POLLAND, Jeffrey - Étapes Vers Un Monde Sans Schizophrénie

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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : [email protected] Article Jeffrey Poland Philosophiques, vol. 33, n° 1, 2006, p. 99-124. Pour citer la version numérique de cet article, utiliser l'adresse suivante : http://id.erudit.org/iderudit/012949ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI http://www.erudit.org/documentation/eruditPolitiqueUtilisation.pdf Document téléchargé le 16 April 2010 « Étapes vers un monde sans schizophrénie »

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  • rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l'Universit de Montral, l'Universit Laval et l'Universit du Qubec

    Montral. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. rudit offre des services d'dition numrique de documents

    scientifiques depuis 1998.

    Pour communiquer avec les responsables d'rudit : [email protected]

    Article

    Jeffrey PolandPhilosophiques, vol. 33, n 1, 2006, p. 99-124.

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    tapes vers un monde sans schizophrnie

  • tapes vers un monde sans schizophrnie

    JEFFREY POLANDUniversit de [email protected]

    RSUM. Cet article prsente des arguments selon lesquels le concept deschizophrnie est un strotype prjudiciable quil vaudrait mieux liminer de larecherche et de la pratique clinique. Les obstacles une telle limination sontreprs, et nous discutons des stratgies pour les surmonter.

    ABSTRACT. The paper presents arguments for the claim that the concept ofschizophrenia is a harmful stereotype that is best eliminated from research andclinical practice. Obstacles to such elimination are identified and strategies forovercoming them are discussed.

    Introduction

    Pendant plus dun sicle, le concept de schizophrnie, ou son prdcesseur celuide dementia praecox, a occup une place centrale dans les conceptualisationscliniques et scientifiques de certaines formes de maladie mentale grave. Lescliniciens diagnostiquent rgulirement chez les individus un trouble mentalnomm schizophrnie , pour lequel il existe une varit de stratgies et detechniques cliniques. Les scientifiques poursuivent toujours des recherches quiportent sur lpidmiologie, ltiologie, la pathologie, et la phnomnologieclinique (cest--dire, les expressions cliniques et la dynamique caractristique)de la schizophrnie. Naturellement, lentranement professionnel de tels cli-niciens et chercheurs comprend des connaissances et des pratiques en rapportavec la schizophrnie. tous les niveaux dducation formelle, les manuelsde psychiatrie et de psychologie anormale comportent des chapitres consacrs la schizophrnie, dans lesquels les critres diagnostiques, les modlesthoriques, les techniques de recherche, les dcouvertes empiriques et lesmanires dintervenir cliniquement sont prsents de faon systmatique.Lducation informelle des patients, de leur famille et de leurs amis, desadministrateurs, de ceux qui sont en charge dlaborer des politiques, des mdiaset du public en gnral souligne et incorpore souvent des connaissances con-cernant la schizophrnie. videmment, les modles de financement et lespolitiques sociales qui ont trait aux maladies mentales formulent (entreautres) celles-ci en termes de schizophrnie, laquelle est conue comme untrouble mental grave et dbilitant qui pose un problme majeur de santpublique et doit tre rsolu. Ainsi, la schizophrnie est un concept qui joueun rle organisationnel significatif dans un grand nombre de pratiques cli-niques, scientifiques, et sociales. Il structure de faon envahissante la conscienceet la conceptualisation de ce qui constitue une maladie mentale grave danstoutes les sphres de la socit.

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  • Au cur de ces pratiques et conceptualisations, il existe quelque chosecomme une ide reue qui sert de fondation toute pense et action con-cernant la schizophrnie ; cette ide reue comprend des affirmations comme :

    1) La schizophrnie est une maladie crbrale1. On ne connat pas tousles dtails de sa pathologie et de son tiologie ; La schizophrnie a des taux de prvalence stables travers le tempset les cultures (par exemple, approximativement 1 % de prvalence) ; Ltiologie de la schizophrnie, comme on la tabli, indique que cettemaladie a une composante gntique (comme en tmoignent, parexemple, des tudes sur la famille, les jumeaux et ladoption)2 ; La schizophrnie est associe de nombreux facteurs environnemen-taux qui peuvent jouer un rle dans son tiologie (par exemple, lexpo-sition prnatale la famine, linfection virale et le stress ; le traumatisme la naissance) ; La recherche dans le domaine de la pathophysiologie de la schizo-phrnie a fourni plusieurs rsultats intressants et des pistes prometteuses(par exemple la drgulation dopaminergique, la ventriculomgalie,lhypofrontalit, lhypertemporalit, les dficits neurocognitifs) ; Ltiologie de la schizophrnie est donc conue comme un cadrediathse-stress dans lequel la vulnrabilit gntique interagit avec desfacteurs environnementaux pour dclencher, ventuellement, la maladie ; Un soutien empirique en faveur dun modle neurodvelopmental dela schizophrnie3 existe dj ;

    2) La schizophrnie a un profil clinique caractristique et identifiable (parexemple, une prsentation clinique, un dbut et une volution caractris-tique) et peut tre diagnostique de faon fiable laide des critres duDSM-IV (voir annexe).

    3) La schizophrnie a des consquences prjudiciables sur le plan psy-chologique et social, et constitue un srieux problme de sant publique.

    4) Le traitement de base pour la schizophrnie consiste en lutilisation dedrogues psychotropiques. Ce traitement sest amlior de faon impor-tante dans la dernire dcennie (par exemple, par le biais des anti-psy-chotiques atypiques). La schizophrnie est gre (attnuation, soutien,

    1. La schizophrnie a souvent t vue comme une maladie spectrale qui prsente une va-riation relativement continue dans les motifs [patterns] de sa pathologie, dans son tiologie etdans ses manifestations cliniques. Nanmoins, son statut de maladie nest pas remis en cause dansles rangs des tenants de lide perue, et on croit invariablement quil existe quelque chose commeune pathologie de base qui constitue lessence de la maladie et qui prsente une certaine quan-tit de variations contingentes.

    2. Le modle gntique qui est actuellement prfr est le modle polygnique, multifac-toriel et interactif ; voir Gottesman, 1991, 1994 ; Moldin et Gottesman, 1997.

    3. Voir Hirsh et Weinberger, 2003 pour des textes reprsentatifs concernant ltiologieet la pathologie de la schizophrnie.

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  • prvention de rechute, rhabilitation) grce une combinaison detraitements pharmacologiques primaires et de techniques secondairesappropries (par exemple, des interventions psychosociales)4.

    5) La schizophrnie est stigmatise de faon injustifie, et cette stigmati-sation peut tre rduite en enseignant que la schizophrnie est une ma-ladie crbrale.

    De telles affirmations contribuent soutenir lide que la schizophrnieexiste et quelle est une vritable maladie mentale5, que lon en sait beaucoup son sujet (mais pas tout), quil y a des programmes de recherche produc-tifs et prometteurs sur des questions importantes son sujet (cest--dire, quecest un sujet digne de recherche empirique) et que les pratiques cliniques con-cernant la schizophrnie ont des bases scientifiques et sont de plus en plus effi-caces. Selon lide reue, la recherche sur la schizophrnie est un domainescientifique important et prometteur qui mrite des ressources humainesconsidrables et les millions de dollars de recherche qui y sont consacrs. Deplus, la crdibilit de cette recherche ainsi que lutilit de ses dcouvertes garan-tissent les rles importants que le concept de schizophrnie et les affirmationsqui en font usage jouent dans les politiques sociales, ladministration des soinsde sant, lducation, la science et la pratique clinique : cest--dire, le fait quele concept de schizophrnie occupe un rle culturel significatif dpend essen-tiellement de la crdibilit scientifique et pragmatique de lide reue.

    La critique du concept de schizophrnie et des affirmations et pratiquesqui y sont associes a pris deux formes gnrales : sociopolitique et scientifique.Tandis que le premier type de critique tente de mettre au jour les engagementsidologiques et les intrts que sert le concept ainsi que dvaluer son impactsocial, le deuxime type de critique conteste directement sa crdibilit scien-tifique et son utilit pratique, et donc la lgitimit du rle quil joue sur le planclinique, social et en ce qui concerne la recherche. Notons que, jusqu un cer-tain point, les critiques individuelles6 mlent habituellement les deux sortes decritiques, la distinction entre critique socio-politique et critique scientifique ser-vant principalement identifier divers types de stratgies critiques. Les critiquesindividuelles orientent habituellement leurs analyses vers lun ou lautre de cestypes. Mme si les deux types de critiques ont men des ides valables et ontpermis de cerner les sujets de discussion qui mritent une attention srieuse,la critique en gnral na pas encore russi mettre srieusement lpreuve

    4. Voir McEvoy et al., 1999, pour des directives reprsentatives des pratiques cliniqueslies au traitement de la schizophrnie.

    5. Dans la psychiatrie contemporaine, affirmer quune condition est un trouble mental,cest comme affirmer quelle est une dysfonction prjudiciable (harmful dysfunction) telle quecaractrise de faon imparfaite par le DSM, ou peut-tre plus adquatement par Wakefield (1992).

    6. Parmi les critiques importants qui ont prcisment t impliqus dans les deux genresde stratgies, on compte : Bentall (1990), Boyle (2002), Szasz (1988), Laing (1967), Scheff(1999), et Sarbin (1990).

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  • lide reue sur la schizophrnie et diminuer son impact. Autrement dit, malgrdes dcennies de critique serre, des millions de dollars sont encore dpenssen recherches sur la schizophrnie. Les pratiques cliniques tournent encore demanire importante autour du concept de schizophrnie, quelques chapitresdes manuels scolaires prsentent encore de linformation sur la schizophrnieet les politiques sociales sont encore labores autour de lide dune supposemaladie crbrale appele schizophrnie .

    De nombreuses questions mergent de ce contexte et mritent dtre dis-cutes. Lide reue sur la schizophrnie est-elle crdible du point de vuescientifique ? Y a-t-il une justification pragmatique la prpondrance de lidereue ? Je pense que la rponse chacune de ces questions est trs clairement non . En fait, en supposant que lide reue manque la fois de crdibilitscientifique et dutilit pragmatique, une question supplmentaire se pose : quedoit-on faire pour effectuer une rforme significative des conceptualisationset des pratiques courantes concernant les maladies mentales graves ?

    Mon plan dans ce texte est le suivant. Dans la premire partie, je pro-poserai de bonnes raisons de penser que lide reue sur la schizophrnie nestpas crdible scientifiquement. Dans la seconde partie, jargumenterai que lidereue sur la schizophrnie agit comme strotype prjudiciable dans la pra-tique clinique, et donc, quelle nest pas dfendable du point de vue pragma-tique (en plus de ne pas possder de justification scientifique). Finalement, dansla troisime partie, je dfinirai certaines tapes cruciales qui sont ncessairespour remplacer lapproche dominante dans la comprhension et le traitementactuels des maladies mentales graves.

    1. Lide reue concernant la schizophrnie manque de crdibilit scientifique

    La prsentation complte de la thse voulant que lide reue sur la schizo-phrnie manque de crdibilit scientifique implique un examen dtaill dudossier de recherche (Bentall, 1990 ; Boyle, 2002 ; Heinrichs, 2001) ainsi quunexamen critique minutieux du programme de recherche associ avec lidereue, avec ses critres de preuve, son potentiel de progrs (Poland, sous presse),ainsi que de lintgrit de la communaut scientifique engage dans cetterecherche (Poland et Spaulding, paratre). Mme sans une telle valuationcomplte, il est instructif de considrer les problmes de validit, dhtrognitet de dfinition phnotypique, trois problmes largement reconnus concernantce que la plupart des cliniciens et une grande partie de la population croienttre vrai propos de la schizophrnie. Ces trois problmes suggrent forte-ment que lide reue concernant la schizophrnie manque de crdibilitscientifique et, donc, que le concept de schizophrnie est au mieux une faondimposer artificiellement un concept au domaine des maladies mentalesgraves qui a des consquences potentiellement prjudiciables pour la rechercheainsi que pour les pratiques cliniques et sociales.

    Tout dabord, il na jamais vraiment t dmontr que le concept de schi-zophrnie est scientifiquement valide, quil sagisse de la validit du construit

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  • thorique ou de la validit prdictive. tablir la validit dun construit scien-tifique requiert ou bien que les caractristiques critrielles soient corrles entreelles (cest--dire, quelles constituent un syndrome) ou bien quil y ait un cadrethorique ou empirique bien tabli qui permette llaboration et lincorpora-tion du concept. Cependant, il ny a jamais eu suffisamment de preuvesscientifiques dmontrant que les supposs signes et symptmes de la schizo-phrnie sont corrls entre eux (voir Boyle, 2002). Dans le DSM, le fait quelentre schizophrnie mentionne certaines caractristiques (vagues,valuatives, subjectives et disjonctives) comme critres de diagnostic (voirannexe) ntablit pas que ces caractristiques constituent un vritable syndrome(cest--dire des traits qui ont tendance se produire simultanment). Et, commelont fait remarquer les critiques (voir Boyle, 2002 ; Kirk et Kutchins, 1992 ;Poland, 2001 et 2002), les critres du DSM pour la schizophrnie ne reposentpas sur une recherche approprie, convaincante et bien conue qui tabliraitque les caractristiques critrielles sont empiriquement relies ou que la cat-gorie (telle que dfinie par les critres) a toutes autres formes dintgritempirique ou thorique. Plutt, la validation des critres a t tablie ense basant sur la faon dont ils se conforment aux jugements cliniques dexperts ou dautres ensembles de critres diagnostiques7.

    Malheureusement, la validation dun ensemble spcifique de critresdiagnostiques, soit par rapport au jugement clinique dun expert , soit parrapport dautres ensembles de critres, est loin dtablir que les critres sontempiriquement corrls entre eux et quils constituent donc un vritable syn-drome. De plus, une telle faon daborder la validation est loin dtablir quele concept de schizophrnie a un contenu empirique ou thorique. tantdonn que les critres du DSM concernant la schizophrnie ont t dveloppsdans un contexte athorique dans lequel ni les donnes empiriques con-cernant ltiologie, la pathologie et la rponse au traitement ni les modles ayantun support empirique nont jou aucun rle dans les dcisions propos descritres diagnostiques, il ny a pas de raison de croire que les critres du DSMsont suffisants pour distinguer une condition pathologique spcifique oupour regrouper des individus vraiment semblables du point de vue clinique.Quant au processus de dveloppement du DSM, il ny a aucune raison de croireque le concept de schizophrnie (dfini selon ses critres) est suffisammentlabor thoriquement ou empiriquement pour tablir sa validit. Il ny a pasnon plus de cadres thoriques supports empiriquement dans lesquels la schizophrnie est bien dfinie (indpendamment du processus de dveloppe-ment du DSM). Le modle neurodveloppemental de la schizophrnie ,

    7. De plus, les critres du DSM pour la schizophrnie ont t dvelopps dans le contextedun processus biais et politis, cest--dire que les processus par lesquels le DSM-III et ses descen-dants (DSM-III-R et DSM-IV) ont t dvelopps ne satisfont pas les standards de base de com-ptence et de rigueur scientifique (voir, Kirk et Kutchins, 1992 ; Caplan 1995 ; Poland, 2001 et2002). Consquemment, il est douteux quune seule catgorie du DSM soit base empiriquementou thoriquement sur des critres appropris.

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  • la mode de nos jours, na pas de support empirique, et il est plutt spculatifdans son tat actuel, comme nous laccorderont des chercheurs responsablesdans ce domaine (voir Hirsch et Weinberger, 2003). En consquence de cemanque de fondement empirique ou thorique, le concept de schizophrniene satisfait pas aux critres de base de la validit des concepts et ne peut donctre considr comme une construction scientifique bien dfinie. Ce constatsoulve de srieux doutes quant la crdibilit scientifique de toute forme derecherche sur la schizophrnie (voir Boyle, 2002, et Poland, sous presse).

    Le dossier de la recherche sur la schizophrnie est, de plus, rempli dedcouvertes ngatives, non reproduites, contradictoires, faibles, vagues ou inin-terprtables, et qui comportent des lacunes au point de vue mthodologique8.De telles dcouvertes ne fournissent aucun support aux hypothses scientifiquesconcernant la schizophrnie, mme si elles comprennent des quantits de don-nes qui ont amen certains se prononcer comme si diverses hypothsesavaient t testes et confirmes. Or, la lumire dun tel dossier de rechercheet de labsence de validit du concept mentionn plus haut, il est douteux quunehypothse concernant la schizophrnie ait t teste de faon rigoureuse ouait dj reu quelque support empirique. Notons en outre que le succs pr-dictif apparent (le fait que la schizophrnie soit hrditaire ou quelle rponde certains genres de traitements) est habituellement obtenu laide de dfi-nitions vagues et disjonctives, et de mthodologies de recherche qui ne sontpas conues pour dterminer si la catgorie a ou non une vritable valeur pr-dictive. Tout comme les astrologues peuvent acqurir un certain pouvoirprdictif sur le futur condition que leurs prvisions soient suffisamment dis-jonctives ou vagues, des prvisions concernant le concept de schizo-phrnie (ou le spectre de la schizophrnie) peuvent sembler avoir une valeurprdictive en raison de leur caractre vague et disjonctif. Ainsi, non seulementla validit du concept proprement dit pose problme, mais la validit prdic-tive du concept de schizophrnie nest pas bien tablie non plus. Daucuns pour-raient considrer que cest une hrsie de dire une telle chose, toutefois, il nya pas eu damlioration substantielle dans les connaissances scientifiques propos de la schizophrnie dans les cent dernires annes9.

    Un second problme gnralement reconnu concernant lutilisation dela catgorie diagnostique de la schizophrnie en clinique et en rechercheconcerne son htrognit quant aux caractristiques critrielles, aux carac-tristiques et processus psychologiques, biologiques et contextuels (par

    8. Voir Heinrichs, 2001, pour une revue critique dun large ventail dhypothses derecherche concernant la schizophrnie.

    9. Ceux qui sont sous lemprise de lide reue voient la signification de cette absence deprogrs comme un signe de limmaturit de la science actuelle et de la complexit de la maladie :avec plus de temps et de ressources, la recherche devrait produire une comprhension de la ma-ladie crbrale nomme schizophrnie . Cependant, lhypothse de remplacement, savoirque la schizophrnie nexiste pas et que le concept est scientifiquement insignifiant semblemieux confirme jusqu maintenant par le dossier de recherche que ne le sont lide reue et cetteperspective optimiste sur le programme de recherche qui y est associ.

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  • exemple, sociaux) (Heinrichs, 1993, 2001 ; Andreasen et Carpenter, 1993).Les individus classs comme schizophrnes sont susceptibles dtre diffrentsles uns des autres mme par rapport aux caractristiques cliniques qui serventde fondement au diagnostic (cest--dire, les critres du DSM), ainsi que parrapport aux processus biologiques, psychologiques, comportementaux etsociaux qui oprent la fois lintrieur et lextrieur. Une telle htrognitde critres et de processus implique que la dynamique clinique (volution,rsultat, rponse lintervention) des conditions spcifiques auxquelles le diag-nostic a t appliqu varient beaucoup, comme lont remarqu plusieursreprises les cliniciens et les chercheurs.

    En dpit du fait que cette htrognit soit largement reconnue, ilexiste un diffrend substantiel quant sa signification. Ceux qui sont forte-ment partisans de lexistence de la schizophrnie suggrent quil y ahtrognit parce que la schizophrnie est une maladie unitaire (ou une ma-ladie spectrale relevant de multiples maladies) qui est associe une grandevarit de contextes biologiques, psychologiques ou sociaux avec lesquels elleinteragit. Ils croient quune telle htrognit deviendra mieux gre et com-prise avec le temps et les progrs de la recherche (voir Andreasen, 2001 ; Green,2001). Ceux qui ne participent pas la croyance que la schizophrnie serapporte un trouble bien dfini10 suggrent que lhtrognit fait partiedu support empirique dmontrant que la catgorie na pas de signification surle plan scientifique et clinique que la schizophrnie, en fait, nexiste pas.De tels critiques, qui nient lexistence de la schizophrnie (par exemple,Boyle, 2002 ; Bentall, 1990 ; Poland, sous presse), voient la catgorie commeune notion artificielle dans un champ de phnomnes multiples constitu denormes, complexe, dynamique et interactif, lequel requiert un type de con-ceptualisation radicalement diffrent pour tre compris adquatement (voirSpaulding et al., 2003).

    Tout au moins, on ne devrait pas supposer que lune ou lautre de ces inter-prtations de lhtrognit diagnostique est correcte. Cette question devraittre rsolue laide de donnes scientifiques. Tant quelle nest pas rsolue, lacrdibilit scientifique de la catgorie diagnostique est, pour le moins, douteuse.Si lon considre labsence tablie de validit prdictive et de validit du con-cept de la catgorie mme, ce doute est srieux. En effet, tout ce que nous savonsavec certitude, cest que plusieurs individus ont t regroups sous ltiquette schizophrnie , que ces individus prsentent une htrognit importante

    10. Cela ne revient pas dire quil ny a pas du tout de maladies crbrales, mais toutsimplement qu lheure actuelle un engagement concernant lide que la schizophrnie cor-respond une maladie crbrale est sans fondement. Il est certainement possible que quelquesindividus qui savrent tomber dans une catgorie dfinie par les critres de la schizophrnie selonle DSM-IV ont, parmi plusieurs, dans leur condition, une maladie crbrale ou autre. Toutefoiscela ne justifie aucunement que la catgorie soit cense dsigner une maladie crbrale ; dans tousles cas, on doit se rappeler que toute condition ne mne pas des problmes qui devraient treconsidrs comme une maladie.

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  • quant aux diffrents aspects de leur fonctionnement, et que, pour le moment,on ne sentend pas sur ce qui les unit (si unit il y a).

    Le doute en ce qui concerne la crdibilit scientifique est finalement ren-forc par un autre problme gnralement reconnu au sujet de la schizophrnie,celui de la dfinition phnotypique (cest--dire, quel trait se rapporte le terme schizophrnie ?), un problme qui a merg rcemment avec de plus enplus de clart dans le contexte de la recherche gntique. Au cours des deuxdernires dcennies, incits par des dclarations voulant que le dossier de larecherche ait clairement et fortement tabli quil y a une composante gn-tique dans ltiologie de la schizophrnie (voir Gottesman, 1991), des effortsde recherche considrables ont t entrepris en vue de dcouvrir la basegntique de la schizophrnie laide des mthodologies de la recherchemicrogntique (par exemple, lanalyse dassociation et de liaison gntique).Jusqu prsent, ce type de recherche est gnralement reconnu comme ayantchou dans sa tentative didentification des gnes, de rgions de gnes ou deconstellations de gnes spcifiques qui seraient soit le sige [locus] duntrouble gntique, soit des marqueurs pour de tels siges [loci]. Pour diversesraisons, toutes les supposes dcouvertes ont t discrdites. prsent, il nesemble pas y avoir de pistes prometteuses dans ce domaine de recherchesur la schizophrnie, bien que certains chercheurs enthousiastes affirment sou-vent le contraire11.

    Lexplication courante de cet chec de la recherche est : a) que les basesgntiques de la schizophrnie sont plutt complexes (car plusieurs gnes, inter-actions entre gnes et avec lenvironnement sont en cause) ; et b) quil manqueun phnotype bien dfini pouvant servir de cible la recherche micro-gn-tique. La premire composante de lexplication est une rptition des hypothsesgntiques ad hoc qui font suite lchec des programmes de recherchedpidmiologie gntique (tudes de jumeaux, de familles, et dadoptions) dcouvrir un support empirique pour lhypothse dun gne unique qui nerequiert aucune contribution environnementale. Les chercheurs dans cedomaine, mme sils ne la formuleraient pas de la faon dont je viens de lefaire, reconnaissent que lhypothse polygnique et gntique multifacto-rielle sur la schizophrnie est telle quon ne sait pas combien de gnes sonten cause, quelles sont leurs contributions, quelle est la contribution de len-vironnement et quels processus de dveloppement sont en jeu. Cela ne cons-titue pas une hypothse scientifique impressionnante, pire, elle prsuppose sanspreuve lexistence de la vritable schizophrnie .

    La seconde composante expliquant lchec de la recherche microgn-tique est la reconnaissance explicite que le concept de schizophrnie nest pas

    11. Voir Harrison et Owen, 2003, et Kennedy et al., 2003. Ces exemples sont typiquesdu genre de dclarations enthousiastes qui ont t faites pendant des dcennies sur la base desupports empiriques limits et dans le contexte de modles et hypothses gntiques essentielle-ment sans contenu (voir ci-dessous). Voir Ploman et McGuffin, 2003, pour une valuation plusraliste de ltat de la recherche dans ce domaine.

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  • tout fait adquat pour ce genre de recherche : en effet, pour les raisons men-tionnes plus haut, il est trop mal dfini. Ce type de recherche requiert desphnotypes bien dfinis qui peuvent tre mesurs avec prcision et rgu-larit, et qui prsentent un degr suffisant dhomognit catgorielle. Jusquce que de tels phnotypes soient identifis, la recherche micro-gntique nepourra avancer12. Ni les chercheurs dans ce domaine ni les consommateursde cette recherche ne semblent tre conscients que lexistence dun phnotypemal dfini compromet aussi les tudes originelles sur la famille, les jumeauxet ladoption qui supportent le postulat empirique de la recherche micro-gn-tique (cest--dire, quune composante gntique bien tablie joue un rle dansltiologie de la schizophrnie). Quest-ce que cela signifie exactement que dedire quune composante gntique reconnue joue un rle dans ltiologie dela schizophrnie si le terme mme de schizophrnie est mal dfini et napas de rfrent clair ? Dans tous les cas (par exemple, dans les tudes de familles,de jumeaux, dadoption, de liaison et dassociation gntique), il est tout fait impossible dinterprter les dcouvertes empiriques si la variable cri-tique de la recherche est mal dfinie. Tout au plus, les corrlations empirique-ment releves, mme si elles sont statistiquement significatives, ne font gureplus qutablir, dans un chantillon donn, une correspondance entre une va-riable qui nous intresse (par exemple, les patrons de transmission familiale)et ltiquette schizophrnie . Dans des conditions mthodologiques appro-pries, une telle dcouverte pourrait servir de base ltablissement dune cor-rlation entre la variable et ltiquette dans une population plus tendue.Cependant, la recherche ne peut pas et ne devrait pas tre interprte au-delde ces limites13.

    Donc, la lumire de ces trois problmes (validit, htrognit, dfi-nition phnotypique) il semblerait que lide reue ne soit rien de plus quunensemble de croyances sans fondement (si elles ont mme une signification) propos dune suppose maladie appele schizophrnie et des genshypothtiquement aux prises avec cette maladie . Autrement dit lide reuenest pas scientifiquement crdible. De plus, en consquence des trois problmesmentionns ci-dessus, lorsque des individus sont classifis comme souffrantde schizophrnie, il y a une perte substantielle dinformation ( savoir, les dtailsspcifiques supportant le diagnostic ) sans profit compensatoire quant au

    12. ce point, il importe de remettre laccent sur le fait que les critiques ne nient pas quilexiste une chose telle que la maladie mentale grave ; lobjet du dbat est de savoir si la schi-zophrnie ajoute quoi que ce soit ou bien nuit aux pratiques scientifiques (et cliniques) concer-nant la maladie mentale grave. Dans le cas de la gntique de la schizophrnie , on soutientque ltiquette est un obstacle srieux la recherche.

    13. Cela ne signifie pas quil ne procde pas pleine vapeur. Les chercheurs dans ce domainepeinent identifier un trait suffisamment bien dfini et mesurable qui manifeste ne serait-ce quunefaible association avec la catgorie de diagnostic (mal dfinie) de la schizophrnie. Des exemplesde tels traits sont : des dficits dans la recherche visuelle et des anormalits dans les poten-tiels voqus P300 et P50, associes avec le traitement sensoriel des sons (nouveaut, filtrage)Voir Egan et al., 2003, pour une discussion de tels phnotypes intermdiaires .

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  • pouvoir prdictif ou pour la comprhension de la condition de la personne14.En ralit, comme nous allons le voir ci-dessous, ltiquette schizophrnie obscurcit la complexit qui doit tre prise en considration pour que lesobjectifs cliniques soient poursuivis avec efficacit. En plus, elle fournit unecomprhension simpliste des gens qui sont lobjet de la pratique clinique etsubissent le contexte social dans lequel une telle pratique volue.Consquemment, le concept de schizophrnie et lide reue laquelle il estassoci fonctionnent comme un strotype nuisible qui introduit un risquesubstantiel de gaspillage, derreurs et de dommages dans les contextescliniques.

    2. Lide reue na pas dutilit pragmatique

    Jusqu prsent nous avons prsent un argument supportant la thse que lidereue sur la schizophrnie nest pas scientifiquement crdible. Une approcheparallle pour dfendre la lgitimit et la pertinence du rle tendu du con-cept de schizophrnie et des thses qui y sont associes implique des argumentspragmatiques selon lesquels la schizophrnie joue un rle utile dans divers con-textes (scientifiques, cliniques, ducatifs ou sociaux, par exemple). Une dis-cussion complte examinerait (entre autres) le rle de la schizophrnie et delide reue dans ces arguments : encouragent-ils ou non la recherche scien-tifique (par exemple, le programme de recherche sur la schizophrnie est-ilscientifiquement progressif ?), les valeurs et objectifs des cliniques de santmentale, de lducation, encouragent-ils ou non le bien-tre en socit tel quilest mis de lavant par lordre public et les lois sur la sant mentale ? (voir Polandet Spaulding, paratre). Dans cette section, je mettrai laccent sur le rle dela schizophrnie et de lide reue dans les pratiques cliniques. Je prsenteraiun argument qui tente de dmontrer que lide reue sur la schizophrnie intro-duit des partis pris prjudiciables dans les pratiques cliniques et, par consquent,quelle va lencontre de certaines valeurs et objectifs cliniques essentiels. Unecomposante cl de la justification pragmatique du maintien du concept de schi-zophrnie et de lide reue qui y est associe sera donc mise en question.

    Dans la pratique clinique qui traite les maladies mentales graves, il y aplusieurs valeurs et objectifs constitutifs :

    1. la rsolution de lincertitude clinique concernant les questions sui-vantes : Quelle information est pertinente et informative ? Quel estle problme de cette personne (si problme il y a) ? Quels processuscausaux sont en jeu ? Quelle est la signification de tels problmeset processus dans la vie dune personne souffrant dune maladie men-tale grave ? Quelle intervention est susceptible dtre efficace ?

    14. En labsence dune thorie des processus causaux en jeu dans le dveloppement dunsuppos trait, et sans caractrisation prcise de ce trait, il est plutt problmatique dinterprtercausalement lhritabilit et autres statistiques pidmiologiques (cf., Block, 1996 ; Lewontin,2000 ; Sober, 2000).

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  • 2. la conception, la mise sur pied et le contrle des stratgies et tech-niques dintervention efficaces visant le traitement, la mdication,la palliation ou la rhabilitation ;

    3. la conception et la mise sur pied dinfrastructures sociales thrapeu-tiques thiquement appropries pour lexercice de pratiques cliniquesvisant aider des gens qui souffrent de maladies mentales graves.

    Si la schizophrnie et lide reue sont considres comme dfendables au pointde vue pragmatique, elles devraient pouvoir contribuer ce que les trois objec-tifs prcdents soient atteints. Cependant, comme nous allons le voir main-tenant, un parti pris rsultant de lide reue sur la schizophrnie peutsurvenir au moins dans cinq domaines gnraux de la pratique clinique : letraitement de linformation, llaboration dinfrences, la comprhensionclinique, lintervention, ainsi que les identits, rles et relations cliniques(cest--dire, linfrastructure sociale). Ensemble, de tels partis pris vont lencontre des objectifs et des valeurs des pratiques cliniques (cest--dire, 1-3) et nuisent la fois aux cliniciens et ceux qui ont besoin de leur aide.

    Le traitement de linformation par le clinicien

    Le traitement de linformation par le clinicien comprend entre autres lobser-vation, lattention, la recherche dinformation, la mmoire et lenregistrementde linformation. De tels processus dterminent quelle information est acces-sible pour le raisonnement, le jugement et la prise de dcision clinique, et, parconsquent, quelle information joue un rle dans la formation des motions,attitudes et motivations du clinicien. Quand le traitement de linformation estinfluenc par lide reue sur la schizophrnie, le parti pris suivant estencourag :

    1. La tendance observer, amasser, enregistrer, souligner et se rappelerdabord dun ensemble restreint dinformations concernant les ca-ractristiques pathologiques et cliniquement identifiables (parexemple, les hallucinations, les ides dlirantes, les comportementsbizarres, dsorganiss, ainsi que les symptmes ngatifs commele manque de motivation, la diminution des affects, la pauvret depense et de parole).

    Dans la pratique diagnostique qui est guide par le concept de schizophrnie,les types dinformation jugs du plus grand intrt clinique ont tendance treles caractristiques cliniques pathologiques numres dans les critres du DSM.En plus de rendre de telles caractristiques encore plus saillantes, celaencourage la catgorisation dvnements ambigus (par exemple, les actionsbizarres) comme instances de ces critres, ainsi que leffort pour identifier sys-tmatiquement leur origine et leur relation dans des dossiers cliniques. Donc,le premier parti pris mne la cration dun riche corpus dinformations cli-niques relatives un ensemble pauvre et restreint de caractristiques que le

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  • clinicien identifie et conoit facilement comme des indicateurs de pathologie. Detelles caractristiques sont monnaie courante dans les discours des psychiatressur la schizophrnie et sont recherches dans des entrevues de diagnosticclinique dyadiques, soulignes dans des dossiers cliniques et considressuffisantes pour un diagnostic.

    Lattention est donc porte sur ces caractristiques au dtriment dunensemble plus vaste de caractristiques qui ne sont pas incluses dans lescritres du DSM et quon ne daigne pas considrer comme signe diagnostiqueprimaire. Ainsi, plusieurs types dinformations ne sont pas examins ourecueillis du tout, ils sont mme relgus un statut secondaire ou non per-tinent pour les besoins de lvaluation diagnostique : par exemple, linforma-tion concernant le fonctionnement de la personne sur plusieurs plans,biologique, psychologique, comportemental et social15 ; linformation sur lefonctionnement spcifique dans un grand nombre de contextes sociaux et per-sonnels, le point de vue de la personne sur lhistoire de sa vie, ses projets, sesplans, ses perspectives et ses relations. Ceux qui sont sous lemprise de lidereue ont tendance minimiser limportance de ce genre dinformationlorsque vient le temps de dcouvrir ce qui est problmatique chez la personne.Ou bien ce genre dinformation nest pas recueillie du tout, ou bien elle estrecueillie mais sa signification premire est daider dcouvrir un diagnosticen accord avec les critres du DSM. Cela sapplique autant la collecte duclinicien sur lhistorique mdical et social de la personne qu lutilisationdexamens psychologiques et dvaluations de capacits. Par exemple, cetype dinformation secondaire est souvent utilis pour corroborer un diagnosticclinique, utilisant par exemple des questions comme : Quelle est lhistoriquediagnostique de la personne ? Quel est lhistorique familial pour ce qui est dela maladie mentale ? Les rsultats des examens psychologiques se conforment-ils au diagnostic de schizophrnie ? Y a-t-il eu un dclin rcent dans le fonc-tionnement ? Y a-t-il une dtrioration cliniquement significative dans lefonctionnement ? Ainsi, mme quand on recueille de linformation sur la schi-zophrnie autre que celle qui concerne les caractristiques prsentes selon lescritres du DSM, la faon avec laquelle opre lide reue a tendance mi-nimiser son rle dans le diagnostic et la placer dans un cadre orient versla pathologie, lequel est labor autour de ltiquette diagnostique.

    Pourquoi les consquences du parti pris 1 sont-elles prjudiciables ? Laconstitution dune base de donne restreinte oriente vers la pathologie nepermet pas au clinicien dtre suffisamment inform pour comprendre leproblme et le genre de processus causaux en jeu dans la vie de la personneou dans le milieu clinique. Cette base de donnes noffre pas aux cliniciens

    15. Par exemple, si une personne rapporte des hallucinations angoissantes et drangeantes,un clinicien peut prescrire une drogue anti-psychotique rpute tre efficace pour aider matriser les hallucinations. Cependant, un diagnostic de schizophrnie nest pas requis pour prdireque la drogue peut tre efficace et najoute rien la comprhension de ce qui se passe dans untel cas.

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  • linformation requise pour grer lhtrognit considrable de problmes etde processus que lon retrouve chez les individus souffrant de maladies men-tales graves, et donc, ne leur donne pas linformation ncessaire pour rsoudrelambigut clinique. En plus, un corpus dinformation appauvri et orient versla pathologie [pathology-oriented] ne fournit pas la base pour une com-prhension adquate de la personne, de sa vie, de ses objectifs et ses valeurs.Limpression que quelque chose pose problme chez la personne domine lac-tivit clinique au lieu dtre une composante possible de son tat. Le rsultatest que la personne dont la vie est au centre de la pratique clinique perd son statuten plus de perdre davantage de pouvoir (comme nous le verrons plus bas).Cela est alarmant, tant donn que le point de vue et laction de la personnesont parmi les facteurs les plus importants du succs de la pratique clinique.

    Les pratiques infrentielles

    Lide reue sur la schizophrnie mne des pratiques infrentielles qui ma-nifestent le parti pris suivant :

    2. La tendance infrer lexistence dun processus inhrent la ma-ladie qui sert expliquer la prsence ainsi que les relations entre des caractristiques cliniques et interprter des vnementset les caractristiques de la personne comme manifestations deltat dune maladie biologique individuelle.

    Lorsque linformation juge pertinente pour le diagnostic est value, le cli-nicien sous lemprise de lide reue est conditionn voir des groupes de ca-ractristiques et dvnements comme tant interrelis et comme desmanifestations dune seule maladie sous-jacente. De plus, des caractris-tiques et des vnements essentiellement ambigus (par exemple, un tmoignagementionnant une hallucination, une parole dlirante, un acte bizarre) sont sus-ceptibles dtre interprts comme des manifestations dune maladie crbrale16.

    Bien que certains dfenseurs du strotype de la schizophrnie avouent quela schizophrnie nest pas une maladie unitaire, mais plutt une maladie spec-trale qui varie selon un nombre de facteurs, ou bien de multiples maladies (cest--dire que le terme schizophrnie est appliqu divers processusmorbides chez diffrents individus), on suppose invariablement que, dans lescas individuels, certains processus de la maladie causent les manifestations

    16. Il existe au moins cinq types danalyse utiles et appropris pour comprendre le fonc-tionnement, les problmes et les processus en jeu dans la maladie mentale grave : les plans neu-ropsychologique (par exemple, la rgulation SNC), neurocognitif (p. ex., lattention, le contrleexcutif, la mmoire), sociocognitif (p. ex. la rsolution de problme, linfrence causale, les attri-butions, la connaissance de soi et des autres), sociocomportemental (p. ex., lactivation comporte-mentale ; les habilits dans divers domaines de fonctionnement, la rgulation psychophysiologiquede lmotion, lhumeur, limpulsion), et socioenvironnementaux (p. ex., les relations, la confor-mit ou la dviance, le statut social, lenvironnement de vie). Voir Spaulding et al., (2003) pourune discussion de ces types danalyse.

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  • cliniques. Or il ny a pas de bonnes donnes scientifiques sur ce que pourraienttre les processus de la maladie (mme si la spculation abonde)17 ou sur lafaon dont la maladie pourrait tre lie causalement ses supposes mani-festations cliniques. Les cliniciens qui expriment le parti pris 2 ont tendance ignorer ou minimiser limportance des hypothses causales qui nimpliquentpas une maladie crbrale de base. Par exemple, de tels cliniciens ont tendance ignorer les hypothses propos de limpact environnemental direct ou lesboucles de rtroaction entre lenvironnement et lindividu, les interactionsbiologiques, psychologiques et sociales complexes, ainsi que les processuspsychologiques normaux qui concernent le choix, lapprentissage socialet les processus attributionnels (voir Corrigan et Penn, 2001, pour des travauxreprsentatifs dans ce domaine). tant donn que les caractristiques et lesvnements individuels qui obtiennent lattention des cliniciens sont trspossiblement le rsultat de tels autres types de processus causaux, une ten-dance rigide et strotypique infrer des hypothses concernant la prsencedune maladie peut conduire loccultation des vritables causes (qui tiennent, en certains cas, de lidentification un rle appris ou dun processuspsychologique normal), et favoriser un parti pris svre et coteux pour unecomprhension individualiste des problmes, cest--dire, la conceptionquil sont inhrents la personne (par exemple, le rsultat dune pathologiedu cerveau)18.

    Le second parti pris mne aussi les cliniciens ignorer la possibilit queles caractristiques cliniques observes soient indpendantes les unes desautres (par exemple, que les hallucinations dune personne soient lies undrglement biochimique tandis que ses paroles dlirantes refltent un historiquecomplexe dapprentissage social), ou quelles soient interrelies dune autrefaon (par exemple, une escalade dexcitation provoquant des difficultschez une personne dont les capacits grer un conflit social angoissant sontdj amoindries), deux possibilits dont lexistence est rgulirement

    17. Le rapport dune hallucination ou de la prononciation de paroles dlirantes (entreautres) est essentiellement ambigu parce que chacun peut tre le reflet dun certain nombre dautresprocessus causaux. Par exemple, bien que les hallucinations soient de vrais phnomnes, les rap-ports dhallucinations ne sont pas tous vridiques et mme si des paroles dlirantes sont souventprononces, elles peuvent avoir diffrentes sortes de signification clinique allant des supposesdrgulations pathophysiologiques jusquaux historiques complexes dapprentissage social, auxprocessus psychologiques normaux et carrment aux manipulations.

    18. noter que le postulat de processus causaux la base des divers signes et symbolessupposs de la schizophrnie ne russit pas identifier le processus pathologique de la schizo-phrnie pour deux raisons. Le statut de maladie pour ces processus nest pas tabli par un telpostulat. Et lexistence de processus associs avec les caractristiques prises individuellement ntablitpas quun processus morbide est associ ltiquette diagnostique, tant donn que les carac-tristiques en jeu ne sont pas spcifiques la schizophrnie et ne sont pas prsentes dans tousles cas de schizophrnie. Tout le monde devrait tre impliqu dans le dveloppement dune com-prhension causale de la maladie mentale grave, mais lmergence dune telle comprhension causalene valide pas directement un modle de maladie pour ce qui est de la schizophrnie.

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  • confirme19. Ainsi, une tendance rigide et strotypique avancer deshypothses qui accordent un rle central une maladie a tendance favoriserdiverses erreurs dans les pratiques dvaluation clinique et, comme nousallons le voir maintenant, ces erreurs contribuent leur tour miner linter-vention et la comprhension des cliniciens.

    La comprhension des cliniciens

    La comprhension des cliniciens affects par lide reue sur la schizophrniemne au parti pris suivant :

    3. La tendance voir les gens classifis comme schizophrnes selon lemodle de cette maladie (dans laquelle un processus morbide de basemodule la perception, la pense, lmotion et le comportement), et,donc, les voir comme des victimes dune maladie crbrale surlaquelle ils nont aucun contrle.

    Comme nous venons den discuter, des pratiques infrentielles biaises par lin-fluence de lide reue sur la schizophrnie favorisent une comprhension sim-pliste des causes de ltat de la personne, rsultant dun processus pathologiquede base ainsi que des cascades pathogniques auxquelles mne ce processus :toutes les caractristiques pathologiques sont comprises comme les con-squences de causes qui sont en aval du processus de base. Dans un tel cadredinterprtation, on considre que la perception, la pense, lmotion et le com-portement de la personne sont moduls par un processus pathologique interneet donc ceux-ci sont plutt vus comme leffet causal psychologiquementinsignifiant dun cerveau malade. Les hypothses causales mentionnes plushaut (cest--dire, celles qui concernent des problmes indpendants, descauses environnementales, des boucles de rtroaction interactive complexeset des processus psychologiques normaux) sont plutt ignores ou mini-mises. Ainsi, une vision oriente vers la pathologie de la personne, laquelleest vue comme la victime passive dune maladie crbrale, a tendance pr-dominer. Le strotype de la schizophrnie compromet donc la pratique

    19. Une consquence particulirement importante du parti pris en cause ici est une ten-dance dcontextualiser les problmes de la personne. Le strotype de la schizophrnieimplique quun processus morbide de base existe dans lindividu et que : a) il est peut-tre par-tiellement caus par des facteurs dordre environnemental ; b) il peut avoir des consquences dansun contexte environnemental ; mais, c) ni les antcdents causaux, ni les consquences causalesde la maladie, ni nimporte quelle autre caractristique du contexte ne font partie du processusmme de la maladie. Cest--dire que la comprhension dun trouble chez la personne peut com-pltement exclure le contexte. Voir Spaulding, Sullivan, et Poland, 2003, pour une discussionde la raison pour laquelle une vision dcontextualise de la maladie mentale grave mne unsrieux malentendu concernant la nature des problmes dune personne et de la raison pour laquelleprivilgier une cause unique des processus morbides dans le cerveau dun individu est erron(car la causalit peut bouger dans toutes les directions, elle peut impliquer des caractristiqueset des processus appartenant nimporte quel type danalyse causale, des processus nor-maux aussi bien que pathologiques).

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  • clinique et fausse les impressions des cliniciens quant au caractre et la com-plexit des circonstances dans lesquelles les individus voluent et quant auxproblmes auxquels ils tentent de faire face.

    Le troisime parti pris favorise plutt une comprhension simpliste desgens (et non seulement du rseau causal dont il font partie) qui souffrent demaladie mentale grave. Voir la personne comme la victime passive dune ma-ladie crbrale diminue considrablement notre comprhension aussi bien dupoint de vue de la personne que de son fonctionnement. Si un clinicien a ten-dance concevoir la perception, la pense, lmotion et le comportement dunepersonne comme tant essentiellement leffet causal psychologiquementinsignifiant dun cerveau malade, alors le point de vue et les actions de la per-sonne seront mis de ct, puisquil sont conus comme des manifestations duprocessus de base de cerveau, et donc, comme des choses tre radiquespar le traitement plutt que comme des composantes essentielles de la com-prhension. Un tel refus de prendre en considration la personne et son fonc-tionnement entrane le clinicien perdre de vue des choses telles que :

    la faon dont la personne comprend ce qui lui arrive dans un con-texte clinique ;

    la raction de la personne au fait dtre classe et traite de certainesfaons par des cliniciens et par dautres personnes ;

    les rles sociaux que la personne occupe, ou les manires parlesquelles une personne pourrait rsister aux pressions pour quelleoccupe de tels rles (par exemple, le rle dun patient souffrant duntrouble mental ) ;

    le point de vue de la personne sur sa vie : ses valeurs, ses objectifs,ses aspirations, ses projets, ses perspectives, sa comprhension his-torique et sa comprhension de sa propre situation actuelle ;

    la manire dont larchitecture cognitive ainsi que les processus psy-chologiques et sociaux normaux oprent en ce qui concerne le com-portement ;

    la manire dont les actions de la personne peuvent tre lgitimes la lumire de sa situation, de ses limitations et de la faon dont elleest traite.

    Sans une telle comprhension, une dimension importante de la personnesera inintelligible au clinicien, surtout compte tenu des limitations prsentes,si lon nobserve quun ensemble restreint de facteurs et quon suppose quunprocessus crbral fondamental cause le problme. Sans une vritable va-luation de la condition de la personne de son propre point de vue, il est dif-ficile dtablir des relations thrapeutiques efficaces et respectueuses. Cela credes obstacles supplmentaires pour le genre de comprhension qui devrait tre la base des pratiques dvaluation et dintervention cliniques.

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  • Les pratiques dintervention

    Dans toute bonne pratique clinique, il ny a pas de place pour une base dedonne incomplte ou oriente vers la pathologie, pour des infrences biaisesou pour une comprhension simpliste. Malheureusement, ces prjugs, con-jointement avec diverses composantes de lide reue sur la schizophrnie,entranent en pratique clinique un quatrime parti pris quant la conceptionet la mise en uvre des interventions :

    4. La tendance concevoir la suppose maladie crbrale et ses ma-nifestations comme tant des cibles primaires dintervention et utiliser lobservation des symptmes comme mesure principale dusuccs ou de lchec du traitement.

    Dans le cadre dinterprtation inspire par lide reue, le statut de maladiecrbrale attribu la condition de la personne occupe une position centrale,et toute intervention vise contrler et grer la maladie. Pour ce faire, lathrapie qui utilise des mdicaments psychotropiques est la forme dinterven-tion la plus importante, tandis que le contrle des symptmes est la forme laplus importante dvaluation du succs ou de lchec du traitement. Il rsultede ce parti pris que la grande varit dautres processus causaux possibles quenous avons mentionns plus haut aura tendance rester non identifie et ne pas tre prise en considration. Le 4e parti pris est dangereux parce quila tendance court-circuiter toute observation clinique srieuse propos delintervention, ce qui entrane des plans dintervention routiniers et malconus, laissant le clinicien sans ressources adquates pour comprendrepourquoi une intervention choisie nest pas efficace (par exemple, labsencede rponse la mdication)20.

    Les rles cliniques, les identits et les relations

    Le dernier domaine dans lequel lide reue sur la schizophrnie engendre unparti pris est linfrastructure sociale des pratiques et des processus cliniques(la faon dont les identits, les rles et les relations thrapeutiques prennentforme).

    5. La tendance crer une infrastructure sociale pour lactivit cliniquedans laquelle lidentit de la personne devient celle de victime dunemaladie sur laquelle elle na aucun contrle. Le rle de la personneest celui dun patient dont la responsabilit premire est dobir auxtraitements prescrits par le clinicien et les rapports de la personnerelvent dun statut dautorit infrieur aux autres.

    Les cliniciens sous linfluence de lide reue sur la schizophrnie serontports interagir avec les personnes tiquetes comme schizophrnes comme

    20. Voir Spaulding, Sullivan et Poland (2003) pour une approche clinique des maladiesmentales graves qui fournit des analyses causales prcises.

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  • si elles taient des victimes passives dun processus pathologique qui doit tretrait par un mdecin, lequel utilise des stratgies et techniques essentiellementbiomdicales. Laspect particulirement critique de cette intervention, cest quede tels cliniciens auront fortement tendance duquer la personne sousleur soin adopter la mme vision queux-mmes : on apprend aux personnestiquetes comme schizophrnes croire quelles sont des victimes passivesdune maladie crbrale nomme schizophrnie . Ainsi, ces personnessont amenes internaliser un strotype social stigmatisant ( la schizo-phrnie ) et sattribuer des caractristiques (par exemple, ngative, interne,stable, globale) susceptibles davoir des consquences personnelles prjudi-ciables (voir Kinderman, 2001)21.

    Les cliniciens sous linfluence de lide reue sur la schizophrnie aurontaussi tendance duquer de la mme faon tout un chacun, incluant lafamille et les amis de la personne et les autres membres du personnel delhpital22. La cration dune interprtation partage par tous les partis con-cerns mne une structuration rigide du monde social de la personne, danslaquelle son identit la premire et la troisime personne est celle dunevictime passive dune maladie crbrale, dont les caractristiques et le com-portement pathologiques occupent lattention de faon prdominante. Par con-squent, le statut, les rles et les rapports de la personne dans son monde socialsont influencs ngativement. Plus prcisment, aide par lapprentissageimplicite et explicite, et de puissants processus sociaux, cette forme dduca-tion tend renforcer les rles et lidentit du patient souffrant dun troublemental dysfonctionnel au lieu de crer des occasions de trouver des solutionsimportantes (voir Spaulding, et al. 2003).

    Finalement, limpact gnral du cinquime parti pris et les pratiques du-cationnelles particulires quil engendre comprend de nombreuses autresconsquences que nous devons mentionner ici : la dprciation involontairede la personne, lencouragement dune attitude passive face ses problmes,la perte supplmentaire de pouvoir dans la vie, la diminution de lengagementde la personne dans son propre traitement, la cration dune relation thrapeu-tique vicie. En consquence, le cinquime parti pris favorise le dveloppe-ment de processus sociaux et cliniques prjudiciables et improductifs.

    Le rsultat des partis pris

    Les cinq partis pris mentionns ci-dessus qui ont cours dans les pratiques cli-niques pour traiter les maladies mentales graves dmontre clairement commentlide reue sur la schizophrnie, au lieu de contribuer la mise sur pied de

    21. Voir Spaulding et al., (2003) pour une prsentation systmatique dun cadre destinau dveloppement de plans dintervention complexes et calibrs individuellement.

    22. Bien que srieusement errones pour les raisons mentionnes dans le texte, ces pra-tiques dducation du patient sont souvent bien intentionnes : elles refltent une proccupationclinique concernant la personne qui subit le traitement et elles visent souvent lintroduction duncadre dinterprtation cognitif trs utile pour elle.

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  • services cliniques essentiels ainsi qu la poursuite de valeurs et objectifscliniques importants, met en pril la pratique clinique de multiples faons ;de ce fait, elle est prjudiciable et inutile. Ainsi, il ny a pas dargument prag-matique plausible pour dfendre lexistence ou le maintien du concept de schi-zophrnie et de lide reue qui lui est associe, et des pratiques cliniques quien rsultent. Tout argument de ce genre est remis en cause par leffet prju-diciable de lapproche ainsi que par lexistence dautres approches dont lef-ficacit suprieure a t dmontre (voir Spaulding et al., 2003).

    3. Quatre tapes vers un monde sans schizophrnie

    Le fait que lide reue sur la schizophrnie manque la fois de crdibilitscientifique et dutilit pragmatique signifie quune rforme des pratiquescliniques, sociales et de la recherche actuelle pour le traitement des maladiesmentales graves est fortement suggre. Or cest une chose dargumenter,comme de nombreux critiques lont fait (par exemple, Szasz, 1988 ; Sarbin,1990 ; Boyle, 2002), que ltat des choses actuel ne devrait pas exister parcequil manque de crdibilit scientifique, quil est inutile, prjudiciable etthiquement indfendable. Cen est une autre didentifier et demprunter unchemin clair et praticable vers un tat de choses plus souhaitable, ce quaucuncritique ne semble avoir t capable de faire.

    Nous proposons une heuristique pour penser la recherche de strat-gies de rforme, et celles-ci peuvent tre divises en quatre tapes majeures :

    tape 1 : tablir visiblement et de manire persuasive que le cadreactuel de la conceptualisation et de lorganisation des pratiques concernantle domaine des maladies mentales graves ne peut tre dfendu et ne devraitpas exister.

    tape 2 : fournir un cadre de rechange dans lequel il est possible de pour-suivre les divers objectifs qui sont trop mal servis par le cadre actuel, et le rendreplausible.

    tape 3 : fournir une analyse adquate de lemprise du cadre actuel etune stratgie rvolutionnaire pour renverser cette emprise.

    tape 4 : ajouter la stratgie rvolutionnaire une stratgie pour grerlinstabilit qui sera invitablement prcipite par ltape 1 et par les transi-tions envisages et poursuivies aux tapes 2 et 3.

    Certains diront sans doute que chacune de ces tapes doit tre poursuivieefficacement pour que les efforts de rforme russissent. Quelques-unes desraisons possibles expliquant pourquoi les critiques prcdentes nont pas tefficaces pour dstabiliser et encore moins pour remplacer lide reue sont :1) que les arguments offerts contre celle-ci nont pas t suffisamment con-vaincants ou suffisamment diffuss pour tre entendus par des auditoires impor-tants ; 2) quun autre cadre de pense viable na pas t propos et renduplausible ; 3) quaucune proposition suffisamment consistante et plausible nat faite, et encore moins poursuivie, pour expliquer comment contrer lem-prise massive de lide reue ; et 4) quaucun plan clair concernant la faon

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  • de grer efficacement une transition de lide reue vers une approche de rem-placement plus souhaitable na t offert23. Dans ce qui suit, je vais fairequelques remarques sur les sortes de propositions et actions requises pour lamobilisation dun effort de rforme srieux.

    En ce qui concerne ltape 1, les premire et deuxime parties du prsenttexte ont t consacres souligner les sortes darguments qui peuvent tre mobi-liss pour dmontrer que lide reue sur la schizophrnie nest ni scientifique-ment crdible ni pragmatiquement utile. Convenablement labors et augments,de tels arguments pourraient bien tre suffisants pour dmontrer de faoncrdible pourquoi lide reue nest en ralit pas dfendable scientifiquementet pragmatiquement. Cependant, pour tre des composantes efficaces dun effortde rforme, de tels arguments doivent tre trs publiciss de faon tre enmesure de rejoindre les divers auditoires qui ont des enjeux dans cette rforme.Poursuivi efficacement, leffet dun tel assaut sur le caractre dfendable de lidereue sera invitablement dbranler la confiance en celle-ci ainsi que les pra-tiques qui sy rapportent. Donc, leffet sera quelque peu dstabilisant en ce sensque les pratiques actuelles pourraient de plus en plus tre remises en questionet critiques, que des groupes et des individus pourraient commencer chercherdes solutions de remplacement, que les dfenseurs des pratiques actuellesaugmenteront leurs efforts dfensifs (par exemple, en augmentant les effortsdducation publique et en essayant de discrditer les critiques) ; ainsi, idale-ment, il deviendra plus frquent parmi ceux qui possdent le pouvoir politiquede parler des critiques et de la ncessit de la rforme. Minimalement, un examencritique plus rigoureux des pratiques actuelles sera effectu. Ltape 1 cre doncloccasion de changer en veillant la conscience des partis intresss, en dsta-bilisant les pratiques actuelles, en jetant de la lumire sur des problmes quidoivent srieusement tre analyss, et en stimulant limplantation dexamensrigoureux et de processus de rforme des pratiques actuelles.

    Ltape 2 propose la condition essentielle aux efforts de rformes ra-listes dans nimporte quel domaine de pratique scientifique ou clinique : cest--dire, le dveloppement dune pratique de rechange et la dmonstrationexplicite et visible de sa plausibilit24. Dans la situation actuelle, le fardeauest uniquement sur les paules des critiques, qui, en plus de relever et de soulignerles problmes concernant le concept de schizophrnie et lide reue affrente,se doivent dlaborer et de soutenir une autre approche crdible pour lacomprhension de la maladie mentale grave, qui garantira la recherche pro-ductive et les pratiques cliniques ainsi que dautres pratiques sociales efficaces25.

    23. Du point de vue du clinicien guid par lide reue, la constitution de rapportsappropris bass sur une telle comprhension partage de la personne est cruciale pour la misesur pied de plans dintervention clinique efficaces ainsi que pour aider le patient dans ses efforts grer sa maladie. Cependant, ce point de vue repose sur plusieurs hypothses douteuses.

    24. Mary Boyle (2002) est celle qui est la plus prs de traiter au moins ces diverses proc-cupations.

    25. Voir Friedman (1999) pour une discussion instructive de la faon dont cette exigencea opr dans lhistoire de la physique.

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  • Cette condition est importante parce que les critiques avances ltape 1 sontessentiellement dstabilisantes (par exemple, elles encouragent une perte deconfiance en lide reue ainsi quun questionnement, et la recherche de solu-tion de rechange celle-ci). Les individus, groupes et institutions dpen-dants de lide reue dune faon ou dune autre (voir plus bas) ont besoin duneautre solution pour pouvoir labandonner : sans solution de rechange crdibleet viable en main, les critiques (peu importe quel point elles sont percutantes)seront incapables de susciter une rforme et mourront dans luf26.

    Ltape 3, lanalyse et labandon de lemprise profonde de lide reue,est requise si les efforts de rforme visant remplacer lide reue en faveurdune solution de rechange viable sont socialement et politiquement possibles,et mme efficaces. Comme la discussion au dbut de ce texte la tabli, lidereue sur la schizophrnie est implante dans de nombreuses institutions etpratiques sociales, et elle sert une varit dintrts et dobjectifs : nimportelequel de ces lments, et peut-tre tous, pourraient contribuer une forte rsis-tance au changement qui est peru comme tant prjudiciable et perturbateur.Dune part, lide reue est profondment lie aux droits acquis des associa-tions professionnelles (p. ex., en psychiatrie, en psychologie clinique ou en tra-vail social), des entits commerciales (entre autres, les compagniespharmaceutiques et dassurance), des groupes de protection du consomma-teur (p. ex., lAlliance nationale pour les malades mentaux) et des institutionssociales (comme lassurance-maladie finance publiquement). Tout projetde rforme subira fortement limpact des pressions provenant de ces intrts.Dautre part, lide reue est aussi puissamment informe et maintenue pardes idologies et valeurs culturelles qui sincarnent dans des cadres visant mdicaliser les problmes de vie et rpondre de tels problmes avecune efficacit technologique toujours croissante. un public qui exige des diag-nostics mdicaux formels et des solutions rapides et efficaces ses problmessajoute un corps professionnel et dautres institutions organises pour la sa-tisfaction de ces demandes (comme les assureurs publics et privs, les cliniquesde sant mentale) et spcialises en cette matire.

    Leffet de la force dinertie dune telle emprise est augment par le degravec lequel lide reue forme les consciences publique et professionnelle ence qui a trait aux maladies mentales graves. Une combinaison defforts

    26. Notons quil ne suffit pas simplement dlaborer un cadre de remplacement pour laconceptualisation et les pratiques en jeu dans la maladie mentale grave. Pour tablir la plausi-bilit de telles solutions, divers critres de crdibilit et de viabilit doivent aussi tre visiblementprsents. Par exemple, une autre conceptualisation du domaine de la maladie mentale grave doitclairement tre suprieure aux approches actuelles en ce qui concerne : 1) son degr defficacitpar rapport aux demandes imposes par les diffrentes caractristiques du domaine (par exemple,lambigut, une grande variation dans les multiples dimensions de fonctionnement, la complexitcausale et dynamique, limportance des aspects normatifs et de la perspective sur la maladie men-tale) ; 2) le degr dintgration du cadre aux sciences changeantes concernes par le fonction-nement humain ; et 3) le degr de support empirique pour le succs du cadre dans la pratiqueclinique et scientifique.

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  • ducationnels agressifs et une rceptivit non critique de tels efforts asubstantiellement renforc lemprise de lide reue (par exemple, les messagestransmis par la publicit directe quant la mdication psychiatrique et int-grs dans lducation continue des mdecins propos des maladies mentaleset leur traitement). De plus, bien quil soit possible dentendre des voix cri-tiques et trs proccupes par ces questions, il y a de plus en plus de preuvesque la communaut scientifique, dont on sattend ce quelle fonctionne commergulatrice des croyances et des pratiques dfendables, est elle-mme en traindprouver des soupons. Ils concernent dune part la qualit des standardsqui oprent dans les sous-communauts scientifiques et dautre part les vri-fications trs incompltes des conflits dintrts et autres sources de menacesindividuelles et communautaires lobjectivit scientifique. De telles absencesde standards rigoureux et de tels compromis lobjectivit rvlent uneabsence significative de discours critique lintrieur mme des commu-nauts scientifiques dont nous dpendons et qui jouissent dune autoritintellectuelle considrable (par exemple, les activits de recherche fonda-mentale, le processus dexamen par les pairs, lattribution de bourses, lor-ganisation de confrences et la supervision gouvernementale ont toutes tcompromises par de mauvais standards et par labsence dobjectivit)27.

    la lumire de cet aperu des diverses composantes de lemprise de lidereue, ltape 3 dune stratgie de rforme pourrait paratre plutt inquitante.En effet, il est manifeste que les efforts de rforme devront invitablement trecomprhensifs et soutenus sur une longue priode de temps. Toute proposi-tion srieuse pour se dfaire de lemprise de lide reue sur la schizophrnieaura besoin dencourager toute activit relie lducation formelle etinformelle, laugmentation de la mise sur pied dexamens critiques rigoureuxet la prise de responsabilit dans lactivit clinique et scientifique, la recons-titution des communauts scientifiques appropries, lamlioration des pra-tiques de leve de fonds et enfin la rorganisation de la supervisionadministrative et des restrictions thiques sur les conflits dintrts.

    Dans une stratgie de rforme, ltape 4 concerne la gestion de linsta-bilit qui sera invitablement prcipite par ltape 1, ainsi que les transitionsenvisages et poursuivies aux tapes 2 et 328. En bref, pour ce qui est de lacomprhension et des formes de pratiques, les transitions auront invitable-ment un effet ngatif sur certains des intrts et objectifs dindividus, degroupes et dinstitutions qui dpendent de la situation actuelle. Comme ladmontr la discussion sur lemprise de lide reue, plusieurs formes decette dpendance ont dj t cres et entretenues au cours des dernires d-cennies. Il est galement vident que des changements radicaux dans la com-prhension et les formes de pratique peuvent ventuellement perturber de telles

    27. Voir Poland et Spaulding, paratre.28. En effet, limportance du genre de stratgie de gestion requise cette tape, une stratgie

    qui (entre autres) minimise les torts infligs ceux qui dpendent des arrangements actuels, a peine t reconnue par les critiques prcdents de lide reue.

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  • relations de dpendance et de compromettre les intrts et objectifs con-nexes. Par exemple, les relations thrapeutiques dans lesquelles la continuitdes soins est dune importance vitale devraient tre protges. tant donnque laccs aux soins de sant est rendu possible par remboursement dassu-rances pour des services lis des conditions spcifiques cliniquement dfinies,le processus de remplacement de la conceptualisation de maladie mentale graveen termes de catgories diagnostiques rudimentaires par des spcifications deproblmes plus dtailles et scientifiquement dfendables devrait tre pour-suivi de faon nabandonner personne et ne pas empcher ceux qui en ontbesoin davoir accs au soutien et aux services. Dautres facteurs sont en jeutels que le statut demploi des cliniciens et autres travailleurs en sant men-tale, le statut et la carrire des chercheurs et le destin de divers programmesde recherche. Consquemment, un fardeau majeur pour tous ceux concernspar la ralisation de la rforme des pratiques courantes consiste identifieret minimiser le potentiel de dommages collatraux qui pourraient rsulterdu remplacement dune forme de comprhension et de pratique par uneautre. Ainsi, la tche de se dfaire de lemprise de lide reue et celle dins-taller dautres formes de comprhension et de pratique sont compliques parcette contrainte thique et sociale de minimiser les dommages collatraux.

    Les quatre tapes que nous venons de discuter sont les composantes essen-tielles dune stratgie de rforme des pratiques scientifiques, cliniques etsociales actuelles associes la maladie mentale grave. La question de savoirsi la maladie mentale est mieux conceptualise, tudie et approche (clinique-ment et socialement) dans le langage de lide reue informe comme ellelest par le concept de schizophrnie , ou si la maladie mentale grave est mieuxconceptualise, tudie, et approche dans le langage dun autre cadre de pensetel quil a t suggr dans les parties 1 et 2 de ce texte est avant tout une ques-tion de crdibilit scientifique et dutilit pragmatique. Cependant, savoir side telles questions de crdibilit et dutilit peuvent tre tudies efficacement lintrieur des communauts scientifiques prsentement constitues et si lesefforts de rforme, une fois lancs, peuvent tre poursuivis efficacement sontdes questions sociales dordre politique et thique dont la comprhension etla rsolution requirent des outils trs diffrents. Ainsi, les frontires tradi-tionnelles entre les sujets scientifiques et sociaux deviennent floues, si elles nesont pas carrment remises en question29.

    (Traduction de Jean-Charles Pelland)

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    29. Voir Longino (1990, 2002), Kitcher (2001) et Hacking (1999) pour dimportantesdiscussions concernant la faon de conceptualiser les relations entre les considrations et sujetsscientifiques, et les considrations et sujets sociaux.

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    AnnexeCritres du DSM-IV pour la schizophrnie

    A. Symptmes caractristiques : Deux (ou plus) des manifestations suivantessont prsentes, chacune pendant une portion significative dune priode dunmois (ou moins quand elles rpondent favorablement au traitement) :

    1) ides dlirantes2) hallucinations3) discours dsorganis (c.--d., coq--lne frquents ou incohrence)4) comportement grossirement dsorganis ou catatonique5) symptmes ngatifs, par ex., moussement affectif, alogie ou perte

    de volont

    N.B. : Un seul symptme du critre A est requis si les ides dlirantes sontbizarres ou si les hallucinations consistent en une voix commentant en per-manence le comportement ou les penses du sujet, ou si, dans les hallucina-tions, plusieurs voix conversent entre elles.

    B. Dysfonctionnement social ou des activits : Pendant une grande portionde temps depuis le dbut de la perturbation, un ou plusieurs domainesmajeurs du fonctionnement tels que le travail, les relations interpersonnelles,ou les soins personnels sont nettement infrieurs ce quil tait avant le dbutde la perturbation (ou, si le trouble a dbut dans lenfance ou ladoles-cence, incapacit atteindre le niveau de ralisation auquel on aurait pu sat-tendre sur le plan relationnel, scolaire, ou dans dautres activits).

    C. Dure : Des signes permanents de la perturbation persistent pendant aumoins six mois. Cette priode de six mois doit comprendre au moins un mois

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  • de symptmes (ou moins quand les personnes ragissent favorablement autraitement) qui rpondent au critre A (c.--d., symptmes de la phase active)et peut comprendre des priodes de symptmes prodromiques ou rsiduels.Pendant ces priodes, les signes de la perturbation peuvent se manifester unique-ment par des symptmes ngatifs, ou par deux ou plus des symptmes figu-rant dans le critre A, prsents sous une forme attnue (p. ex., croyancesbizarres, perceptions inhabituelles).

    D. Exclusion dun trouble schizo-affectif ou dun trouble de lhumeur : Letrouble schizo-affectif et le trouble de lhumeur avec caractristiques psycho-tiques ont t limins, soit parce quaucun pisode dpressif majeur, maniaqueou mixte na t prsent simultanment aux symptmes de la phase active ;soit parce que des pisodes thymiques ont pu tre prsents pendant les symp-tmes de la phase active et que leur dure totale a t brve par rapport ladure des priodes actives et rsiduelles.

    E. Exclusion dune affection mdicale gnrale ou due une substance : laperturbation nest pas due aux effets physiologiques directs dune substance(c.--d., une drogue donnant lieu des abus, un mdicament) ou dune affec-tion mdicale gnrale.

    F. Relation avec un trouble envahissant du dveloppement : en cas dantc-dent de trouble autistique ou dun autre trouble envahissant du dveloppe-ment, le diagnostic additionnel de schizophrnie nest pos que si les idesdlirantes ou des hallucinations prouves sont galement prsentes pen-dant un mois (ou moins quand elles diminuent substantiellement avec letraitement).

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