrir une démarche continue d’amélioration concrétisée par un plan d’action permettant d’engager les évolutions nécessaires.

L’évaluation se tient à distance du contrôle ; contrôler c’est vérifier, évaluer c’est comprendre (Pierre Savignat)

Une démarche contradictoire et critique

Une démarche collective ne signifie pas d’emblée une démarche consensuelle, ou uniforme. C’est parce que les points de vue ne seront pas identiques, qu’ils seront en tension, en confrontation que des connaissances nouvelles et des perspectives novatrices pourront être envisagées. Aucun point de vue ne peut être surdéterminé par rapport à un autre. L’évaluation doit constituer un espace « d’analyse critique », de croisement des savoirs de l’ensemble des acteurs, permettant ainsi de dégager des marges d’amélioration à investir.

Une démarche compréhensible

En vue de favoriser l’implication de chacun, l’évaluation doit pouvoir être comprise par tous. En ce sens, les règles du jeu doivent être explicites, intelligibles et accessibles par tous. Elle exige également des informations, des communications tout au long de la démarche. Enfin, elle exige une transparence sur les résultats de cette évaluation.

Les incontournables

L’évaluation interne est obligatoire pour l’ensemble des établissements et services relevant de l’article L.312-1 du Code de l’action sociale et des familles et autorisées au titre de l’article L.313-1.

Le champ de l’évaluation couvre les activités et la qualité des prestations délivrées.

Quatre domaines d’interrogations des pratiques des établissements et services et des professionnels.

Gérard BASLE

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Ce guide, pour chaque établissement et service, retient quatre domaines « incontournables » concernés par l’évaluation interne :

Le droit et la participation des usagers, la personnalisation des prestations ;L’établissement ou le service dans son environnement ;Les modalités de mise en œuvre du projet d’établissement ou de service ;L’organisation de l’établissement ou du service.

Pour chacun de ces domaines le guide précise que l’évaluation doit analyser « …l’ensemble des manières de faire, de dire, et d’agir mises en oeuvre par l’établissement ou le service et par les professionnels dans le cadre de leur activité… »« …Quels choix ont été réalisés ? Comment cela a été mis en place ? Quelle est l’analyse des effets ? Quelles sont les marges de progrès ?… » « …Il s’agit au travers de ces questions d’apprécier la façon dont l’ensemble des activités et des prestations concrétise le projet et prennent en compte les bonnes pratiques professionnelles… »

Ce guide de l’évaluation interne vient d’être validé par l’assemblée plénière du CNESMS le 15 septembre.

Le Conseil a défini son programme de travail pour le deuxième semestre 2006 et l’année 2007 . Ce programme adopté à l’unanimité des membres du Conseil prévoit de valider 16 recommandations de bonnes pratiques professionnelles. Il s’agit d’un programme prévisionnel qui pourra être modifié en fonction des commandes que le CNESMS recevra mais son développement dépendra également des moyens en personnel et en financement que le Conseil se verra attribuer.

L’évaluation et la personne polyhandicapée

Appliqué aux personnes polyhandicapées le processus d’évaluation doit permettre tout particulièrement de mesurer si, au-delà des déclarations debonnes intentions, les pratiques quotidiennes témoignent bien d’une véritable personnalisation de la prise en charge de ces personnes.

Référencée à un projet d’établissement élaboré pour prendre en compte cette manière particulière d’être au monde de la personne polyhandicapée, l’évaluation est un processus dynamique dans lequel tous les acteurs doivent être impliqués.

* l'association et ses valeurs fondamentales, c'est à dire celles qui ont présidées à sa création.

* l'institution, c'est à dire chacun des personnels qui compose l'équipe pluri professionnelle dont les missions et les actions sont fédérées par le projet d'établissement.

* Les usagers avec leur histoire singulière, leur projet de vie, leurs besoins spécifiques.* Les établissements et les services qui accueillent les personnes polyhandicapées sont concernés par les bonnes pratiques professionnelles dont le champ couvre

potentiellement l’ensemble des établissements et services relevant de la Loi du 2 janvier 2002. Les annexes 24 ter du décret du 29 octobre 1989 avaient eut le très grand mérite d’identifier une population spécifique ainsi que ses besoins particuliers.

* Les personnes polyhandicapées présentent un « … handicap grave aux manifestations multiples avec déficience motrice et déficience mentale sévère ou profonde, entraînant une restriction extrême des possibilités de perception, d’expression et de relation … ». La prise en compte des besoins spécifiques de la personne polyhandicapée nécessite l’intervention de nombreux spécialistes dans le domaine du soin de l’éducation, de la socialisation.

Gérard BASLE

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Cette multiplicité des intervenants présente le risque aujourd’hui bien identifié d’une juxtaposition des actions de ces nombreux spécialistes. Les modalités d’élaboration de mise en œuvre et de suivi de chaque projet individualisé doivent permettre de prendre en compte les besoins spécifiques de chaque personne polyhandicapée accueillie dans un établissement ou un service.

Dans ce contexte, l’évaluation devra notamment porter sur la façon dont le projet d’établissement ou de service organise les modalités d’intervention de ces différents acteurs auprès de la personne polyhandicapée et de sa famille. Le guide ne vient pas remplacer des références qui sont toujours d’actualité comme par exemple les annexes 24 du décret de 1989. à propos des relation de l’établissement avec les familles les trois mots clés que tous nous avons en mémoire sont toujours à prendre en compte. La démarche d’évaluation va nous conduire par exemple à examiner comment la famille est informée, comment elle est associée à l’élaboration ainsi qu’a la mise en œuvre des différentes actions pluri professionnelles qui constituent le projet de leur enfant. Quels choix ont été réalisés, Comment le soutien de la famille a–t-il été mis en place du point de vue de l’équipe des professionnels, mais aussi du point de vue de la famille ? et se sont ces regards croisés venant de points de vue différents qui permettront de conduire les évolutions nécessaires.

Le guide souligne la nécessité d’une instance de coordination et d’organisation de la démarche d’évaluation, en proposant d’utiliser ou de créer « …une instance plurielle et collégiale, garantissant l’implication de l’ensemble des acteurs (les usagers, l’ensemble des catégories professionnelles, les bénévoles)… » je suis personnellement convaincu que la démarche d’évaluation favorise le développement d’un processus continue d’amélioration de la qualité des pratiques professionnelles et des prestations proposées aux personnes polyhandicapées et à leur famille.

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Eléments de contexte

En posant les principes d’une nécessaire (obligatoire) évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux, la loi du 2 janvier 2002 n’a toutefois pas précisé la forme et les attentes de la Puissance Publique vis-à-vis de cette démarche.

Les débats parlementaires révèlent bien à cet égard, les différentes « visions » de cette évaluation, tantôt inspirée d’une logique de contrôle, d’une préoccupation de bonne utilisation de l’argent public, ou d’une approche standardisée proche du modèle sanitaire de l’accréditation.

Parallèlement, le vaste champ des établissements médico-sociaux désormais, ouvert à la concurrence marchande, pouvait également plaider pour une forme d’évaluation « consumériste », fondée sur la seule satisfaction de l’usager sans autre référence à la mission de l’établissement et la conduite de son projet.

Particularité Française, l’injonction législative d’évaluation peut apparaître incongrue aux observateurs étrangers, largement convaincus de la nécessité d’un engagement volontaire et autoproduit pour le bon déroulement de cette démarche.

Fort heureusement, l’entrée en lice du Conseil National d’Evaluation Sociale et Médico-Sociale (CNESMS) a largement contribué à « clarifier le paysage » et à poser les fondements d’une évaluation dynamique, constructive, concertée, et largement appuyée sur le Projet d’Etablissement et sa réalisation.

Par son habile communication, le CNESMS aura largement contribué à convaincre les sceptiques et rassurer les inquiets, sur une forme d’évaluation réclamant la participation des principaux acteurs, et laissant une place prépondérante à l’auto-évaluation dont les vertus vont bien au-delà d’un simple « galop d’essai » pour l’évaluation externe.

Utile à qui ?

Ainsi débarrassée des préjugés administratifs et comptables, l’évaluation peut dès lors s’épanouir dans le champ de ses bénéficiaires au premier rang desquels apparaît naturellement l’usager que nous distinguons du consommateur précité. Il ne s’agit plus strictement d’apprécier la qualité des prestations offertes, mais de garantir une qualité d’information, le respect effectif des droits de l’usager, sa compréhension et sa participation à l’action proposée, et subsidiairement son appréciation sur la qualité de l’accompagnement proposé.

Pour les professionnels, héritiers d’une culture très inspirée des approches par métiers et dans certains cas de la « division du travail », l’évaluation peut désormais fournir l’occasion d’une interrogation approfondie sur le sens de l’action collective. Une action collective davantage orientée sur la mission, les étapes de sa conduite, les fonctions, les objectifs communs et les places et rôles de chacun mobilisé dans une démarche de complémentarité.

A ce niveau, l’appropriation de l’évaluation comme dimension participative de la politique managériale, apparaît être une opportunité pour l’ensemble du corps professionnel. Sans réduire la complexité du champ managérial à la démarche d’amélioration de la qualité (certains le font…), il apparaît que l’évaluation peut produire des effets de revalorisation de l’action produite, et par « feed-back » des acteurs et des promoteurs de cette action.

C’est donc bien l’ensemble des acteurs, remis au cœur de l’établissement et du service, qui est invité à penser son intervention au regard d’une possible évaluation, non pas des résultats obtenus auprès de l’usager, mais dans la réalisation des interventions et actions préalablement définies, organisées et admises par les partenaires internes et externes.

A ce stade, on comprend mieux comment la synergie peut efficacement s’opérer avec une démarche de projet d’établissement qui constitue le préalable incontournable à une démarche d’évaluation productive.

Le projet d’établissement et de service en supportera une obligation de forme, insistant sur la description des déclinaisons opérationnelles des valeurs, objectifs et actions développées dans des domaines aussi primordiaux que :

* La mise en œuvre des droits de l’usager

* Les partenariats, coopérations, travail en réseau

* Les éléments constitutifs de l’accompagnement médico-social

* La constitution et la contractualisation des projets personnalisés

* L’intervention des professionnels et la pluridisciplinarité

Par cette approche de l’évaluation, l’utilité de la démarche ne s’apprécie plus à travers la souscription à une obligation légale, mais bien davantage dans une perspective dynamique d’adaptation réfléchie et concertée de l’offre sociale et médico-sociale.

CONDITIONS D’UNE EVALUATION UTILEPhilipe GAUDON

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Philippe GAUDON

Les conditions

Nous le savons, à l’exception de quelques pionniers, notre secteur a accueilli l’injonction législative avec méfiance, contestant aux plans éthiques et professionnels l’orientation des politiques publiques.

L’adhésion des acteurs n’est donc pas acquise mais constitue un préalable essentiel à l’efficacité de la démarche.

Cette adhésion ne pourra s’obtenir sans une information suffisamment complète et documentée, visant à « dialectiser » les résistances culturelles, et inscrire la volonté politique et stratégique de l’Association dans les éléments de contexte propres à l’établissement et son activité.

A ce niveau, l’engagement des cadres et cadres intermédiaires se révèle absolument nécessaire. Il leur appartiendra d’informer, de rassurer, et de rechercher la participation active des salariés à chaque étape de la démarche. Une démarche qui, si elle connaît nécessairement des « temps forts » d’investissement intense, doit bien être présentée d’emblée comme une démarche continue, déterminante de l’esprit et de la forme de l’exercice professionnel individuel et collectif.

Cette recherche d’adhésion devra s’accompagner d’une politique de communication institutionnelle sur la démarche, spécifiquement pensée et identifiée (supports), accessible à l’ensemble des acteurs quels que soient leur place et rôle dans l’institution.

Cette communication élargira son « spectre » à l’actualité réglementaire et administrative de l’évaluation sociale et médico-sociale, symbole de la participation de la structure à un environnement ouvert et de réseau, et de l’inscription de l’évaluation dans un « tout cohérent » solidarisant les politiques publiques, les valeurs associatives, le projet d’établissement, et l’évaluation des pratiques et projets.

Seconde condition, l’opportunité pour la structure de bien choisir, voire d’élaborer son outil (référentiel) conforme à ses orientations, ses priorités, ses spécificités.

A ce titre, on observera que la dynamique instaurée par l’élaboration concertée de son propre référentiel, constitue un préalable efficace au recueil de l’adhésion des acteurs professionnels. Ce temps offre en effet, l’opportunité d’échanges de vues utiles sur ce qu’il apparaît nécessaire d’évaluer, la structure générale du référentiel, la formulation précise des références.

Il fournit également l’occasion au gestionnaire d’affirmer ses valeurs et de traduire celles-ci dans leurs dimensions opérationnelles, des orientations techniques et des partenariats.

Le choix du prestataire qui accompagnera la structure dans sa démarche se révèle également essentiel. On s’emploiera, par un système d’auditions préalables, à choisir (dans les meilleurs rapport qualité/prix), celui qui semble le plus correspondre à la culture et aux valeurs du gestionnaire et de l’établissement.

Plus généralement, cette étape contribue à inscrire la démarche d’évaluation dans un contexte de rigueur méthodologique (admettons-le pas toujours présent dans le secteur,…), et à déterminer les indispensables délégations de rôles et de responsabilités (groupes de pilotage, référents qualité, calendrier d’exécution), révélatrices de motivations et degrés d’engagement.

Enfin, on l’aura compris, il appartient aux cadres et principalement au directeur, de veiller à ce que cette démarche ne soit pas « désincarnée » de la « logique 2002-02 » et de la resituer régulièrement dans son lien solidaire avec l’effort de « lisibilité » et de « transparence » nécessaire et réclamée aux établissements sociaux et médico-sociaux.

L’évaluation, à ce titre, intéresse dans une perspective de globalité et de cohérence l’ensemble de la « chaîne associative » de l’action sociale et médico-sociale, engagée du projet associatif aux projets personnalisés des usagers accueillis.

La chance qui nous est offerte est que l’évaluation ne peut porter que sur ce qui a été probablement pensé, élaboré et mis en forme par les acteurs eux-mêmes, dans les seules limites des cadres législatifs et réglementaires généraux.

C’est l’un des principaux mérites de l’action du CNESMS d’avoir su imposer cette approche « endogène et dynamique », par opposition à des modèles standardisés et normalisants, souvent plus conformes à la culture de l’Administration.

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Le polyhandicap

Appliquée au polyhandicap, la démarche présentée souffre-t-elle quelques spécificités ?

Certains conservateurs ou esprits critiques ont trop hâtivement conclu que la nature du travail auprès des personnes polyhandicapées, dans sa grande complexité faite de petits détails et d’une importante composante clinique et relationnelle, se prêtait mal (ou était incompatible) à la démarche d’évaluation.

A contrario, on pourrait justement affirmer qu’elle l’impose encore davantage. Il ne sera bien sûr pas question d’évaluer la personne accueillie, ses progrès, ses acquisitions ou régressions, mais la bonne mise en œuvre des éléments du projet personnalisé, toujours exposé au risque de se perdre dans « les océans du quotidien ou de la relation interpersonnelle ».

A l’évidence, le rapport à l’usager, souvent rappelé dans la loi, est là principalement reporté sur le représentant légal et ainsi, le plus souvent la famille.

Il constitue une réalité imposée avec laquelle il nous faudra composer pour s’assurer une participation justement équilibrée, spécifiquement dans la démarche d’élaboration du projet personnalisé et la prise en compte de l’expression des choix de l’usager… ou de son représentant.

Par ailleurs, la composante hautement pluridisciplinaire réclame sans doute davantage de méthode, de coordination-coopération, d’élaboration collective dont l’effectivité impose une évaluation régulière.

Les 20 dernières années, marquées par l’ambition qualitative de l’accompagnement des personnes polyhandicapées, ont imposé au-delà de l’orientation politique et administrative, la mise au point de « bonnes pratiques professionnelles » protocolisées, portant sur les « temps forts » ou considérées prioritaires dans les axes de la santé, de l’alimentation, du confort, des apprentissages, de l’autonomie…

Généralement, l’évaluation apparaît le complément naturel d’une approche médico-sociale par objectif, laquelle, appliquée au polyhandicap, ne sacrifie rien à l’appréhension de la globalité de la personne polyhandicapée.

En conclusion, nous devons nous saisir de l’opportunité « entre ouverte » de se construire une approche et un référentiel conforme à son projet et à ses valeurs.

On m’objectera que les valeurs ne s’évaluent pas, mais des valeurs qui ne se traduiraient pas en action, demeureraient incantatoires et, au pire, sans effet sur les usagers.

L’évaluation des pratiques professionnelles auprès des personnes polyhandicapées nous offre également une occasion exceptionnelle de valoriser les connaissances acquises, dépasser les représentations caritatives et méritoires, pour imposer des pratiques conciliant humanisme et professionnalisme.

Ce dernier aspect dévoile ainsi une articulation originale, entre l’évaluation et une action militante, que le GPF a toujours soutenu dans la promotion de la qualité de « prise en charge » ou d’accompagnement des enfants et adultes polyhandicapés.

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ECHANGES AVEC LA SALLE

Daniel BLATRIX (correspondant local G.P.F. en Côte d’Or et secrétaire général de l’ADAPEI 21) : Monsieur DIDIER-COURBIN, concernant la P.C.H. dans les établissements, j’ai cru comprendre qu’elle était mise en place mais on conseillait jusqu’alors aux parents de conserver l’A.C.T.P. car elle était reversée dans le cadre des retours en famille, la P.C.H. n’étant pas applicable dans les établissements, il n’y avait pas de rémunération pour les aidants familiaux.

Philippe DIDIER-COURBIN : concernant la prestation de compensation à domicile, les textes sont sortis en décembre dernier. En revanche, pour la prestation de compensation en établissement, le texte a été soumis au C.N.C.P.H., a été arbitré et va être publié dans les semaines qui viennent. Ce qui est prévu, c’est que les personnes, qui sont en établissement, auront la possibilité de déposer leur dossier en principe jusqu’en mars 2007 (et au-delà). Pour ceux qui déposent leur dossier en mars 2007, ils auront la possibilité de faire valoir leurs droits à compter du mois de juillet 2006 (effet rétroactif de l’ordre de 9 mois). Il faut attendre quelques semaines pour que le décret sorte et les personnes qui sont perçoivent l’allocation compensatrice pourront comparer les deux dispositifs et faire valoir leur droit d’option.

Daniel BLATRIX : les transports sont-ils pris en compte dans la prestation de compensation ? En effet, pour les personnes adultes en établissement, les transports c’est un véritable problème quand les parents vieillissent et ne peuvent plus venir chercher leur enfant dans l’établissement, le lien familial risque d’être rompu. Est-ce que ces transports seront pris en charge par la P.C.H. ainsi que certains matériels (cf orthopédie) ?

Philippe DIDIER-COURBIN : les transports vont être pris en charge à plusieurs titres. Les personnes, qui sont hébergées en établissement ou qui fréquentent quotidiennement un établissement, auront accès à l’élément de la prestation dit surcoût du transport avec des règles qui permettront à la fois de prendre en charge les frais d’une personne qui est handicapée mais autonome et utilise un véhicule (tarif kilométrique) et pour les personnes qui ont besoin de faire appel à un tiers pour se déplacer, la prestation permettra de faire valoir, sur la base d’une indemnité kilométrique, les surcoûts des transports. Le texte prévoit également que, lorsqu’une personne, hébergée en établissement, est amenée à rejoindre sa famille, que les proches viennent la chercher, la ramène dans l’établissement et repart au domicile, que ce surcoût (pour la famille) de ces différents aller et retours soit également pris en compte. Par ailleurs, quand on parle de surcoût de transports, on parle de surcoûts qui n’ont pas vocation à être pris en charge à un autre titre. On a actuellement, dans le champ des structures pour les adultes handicapés, plusieurs cas de figure : dans les budgets des établissements pour adultes, il n’y a pas de dispositions réglementaires qui imposent ou prévoient qu’ils prennent en charge théoriquement ces frais de transports. En revanche, dans les C.A.T., il y a possibilité que ces derniers prennent en charge les transports dès lors qu’ils sont collectifs. Pour les enfants, les budgets permettent à l’établissement de les prendre en charge. La prestation de compensation interviendra là où notamment la Sécurité Sociale n’est pas déjà engagée.

Concernant les aides techniques, une personne qui fréquente un établissement a naturellement droit à l’élément aide technique ou accès à l’élément des frais spécifiques exceptionnels à la seule condition qu’il ne s’agisse pas d’aides ou de matériel, qui rentrent dans le cadre des missions de la structure qui les accueillent.

Daniel BLATRIX : concernant les adultes, ils sont orientés soit en M.A.S., soit en F.A.M. Afin de simplifier, serait-il possible d’obtenir des orientations en M.A.S./F.A.M, sachant que les conditions d’accueil sont les mêmes dans ces deux structures et qu’il est compliqué de faire une nouvelle demande pour obtenir une orientation en F.A.M. quand on a eu une première en orientation en M.A.S. et inversement ?

Philippe DIDIER-COURBIN : il est vrai qu’il peut y avoir une certaine hypocrisie dans les faits à dire que les M.A.S. ont telle mission et il y aurait une césure claire avec le rôle qu’est celui des F.A.M. On voit bien que, pour avoir vécu le lancement des programmes qui favorisaient la création des MA.S. et des F.A.M., que certes les foyers double tarification, à l’époque, avaient vocation à nécessiter peut-être moins d’investissements et de financements Assurance Maladie mais on sait que, dans les faits, cela a été souvent suivant l’opportunité locale et puisqu’on donnait aux D.R.A.S.S. de l’argent de la Sécurité Sociale, s’ils pouvaient trouver d’autres partenaires financiers (départements), cela permettrait de créer davantage de places que celles possibles dans le cadre d’un seul financement Sécurité Sociale, même si l’on observe que, dans les faits (enquête faite par le CREAI des Pays de Loire), d’une certaine façon, il y a des graduations à la fois dans l’intensité des besoins et puis également des catégories de public et de handicap plus présents dans l’un ou l’autre. Qu’est-ce qu’on peut faire ?

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On aurait pu profiter de la préparation du décret 39.2 pour dire que c’est l’occasion de remettre à plat cette question mais ce n’est pas l’état d’esprit actuel. En effet, la Loi prévoit un rendez-vous important qui est de dire que, dans les 5 ans qui vont suivre la sortie de la Loi 2005 , il conviendra de prendre des dispositions qui font sauter les barrières d’âge c'est-à-dire que, d’une part les règles d’accès à la prestation de compensation des personnes handicapées non âgées et le régime de la prestation de compensation pour des personnes handicapées notamment du fait de l’âge auront vocation à se rapprocher. Par ailleurs, la Loi indique que les règles de participation des usagers, quel que soit leur âge, auront vocation à être rapprochées, harmonisées, voire unifiées. C’est un énorme chantier qui va venir reposer, de façon plus précise, la tarification des établissements. Si on dit que demain les personnes âgées dépendantes, du fait de l’âge, se verront appliquer le même régime de prestations qu’aux personnes handicapées « traditionnelles » et si on dit également qu’on leur appliquera le même régime de participation (frais d’hébergement, dépendance…), on voit bien qu’on a un chantier majeur devant nous qui va remettre à plat les cartes de la tarification des établissements. Il n’est donc peut-être pas tout à fait opportun de redéfinir la question de la tarification des M.A.S. et des F.A.M. alors même qu’on a un chantier beaucoup plus vaste, dans la nouvelle législature, qui va s’ouvrir. Cela va au-delà même de la tarification, c’est toute la question de comment va être financé le phénomène de la dépendance dans les décennies qui viennent.

Gérard COURTOIS : il me semble qu’il y a un certain nombre de choses à souligner. Le début de la matinée a été très riche et on voit bien le lien entre la Loi de 2002.2 et celle de 2005 qui vient d’être fait de façon claire. Si dans la Loi de 2002.2, on pose le problème de l’évaluation, avec la Loi de 2005, l’accent est plus encore porté sur les besoins de la personne. Mon interrogation va s’attacher à cet aspect car le médico-social (les établissements d’accueil) a fait preuve déjà, depuis le début de l’introduction de ces législations, d’un fort dynamisme et même d’une grande performance en répondant à un certain nombre d’éléments en établissement demandés par les administrations de contrôle pour répondre aux obligations législatives.

Quelque chose s’ajoute : si, dans la Loi 2002.2, l’attention première est déjà centrée sur le projet personnalisé, dans la Loi de 2005, on introduit la notion de projet de vie. La loi de 2002.2, impose aux établissements du médico-social de formaliser un contrat de séjour. C’est important car cela fixera des engagements du médico-social vis-à-vis des réponses ou solutions faites ou soumises à la personne. Avec la formalisation du contrat de séjour et les obligations simultanées d’élaborer un projet personnalisé et de respecter naturellement le projet de vie : la question des limites et des moyens va prendre toute sa place… ne serait-ce, comme l’a soulevé tout à l’heure un intervenant, qu’en termes de financement des transports ou, comme l’a mentionné Philippe GAUDON, dans sa conclusion, en termes de temps… Oui, tout cela demande du temps, du personnel. Il est à noter que déjà les choses se font et se mettent en place et bon nombre d’établissements ont répondu à un certain nombre d’indicateurs dans le cadre des préparations budgétaires… la convergence tarifaire ne va-t-elle pas pénaliser certains ? Lisser par le bas ? Je m’excuse de lier toutes ces choses mais c’est impératif de rassembler tous ces éléments. Pour les établissements du médico-social, la question des moyens se pose – nos financements sont déterminés essentiellement par les taux directeurs qui s’appliquent à des groupes fonctionnels qui montrent déjà de grandes limites. On voit donc que le secteur associatif est très performant et qu’il est même très coopérant par rapport à tous ces objectifs. Mais je reste persuadé que cette législation concernant l’évaluation, comme cela a été dit par les intervenants, est une très bonne dynamique surtout si elle permet de se dégager de l’objectif unique de la convergence tarifaire. Comme l’a dit Didier PHILIPPE-COURBIN, cela va souligner, à terme, le problème de la dépendance en général qu’il va falloir financer d’où mon interrogation : est-ce que le secteur médico social, est-ce que le secteur du handicap, probablement un peu mieux financé que d’autres (secteur des personnes âgées, par exemple), pour répondre aux besoins de la dépendance des personnes âgées, va voir ses moyens lissés par le bas pour pouvoir distribuer plus solidairement (l’intention serait bonne) mais ne répondrait pas aux obligations par rapport à cette qualité et à cet attendu sur le projet de vie des personnes handicapées et notamment polyhandicapées

Philippe DIDIER-COURBIN : concernant les financements de la dépendance, effectivement la question a été posée, au moment où ont été mises en place la C.N.S.A. et la Journée Nationale de Solidarité, de quels choix fait-on : créer une nouvelle branche de Sécurité Sociale ou mettre en place un dispositif original à la fois financé par la solidarité nationale et en même temps un dispositif qui s’appuie sur un recyclage des financements que les départements apportent déjà en direction des personnes âgées et des personnes handicapées ? C’est la mise en place d’un dispositif original qui a été choisi. Compte tenu des difficultés des branches traditionnelles de la Sécurité Sociale, c’était peut-être une certaine forme de prudence de mettre en place justement un dispositif qui ait un caractère original et à l’abri de ces dispositions là. Les efforts supplémentaires qui ont été débloqués avec la mise en place de la C.N.S.A. et du financement de la journée

ECHANGES AVEC LA SALLE

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dépendance montrent bien que l’on a pu trouver des financements spécifiques qui sont venus doubler, je vous le rappelle, les dépenses qui sont assurées actuellement par les départements en direction des personnes handicapées en matière de prestations puisque la contribution de la C.N.S.A. aux départements pour la prestation de compensation vient quasiment doubler les financements que les départements pouvaient accorder au titre de l’allocation compensatrice tierce personne. Ce sont des financements dédiés et supplémentaires qui n’ont pas été arrachés aux caisse. Ce sont ces financements qui ont permis d’accompagner l’effort de la Sécurité Sociale notamment pour les créations de places que ce soit dans le secteur du handicap ou dans le secteur des personnes âgées. Donc, des financements particuliers ont été trouvés, un dispositif original a été mis en place qui semble assez bien conçu pour ne pas être trop impacté par les difficultés nécessaires de recherche d’équilibre des caisses régionales. Un choix de prudence a été fait, maintenant, dans le cadre de la préparation de la future législature, les politiques auront soit à confirmer ce choix, soit de l’infléchir, ce sera un débat assez présent au cours des prochains mois.

Pour terminer, sachez que le Ministre de la Santé, après avoir chargé au printemps dernier le sénateur Paul Blanc d’une réflexion sur le problème de la prise en charge et de l’accompagnement des personnes handicapées vieillissantes, vient de nommer une chargée de mission pour une réflexion qui serait rendue au Ministère en fin d’année notamment sur la question des différentes pistes de financement (avantages et inconvénients) de la dépendance pour les années qui viennent

Gérard COURTOIS : on ne peut pas répondre sur le plan plus général et plus politique mais peut-être sur un point plus précis qui s’impose aux établissements médico-sociaux. Depuis plusieurs années, le financement pour le fonctionnement des établissements est assuré par une reconduction des budgets accordés ; aussi, il y a aussi une véritable inquiétude : on arrive au terme de l’arrêt du financement et des aides pour les 35 heures, quid du devenir du financement de ces postes-là. Certains Conseils Généraux ou départements ont fusionné les postes création A.R.T.T., pour les D.A.S.S., on voit d’un département à l’autre des pratiques complètement disparates. Sur ce qui vient d’être dit par rapport à la journée de solidarité et au financement qu’elle a permis, Monsieur DOUSTE-BLAZY avait dit que cela ne couvrirait pas la totalité des besoins, il y a matière à s’inquiéter déjà en termes de moyens humains. Il faut savoir que nous sommes de plus en plus souvent contraints à demander à nos hommes et femmes qui normalement sont en contact des personnes sur le terrain à répondre à un certain nombre de tâches : répondre aux indicateurs, répondre à l’évaluation. Effectivement, il y a du personnel, effectivement cela coûte cher, peut-être plus cher qu’avant, mais c’est peut-être encore moins bien géré. Il y a de moins en moins de personnel en lien directement sur le terrain et plus en retrait pour répondre à des objectifs de gestion administrative.

Philippe DIDIER COURBIN : il y a toujours matière à s’inquiéter, on doit être vigilant. En revanche, puisque vous évoquez les insuffisances de financement, nous sommes confrontés aux efforts de rigueur auxquels il faut faire face : en même temps, quand vous regardez les taux de progression des financements accordés au secteur médico-social, nous avons encore pour 2007 obtenu un taux d’évolution qui est loin d’être négligeable. Par ailleurs, il y a un certain nombre d’établissements qui peuvent se retrouver en difficulté du fait notamment de la fin d’un certain nombre d’aides arrivées à leur terme. En 2006, je vous rappelle que, sur des financements alimentés par la C.N.S.A., nous avons pu accorder aux services déconcentrés des financements dédiés pour permettre de répondre à des situations de difficultés d’établissements qu’elles soient conjoncturelles ou structurelles. Ces financements ont été débloqués et nous avons l’intention de le faire à nouveau en 2007. On ne répondra pas partout à l’ensemble des préoccupations de tous les établissements mais sachez que des enveloppes dédiées ont été accordées aux DRASS pour tenter d’y répondre et nous les examinerons à chaque fois que des demandes complémentaires nous seront faites.

ECHANGES AVEC LA SALLE

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LA DEMARCHE D’EVALUATION

Modérateur : Georges SAULUSpsychiatre, Administrateur G.P.F.

Nous allons reprendre comme schéma ce qui a été décrit par Philippe GAUDON à savoir que l’évaluation fait partie d’un tout avec une dimension associative, une dimension d’établissement, une dimension plus personnalisée

Il va donc vous être présenté successivement ces trois niveaux :

- associatif avec Monsieur Soria, Directeur du Cabinet ABAQ Conseil (Lyon)- établissement avec Madame Eliane LE RETIF, Directrice Générale de l’Association Marie-Hélène et Madame Estelle BACHER- individuel avec le témoignage de Madame Laurence DESEIGNE, maman et présidente de l’ASSEPH (Orléans)

Je laisse donc la parole à Monsieur SORIA…

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METHODOLOGIE D’ELABORATION D’UN REFERENTIEL ASSOCIATIF Patrick SORIA -

Je vais aborder le thème de cette journée du point de vue « méthodologique » en évoquant l’élaboration des supports d’évaluation interne dans un cadre d’organisme gestionnaire qu’il soit de statut associatif ou autre ; ceci afin de valoriser les bonnes pratiques professionnelles au travers de l’évaluation interne.

1. Contexte (réglementations et recommandations) : la Loi de rénovation de l’action sociale et médico sociale du 2 janvier 2002

Art L312.8 : les établissements … procèdent à l’évaluation de leurs activités et de la qualité des prestations qu’ils délivrent, au regard notamment des procédures, des références et de recommandations de bonnes pratiques professionnelles, ou en cas de carences, élaborées, par un conseil national d’évaluation sociale et médico-sociale, placé auprès du Ministère chargé de l’action sociale.Les résultats de l’évaluation sont communiqués tous les 5 ans à l’autorité ayant délivrée l’autorisation.

Art. L312-8 : les établissements font procéder à l’évaluation … par un organisme extérieur. Les organismes habilités doivent respecter un cahier des charges fixé par décret. La liste des organismes est établie par arrêté du Ministère … après avis du CNES-MS.

2. Notion d’évaluation

L’évaluation interne doit être réalisée au cours des 7 années suivant l’autorisation et au moins 2 ans avant renouvellement.

Ses objets : Mesurer si les pratiques quotidiennes témoignent d’une véritable personnalisation, d’une juste réponse aux attentes

et d’un réel respect des usagers et familles, Interroger le projet d’établissement (réponse à la population accueillie, dynamique territoriale, efficience…), Émettre un jugement sur la cohérence des relations, Mesurer l’impact des actions conduites.

L’évaluation externe se prononcera sur : le sérieux de l’évaluation interne et les améliorations effectivement réalisées.

L’évaluation a pour objet l’appréciation, à intervalles réguliers de :* La cohérence,* La pertinence,* L’efficacité,* L’impact, des actions

Les caractéristiques de la méthodologie d’évaluation interne :* Une démarche intégrée * Une démarche structurée et rigoureuse* Une démarche collective et plurielle* Une démarche contradictoire* Une démarche impliquant les instances institutionnelles

Les champs d’investigations :* Le droit et la participation de l’usager* La personnalisation des prestations* Le projet d’établissement* L’établissement dans son environnement* L’organisation

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ENGAGEMENT DANS LA PROCEDURE

PLAN D’AMELIORATION ET DE SUIVI EVALUATION INTERNE

EVALUATION EXTERNE Plan d’amélioration

2ème

ENGAGEMENT

LE CYCLE DE L’EVALUATION

1er

ENGAGEMENT

La place de l’évaluation dans la démarche qualité

La démarche d’évaluation constitue une étape d’une démarche plus globale d’amélioration continue de la prestation. Elle permet de valider à période définie l’ensemble des actions et organisations entreprises.

3. La notion de référentiel

• Support de l’évaluation, outil objectif, partagé, compréhensible de mesure du niveau de conformité des pratiques aux engagements ou références posées.

• Habituellement, un référentiel est structuré en un certain nombre de chapitres et/ou thématiques (champs d’investigations).

Chaque champ est évalué au travers de références et critères :

• Référence : énoncé d’une exigence, d’un engagement, d’un objectif, d’un cadre d’exercice. Elle s’impose.• Critère : énoncé d’un moyen ou élément précis permettant de répondre à la référence. Il est ajustable.

4. Les enjeux pour un organisme gestionnaire

• Répondre aux obligations légales et recommandations officielles• Donner du sens à l’évaluation et s’assurer de la mise en oeuvre de ses engagements et valeurs• Apporter de la cohérence, de la coordination, de l’expertise.

Patrick SORIA

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Envisager la co construction d’un référentiel partagé par l’ensemble des établissements et services qu’il gère, à savoir :

Un support unique, qui propose les mêmes objets d’évaluations (engagements, références) Un support qui, chaque fois que nécessaire, propose des contenus spécifiques (déclinaisons adaptées de références)

Les motivations

favoriser le collaboratif Facilité l’adhésion et la compréhension Donner un poids, Maîtriser les ressources consacrées à l’évaluation

La place d’un organisme gestionnaire

Poser les principes, les champs et les caractéristiques de l’évaluation interne et du référentiel

Définir les modalités de l’évaluation interne :

Définir ce qui est entendu par évaluation interne Positionner les démarches d’audit et de contrôles interne Définir les modalités de coordination des évaluations (engagements, rapports…)

Développer des méthodes et des supports d’évaluation interne :

Proposer des démarches adaptées aux caractéristiques des différents établissements et services (en fonction des effectifs, de l’organisation…)

Former des personnes ressources, envisager des temps de mise en commun d’expériences Proposer des supports institutionnels (guide appliqué, maquette de rapport, grille d’évaluation…) Proposer des consignes, des recommandations quant à la réalisation de l’évaluation interne (place de l’usager, répartition des

champs de l’évaluation, composition et nombre de groupes, méthodes…)

5. Méthodologie d’élaboration d’un référentiel et de supports d’évaluation

a) Cadrer le projet : finaliser les objets et finalités du référentiel, définir précisément les modalités d’élaboration b) Analyser des référentiels existants : pour identifier un référentiel socle ou deséléments pertinents c) Recueillir les éléments spécifiques (formulés par les intervenants des établissements et usagers) d) Bâtir l’architecture du référentiel e) Formuler les références et critères f) Si nécessaire, formuler les spécificités (par activités ou populations distinctes) g) Recueillir des propositions d’amélioration : auprès des intervenants et usagers h) Elaborer un guide méthodologique de l’évaluation i) Valider et approuver l’ensemble des éléments

EXEMPLE D’ARCHITECTURE DE REFERENTIEL

Référentiel structuré en 4 chapitres :

Les valeurs et les engagements de l’association qui sont portés par ses établissements Le sens que l’association donne à ses actions d’accompagnement des usagers et les exigences qu’elle s’impose. Les orientations politiques, les organisations et les coordinations nécessaires à la bonne mise en œuvre de ces

engagements et prestations. Les éléments indispensables à la qualité et au cadre de vie.

Patrick SORIA

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Chapitre 1 : Valeurs et engagements Thème 1 : valorisation des Capacités de l’usager et Action sur son Environnement Thème 2 : Respect des Droits et Libertés Thème 3 : Cadre et Qualité de Vie

Chapitre 2 : Accompagnement de l’usager Thème 4 : Projet d’Etablissement ou de Service Thème 5 : Participation et Satisfaction de l’usager Thème 6 : Projet de Vie personnalisé et Contrat de séjour Thème 7 : Démarches d’Accompagnement de l’usager

Chapitre 3 : Organisation et coordination Thème 8 : Gestion et Coordination des Ressources Thème 9 : Dossier Unique de l’usager Thème 10 : Gestion de la Qualité et des Risques

Chapitre 4 : Support logistique et sécurité Thème 11 : Logistique Thème 12 : Sécurité des Personnes et des Biens

Patrick SORIA

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L’Association MARIE HELENE, dont Madame RONGIERES est co-fondatrice et Présidente, a crée cinq établissements dans le département de l’Eure. Quatre pour personnes polyhandicapées (2 IME – 2 MAS) et 1 IME pour enfants et adolescents autistes. Créée en 1964 par un petit groupe de parents, l’Association accueille aujourd’hui 165.personnes polyhandicapées ou autistes : 53 enfants et 112 Adultes. Elle emploie 240 personnes représentant 210 salariés ETP.

Les valeurs fondamentales portées par l’Association et que l’on retrouve dans tous les projets, (du projet individuel au projet associatif) portent toutes sur le respect de la personne polyhandicapée et son bien-être. C'est-à-dire sur la lutte contre toutes les formes de souffrance. La recherche de progrès à tout prix est quasi inexistante ou plus exactement omniprésente mais jamais prioritaire ni prépondérante. La démarche de projet existait bien avant la loi 2002 – 2 au sein de l’Association Marie Hélène qui a l’habitude d’écrire ses différents projets, de les remettre en cause régulièrement et de les réactualiser chaque fois que cela s’avérait nécessaire. Qu’il s’agisse du projet associatif, d’un projet d’établissement, de projet de développement,

Notre questionnement en termes d’auto évaluation était : « mais comment étalonner ce travail ? Cette sensibilité à l’autre ! sa reconnaissance ! son égalité ! ce partage de vie au travers d’actes si simples …. Nous pensions alors : « Cà ne se voit pas tout cela ! personne ne peut comprendre ce que nous faisons « nous répéterons toujours la même chose d’une évaluation sur l’autre » nous confondions peut-être, je le crains, évolution et évaluation comme si ne pouvait s’évaluer que le progrès, le positif ;

Ceci pour vous dire que lorsque nous avons lu dans la loi du 2 Janvier 2002 qu’il y aurait un volet qui serait consacré à l’évaluation et à l’autoévaluation, nous nous sommes demandés comment nous pourrions évaluer ce que nous mettions en œuvre pour apporter du bien-être aux enfants et aux adultes polyhandicapés… Comment évaluer le plaisir, la sérénité, le confort, la sécurité, la qualité de vie, de ces personnes.

Malgré cela, nous nous sommes mis très tôt au travail. Pendant plus de deux ans, tous les cadres de l’Association se sont réunis deux à trois jours par mois pour travailler sur cette loi.

Au début, ce travail, il faut le reconnaître nous inquiétait un peu et ne nous motivait pas beaucoup. Il est devenu intéressant, plaisant et dynamique grâce à la méthodologie qu’Estelle BACHER a employée. La présentation, la lecture, et l’analyse des textes de loi qu’elle a faite a contribué pour beaucoup à ce changement d’attitude au regard des obligations instituées par la loi.

Notre expérience des projets nous a appris qu’il était quasiment impossible de faire travailler un groupe important de personnes sur un même sujet, et que faire la synthèse d’une dizaine de groupes ne donnait pas un résultat satisfaisant. Nous avons donc dés le début décidé que la rédaction de tous les documents réclamés par la loi 2002 serait faite par les cadres des établissements, y compris le chef des services généraux. Nous voulions profiter de cette occasion pour les réunir et les faire réfléchir sur les organisations mises en place dans les établissements et leurs modifications survenues au fil des années. L’aspect obligatoire, la loi, et les délais imposés ont donné un autre sens au travail. Il fallait s’y atteler, tout le monde était concerné et c’était le travail de chacun qui en dépendait pour les années à venir. Très vite est apparue la nécessité d’une grande cohérence et d’une complémentarité entre cadres, mais aussi entre établissements de la même Association. En termes de management de cadres, ce fut une expérience riche et intéressante.

Tous ceux qui étaient présents au départ de ce travail n’étaient plus tous là pour rédiger la conclusion. Mais les nouveaux arrivés ont pu sans difficultés particulières s’intégrer au groupe et participer très concrètement à ce travail. Leur méconnaissance de l’histoire des institutions et de leurs fonctionnements leur permettait un questionnement sans concessions qui obligeait le groupe à réfléchir et à sortir de ces retranchements.

Nous avions aussi, dés le début, décidé de nous accorder le temps nécessaire qu’il faudrait pour réaliser ce travail. Sachant pertinemment que ce serait long et qu’il faudrait y consacrer beaucoup d’énergie.

En même temps, nous étions bien conscients que notre travail auprès des personnes polyhandicapées était construit que l’accompagnement que nous leur assurions était basé sur les valeurs fondatrices de l’Association, et nous savions que nous étions exigeants dans ce domaine.

Nous avions déjà rédigé pour partie ces documents. Leur révision sous ce nouvel angle induit par la loi du 2 Janvier 2002 a mis en évidence des divergences et des dysfonctionnements mais au cours de ces échanges apparaissaient en même temps les actions à mettre en œuvre pour y remédier.

Pour élaborer les différents outils demandés par la loi, nous sommes partis des projets existants dans les institutions. Le fait de pouvoir travailler simultanément sur cinq établissements était intéressant. Cela permettait de relever des différences dans les fonctionnements, de réfléchir sur ce qui les justifiait, pourquoi s’étaient-elles installées au fil du temps. Que représentaient-elles aujourd’hui. Etaient-elles toujours nécessaires. A l’issue de ces réflexions nous avions des propositions à faire pour : soit résoudre la difficulté, soit apporter une amélioration dans l’accompagnement des résidants au travers de tous ces actes essentiels et pourtant si simples de la vie quotidienne.

PROCESSUS D’EVALUATION DANS UN ETABLISSEMENTEliane LE RETIF, Directrice Générale Association « Marie-Hélène » (27)

Estelle BACHER

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La méthode employée consistait à questionner sous différents angles (familial éducatif, médical) tout ce qui se passe chaque jour dans la vie d’un résidant tout au long de son séjour dans l’établissement. Depuis l’étude du dossier pour une éventuelle admission jusqu’à la fin du séjour avec tous les moments sensibles et délicats que cela comporte pour la famille et le personnel.

Je vais maintenant laisser la parole à Estelle Bacher qui nous a accompagnés tout au long de cette démarche….

Merci Mme LE RETIF !

Je voudrais vous dire tout l’intérêt que j’ai aujourd’hui à analyser avec vous ce processus de travail mené avec l’Association Marie-Hélène entre novembre 2002 et mars 2005 – c’est en effet dans des associations comme celle-là que la consultante que j’étais à l’époque a pu réellement exercer son métier, c’est-à-dire à la fois 1/ apporter une expertise = éclairer l’Association sur les textes, sur les pratiques du secteur, sur les articulations à imaginer entre le projet d’établissement et tous les autres outils de la loi 2002.2 mais aussi 2/ accompagner la réflexion d’un collectif de travail, faire preuve de beaucoup de respect et parfois de naïveté sur les pratiques professionnelles développées, sur les orientations données (c’est important car on ne me demandait pas de réfléchir à la place de MAIS bien de développer des moyens, des outils, des méthodes, une attitude facilitant la réflexion et la libérant d’un cadre juridique un peu complexe parfois…)

Avant de présenter dans les grandes lignes la méthodologie qui nous a amenés jusqu’à l’évaluation interne, je voudrais revenir sur deux points qui caractérisent le travail mené avec l’association Marie-Hélène :

D’abord, c’est une association qui s’est donnée à la fois le temps et les moyens d’avancer : le temps de l’analyse des textes (qui, pour la petite histoire, paraissaient parallèlement à nos travaux – de la Charte parue le 8 septembre 2003 au contrat de séjour paru le 26 novembre 2004 en passant par le règlement de fonctionnement paru le 14 novembre 2003), le temps de la réflexion / de la maturation (l’association Marie-Hélène s’est donnée le temps avec l’encadrement de comprendre le sens de tout cet arsenal juridique et de lui donner du sens), les moyens d’avancer (des réunions de travail régulières mais suffisamment espacées dans le temps pour laisser à chacun le temps de poursuivre sa mission au quotidien et de réfléchir entre les séances collectives de travail).

De plus, c’est une association qui était, depuis longtemps, inscrite dans des démarches projet, dans de la création, dans de l’innovation…mais aussi dans la remise en question permanente ce qui signifie que le Directeur Général d’abord mais aussi la Directrice Générale Adjointe de l’époque qui était Eliane LE RETIF et tous ses collaborateurs cadres étaient, je pense, prêts à mettre les pratiques en débat, à défendre leurs positions, à échanger et ce…avant de reconstruire ensemble les murs de fondations bien ancrées dans toutes les têtes…ce que je veux dire par là, c’est que, pendant toute cette démarche qui nous a conduit à revoir l’ensemble des projets d’établissements, à concevoir tous les outils destinés aux personnes accueillies et à leurs familles, le collectif avec lequel j’ai travaillé n’a pas toujours parlé d’une seule voix, qu’il y a eu de nombreux échanges, que la discussion était ouverte, réelle, transparente…nous n’avons pas toujours été d’accord, nous avons passé du temps sur certains termes (prise en charge, accompagnement, résidant, …), nous avons balayé certains textes et sommes revenus dessus quelques mois plus tard seulement car la réflexion n’était pas mûre…tout ceci a permis à chacun de participer à tout ce travail qu’on qualifie dans notre langage d’amélioration continue de la qualité…mais qui perdure aujourd’hui dans l’association et c’est, je crois, très important.

Présenter le processus de travail : comment a-t-on procédé ?

Une 1ère phase de novembre 2002 à juin 2004 (20 mois) pour construire ensemble les principaux outils des cinq établissements de l’association Marie-Hélène : les projets d’établissement, les livrets d’accueil avec, en annexe, les règlements de fonctionnement et la Charte des droits et libertés de la personne accueillie, les « procédures » d’élaboration, de mise en œuvre et de suivi des projets personnalisés…mais aussi pour réfléchir à un outil d’auto évaluation de la qualité du service rendu aux personnes accueillies dans les établissements….et ce en partant d’un postulat très simple : les projets d’établissements font référence pour l’ensemble des professionnels de l’association ; ils s’inscrivent dans le respect du projet associatif, des valeurs portées par l’association et du cadre juridique dans lequel agit l’association ; il est donc indispensable de prendre le temps avec les professionnels de questionner ces projets et de mesurer l’écart éventuel entre ce qui est écrit et ce qui est pratiqué au quotidien…la grille d’auto évaluation a donc été conçue sur cette base ; nous avions pris le temps à l’époque de nous approprier les recommandations de la DGAS en matière d’évaluation interne et nous avions décidé avec l’association de concevoir un outil simple sous la forme d’un questionnaire permettant à un groupe de professionnels de s’exprimer sur cette mesure d’écarts éventuels (ce que je fais, est-ce bien ce qui est écrit ? sinon, pourquoi ? y difficultés à convaincre l’association de travailler sur cet outil…le risque étant que, quelques mois plus tard, on lui demande d’en utiliser un autre ! et que la difficulté a plutôt porté sur : « mais, au fait, Mme BACHER, qui va animer les réunions d’auto évaluation ? c’est vous, n’est-ce pas ? »….eh là, j’ai dit non, non à plusieurs reprises…et cela nous a conduit à une deuxième phase de travail….Y a t-il des choses à améliorer ?).

Eliane LE RETIF – Estelle BACHER

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Une 2ème phase de novembre 2004 à mars 2005 (4 mois) où nous avons conçu ensemble le dispositif d’auto évaluation « made by l’association Marie-Hélène » et où j’ai proposé au groupe de les former d’abord et avant tout aux techniques d’animation de groupe et d’animation de réunion…en fait, nous sommes sortis de l’étude et de l’analyse de textes, de la réflexion sur le contenu des projets et des outils…pour aller sur du management d’équipe et du management de groupe. En quatre séances, de mémoire, chacun a acquis quelques techniques, des clés de compréhension dans ce domaine et ensemble, nous avons imaginé l’auto évaluation dont Eliane LE RETIF va maintenant vous exposer les grandes lignes.

Eliane LE RETIF : à la fin de cette première phase de travail, nous étions convaincus d’avoir mis au point les outils nécessaires pour la deuxième phase qui consistait à les présenter à l’ensemble du personnel et à mettre en place l’autoévaluation en constituant des groupes chargé de ce travail dans chaque établissement.

Lors de cette présentation j’ai choisi délibérément d’insister sur les aspects positifs de ces nouvelles obligations, qu’il ne fallait pas les vivre comme des contraintes supplémentaires, mais au contraire y puiser ce qu’elles pouvaient apporter et permettre à chacun dans son rôle de professionnel, membre d’une équipe au service de la personne polyhandicapée.

A l’issue de cette présentation un appel à candidatures pour participer à ces groupes d’autoévaluation a été lancé et on peut avouer que celles-ci n’ont pas été pléthoriques, il a fallu auprès de certaines catégories de professionnels, solliciter, encourager, insister un peu pour que les groupes soient bien représentatifs de tous les services de l’établissement (éducatif, médical paramédical, services généraux, administratifs). Par contre, nous pouvons dire aujourd’hui que celles et ceux qui ont participé à ce travail n’ont pas été déçus et qu’ils en éprouvent même une réelle satisfaction.

Pour permettre plus de facilités d’expression autour de toutes ces questions nous avions décidé que l’animateur du groupe de travail sur l’auto évaluation viendrait de l’extérieur. Mais nous voulions aussi, et nous y tenions beaucoup, que cette personne soit dans le cadre de son exercice professionnel porteuse des valeurs fondamentales clairement affirmées par l’Association Marie-Hélène dans sa charte.

Il fut donc décidé que ce serait un cadre de l’Association qui animerait, dans un autre établissement que celui ou il exerce, le groupe de professionnels constitué pour procéder à la première auto -évaluation

Ce travail d’interrogation sur le quotidien professionnel de chacun et sur les objectifs communs s’est révélé être très intéressant. Les bonnes questions furent posées.

Par exemple :

« Pourquoi procède-t-on ainsi ». Mais étaient également posées à chaque fois : « pourquoi ne fait-on pas autrement »

Sommes-nous satisfaits du résultat obtenu

Est-ce cohérent avec les valeurs fondamentales prônées dans les établissements.

Les intérêts du résidant et ceux de sa famille sont-ils bien pris en compte.

Reste-on dans les limites de notre mission.

La volonté de comprendre, d’expliquer, de rechercher toute possibilité de « mieux faire » a largement effacé toutes les inquiétudes qui rodaient autour du contrôle non avoué ou d’une quelconque réorganisation du travail qui ne dirait pas son nom.

Cette analyse réalisée nous avons classé toutes ces actions en deux grands groupes d’une part les points faibles tous ceux dont nous n’étions pas très satisfaits et que nous savions pouvoir améliorer ou modifier, et d’autre part les points forts, tous ceux pour lesquels nous étions convaincus qu’ils correspondaient bien à ce dont la personne polyhandicapée avait besoin, ou à ce que les familles attendaient, ou encore s’ils correspondaient à la mission confiée à l’Association et à ses établissements.

Nous avons pris alors réellement conscience qu’il se passait beaucoup plus de choses qu’il n’y paraissait dans le quotidien et qu’elles étaient assez bien organisées et structurées. Mais elles étaient accomplies si naturellement qu’elles s’estompaient dans tous ces actes à la fois si simples et si importants de la vie quotidienne qui malgré toute la vigilance que l’on peut y apporter a souvent tendance à devenir un peu routinière

La première surprise à l’issue de cette phase de travail fut de constater que les points faibles étaient pour nombre d’entre eux assez facilement améliorables et que les points forts étaient plus nombreux que ce que l’on imaginait. De ce fait, ce travail est devenu encore plus intéressant, plus motivant, nous mesurions en même temps combien notre savoir faire avait évolué au fils des ans, nous ressentions également la nécessité de multiplier les échanges avec d’autres équipes de professionnels. Nous constations aussi qu’il suffit souvent de peu de choses pour apporter beaucoup plus aux personnes accueillies.

Eliane LE RETIF – Estelle BACHER

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La synthèse de tout ce travail a été présentée aux différentes équipes lors de l’Assemblée Générale du Personnel en Janvier 2006.par chacun des animateurs de chaque groupe d’autoévaluation.

La dernière phase est en cours, elle consiste après l’analyse de cette synthèse à élaborer un plan d’actions qui devrait guider nos actions dans les prochaines années.

En conclusion,

Il ressort de cette autoévaluation que dans de nombreux domaines nous avons des efforts à faire et ce à tous les niveaux des établissements, ils sont clairement identifiés et les actions à mettre en œuvre pour y parvenir sont indiquées.

Il est à noter aussi qu’au fur et à mesure de l’avancement des travaux nous avons constaté une satisfaction à pouvoir enfin concrétiser et expliciter ce que l’on a si souvent tant de mal à faire entendre et comprendre par les Administrations bien sur, mais aussi par nos propres équipes.

Pour terminer, j’ai envie de dire que cette loi du 02-02-2002 tant attendue et reçue avec beaucoup d’interrogations nous a permis de poser nos actions, de les analyser et de vérifier leur concordance avec les objectifs annoncés par l Association.

Il faut maintenant faire vivre ce travail et maintenir la dynamique indispensable à son évolution. Nous savons bien que la réflexion ne sera jamais terminée que nous devrons sans cesse nous interroger pour les actualiser. L’accompagnement des personnes polyhandicapées ne peut pas être figé. C’est un travail qui nécessite de la volonté et beaucoup d’énergie. Il appartient à l’encadrement de maintenir les équipes dans cet état d’esprit d’éveil, de les solliciter, et de les aider dans leurs recherches. Donner du sens à tout ce qui est entrepris, valoriser le travail de chacun jusque dans le plus petit acte de la vie quotidienne.

C’est au niveau de la politique associative que les orientations se décident et c’est à l’Association d’affirmer cette volonté de réflexion permanente. Il faut bien sur pour cela que nous acceptions de dégager les moyens nécessaires pour mener une telle politique évolutive toujours au service de la personne polyhandicapée ou autiste.

C’est à nous cadres des établissements qu’il appartient de mettre en œuvre et de maintenir cette dynamique pour réaliser ce travail dans de bonnes conditions.

Conclusion (Estelle BACHER)

Simplement un mot sur la frilosité du début…qui s’est effacée derrière un engouement réel et continu !

Si on reprend les objectifs retenus par le CNESMS quant à ce que doit être une démarche d’évaluation interne, je pense qu’on retrouve bien l’expérience de l’association Marie-Hélène :

Une association qui s’appuie sur l’évaluation interne pour faire évoluer ses pratiques,

…pour produire des connaissances, pour nourrir la décision,

…pour valoriser l’action menée auprès des personnes polyhandicapées ou autistes,

…pour contribuer à l’évolution du secteur.

Deux ou trois interrogations :

La place des familles dans une telle démarche ? elle est encore à imaginer.

Le lien avec les autorités de contrôle ? Les échanges de pratiques avec d’autres associations ? ils sont à renforcer.

Eliane LE RETIF – Estelle BACHER

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Je suis la maman d’Alexandre, 13 ans, polyhandicapé et je suis également la Présidente d’une association orléanaise, l’A.S.S.E.P.H., qui gère un établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés ainsi qu’un S.A.D.

Pour ce matin, j’ai essayé totalement d’oublier que je suis une présidente d’association et donc parent, bien informée, pour essayer de reprendre le rôle d’une maman traditionnelle d’un enfant accueilli dans un établissement. Je me suis d’abord posé comme question : concernant l’évaluation, quels moyens avons-nous, parents, d’évaluer la qualité d’accompagnement d’un enfant face à un établissement ? Il est vrai qu’avant la loi de 2002 et 2005, nous avions peu de moyens. Nous pouvions voir le type d’accueil qui nous était réservé dans l’établissement : s’il était plutôt ouvert ou plutôt fermé, est-ce qu’on peut facilement rencontrer les intervenants, les référents de notre enfant ou est-ce très fermé ? Nous avions éventuellement comme moyen d’appréciation éventuellement les ratios d’encadrement éducatif ou para-médical qui pouvaient donner quelques indications sur est-ce qu’il y a suffisamment de personnel éducatif pour mettre en place beaucoup d’activités. Mais nous avions peu d’autres informations.

Avec l’arrivée de la Loi et l’obligation faite aux établissements, c’est vrai que nous, parents, nous pouvons un peu plus affiner notre sentiment. Nous pouvons comparer le projet de l’Association et celui de l’établissement : ce dernier répond-il bien aux valeurs affichées par l’Association car c’est indispensable. Nous avons aussi à disposition les livrets d’accueil, les contrats de séjour, les règlements de fonctionnement. Ce sont des outils qui ne nous servent pas à contrôler le travail qui va être fait au sein de l’établissement avec nos enfants mais nous permettre d’avoir confiance en vous, ce qui est primordial pour pouvoir vous confier notre enfant.

La première évaluation qui nous est proposée, c’est celle de notre enfant au moment de l’entrée dans l’établissement. Elle doit être faite après un temps d’observation et nous être restituée rapidement par l’équipe pluridisciplinaire mais il faut aussi que nous soyons associés à cette observation car quand vous découvrez notre enfant, nous parents, le connaissons déjà depuis un certain temps surtout lorsque c’est un adolescent ou un pré-adolescent. Il est indispensable qu’il y ait un véritable partenariat entre vous et nous pour connaître cet enfant et nous proposer, ensuite, un projet individualisé.

De la même façon, au fil des ans, il est indispensable que les synthèses soient l’occasion d’un véritable partenariat avec les parents sinon comment l’enfant et la famille peuvent-ils adhérer au projet individualisé s’ils ne sont pas associés à son élaboration ? Si le projet individualisé, fait par l’établissement, ne prend pas en compte le projet de vie que la famille a avec l’enfant, elle ne pourra pas y adhérer.

Par ailleurs, je souhaite insister sur le fait que les enfants polyhandicapés sont des enfants et, par conséquent, comme tout enfant qui se respecte, vous n’aurez pas le même enfant à l’établissement que nous à la maison. Ma fille, qui n’est pas polyhandicapée est une enfant remarquable à l’école ; à la maison, c’est un diable. Son grand frère qui est polyhandicapé, c’est pareil : il n’a absolument pas le même comportement dans l’établissement et chez nous. Si nous ne pouvons pas communiquer sur ces différences de comportement, le projet individualisé qui sera bâti par l’établissement n’aura pas forcément de sens pour les parents. Il y a donc nécessité de partenariat déjà au niveau du projet individualisé.

La Loi insiste aussi maintenant sur l’évaluation des services rendus. Régulièrement, nous parents, recevons des questionnaires à remplir sur « êtes vous satisfait de cela… ». Ces questionnaires ont l’avantage de faire remonter des problèmes mais s’ils sont bâtis uniquement par les professionnels sans aucune concertation avec les parents (par exemple le Conseil de Vie Sociale), l’établissement peut passer à côté de choses essentielles pour les familles et donc pour les usagers. Un exemple : l’examen du dernier questionnaire de satisfaction fait apparaître que la préoccupation majeure d’un grand nombre de parents, c’est la propreté des vêtements de leur enfant quand il rentre au domicile ; cela dérangeait certains parents que l’enfant arrive avec un vêtement tâché de nourriture ou de peinture. Pour l’établissement, c’était un détail. Par contre, pour les parents, il y avait le regard de l’autre sur cet enfant qui rentre chez lui tâché et sale.

PLACE DES USAGERS AU REGARD DE L’EVALUATIONLaurence DESEIGNE, parent – Présidente ASSEPH (45)

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Si ces questionnaires de satisfaction ne sont bâtis que sur la réflexion des professionnels, on va passer à côté de choses très importantes. Il est vrai qu’un établissement peut être très satisfait du retour de ces questionnaires car on va dire que les parents sont très contents des horaires d’ouverture, des locaux, de la qualité de l’alimentation… mais, par contre, est-ce que cela va vraiment révéler la vie de l’établissement, est-ce qu’on ne passe pas à côté de la « grogne », qui risque d’être sous-jacente, au sujet d’une perception réelle ou imaginaire, d’un manque de personnel donc d’un manque d’activités, d’un manque de soins paramédicaux… Les parents ne peuvent pas être associés à l’élaboration même du questionnaire mais ils pourraient être consultés, à un moment ou un autre, avant l’envoi du questionnaire pour donner leur avis, leurs idées : nous y gagnerions tous !

De la même façon, un bon indicateur de l’évaluation du service rendu, c’est d’aller étudier non pas seulement le taux de présence des enfants dans l’établissement ou le taux d’absentéisme des personnels mais aussi de réfléchir sur les taux d’hospitalisation des enfants afin de voir si en fonction du travail effectué, cela avait une incidence ou non sur le nombre d’hospitalisation des enfants ; par exemple, concernant les déformations orthopédiques, le travail fait au sein de l’établissement conduit-il à moins d’hospitalisation pour des problèmes orthopédiques ? L’intervention sur la luxation de hanche qui arrive en général vers l’âge de 4-5 ans est-elle éloignée dans le temps (pour avoir des interventions vers l’âge de 10 ans) ? Un enfant, constamment hospitalisé pour détresse respiratoire, l’est-il un peu plus ou un peu moins maintenant. Cela peut donner un bon indicateur du travail effectué auprès des enfants Peut-être une piste de travail pour vous aussi.

Pour les parents, l’évaluation des pratiques professionnelles telle que la loi le demande, cela reste quelque chose de très flou car on ne sait pas toujours si cela existe dans l’établissement, comment est-elle pratiquée… pour la majorité des parents, c’est un peu une inconnue.

Par contre, en tant que présidente d’association, cette évaluation des pratiques professionnelles se fait par le biais d’une démarche qualité mise en place déjà depuis quelques années et j’ai envie d’insister, à nouveau, sur la nécessité d’un partenariat avec les familles puisque de la même façon la hiérarchisation des problèmes ne va pas être la même pour les professionnels et pour les parents. Il est important d’associer les familles de vos établissements à cette évaluation des pratiques professionnelles pas dans le sens de contrôle mais plutôt dans l’esprit de faire avancer les choses et de progresser dans la qualité de l’accompagnement de l’enfant. Une fois que les procédures de démarche qualité sont avancées, il serait important qu’elles soient systématiquement validées par des parents (soit par le C.V.S., soit par le Conseil d’Administration). Je pense que sans ce partenariat, il n’y aura pas d’adhésion et la place des usagers ne sera pas forcément bien comprise et respectée.

Après se pose la question, à long terme, du respect de toutes ces procédures mises en place et du contrôle de ce travail. C’est une de mes interrogations et une de mes inquiétudes.

Voilà le regard du parent tel qu’il est aujourd’hui.

Laurence DESEIGNE

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ECHANGES AVEC LA SALLE

Gérard BASLE : ce n’est pas vraiment une question que je voulais poser mais plus rebondir sur ce qu’a dit Madame Laurence DESEIGNE à propos de l’évaluation de son enfant. Je voulais évoquer ce que le guide de l’évaluation approche sur ce plan-là en disant bien qu’il ne s’agit pas d’une évaluation clinique qui va porter sur l’évaluation d’un enfant mais bien plutôt sur la façon dont le projet personnalisé ou individualisé aura été construit à la fois dans sa phase d’élaboration et on regardera également en termes d’évaluation la façon dont la mise en œuvre de ce projet aura été réalisée. Cela m’amène, par rapport à cette volonté complètement légitime qu’ont les parents de devoir être présents en tant qu’acteurs avec leur enfant de ce projet, à évoquer ce que le Conseil, au travers de son guide, propose pour ce qui est de la participation des usagers (parents ou même les jeunes) dans l’élaboration de la démarche d’évaluation : c’est la création d’une instance plurielle qui va intégrer à la fois tous les métiers des professionnels de l’établissement mais aussi des parents (pas uniquement au niveau du Conseil de Vie Sociale) de façon à ce qu’il y ait une vraie représentativité, dès la phase de conception et d’élaboration de la démarche, et dans le suivi qui va être fait dans cette démarche avec une difficulté : il faudra à la fois prendre cette notion de représentativité et aussi la notion d’efficacité avec un groupe pas trop important pour travailler utilement

Salle : juste pour rebondir sur ce qu’a dit Madame DESEIGNE par rapport à la question de son fils et le fait qu’il soit différent chez lui ou dans l’établissement. Je trouve très important que les parents participent à l’élaboration et l’évaluation de ce projet et, en même temps, il faut faire attention que la famille n’envahisse pas non plus tout l’établissement. On sait bien aujourd’hui l’aspect un peu malsain à l’école de parents omniprésents où l’enfant n’a plus d’espace hors maman et papa

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POLYHANDICAP ET BONNES PRATIQUES :DES OBJECTIFS AUX CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE

J’ai la charge d’être le modérateur de la table ronde de cet après-midi ; aussi, avec notre timing serré puisque nous avons une demi heure de retard, nous allons commencer tout de suite.

Après notre studieuse matinée sur l’évaluation où nous avons pu saisir les attentes législatives et repérer tout le bénéfice de s’inscrire dans la démarche, il ne peut y avoir de réflexion sur l’évaluation sans aborder la notion des bonnes pratiques en matière de Polyhandicap.

L’après-midi va donc être partagée en deux tables rondes et nous allons commencer par la mise en œuvre des bonnes pratiques.

Tout d’abord dans le cadre de la vie quotidienne avec Madame Joëlle TOBELEM, chef de service à l’Oasis à BRIARD dans la VIENNE s’attachera à nous dire dans ce contexte de la vie quotidienne et à travers son expérience ce qu’elle met derrière cette terminologie « les bonnes pratiques », à quoi elles font-elles référence ? à qui s’adressent-elles ?

Madame MITTAULT, maman de Romain exposera à son tour les différentes étapes de son parcours de parents avec son regard sur l’accompagnement qu’elle a vécu : à n’en pas douter son point de vue rentre dans l’évaluation car les parents sont aussi des experts.

Monsieur BIED-CHARRETON, Xavier abordera les bonnes pratiques avec la double casquette du directeur et du praticien puisqu’il est le directeur médical du CESAP mais n’en reste pas moins un homme de terrain…

Le connaissant bien, je sais qu’il insistera sur le devoir d’organisation en institution en matière de soins : de soins quotidiens et de soins d’urgence et vous verrez qu’il rappellera les valeurs essentielles dictées par la pratique et la compétence.

Après les soins et tout naturellement nous porterons notre attention sur « les bonnes conduites » et leurs préalables que développera Monsieur Philippe ROSSET, directeur de l’I.M.E. « Les amis de Laurence » à PARIS, bonnes conduites indispensables au développement de la personne, à son « grandissement », à la construction de la personnalité. Il le fera en lien avec Madame HETIER, maman de Régis accueilli à Notre-Dame de Joye, et exposera comment entre la famille, l’enfant et l’institution les bonnes conduites ou leur absence peuvent influencer le fonctionnement et la construction familiale.

Avant de donner la parole à la salle, Monsieur Roland LEFEVRE, directeur du centre « La Montagne » du CESAP dans l’Oise à Liancourt fera un retour sur l’évaluation dans le secteur médico-social et je crois qu’il nous renforcera dans la confiance en nos organisations, nos associations qui ont acquis une compétence réelle et qui se montrent plutôt performantes dans la volonté à mettre en œuvre la participation même si certains attaquent la gouvernance associative…

Modérateur : Gérard COURTOIS,Secrétaire Général G.P.F. - Directeur Général Association « Les Tout-Petits »

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« L’autre est ma source » (Albert JACQUARD)

Faire référence à la vie quotidienne produit presque toujours une situation paradoxale. Nous sommes prêts à croire, en effet, que parce qu’il s’agit du quotidien les choses sont simples et concrètes, presque faciles. C’est pourtant parce qu’il s’agit du quotidien et de la répétition que celui-ci exige, que tout est difficile, que nous avons besoin de chercher des repères théoriques fiables et qu’au fond tout est complexe. De plus, s’agissant des personnes polyhandicapées, nous savons d’expérience que la recherche des bonnes pratiques se heurte à des difficultés particulières liées entre autres à la fragilité des corps, aux perturbations psychiques, aux difficultés de communications, aux pathologies conjuguées et aux effets du polyhandicap sur l’entourage familial.S’agissant d’évaluation, les personnes polyhandicapées parce qu’elles déstabilisent nos certitudes posent au fond les bonnes questions, à savoir : quelles sont les valeurs qui nous fondent à agir ? C’est à partir de ces valeurs que nous déterminons des objectifs, objectifs aux regards desquels l’évaluation doit être conduite. Nous tenons donc d’ores et déjà quelques repères pour définir une bonne pratique :1- Une bonne pratique c’est d’abord, sans doute, une pratique modeste, qui invite à l’humilité parce que la plupart du temps nous cherchons, nous nous interrogeons et nous constatons que nous savons peu de chose. D’ailleurs que savons-nous, par exemple, des goûts d’une personne polyhandicapée en matière de musique, de cuisine, de peinture, de théâtre, de danse, de vêtements etc. ? Que savons nous, encore, de sa souffrance physique et, à plus forte raison de sa souffrance affective ? Et que savons nous, finalement, de la manière dont elle se représente l’absence et, à plus forte raison, la mort ?2- Une bonne pratique admet que face à une situation donnée il y ait des bonnes pratiques parce que nous ne sommes jamais sûrs de détenir une vérité définitive.

C’est, par exemple, une maman qui accompagne son enfant à l’établissement. Nous les accueillons. Tout se passe bien, la maman repart. 5 minutes après, l’enfant est agité, il crie, il pleure etc. S’agit-il d’une détresse par rapport au départ de sa mère ? S’agit-il du désagrément qu’il a peut-être à retrouver tel membre du personnel ou tel camarade ? S’agit-il des deux à la fois ? Il est clair, que ces trois interprétations peuvent être prises en compte et quelles déterminent des réponses, des pratiques différentes.3- Les bonnes pratiques s’adressent à une personne et non à un individu, individu confondu dans un collectif ; elles prennent donc en compte la relation de cette personne avec son réseau de relations habituelles. Le fonctionnement institutionnel tend toujours à uniformiser et ce faisant il dépersonnalise, une bonne pratique doit donc lutter contre cet effet indésirable de l’institution. On a évidemment tendance, par exemple, à donner à manger à un enfant, parce qu’il est l’heure du goûter et non pas parce qu’il a faim. Ou encore, tel adulte accueilli dans une MAS se voit refuser l’installation du téléphone dans sa chambre au prétexte que les autres n’en n’on pas.4-Les bonnes pratiques sont nécessairement collectives, elles engagent un travail pluridisciplinaire. C’est la seule démarche susceptible de prendre en compte la globalité de la personne et de limiter le risque d’erreur.5-Les bonnes pratiques se réfèrent à la loi parce qu’elle seule peut garantir le respect des droits fondamentaux des personnes. C’est toujours l’extérieur qui donne sens à ce qui se passe à l’intérieur de l’institution. Dans un établissement d’hébergement pour adultes, la bonne pratique n’est pas d’interdire la sexualité, mais de rappeler que dans l’établissement comme à l’extérieur, la violence est interdite, nul ne peut jamais imposer à l’autre son propre désir, nul ne peut jamais soumettre l’autre à sa propre volonté.6- Les bonnes pratiques intègrent donc un questionnement éthique. Le philosophe Paul RICOEUR peut ici nous donner un cadre de références utiles avec ce qu’il appelait le « Triangle Ethique[1] » constitué du JE (je suis libre en situation) du TU (toi à qui je m’adresse et dont la liberté vaut la mienne) et du IL (le tiers, l’institution, l’état devant qui j’ai et nous avons à répondre). Ce triangle nous recentre donc sur les valeurs au nom desquelles nous avons à répondre de l’action que nous menons chaque jour. 

VIE QUOTIDIENNEJoëlle TOBELEM, Chef de Service OASIS PEP (Biard – 86)

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7- Les bonnes pratiques, pour qu’elles soient humbles, multiples, relationnelles, collectives, légales, éthiques, enfin, pour reprendre tout ce que je viens de vous citer, doivent être mises en oeuvre en amont à l’égard de ceux qui accompagnent chaque jour les personnes en situation de handicap et à qui on demande d’en répondre (répondre, res-pondre, responsabilité). Cette bienveillance que doit porter l’institution à l’ensemble du personnel est une garantie supplémentaire mais indispensable de bonnes pratiques.Forte des valeurs qui nous fondent à agir et qui, finalement, outre les valeurs républicaines, sont des valeurs de reconnaissance et de promotion des personnes, il me semble que rien dans l’apparente futilité de la vie quotidienne n’est négligeable. 1. Les bonnes pratiques adressées aux personnes polyhandicapées s’intègrent dans « une pédagogie du « minuscule » car rien n’est spectaculaire, mais rien n’est insignifiant .../... Ce « minuscule » caractérisant notre démarche se double d’un paradoxe. Nos attentes sont illimitées alors même que nous savons que, chaque jour, l’évolution est minime. [2] » Toute évaluation qui ne prendrait pas en compte cette dimension ne pourrait prétendre à la pertinence de ses résultats. Comment évaluer le "minuscule" quand par définition il est presque invisible ?2. Les bonnes pratiques adressées aux personnes polyhandicapées s’intègrent dans « une pédagogie de la parole. Que comprennent-ils ? si peu de choses à certain moment et tellement à d’autres. C’est pourquoi notre langage doit être permanent.[3]» C’est parce qu’ils ne parlent pas que nous devons leur offrir un bain de langage même si cette pédagogie de la parole se double d’un travail tout particulier sur la communication non verbale. Mettre en mots c’est la garantie que nous pouvons leur donner pour éviter le passage à l’acte. Toute évaluation qui ne prendrait pas en compte cette qualité de parole ne pourrait prétendre à la pertinence de ses résultats. La difficulté tient au fait que le poids de la parole n’est pas proportionnel à son volume mais à son authenticité.3. Les bonnes pratiques adressées aux personnes polyhandicapées s’intègrent dans une « pédagogie du lien.[4]» Nous avons à nous relier à eux et avec eux à nous relier aux autres. « L’autre est ma source [5]» nous suggère Albert JACQUARD. L’autre est, évidemment leur source également. Ne l’oublions pas… Nous avons trop tendance, sans doute, à les regarder isolement, sans voir aussi l’environnement dans lequel chacun s’intègre et doit pouvoir s’intégrer durablement. Nous ne pouvons servir la personne polyhandicapée qu’en la considérant dans le lien qu’elle a à cultiver avec son environnement et en particulier avec sa famille. Toute évaluation qui ne prendrait pas en compte cette réalité du lien ne pourrait prétendre à la pertinence de ses résultats. La difficulté étant de savoir comment s’évalue la qualité du lien ?Tout nous pousse aujourd’hui, souvent à juste titre, à construire des protocoles qui permettent de penser que l’on progresse vers une qualité de vie, d’accompagnement et de soins pour les personnes auprès de qui nous intervenons. Ce qu’il est désormais convenu d’appeler "démarche qualité et certification" est censé garantir la qualité de la démarche pédagogique. Il nous faut pourtant veiller sans relâche à ce que nous ne perdions jamais le sens dont ces protocoles doivent être porteurs. Ce n’est pas le protocole qui justifie l’action, mais bien le sens de l’action qui justifie le protocole. Dans cette conception de l’action, nous pouvons réellement nous poser la question de savoir ce que l’on évalue et comment on l’évalue, c'est-à-dire, en référence à quelles valeurs ?Il s’agit donc finalement, avant même de procéder à toute évaluation et pour pouvoir évaluer, de dire la nature du regard que nous portons sur la personne polyhandicapée. Parce que « Si questo è un uomo » parce que « Si c’est un homme » pour reprendre le beau titre de l’ouvrage de Primo LEVI[6], au sortir des camps de concentration, alors, il est comme chacun, détenteur d’une inaliénable dignité et c’est ce repère qui doit en chaque chose nous servir de guide.

[1] Paul RICOEUR : « Avant la loi morale : l’éthique » in : encyclopédia universalis. Supplément II. Les enjeux. Paris 1990 p. 66-70.

[2] Cf. Joëlle TOBELEM et Michel BILLÉ « Les pédagogues de l’essentiel » in : L’école des parents, revue de la Fédération Nationale des Ecoles de Parents et des Educateurs. Hors série N°2 septembre 2004

[3] Cf. JT.MB. ibidem. [4] Cf. JT. MB ibidem. [5][5]Cf. Albert. JACQUARD. Conférence la Crèche : « Remettre en chantier la terre des hommes. » Le 8 novembre 2006 [6] Primo LEVI : « Si c’est un homme » Ed. Robert LAFFONT Paris 1947

Joëlle TOBELEM

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TEMOIGNAGE DE C. MITTAULT,Parent Oasis (Biard, 86)

Notre vie bascule le 17 juin 82 lorsqu’avec beaucoup de difficultés, Romain arrive parmi nous. Juste né, il va déjà devoir se battre pour survivre. Quant à nous, nous allons devoir nous battre à ses côtés pour qu’il vive, tout simplement.

Gavé durant presque 2 mois, Romain ne sait pas téter, il va falloir l’alimenter à la cuillère et la tâche va s’avérer des plus difficiles, il ne s’alimente pratiquement pas et pleure énormément nuit et jour. Que faire ?

Nous consultons plusieurs médecins qui n’ont pas l’air de comprendre ce qui se passe :

« Ne vous inquiétiez pas, nous dit l’un deux, dans un an, vous aurez oublié tout cela »

« Il est évident que votre enfant n’a pas faim », nous dit l’un de ses confrères »

« Rassurez vous, je n’ai jamais vu de bébé se laisser mourir de faim », nous dit un troisième

A chaque fois que nous sortons d’une consultation, nous nous remettons en cause : mais que faisons-nous ? Pourquoi s’y prend-on aussi mal avec lui ?

Ce ne peut être que de notre faute, puisque que les professionnels ne trouvent rien d’anormal.

Nous décidons de changer à nouveau de médecin. Romain va avoir 4 mois ou peut-être 5, je ne sais plus exactement, il pèse à peine 5 kg, il pesait 3 kg 700 en naissant. Pour la première fois, ce médecin prend conscience de la gravité de l’état de notre fils, elle comprend sa détresse : beaucoup trop crispé, Romain ne peut pas déglutir, elle prescrit du Liorésal : quelques jours plus tard, je commence à voir la différence, un léger mieux se fait sentir au moment des repas. Il pleure cependant toujours autant. Dieu merci, moi j’ai repris mon travail, nous avons une chance énorme : la nounou de notre fils aîné a accepté de garder Romain. Il pleure la journée chez elle, la nuit chez nous mais, aujourd’hui encore, elle compte beaucoup pour nous.

Un peu épaulés maintenant, nous sommes dirigés vers le C.A.M.S.P. de Biard. Si nous en doutions encore, nous avons maintenant la certitude que notre fils ne sera jamais, comme on le dit pudiquement, « comme les autres ». A nouveau, il va nous falloir ravaler notre salive, s’armer de courage, voir la situation telle qu’elle est et faire face !

Roman, lui, ne semble pas vraiment perturbé par les séances de travail pourtant assez intensives, il arrive même parfois à esquisser un sourire, chacun d’eux est pris comme un cadeau.

Bien sûr, les progrès sont pratiquement inexistants mais soyons positifs !!! Le fait d’aller au C.A.M.S.P. a au moins le mérite de me permettre de voir d’autres parents. Jean-Pierre, le kiné, a bien conscience de l’isolement des parents et prend l’initiative de faire se rencontrer plusieurs d’entre nous. Nous commençons à discuter entre nous : que vont devenir nos enfants ? Quelle vie allons-nous pouvoir leur offrir ? Il est bien évident qu’ils n’ont pas leur place dans une école traditionnelle. Peu à peu, l’idée germe : nous devons mettre tout en œuvre pour que nos enfants reçoivent l’éducation qui leur est due. Pour cela, il va falloir à nouveau retrousser les manches et se battre, toujours ce verbe qui revient inlassablement. Nous créons une association, les P.E.E.P. nous écoutent et deviennent partie prenante dans le projet. Nous ne nous décourageons pas.

Romain ne va plus au C.A.M.P.S., les professionnels ont eu la franchise de nous dire que son état, ne s’améliorant pas, il était inutile de continuer.

Il est maintenant en permanence à la maison, notre nounou a fini par abdiquer, nous nous sommes organisés tant bien que mal. Le matin, nous avons une aide à domicile, l’après-midi, 3 h par semaine, Romain a de la kiné à domicile et c’est son papa qui s’occupe de lui mais il embauche à 4h le matin et rien n’est facile.

Cependant, Romain va mieux, nous réussissons à l’alimenter tant bien que mal, j’avoue que je vois arriver l’heure du déjeuner avec appréhension. Romain doit le ressentir, je le sais, j’essaie de me décontracter mais ce n’est pas toujours évident.

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Notre fils a maintenant 7 ou peut-être 8 ans, il est devenu très souriant mais à la fois très râleur, il sait ce qu’il veut et tente de mener son monde à la baguette. Il n’y parvient pas toujours et le fait savoir, son caractère s’affirme. Notre vie s’articule autour de lui pour lui et par lui, son grand frère s’en rend bien compte mais il l’aime et se plie, bon gré mal gré, à notre système de vie. C’est vrai que nous nous sommes repliés sur nous-mêmes. Il va falloir que cela change !

Peu à peu, une certaine sérénité s’installe. Nous nous sommes habitués aux regards curieux, étonnés, parfois mal à l’aise, des personnes que nous croisons mais nous avons trouvé la parade : « tu vois, Romain, les gens te regardent car ils te trouvent beau ». Il est fier ! Et c’est encore une occasion de lui dire « lève ta tête ».

Et puis, petit à petit, nous réapprenons à vivre, nous voyons de plus en plus souvent nos amis. Romain est devenu très sociable, il est attachant, charmeur, aimé de tous mais il est dans un monde d’adultes, effectivement, ce n’est pas méchant mais les enfants jouent entre eux et l’on se rend bien compte qu’ils ne font pas attention à lui.

Mais le combat des parents n’a pas cessé et, en fin d’année 94 ou début 95 (merci M. GAULT), l’I.E.M. déménage une remise, s’active à aménager un coin toilette, un lavabo, tout le personnel d’entretien travaille d’arrache pieds pour donner à la pièce un aspect agréable car, miracle, une section que l’on va appeler « MIEUX VIVRE » va voir le jour. Seule ombre au tableau, 6,7 enfants seulement vont pouvoir en bénéficier mais c’est un début !

Nos enfants vont enfin avoir une structure pour les accueillir. Bien sûr, il n’est aucunement question d’internat et l’établissement ferme pour les vacances scolaires mais nos enfants ont un lieu qui leur appartient, ils existent, ils sont reconnus, ils vont pouvoir enfin bénéficier d’une éducation qui leur convient. C’est à cette période que Romain, très observateur, se rend compte que certains enfants, qui se tiennent mieux que lui, sont mis sur les toilettes. Il réussit à faire comprendre au personnel éducatif, très attentif, qu’il souhaite également aller sur les toilettes. A force d’obstination, d’encouragements, dans l’année suivante, Romain devient propre. Bien sûr, il y a encore et il y aura toujours de « petits incidents pipi », souvent de notre faute si nous manquons de vigilance, parfois également un signe de mécontentement.

Nous allons encore patienter trois longues années mais, en décembre 97, la récompense arrive : l’OASIS ouvre grand ses portes. Romain a 15 ans, un enfant est décédé, un autre aura dépassé l’âge de bénéficier de cette structure ; sa maman, aujourd’hui, se bat toujours avec nous dans le projet du centre adultes.

D’emblée, nous savons, nous sentons, que ce que nous avons attendu tant d’années va correspondre exactement à nos souhaits, donc à nos besoins.

Nos enfants ont bénéficié dans la section « MIEUX VIVRE » d’un encadrement qui leur permet aujourd’hui d’appréhender le mieux possible la vie en communauté. Mais le travail qui reste à faire est énorme. La tâche est ardue. Le personnel éducatif fait tout de suite preuve d’une écoute très attentive non seulement auprès des enfants mais également auprès des parents. Nous marchons la main dans la main.

Romain semble si bien dans son nouvel univers que nous décidons de le laisser une nuit en internat ; nous le laissons le vendredi soir, nous irons nous-mêmes le rechercher le samedi matin avec impatience. Notre « grand » nous donne l’impression d’avoir très bien accepté cette première nuit. D’autres vont suivre dans aucun souci, c’est pour cela que, progressivement, nous allons le laisser un week-end entier avec ses copains et ses copines « tu es aussi grand que Matthieu ! ». En réponse, nous avons de grands sourires. Une idée mûrit lentement : pourquoi ne pas tenter une semaine entière ? Nous nous lançons dans la grande aventure ! Une semaine plus tard, nous récupérons l’ombre de notre fils. Nous étions prêts à la séparation mais pas lui. Va suivre un lourd travail commun entre Romain, le psychiatre, le personnel éducatif et nous, bien évidemment. Aujourd’hui encore, bien qu’ayant fait un gros travail sur lui-même, nous sentons bien la réticence de Romain face à l’internat mais nous sommes confiants.

Aujourd’hui, notre jeune homme a 24 ans. Il y a toujours des progrès. Oh bien sûr, rien n’est jamais flagrant mais, un beau jour, on se dit « tient, il ne faisait pas çà ou bien il ne réagissait pas de telle ou telle façon ». Si notre situation aujourd’hui semble normale, ne nous méprenons pas, notre vie s’est simplement améliorée, c’est tout. Mais, pour nous, quel luxe !

A voir comme la communication peut s’établir avec notre fils, à le voir sourire, à le sentir heureux, nous pensons qu’il a eu bien raison de se battre pour vivre et nous sommes fiers de lui. Mais nous savons aussi que, sans cesse, nous allons devoir lui répéter : « Tu es grand Romain, lèves ta tête ! »

C. MITTAULT

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SOINSDr Xavier BIED-CHARRETON, Directeur Médical C.E.S.AP.

Introduction :Comment ai-je pratiqué depuis plus de trente cinq ans pour qu’enfin aujourd’hui on me demande de parler de Bonnes Pratiques ?Et, au fait, moi, je n’en sais rien, si j’applique, si j’exécute de Bonnes Pratiques. Et d’abord qui est désigné pour en juger ? Mes patients, mes malades, mes clients ? d’autres disent « les usagers » ?...Alors, je sais, des gens vachement bien, vachement plus expérimentés que moi, ont créé des référentiels d’évaluation de la qualité de mes interventions. Enfin, pas des miennes à moi, mais de celles que nous pratiquons. L’évaluation, il en a été beaucoup question ce matin, c’est aussi celle de la qualité des prestations, on m’assure que cela sera plus interrogé dans les modalités que dans les résultats. Et plus au niveau de la cohérence (rapport entre objectifs et moyens de l’action) ; il y en a tout de même qui parlent et se trompent en parlant de qualité des soins, en supposant que cela pourrait conduire de façon proportionnelle à de bons ou meilleures résultats sur la santé !Et d’insister sur la qualité des soins qui dépend des aspects techniques (connaissances, matériel, installation, quantité de personnel qualifié) et aussi des capacités relationnelles qui intègrent : écoute, tact, empathie, sensibilité, confiance, confidentialité… toutes sortes de choses qu’on ne m’a jamais apprises.Donc il a été inventé des outils d’évaluation qui ont été validés, avec même le Conseil National de l’Évaluation ; c’est très impressionnant. Bientôt je saurai si j’exerce mon métier de façon honorable.Mais au fait, avant de les évaluer, mes Bonnes Pratiques, pouvez-vous me dire au juste de quoi il s’agit ? Ah, non, excusez-moi, c’est à moi de vous l’expliquer. Je vais donc vous donner des définitions ; puis quelques exemples ; puis on verra les limites de ces notions et comment nous en sortir au mieux. Et j’accepte de le faire aujourd’hui car vous le savez je suis une personne double : Conseiller ou Directeur médical, donc désigné pour connaître, maîtriser et conseiller mes collègues et confrères ; et aussi, je suis praticien ; et certains jours je me demande : est-ce que aujourd’hui j’ai pratiqué moi-même comme je le recommande aux autres ?

Première partie : des définitions

Les Recommandations : ce sont des façons ou des actions très officielles de conseiller, de préconiser, soit des méthodes, soit des façons de procéder ; très fortes ; il y a donc une notion d'autorité ; la recommandation constitue le socle de la bonne pratique. Les recommandations sont les premiers éléments de la démarche d'action médico-sociale.J'ajoute, à titre personnel, que j'utilise parfois ce terme de "recommandation" quand je suis amené à répéter pour la énième fois les mêmes conseils ; et donc ce jour-là il y a aussi une notion d'autorité (avant-hier, peut-être un peu de colère…).

Les Références : on reste dans le domaine de la directive * : les références sont des indications plus précises par rapport à des textes déjà énoncés, par exemple les recommandations. La référence est donc l'énoncé d'une exigence en regard d'un objectif à atteindre.* = indication générale donnée par l'Autorité, étative, associative ou institutionnelle.

Les Procédures : historiquement les procédures sont des manières de procéder, ou d'agir, juridiquement donc, la façon d'appliquer la Loi, en suivant des formalités incontournables qui doivent être remplies. Ce serait donc au législateur qu'il appartiendrait de définir et d'orienter les procédures.Aujourd'hui ce mot à un nouveau sens : une procédure décrit une séquence ordonnées d'activités ou d'interventions mises en œuvre dans une situation précise.Pour faire encore plus moderne on peut utiliser le terme "process" qui sous-entend en plus que la procédure peut évoluer, que le "process" est en "progress".

Les Protocoles : traditionnellement le protocole est le recueil des règles à observer en manière d'étiquette (rien à voir avec l'éthique), la préséance, l'ordonnancement dans les cérémonies officielles) et au-delà ce qui est conforme aux normes de la vie sociale.Nous utilisons maintenant ce même terme de protocole pour préciser un ensemble de règles à respecter et des gestes à effectuer au cours de certains traitements ou de certains soins. Il ne

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s'agit pas de quelque chose de spécifique pour une personne, mais, je le répète, cela concerne un type de situation, ou de symptomatologie. Bien sûr les premiers protocoles connus concernent les situations à la fois les plus courantes et les plus préoccupantes (c'est ainsi que sur Internet vous trouverez plus de 200 références sur les Bonnes Pratiques dans le secteur médico-social, et on y retrouve surtout la maltraitance, l'accueil des personnes en difficultés, les situations de crise, le SIDA…).

Les Conduites à tenir : ensemble plus simple et plus précis de règles et de gestes à effectuer auprès d'une personne pour une situation ou un soin spécifique.Donc on peut dire que : Recommandations, Références, Procédures, Protocoles et Conduites à tenir, constituent la base de nos interventions ou prestations. Il ne s'agit pas de textes littéraires (je vous montrerai ailleurs d'autres sortes de textes, eux, littéraires…). Nous avons tous, administrateurs civils et privés, directeurs, docteurs et tous acteurs du champ médico-social à participer à l'élaboration et à l'amélioration de ces documents qui permettent ensuite dans la vie de tous les jours de travailler de façon correcte.A notre échelon institutionnel, si de tels outils sont disponibles, s'ils sont bien utilisés, peut-être un jour seront-ils eux aussi validés et reconnus comme de Bonnes Pratiques. Passons aux exemples.

Deuxième partie : des exemples

Les outils déjà existants, officiels et plus spécialisés :* le Code de Déontologie, remis à tous les médecins par le Conseil de l'ordre des médecins du

département où ils exercent, avec le Guide d'exercice professionnel ;* le Code de la Santé, le Code de l'Action Sociale ;* les Lois, Circulaires, Décrets concernant notre domaine ; on peut en suivre la publication sur

Internet, dans les revues spécialisées (ASH, bulletins…) ;* les projets associatifs, les projets d'établissement ;

et je donnerai quatre exemples personnels :

le Livre des Secrets, ou Petit Manuel à l'usage des docteurs des personnes gravement handicapées, publié par le G.P.F. en 2001avec le soutien de la Fondation de France et de Iris Initiative,

la Charte nationale en faveur des personnes polyhandicapées, diffusée lors des États généraux du Polyhandicap en novembre 2005 et reprise à un mot près dans le Plan d'action du ministre délégué,

un exposé sur le dossier médical lors des journées médicales de CESAP Formation les 4 ; 5 et 6 octobre 2004 à Lille, autres textes sur douleur, souffrance, maltraitance, les périodes d'aggravation…

Exemples de protocoles et conduites à tenir, fiches d'observation, réalisées et réactualisées dans les établissements où je pratique :

tableau du réseau de soins, continuité des soins, urgences, protocole de distribution des médicaments, pour un bon déroulement des repas, crises d‘épilepsie + fiche d'observation d'une crise, protocole d'appareillage, protocole pour le transit intestinal, à propos de la douleur, de la fièvre… fiche descriptive des symptômes de la douleur, recommandations diététiques (surpoids), protocole au sujet de la contenance (et non pas contention), à propos des petites et grandes promenades, en cas d'ingestion de produits dangereux ou d’erreur de médicaments, dossiers médicaux, dossiers médicaux résumés et actualisés, cahier de bord médecin – infirmière, dossiers de liaison avec l'hôpital...

Dr Xavier BIED-CHARRETON

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Réflexions sur la pratique pluridisciplinaire :la spécificité des soins aux personnes polyhandicapées, atteintes de multiples troubles qui sont tous interdépendants ; la collaboration permanente entre personnels soignants et éducatifs. Et en réalité avec tous les collègues ;la collaboration également permanente avec les familles.

Troisième partie : les limites

Malgré tout cet énorme travail que l'on pourrait dire préliminaire, préventif ou plutôt fondamental, qui est la base de notre travail, peut-être de nos "bonnes pratiques" nous savons qu'il y a des limites, en voici quelques unes :- Les pratiques, vous l'avez compris, ce sont donc des activités volontaires, réfléchies, visant des résultats concrets ; elles découlent des règles ou principes énoncés dans les Recommandations et Références… Elles sont toujours aussi en référence à une éthique professionnelle, d'abord basée sur le respect et les bons usages de la vie quotidienne (la bonne éducation ?).- Ce qui est "bon", c'est ce qui fonctionne bien, ce qui rend bien le service attendu ; ne dit-on pas par exemple : bon médecin ? bon époux ? bon père ? bon directeur ? bonne AMP… ?- Bon, c'est aussi ce qui convient, ce qui correspond aux recommandations, ce qui est utile ; et aussi ce qui est bien fait, qui mérite l'estime : on dit aussi, parfois : voila du "bon travail". Parfois c'est aussi ce qui est agréable, heureux, comme "bonne année", "bon appétit", ou "bonne route".- Et c'est aussi ce qui est charitable, qui veut du bien aux personnes qui nous sont confiées, à autrui, d'autres disent "à son prochain", ou bien faire une "bonne action", avoir un "bon mouvement" ; c'est le contraire de méchant ; (cela n'a rien à voir avec les "bons du Trésor").Mais vous le voyez, ici ce qualificatif ne contient pas qu'une valeur d'appréciation technique ou professionnelle ; mais qu'on le veuille ou non, quelle que soit notre éducation (ce qui a précédé notre formation professionnelle) il y a aussi une connotation d'appréciation morale, de bon, ou de mauvais.

Tous les jours au contact de ces personnes nous sommes tous des praticiens, qui connaissons la pratique, ce qui est différent du théoricien.Le théoricien est celui qui élabore, connaît et défend la théorie d'un art, d'une science ou d'un métier ; il s'occupe principalement de connaissance ou de réflexion abstraite, beaucoup moins souvent de la pratique, des applications quotidiennes de ses théories. (Les théories sont des ensembles organisés d'idées, de concept abstraits, de spéculations intellectuelles, elles précèdent l'application pratique ou contribuent à sa vérification, on dit maintenant "évaluation").Et cela serait bien que les théoriciens, les gens des bureaux (petits et grands bureaux) mettent un peu plus la main à la pâte (la pâte, souvent c'est la … matière).Ils comprendraient et apprécieraient mieux les soucis du quotidien. Leurs Recommandations, Références et autres Décrets et Circulaires seraient plus adaptés et applicables…Et aussi cela serait bien que de plus nombreux praticiens toutes corporations incluses, apprennent à prendre du recul, à réfléchir, à écrire sur leur travail quotidien, à devenir un tout petit peu, voire plus, théoricien.Cela permettrait que les méthodes ou Bonnes Pratiques soient élaborées de façon complète, avec la pratique et la théorie, ce qu'on appelle une Méthode :une méthode c'est un ensemble de démarches raisonnées et suivies pour parvenir à un résultat ; cela rassemble les réflexions sur la pratique et les règles et principes, l'enseignement et l'expérience, cela aboutit de façon positive à une meilleure organisation, donc aux Bonnes Pratiques. Cela permet, permettrait de rassembler théoriciens et praticiens, ce que certains appelaient dans le temps la "méthode expérimentale" qui consiste à observer, réfléchir, évaluer puis faire avancer les pratiques qui sont donc toujours "in progress".Je suis content d'avoir compris tout cela, de vous l'expliquer aujourd'hui ; ce qui ne veut pas dire que je ne sois, selon les jours, ni un bon théoricien, ni un bon praticien. Vais-je me soumettre à ma propre auto-évaluation ?Autre limite : malgré tout ce travail de réflexions et de pratique ancienne je sais que nous ne pourrons jamais tout prévoir, tout anticiper.Il y aura toujours des situations imprévues, peut-être imprévisibles, et à ce moment là, chacun d'entre nous, celui ou celle qui est là, devra faire face, avec du cran et une capacité de décision ou d'action parfois très difficile et risquée.

Dr Xavier BIED-CHARRETON

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C'est aussi ce qui explique la dernière phrase des protocoles et conduites à tenir : "si cela ne se déroule pas comme expliqué, en cas d'aggravation ou d'inquiétude…" appeler le SAMU, le cadre de garde, avertir les parents… Et même parfois, il faudra avoir le courage de ne peut-être pas faire ce qui a été écrit mais s'adapter à la situation actuelle.C'est vrai chaque fois que l'on accepte un travail auprès d'être humains, tous différents. C'est peut-être vrai dans tous les métiers ?

Encore une limite : c'est qu'à force de préciser des Bonnes Pratiques, de les faire valider (par qui ? ça on ne me l'a encore jamais dit), elles seront peut-être ensuite très activement recommandées et que cela risque d'aboutir à un ensemble commun et partagé, mais, normatif et desséchant. Tout cela étant bien évalué, pourquoi pas avec des certifications type ISO 9002 ou 9003 ; on ne parle plus de méthodologie mais de "métrologie" : science de la mesure.

Et nous, notre champ d'action, je l'ai déjà dit, il est plein, il est presque entièrement basé sur de l'incertain, du probable, de l'imprévisible, car nous acceptons d'accueillir les plus faibles et les plus fragiles ; et ce n'est pas non plus eux (on les appellerait "usagers" ou les clients) qui sont capables de remplir des questionnaires de satisfaction. Dans certains établissements, certaines associations, ce sont les parents qui s'attribuent ce droit d'observation, de qualification, voire d'évaluation. Mais peut-on être expert avec un jugement lucide quand on est soi-même très touché affectivement ?

Et je reprendrai une phrase de Maurice Villard, de septembre 2005, complétée en juillet 2006 : "quand je vois le nombre d'écrits, de grilles, de tableaux… qui s'accumulent aux fins de traçabilité et de futurs contrôles, j'ai le sentiment que ce sont maintenant les façades qui compteront afin d'être "qualitativement corrects".

Dernier exemple : et puis le trouble numéro 1 dont sont atteints les personnes qui nous sont confiées, à travers toutes leurs fragilités et faiblesses, ce qui prime c'et la douleur et sa compagne quasi quotidienne, la souffrance. Et j'ai le regret de vous le dire, malgré les années de pratique, de réflexion, de théorisation, je sais qu'il n'est pas possible d'évaluer, encore moins de quantifier la souffrance, qui ne sert à rien, qui ne s'éteint jamais, et qui finit par nous atteindre nous aussi. Alors, si vous le voulez, vous continuerez ou vous organiserez des formations, des groupes de travail, des séances de réflexion sur la pratique, sur ce sujet n° 1. Je veux bien vous aider. Tout à fait entre nous, cela m'intéresse bien plus que les référentiels d'évaluation.

Conclusion

Vous l'avez compris, il nous est imposé dans tous nos métiers d'être théoricien et praticien ; selon nos postes, toujours un peu plus l'un que l'autre.Il y a des personnes expérimentées qui peuvent vous aider à progresser dans l'Art des Bonnes Pratiques.Je précise : les bonnes pratiques ce sont les innombrables processus organisationnels qui vous sont proposés. L'Art, c'est de savoir les appliquer, pour chacun d'une façon strictement personnalisée ou individualisée.Au-delà des Bonnes Pratiques ce qui guide votre travail c'est ce que vous ressentez, c'est ce qu'essaient de vous transmettre ces personnes.C'est cela qui, au jour, le jour vous met en mouvement, ces montagnes d'émotions, qui elles aussi sont in-mesurables, in-évaluables, in-quantifiables.Certains jours elles vous font mal, vous mettent à mal, ce qui risque d'entraîner des attitudes, des réponses, des situations, parfois tout-à-fait adaptées, peut-être grâce aux Bonnes Pratiques ? D'autres jours…Mais ce que je vous souhaite, c'est qu'au milieu de tout cela, le théorique de plus en plus lourd, le pratique, si difficile, il y ait aussi des surprises. Des sourires, des réactions positives espérées ou inattendues. Et quand cela arrivera, notez le bien, prenez une photo, un petit bout de vidéo, écrivez une observation ou un petit poème. Tout cela permettra de fabriquer un BEL ALBUM des BONNES SURPRISES, exposé dans le hall d'entrée.De tous les papiers (montagnes de papiers) que nous fabriquons c'est un Bel Album qui sera le plus beau et dont vous pourrez être fiers.

Dr Xavier BIED-CHARRETON

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DEVELOPPEMENT DE LA PERSONNEPhilippe ROSSET, Directeur I.M.E. « Amis de Laurence » (Paris)Madame HETIER, Parent

Philippe ROSSETLa présence de Madame HETIER, parent d’une personne polyhandicapée qui se présentera tout à l’heure, donne la note première de ce par quoi commence notre construction et nos bonnes pratiques, à savoir la rencontre d’une famille dont l’enfant est porteur d’un polyhandicap et des professionnels représentant une institution apte à l’accueillir. De cette rencontre, si elle est sincère, vont naître des échanges, des interrogations, un respect mutuel pour une même personne qui généreront des bonnes pratiques. Ce duo n’est donc pas un hasard, il est le fruit d’une exigence associative au sein de laquelle le travail famille-institution a toujours été le fondement pour un accueil respectueux de la personne handicapée.

Madame HETIERNous, parents, nous nous sommes tous posé un jour ou l’autre la question du développement de notre enfant :Va-t-il grandir ?Va-t-il récupérer sur son handicap ?Va-t-il pouvoir vivre normalement avec son handicap ?Va-t-on pouvoir vivre auprès de lui, nous, sa famille, une vie digne d’être vécue ?Enfin pourra t on vivre heureux en famille avec ce handicap qui nous habite tous : parents, frères et sœurs ?

Philippe ROSSETQui dit enfant , dit famille , donc père, mère et souvent et peut- être frère et sœur …qui dit enfant dit un être vivant, dit un être humain repéré dans un tissu social ; vivant dans une société qui a en charge sa santé, son éducation, ses loisirs et le droit de vivre une vie unique et pleine au même titre que n’importe quel autre enfant. Cet enfant a un prénom, il a sûrement du caractère, bien évidemment une forte personnalité… Nous n’accueillons pas dans cette institution des polyhandicapés mais des enfants polyhandicapés…

Madame HETIERNous allons nous engager dans ce long travail qu’est le développement de la personne handicapée.1° Dans un premier temps il nous faut CONNAITRE la personne handicapée.Connaître tout simplement cette personne. La regarder comme quelqu’un et non comme un handicap ou un obstacle insurmontable. L’appeler par son nom ou son prénom, ne pas la tutoyer dès le premier contact (alors gd mère on va bien aujourd’hui)

Philippe ROSSETLe premier travail spécifique que nous ayons à faire est bel et bien de nous adresser à un enfant et non à un handicap. Nous nous adressons à un enfant porteur d’un polyhandicap. Et mieux nous cernerons la personne, mieux nous nous occuperons du handicap. C’est dans cet état d’esprit que nous pourrons ensuite aborder l’accueil et le travail auprès de cet enfant. Enfant dont le polyhandicap est complexe tant les expressions en sont multiples et centrées sur une seule et même personne. Cette complexité en appelle une autre qui est la multiplicité des réponses aux soins, des attentions, des rééducations qu’il faut pouvoir dispenser à cet enfant. Une à une ces réponses existent et elles touchent là, différentes disciplines et bien entendu différentes catégories socioprofessionnelles. Les diverses actions dirigées vers l’enfant nous amènent à parler alors d’un travail pluridisciplinaire, plus justement d’un travail en équipe pluridisciplinaire. Ce travail nécessite que chacun des intervenants soit à la fois à l’écoute de l’enfant et à l’écoute des propositions, des réflexions de ses collègues

Madame HETIERReconnaître la personne handicapée qui est face à moi, la laisser me connaître me reconnaître lui donner du temps…. d’ou l’exigence d’être face à elle en toute limpidité Il est important surtout pour les plus jeunes que chacun aie sa place : parents, famille, institution et au sein de celle-ci que chacun garde sa spécificité. L’auxiliaire de vie n’est pas le médecin le médecin n’est pas le kiné etc. Chaque rôle doit être reconnu avec évidence. Mais on est là dans la normale. Pour qu’un jeune s’éveille bien, et on le voit à travers toutes les dérives, il faut que chacun tienne son rôle.

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Philippe ROSSETChaque personne, dans sa profession et avec ses compétences, exerce auprès de l’enfant dans le cadre du projet de celui-ci. Cette compétence est reconnue comme constitutive du grandissement de l’enfant. Cette compétence s’énonce à l’ensemble de l’équipe comme un témoignage, elle se partage et s’exploite dans la vie quotidienne. Le travail spécifique ne se noie pas dans l’équipe pluridisciplinaire. Le kinésithérapeute qui participe à un moment donné à une activité de groupe reste dans sa fonction avec son regard particulier, avec sa manière de faire. Il ne prend la place de personne et personne ne prend la sienne. Ceci cependant reste un exercice qui n’est pas toujours facile de pratiquer. Aussi faut-il pouvoir réguler toutes ses interventions, les coordonner ; cela exige de pouvoir et de devoir se rencontrer pour échanger donc de créer des espaces temps répertoriés et investis. Au final l’équipe pluridisciplinaire se constitue sur ces principes et ces rencontres.

Madame HETIER2° Développement de la personne handicapée dans la vie quotidienneIl n’est pas si simple d’aider l’autre à « faire ».Il faut d’abord établir le bilan de ce qu’elle peut accomplir seule, de ce qu’elle ne peut pas faire pour le moment et de ce qu’elle ne pourra peut être jamais faire seule (au moins le pense-t-on au moment T de son histoire).On sent très vite venir l’idée de l’équipe « AUTOUR DE ». Evidemment il serait délicat de laisser une telle appréciation à une seule personne, et à laquelle une personne se développe d’autant mieux qu’elle ne rencontre pas d’obstacle à « FAIRE »La douleur est redoutable, elle empêche la personne de se développer.Il faut mettre la personne handicapée dans une situation confortable : fauteuil, posture, lieux de vie appropriésA table trouver la cuillère, la fourchette qui lui convient le mieux avec laquelle elle soit le plus participant à son repas pour qu’elle devienne la plus autonome possible ?????

Philippe ROSSETCette notion de confort est primordiale. Elle met en jeu des compétences multiples et variées, elles mettent au travail tout en même temps, le médecin de rééducation fonctionnelle, l’orthoprothésiste, le kinésithérapeute, l’ergothérapeute, le psychomotricien, l’éducateur. Alors les observations et les connaissances de chacun vont s’ajouter les une aux autres pour donner naissance à un appareillage, une installation dans laquelle l’enfant sera correctement et confortablement installé sans être préoccupé par des tensions, des douleurs, des contractions qui viendraient altérer son attention, sa disponibilité. Ainsi installé pour pouvoir être dans la rencontre avec autrui, bien installé pour pouvoir participer à une activité, bien installé pour pouvoir se nourrir ou être nourri sans ou en diminuant sérieusement les risques de fausse route etc.…Etre bien installé pour pouvoir, et c’est bien le mot pouvoir qui donne un sens à toutes ces actions, qui place et rend l’enfant attentif et acteur dans sa vie quotidienne..

Madame HETIER3°-Pour ce développement il faut mettre en œuvre des moyens.Etre à la recherche des bons gestes des bons diagnostics des bonnes paroles… et surtout les mettre en œuvre en équipe en y associant les parents en leurs faisant partager les découvertesJe reprends l’exemple de la fourchette : si on a trouvé un bon moyen, le dire aux parents et vice versa Mais attention la « maison et l’institution sont deux lieux différents, il faut laisser la porte grande ouverte entre les deux, créer des passerelles, mais le résidant doit pouvoir s’autoriser une attitude différente dans l’un et l’autre lieu. Ceci est une source de richesse.Pour le bon développement de la personne handicapée, il est important de créer une communication entre chacun.Ce n’est pas si facile de communiquer avec des jeunes qui ne parlent pas ou peu. Alors la communication passe par des gestes des jeux de figure de mimiques pour ceux qui voient.On constate qu’une fois que quelqu’un est entré en communication avec l’autre, il reste à élargir le cercle et entrer en communication avec les autres : la communication entre chaque membre de l’équipe (eux parlent mais restent humbles car ils savent que la parole ne facilite pas tout en communication !)

Philippe ROSSET, Directeur I.M.E. « Amis de Laurence » (Paris)Madame HETIER, Parent

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Auquel il faut s’attacher solidement : la communication. Pour cela, quel que soit le support utilisé, il faut en avoir envie, ce propos s’adresse tant aux enfants que nous recevons qu’aux professionnels et surtout vis et versa. Il faut avoir envie pour donner envie.

Ce travail concerne tout le monde. Il est une règle d’or qu’il faut respecter auprès des enfants polyhandicapés : c’est parler, parler n’est pas bavarder et dans le même temps il faut écouter ce qui est la contrepartie logique qui finit l’acte. Il faut parler ses actes au quotidien, quelles que soient les incertitudes que nous puissions avoir des possibilités de compréhension des enfants. Pourquoi cette nécessité ; simplement si je puis m’exprimer ainsi, la majorité des enfants accueillis n’ont pas de mouvements volontaires, ils sont déplacés, manipulés, nourris ; nous nous sommes le moteur qui leur permet de se déplacer, d’être propre, de manger…alors parler… c’est rassurer, calmer, accompagner, c’est être avec, c’est parler pour l’autre et non pour soi, c’est parler en vérité. Dans ce temps, parler c’est leur permettre d’anticiper l’action future, de s’y préparer, d’être acteur.

Parler c’est reconnaître l’autre en tant qu’être humain. Vous me direz communiquer n’est pas seulement parler… Bien entendu, la communication est autre chose. Elle interroge la compréhension de la personne polyhandicapée, elle interroge sa représentation et la représentation qu’elle a de nous même ; le fait qu’elle se sache comprise donc reconnue, capable d’être en relation, fait d’elle un être humain reconnu, incontournable interlocuteur, sujet de la mission qui nous incombent.

Tout cela nécessite, par la connaissance de décoder les différentes informations que les enfants nous laissent percevoir dans les différentes situations qu’ils rencontrent dans leur quotidien, dans les différentes prises en charge dont ils font l’objet. Et tout ceci est à partager.

Madame HETIER4°-Parents ou professionnels ne sommes pas à l’abri d’une recherche de résultat :Ici, comme dans la vie normale, il est important de ne pas mettre la personne handicapée en état d’échec.Réfléchir en équipe et avec la famille qui a peut être des idées pour savoir jusqu’ou espérer. Proposer aux jeunes un projet défini, essayer d’en atteindre le but mais s’il n’est pas atteint ne pas s’en désoler.Je pense qu’il faut être innovant et ambitieux dans nos projets mais, qui peut le moins ne peut pas toujours le plus.

Philippe ROSSETEt il faut compter aussi sur la dynamique associative qui doit insuffler une éthique, une politique qu’elle doit défendre auprès de la société civile et d’état.

Alors à la question du début sur le développement de notre enfant, il me semble que cela devient plus clair et plus exigeant.

Peut être nous comprenons peu à peu que nous ne devons pas nous enfermer seuls dans ce malheur. Nous allons soutenir cet enfant handicapé avec SON aide, SES efforts avec l’aide aussi des professionnels à qui nous le confions, l’aide des voisins des amis.

La vie est à ce prix. Refuser ce développement, c’est refuser la vie, c’est refuser le risque de grandir.

Philippe ROSSET, Directeur I.M.E. « Amis de Laurence » (Paris)Madame HETIER, Parent

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EVALUATION DES FORMES D’ORGANISATIONET DE PARTICIPATIONRoland LEFEVRE, Directeur La Montagne CESAP

Il n’est plus possible aujourd’hui de concevoir un processus de travail sans l’accompagner d’une démarche d’évaluation intégrée, on peut considérer que c’est un grand progrès, et je pense que nous sommes nombreux ici à avoir constaté combien elles pouvaient contribuer à faire évoluer des démarches de travail.

Pour ce qui concerne l’évaluation des formes d’organisations, cela mérite en revanche d’être discuté.

Autant je suis convaincu qu’un travail d’analyse des organisations, au sens ou par Exemple Michel CROZIER l’a développé avec L’analyse stratégique et systémique, apporte une réelle aide au changement des organisations, autant il me parait plus complexe de manier des modèles d’évaluation généralistes dans une perspective d’aide au changement et d’amélioration des formes d’organisation.

Nous avons, pour engager cette discussion, la chance de disposer pour notre branche d’une évaluation sur les formes d’organisation existantes dans les établissements et services médico-sociaux. C’est une enquête qui a permis de procéder à une véritable évaluation de notre secteur, Elle a en effet émis un avis sur les formes d’organisation en place dans les établissements et services de la branche tout en préconisant de méthodes d’amélioration.

Cette enquête réalisée en 2002 par le CREDOC, pour le compte d’UNIFAF a été réalisée par voie postale, à partir d’un fichier de 5000 établissements sociaux et médico-sociaux.

Le questionnaire adressé à chaque établissement recueillait des éléments descriptifs de l’établissement, de ses salariés, de son organisation, des évolutions identifiées.

Un volet du questionnaire était en outre réservé aux salariés. Il portait sur les parcours scolaires et de formation, les itinéraires professionnels et contenait une description des activités et des tâches demandées et réalisées.

En moyenne, 5 salariés de chacun des 1000 établissements volontaires ont rempli ce questionnaire. Les résultats ont permis de dégager des tendances sur les formes d’organisation en présence dans notre branche professionnelle.

Trois schéma type d’organisation ont ainsi été identifiés :• L’organisation stratégique d’anticipation.• L’organisation tactique d’adaptation.• L’organisation conventionnelle.

Il s’agit là d’un classement par niveaux de performances, UNIFAF préconisant de soutenir les démarches d’amélioration de la qualité des organisations conventionnelles pour les amener à se rapprocher du modèle d’organisation stratégique d’anticipation.

L’organisation stratégique d’anticipation :Ce sont en majorité les organisations qui se sont construites autour d’un projet explicité, avec participation des personnels, qui fixe les critères de gestion des ressources humaines. Le fonctionnement repose sur des instances de régulation ce qui donne un aspect formel aux relations internes, mais une large autonomie aux intervenants. L’organisation est plutôt cognitive, et le management participatif. L’encadrement se distingue par son rôle dans la mobilisation-formation continue des intervenants, ce qui suppose une implication forte, démarquée des savoir-faire traditionnels. Pour Jean Afchain, le point saillant de ce type d’organisation tient dans le niveau d’exigence qui peut être demandé aux professionnels, le fonctionnement impose un questionnement constant de chacun sur sa pratique et oriente dans une attitude générale qui tire vers l’engagement.

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Cette organisation est repérée comme étant plus fréquente dans les établissements spécialisés dans l’accueil des enfants et adolescents handicapés, mais aussi en difficulté

- 32% de l’ensemble des établissements- 41% des établissements pour enfants et adolescents handicapés- 31 % des établissements d’adultes handicapés

L’organisation tactique d’adaptation :

Ce sont les organisations qui se distinguent par leur capacité d’adaptation et la polyvalence des professionnels. Les contraintes de développement et l’environnement institutionnel les poussent à dépasser le cadre classique du travail social, mais seulement la moitié d’entre elles a un projet explicite. Le diplôme n’est pas le seul critère de recrutement, et les compétences débordent de la relation avec la personne pour intégrer les liens avec les commanditaires. L’encadrement intermédiaire tient un rôle d’animation, et les intervenants sont moins autonomes.

Ce type d’organisation concerne la moitié des établissements du secteur du handicap et de nombreux instituts d’éducation pour déficients sensoriels

- 39% des établissements.- 48% des établissements d’enfants et adolescents handicapés- 45% des établissements d’adultes handicapés

L’organisation conventionnelle :

Les organisations de ce type sont les moins nombreuses, elles continuent à se référer aux pratiques traditionnelles et aux seules références formulées par les autorités publiques. Les projets de service sont encore moins fréquents que les projets associatifs, eux-mêmes peu actualisés. Le diplôme reste le principal critère de recrutement, et le métier détermine la répartition des tâches. Le professionnel dont la formation garantit la maîtrise des techniques, dispose d’une certaine autonomie. Le management est peu dirigiste même s’il prend des allures directives ou paternalistes, l’encadrement assure exclusivement une fonction de coordination.

Ce modèle d’organisation se retrouve davantage dans les établissements pour personnes âgées et de la petite enfance

- 29% des établissements.- 11% des établissements d’enfants et adolescents handicapés.- 24 % des établissements d’adultes handicapés

Pour information, 50% des établissements pour personnes âgées.

On constate tout d’abord que les établissements d’enfants handicapés se répartissent principalement sur les deux premiers modèles et que la représentation des établissements pour adultes se réparti sur les trois modèles avec encore 24 % d’entre eux sur le modèle conventionnel.

Est-on bien éloigné de l’appréciation portée en 2005 par Jean Pierre Hardy, chef du bureau de la réglementation financière et comptable à la DGAS, qui dans un ouvrage collectif publié par L’ANDESI intitulé « être directeur en action sociale aujourd’hui » s’exprime, à titre personnel est-il précisé , « sur la mal-gouvernance associative et ses conséquences sur les pratiques de Direction »

Roland LEFEVRE

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Il y décrit ce qu’il appelle le mythe d’une homologie d’intérêt entre usagers, parents d’usagers, salariés et gestionnaire. Selon lui, le secteur médico-social vit dans le consensus mou où tout le monde est à contre emploi, parlant au nom et pour tout le monde, refusant d’admettre les contradictions d’intérêts entre usagers, salariés et administrateurs, parce que, précise t’il nous sommes dans un secteur où les notions d’employeur, de gestionnaire, de salarié, d’usagers sont à la fois confondues et ma définies.

Il pointe l’existence d’une bureaucratie associative étroite s’abritant sans vergogne derrière les thématiques de représentants naturels de « la société civile » et de la « démocratie associative active » ou il dit avoir observé cumul des mandats et casquettes multiples et vérifié la confusion et la fusion entre élites associatives, élites administratives et élites politiques locales.

Plus simplement, il dénonce l’absence généralisée de démocratie dans la gouvernance associative et ses conséquences sur la mise en œuvre des projets d’établissements et des démarches d’accompagnement.

Là ou Jean Pierre Hardy dénonce la mal-gouvernance, le CREDOC dans ses conclusions, identifie des problèmes de managements liés à des carences de formations des cadres dirigeants. Entre autres intérêts, ces points de vue présentent celui de converger sur les questions de gouvernance ou de management en faisant abstractions des interactions existantes entre l’objet de l’association ou de l’organisation et son type de gouvernance, comme s’il existait un idéal managérial et un modèle de gouvernance duplicable d’une organisation à une autre.

Si on accepte en l’état ces points de vue sur la gouvernance te le management, il devient alors très intéressant de les confronter aux données recueillies par l’enquête du CREDOC selon laquelle, 9 établissements pour enfants et adolescents handicapés sur 10 et 8 établissements sur 10 pour adultes handicapés relèveraient des deux premiers modèles d’organisation.

On y remarque qu’en dépit d’un arrière plan associatif décrit comme rétrograde, les équipes institutionnelles développent des modèles d’organisations ouverts, participatifs et réactifs.

C’est sans doute l’observation de ces contradictions qui ont amenés les équipes du CREDOC a analyser que les trois modèles qu’ils avaient identifiés se situaient en tension entre deux champ de force :

• le premier entre logique institutionnelle et logique professionnelle,• le second entre approche légaliste et approche stratégique.

Ce qui en langage courant pourrait être traduit ainsi :

- Les équipes dirigeantes associatives sont relativement clivées de la réalité des équipes institutionnelle, ce sont deux mondes qui cohabitent sans trop se rencontrer.

- Les dérives bureaucratiques de l’administration publique atteignent un niveau tel que non seulement elles masquent les effets de la mal gouvernance associative sur le fonctionnement institutionnel, mais qu’elles y contribuent généreusement.

- les contraintes liées à la nature et à la gravité des handicaps des personnes accueillies sont tellement importantes que ce sont elles qui dictent les modes d’organisation plutôt que les politiques associatives et les injonctions administratives.

- Les équipes institutionnelles, au cœur de ces tensions, investissent le champ de la technicité et du professionnalisme, ce qui leur donne un positionnement stratégique fort.

Roland LEFEVRE

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Selon le type d’association, de territoires, d’établissement et de public accueilli, ces tensions vont s’exprimer de manière plus ou moins intense. Pour les établissements recevant des personnes polyhandicapées c’est le plus souvent à partir des contraintes liées à la nature et à la gravité du handicap que va se mettre en place un schéma organisationnel et une politique d’établissement. C’est du moins ce que j’ai pu observer aussi bien dans les établissements du CESAP que dans ceux d’autres associations que j’ai été amené à rencontrer pour le compte du centre de formation du CESAP et pour celui de COFORGE.Le dispositif dédié aux personne polyhandicapées se décline en SESAD, externat et internat enfants, CAFS, maison d’accueil spécialisées, foyer d’accueil médicalisés, externat adultes, foyer de jour et SAMSA.

Je vous propose d’examiner rapidement les 3 modèles d’organisation les plus répandus actuellement pour l’accueil des personnes polyhandicapés

- les externats enfants, - les internats enfants, - les internats adultes

Les externats enfants :

Le CESAP a une longue expérience avec les externats puisqu’il a ouvert son premier externat sur le site de « la Montagne » à Liancourt en 1985. Ils se sont depuis cette époque multiplié, les créations de places d’externat devenant une priorité pour les politiques publiques sous l’impulsion des associations face à l’évolution de la demande des familles.

Un externat est de fait une école spécialisé pour enfant polyhandicapé, et les conditions propices à une démarche éducative et pédagogique adaptée y sont réunies. La mise en œuvre d’une pédagogie adaptée aux besoins spécifiques de l’enfant polyhandicapé implique la mise en place d’une organisation particulière dont je vous dis deux mots :

Pour se construire, l’enfant polyhandicapé a besoin plus que n’importe quel enfant, qu’on organise autour de lui un dispositif tenu par des repères stables et facilement identifiables. Pour aller vite et schématiquement, on doit pouvoir lui proposer sur un mode récurent la même personne à la même heure au même endroit pour le même type d’activité, c’est un mode répété systématiquement à une fréquence fixe, c'est-à-dire un fonctionnement très ritualisé. Ceci implique d’établir en premier lieu une différenciation marquée des temps, des lieux et des intervenants, et de pouvoir discriminer de manière formelle et visible les rôles et les fonctions des intervenants ; c’est d’autant plus nécessaire que l’importance des déficiences de l’enfant polyhandicapé l’amène à vivre dans un univers indifférencié.

L’externat est dans le contexte actuel l’outil le plus approprié à la conduite d’une pédagogie adaptée aux besoins spécifique de l’enfant polyhandicapé. Une pédagogie adaptée à l’enfant polyhandicapé, c’est une pédagogie qui sait ne pas être timide, et qui n’hésite pas à puiser sans vergogne dans les apports de Maria Montessori, d’Ovide Decroly, d’Andras Petö, de Frôlich, de Fernand Deligny, d’Emmi Pickler et d’autres encore. Un pédagogie adaptée implique des ressources importantes en technicité et en connaissance, c'est-à-dire beaucoup d’investissement dans la formation.Dans un externat les groupes sont rarement constitués de plus de 6 ou 7 enfants, le temps y est segmenté entre l’accueil et la mise en route du programme du matin, les soins du midi et le déjeuner, suivi du programme d’après midi qui se conclue par les changes de fin de journées, la préparation au retour et le départ. Les programmes avec leur modulation et leurs variations se répètent de jour en jour et de semaine en semaine, ça ne règle pas la question du contenu des activités ni celle des méthodes, mais au moins les conditions d’un cadre pédagogique sont données d’entrée de jeux. En outre, et ce n’est pas un détail, les ratio d’encadrement effectif moyen y sont au moins de 1 professionnels pour 2 enfants.

Roland LEFEVRE

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Les internats enfants :

Ce n’est pas le projet d’éducation qui est le moteur de l’organisation globale de l’internat médico-éducatif pour enfants polyhandicapés, mais plutôt une figure hybride qu’on appelle projet de vie et qui réussit à combiner tant bien que mal une intention éducative avec un projet de soin, qu’il faut entendre ici dans son acception la plus large qui comprend également les attentions et les aides à la vie quotidienne. Comme il n’y a pas, contrairement aux externats, de modèles préconstruits (l’école), et que le besoin de soins envahit la vie de l’enfant polyhandicapé, c’est le mode de fonctionnement hospitalier qu’on retrouve comme étant le plus communément adopté dans les internats enfants, avec une organisation du temps de travail qui fait alterner équipes du matin et équipes du soir.Il n’existe pas, à ma connaissance, d’internat pour enfants polyhandicapés qui fonctionnerait sur un modèle d’internat scolaire, en alternant équipes d’internat et équipes de jour. C’est donc un mode d’organisation très contraignant pour des équipes qui veulent s’engager dans une véritable démarche éducative appropriée aux besoins spécifiques de l’enfant polyhandicapé.

Il est contraignant parce qu’il contrarie d’emblé le cadre pédagogique.

D’abord, et dans le meilleur des cas, le ratio d’encadrement effectif par équipes postées est en moyenne d’1 professionnel pour 3 ou 4 enfants. Ce qui donne entre trois et quatre professionnels présents pour 12 enfants ou adolescents. Soit deux fois moins qu’en externat. Alors comment ça marche concrètement : le planning de travail de l’équipe du matin consiste entre 7 heures et 9 heures et demi à procéder aux lever, à effectuer les toilettes, à donner les petits déjeuners, habiller les enfants, et refaire les lits, dans certains établissements il incombe également à l’équipe éducative de se charger des taches domestiques du ménages des chambres et du nettoyage des salles de bain. Quand tout se passe bien, c'est-à-dire quand il n’y a pas de crise d’épilepsie, pas de fausse route, pas de maladies, tout est fini au plus tard à 10 heures, Les taches à accomplir sont très techniques et demandent une grande capacité d’adaptation : chaque professionnel doit procéder à autant de transferts lits chariot douche ou baignoire, chariot douche - table de change, table de change - fauteuil roulants, puis d’installation à table qu’il y a de résidants.

Chaque intervention, chaque toilette, chaque change est personnalisé en fonction de l’enfant et de son humeur du jour, mais aussi et surtout en tenant compte de son projet individuel.Ce sont des gestes techniques qui requièrent un réel savoir faire, et de l’empathie, ils demandent une attention et une concentration particulièrement soutenue, et, bien que l’ergonomie des salles de bains se soit considérablement améliorée ces dix dernières années, c’est un travail qui nécessite un réel engagement physique.C’est vers ces mêmes équipes qui assurent l’accompagnement dans la vie quotidienne, et qui je le rappelle sont trois ou quatre pour 12, que l’ on se tourne encore pour leur demander d’organiser l’encadrement d’activités pédagogiques sur les séquences de temps qui s’échelonnent de 10 heures à midi et de 14 heures à 16 heures.Alors, avec beaucoup d’astuces, d’ingéniosité, de sens pratique et de coopérations, les équipes des internats enfants parviennent tout de même à mettre en œuvre de véritables démarches pédagogiques appropriées aux enfants dont elles s’occupent mais on comprend bien que la réussite du projet commun repose en définitive sur de la technicité, certes, du professionnalisme, bien sur, mais aussi et tout autant sur un engagement fort des professionnels impliqués dans l’action auprès des enfants.

Les internats adultes :

Dans les internats adultes, le cadre organisationnel est quasiment le même que celui des internats enfants avec deux différences notoires.Le ratio d’encadrement y est moindre, l’encadrement effectif varie de deux à trois par groupe de 12 adultes. En moyenne, un encadrant de moins que pour des groupes équivalents d’enfants.

Roland LEFEVRE

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Comme il s’agit d’adulte, il n’est pour le coup plus question de projet éducatif, mais de projet de vie au centre duquel la socialisation et la préservation des acquis deviennent la priorité.

Les contraintes qui pèsent sur les équipes médico-éducatives des internats adultes sont encore plus importantes que pour les équipes des internats enfants.

On comprend bien que la réussite du projet commun nécessite de la part des équipes un engagement individuel encore plus important. Avec toutefois le risque important de voir dépasser le seuil critique au delà duquel on se sent impuissant.

Beaucoup de gestionnaires et de directeurs d’internat pour adultes polyhandicapés ont tendance à comparer leur modes d’organisation à ceux des EPAHD en raison principalement des contraintes liées à la grande dépendance, je le dis ici parce que dans l’enquête du CREDOC, vous aurez remarqué que 50% des établissements avec des organisations conventionnelles sont des établissements pour personnes âgées et 24 % des établissements pour adultes handicapés

Ce qui me fait arriver à ma conclusion

Il semble plausible de faire coïncider les types d’organisation identifiés par le CREDOC avec les schémas d’organisation types des établissements pour personnes polyhandicapés :

- Les externats enfants avec les organisations stratégiques d’anticipation,- Les internats enfants avec les organisations tactiques d’adaptation,- Et les internats adultes avec les organisations conventionnelles 

Ce rapprochement fait figurer comme déterminant dans le regard porté sur les formes d’organisation, le critère du public accueilli et celui des moyens mis à disposition par les politiques publiques pour réaliser la mission.

On constate bien, en effet, qu’à public équivalent et à mission comparable, le jugement sur l’organisation s’altère au fur et à mesure qu’augmentent les contraintes .

Sur ce point, les enquêteurs et les analystes du CREDOC et d’UNIFAF restent muets, réduisant la question des formes d’organisation à des questions de management et de formation des cadres dirigeants, rejoignant en cela le point de vue de Jean Pierre Hardy qui en fait une question de gouvernance associative.

On peut donc se poser la question de savoir si les résultats de ce type d’évaluation ne risquent pas d’être instrumentalisés afin de conforter des doctrines fondées sur des aprioris partagés conjointement par les différents acteurs qui en sont les commanditaires.

Aussi, pour conclure, et afin de lever toutes les hypothèques recommanderais-je aux dirigeants associatifs et aux directeurs d’établissement, s’ils ont réellement le souhait d’engager une démarche de changement dans leurs organisations, plutôt que de recourir à une démarche d’évaluation de leur organisation, de procéder à une démarche d’analyse de leur organisation et pour ma part je préconise l’analyse systémique et stratégique de Michel Crozier, qui n’a plus à faire ses preuves,

Roland LEFEVRE

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EXEMPLARITE DE RESEAUX ET DE COOPERATION

Modérateur : Henri FAIVREPrésident Adjoint G.P.F., Président HANDAS-CLAPEAHA

Nous sommes aujourd’hui dans la recherche des exemplarités de réseaux et de coopération. C’est un thème qui est particulièrement important dans notre secteur. Nous sommes un secteur atypique. L’univers créé par les idéologies dans le monde du handicap au niveau international mais aussi qui inspirent en partie la loi de 2005 sont souvent des idéologies réductrices qui laissent croire que, pour chaque type d’enfant ou d’adulte, l’essentiel est de normaliser et, pour normaliser, d’avoir le moins possible d’intervenants spécialisés. Donc, l’école ordinaire devrait suffire à former tous les enfants y compris les enfants polyhandicapés comme on nous dit que c’est pratiqué en Suède ou en Italie, que la vie à domicile devrait être la règle. Dans des Institutions comme le Conseil de l’Europe où je siège, on me serine sans arrêt le refrain de la désinstitutionnalisation. Or, je crois que notre monde du polyhandicap est un monde qui nous amène tout de suite, étant donné la complexité extrême de la situation de chaque personne, à recourir à des acteurs et à des métiers divers et si la Loi que je viens de citer a aussi un intérêt primordial, c’est qu’elle essaie de faire en sorte que toute organisation s’ouvre au maximum sur la vie sociale et sur le monde environnant.

Donc, s’il y a réseau et coopérations, c’est, je pense, une manière verticale entre tous les niveaux d’intervention qu’il s’agisse du secteur sanitaire, du secteur éducatif, du secteur des loisirs dans un esprit qui s’ouvre également à la définition anglo-saxonne du soin « care » où il s’agit de « prendre soin de » beaucoup plus que de sectoriser de manière brutale, mais aussi une transversalité horizontale qui amène beaucoup d’établissements, de services, d’équipes à se jumeler avec d’autres pour répondre aux attentes et aux besoins de la personne. Alors évidemment, une des questions que nous nous posons souvent, nous parents, c’est : quelles sont les limites de cette multiplicité d’interventions, comment faire pour que notre enfant ou adulte ne soit pas écartelé, pour qu’il soit respecté dans sa citoyenneté, dans sa personne. Je pense que c’est à ces questions que vont tenter de répondre, par des exemples très concrets, pour le secteur sanitaire, le Philippe DE NORMANDIE, qui est à la fois praticien, intervenant, chirurgien bien connu et qui en même temps balaie l’ensemble du champ du handicap par ses responsabilités à l’AP-HP, nous aurons ensuite une coopération inter-établissements dans la région du Sud-Ouest avec Monsieur Michel BELOT et Madame SOEUR, un petit changement ensuite concernant les loisirs et la vie sociale puisque l’exposé sera à deux voix : Monsieur Alban BEAUDOUARD et Madame Marie-Josée CUNIN et enfin l’école avec Madame Estelle GOUDON.

Je donne tout de suite la parole au Docteur Philippe DE NORMANDIE.

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L’HOPITAL,Philippe DE NORMANDIE, Mission Handicap AP-HP, Paris

Je suis absolument ravi de partager avec vous cette table ronde. Merci de l’invitation. Parler d’exemplarité sur les réseaux, c’est difficile de dire qu’on a des exemples exemplaires. On essaie de faire de notre mieux et je voudrais essayer de vous convaincre du pourquoi c’est important que le monde sanitaire et le monde du polyhandicap travaillent ensemble, quels sont les champs et comment on peut arriver concrètement à améliorer la situation. Certes, j’en suis convaincu parce que cela fait partie des priorités de notre institution ; cette coopération est, pour nous, essentielle et j’en suis convaincu parce que, tous les jours, j’opère de grands handicapés et je le vis quotidiennement.

Pourquoi est-ce que cela me paraît indiscutable ? Pour un certain nombre de raisons simples. Premièrement, il faut absolument être certains qu’il est permis aux personnes handicapées d’optimiser au maximum toutes leurs capacités physique, psychologique et mentale. Et pour cela, nos réseaux doivent permettre un diagnostic, éviter les errances et doit permettre d’éviter les surcomplications propres au polyhandicap (je suis chirurgien orthopédiste : la grande spasticité qui va entraîner une luxation de hanche) et éviter toutes les aggravations à cause de maladies intercurrentes : il est dommage qu’une grippe, parce qu’on a pas vacciné la personne, va décompenser une situation respiratoire précaire ou que la jeune femme polyhandicapée de 45 ans ait un cancer du sein parce qu’on a oublié de faire la mammographie qu’on ferait à tout à chacun. Cela ne se discute pas, il y a 50 raisons pour lesquelles il faut impérativement avoir une coopération. Deuxièmement, nos coopérations sont indispensables parce que nous, le secteur sanitaire, on ne connaît pas bien le monde médico-social et réciproquement. Notre risque majeur est que les hospitalisations sont toujours des périodes agressives et si on n’a pas mis en place, ensemble, un certain nombre de modes de coopération, ces périodes qui vont être agressives vont être des grandes ruptures psychologiques à la fois pour la personne polyhandicapée, sa famille ainsi que pour les équipes aussi bien du monde du médico-social que du monde du sanitaire. Il ne faut pas sous estimer qu’un polyhandicapé qui arrive dans une équipe qui n’a pas l’habitude, c’est la panique à bord et tout le monde est en souffrance. Enfin, troisième raison clé, il faut qu’il y ait une cohérence entre le projet de soins et le projet de la personne. En effet, le risque majeur et encore plus chez les personnes polyhandicapées, ce serait qu’on médicalise une situation qui est une situation de détresse psychologique de modification d’équipe. Je prends un exemple très simple que j’ai vécu des dizaines de fois : le polyhandicapé qui vient de perdre un de ses parents, qui a un changement d’A.M.P. dans son équipe peut modifier complètement son attitude et notamment par exemple se recroqueviller ou ne plus vouloir utiliser le peu qu’il faisait avec sa main… le risque, si on n’est pas courant, ce serait de médicaliser une situation qui est purement psychologique. Pour éviter cela, une coopération est indispensable, qu’on se parle pour réfléchir ensemble (professionnels, famille et personne handicapée) quels sont les objectifs pour éviter les erreurs. Tous ces éléments pour vous dire qu’il n’y a aucun état d’âme sur la nécessité de mettre en place des accords de façon structurée et organisée.

Je ne vous parlerai pas d’accords de proximité (nous verrons cela avec l’exemple d’Hendaye), il y en a de nombreux à l’AP-HP ; ces accords existent aussi avec Garches, Trousseau… et un certain nombre de partenaires du médico-social. Il est nécessaire, pour qu’il y ait des accords entre des établissements, les structures médico-sociales, d’avoir les structures médicalisées à proximité. Il y a des cadres conventionnels, des conventions téléchargeables, qui existent sur le site de la mission handicap. Je vais vous parler plus précisément des accords institutionnels qui nous ont permis de réfléchir notamment entre l’AP-HP et les associations d’Ile de France et les réflexions avec le Groupe Polyhandicap France qui se sont traduites par ces conventions de proximité. Ces conventions, ces accords, ces réseaux ont plusieurs champs qui paraissent indispensables quelle que soit leur nature juridique.

Les objectifs :

1. Bien comprendre les besoins : ne sous estimez pas combien il est difficile de bien connaître vos besoins et les besoins des structures médico-sociales des personnes handicapées, comme le monde médico-social n’a pas toujours la préhension que peut représenter l’impact sanitaire dans la vie d’une personne. La gestion du corps est aussi importante que la gestion éducative ou psychologique. Bien comprendre nos besoins : pour cela, il faut savoir s’arrêter et discuter ensemble de temps en temps

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2. Il faut développer notre culture commune : l’expérience acquise lors des journées de formation annuelles qui sont mises en place depuis 6 ans en Ile de France et qui sont communes au secteur sanitaire, au secteur médico-social et avec les associations, a permis de voir combien elles sont profitables à l’ensemble des équipes en particulier dans le secteur du sanitaire, car partager l’expérience, utiliser des mots communs, avoir des objectifs communs à la fois dans des aspects sanitaires et médico-sociaux est absolument indispensable.

3. Ces coopérations doivent exister dans ces réseaux, c’est toute la bonne gestion de l’hospitalisation. Quelques points très clairs :

prévenir les hospitalisations inutiles. C’est beaucoup plus simple, dans des accords, quand on sait qui contacter, quand l’infirmière sait quel docteur joindre pour demander un conseil parce qu’elle a un doute, pour éviter une hospitalisation. Cela rejoint tout le champ de la prévention. Vous n’imaginez pas ce qu’on peut malheureusement voir et qui aurait pu être évité. C’est la faute de personne car, à mon avis, nous n’avons pas encore travaillé ensemble et que malheureusement il y a un certain nombre de personnes qui ont des situations sanitaires particulièrement graves notamment chez les adultes polyhandicapés

assurer une bonne orientation sanitaire. Il est de notre devoir, et c’est l’intérêt des conventions qu’on a pu passer ensemble, de permettre de savoir à quelle structure je peux envoyer la personne polyhandicapée. Il y a des fiches (également téléchargeables) pour essayer de répondre au mieux, distinguer un certain nombre de services où vous êtes assurés que ce sont des équipes qui ont été formées avec des formations directes dans les services

le problème de la gestion du SAMU. On a un projet très concret en Ile de France : que le SAMU connaisse à l’avance les personnes à haut risque qui sont dans des institutions pour les orienter au bon endroit s’il y a besoin. C’est faisable partout en France, cela s’appelle la gestion des personnes remarquables

Assurer une hospitalisation de qualité. Il y a quelques points simples : Premier champ d’une hospitalisation de bonne qualité :

connaître la personne : un travail important a été fait pour mettre en place des fiches de préparation à l’hospitalisation. On a essayé de travailler ensemble de ce que devrait être le contenu pour connaître une personne avant son hospitalisation. Plus de 30 000 fiches ont été diffusées. Beaucoup d’entre vous l’utilisent. C’est l’élément clé

former le personnel : intérêt des accords, c’est faire en sorte que le monde du médico-social puisse venir faire former sur site, dans les services hospitaliers, les équipes et réciproquement. Ce qui est important, c’est qu’il y a de véritables échanges entre les professionnels

l’architecture : on a beaucoup été aidé par les associations pour réfléchir sur les critères, les cahiers des charges. Il y a également des ouvrages téléchargeables. C’est quoi le bon critère d’architecture et d’ergonomie et d’accessibilité d’une chambre pour permettre de véhiculer une personne polyhandicapée de manière efficace et avoir une bonne qualité d’hospitalisation

Deuxième grand champ d’une hospitalisation de bonne qualité : faire en sorte que l’on définisse et qu’on règle le problème des notions d’écoute pour définir

des objectifs partagés : le risque majeur, c’est que le secteur sanitaire n’écoute pas assez les parents et le monde médico-social. L’A.M.P. a beaucoup d’informations à donner au chirurgien pour qu’on se mette d’accord. S’il y a un objectif d’opérer pour mettre en position assise, cela veut dire que, ensuite, dans la structure, on va mettre en position assise. Si la personne n’en a pas envie, cela ne sert à rien d’opérer et ce n’est pas le chirurgien qui le sait,

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c’est l’équipe qui vit tous les jours avec la personne. Pour pourvoir écouter, il faut se donner la volonté et les espaces. Ces espacent existent au-delà de la logique des personnes car des institutions, à un moment donné, ont décidé ensemble que la conception qu’on avait de la prise en charge des personnes polyhandicapées, c’était un travail en commun, ce sont de vrais projets de service ; ce n’est pas uniquement des projets de personne de façon individuelle

l’annonce du handicap : c’est compliqué, on peut toujours mieux faire, on ne fera jamais assez bien, c’est toujours un problème individuel mais, même si chaque cas est particulier, c’est bien d’avoir des éléments de référence, des « règles du jeu communes », encore plus si on les a travaillés ensemble

l’après hôpital : c’est essentiel. Là où il y a dysfonctionnement au niveau de l’hôpital, c’est qu’on ne sait pas bien comment s’organise l’après hôpital, le retour de la personne polyhandicapée dans sa structure médico-sociale et combien un changement de traitement peu avoir des impacts dans la structure. Quand on dit qu’il faut des rééducations, ce n’est pas forcément évident. Il peut y avoir des modifications et des alourdissements qui peuvent avoir un vrai impact dans l’organisation de la structure et si, dans nos accords, on ne prépare pas bien ensemble cet après hôpital, on peut mettre la personne polyhandicapée, les équipes et sa famille en grande souffrance

enfin, le dernier champ qui me paraît essentiel des partenariats et des conventions, c’est comment nous, secteur sanitaire, on peut aider à la couverture sanitaire des structures médico-sociales. Il y a de plus en plus de besoins car les personnes handicapées notamment dans les structures adultes vieillissent, il y a des besoins importants et pour cela il y a des expériences à mener. Nos conventions actuelles n’ont pas encore porté sur ces expériences. Il y en a dans plusieurs domaines. Une qui est bien connue ce sont les consultations avancées que font les docteurs notamment dans les secteurs pédiatriques. Il faut les développer. Quand il y a une hospitalisation à domicile, il faut qu’on puisse intervenir 1-2 mois pour donner un coup de main parce qu’il y a une situation sanitaire délicate pour une personne. Comment peut-on utiliser la télé médecine ? Et on voudrait lancer une expérience et on recherche des associations en Ile de France qui seraient intéressées pour faire des expériences sur l’utilisation notamment de la télémédecine pour nous aider dans les conseils qu’on peut faire aux équipes des structures médico-sociales pour notamment éviter les hospitalisations inutiles et enfin c’est quoi éventuellement des équipes qu’on peut partager ensemble pour pouvoir s’entraider et notamment partager nos expériences et nos valeurs communes.Dans notre souhait, le partenariat peut même aller « jusqu’à comment développer des projets communs ». Très concrètement, nous avons un projet considérable : au centre St Vincent de Paul, un terrain important sera mis à gratuitement à disposition pour qu’il y ait un grand projet autour du polyhandicap en Ile de France en coopération avec l’ensemble des structures sanitaires tous les services de neuro-pédiatrie et de rééducations.

Pour terminer, les points de conditions de la réussite pour ces réseaux :

il est indispensable que tous ces accords soient formalisés. Ce sont de vrais projets institutionnels qui ne se limitent pas à des accords entre une équipe administrative de docteurs de l’hôpital et des structures médico-sociales. Ce sont des accords tripartites où doivent être les associations, les parents et les représentants des personnes handicapées. Il faut que les associations soient présentes pour bien définir les besoins sinon on peut faire fausse route

il y a des montages juridiques possibles. Quel est le meilleur, je n’en sais rien : convention simple, groupement de coopérations sanitaires, centre de ressources…

Ce qui est important, c’est que ces accords définissent bien les objectifs et qu’il y ait des espaces d’échanges pour faire des bilans. L’objectif est que cela soit utile pour les personnes. Ce qui a été le plus efficace dans les

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expériences avec le G.P.F. ou d’autres associations, c’est de se poser, parler entre nous dans un esprit constructif en se disant « voilà ce qu’on peut améliorer », on peut le faire à tous les niveaux, quelle que soit les régions et ensuite on peut se retourner vers les tutelles pour leur dire ce qu’on a décidé ensemble ce qui peut débloquer un certain nombre de situations

c’est vrai que ce n’est pas facile. Il y a des résistances de notre côté et il y a également des résistances de votre côté. La prise en charge des personnes polyhandicapées est complexe. Le soin, c’est une petite étape dans une grande complexité. Si on veut avoir un projet cohérent, cette étape sanitaire doit être faite intelligemment avec l’ensemble des acteurs dont les acteurs des structures médico-sociales ; pour cela, on a de nombreuses possibilités et de nombreux textes.

L’histoire va encore s’écrire. On est en grande continuité, il y a énormément de possibilités juridiques. Ce n’est pas un problème juridique, c’est un problème de volonté des hommes et de volonté des institutions. Sachez qu’au niveau de l’AP-HP, on n’a aucun état d’âme sur un engagement extrêmement clair pour pouvoir passer ces accords ensemble à la fois au niveau institutionnel et à la fois au niveau de la proximité. Je vous remercie.

LES COOPERATIONS INTER ETABLISSEMENTSMichel BELOT, Psychologue, Hôpital Marin d’Hendaye (64)Coordinateur national des correspondants G.P.F.Claude SŒUR, Directrice M.A.S. Mont de Marsan (40)

Nous allons traiter de la coopération entre les établissements en évoquant le groupe polyhandicap sud ouest. Ce réseau œuvre pour rassembler et faire travailler ensemble les différents acteurs concernés par le polyhandicap. La coopération entre les établissements en est un des aspects majeurs, avec la participation des familles.

Les coopérations inter établissements, collaborations, réseaux, filières…

Les termes de réseau, coopération, collaboration sont souvent galvaudés: Le terme réseau est vague. Il peut recouvrir des réalités très différentes: des réseaux de neurones, des réseaux relationnels, professionnels, associatifs, un réseau de clientèle, de lobbying, d’influence. L’équipe pluridisciplinaire est elle-même un réseau. Les institutions sécrètent des réseaux selon les affinités personnelles, les accointances professionnelles…

Nous ferons deux remarques : - Il est parfois difficile d’identifier un réseau. - le terme « réseau » n’offre aucune garantie de crédibilité. Il n’est pas suffisant de vouloir créer un réseau.

Un réseau organise ses acteurs dans un espace et dans le temps.

Un réseau s’organise dans un espace, les acteurs étant par définition éloignés les uns des autres. Il est important de définir des limites géographiques: locales, régionales et de mesurer les contraintes dues à l’éloignement, notamment lorsqu’il s’agit de réunir les membres du réseau. Un point de chute central est fort utile.Il est classique de distinguer dans l’organisation du temps le mode diachronique et le mode synchronique. Les éléments du réseau peuvent se combiner sur un mode diachronique, dans une succession chronologique, fonctionnelle: Les filières de soins, les filières d’accompagnement (passage d’un établissement à un autre en fonction de l’âge…) sont aussi dans cette logique de succession.

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Ils peuvent aussi se combiner sur un mode synchronique, c’est à dire simultané, comme lors de la réunion de différents partenaires c’est le principe de fonctionnement du colloque, de la réunion à thème, de l’équipe pluridisciplinaire, de l’élaboration du projet individuel.Mais le plus difficile est de pérenniser nos actions, de s’inscrire dans une durée. La vie d’un réseau par essence fragile et informel dépend de son organisation et de son utilité.

Pour inscrire un réseau dans la durée, il convient de :

Définir les valeurs que le réseau va faire circuler. De fixer des objectifs qui répondent à une attente (familles, professionnels…) et qui

soient réalisables. De bâtir une organisation en tenant compte des valeurs du réseau. Utiliser et orienter la circulation des informations pour enrichir le réseau.

Les réseaux du GPF

Les correspondants locaux (départementaux) constituent le premier réseau du GPF. Ces familles ou ces professionnels (ou les deux) sont concernés par le polyhandicap. Leur rôle est de servir de transmissions entre l’association qui est nationale et la réalité locale. Ils servent de relais, d’interlocuteurs, et permettent la circulation des informations (dans les deux sens).

Les correspondants locaux se sont regroupés dans certaines régions[1].

Dans la région Nord, autour d’un collectif avec M. Chevrier, du Dr Pernes, le groupe Polyhandicap Loraine autour de M. Tibéri, le groupe Marseille Provence de M. Saulus et M. Desmard, un réseau dans les pays de la Loire avec M. Flutet, en Bretagne avec M. Posseme et M. Trosseille, en Mayenne autour de Mme Gambrelle, Mme Poedi en Nouvelle Calédonie et pour ce qui nous concerne, le groupe polyhandicap Sud Ouest[2], coordonné par Michel Belot.Il y a également d’autres réseaux qui tissent le territoire. Les réseaux issus des centres de formation : CESAP à Paris, AIR à Besançon, le centre ressource « Le Fontainier » à Paris, le réseau de directeur en Midi Pyrénées, le réseau Alliance 4 de l’AP-HP et la fondation John Bost, la journée annuelle de formation de la mission handicap de l’AP-HP, l’AP3 fondée en 1988 en Belgique…Certains de ces réseaux ont une activité continue. D’autres sont réactivés pour certaines manifestations, d’autres sommeillent.

Le réseau GPSO

La mise en place de réseau est difficile. Pourtant, la souffrance que génère l’isolement devrait aplanir les difficultés. Pour la région Sud Ouest, deux tentatives avaient échoué : Une sur l’initiative du CREAI et un réseau composé essentiellement de directeur.

1. Habiter les valeurs qui vont circuler dans le réseau:

Nous avons repris les principes fondateurs du GPF : Sortir de l’isolement et de l’anonymat, mieux comprendre et faire connaître le polyhandicap, se regrouper pour agir, respecter une qualité de vie (accompagnement précoce, proximité des services et établissements, adaptabilité des réponses en fonction des besoins de la personne polyhandicapée, formation des équipes pluridisciplinaires…). Cela exige une représentation de parents et de professionnel, d’associer le secteur enfant et adulte, de faire rencontrer les établissements médico-sociaux, sanitaires, psychiatriques. Ces principes comme tout but d’association sont inscrits et incontournables, mais rarement rappelés ou travaillés. Ils sous-tendent logiquement nos actions sans apparaître au premier plan.

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2. Le réseau doit proposer des actions

Lors de la journée GPF de l’Unesco en 1999 sur « les collaborations auprès de la personne polyhandicapée», nous avions été marqués par la force du GPF à rassembler les personnes concernées par le polyhandicap : parents, familles, professionnels avec tous les métiers représentés, les secteurs sanitaires, médico-sociaux… Le réseau GPSO a été crée en novembre 1999 à l’Hôpital Main de l’AP-HP à Hendaye. Les correspondants départementaux se sont réunis autour du thème: les collaborations.

La première étape a été de faire connaissance et de définir quelques objectifs Comment développer une représentation vivante, dynamique de l’accompagnement des personnes polyhandicapées? Comment sortir de l’isolement et de l’anonymat et communiquer sur nos pratiques ?

La seconde étape, pour marquer notre existence, a été de créer des services et d’être visibles et identifiables.

Nous avons fixé des objectifs communs, simples et réalisables rapidement :

Organiser une rencontre des équipes et des familles autour d’un thème de la vie quotidienne de la personne polyhandicapée et plus récemment des thèmes généraux (intimité, convictions, troubles du comportement). La première s’est tenue à Agen avec pour thème «le repas». Nous avons voulu dès le début intégrer tous les professionnels (spécialisés, AMP, aides soignants) et travaillé des sujets de la vie quotidienne, qui est commune aux familles et aux professionnels. Nous avons travaillé la toilette, les rythmes de vie, le coucher et la nuit, les relations famille et établissement, la rencontre et la communication, le sens de nos actions, l’intimité, défendre des convictions, les troubles du comportement. La prochaine s’intitule: «Partageons le projet individuel».

Répertorier les ressources et les compétences disponibles dans la région sous la forme d’un annuaire. (deux éditions)

Faire tourner les lieux de rencontre pour faire connaître les établissements et les équipes.

Les groupes de travail : l’évaluation de la douleur, l’épilepsie, les troubles du comportement (570 réponses au questionnaire d’enquête), les échanges vacances (élaboration d’un dossier commun), les gastrostomies, les troubles de l’enfant, la maltraitance, les placements d’urgence…

Mettre en commun des services: échange vacances des résidents, journées d’information ou de formation : la prise en charge de la douleur et la fin de vie [3] l’épilepsie[4]

Notre référence au GPF, en mettant en avant qu’il n’est pas gestionnaire d’établissement[5], a favorisé notre implantation. En orientant nos actions sur les pratiques et la vie quotidienne, nous avons touché les familles et les équipes des établissements. Cela a pu éviter des blocages classiques inter associations (tentative de récupération, de monopole, d’hégémonie…). Notons également que dans notre région, les grandes associations ont peu investi dans la formation et la communication autour du polyhandicap.

3. Le réseau est une organisation ouverte:

- Les conditions d’existence du réseau GPSO: C’est un réseau informel du GPF organisé au plan régional avec un coordinateur et des correspondants par département.

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Nombre d’établissements, évolution de l’extension du réseau:

Nous avons commencé en 1999 à 6 établissements et une association de parents. Nous sommes en 2006 en lien avec: 12 centres pour enfants, 34 établissements pour adultes, 8 associations de familles, 4 centres de formation professionnelle, 2 centres hospitaliers spécialisés, un hôpital de l’AP-HP…

N’étant pas institutionnalisé en association 1901, nous recherchons un appui logistique local dans des établissements et des associations de famille qui nous soutiennent.[6]

Nous sommes en lien avec le GPF, association qui soutient le réseau et qui nous aide (personnes ressources, informations…).

La dimension régionale du réseau convient bien à son développement, avec Mont de Marsan –ville accueillante- au centre du dispositif.

4. Orienter le réseau selon nos valeurs:

Un réseau doit aussi avoir une direction, infléchir, orienter son action. Nous nous sommes ouverts aux centres de formation (IDE, AMP, éducateurs) et au secteur psychiatrique. Nous veillons à un équilibre entre professionnel et familles, entre secteur enfant et secteur adulte… Par exemple, pour l’élaboration de la journée à thème, nous procédons ainsi :

Nous organisons deux réunions de préparation dans deux établissements distincts ouverte à tous, famille, établissements, association, adhérente ou non au GPF. Nous limitons le nombre de participants à 30 pour de simples questions logistiques. Nous travaillons en sous-groupes pour déterminer un thème de travail pour l’année (l’intimité, les troubles du comportement…).Nous partageons nos expériences, nos documents, nos témoignages.

A la seconde réunion, nous définissons les principaux axes de la journée, recueillons les projets d’intervention que nous articulons dans un déroulement logique et orienté. Nous respectons les équilibres: témoignages de professionnels et de parents, concernant enfants et les adultes polyhandicapés. La rencontre annuelle d’automne est une journée d’information et d’échange. Notre capacité d’accueil (200 personnes) est atteinte depuis trois ans. Les interventions, même de très bonne qualité apportent une information qui peut entraîner des actions de formation… Nous ne sommes pas en concurrence avec les organismes de formation spécifiques.Nous donnons la parole à ceux qui ont peu l’occasion de la prendre en public hors de leur établissement ou association. Nous constatons que cette journée à thème renforce notre unité. Le sujet est travaillé dans chacun des établissements (beaucoup interviennent dans la journée). Cela permet d’évaluer les pratiques, de les valoriser et de mesurer les écarts entre les différents établissements. Soucieux de coller le plus près possible avec la vérité de notre réalité quotidienne, nous évitons les critiques destructrices et les présentations trop lisses. Cela crée non pas de la compétition mais une certaine stimulation et permet aux intervenants de s’exprimer par une réalisation (texte), voire une création (film, théâtre). Nous suscitons une réflexion sur les pratiques qui peut aboutir à de profonds changements dans les structures (modification des rythmes de travail…). Nous sollicitons un «animateur» du GPF ou un intervenant local qui est particulièrement intéressé par le thème: [7]. Enfin, nous prévoyons des temps de travail bien cadré, des temps de discussions et des temps conviviaux (repas). On mange très bien lors des rencontres.

Comme vous pouvez le constater, les valeurs (même implicites) sont présentes: sortir de l’isolement, valoriser l’image de la personne polyhandicapée et des personnes qui s’en occupent, avoir une vision globale de l’accompagnement et de la prise en charge, diversifier les modalités de rencontre entre famille et professionnels.

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Il n’y a pas de recettes applicables partout pour constituer un réseau. La volonté doit être

forte et les circonstances favorables.

Les rencontres ont permis cette évidence: nous avons tous les mêmes questions ou inquiétudes, nos réponses ne sont pas très différentes et nous avons tout intérêt à les partager.

Nous mettrons 2007 sous le thème : «Partageons le projet individuel»: l’élaboration, l’évaluation des besoins, la place de la famille, les outils et l’organisation, l’évaluation du projet… en mettant en commun nos différentes pratiques.L’intérêt de cette dimension transversale est évident et irremplaçable.

[1] Le plus souvent autour d’une volonté individuelle ou à l’occasion d’une action du GPF ( la semaine sur le polyhandicap (1999) avec la projection du film de Luc Espié…)

[2] Les coordonnées des correspondants locaux de votre région sont disponibles sur le site Internet du GPF et au secrétariat.

[3] Cycle de formation en partenariat avec le Dr Marrimpoey et l’Hôpital Marin d’Hendaye en 2003 et 2004.

[4] Conférence du Dr Soulès de Tarbes (partenariat de l’hôpital Marin d’Hendaye et la Mas de Montastruc).

[5] Et qui donc n’est pas mis en concurrence avec les autres grandes associations…[6] En particulier l’Hôpital Marin de l’AP-HP à Hendaye, la Mas de Mont de Marsan, l’ALPAP, le

centre de formation des travailleurs de la santé de Marsan, la Mas de Montastruc… qu’ils en soient remerciés.

[7] - Le gersois Bernard Durey – auteur de plusieurs ouvrages sur le polyhandicap remarquables, peu diffusés et pas suffisamment connus: «Le polyhandicapé et son soignant», «Cohérences» aux Editions du Champ social. Philippe Chavaroche auteur de «Travailler en MAS» et «Le projet individuel » aux éditions Erès.

- Delphine Gleize, cinéaste, qui nous avait profondément émus avec la présentation de son court métrage « Sale Battars » (disponible sur son DVD « Carnage », dans les grands magasins et sur Internet)

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L’Association DON BOSCO, dans le Finistère, accompagne des personnes polyhandicapées depuis très longtemps. Le travail en partenariat avec les familles s’est fait progressivement autour des projets individualisés tant dans l’élaboration que dans la mise en œuvre.

Tout d’abord, autour des améliorations de la vie quotidienne et des apprentissages qu’on pouvait faire avec les enfants, les adolescents ou les adultes. Et puis, progressivement, les familles ont eu plus d’exigence autour des loisirs que l’on pouvait proposer à leurs enfants.

Le Finistère a une vocation maritime : beaucoup de professionnels et de parents trouvaient dommage que les personnes polyhandicapées, malgré un nombre important de centres nautiques, ne puissent pas profiter de ces équipements et d’apprentissages de la voile ou tout simplement de promenades en mer.

Aussi, l’Association DON BOSCO, grâce à une filiale, Loisirs Mer Vacances, a développé un centre nautique sur Moulin Mer et c’est avec beaucoup de satisfaction que nous collaborons ensemble pour que les équipements qu’ils soient nautiques, d’hébergement ou de loisirs, s’adaptent de plus en plus aux personnes polyhandicapées.

Alban BEAUDOUARD :

Centre de Moulin Mer

Loisirs Mer Vacances – association filiale de Don Bosco

29460 LOGONNA-DAOULAS

Tél. 02 98 20 75 00 – www.moulin-mer.fr – courriel : [email protected]

Centre historique des classes de mer

1964, naissance d’un concept situation géographique : rade de Brest un site idéal pour l’initiation à la voile (rade-abri)

PRESENTATION DES INFRASTRUCTURES

Bord de mer, domaine boisé littoral de 3 hectares 44 chambres de 2 à 4 lits réparties sur 4 bâtiments dont 7 chambres adaptées en rez de

chausséeavec vue sur mer

1 restaurant panoramique 130 couverts 1 ascenseur 1 centre nautique (Ecole Française de Voile) 7 salles polyvalentes 1 amphithéâtre 130 places

LOISIRS ET VIE SOCIALEAlban BEAUDOUARD, Directeur de Moulin MerMarie-Josée CUNIN, Association DON BOSCO

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ORGANISATION SPECIFIQUE DE SEJOURS ADAPTES

Hébergement : chambres adaptées (respect des normes en vigueur) Matériel à disposition des vacanciers : lits-douche, lève-personne électrique, lit

médicalisé, ascenseur… Restauration : prise en compte des repas adaptés aux exigences des vacanciers

(repas mixé, mouliné, sans gluten, hypocalorique, sans sel) Accès au nautisme : définition des activités souhaitées avec le personnel spécialisé et

programmation de l’encadrement nécessaire Un séjour personnalisé (préparation « sur mesure ») Une équipe sensibilisée à la question du handicap Formation du personnel du centre : mise en place d’un partenariat avec les

établissements de Don Bosco (réseau bénéfique) Une implication des salariés pour répondre aux attentes :

- prestations hébergement et restauration : savoir s’adapter au quotidien (repas, ménage, matériel…)

- coordination nécessaire entre le personnel spécialisé et les éducateurs nautiques

(préparation et encadrement des activités en mer)

DINGHY ACCESS

Concept australien Dériveur d’une très grande stabilité (dérive amovible de 30kg) Quasiment inchavirable Assise facilitée, sans coquille (principe hamac) Bateau très polyvalent Fonctionnement facilité par principe de « joystick » Grande voile enrouleur, surface rapidement et facilement adaptable à la force du vent Voile en famille

FILLAO – GOELETTE

Voilier deux mâts : Longueur : 9 mètres Déplacements facilités par un plan de pont dégagé Hauteur de baume adaptée Fixation pour coquille intégrée au dossier, large assise au niveau des bancs,

accessibilité facilitée par l’arrière

LOISIRS ET VIE SOCIALEAlban BEAUDOUARD, Directeur de Moulin MerMarie-Josée CUNIN, Association DON BOSCO

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« BAG AND HOLL » le bateau pour tous

Un prototype conçu par la DCN et le Groupe Meunier en relation avec l’équipe nautique de Moulin Mer. Projet financé à 50 % par la Fondation de France, un petit bus marin :

Capacité : 8 personnes en fauteuils et 8 accompagnateurs ou 30 enfants en classe de mer ou 26 adultes en excursion.

Les principaux atouts :

Pont très large et accessible pour les personnes en fauteuil Accès par passerelle avant ou portes latérales Faible tirant d’eau : 20 cm. Grande facilité de débarquement et d’excursion

dans les rias de la rade Bateau équipé d’un lève-personne Équipements intégralement conçus pour l’accueil de personne en fauteuil

LOISIRS ET VIE SOCIALEAlban BEAUDOUARD, Directeur de Moulin MerMarie-Josée CUNIN, Association DON BOSCO

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Depuis 1965, l’association Les Tout-Petits développe différents modes d’accompagnement pour les enfants, adolescents et adultes polyhandicapés. En 1999 un Service de Soins et d’Aide à Domicile a été créé pour répondre aux attentes de parents souhaitant garder leur enfant à la maison et être plus associés aux démarches d’éveil et de rééducation.

Ce Service prend en charge 17 enfants dans un secteur de 30 km autour de la commune des Molières. L’équipe de terrain comprend : psychomotriciens, kinésithérapeute, ergothérapeute, orthophoniste, éducateur spécialisé et aide-médico-psychologique. Ils interviennent dans les lieux de vie des enfants : à la maison, chez la nourrice, à la crèche, au centre de loisirs ou à l’école.

Si l’école apparaît depuis toujours comme une étape indispensable à l’éveil et l’éducation de tout enfant, ce n’est que récemment que les professionnels du médico-social ont envisagé que l’enfant polyhandicapé pouvait aller en classe.

Au travers de notre expérience, en répondant à quelques questions, regardons : ce que représente l’école pour ces enfants et leurs familles ; et le Réseau nécessaire à la mise en place d’un Projet Personnalisé de Scolarisation.

L’école : pour qui ?

Depuis Jules Ferry la scolarisation de tous les enfants est obligatoire. Il s’agit d’un droit fondamental. L’accès à l’école est une reconnaissance de l’enfant handicapé comme étant un ENFANT.

A quel âge peut-on rentrer à l’école lorsqu’on est polyhandicapé ? A partir de 3 ans, comme tout autre enfant, dès que les parents le souhaitent.

Cette année, au S.S.A.D., un peu plus de 50 % des enfants âgés de plus de 3 ans sont scolarisés.

En septembre 2006 quelle était leur situation ?

30% âgés de tout juste 3 ans ont effectué leur rentrée en petite section.

50% âgés de 4 à 5 ans ½, scolarisés depuis 2 ou 3 ans, ont rejoints une moyenne section

1 enfant âgé de 8 ans scolarisé depuis 4 ans, a rejoint le « Groupe des Grands » d’une école Montessori.

Bien évidemment il existe des freins à l’intégration scolaire des enfants polyhandicapés :

Ne va-t-on pas leurrer les parents ?

Que pourra-t-il bien apprendre ?

Ne prendra-t-il pas trop de temps à l’institutrice ?

Ne sera-t-il pas laisser dans un coin de la classe ?

Va-t-il la perturber ?

N’est-il pas trop fatigable ?

Va-t-il supporter le bruit ?

Les autres vont-ils le bousculer, le pincer ?

Comment feront-ils s’il fait une crise d’épilepsie ?

S’il fait sur lui, qui va le changer ?

Autant de questions, de craintes, de peurs qui apparaissent lorsqu’on évoque le sujet. Il est important de laisser ces craintes s’exprimer pour faciliter la parole autour du handicap, parce que ces craintes existent, parce qu’elles sont réelles mais aussi parce qu’elles peuvent être prises en compte. Des explications sont données, des solutions sont trouvées et imaginées chaque fois que les inquiétudes sont évoquées.

Alors l’accueil scolaire peut être organisé autour d’un projet d’accueil spécifique. La place du S.S.A.D. est primordiale dans cette phase de réflexion  pour expliquer et présenter le but de l’intégration scolaire.

L’école : pourquoi ?

L’enfant a besoin pour son développement et son équilibre de nouer des relations avec d’autres enfants, d’être stimulé, de partager et vivre des émotions avec eux. Ces relations qui s’instaurent naturellement pour un enfant ordinaire sont bien différentes pour l’enfant polyhandicapé.

La rencontre doit être provoquée, incitée et accompagnée par l’adulte. Les possibilités d’échanges sont à créer, à susciter, à faciliter, à inventer ...

Habituellement les premiers échanges se font chez la nourrice, en crèche, ou halte garderie. Conscients des effets bénéfiques pour leur enfant, les parents demandent qu’il puisse continuer à en profiter. Malheureusement, à partir de 3 ans, les dérogations liées à l’âge sont difficiles à obtenir, le matériel devient inadapté, trop petit, etc.

L’entrée à l’école est avant tout une reconnaissance de l’enfant polyhandicapé comme un enfant, avant d’être handicapé. Pour les parents c’est une reconnaissance de leur enfant par sa non-exclusion et sa non-marginalisation.

L’ECOLE ? !

Estelle GOUDON, Chef de Service SESSAD, Les Tout-Petits

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Il s’agit bien souvent pour eux d’un temps de prise en compte des possibles, de découverte et d’acceptation de la réalité de leur enfant et de ses limites.

Quels sont les objectifs généraux de la scolarisation en école maternelle ?

En petite section c’est la socialisation et pas les apprentissages. En revanche, en moyenne et grande section, il s’agit des premiers apprentissages scolaires qui se mettent en place au travers des activités pédagogiques : éveil aux rythmes, motricité, ateliers de graphisme, etc…

Et pour les enfants polyhandicapés : Que vont-ils faire à l’école ? Que vont-ils découvrir en classe ?

Tout d’abord, aller à l’école c’est quitter le cocon familial, protecteur et sécurisant. Pour les parents c’est faire confiance à « un tiers » qui va s’occuper de leur enfant, parfois si fragile et si différent dans son expression. Pour l’enfant c’est apprendre à faire confiance à cette nouvelle personne qui va le toucher, le porter, lui parler et le regarder si différemment de ses parents. A l’école l’enfant va appartenir à un groupe, se reconnaître dans l’autre, grandir avec lui, partager ses émotions, ses découvertes, ses sensations :

En écoutant les comptines, aux voix diverses

En entendant les rires et les pleurs

En effleurant, pétrissant les matières

En bougeant son corps aux rythmes des ondulations de la motricité

Chaque enfant, au regard de ses possibilités motrices et sensorielles, partage à sa façon l’activité proposée par l’institutrice. Il est guidé dans cette découverte par un adulte référent.

L’enfant polyhandicapé profite des rythmes structurant imposés sur sa vie quotidienne pour se rendre à l’école. Il s’agit d’être ponctuel et en tenue adaptée.

En classe l’enfant participe à tous les moments : l’accueil, le regroupement, l’atelier peinture, la récréation, l’éveil musical, etc… Au travers de ces rythmes l’enfant acquiert une reconnaissance d’événement qui lui permet d’anticiper et d’accroître sa participation.

Par l’école, l’enfant polyhandicapé a accès à une diversité de lieux (bibliothèque, cour de récréation, gymnase), d’adultes (instituteur, ATSEM, AVS, directeur) et d’enfants. Cela permet de travailler ses compétences d’adaptation, afin de lui permettre d’être plus à l’aise hors de son cadre de vie habituel. Ainsi avec sa famille il pourra : aller en magasin, se promener dans les jardins publics, participer à des concerts et manifestations culturelles, etc.

Pour l’inscription, la famille choisit une école :

L’école publique du quartier : Comme ses frères et sœurs, les voisins, le lieu de scolarisation ordinaire tel que le prévoit la Loi du 11 février 2005.

Une école privée : des familles l’ont choisie pour l’effectif des classes plus restreint, la plus grande disponibilité du directeur et sa souplesse dans l’organisation des temps scolaires. D’autres pour le choix d’une pédagogie différente. L’école Montessori l’a été pour l’importance donnée à la manipulation, son approche sensorielle et les groupes d’âge élargis

La scolarisation de l’enfant polyhandicapé est difficile et entraîne de nombreux questionnements chez les parents comme chez les enseignants. Pour que chacun puisse évoquer ses interrogations la confiance qui s’instaure entre le Directeur et les parents lors des premiers échanges est déterminante.

Après la socialisation, peut-on envisager d’autres objectifs pour les enfants polyhandicapés scolarisés en maternelle ? Peuvent-ils apprendre autre chose ?

C’est tout l’intérêt du Projet Personnalisé de Scolarisation. Ensemble, parents – école et S.S.A.D., nous proposons de nouveaux objectifs pour l’enfant :

* progresser dans la manipulation d’objet,

* favoriser les possibilités d’expression de l’enfant,

* organiser les premiers apprentissages (reconnaissance de couleurs, de formes, d’images, notion de taille, notion d’espace…),

* développer des capacités de jeux,

* améliorer la fixation de l’attention,

* etc.

Si chaque enfant est unique, son développement l’est tout autant. Certains apprennent, d’autres apprendront, et pour d’autres nous ne serions le dire tant leur communication est complexe.

Aujourd’hui, les enfants nous montrent tous du plaisir à aller à l’école. Ils montrent également de la fatigue en fin d’accueil ou de matinée. Certains ont manifesté une lassitude et les temps d’accueil ont été modifiés.

Estelle GOUDON

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L’observation, la patience et l’écoute des personnes qui accompagnent l’enfant en classe est la source même de la cohérence et de la réussite du projet. L’évaluation est réalisée lors des Equipes de Suivi de la Scolarisation.

L’intégration scolaire aux Tout-Petits depuis 6 ans ?

En 1999, les enfants n’étaient pas scolarisés et cela n’était même pas envisageable. C’est d’abord la Direction et les familles qui ont posé la question devant les résultats encourageant des intégrations en halte garderie. En 2001, des intégrations scolaires ont débuté. A partir de 2004, le nombre enfants scolarisés a sensiblement augmenté. La Loi du 11 février 2005 a renforcé notre démarche de soutien à l’intégration scolaire.

Des familles ont souhaité échanger sur ce thème. En février dernier, nous avons organisé une rencontre parents-professionnels.

Une maman disait « On n’a pas inscrit Romain, on ne voit pas ce qu’il pourrait y faire et de toute façon l’école ne l’accepterait pas puisqu’il ne marche pas, n’est pas propre et qu’en plus il fait des crises d’épilepsie ». C’est un papa qui a répondu spontanément « Ma fille non plus elle ne marche pas, elle n’est pas propre et elle ne parle pas… et pourtant elle va à l’école tous les matins depuis 1 an. » Ils ont également évoqué leurs difficultés à obtenir les informations nécessaires pour scolariser leur enfant, et la multiplicité des termes employés par l’Education Nationale. En réponse le Service a réalisé une plaquette informative regroupant : démarches à effectuer, sigles et aides pouvant être associées au projet de scolarisation.

En 6 ans, l’état des lieux est le suivant :

Les enfants scolarisés à temps partiels sont de plus en plus nombreux

Ils sont inscrits à l’école plus jeunes. Depuis 2005, souvent avec leur classe d’âge.

Les temps d’accueil évoluent peu et restent extrêmement liés à la présence d’un accompagnateur individuel (A.V.S., E.V.S., C.AV.)

Les passages en moyenne et grande section restent difficiles à envisager

Les demandes de matériels spécifiques sont plus facilement obtenues

L’accessibilité des locaux est encore trop souvent mise en cause pour freiner un projet d’accueil

La fatigabilité des enfants est moins mise au premier plan

Leur épanouissement, leur plaisir est reconnu

Qu’est ce qu’un Projet Personnalisé de Scolarisation ?

Comment le construit-on ?

La place des parents est PREMIERE dans ce processus. Le choix de l’école et l’inscription leur appartient totalement.

Le S.S.A.D. intervient en acceptation à leur décision, en les accompagnant dans leur projet. La scolarité s’inscrit dans le projet de vie de leur enfant.

Un collectif se met en place pour évaluer, déterminer et organiser avec les parents l’accueil scolaire.

Certains partenaires sont centraux : l’Equipe enseignante (Directeur, instituteurs, psychologue scolaire, médecin scolaire…), l’Enseignant Référent du secteur géographique (au sein de la M.D.P.H., anciennement Secrétaire de CCPE), et le S.S.A.D. ou l’établissement médico-social qui prend en charge l’enfant.

D’autres partenaires interviennent plus ponctuellement : la Municipalité pour l’accessibilité des locaux, la Cellule Handiscol (structure Education Nationale) pour les demandes de matériels pédagogiques adaptés, la Commission des Droits à l’Autonomie (C.D.A.) pour les demandes d’orientation.

L’Enseignant Référent : a la responsabilité d’organiser les réunions liées au Projet Personnalisé de Scolarisation de l’enfant (P.P.S.). Il en coordonne le Suivi, informe la C.D.A. de l’avancée du Projet et transmet les nouvelles demandes. Il est l’interlocuteur privilégié de tous les partenaires.

Le S.S.A.D. accompagne les parents dans la mise place de l’école et l’équipe enseignante dans la découverte de l’enfant.

Disponible et à l’écoute des questionnements qui apparaissent, nous tentons de rassurer, d’expliquer, de transmettre, de proposer, de soutenir l’équipe.

L’équipe enseignante accueille l’enfant, selon les modalités définies dans son Projet.

Le Projet Personnalisé de Scolarisation est élaboré chaque année lors d’une rencontre des partenaires avec les parents. Il fixe les objectifs visés pour l’année à venir. Il établit un accueil individualisé qui tient compte de la santé et du rythme de vie de l’enfant, de la globalité de sa prise en charge (la fréquence et répartition des rééducations), et des temps d’accueil opportuns au regard des objectifs énoncés et du rythme des activités de la classe. Il comprend une partie relative aux besoins spécifiques d’accompagnement humain, et une autre aux besoins d’adaptation de matériel pédagogique.

Estelle GOUDON

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Si des soins médicaux sont nécessaires durant les heures de classe (prise de médicaments…) ou si une vigilance spécifique doit être apportée, (par exemple pour des crises d’épilepsie), un Projet d’Accueil Individualisé (P.A.I.) est alors rédigé entre le médecin scolaire, le directeur d’école et les parents, en amont à l’entrée en classe. L’instituteur est informé des protocoles établis.

Pour illustrer mon propos, je voudrai parler de Marine et David :

Marine a 5 ans et demi. Elle ne marche pas et est accompagnée en poussette. Installée dans son corset siège, ses gestes doivent être accompagnés, soutenus, du fait de son manque de tonus important. Très attentive et curieuse à ce qui l’entoure, elle n’émet aucun son et communique essentiellement par le regard. Ses parents l’ont inscrite à l’école en février 2004. Après 4 semaines d’adaptation où Marine se rendait en classe 1 heure par semaine avec l’éducatrice du Service, le Projet a proposé une petite section autour de la socialisation. Un accueil de 2 heures chaque matin en présence d’un Auxiliaire de Vie Scolaire et le soutien de l’éducateur spécialisé 1 fois par semaine. L’A.V.S. est n’arrivé qu’en septembre 2005. De mars et juin Marine était scolarisée qu’une fois par semaine avec l’éducateur du S.S.A.D. En septembre 2006, elle est passée en moyenne section et la table ergonomique demandée a été fournie par Handiscol. Elle permet à Marine de participer aux activités de peinture sur plan incliné pour limiter les efforts physiques demandés et lui permettre de se concentrer sur la consigne. Depuis quelques mois elle exprime un désir de marche important et nous envisageons que l’appareil de déambulation qu’elle investi soit utilisé à l’école, notamment pour les temps de motricité. Aujourd’hui les parents ont le regret d’avoir attendu pour inscrire leur fille à l’école car le début a été très progressif. Ils recherchent et revendiquent une suite à cette intégration scolaire en maternelle. Marine aura bientôt 6 ans et aime aller à l’école, ils se demandent comment poursuivre un éveil de ses capacités cognitives dans la rencontre d’enfants ordinaires.

David a 4 ans et demi. Il est installé dans un corset siège et présente une spasticité très importante qui limite ses possibilités de contrôle de ses gestes. Son épilepsie n’est pas stabilisée et des crises généralisées nécessitent parfois des hospitalisations. Au delà de son physique marqué et de son hypersalivation, son visage rieur et curieux ont certainement favorisé l’accueil chaleureux que l’école lui réservé. Il est scolarisé depuis novembre 2005 : 2 x 2 heures par semaine, puis très rapidement 2 matinées complètes avec la présence d’un E.V.S. Le Service intervient en soutien avec l’intervention de l’A.M.P. et de la psychomotricienne. Notre rôle est avant tout d’accompagner l’E.V.S. dans sa compréhension de David et dans l’adaptation de ses gestes. La municipalité vient d’être sollicitée pour une table de change sur mesure et prévoit sa fabrication. Les parents ont apprécié la présentation faite avec l’institutrice à toutes les familles avant l’arrivée de leur fils en classe. (Il est reconnu dans la ville comme le copain, le camarade de classe avec qui on découvre d’autres choses.) Parler de l’avenir est difficile, l’établissement spécialisé n’est pas leur solution et ils n’envisagent pas de séparer David des autres enfants.

Vous l’avez compris, chaque accueil est unique.

Le Service multiplie les démarches d’accompagnement et s’efforce d’informer et de rassurer. En fonction des interrogations, tous les professionnels du S.S.A.D. peuvent être amenés à aller dans l’école, de façon régulière ou ponctuelle.

CONCLUSION

L’intérêt pour l’enfant n’est plus à démontrer.

Nous avons vu que des parents souhaitent une poursuite de l’intégration scolaire au-delà de la maternelle. D’autres revendiquent que les moyens soient réellement attribués car l’accueil se résume encore trop souvent à 2 x 1 heure par semaine.

Et des questions se posent :

* Faut-il des enseignants spécialisés dans les S.S.A.D. et établissements médico-sociaux ?

* Doit-on ouvrir des CLISS pour enfants polyhandicapés ?

* Pourrait-on envisager des partenariats entre établissement et école primaire du quartier ?

Pour terminer je reviendrai sur l’indispensable présence d’un accompagnateur en classe aux côtés de l’enfant. Les aides proposées aujourd’hui sont régies par des contrats précaires, tant dans leur mode de recrutement que dans la durée obligatoirement courte des contrats. C’est d’ailleurs le cas de Marine, dont l’A.V.S. quitte son poste en décembre prochain, et dont nous n’avons aucune certitude sur le remplacement et donc la poursuite de son Projet.

La formation et la pérennisation des auxiliaires de vie scolaire est indispensable pour garantir la qualité de l’aide apportée aux enfants. L’accompagnement à l’école est un vrai métier.

Merci.

Estelle GOUDON

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CONCLUSIONDr Elisabeth ZUCMAN

Un grand merci à tous. Merci à la multiplicité des intervenants qui nous ont fait une belle démonstration, dans la journée, de la complexité du polyhandicap et qui ont montré comment cette situation particulièrement complexe nous poussait à constamment nous interroger et inventer. Finir sur la voile et l’école, c’était un triomphe !

Tous aussi ont montré que la base de tout ceci, c’est de prendre le temps de connaître la personne et de la connaître (enfant ou adulte) en tant que personne, avant de poursuivre le déchiffrement très difficile et nécessaire de la multiplicité de ses troubles. Les parents nous l’ont très bien dit ainsi que la plupart de nos intervenants.

La base des bonnes pratiques, c’est la place de trois personnes auprès de la personne atteinte de polyhandicap : le « je », le « tu » (famille) et le «il » (école, les équipes, la société…). Ce triangle là est la base des bonnes pratiques.

On a aussi entendu que, tous, dans cet accompagnement difficile des déchiffrements progressifs, nous devons garder un regard heureux d’être surpris par les capacités de cette personne-là qui, dans sa résilience, garde des possibilité de nous montrer derrière les apparences, tout au long de sa vie et jusqu’à la fin de son âge, maintenant avancé, des potentiels que nous avons la charge de faire sortir, en variant les situations. Les équipes, qui se sont exprimées cet après-midi, ont montré cet immense champ d’intentions qui ne cesse de s’enrichir.

L’évaluation nous a été très heureusement présentée ce matin comme une chance, une opportunité évidente. Nous ressortons de cette journée apprivoisés, rassurés, avec moins de réticences, de craintes, face à l’évaluation et, tout compte fait, contents d’y être obligés parce que Gérard BASLE nous a très bien expliqué que, dans le travail du C.N.E.S.M.S., il était très clairement dit qu’il s’agissait d’évaluer des pratiques (des parents, des équipes) et non pas d’évaluer les personnes, acteurs, qu’il s’agisse des familles ou des professionnels. De surcroit, l’évaluation est une occasion de prise de distance par rapport aux émotions qui sont toujours tellement arrogantes.

Ceci étant dit, on a entendu parler de plusieurs méthodes d’évaluation. Je voudrais rappeler que les Etats-Unis, qui sont de « vieux évaluateurs », ont réfléchi sur l’évaluation, ont évalué leurs pratiques d’évaluation et ont dit qu’il fallait faire attention car on peut arriver à la situation où l’on dépense plus de temps et d’argent à l’évaluation qu’à la pratique. Nous, qui débutons, nous ne devons pas oublier cela.

Il faut également que nous sachions faire des choix d’optique et de méthodes pleins de sagesse et d’humanisme car nous sommes, en regard de l’évaluation, dans une société marchande, menacée par une certaine marchandisation, un souci d’un super rendement, bref de méthodes extrêmement lourdes, voire trop abstraites, et je crois que ce serait pour le plus grand dommage de tout le monde.

Nous avons aussi entendu exposer des méthodes très riches sur le plan de l’interactivité, de la liberté de chacun ; c’est pour cela que je vous propose de reprendre le terme « d’éthique » prononcé par Gérard BASLE au nom du Conseil National. Dans ces choix à faire, dans ces pondérations, dans cette juste importance de l’évaluation par rapport aux recherches et inventions de la pratique par rapport à la nécessaire revalorisation des activités de vie quotidienne et du soutien à la vie quotidienne et de ses inventions multiples, je crois qu’il faut avoir une référence éthique qui est toujours à construire individuellement et collectivement pour garantir, c’est la définition de l’éthique par Lévinas, la liberté de trois acteurs, en particulier (on l’a simplement évoqué dans une question) la liberté des mini choix qui doivent être donnés à la personne polyhandicapée elle-même, quand on a établi un moyen de communication avec elle (ce qui ne se fait pas en un jour et ce qui ne se fait pas sans l’aide des familles), on s’aperçoit qu’elle est capable de dire, d’exprimer des désirs et des refus (qui sont au moins aussi importants que les désirs) et que donc cette recherche de la juste place libre des trois acteurs (l’enfant ou l’adulte polyhandicapé, la famille, les membres des équipes) est absolument le fil rouge de ce qui va faire un avenir où se conjuguera des pratiques de qualité avec un esprit d’évaluation libertaire et humain.

Reste, pour finir, un dernier point qui, lui, est plein d’interrogations. Philippe DIDIER-COURBIN nous a un peu parlé de l’avenir dans des termes assez obscurs car nous pensons tous que l’avenir n’est pas encore dessiné dans cette grande Loi de 2005 qui bouleverse tout, qui a d’ailleurs supprimé tout le passé avant de construire vraiment le présent et l’avenir ; cette grande Loi n’est pas du tout assise. Nous avons néanmoins entendu qu’une vision élargie du polyhandicap à la grande dépendance se profilait. Cela peut être une chance de plus de sortir du carcan du retard mental grave et sévère et de faire pour tout le monde - personnes polyhandicapées, que nous connaissons bien, puis les autres qui s’handicapent au cours de la vie et entrent dans la grande dépendance - un préjugé de compréhension dans la proximité. Ne croyez pas que je sois utopiste. Je pense que toutes ces personnes, parce qu’elles sont des personnes humaines, ont accès à une compréhension des interactions entre elles et leur environnement proche à travers leurs énormes et surdimensionnées capacités d’attachement qui en font le génie en même temps que la fragilité.

Cet avenir, vous le construirez, nous le construirons encore un peu ensemble. L’évaluation, après les bonnes pratiques, trouvera sa place pour des populations exclues qui seront, je l’espère beaucoup plus large que nos domaines d’aujourd’hui.

Nous avons tous une certaine tendance à ne penser qu’aux plus démunis d’entre eux (polyhandicap aggravé) pour une bonne raison : les craintes de les voir, une fois de plus, mis de côté ; des craintes que nous savons maintenant obsolètes et nous pouvons prendre en compte, dans ces bonnes pratiques à évaluer, tous ceux qui, aujourd’hui, sont encore des exclus quel que soit leur âge. Ils sont encore terriblement nombreux.

Je vous remercie.