POLITIQUE, ET PHYSIQUE DE L’EMPIRE DE LA CHINE · Chine, la Tartarie chinoise, la Corée, & le...
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DESCRIPTIONGOGRAPHIQUE
HISTORIQUE, CHRONOLOGIQUEPOLITIQUE, ET PHYSIQUE
DE LEMPIRE DE LA CHINEET
DE LA TARTARIE CHINOISE
par le pre J.-B. DU HALDE,de la Compagnie de Jsus
TOME premier
1735
http://books.google.fr/books?id=-UE0AAAAMAAJ&pg=PA451&lpg=PA451&dq=saint+evremond+confucius&source=bl&ots=8IOxKD73pJ&sig=eGDrpQ_vSz76dZtXp5LOh-dbi-g&hl=fr&ei=qM2tS_XtB4qt4QbE5N28Dw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=2&ved=0CBAQ6AEwAQ%23v=onepage&q=&f=falsehttp://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54962623.image.r=du+halde+description.f728.langFR
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Description de lempire de la ChineTome premier
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partir de :
DESCRIPTION GEOGRAPHIQUE, HISTORIQUE,CHRONOLOGIQUE, POLITIQUE, ET PHYSIQUEDE LEMPIRE DE LA CHINE ET DE LA TARTARIECHINOISE
enrichie des cartes gnrales et particulires de ces pays, de la cartegnrale & des cartes particulires du Thibet & de la Core, & ornedun grand nombre de figures & de vignettes graves en taille-douce.En trois ou quatre volumes in-folio.
par le P. Jean-Baptiste DU HALDE, de la Compagnie de Jsus(1674-1743)
Tome premierA Paris, chez P. G. LEMERCIER, Imprimeur-libraire, rue saint Jacques,au livre dOr. MDCCXXXV.
Avec approbation et privilge du Roi.
VOIR LA TABLE DES MATIERES
mise en format texte parPierre Palpant
www.chineancienne.fr
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Description de lempire de la ChineTome premier
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p.1 Les connaissances quon a donn jusquici de la Chine nont t
que fort imparfaites, & ont servi plutt exciter la curiosit du public
qu la satisfaire : Cest ce qui a dtermin lauteur travailler sans
relche depuis plusieurs annes une description complte de ce grand
empire & de la Tartarie, qui lui est maintenant soumise.
Les recherches quil a faites avec discernement dans des mmoires
imprims, ou p.2 manuscrits dauteurs qui ont demeur la Chine, &
surtout le commerce assidu quil a depuis vingt-deux ans avec les
missionnaires rpandus dans toutes ses provinces, lont mis en tat de
remplir fidlement un si vaste dessein.
Il a eu un autre avantage, auquel il ne devait pas sattendre.
Un ancien missionnaire jsuite & fort expriment 1, qui a pass
prs de trente-deux ans la Chine, partie dans la capitale, partie dans
les diffrentes provinces de lempire, ayant t dput lanne dernire
en France pour des affaires particulires de sa mission, a eu tout le
loisir, pendant le sjour dun an quil a fait Paris, de lire plus dune
fois & dexaminer cet ouvrage avec la plus srieuse attention et avec la
plus svre critique.
En profitant de ses lumires, ou pour discuter certains faits douteux,
ou pour y ajouter des particularits intressantes, le pre du Halde
sest assur de lentire exactitude de ce quil avance.
1 Le pre Contancin.
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Les cartes toutes nouvelles au nombre de quarante & une qui font
partie de louvrage, seraient capables elles seules denrichir la
Rpublique des Lettres. On sait que nos plus habiles gographes
nont connu que trs confusment tous ces vastes pays que renferme la
Chine, la Tartarie chinoise, la Core, & le royaume de Thibet. Les
missionnaires qui ont t employs par les ordres & aux frais de
lempereur Cang-hi en dresser les cartes, ont parcouru la mesure
actuelle la main ces pays immenses de la Chine & de la Tartarie, &
nont pargn ni soins ni fatigues pour nous les donner, comme ils font,
avec une exactitude & une prcision, quon ne trouve gure dans les
cartes que nous avons depuis longtemps des pays les plus connus.
Mais pour mieux donner le plan dun ouvrage qui est en tat de
paratre, & qui ne peut tre retard que par la gravure des cartes & dun
grand nombre de figures dont il sera orn, le pre du Halde a cru devoir
dfrer au sentiment de personnes dun grand mrite qui lui ont conseill,
1 dinstruire le public en dtail de toutes les matires quil renferme.
2 dexpliquer la mthode que les missionnaires mathmaticiens ont
observe en dressant les cartes. Cest ce quon va faire le plus
succinctement quil sera possible.
I
Il y aura la tte de louvrage & avant la prface une premire
carte gnrale, qui comprend la Chine, la Tartarie, la Core, le
Royaume de Thibet & autres pays de la Tartarie, jusqu la Mer
Caspienne.
Aprs la prface sera la carte gnrale de la Chine. Puis viendront
toutes les matires quon traite en autant darticles spars dans lordre
suivant.
Ide gnrale de lempire de la Chine, qui reprsente sommairement
& en gros ce quon expliquera plus en dtail dans le cours de louvrage.
Description dtaille de la grande & fameuse Muraille qui spare la
Chine de la Tartarie, avec le plan dune partie de cette Muraille, & des
forts qui la soutiennent du ct de Yong-ping-fou.
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Histoire abrge
1 Des peuples Si-fan ou Tou-fan, qui formaient anciennement
un vaste royaume, redoutable mme aux empereurs de la
Chine, mais que des divisions intestines ont forc dans la suite
se soumettre la domination chinoise.
2 De la nation des Lo-los, autrefois indpendante, &
maintenant soumise lempereur de la Chine.
3 De la nation des Miao-Ssee, dont les uns sont soumis, &
les autres vivent dans lindpendance labri des montagnes
inaccessibles quils habitent.
Route que tinrent les pres Bouvet, Fontaney, Gerbillon & le Comte,
depuis le port de Ning-po jusqu Peking, avec une description trs
exacte & trs circonstancie de tous les lieux par o ils passrent dans
les provinces de Tche-kiang, de Kiang-nan, de Chan-tong, & de Pe-
tche-li.
Route que tint le pre Fontaney, depuis p.3 Peking jusqu Kiang-
tcheou dans la province de Chan-si, & depuis Kiang-tcheou jusqu
Nan-king, capitale de la province de Kiang-nan.
Route que tint le pre Bouvet depuis Peking jusqu Canton, lorsquil
fut envoy par lempereur Cang-hi en Europe en lanne 1693.
Route depuis Siam jusqu la Chine, titre des mmoires de
quelques Chinois qui en ont fait le chemin.
On y a remarqu avec tant de soin tout ce qui concerne la nature du
pays, & jusquaux moindres particularits qui sy trouvent, quen les
lisant il semble quon fasse soi-mme ces voyages.
Description gographique des quinze provinces de la Chine, & des
principales villes de chaque province. Aprs la description de chacune
de ces provinces, on trouvera la carte particulire de la province avec le
plan de quelques unes de ses villes.
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De lantiquit & de ltendue de la monarchie chinoise.
De lautorit de lempereur, des sceaux de lempire, de ses dpenses
ordinaires, de son palais, de ses quipages & de sa marche lorsquil sort
de son palais.
De la forme du gouvernement de la Chine, des diffrents tribunaux,
des mandarins & des honneurs quon leur rend, de leur pouvoir, & de
leurs fonctions.
Du gouvernement militaire, des forces de lempire, des forteresses,
des gens de guerre, de leurs armes, & de leur artillerie.
De la police de la Chine, soit dans les villes pour y maintenir le bon
ordre, soit dans les grands chemins pour la sret & la commodit des
voyageurs, des douanes, des postes, &c.
De la noblesse.
De la fertilit des terres, de lagriculture, & de lestime quon fait de
ceux qui sy appliquent.
De ladresse des artisans, & de lindustrie du menu peuple.
Du gnie & du caractre de la nation chinoise.
De lair & de la physionomie des Chinois, de leurs modes, de leurs
maisons & des meubles dont elles sont ornes.
De la magnificence des Chinois dans leurs voyages, dans les
ouvrages publics, tels que sont les ponts, les arcs de triomphe, les
portes, les tours & les murs des villes ; dans leurs ftes, &c.
Des crmonies quils observent dans leurs devoirs de civilits dans
leurs visites, & les prsents quils se font les uns aux autres ; dans les
lettres quils scrivent ; dans leurs festins ; dans leurs mariages & dans
leurs funrailles.
Des prisons o lon renferme les criminels, de lordre qui sy
observe, & des chtiments dont on les punit.
De labondance qui se trouve la Chine, & ce quelle produit dutile
aux besoins & aux dlices de la vie.
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Des lacs & des rivires dont lempire est arros, des barques & des
vaisseaux, ou sommes chinoises.
De la monnaie qui en diffrents temps a eu cours dans lempire ; on
en gravera quelques-unes des plus extraordinaires.
Du commerce des Chinois, soit au dedans de la Chine, soit au
dehors ; & comme ce commerce consiste principalement dans les
ouvrages de vernis, dans la porcelaine, & dans les soieries, on expliquera
comment se fait leur vernis & leur porcelaine, quoi lon ajoutera
lextrait dun ancien livre chinois qui enseigne la manire dlever & de
nourrir les vers soie, pour lavoir & meilleure & plus abondante ;
Du gnie de la langue chinoise, & de la manire de prononcer &
dcrire les mots chinois en caractre dEurope.
Abrg de la grammaire chinoise.
Du papier, de lencre & des pinceaux, de limprimerie & de la reliure
chinoise.
De quelle manire on fait tudier les jeunes Chinois, des divers
degrs par o ils passent & combien ils ont dexamens soutenir pour
parvenir au doctorat.
Extrait dun livre chinois sur ltablissement des coles publiques,
qui contient : 1 La forme de cet tablissement, le choix des matres, &
lordre quon y doit observer pour linstruction des enfants. 2 Quelques
p.4 exemples dun recueil dhistoires courtes & la porte des enfants,
quon doit leur faire apprendre pour les former aux bonnes murs. 3
Lexamen des tudiants qui aspirent aux divers degrs, & comment il se
doit faire. 4 Le modle dun discours tel quon peut le faire dans le Hio,
ou salle des assembles des lettrs. 5 Le projet & les rglements dune
acadmie ou socit de savants.
De la littrature chinoise.
On donne le prcis de ces livres si anciens, & que les Chinois
rvrent infiniment tant cause de leur anciennet, que pour
lexcellente doctrine quil prtendent y tre enseigne. Ils les appellent
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Description de lempire de la ChineTome premier
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Ou-King, cest--dire les cinq livres par excellence. Ces livres quils
regardent comme canoniques du premier ordre sont :
1 Ly-King qui est un ouvrage purement symbolique, dont on donne
la connaissance quen ont les Chinois.
2 Le Chu-King, qui contient ce qui sest pass de mmorable sous
les premiers empereurs & lgislateurs de la nation chinoise, leurs
instructions sur le gouvernement, leurs lois, & leurs rglements pour les
murs, dont ces premiers hros ont t autant de modles. Outre le
prcis quon donne de la doctrine de ce livre, on en rapporte divers
extraits.
3 Le Chi-King, qui contient des odes ou des posies o lon fait
lloge des hommes illustres, & o lon tablit les lois & les coutumes de
lempire. On a fait choix de quelques-unes de ces odes quon a
fidlement traduites.
4 Le Tchun-tsiou, qui est infrieur aux trois premiers, mais qui ne
laisse pas dtre fort estim des savants. Il contient les annales du
royaume de Lou, maintenant la province de Chan-tong.
5 Le Li-ki, qui est comme un mmorial des lois, des crmonies, &
des devoirs de la vie civile.
Aprs avoir fait le prcis de ces livres, qui sont dune antiquit trs
recule, & quon appelle Canoniques du premier ordre, on vient aux
quatre livres classiques ou Canoniques du second ordre, appels Sse-
Chu lesquels ne sont proprement parler que des explications & des
maximes fondes sur ces anciens monuments. Ces livres sont de
Confucius, ou ont t recueillis par ses disciples des maximes & des
entretiens de ce philosophe. On suit par ordre les chapitres ou les
articles de chacun de ces livres, & lon donne en abrg ce quils ont de
plus essentiel.
On commence dabord par la vie de Confucius ce clbre philosophe,
que les Chinois regardent comme leur matre, & pour lequel ils ont la
plus profonde vnration.
On vient ensuite ses ouvrages. Le premier, sappelle Ta-ho ;
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Description de lempire de la ChineTome premier
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cest--dire, la grande science, ou la science des adultes.
Le second, se nomme Tchong-yong, qui signifie le milieu immuable,
ce juste milieu qui se trouve entre deux choses extrmes, & en quoi
consiste la vertu.
On nomme le troisime, Lun-yu, cest--dire discours moraux &
sentencieux.
Le quatrime, est intitul Meng-tsee ou livre du philosophe Mencius,
qui donne lide dun parfait gouvernement.
Aprs avoir parl de ces quatre livres, on passe deux autres qui
sont fort estims, & que les Chinois mettent au nombre des livres
Classiques.
Le premier, sappelle Hiao-King ; cest--dire, du respect filial, &
contient les rponses que fit Confucius son disciple Tseng.
Le second, se nomme Siao-Hio, qui signifie la science ou lcole des
enfants.
Cest l proprement ce quon appelle la science chinoise, qui
renferme les principes fondamentaux de leur gouvernement, & qui
maintient un si bel ordre dans lempire. Cette partie qui pourrait
paratre sche & ennuyeuse, sera peut-tre celle qui occupera le plus
agrablement le lecteur, & on se persuade que lingnieux crivain 1
des uvres mles, sil vivait encore, changerait de sentiments &
dide sur la doctrine du clbre philosophe Confucius.
Mais comme on pourrait se figurer que le gouvernement de la Chine,
appuy dabord sur ces principes, a d saffaiblir p.5 pendant une si longue
suite de sicles, & sous tant de diffrents rgnes, les Chinois eux-mmes
nous apprendront quils ne se sont jamais relchs de la sagesse de ces
maximes. Cest ce quon verra en parcourant chaque dynastie dans un
recueil fait par les ordres & sous les yeux de lempereur Cang-hi dont le
rgne qui a prcd celui daujourdhui, a t si long & si glorieux.
1 Saint-vremond.
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Description de lempire de la ChineTome premier
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On trouve dans ce recueil qui est traduit avec beaucoup
dexactitude. 1 Les dits, les dclarations, les ordonnances, & les
Instructions de diffrents empereurs, envoyes aux rois ou aux princes
tributaires, soit sur le bon & le mauvais gouvernements & sur le soin de
se procurer pour ministres des gens de mrite ; soit pour recommander
aux peuples le respect filial & lapplication lagriculture & aux
magistrats le dsintressement & lamour des peuples. 3 Des discours
des plus habiles ministres tantt au sujet des calamits publiques & des
moyens de soulager les peuples & de fournir leurs besoins, tantt sur
lart & la difficult de rgner, sur la guerre, sur lavancement des
lettrs, sur les qualits propres dun ministre ; ou bien contre les sectes
qui corrompaient lancienne doctrine, & surtout contre la secte de lidole
Foe, ou comme dautres lappellent Fo ; sur la fausset des augures, &
contre ceux qui les font valoir, &c. La plupart de ces pices sont
termines par de courtes rflexions de lempereur Cang-hi, qui les a
crites du pinceau rouge, cest--dire, de sa propre main.
On joint ce curieux recueil des extraits dune compilation faite
sous la dynastie des Ming, o lon traite des devoirs des souverains, des
ministres dtat, des gnraux darme, & du choix quon en doit faire,
de la politique, des princes hritiers, des remontrances faites aux
empereurs par leurs ministres, du bon gouvernement, des filles des
empereurs, de ceux qui abusent de la faveur du prince avec diffrents
discours des ministres les plus distingus concernant le bien de ltat.
On y ajoute un autre extrait dun livre Chinois intitul, Les femmes
fortes, o lon verra que sous diffrents rgnes, les dames chinoises se
sont conduites & ont gouvern leurs familles selon ces maximes.
On jugera aisment par cette espce de tradition que les principes
fondamentaux du gouvernement, stant toujours maintenus la Chine
par une observation constante, il nest pas surprenant quun si vaste tat
ait subsist depuis tant de sicles, & subsiste encore dans tout son clat.
Des religions approuves ou tolres la Chine. On expose selon
lordre des temps la doctrine des diffrentes sectes de cet Empire & lon
traite : 1 Du culte des anciens Chinois. 2 De la secte des Tao-ssee,
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Description de lempire de la ChineTome premier
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dont on dcrit le systme. 3 De la secte de lidole Foe dont on explique
ce que ces idoltres appellent doctrine intrieure & doctrine extrieure.
4 De la secte de quelques lettrs modernes qui se sont fait une espce
de philosophie, au moyen de laquelle en sattachant moins au texte des
anciens livres qu la glose & aux commentaires de quelques auteurs
rcents, ils prtendent tout expliquer par les causes naturelles. Et pour
mieux faire sentir jusquo sgarent ces demi-savants, on donne la
traduction dun de leurs ouvrages.
Dialogue o un philosophe chinois moderne expose son systme sur
lorigine & sur ltat du monde.
Histoire de ltablissement de la religion chrtienne la Chine, & des
progrs quelle y a fait jusqu prsent.
De la philosophie morale des Chinois, & en quoi elle consiste. On ne
peut en tre mieux instruit que par les Chinois mmes, & cest pour
quoi lon donne la traduction de deux ouvrages qui renferment les
principes de leur morale & dont les Auteurs sont trs clbres.
Le premier & le plus ancien, est intitul : Recueil de maximes, de
rflexions, & dexemples en matire de murs.
Le second, lequel a t compos tout rcemment par un philosophe
moderne qui est en grande rputation, a pour titre : Caractres &
murs des Chinois. Il traite en autant de chapitres. 1 Des devoirs des
parents & des enfants, des frres entreux, du p.6 mari & de la femme,
des amis & des proches. 2 De ce quil faut faire pour rgler son cur.
3 Du soin de perfectionner son extrieur. 4 De lamour des Lettres.
5 De la manire de gouverner sa maison, & lappartement spar des
femmes. 6 Des maisons de ville & de campagne. 7 Des rgles de
conduite auxquelles on ne fait pas assez dattention. 8 Des entretiens
quon a dans le commerce de la vie. 9 Des devoirs d la vie prive.
10 De la lecture des livres. 11 De la manire de se conduire dans
lusage du monde. 12 De la persvrance dans la pratique du bien.
13 De la civilit & de ses devoirs. 14 De la modration & du milieu
quil faut tenir en toutes choses. 15 De la manire dont il faut se
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comporter avec les gens de diffrents caractres. 16 Enfin des
ouvrages desprit & de quelques rgles de conduite.
De la connaissance des Chinois dans les autres sciences, telles que
sont la logique, la rhtorique, la musique, la gomtrie, lastronomie, &c.
quoi lon ajoutera en dtail ce que firent les premiers missionnaires
jsuites pour les aider perfectionner ces sciences & pour leur
apprendre les autres parties des mathmatiques quils ignoraient.
Du got des Chinois pour la posie & pour lhistoire, soit pour
lhistoire universelle de leur nation, soit pour composer de petites
histoires semblables nos romans, mais lesquelles bien que mles
dun grand nombre dincidents qui surprennent, nont pour but que la
fuite dun vice ou la pratique dune vertu. Afin de connatre le gnie
quont les Chinois pour ces sortes dhistoires, on en rapporte quatre qui
sont exactement traduites, & quon lira avec plaisir.
La premire, fait voir quen pratiquant la vertu on illustre la famille.
La seconde, raconte un jugement o le crime tant dabord absous,
le Ciel, au moment quil triomphe, le confond & le punit.
Dans la troisime, linnocence accable & prte succomber, vient
tout coup tre reconnue par une protection particulire du Ciel.
La quatrime est dun philosophe, qui aprs les bizarres obsques
de sa femme sadonne la philosophie & devient trs clbre.
De la mdecine des Chinois : systme gnral de leurs mdecins. Ce
quils ont de singulier, savoir leur habilet juger des maladies par les
battements du pouls, & connatre lutilit des simples pour composer
leurs remdes. Trois ouvrages de mdecins chinois en ce genre, feront
connatre lide quon doit se former de leur science en fait de mdecine.
Le premier, est un trait intitul Le secret du pouls. Lauteur est trs
ancien, & a compos cet ouvrage quelques sicles avant lre chrtienne.
Le second, est un extrait de lHerbier chinois.
Le troisime, est un recueil de plusieurs recettes de ces mdecins,
propres gurir diverses maladies.
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Description de lempire de la ChineTome premier
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Cartes gnrales de la Tartarie chinoise.
Observations gographiques sur la Tartarie, faites par les missionnaires
qui en ont dress les cartes.
Mmoire gographique sur les terres occupes par les princes
mongous, rangs sur 49 Ki, cest--dire, sous 49 tendards ou
bannires.
Observations historiques sur la Tartarie.
Premier voyage du pre Verbiest dans la Tartarie orientale la suite
de lempereur en lanne 1682.
Second voyage du mme la suite de lempereur dans la Tartarie
occidentale en lanne 1683.
Autres voyages faits par le pre Gerbillon en Tartarie, soit la suite
de lempereur, soit par son ordre.
Premier voyage en lanne 1688.
Second voyage en lanne 1689.
Troisime voyage en lanne 1691.
Quatrime voyage en lanne 1692.
Cinquime voyage en lanne 1696.
Sixime voyage la mme anne.
Septime voyage jusqu Ning-hia.
Huitime voyage en lanne 1698.
Suivent les douze cartes particulires de la Tartarie.
Ces voyages sont crits en forme de p.7 journal, & lon marque jour
par jour & dans le plus grand dtail tout ce qui concerne un pays si peu
connu jusquici.
Carte du Royaume de Core.
Observations gographiques sur le royaume de Core.
Histoire abrge de ce royaume, tire de lhistoire des Chinois.
Carte gnrale du Thibet.
Observations sur la carte du Thibet, contenant les terres du grand
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Description de lempire de la ChineTome premier
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lama & des pays voisins qui en dpendent jusqu la source du Gange.
Neuf cartes particulires de ce royaume.
Fastes de la monarchie chinoise, o lon voit en abrg & selon
lordre chronologique ce qui sest pass de plus remarquable sous
chaque empereur.
Table dune grande partie des latitudes observes & des longitudes
mesures gomtriquement de la carte de lempire de la Chine & de la
Tartarie, faite par les missionnaires qui ont dress ces cartes.
II
Les cartes, qui font une partie considrable & trs intressante de ce
mme ouvrage quon annonce au public, donneront dans un grand
dtail, & dans une gale prcision, non seulement la Chine entire,
mais encore une grande tendue de la Tartarie, surtout celle qui est
soumise lempereur de la Chine, & le Thibet ; vastes pays dont on
navait presquaucune connaissance.
La Chine & la Tartarie on t leves sur les lieux de la manire quon
verra expose en dtail dans la prface de louvrage. Quil suffise quant
prsent de dire sommairement quon sest servi de la mthode des
triangles, comme la plus prcise, pour dterminer la position des lieux
vrifie frquemment par la hauteur mridienne du soleil, ou par celle
des toiles polaires. Ce grand ouvrage, entrepris par ordre de
lempereur Cang-hi, qui en avait lexcution fort cur, a occup
plusieurs missionnaires jsuites depuis lan 1708 jusquen 1717. Il est
constant que cest louvrage de gographie le plus vaste qui ait encore
t fait selon les rgies de lart. Quant au Thibet, sil na pas t lev de
mme par les jsuites, du moins a-t-il t dress sur divers routiers
fort dtaills, & sur les mesures prises dans le Thibet mme par des
Tartares envoys exprs, qui avaient connaissance des mathmatiques,
& qui avaient reu des missionnaires linstruction & la direction
ncessaire pour y russir.
Pour faire connatre le dtail des cartes dont il sagit, il suffit de dire,
que les provinces de la Chine, qui sont au nombre de quinze, ont
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Description de lempire de la ChineTome premier
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chacune leur carte particulire. Comme on les a toutes mises sur une
mme chelle, la diffrence dans ltendue & la situation des Provinces
en a apport invitablement dans la grandeur de ces cartes. Mais la
Tartarie & le Thibet, qui ne sont point diviss en portions aussi
distinctement que la Chine, ont t traites tout dune pice, dont la
Tartarie occupe douze feuilles gales, & le Thibet en occupe neuf. On a
joint la Tartarie chinoise une carte particulire de la Core, prise
daprs celle qui sest trouve dans le palais mme du roi de ce pays, &
examine par ceux qui ont t employs faire la carte de la Tartarie.
Toutes ces parties ont t mises non seulement au mme point, mais
mme sous une projection gnrale, comme si toutes les pices nen
devaient composer quune, & effectivement on pourra les rassembler
toutes & nen faire quun seul morceau. Aux cartes des provinces de la
Chine, on a joint un assez grand nombre de plans de villes chinoises dont
la forme & la situation pourront donner une ide de toutes les autres.
Pour rdiger ce grand nombre de diverses pices, & les mettre dans
ltat dtre graves & mises au jour, on a fait choix de M. dAnville,
gographe ordinaire du roi, qui, joint beaucoup de capacit, le plus
grand zle pour la perfection de la gographie. Des cartes particulires
il a dresse les cartes gnrales, non pas succinctes, mais trs p.8 amples
& propres faire connatre indpendamment mme des cartes
particulires, jusquo le dtail & la prcision ont t portes dans cet
ouvrage ; cest ce qui paratra principalement dans la carte gnrale de
la Chine, pays extrmement rempli de circonstances, & quon sest
trouv en tat dexprimer proportion. Quand M. dAnville entreprit la
carte gnrale de la Tartarie, ce fut aprs avoir pris communication des
Mmoires particuliers du P. Gerbillon jsuite & mathmaticien de
lempereur, & aprs les avoir combins avec ses cartes. Pour remplir
mme le carr de cette carte, il a t ncessaire quil y ft entrer le
Japon tout entier, & quelques terres plus septentrionales quil y fait
paratre avec des circonstances particulires. Il a conform la carte du
Thibet, dans la partie qui confine lIndostan, aux connaissances
positives quon peut prendre par ce ct-l. Enfin dans la carte qui doit
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Description de lempire de la ChineTome premier
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tre la tte de louvrage, & qui comprendra toutes les autres en
gnral, outre la vaste tendue de tous les pays dont on vient de
parler, on se portera jusque sur la mer Caspienne. Car les Pres
jsuites de la Chine en ont eu quelques connaissances, & ils ont
souhait quon en ft usage, aprs les avoir compares & jointes aux
connaissances quon peut rassembler dailleurs, ce que M. dAnville
sest engag de faire.
Outre les cartes, les planches, & les plans de villes qui seront en
grand nombre, les cartouches & les vignettes seront ornes de figures,
de symboles, danimaux & des plantes les plus singulires de la Chine.
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AVERTISSEMENT
Comme la quantit de cartes & de planches que contient cet ouvrage obligera nentirer quun certain nombre dexemplaires, ceux qui en voudront avoir sont avertis de lesretenir de bonne heure. Ils pourront sadresser ou au pre du Halde, qui demeure laMaison Professe, rue Saint-Antoine, ou P. G. Le Mercier fils, imprimeur-libraire, rueSaint-Jacques, au Livre dor Paris.
On aura soin dinformer ceux, qui auront retenus des exemplaires, du temps auquel oncommencera limpression de louvrage, & du prix auquel il leur sera livr. Ce sera auplus tard dans quatre ou cinq mois.
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Description de lempire de la ChineTome premier
17
AU ROY@
Le favorable accueil que Votre Majest a daign faire
au grand nombre de cartes rpandues dans cet ouvrage,
ma inspir la confiance avec laquelle jose le faire paratre
sous son auguste nom, & ma fait mme esprer quelle
pourra prendre quelque plaisir le lire. Jai cru quune
description exacte de tant de pays soumis lempereur de
la Chine, & si peu connus, ne serait pas tout fait indigne
de lattention de Votre Majest.
Vous y verrez, Sire, que la plus ancienne monarchie de
lunivers ne doit sa dure, sa splendeur, & sa tranquillit
qu la parfaite subordination qui a rgn constamment
entre les diffrents membres dun vaste tat.
Vous y trouverez ces grandes maximes graves de si
bonne heure dans votre me par les mains habiles qui
ont cultiv vos vertus naissantes, quun prince nest si
fort lev au-dessus du reste des hommes, que pour
procurer leur bonheur, en protgeant la vertu & en
rprimant le vice ; que la bont & la justice sont les
deux plus fermes appuis du trne ; quun souverain est
n le pre de son peuple, & que sa plus solide gloire est
de rgner sur les curs de ses sujets.
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Description de lempire de la ChineTome premier
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Mais, ce qui ne touchera pas moins Votre Majest, cest
sans doute le progrs de la vraie religion chez une nation,
laquelle, en parler en gnral, il ne manque pour son
bonheur que le don prcieux de la foi.
Dans le dernier sicle on vit natre en faveur des ouvriers
vangliques un merveilleux concours de protection entre le
plus puissant monarque de lEurope, & le plus grand prince
de lOrient. Lardeur infinie que lempereur Cang hi eut pour
les sciences, donna aux ministres de lvangile un accs
facile auprs de sa personne, & leur assura un ferme appui
contre les ennemis du nom chrtien.
Dune autre part, Louis le Grand, tout occup quil tait
des affaires les plus importantes, & dans le fort des plus
cruelles guerres, porta ses vues jusqu cette extrmit de
lAsie : dans le dessein quil avait form dy tendre le
royaume de Jsus-Christ, & den tirer des connaissances
utiles lavancement des sciences, il jeta les yeux sur un
nombre de jsuites, dont il connaissait la vertu & la
capacit. A leur dpart pour la Chine, il les honora du titre
de ses mathmaticiens ; il accrdita leur ministre, il leur
assigna des pensions, il les combla de bienfaits.
Il ny a gure eu dannes dans la suite quon nait vu
des successeurs de leur zle, partir de nos ports, pour aller
partager leurs travaux, & tcher de remplir les intentions
dun si religieux monarque.
Comme en succdant au trne de ce grand prince, que
vous avez pris pour modle, vous vous tes fait une loi,
Sire, de succder ses grandes vues, son amour pour
les lettres, sa pit sincre, & son zle pour la religion,
ces hommes apostoliques prouvent la mme protection
de la part de Votre Majest ; ils jouissent des mmes
grces & des mmes libralits.
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Description de lempire de la ChineTome premier
19
Ce nest pas vainement, Sire, que vos peuples se sont
flatts de voir revivre ce grand roi en la personne de Votre
Majest. Cette longue paix mnage par vos soins, &
affermie par votre sagesse, a t le fruit des dernires
instructions quil vous fit, en vous remettant son sceptre &
sa couronne. LEurope entire la si bien reconnu, quelle a
cru devoir vous confier ses intrts, en vous rendant le
mdiateur et larbitre de ses diffrends.
Elle jouirait encore de cette heureuse paix, si des
ennemis secrets de votre grandeur & de votre modration,
ne vous avaient forc de prendre les armes, non pas pour
reculer vos frontires ou pour augmenter votre puissance,
mais uniquement pour venger la majest de votre trne
offense, & pour soutenir les droits dune nation libre, &
dun illustre alli quon voulait opprimer.
Mais, ce quon ne saurait assez admirer, Sire, cest
quau milieu de ses succs & de ses triomphes, Votre
Majest nen est pas moins dispose couter des paroles
de paix, & quelle prfre le repos public & la flicit de ses
peuples aux plus clatantes victoires.
Ces vertus pacifiques verses dans votre sein par
lesprit de sagesse, qui prside vos conseils, ne
pouvaient manquer dattirer sur votre personne & sur
votre tat, les plus prcieuses faveurs du Ciel. Nous en
avons des tmoignages bien sensibles.
Combien la divine Providence a-t-elle t attentive la
conservation de vos jours dans ces premires annes, o
la dlicatesse de votre sant, & diverses atteintes de
maladies nous causaient les plus justes alarmes !
Quelles bndictions le Seigneur ne continue-t-il pas de
rpandre sur les nuds sacrs, qui vous unissent une
Reine ne dans le sein de la pit, & qui en donne chaque
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Description de lempire de la ChineTome premier
20
jour les plus grands exemples !
De quelle protection le Ciel ne favorise-t-il pas la justice
de vos armes ! On nen peut douter, cest le dieu des
armes qui a inspir vos troupes ce courage & cette
intrpidit, dont il y a si peu dexemples, & qui dans une
seule campagne couronne la droiture de vos intentions,
par une suite de prosprits de victoires.
Mais, quil vous est glorieux, Sire, de navoir que des
penses de paix dans le temps mme de vos continuels
succs ! Quil est rare de trouver, mme dans les plus grands
princes, un pareil dsintressement ! Il forcera sans doute la
mme puissance qui vous a contraint de prendre les armes,
en reconnatre la justice & lquit. LEurope pacifie par
votre modration, ne vous laissera plus dautres ennemis
combattre, que les ennemis de la Religion : votre zle &
votre autorit dissiperont bientt les noirs complots de
lerreur & de lincrdulit ; & ces monstres nauront pas
plutt disparu, que vous ferez rgner sans peine dans tous
les curs, celui par qui vous rgnez avec tant de gloire.
Puissiez-vous, Sire, en marchant ainsi sur les traces de
votre auguste bisaeul, voir comme lui, une postrit
nombreuse leve sous vos yeux, & forme sur vos
vertus ! Puissiez-vous, sil se peut, surpasser mme la
gloire & le nombre des annes de ce grand monarque !
Ce sont les vux de celui de vos sujets qui vous est le
plus dvou, & qui est avec le plus profond respect,
Sire,de Votre Majest,
Le trs humble, trs obissant& trs fidle serviteur & sujet,
JEAN-BAPTISTE DU HALDE,de la Compagnie de Jsus.
@
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Description de lempire de la ChineTome premier
21
PRFACE
@
p.I Lempire de la Chine a t depuis fort longtemps un objet de
curiosit pour lEurope ; les premires connaissances quon en eut,
trouvrent dabord peu de crance dans les esprits ; la relation que
publia le voyageur vnitien, qui, la suite des Tartares, avait parcouru
quelques provinces de cet empire, passa pour le fruit dune imagination
qui cherchait sgayer ; tout ce quil racontait de lanciennet de cette
monarchie, de la sagesse de ses lois & de son gouvernement, de la
fertilit de ses terres, des richesses de son commerce, de la multitude
prodigieuse de ses habitants, de la douceur & de la politesse de leur
murs, de leur application faire fleurir les arts & lagriculture, de leur
got & de leur ardeur pour les sciences, tout cela fut regard comme de
pures fictions, o la vraisemblance ntait pas mme observe. On ne
pouvait se persuader quau-del de tant de nations demi barbares, &
lextrmit de lAsie, il se trouvt un puissant tat, qui ne le cdait
gure aux tats les mieux polics de lEurope.
Avec le temps on revint de ces prjugs, & lon rendit plus p.II de
justice la sincrit de lauteur vnitien, surtout lorsquon vit que ce
quil avait avanc, saccordait avec les relations que donnrent les
premiers missionnaires, qui vers la fin du quinzime sicle pntrrent
enfin dans la Chine, dont jusqualors, par des vues politiques de cette
nation, lentre avait t ferme tous les trangers. On ne put pas
sempcher de se rendre, & dajouter foi au tmoignage de personnes,
que leur tat, leur droiture, leur capacit, & leur dsintressement
mettaient hors de tout soupon.
La curiosit se rveilla, & lindiffrence quon avait tmoigne
jusqualors pour la Chine, se changea dans un vif empressement de
connatre une nation si ancienne, & dont on rapportait des choses si
singulires. Mais cette curiosit-l mme fit clore un nombre de
petites relations, faites sans choix ni discernement, qui donnaient les
plus fausses ides de cet empire. Quun vaisseau europen abordt
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Description de lempire de la ChineTome premier
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un port de la Chine & y passt quelques mois, aussitt les gens de
lquipage recueillaient avec avidit, & jetaient sur le papier, non
seulement tout ce qui soffrait leurs yeux aux extrmits dun si vaste
tat, mais encore tout ce quils pouvaient ramasser dans les entretiens
quils avaient avec une populace assez peu instruite. De retour dans
leur patrie, ils sapplaudissaient de leurs dcouvertes ; & cest sur des
mmoires si peu fidles, quils composaient leurs relations.
Dautres bien moins sincres, ont cru pouvoir amuser agrablement
leurs lecteurs, en supplant de leur propre fonds aux connaissances qui
leur manquaient. Cest ce qua fait un voyageur italien dans un livre
imprim Naples en lanne 1720, qui a pour titre Giro del mondo,
cest--dire, voyage p.III autour du monde. Il y fait une description
dtaille du palais de lempereur de la Chine, dont il navait dide que
celle quil stait forme lui-mme ; & pour donner plus de poids ce
quil raconte, & le rendre plus croyable, il ne fait pas difficult de
sautoriser du Pre Grimaldi, prsident du tribunal des mathmatiques,
lequel, ce quil assure, voulut bien lintroduire dans le palais. Pourrait-
on, aprs cela, se dfier de la sincrit de cet auteur ?
Cependant tout ce quil y a de vrai, cest quil vint effectivement
Peking, quil fit plusieurs tours dans les rues de cette grande ville, suivi
dun Chinois pied qui lui servait de valet ; quil rendit de frquentes
visites aux jsuites, dont il reut tous les bons offices qui dpendaient
deux ; quil les pria de lui faire voir lempereur, ou du moins son palais,
ce qui ntait nullement en leur pouvoir ; qutant arriv un pont quil
fallait passer pour aller au palais, il fut contraint de retourner sur ses
pas parce que son valet ne voulut pas sexposer passer mme ce
pont ; quenfin il ft oblig de sortir de Peking sans avoir vu du palais
que la porte du midi, qui est toujours ferme.
Tout cela est certain ; do il sen suit que cette description quil fait
du palais, des salles, du trne imprial, de laudience laquelle il se
trouva, & tout le reste, est purement de son invention. Le Pre
Grimaldi, quoique prsident du tribunal des mathmatiques, pouvait-il,
sans un ordre exprs de lempereur, introduire dans le palais un
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Description de lempire de la ChineTome premier
23
inconnu ml parmi les membres dun tribunal qui va laudience ? Un
ministre dtat, un prince mme naurait pas ce pouvoir.
Mais pour peu quon soit au fait de ce qui concerne la p.IV Chine, on
est bien plus surpris quun auteur clbre par ses talents & par son
savoir, ait perdu son temps, non seulement traduire en notre langue
deux anciennes relations arabes sur la Chine, qui ne sont quun tissu
dabsurdits & de mensonges ; mais encore prodiguer son rudition
par de longs claircissements quil a donns sur ces Contes arabesques.
Il ne fallait pas un grand fonds de critique, pour sapercevoir que ces
marchands arabes ne mritaient nulle crance, & navaient pas mme
mis le pied la Chine : mais quand le cur se laisse une fois
proccuper dune passion, lesprit est tout dispos adopter les fables
les plus ridicules, & donner un air de vrit tout ce qui est capable
de dcrier des personnes quon naime point, & quon se fait un mrite
de ne point aimer.
Les savants nont pas tous cette sagacit & cette finesse de
discernement qui saisit dabord son objet, & qui sait dmler le vrai
davec le faux, telle quon la trouve dans ces rflexions si senses & si
judicieuses, quun savant acadmicien 1 a fait sur la nation chinoise, &
quil a proposes par manire de doutes au Pre Parrenin, dont il a reu
les claircissements quil souhaitait.
Ces sortes de relations, ou faites sans discernement, ou inventes
plaisir, ou concertes par la passion, tiennent les esprits dans
lincertitude, en rendant suspectes celles qui sont les plus vraies & les
plus sincres, & faisant natre, dans des personnes mme claires,
certaines prventions, dont ils ne reviennent pas aisment. Combien en
voit-on, par exemple, p.V qui ne peuvent ster de lesprit que la nation
chinoise pousse lorigine de son empire bien au-del du Dluge, &
mme de la cration du monde ?
Si une ide si absurde a pu entrer dans lesprit dun trs petit
1 M. Dortous de Mairan, de lacadmie des sciences. Voyez le vingt-unime tome desLettres difiantes & curieuses pag. 76.
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Description de lempire de la ChineTome premier
24
nombre de Chinois, tromps par les feintes poques de quelques
astronomes, tout le reste de la nation se rcrie contre leur ignorance.
Que dirait-on de ces Chinois, si ayant appris quun auteur europen a
hasard dans un de ses ouvrages, que le monde existe de toute
ternit, ils en concluaient que cest-l une opinion commune en
Europe ?
Les Chinois sen tiennent leur grande histoire, laquelle, bien
loigne de donner dans de pareilles rveries, fixe le commencement
de leur empire Fo hi, encore nassurent-ils point, quand & combien de
temps ont rgn Fo hi & ses successeurs jusqu Yao ; ce nest que
depuis cet empereur que leur chronologie leur parat sre ; & en effet il
y a bien peu redire pour la dure totale & la distribution des rgnes, &
pour les faits importants.
De quelque ide quon soit prvenu, on ne peut gure disconvenir
que les connaissances les plus certaines que nous ayons de la Chine, ne
nous soient venues par le canal des missionnaires, qui ont pass la plus
grande partie de leur vie dans la capitale & dans les provinces de ce
grand empire, & qui par-l taient porte plus que personne, de nous
en rendre un compte fidle.
Cependant ces connaissances quils nous en ont donnes, sont assez
bornes, & quelquefois mme dfectueuses. La plupart occups du
grand objet qui leur a fait quitter leur patrie, & les a attirs dans cette
extrmit de lAsie, p.VI ninstruisaient gure lEurope, que des
dispositions quils trouvaient dans lesprit de ces peuples pour
embrasser la foi, & des progrs que faisait lvangile parmi eux. Ce
nest que par occasion, & comme en passant, quils ont touch
lgrement quelques singularits des nouvelles contres quils
habitaient.
Il y en a eu qui, fortement sollicits par les savants dEurope, ont
fait dans leurs moments de loisir des recherches assez curieuses, mais
qui en certains points nont pas toujours t fort exactes, parce quils
sen rapportaient aux livres chinois, dont les auteurs se portent
naturellement exagrer les rarets & les merveilles de leur pays.
-
Description de lempire de la ChineTome premier
25
Cest principalement en ce qui concerne la gographie de ces vastes
pays, que ces livres les ont fait tomber dans quelques mprises. Ils ont
un peu trop compt sur lexactitude des Tchi chou : on nomme ainsi
certains livres qui contiennent lhistoire de chaque ville & de son
district. Parmi plusieurs choses remarquables que renferment ces livres,
on y trouve le plan de la ville & le nombre de bourgs & de villages qui
en dpendent, avec les distances o ils sont les uns des autres. Ces
distances se marquent par des lis, ou stades ; mais ces lis ont plus ou
moins dtendue dans les diverses provinces : de mme quen Europe il
y a diffrence de longueur dans les lieues des provinces diffrentes dun
mme royaume. La ville de Tong tcheou par exemple, qui est lest de
Peking, passe pour en tre loigne de quarante lis : cependant suivant
les mesures dont les cartes ont t dresses par les missionnaires
gographes, elle nen est loigne que de trente. Dans la province de
Chang tong, dix lis nen font que huit leur compte. Dans le nord de la
province de Hou quang les mesures sont presque gales p.VII aux leurs,
mais les provinces de Kiang nan, de Fo kien, & quelques autres,
comptent les lis fort diffremment, comme on sen est assur en les
comparant toutes la mme mesure. Cela seul suffit pour faire voir
que les longitudes du Pre Martini, non plus que celles du Pre Nol, ne
peuvent tre justes, parce quelles nont t dtermines que sur des
distances telles que les Chinois les comptent par leurs lis ou stades,
dont il fallait du moins connatre la longueur avant que de sen servir.
De mme, par les observations que les Pres Rgis & Jartoux firent
avec les meilleurs instruments, tant Si ning o ils demeurrent un
mois, que dans quelques autres villes, ils trouvrent toujours entre les
hauteurs quils prirent, & celles que prit autrefois le Pre Grueber, une
diffrence de 29 30 minutes, soit que ce Pre et des instruments
trop courts & mal diviss, comme il est vraisemblable, soit quil nait
pas eu gard au diamtre du soleil.
Du reste je ne crois pas quon entre dans le moindre soupon de la
bonne foi de quelques missionnaires, qui nayant demeur que dans ces
belles provinces, o la nature semble avoir tal toutes ses richesses,
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Description de lempire de la ChineTome premier
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ont donn lieu de croire par les descriptions charmantes quils en ont
faites, que toutes les autres provinces leur taient semblables : ils nont
parl que de ce quils voyaient tous les jours, & si cette occasion on a
pris en Europe de fausses ides du reste de lempire, ils nen sont pas
responsables : ce quils ont dit nen est pas moins vrai. On navait pas
encore parcouru toutes les provinces, comme on la fait depuis par
lordre de lempereur, pour en dresser une carte exacte, & tcher, par
un travail si pnible de mriter de plus en plus la protection de ce grand
monarque en faveur de la p.VIII religion & de ses ministres. Cest par ce
travail, continu pendant une longue suite dannes, quon a acquis des
connaissances plus particulires & plus sres.
Enfin le Pre le Comte, qui a crit avec tant dagrment sur la Chine,
sest born certaines matires, & na pas prtendu en donner une
relation rgulire & universelle ; il avertit mme quon doit regarder le
recueil de ses lettres, comme des mmoires qui peuvent tre utiles
ceux qui voudront dans la suite donner une description plus complte
de ce grand empire.
Cest cette description que je travaille depuis plusieurs annes : la
quantit & la diversit des matires renfermes dans le projet que jen
ai donn, a fait douter si lexcution y rpondrait. Mais on trouvera,
ce que jespre, que jai entirement rempli mon dessein, tout vaste
quil parat, & que je tiens mme au-del de ce que jai promis. Au
moins nai-je rien nglig pour faire connatre cette vaste portion de
lunivers par tous les endroits qui mritent de lattention, & pour
massurer de la vrit de tout ce que jen rapporte.
Jai eu entre les mains une quantit prodigieuse de mmoires venus
de la Chine : la lecture de ces manuscrits, o la plupart des choses
quon y traite, taient inutiles mon dessein, ne ma pas rebut, parce
que jy trouvais de temps en temps des particularits, ou qui ntaient
pas connues, ou qui confirmaient la vrit de ce quon avait dj publi
dans des relations imprimes. Quand des gens dsintresss, &
dailleurs clairs, crivant en diffrents temps & de diffrents lieux du
mme empire, racontent les mmes choses, dont ils sont tmoins
-
Description de lempire de la ChineTome premier
27
oculaires, comme sils les eussent concertes p.IX ensemble, il faudrait
tre dtermin ne rien croire, pour ne se pas fier leur tmoignage.
Dailleurs les frquents entretiens que jai eu avec quelques
missionnaires revenus de la Chine, pendant le sjour quils ont fait en
Europe, & encore plus les correspondances ncessaires & continuelles
o je suis depuis vingt-quatre ans avec les autres missionnaires
rpandus dans les diverses provinces de lempire, mont mis en tat
den recevoir les secours & les claircissements dont javais besoin.
Quelques-uns deux ont eu mme la complaisance de traduire avec un
grand soin certains livres dhabiles Chinois, qui devaient entrer dans cet
ouvrage, & qui fournissent la preuve dune grande partie des faits que
je rapporte.
Enfin, louvrage tant achev, jaurais pris le parti de lenvoyer la
Chine, pour le faire examiner par quelques-uns des plus anciens
missionnaires, si la chose et t dune excution moins lente & plus
aise ; heureusement, lorsque je my attendais le moins, jappris que
celui sur qui principalement je jetais les yeux, tait arriv en France, &
serait dans peu de jours Paris : ctait le Pre Contancin que ses
suprieurs avaient dput en Europe pour des affaires particulires de
la mission.
Ce Pre, habile & expriment, avait demeur trente-deux ans la
Chine, dix ans Peking o il avait t suprieur de notre maison, & le
reste du temps dans les diffrentes provinces. Pendant plus dune
anne quil resta Paris, il et tout le loisir de lire plus dune fois cet
ouvrage, & de lexaminer, comme je le souhaitais, avec lattention la
plus srieuse, & avec la p.X plus svre critique. Cest en profitant de
ses lumires, soit pour discuter certains faits douteux, soit pour y
ajouter des particularits intressantes, que je me suis assur de
lentire exactitude de tout ce que javance.
Aprs ces prcautions que jai prises pour ne rien dire que
dexactement vrai, on verra, ce me semble, avec quel soin jai tach
dviter le reproche que je fais certains historiens modernes, de ce
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Description de lempire de la ChineTome premier
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quils ont trop compt sur des mmoires peu srs & peu sincres, & que
par crdulit, ou sans beaucoup de discernement, ils ont donn en
Europe de fausses ides de cet empire.
Pour ce qui est de lordre que jai cru devoir garder dans la
distribution de tant de matires, on le trouvera tel que je lai marqu
dans le projet, la rserve de lhistoire abrge de la monarchie
chinoise que jai insre dans le premier tome, parce que cette
connaissance quon prend dabord des empereurs & de ce qui sest
pass sous leurs rgnes, est ncessaire pour faciliter lintelligence de
tout ce que jen dois dire dans la suite.
Cest pour cette mme raison que jai donn dabord une ide
gnrale de lempire, qui reprsente sommairement & en gros tout ce
que jexplique en dtail dans le corps de louvrage, & que jy joins en
peu de mots lhistoire de certains peuples, & entrautres de la nation
des Si fan, qui formait autrefois un tat puissant & redoutable aux
empereurs mmes, mais qui dchire dans la suite par des guerres
intestines, sest vu force de sassujettir la domination chinoise.
Je nai pas d omettre les observations curieuses quont p.XI faites
quelques missionnaires en traversant ces belles provinces, o ils
marquaient jour par jour, & dans un grand dtail, tout ce qui soffrait
leurs yeux, & o il semble, en les lisant, quon fait avec eux le mme
voyage. Elles disposent la description qui suit des quinze provinces
dont lempire est compos.
On y voit un grand nombre de villes superbes par leur situation &
par leur tendue, par la multitude de leurs habitants, par le concours
extraordinaire de Chinois que le commerce y attire, par la beaut des
difices publics, & par labondance qui y rgne : on y voit ce que des
terres fertiles, & qui souvent donnent chaque anne une double rcolte,
produisent de grains, darbres, & de fruits singuliers ; les mtaux de
toutes les sortes, les minraux, & les marbres prcieux qui se tirent du
sein des montagnes ; ces plantes rares, dont les racines sont si
salutaires, & qui se refusent tout autre climat ; cette quantit de lacs,
de canaux, de rivires larges & profondes qui fournissent abondamment
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Description de lempire de la ChineTome premier
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des poissons de toutes les espces ; cette multitude surprenante de
ponts hardis, solides, & embellis de divers ornements de sculpture, qui
ont t levs pour la commodit du public ; en un mot, tout ce que
lart & la nature y ont procur davantages, pour les besoins & les
dlices de la vie.
Outre la carte la plus gnrale qui renferme la Chine, la Tartarie
chinoise, & le Thibet jusqu la mer Caspienne, on y trouvera la carte
gnrale de la Chine seule 1, & les cartes particulires de chaque
province, avec plusieurs plans des villes qui sont dune figure diffrente
de celle des autres villes.
Enfin, ce premier tome finit par une histoire abrge de p.XII cette
grande & ancienne monarchie. Je me suis attach, comme je le devais,
au sentiment universellement reu parmi les Chinois, qui conduisent
leur chronologie depuis lempereur Yao jusquau temps prsent, & qui la
regardent comme certaine, ainsi que je le remarque dans
lavertissement qui prcde cette histoire.
Tous conviennent que Fo hi a t le fondateur de leur empire, mais
ils ne conviennent pas galement du temps qui sest coul depuis Fo hi
jusqu Yao : Plusieurs croient quil y a eu des rgnes incertains ;
dautres doutent que les empereurs placs entre Chin nong & Hoang ti
se soient succds les uns aux autres, parce quil se peut faire que ce
ntait que des princes tributaires, ou de grands officiers
contemporains.
Il se trouve mme quelques critiques, lesquels, par rapport au
temps qui sest coul depuis Yao jusqu nous, disputent ensemble sur
la dure plus ou moins longue dun rgne particulier, ou dune dynastie
entire. Je nai point voulu entrer dans ces sortes de discussions, qui
auraient t trop longues, & qui auraient rpandu de lobscurit & de la
confusion dans la suite de lhistoire. Jai suivi sur cela le sentiment & de
1 Le format de la prsente dition ne permet pas une reproduction utile de cette carte.On la retrouvera ici.
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Description de lempire de la ChineTome premier
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nos anciens missionnaires 1 les plus verss dans la littrature chinoise,
& de la plupart de ceux qui vivent encore, & dont plusieurs ne le cdent
aucun autre dans ltude & dans lintelligence des livres de cette
nation.
Ce quon peut dire en gnral, cest que les historiens chinois
paraissent sincres, & ne chercher que la vrit ; quon ne voit pas
quils soient persuads que la gloire dune nation p.XIII consiste dans son
anciennet, & que, comme dautres nations, ils nont point eu de
raisons prises du ct de lintrt ou de la jalousie des peuples voisins,
pour altrer ou falsifier leur histoire, qui nest quune simple exposition
des principaux vnements, propres servir dinstruction ou de modle
la postrit.
On dira peut-tre que le Chu king, qui contient lhistoire de ces
premiers temps, & les autres livres canoniques, ont pri du temps de
Chi hoang ti, qui ordonna sous peine de la vie, de les brler, & quen
consquence, la perte de ces monuments doit rendre lhistoire fort
incertaine.
Lobjection serait sorte, si ces livres infiniment respects de la
nation, eussent t rassembls dans le mme lieu, & quil net fallu
que peu dheures pour les rduire en cendres. Mais ils taient disperss
dans tout lempire & chez tous les lettrs : tous les livres ne furent pas
proscrits ; on excepta entrautres les livres de mdecine, & dans le
triage quon en fit, on trouva le moyen de mettre en sret plusieurs
exemplaires de ceux quon ordonnait de proscrire. Le zle des lettrs en
sauva un bon nombre ; les autres, les tombeaux, les murailles o on
les cacha, devinrent un asile contre la tyrannie : peu peu lon dterra
ces prcieux monuments de lantiquit, & ils reparurent sans aucun
risque sous lempereur Ven ti, cest--dire, environ 54 ans aprs
lincendie. Ainsi furent conservs ces livres, nonobstant les ordres
rigoureux dun prince, qui par une fausse politique, ou plutt par une
vanit ridicule, voulait les exterminer de ses tats.
1 Les Pres Martini, Couplet, &c.
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Description de lempire de la ChineTome premier
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Je nignore pas quil parut, il y a quelques annes une table
chronologique de la Chine, qui ne commence quau rgne de p.XIV Lie
vang, cest--dire, 424 ans avant J. C. Elle a t dresse par un
seigneur chinois qui vit encore, & qui tait viceroi Canton, lorsque les
missionnaires y furent exils. Mais ce seigneur, ce que je sais trs
certainement, na jamais eu, & ne sest jamais donn la rputation
dhistorien. Il a encore moins prtendu faire un ouvrage raisonn sur
lhistoire ancienne : bien loin de discuter la question de lantiquit
chinoise, & den fixer lpoque au temps o il commence sa table, il
serait vritablement offens, sil croyait quon le souponnt davoir
avanc, ou davoir mme propos le retranchement de tous les rgnes
qui ont prcd celui de Lie vang. Il ny a aucun Chinois qui ost publier
un paradoxe si contraire lopinion reue de rgne en rgne dans toute
la Chine. Cette table chronologique quil a donne au public, il la copie
daprs un livre intitul Cang mou : ce quil y a uniquement de lui, cest
quil la ajuste au cycle sexagnaire dune manire agrable &
commode.
Cest Tchu hi, crivain de rputation, qui est auteur de lhistoire
nomme Cang mou, & il a suivi pour la chronologie Se ma ouen kong,
autre auteur trs clbre. Mais ni lun ni lautre de ces fameux crivains
na pens retrancher les trois premires familles, ni mme insinuer
que les empereurs nomms dans le Chu king naient pas rellement
exist, & ne soient que des personnages feints & allgoriques. Si
quelquun la Chine savisait de leur attribuer une pareille opinion, il
serait regard comme un visionnaire, & peut-tre que sa tmrit lui
coterait cher. Tous deux commencent leur histoire par Fo hi, & lon a
les commentaires de Tchu hi sur le Chu king, & sur le Chi king, o il
parle toujours en homme qui suppose la ralit des p.XV rgnes & des
princes dont il est fait mention.
Confucius dont le temps est assez connu, parle en termes exprs
des trois premires dynasties, nommes Hia, Chang & Tcheou & assure
quil suit dans la pratique les rits de la dynastie Tcheou. Ce seul
tmoignage suffirait la Chine pour faire couper la tte quiconque
-
Description de lempire de la ChineTome premier
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oserait dire quil faut retrancher ces trois premires familles impriales
de lhistoire chinoise. Je ne crois pas mme quon ost proposer
srieusement ce systme en Europe : car, ou il faut faire aussi de
Confucius un personnage fabuleux, qui na ni exist, ni dit ce quon lui
attribue ; ou il faut avouer quon a, dans la personne de ce philosophe,
un tmoignage irrfragable de la ralit des trois premires dynasties,
qui forment le corps du Chu king.
Ainsi on ne doit pas croire que Se ma ouen kong & aprs lui Tchu hi
aient prtendu rduire lpoque de lhistoire chinoise au rgne de Lie
vang, ni en exclure les rgnes prcdents ; ils ont distingu dans
lhistoire, des temps o ils ne croient pas que la chronologie, du moins
en ce qui concerne le commencement & la fin des rgnes, & la suite des
annes, par rapport aux Kia tse, ou cycles chinois, soit assez certaine,
& elle ne leur parat telle que depuis lempereur Lie vang : cest leur
extrme exactitude qui les a ports ne pas donner, quant la suite
des annes, la chronologie entire pour galement certaine.
Dautres critiques moins scrupuleux assurent que le commencement
des annes de chaque rgne se peut marquer distinctement,
commencer depuis lonzime empereur de la dynastie Tcheou. Or
depuis ce temps-l jusqu lempereur Lie vang, o commence la table
chronologique en question, on compte dix-sept empereurs.
p.XVI Quoi quil en soit des diffrentes opinions de ces critiques, la
chronologie de lhistoire chinoise ne se conduit pas moins srement
depuis Yao jusquau temps prsent en ce qui regarde la suite des
empereurs, & les faits les plus importants de leurs rgnes. Cest ce qui
se dveloppera encore mieux, lorsquon entendra parler dans la suite
de cet ouvrage les empereurs, & tout ce quil y a eu de plus illustres
Chinois dans chaque dynastie, dont les discours auparavant disperss,
ont t ramasss & recueillis par le feu empereur Cang hi.
Aprs ces notions gnrales que je donne de la Chine, jentre dans
un plus long dtail de tout ce qui concerne cette nation, de son
caractre, de ses murs, de ses usages, de son gouvernement, de ses
progrs dans les sciences, de sa religion, de sa morale, &c. & je traite
-
Description de lempire de la ChineTome premier
33
toutes ces matires en autant darticles spars, auxquels je crois avoir
donn la juste tendue que chaque sujet demande.
Je parle dabord de lantiquit & de ltendue de cette monarchie, de
lautorit de lempereur, de ses dpenses, de ses revenus, de ses
quipages, de la magnificence de son palais, & de son cortge lorsquil
sort ; de la forme de son gouvernement, soit civil, soit militaire ; des
fonctions propres des mandarins, de leur pouvoir, & des honneurs
quon leur rend ; des forces de lempire, des forteresses, des gens de
guerre, de leurs armes, & de leur artillerie ; de la police qui sobserve,
soit dans les villes, pour y maintenir le bon ordre, soit dans les grands
chemins pour la sret & la commodit des voyageurs.
Jexpose ensuite le gnie & le caractre de ces peuples, leur air, leur
physionomie, leurs modes, leurs maisons, les meubles p.XVII dont elles
sont ornes ; les chtiments dont on punit les criminels, & lordre qui
sobserve dans les prisons o on les renferme.
La noblesse ne se donne la Chine quau mrite : je fais voir
comment elle sacquiert, & combien elle est diffrente de celle
dEurope. Comme les Grands sont ennemis du luxe, en ce qui concerne
leur personne, ils nen sont que plus magnifiques pour tout ce qui parat
au-dehors : lon verra quelle est leur magnificence dans leurs voyages,
dans leurs ftes, dans les ouvrages publics, tels que sont les ponts, les
arcs de triomphe, les portes, les tours, les murs des villes, &c.
Tout est rgl la Chine, jusquaux devoirs les plus communs de la
socit, & cest ce qui ma fait parler des crmonies quils observent
dans leurs devoirs de civilit ; dans leurs visites, & les prsents quils se
sont les uns aux autres ; dans les lettres quils scrivent, dans leurs
festins, dans leurs mariages, & dans leurs funrailles.
Pour ce qui est du peuple, il est tout occup, ou la culture des
terres, ou aux arts mcaniques, ou au commerce ; il ma donc fallu
parler de lestime quon fait de lagriculture, & de ceux qui sy
appliquent ; de ladresse & de lindustrie des artisans ; du commerce
incroyable qui se fait au-dedans de lempire ; de la quantit de lacs &
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Description de lempire de la ChineTome premier
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de rivires qui arrosent les provinces, & y produisent labondance & la
fertilit ; des barques & des sommes, ou vaisseaux, sur lesquels on
transporte tant de richesses dune province lautre ; des monnaies
anciennes, & de celles qui ont cours maintenant dans lempire.
Le commerce principal qui se fait au-dehors, surtout avec p.XVIII les
Europens, consistant dans les ouvrages de vernis, dans la porcelaine,
& dans les soieries, jexplique do lon tire le vernis, & comment le fait
la porcelaine, & je donne la traduction dun ancien auteur chinois qui
nous apprend la manire de nourrir & dlever les vers soie, pour la
rendre & meilleure, & plus abondante.
Les diverses estampes, o une partie de toutes ces choses seront
reprsentes au naturel, les rendront encore plus sensibles.
Les sciences, par lesquelles seules on parvient aux honneurs & aux
emplois, & qui consistent principalement dans une parfaite
connaissance des lois, de lhistoire & de la morale, mritaient une
attention toute particulire. Cest aussi quoi je me suis attach.
Je commence dabord par lide quon doit se former de la langue
chinoise, si diffrente de toutes les autres langues mortes ou vivantes ;
& pour cela je fais connatre quel en est le gnie, de quelle manire se
prononcent les mots, qui ne sont que dune seule syllabe ; & jy joins
un petit abrg de la grammaire de cette langue. Aprs quoi jexpose la
manire dont ces peuples font leur encre, & leurs diffrentes sortes de
papier, & comment ils impriment & relient leurs livres.
Puis je viens aux tudes des jeunes Chinois, aux divers degrs par
o ils passent, & aux examens quils doivent subir pour obtenir ces
degrs, & parvenir enfin au doctorat. Un livre chinois, dont je donne
lextrait, nous en instruit encore mieux. On y voit lordre quon doit
garder pour enseigner les jeunes gens, le choix quon doit faire des
matres, les traits dhistoire quon doit leur faire apprendre pour les
former p.XIX aux bonnes murs, lexamen des tudiants qui aspirent
aux divers degrs ; le modle du discours qui se fait dans lassemble
des lettrs, & le projet dune acadmie, ou socit de savants.
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Description de lempire de la ChineTome premier
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Ce ne sont-l que comme des prliminaires qui conduisent
naturellement la littrature chinoise, cest--dire, la connaissance
de ces livres si anciens & si respects des Chinois, & quils appellent
king. Ils entendent par ce mot une doctrine sublime, solide, & fonde
sur des principes inbranlables. Ils en comptent cinq quils regardent
comme canoniques du premier ordre, & quils appellent Ou king, cest-
-dire, les cinq livres par excellence.
Je donne le prcis de ces cinq livres ; savoir, 1 De lY king, qui est
un ouvrage purement symbolique. 2 Du Chu king qui contient ce qui
sest pass de mmorable sous les premiers empereurs & lgislateurs
de la nation, leurs instructions sur le gouvernement, leurs lois & leurs
rglements pour les murs, dont ces premiers hros ont t autant de
modles ; & jen rapporte quelques extraits. 3 Du Chi king qui
renferme des odes ou des posies, o lon fait lloge des hommes
illustres, & o lon tablit les lois & les coutumes de lempire. On verra
quelques-unes de ces odes, dont on a fait choix, & qui sont fidlement
traduites. 4 Du Tchun tsiou, qui est infrieur aux trois premiers, mais
qui ne laisse pas dtre fort estim des savants. Il continue les annales
du royaume de Lou qui est maintenant la province de Chan long, 5 Du
Li ki, qui est comme un mmorial des lois, des crmonies, & des
devoirs de la vie civile.
Aprs avoir fait le prcis de ces livres, qui sont dune p.XX antiquit
trs recule, je viens aux quatre livres classiques ou canoniques du
second ordre, appels Sse chu. Ce ne sont, proprement parler, que
des explications & des maximes fondes sur ces anciens monuments.
Ces livres sont de Confucius, ou ont t recueillis par ses disciples des
maximes & des entretiens de ce clbre philosophe, que toute la nation
regarde comme son matre. Je fais dabord un abrg de sa vie, aprs
quoi ne mattachant qu ce quil y a de plus essentiel, je suis par ordre
les chapitres ou les articles de chacun de ses ouvrages, qui sont : 1 Le
Ta hio, cest--dire, la grande science, ou la science des adultes. 2 Le
Tchong yong, cest--dire, le milieu immuable, ce juste milieu qui se
trouve entre deux extrmits, & en quoi consiste la vertu. 3 Le Lun yu,
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Description de lempire de la ChineTome premier
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cest--dire Discours moraux & sentencieux. 4 Meng tsee, ou le Livre
du philosophe Mencius, qui donne lide dun parfait gouvernement.
A ces quatre livres, jenjoins deux autres fort estims, & que les
Chinois mettent au rang des livres classiques ; le premier sappelle Hiao
king, cest--dire du respect filial, & contient les rponses que fit
Confucius son disciple Tseng ; le second se nomme Siao hio, qui
signifie la science, ou lcole des enfants.
Voil proprement ce quon appelle la science chinoise, qui renferme
les principes fondamentaux de leur gouvernement, & qui maintient un
si bel ordre dans lempire. Il parat en effet que cest l la science la
plus propre de lhomme, puisquelle regarde directement sa conduite, &
les moyens de le rendre parfait selon son tat & sa condition.
p.XXI Peut-tre croirait-on, & il est naturel de le penser, que le
gouvernement de la Chine, appuy dabord sur ces principes, sest peu
peu affaibli pendant une si longue suite de sicles, & sous tant de
diffrents rgnes. Mais les Chinois nous apprendront eux-mmes quils
ne se sont jamais relchs de la sagesse de ces maximes. Cest ce
quon verra en parcourant la plupart des dynasties dans un recueil fait
par les ordres & sous les yeux de lempereur Cang hi, dont le rgne, qui
a prcd celui daujourdhui, a t si long & si glorieux.
On trouve dans ce curieux recueil les discours & les rflexions de ce
quil y a eu de plus grand, de plus habile, & de plus clair dans ltat. Ce
sont diffrents empereurs qui parlent dans leurs dits, dans leurs
dclarations, dans leurs ordonnances, dans les instructions quils envoient
aux rois, aux princes tributaires, & aux magistrats ; ce sont les discours &
les remontrances faites aux empereurs par les premiers ministres de
ltat, & par les meilleures ttes de lempire. Tout ce quils disent, roule
principalement sur le bon ou le mauvais gouvernement, sur lapplication
lagriculture, sur les moyens de soulager les peuples, & de fournir leurs
besoins, sur lart & la difficult de rgner, sur la guerre, sur lavancement
des lettres, &c. La plupart de ces pices sont termines par de courtes
rflexions de lempereur Cang hi, prince si habile en lart de rgner, qui
les a crites du pinceau rouge, cest--dire, de sa propre main.
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Description de lempire de la ChineTome premier
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Les mmes matires sont traites dans deux autres livres dont je
donne de plus courts extraits : le premier est une compilation faite sous
la dynastie des Ming, le second est intitul p.XXII Les femmes illustres,
o lon voit pareillement que sous diffrents rgnes, les dames
chinoises se sont conduites, & ont gouvern leurs familles selon ces
maximes.
Par cette espce de tradition, lon jugera aisment que les principes
fondamentaux du gouvernement stant toujours maintenus la Chine
par une observation constante, on ne doit pas stonner quun si vaste
tat ait subsist depuis tant de sicles, & subsiste encore dans tout son
clat.
Aprs ces dtails sur la forme du gouvernement chinois je passe la
religion de ces peuples, leur morale, la connaissance quils ont des
autres sciences, leur got pour lhistoire, pour la posie, & pour le
thtre, & enfin leur habilet en fait de mdecine. Ce sont les
matires que renferme le troisime volume.
Au regard des religions approuves ou tolres la Chine, jexpose,
selon lordre des temps, la doctrine des diffrentes sectes de cet
empire, & je traite, 1 du culte des anciens Chinois : tout ce que jen
dis est tir de leurs livres classiques ; mais sans entrer dans
lexplication de ce quils entendent par Tien 1 ou Chang ti 2, qui est
lobjet de leur culte : jen laisse le jugement au lecteur. 2 De la secte
des tao sse dont je dcris le systme. 3 De la secte de lidole Fo, dont
jexplique ce que ces idoltres appellent doctrine intrieure &
extrieure. 4 Enfin de la secte de certains lettrs modernes, qui se
sont fait une espce de philosophie, au moyen de laquelle, en
sattachant moins au texte des anciens livres qu la glose & aux
commentaires de quelques auteurs rcents, ils prtendent tout p.XXIII
expliquer par les causes naturelles. Un ouvrage en forme de dialogue,
o un de ces philosophes modernes expose son systme sur lorigine &
1 Tien, Ciel, ou Esprit du Ciel.2 Chang ti, tre souverain, suprme empereur.
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Description de lempire de la ChineTome premier
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sur ltat du monde, fera sentir jusquo sgarent ces demi-savants.
Ltablissement & le progrs de la religion chrtienne dans cet
empire tait un article trop intressant pour lomettre : je me suis donc
cru oblig den faire lhistoire ; mais comme je ne pouvais me dispenser
de parler des contestations survenues dans les derniers temps entre les
missionnaires, & que ces contestations nentrent quincidemment dans
un ouvrage o je fais profession dviter toute dispute, je ne les touche
que trs lgrement, ne prenant ici que la qualit dhistorien, &
rapportant simplement & en peu de mots ce qui a t dit de part &
dautre, soit par ceux qui ont attaqu avec tant de vivacit, soit par
ceux quon a mis dans la triste ncessit de se dfendre.
La philosophie morale fut de tout temps ltude principale des
Chinois, & cest particulirement en sy rendant habiles quils peuvent
obtenir les honneurs & les dignits de lempire. Mais afin de bien
connatre quelles sont leurs ides & leurs maximes pour le rglement
des murs, il faut entendre parler quelques-uns de leurs sages : cest
pour cela que je donne lextrait de deux ouvrages de morale ; lun
assez moderne & fort estim de la nation ; lautre plus ancien, qui
contient des rflexions, des maximes, & des exemples en matire de
murs.
Les auteurs de ces deux traits ne font quexpliquer les principes
rpandus dans ces livres si anciens & si respects, dont jai donn le
prcis. Quoiquon ne puisse disconvenir quil ne sy trouve des maximes
saines, des rflexions utiles, & des p.XXIV exemples humainement
louables, on nen rprouve pas moins ce quil y a de vicieux ou de
criminel dans les actions quils rapportent, & ce quil y a de faux ou
doutr dans les rflexions quils font & dans les maximes quils
dbitent.
On est bien plus loign de vouloir introduire en Europe des
docteurs chinois pour y donner des leons de vertu. La lumire de
lvangile y brille dans tout son clat, & dveloppe nos yeux dune
manire sensible, ce que toute la sagesse humaine na jamais pu
quentrevoir.
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Description de lempire de la ChineTome premier
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Dans ce que les sages de la Chine, ainsi que les philosophes de
lantiquit, ont dit de louable, ils ont suivi les lumires de la raison, &
en les suivant, ils ont eu quelques semences, & une lgre participation
de la vrit ; au lieu que les chrtiens connaissent la vrit dans toute
sa perfection, puisquils connaissent J. C. qui est la vrit mme, la
raison souveraine, & la sagesse subsistante de Dieu. Toute sagesse
humaine nest que folie, si elle ne conduit pas J. C. Il ny a que nos
livres saints, o sa doctrine est renferme, qui portent le caractre de
la divinit, & cest cette doctrine cleste que tout homme qui ne veut
pas sgarer dans de vains raisonnements, doit sattacher
inviolablement, comme aux pures sources de la vrit.
Les sages de la Chine ont vritablement connu quelques vrits,
mais ni eux, ni les anciens philosophes si vants, ne les ont connu
toutes ; ce nest que dans la loi chrtienne que se trouve une justice
consomme, & ce nest quen se nourrissant de ses maximes & en les
pratiquant, quon peut parvenir la vritable sagesse.
Si les philosophes chinois ont parl quelquefois de lhumilit, dont le
nom a t inconnu aux sages du paganisme, il p.XXV parat quils nont
entendu par l que cette dfrence extrieure quon doit avoir les uns
pour les autres, certains dehors dun air compos, certaines postures
que lon peut prendre, comme de se mettre genoux, de se prosterner
par terre ; certaines marques de soumission & dobissance quon rend
aux parents, aux magistrats, & tous ceux qui sont revtus de quelque
autorit : mais cette humilit intrieure, qui nous apprend humilier
notre cur sous la puissante main de Dieu, reconnatre nos fautes,
ne prsumer point de nous-mmes, nattribuer rien nos propres
forces ; elle ne nous est enseigne, comme le remarque S. Augustin,
que par la doctrine & les actions de J. C. lorsquil nous a dit : Apprenez
de moi que je suis doux & humble de cur ; lorsqutant infiniment
grand, il sest fait petit pour venir jusqu nous ; lorsque nayant point
de pch effacer ni expier, il sest ananti, il sest rendu obissant
jusqu la mort, & la mort de la croix. Lui seul tait capable de nous
apprendre, & de nous faire aimer une vertu si sublime & si peu connue
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Description de lempire de la ChineTome premier
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qui est nanmoins la base & le fondement de toutes les vertus.
Les autres sciences nont pas t tout fait ngliges par les
Chinois : mais y ont-ils fait de grands progrs ? Cest de quoi on sera
en tat de juger par ce que jen rapporte. On saura du moins ce quont
fait les missionnaires jsuites pour les aider perfectionner quelques-
unes de ces sciences, & en particulier lastronomie, dans laquelle ils
taient le plus verss, & pour leur apprendre les autres parties des
mathmatiques quils ignoraient.
Du reste, on ne peut nier quils naient du got pour la posie, &
surtout pour lhistoire, soit pour crire fidlement & sans partialit
lhistoire de leur nation, soit pour composer p.XXVI de petites histoires
assez semblables nos romans, qui tiennent lesprit en suspens par la
varit des incidents bien mnags, mais dont lunique but est presque
toujours de porter la suite dun vice, ou la pratique dune vertu. Jen
rapporte quelques-unes quon lira, je crois, avec plaisir.
Je ne dis pas la mme chose de leurs tragdies, dont ils se sont
forms des ides bien diffrentes des ntres. On verra par celle que je
donne de leur faon, & qui a t exactement traduite, quel est en ce
genre le gnie de la nation chinoise, & ce quelle a su tirer uniquement
de son propre fonds ; car elle na jamais eu de communication avec
aucune autre nation polie & savante.
Il ne restait plus qu parler de la mdecine, & de la manire dont
elle a t traite par les Chinois : cest ce que je fais en exposant
dabord le systme gnral de leurs mdecins, & en faisant voir ensuite
ce quils ont de singulier, savoir leur habilet juger des maladies par
les battements du pouls, & connatre lutilit de leurs simples pour
composer leurs remdes. Trois de leurs ouvrages feront juger quelle
ide lon doit se former de leur science en cette matire. Le premier est
un trait, intitul Le secret du pouls, dont lauteur vivait quelques
sicles avant lre chrtienne ; le second est un court extrait de
lHerbier chinois ; & le troisime est un recueil de plusieurs des recettes
que ces mdecins emploient pour gurir diverses maladies.
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Description de lempire de la ChineTome premier
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Jy joins un autre extrait dun ouvrage, dont lauteur nest gure
favorable aux mdecins de sa nation. Il apprend ses compatriotes le
secret de se passer du secours des mdecins & de leurs mdicaments :
moyennant un rgime quil expose, & dont il a prouv lui-mme le
succs, il prtend avoir trouv p.XXVII un moyen ais de prolonger ses
jours dans une sant parfaite, & de devenir son mdecin soi-mme.
Cest par-l que finissent les trois volumes, o il est parl de la Chine, &
o je crois navoir rien omis de ce qui est ncessaire pour donner une
connaissance parfaite de cette nation.
Le quatrime & dernier volume est consacr tout entier la
description de la Tartarie chinoise, de la Core, & du Thibet. On na
gure connu jusquici que les noms de ces vastes pays, comme il est
ais de sen convaincre, en jetant les yeux sur les cartes de nos plus
habiles gographes : on en aura des connaissances particulires, & par
les observations gographiques & historiques que je donne de ces
diffrents tats, & par les huit voyages que le Pre Gerbillon a fait dans
la Tartarie, par ordre ou la suite de lempereur. Ce Pre marque jour
par jour, & dans le plus grand dtail, ce qui concerne ces vastes
contres, qui stendent depuis la Chine jusqu la Tartarie dpendante
de la Moscovie. Et je doute que les lecteurs pussent mieux sen
instruire, quand ils feraient eux-mmes ces longs & pnibles voyages.
Je fais plus, car bien que selon mon projet je ne me sois point
engag entrer dans cette partie de la Tartarie qui appartient aux
Russes, je ne laisse pas de donner la carte & la relation des nouvelles
dcouvertes que le Capitaine Beerings a faites dans son voyage, depuis
Tobolsk jusqu Kamtschacka, o il fut envoy par le feu Czar, pour
examiner sil y avait un passage qui donnait entre dans la partie
septentrionale de lAmrique.
Tout se termine par le catalogue dune partie des latitudes
observes, & des longitudes qui rsultent des mesures p.XXVIII
gomtriques, dont les missionnaires se sont servis pour dresser le
grand nombre de cartes quon donne au public. Cest sur le mridien de
Peking que sont comptes ces longitudes ; & cest pour ne point
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Description de lempire de la ChineTome premier
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sexposer tomber dans quelque erreur, quon na pas voulu les rduire
au mridien de Paris. Les latitudes ont t prises & observes avec
dexcellents instruments, & faites avec un grand soin. On na point mis
dans ce catalogue toutes celles quon a prises, parce quon en a pris
plusieurs dans des lieux qui nont point de nom, ou dans des endroits
trop peu remarquables pour tre placs dans les cartes.
Comme ces cartes sont une partie considrable & trs intressante
de cet ouvrage, on sattend sans doute que je rende compte des motifs
qui portrent lempereur Cang hi faire lever la carte de son empire, &
de la manire dont les missionnaires sy prirent, pour lexcution du
plus grand ouvrage de gographie, qui se soit encore fait selon les
rgles de lart.
Ce grand prince ayant ordonn aux missionnaires de dresser une
carte des environs de Peking, jugea par lui-mme combien les
mthodes europennes sont exactes, & cest ce qui lui fit natre la
pense de faire tirer de la mme manire les cartes de toutes les
provinces de son empire, & de la Tartarie, qui lui est maintenant
soumise. En chargeant les missionnaires de ce travail, il sexpliqua avec
eux de la manire la plus obligeante, protestant publiquement quil
regardait cette grande entreprise comme une affaire trs importante au
bien de son empire, & pour laquelle il ne voulait rien pargner.
En effet, les jours suivants il donna ordre aux grands tribunaux de
nommer des mandarins pour prsider aux mesurages qui seraient
ncessaires, afin de donner exactement les noms des p.XXIX lieux
importants quon devait parcourir, & de faire excuter ses ordres aux
magistrats des villes, en prescrivant chacun deux de venir sur les
frontires de leur district avec leurs gens, & les autres secours dont on
aurait besoin. Cest ce qui fut excut avec une exactitude
surprenante ; preuve sensible du grand ordre & de la police admirable
qui rgne dans un si vaste empire.
On commena louvrage le 4 juillet de lanne 1708 suivant notre
manire de compter, mais selon le calendrier chinois ctait le 16 de la
quatrime lune, de lanne 47 de Cang hi. Le Pre Bouvet, le Pre
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Description de lempire de la ChineTome premier