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Cours 7 - La politique monétaire La politique monétaire comme instrument de régulation conjoncturelle La politique monétaire est plus ciblée que la politique budgétaire dont les objectifs peuvent être variés (soutien à la demande à court terme, action sur l’offre à long terme). Dans leur recherche de maintenir le pouvoir d’achat de la monnaie, les Banques centrales se sont focalisées sur la lutte contre l’inflation. Elles visent éventuellement un objectif de plein emploi. La politique monétaire agit sur les conditions de financement dans l’économie réelle et met en jeu des canaux de transmission plus ou moins détournés alors que la politique budgétaire agit plus directement sur le niveau de la demande. La politique monétaire est plus réactive et plus souple que la politique budgétaire mais les délais de transmission sont plus longs La politique monétaire est plus prospective que la politique budgétaire. Elle accorde une place plus explicite aux anticipations des acteurs économiques. La définition et la communication de la stratégie monétaire sont donc particulièrement importantes. L’importance de la politique monétaire se développe surtout dans les années 60 avec la mise en évidence d’une relation inverse entre inflation et chômage (Courbe de Phillips (1958) : analyse historique sur l'Angleterre entre 1867 et 1957 qui montrait une relation négative entre la hausse des salaires et le chômage, devenue par la suite une relation entre inflation et chômage) avec le dilemme selon lequel les gouvernements devaient choisir un peu plus d'inflation pour faire baisser le chômage ou, inversement, accepter davantage de chômage afin de venir à bout de l'inflation (arbitrage entre stabilité des prix et baisse du chômage). Dans les années 50 et 60, la politique monétaire est avec la politique budgétaire un instrument privilégié du pilotage conjoncturel de l’économie. Les années 70 infirment (après Friedman et Phelps) le lien négatif entre chômage et inflation (ie période de stagflation liée à un choc d’offre négatif – choc pétrolier), en période de politique monétaire accommodante. La hausse du chomage est compatible avec la hausse des prix (la courbe de Phillips devient verticale). 1

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Cours 7 - La politique monétaire

La politique monétaire comme instrument de régulation conjoncturelle

La politique monétaire est plus ciblée que la politique budgétaire dont les objectifs peuvent être variés (soutien à la demande à court terme, action sur l’offre à long terme). Dans leur recherche de maintenir le pouvoir d’achat de la monnaie, les Banques centrales se sont focalisées sur la lutte contre l’inflation. Elles visent éventuellement un objectif de plein emploi.

La politique monétaire agit sur les conditions de financement dans l’économie réelle et met en jeu des canaux de transmission plus ou moins détournés alors que la politique budgétaire agit plus directement sur le niveau de la demande.

La politique monétaire est plus réactive et plus souple que la politique budgétaire mais les délais de transmission sont plus longs

La politique monétaire est plus prospective que la politique budgétaire. Elle accorde une place plus explicite aux anticipations des acteurs économiques. La définition et la communication de la stratégie monétaire sont donc particulièrement importantes.

L’importance de la politique monétaire se développe surtout dans les années 60 avec la mise en évidence d’une relation inverse entre inflation et chômage (Courbe de Phillips (1958) : analyse historique sur l'Angleterre entre 1867 et 1957 qui montrait une relation négative entre la hausse des salaires et le chômage, devenue par la suite une relation entre inflation et chômage) avec le dilemme selon lequel les gouvernements devaient choisir un peu plus d'inflation pour faire baisser le chômage ou, inversement, accepter davantage de chômage afin de venir à bout de l'inflation (arbitrage entre stabilité des prix et baisse du chômage). Dans les années 50 et 60, la politique monétaire est avec la politique budgétaire un instrument privilégié du pilotage conjoncturel de l’économie.

Les années 70 infirment (après Friedman et Phelps) le lien négatif entre chômage et inflation (ie période de stagflation liée à un choc d’offre négatif – choc pétrolier), en période de politique monétaire accommodante. La hausse du chomage est compatible avec la hausse des prix (la courbe de Phillips devient verticale).

Aujourd’hui, consensus sur le fait que la politique monétaire peut faire baisser le chômage à court terme, mais pas à long terme (sauf si phénomène d’hystérèse qui rend le taux de chômage de long terme dépendant du taux de chômage de court terme).

La politique monétaire peut affecter l’économie réelle à court terme (ie rigidité des prix à court terme) mais pas à long terme. A long terme, elle affecte le niveau des prix. Une politique monétaire expansionniste aura donc un effet inflationniste à long terme mais ne modifiera pas le rythme de croissance de l’économie.

La théorie des anticipations rationnelles (Barro et Lucas) souligne aussi l’importance de la crédibilité de la Banque Centrale pour l’ancrage des anticipations.

S’impose alors l’idée que le mandat des Banques centrales doit viser à lutter contre l’inflation.

Quelle cible d’inflation (explicite ou implicite) retenir ?

Une inflation pas trop forte, …

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Une inflation trop forte suscite une fuite devant la monnaie qui conduit les ménages à exiger une indexation des salaires sur les prix, la rédaction de contrats dans une devise stable ou un paiement en nature (Allemagne pendant les années 20, Amérique latine pendant les années 80-90).

Si elle est mal anticipée, elle génère de l’incertitude qui empêche les agents de planifier leurs dépenses, leurs décisions. Or, plus l’inflation est élevée, plus sa variabilité est importante

C’est une ponction sur les ménages les moins aisés. Suppose donc de bons mécanismes d’indexation pour se prémunir contre l’inflation.

… ni trop faible.

Le risque de trappe à liquidité et de mise en place d’une spirale déflationniste. La politique monétaire devient impuissante quand le taux d’intérêt nominal est trop bas (Keynes) car les agents n’arbitrent plus entre la monnaie et les titres. Une injection de liquidité est sans effet sur l’activité.

le taux d’intérêt nominal ne pouvant être négatif, le taux d’intérêt réel peut devenir négatif si l’inflation augmente. Or, en situation de très faible inflation ou de déflation, c’est-à-dire au moment où un taux d’intérêt réel nul ou négatif serait utile, ce taux ne peut être obtenu. D’où nécessité de disposer d’une marge de sécurité avec une inflation positive pour éviter une hausse des taux réels.

La rigidité des prix et des salaires. Les producteurs sont réticents à baisser leur prix et les contrats salariaux excluent des baisses de salaires. Une inflation trop basse peut être à l’origine d’une montée du chomage en raison de la rigidité des salaires nominaux.

De plus l’illusion monétaire peut conduire les salariés à préférer une situation ou les salaires augmentent de 1 % avec une inflation à 2 % plutôt qu’une baisse des salaires si l’inflation est nulle. L’inflation permet donc un ajustement plus en douceur des prix relatifs.

Un large accord existe pour considérer que l’inflation optimale est légèrement positive (entre 1,5 et 2 % dans les principales économies développées)

L’indépendance des BC

L’existence d’une relation à moyen et long terme entre l’inflation et la croissance de la masse monétaire exige celle-ci ne soit pas trop forte pour que la stabilité des prix soit assurée. Or, les gouvernements peuvent être tentés d’utiliser la création monétaire pour financer les dépenses publiques . Cette incitation pourrait aboutir à un ‘biais d’inflation’. Pour éviter ce biais, il est convenu d’attribuer la politique monétaire à des banques centrales indépendantes auxquelles est assignée comme objectif la stabilité des prix.

Indépendantes car:

- Liberté d’élaborer et de mettre en œuvre la politique monétaire (indépendance opérationnelle ou des instruments)

- Indépendance des dirigeants (dans le rapport au gouvernement)

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- Indépendance financière

Mais pas d’indépendance des objectifs et obligation de rendre des comptes: responsabilité et transparence sont la contrepartie de cette indépendance

L’indépendance de la BCE est inscrite dans l’article 107 du Traité sur l’Union européenne. Pour la Fed, indépendance de fait des dirigeants et indépendance opérationnelle de fait.

La BCE doit établir un rapport annuel sur ses activités et sur la PM de l’année précédente et de l’année en cours, qu’elle adresse au parlement européen, au conseil de l’UE, à la commission européenne et au conseil européen. La Fed doit présenter un rapport au Président de la Chambre des représentants et 2 fois par an, exposer ses intentions au Congrès

Pour la BCE, ‘l’objectif principal est de maintenir la stabilité de prix’ et ‘sans préjudice de l’objectif de stabilité de sprix, d’apporter son soutien aux politiques économiques générales de la Communauté, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté, à savoir un niveau d’emploi élevé, et une croissance durables et non inflationniste’ (article 105 du Traité sur l’UE). La BCE cherche à maintenir le taux d’inflation mesuré par l’IPCH à un niveau inférieur mais proche de 2 %. La Fed se voit attribuer 2 objectifs fondamentaux: promouvoir la croissance soutenable et l’emploi ‘maximum’ ainsi que la stabilité de prix (amendament en 1977aux statuts de la Fed). N’affiche pas de cible d’inflation, ni de définition quantitative de la stabilité des prix

Les objectifs de la politique monétaire

La Banque Centrale Européenne

La BCE a en charge la monnaie unique de l’Europe, l’euro introduite en 1999. Elle doit maintenir le pouvoir d’achat de l’euro et donc la stabilité des prix au sein de la zone. Ses objectifs sont :

le maintien de la stabilité des prix (inscrit dans le Traité de l’UE - Article 127) (objectif primaire)

sans porter préjudice à l’objectif de stabilité des prix, le soutien aux politiques économiques visant un haut niveau d’emploi et une croissance soutenable non inflationniste (objectif secondaire)

L’objectif de stabilité des prix se fait sur la base d’une hausse annuelle de l’Indice harmonisé des Prix à la Consommation (HIPC) pour la zone euro à moins de 2%. Elle vise à maintenir son taux d’inflation à un niveau inférieur mais proche de 2 % à moyen terme.

Les décisions sont prises par le Conseil des gouverneurs qui se réunit tous les mois. Depuis le 1er novembre 2011, MarioDraghi est président de la BCE. Son mandat est de 8 ans non renouvelable.

La politique monétaire: une expansion monétaire encore modérée de M3

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Fin 2014, la croissance annuelle de l’agrégat large (M3) s’est encore redressée, mais reste néanmoins modérée.

Dans le même temps, la progression annuelle des prêts s’est accentuée, confirmant un retournement de la dynamique des prêts début 2014. Les contraintes pesant sur l’offre de crédit s’atténuent progressivement et la demande de prêts s’améliore. Au total, les évolutions récentes indiquent que les mesures de politique monétaire de la BCE contribuent à rétablir le bon fonctionnement du mécanisme de transmission de la politique monétaire et à assouplir les critères d’octroi des crédits bancaires.

Les objectifs de la politique monétaire

La Reserve Fédérale des Etats-Unis

La Reserve Fédérale a été créée en 1913 pour fournir un système monétaire et financier plus sur et plus stable au pays qui sort d’une grave crise bancaire. Son mandat a changé et s’est étendu au fil des années. Depuis la fin des années 70, il vise à :

Conduire la politique monétaire en influençant les conditions monétaires et de crédits dans l’économie afin de poursuivre l’objectif d’emplois maximums, de prix stables et de taux d’intérêt à long terme modérés,

Superviser et réguler les institutions bancaires afin d’assurer la sécurité et la solidité du système monétaire et financier du pays et de protéger les droits des consommateurs,

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De maintenir la stabilité du système financier et de contenir le risque systémique qui pourrait atteindre les marchés financiers,

Fournir des services financiers aux institutions de dépots, au gouvernement américain et administrations étrangères, notamment en jouant un rôle majeur dans le système de paiements du pays.

La Fed ne se fixe donc pas d’objectif chiffré d’inflation, ni de hiérarchie dans les objectifs, contrairement à la BCE

Les décisions sont prises au sein du Federal Open Market Committee (FOMC) qui se réunit 8 fois par an. Janet Yellen est l’actuelle présidente de la Réserve fédrale et du FOMC. Elue en 2014, avec prise de fonction le 1er février 2014.

Les canaux de transmission de la politique monétaire

Les banques centrales agissent sur l’économie par des interventions sur le marché de la monnaie centrale où les banques commerciales échangent des liquidités à très court terme (24 heures). Le monopole dont disposent les instituts d’émission permet aux BC d’y contrôler soit le prix (le taux d’intérêt à court terme), soit la quantité de monnaie BC. L’impact de la politique monétaire dépend des caractéristiques de l’économie, mais aussi d’autres facteurs tels que la crédibilité et la réputation. Le délai de transmission est de six mois minimum mais un délai de 9 mois voire 1 an est plus habituel.

Le canal du taux d'intérêt peut être décomposé en deux étapes :

l’impact d’un mouvement des taux directeurs sur l’ensemble des taux d’intérêt

La banque centrale ne maîtrise réellement que les taux à très court terme, mais l’évolution des taux courts va influencer celle des taux d’intérêt à plus long terme. En effet les taux longs dépendent notamment des anticipations de taux courts à venir et des anticipations d’inflation.

et l’impact des taux d’intérêt sur l’activité et les prix.

La politique monétaire agit d’abord sur l’activité et ensuite sur les prix. Les effets des taux d’intérêt sur la consommation des ménages sont complexes puisque deux effets contraires sont en jeu : un effet revenu et un effet substitution. Dans le cas par exemple d’une hausse de taux, l’effet revenu a tendance à stimuler la consommation (la hausse du taux d’intérêt procure plus de revenus et incite à consommer plus aujourd’hui) tandis que l’effet susbtitution a tendance à la freiner (la hausse du taux d’intérêt accroît l’attractivité de l’épargne). L’effet susbtitution prime le plus souvent sur l’effet revenu, mais il ne joue que très graduellement et dépend des anticipations des agents quant au caractère durable ou non de la décision de la politique monétaire. Les effets de la politique monétaire sur l’activité touchent a priori plus rapidement les dépenses d’investissement, en particulier l’investissement logement. La hausse du coût de l’emprunt rend en effet plus difficile le financement des projets immobiliers. Pour les entreprises, la hausse des taux d’intérêt réduit le nombre de projets d’investissement profitables. La hausse des taux se transmet ensuite aux prix, le fléchissement de l’emploi et de l’activité entraînant un ralentissement de la croissance des salaires puis de l’inflation.

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Le canal du taux de change

Une variation des taux directeurs se répercute aussi, et de façon souvent plus rapide, sur l’activité et les prix par le canal du taux de change.

Un hausse du taux d’intérêt se traduit généralement par une hausse du taux de change, car les rendements attendus sont plus attractifs. Cette hausse du taux de change freine les exportations, donc l’activité et donc l’inflation. A cet effet indirect sur les prix s’ajoute un effet direct, celui de la désinflation importée.

Hausse des importations

Les instruments dont disposent les banques centrales sont variés

L’encadrement du crédit

Les réserves obligatoires

Le taux d’intérêt directeur

Les opérations d’open market

Les politiques non conventionnelles

Les exercices de communication (forward guidance)

L’encadrement du crédit. Les banques limitent la distribution de crédits aux différents agents de l'économie. L'encadrement du crédit, longtemps utilisé en France, a été supprimé en 1987.

Les réserves obligatoires : les banques sont contraintes de stériliser une partie de leurs dépôts sur un compte pas ou très faiblement rémunéré auprès de la banque centrale. En pratique, cet instrument est peu utilisé car il ne permet pas un contrôle fin de la liquidité.

La procédure des appels d’offre : la banque centrale prend en pension des titres détenus par les banques pour une durée courte, en échange de quoi elle distribue du cash sur le marché interbancaire. Il s’agit d’un prêt accordé aux banques, moyennant un taux d’intérêt annoncé par la banque centrale, et gagé sur un titre de créance. Ce taux est le taux de refinancement, ou taux directeur. La banque centrale entre en concurrence avec le marché interbancaire en tant que pourvoyeur de liquidités et influence par là la formation des taux sur le marché interbancaire. Si la banque centrale baisse le taux de refinancement, les prêteurs sur le marché interbancaire ne vont pas parvenir à placer leurs liquidités sans baisser eux-mêmes leurs prétentions. Si la banque centrale augmente le taux de refinancement, les prêteurs sur le marché interbancaire vont pouvoir augmenter leurs prétentions. La procédure des appels d’offre permet donc d’alimenter en liquidités le système bancaire, mais de manière marginale ; son rôle central n’est pas de contrôler directement la masse monétaire, mais d’influencer la formation des taux d’intérêt. Les variations de ce coût sont ensuite répercutées sur les conditions de crédit effectives à la clientèle qui déterminent le rythme de la demande de crédit et donc le rythme d’expansion de la masse monétaire (multiplicateur du crédit). La banque centrale influence relativement facilement les taux courts, beaucoup moins les taux longs qui incorporent les anticipations des marchés. Or beaucoup de comportements macroéconomiques dépendent des taux longs (investissement productif et immobilier, épargne…). Le taux de refinancement est le principal outil de la politique monétaire qui influence le coût à court terme des ressources en liquidités pour les

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banques sur le marché interbancaire, cœur du système financier où les banques peuvent s’échanger des liquidités à court terme selon leurs besoins

Les opérations d’open market, achats ou ventes de titres sur le marché monétaire. Ces opérations agissent à la fois sur le montant des liquidités et sur le montant des titres détenus dans le portefeuille de la Banque centrale. Utilisé aux Etats-Unis mais pas dans la zone euro, sauf depuis la crise de 2008

Et les mesures non conventionnelles …

A la recherche d’un taux d’intérêt optimal ou comment apprécier la politique monétaire ? la règle de Taylor

Comment pour la banque centrale apprécier le bon niveau du taux directeur ?

Comment pour les autres agents économiques, et en particulier les conjoncturistes, anticiper son évolution ?

Construction en deux étapes : la recherche d’un taux réel neutre et la détermination d’un taux optimal qui tienne compte de la conjoncture

Le taux neutre (rn) : défini comme le niveau du taux d’intérêt réel à court terme qui devrait prévaloir en l’absence de tensions inflationnistes prévisibles, lorsque le PIB correspond à son potentiel. Les estimations de ce taux d'intérêt neutre sont assez diverses, allant de 2 à 5 %.

Peut être estimé en faisant la moyenne des taux courts réels sur plusieurs cycles consécutifs, puisque la croissance moyenne du PIB sur plusieurs cycles correspond à la croissance de long terme (ou potentielle) : de cette façon on obtient un taux d’intérêt compatible avec la croissance potentielle

En plus du taux réel d’intérêt neutre, il faut tenir compte de la conjoncture illustrée par l’écart entre le PIB et le PIB potentiel (y-yp, avec les variables exprimées en logarithme pour exprimer un écart de taux de croissance) : un PIB plus élevé que son potentiel est inflationniste et appelle un taux d’intérêt effectif plus élevé que le taux neutre

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Enfin il faut prendre en compte l’objectif final de la banque centrale, c’est-à-dire la cible d’inflation, en positionnant l’inflation courante par rapport à ce taux cible (p-pcible) : si l’inflation courante est supérieure à l’inflation cible, la banque centrale relèvera son taux

La formule de Taylor reprend ces divers éléments pour les synthétiser dans une fonction de réaction de la banque centrale :

r – p = rn + 0,5(y-yp)+0,5 (p-pcible)

Les coefficients de la formule de Taylor sont obtenus par calibrage pour retracer au mieux l’évolution du taux directeur (des procédures d’estimation plus sophistiquées peuvent être mises en œuvre en recourant à l’économétrie pour mieux coller aux spécificités nationales qui ne sont pas forcément traduites par la règle originelle de Taylor élaborée sur données américaines)

A l’origine, le taux de Taylor n’était que purement descriptif, mais est devenu un benchmark auquel est comparé le taux observé pour juger de l’adéquation de la politique monétaire aux données économiques fondamentales : si le taux effectif est supérieur au taux de Taylor, la politique monétaire pourra être jugée comme restrictive alors que dans le cas inverse, elle serait accommodante

Enfin, la règle de Taylor est un outil d’anticipation du comportement prévisible de la banque centrale

A partir de cette règle, on peut essayer de juger le caractère expansionniste, restrictif ou neutre de la politique monétaire européenne. Un taux d'intérêt directeur supérieur à celui suggéré par la règle sous-tend une politique monétaire restrictive, alors qu'un taux inférieur signale une politique accommodante.

La règle de Taylor a un côté opérationnel très utile pour l'analyse conjoncturelle, mais c’est un outil fragile (un écart durable à la règle peut témoigner d’une insuffisance de la règle et non d’une orientation particulière de la politique monétaire) qui dépend de la sensibilité des paramètres retenus (mesure de la croissance potentielle, mais aussi taux d’intérêt réel neutre, cible d’inflation et mesure de l’inflation). Même dans les pays où elle semble bien fonctionner, la politique monétaire peut délibérément et avec raison s’en écarter (cas de la politique monétaire américaine depuis la mi-2001). Ce n’est donc qu’un indicateur parmi d’autres de l’orientation de la politique monétaire.

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En retenant un écart au potentiel de négatif de 3,2 % de PIB en zone euro (OCDE) et une cible d’inflation à 2 %, la règle classique de Taylor indique que le taux de refinancement devrait être inférieur d’environ 200 pb à son niveau actuel (0,0% depuis septembre 2014), et donc s’établir autour de -2%. Dans la mesure où il est probable

que l’inflation diminue encore, reflétant la baisse des prix du pétrole, le taux directeur devrait même être encore plus bas.

Pas d’autres solutions que de recourrir aux mesures non conventionnels

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Les politiques non conventionnelles en dernier recours menées par la BCE et la Fed

Les politiques conventionnelles :

- Baisse des réserves obligatoires : en novembre 2011, la BCE a ramené les RO de 2 à 1 % des dépôts bancaires

- Opérations d’open-market (achats ou ventes de titres financiers de grande qualité, usuellement AAA) pour influencer les conditions de financement. Elle peut aussi accorder des

- facilités permanentes aux banques commerciales.

Ces opérations peuvent modifier la taille du bilan de la banque centrale, notamment par le biais de la création monétaire. Il y a donc là un écueil dans la distinction entre politiques conventionnelle et non-conventionnelle : l’augmentation de la taille du bilan de la banque centrale ne suffit pas pour caractériser une politique non-conventionnelle.

Les politiques non conventionnelles :

- politique d’assouplissement quantitatif (Quantitative easing) à partir d’un supplément de liquidités fourni par la banque centrale aux banques commerciales. sert à augmenter les réserves de celles-ci auprès de la banque centrale, à charge pour elles d’utiliser in fine ces réserves à l’acquisition ultérieure de titres ou à l’octroi de crédits. Ces réserves, qui sont des actifs sûrs des banques commerciales, permettent d’assainir leurs propres bilans : la proportion d’actifs risqués diminue, celle des actifs sûrs augmente.

- l’assouplissement qualitatif (qualitative easing), vise à modifier la structure du bilan de la banque centrale, généralement côté actif, mais sans modifier la taille du bilan. Il peut s’agir pour la banque centrale d’acquérir des titres plus risqués (notés en deçà de AAA) au détriment de titres moins risqués (AAA). Ce faisant, la banque centrale atténue la part de risque au bilan des banques auprès desquelles elle a acquis ces titres risqués. La banque centrale peut aussi, côté passif, accepter des titres financiers plus risqués en collatéral des prêts consentis aux banques.

- l’assouplissement du crédit (credit easing). La taille du bilan de la banque centrale et le risque induit augmentent de concert.

- politique de forward guidance qui consiste à annoncer que le taux d’intérêt directeur de la banque centrale ne diminuera pas tant que le taux de chômage ne sera pas passé sous un certain seuil chiffré (Bank d’Angleterre ou Fed) ou à annoncer un programme conditionnel de rachat illimité de titres de dette publique

- Plusieurs types d'interventions peuvent ainsi être proposés :

- ■ d’un côté, la Fed et la Banque d’Angleterre ont pris le parti d’intervenir, dans une première phase, principalement par le biais – conventionnel – de prêts aux banques faisant face à des problèmes de liquidité. Dans un second temps, ces banques centrales ont privilégié les achats de titres sur les marchés pour faire baisser les taux d’intérêt de long terme et stimuler l’économie. Par exemple, la Réserve fédérale a mis en oeuvre des programmes d’achats de titres de dette du gouvernement américain (le premier a débuté en mars 2009) et de mortgage backed securities (actifs adossés à des crédits hypothécaires immobiliers). Le portefeuille de titres de la Réserve fédérale est en juin

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2014 d’environ 4 000 milliards de dollars, soit environ 90 % de son bilan. De la même manière, la Banque d’Angleterre a mis en place en janvier 2009, par le biais de l’Asset Purchase Facility, un dispositif de très grande ampleur d’achats de titres d’État britanniques et dans une moindre mesure de billets de trésorerie et d’obligations d’entreprises qui a atteint, depuis juillet 2012, 375 milliards de GBP, soit 90 % de l’actif de la BoE.

■ d’un autre côté, la BCE a appuyé l’essentiel de ses interventions sur des prêts collatéralisés (c'est-à-dire contre garanties) au secteur bancaire. Sous réserve d’apporter suffisamment de garanties, toute la demande de liquidité des banques est servie. Cette politique est donc intégralement dépendante de la demande de liquidités en provenance des banques commerciales, et rompt donc avec la politique antérieure d’offre limitée de liquidités aux banques. Cette politique n’est pas tout à fait non-conventionnelle, dans la mesure où elle n’accroît pas la taille des réserves excédentaires des banques commerciales ou le risque porté par la BCE.

Par ailleurs, la BCE a mené des politiques non-conventionnelles après qu’elle ait décidé d’accroître la maturité maximale de ses prêts (3 mois initialement), avec des opérations à un an mises en oeuvre en juin, septembre et décembre 2009 (LTRO) et des opérations à trois ans en décembre 2011 et février 2012 (VLTRO).

La BCE a aussi créé des programmes d’achats de titres:

- les achats d’obligations bancaires sécurisées (CBPP) en juin 2009 et les CBPP2 en novembre 2011 ont été conçus comme une réponse complémentaire aux coûts de financement des banques jugés trop élevés et donc incompatibles avec l’orientation de la politique monétaire ;

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- le Securities Markets Programme (SMP) lancé en mai 2010 portait sur des montants limités d’achat de titres de dette publique sur les marchés secondaires, montants supposés être stérilisés par la BCE ; le SMP a été pensé comme une réponse aux tensions sur les marchés de dette souveraine, qui remettaient en cause la bonne transmission de la politique monétaire dans la zone euro;

- l’Outright Monetary Transactions (OMT), nouveau programme d’achats de titres souverains, d'août et septembre 2012, dont le but est de limiter les primes de risque jugées excessives sur certaines dettes obligataires souveraines;

- enfin, face au risque croissant de déflation dans la zone euro, la BCE a décidé, le 4 septembre 2014, de mettre en place un nouveau programme d’achats de titres de dettes d’entreprises européennes et de prêts immobiliers résidentiels (Asset Backed Securities Purchase Programme – ABSPP) et un nouveau programme d’achats d’obligations bancaires sécurisées (CBPP3, Covered-Bond Purchase Programme) avec pour objectif de libérer du bilan des banques commerciales ces dettes et donc de les inciter à prêter aux entreprises, notamment les PME.

Politique conventionnelle: fournir des liquidités à TCT aux banques via des opérations de refinancement d’une durée d’une semaine (cash contre prise en pension de titres). Par là la BCE agit sur l’offre et la demande de crédit en manoeuvrant principalement les taux d’intérêt.

A la frontière entre politique conventionnelle et non conventionnelle, on trouve les opérations de refinancement à plus long terme (LTRO). Dans le cadre conventionnel, les LTRO ont une maturité de 3 mois. Mais depuis 2007, extension des prêts à 3 ans ou 4 ans. En 2011 et 2012, 1100 milliards d’euros ont été distribués aux établissements financiers de la ze pour une durée de 3 ans (sorte de QE à durée déterminée). Or ces opérations arrivent aujourdhui à échéance. Il est donc urgent pour la BCE de réinjecter massivement de la liquidité dans le système.

C’est pourquoi depuis janvier 2015, la BCE développe une politique cette fois véritablement non conventionnelle. Tout d’abord, elle procède à des achats fermes de titres (souverains surtout). Ensuite, ces achats sont massifs (1140 milliards répartis sur 19 mois). L’objectif: en captant une partie de l’encours des obligations d’état détenus par les intermédiaires financiers, la BCE oblige les investisseurs à recomposer leur portefeuille en faveur des titres corporate (actions et obligations d’entreprises), ceci afin de faire baisser les taux des états e des entreporises. Elle pousse en même temps le prix des actifs et les cours de bourse et augmente le volume de financement auquel ont accès les agents privés. En diminuant de surcroît l’ensemble des rendements, notamment à long terme, et en émettant de l’euro, elle favorise la dépréciation de la devise européenne. C’est en jouant sur ces quatre canaux de transmission qu’elle espère aujourd’hui extraire la zone euro du piège déflationniste qui se refermait sur elle,  et favoriser ainsi la reprise économique

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Mais l’augmentation ou la taille du bilan ne permettent qu’imparfaitement de rendre compte de l’impulsion monétaire supplémentaire qui résulte des mesures non-conventionnelles. Une littérature récente se développe pour déterminer un équivalent de ces actions en termes de taux d’intérêt directeur. On parle alors de taux implicite ou de shadow rate. Ainsi, il apparaît que la BCE a bien mené une politique monétaire plus expansionniste grâce à ces mesures puisque le taux implicite est négatif. Pour autant, la politique de la BCE a été relativement moins expansionniste que celle de la Banque d’Angleterre ou celle de la Réserve fédérale.

En zone euro, la majeure partie du financement de l’activité du secteur privé est assurée par les banques : cela explique que la BCE intervienne principalement en prêtant au secteur bancaire. À l’inverse, le financement de l’économie américaine est plus largement « désintermédié » et explique l’importance des achats de titres de la Fed.

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