Pluie

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* Pluie, pluie de gouttes… Fraîches... Une jeune fille court, Contente qu’il pleuve. Entre ses vêtements et sa peau se faufile l’eau. La ville est en lumière. Le soleil est déjà loin. Elle court, à travers les rues pleines de passants et parapluies. Et tandis que les nuages continuent à remplir le ciel, À noyer la lune À l’encontre du temps, la ville brille. *

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Pluie, rêve d'une jeune fille.

Transcript of Pluie

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Pluie, pluie de gouttes… Fraîches... Une jeune fille court, Contente qu’il pleuve. Entre ses vêtements et sa peau se faufile l’eau.

La ville est en lumière. Le soleil est déjà loin.Elle court, à travers les rues pleines de passants et parapluies.

Et tandis que les nuages continuent à remplir le ciel,À noyer la lune À l’encontre du temps, la ville brille.

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* Lézard… Le plafond vieillissant, brûlait sous l’éclatant néon.Jolie fille leva les yeux, regarda, et pensa les mots ci-dessus. Elle était trop jeune pour avoir vécue les premières années du plafond.Mais le lézard l’ayant menée jusque-là, elle était parvenue à se les imaginer. Son regard balaya les murs de la chambre, ils avaient l’air en meilleure santé. On avait dû plusieurs fois les repeindre. Ses pensées vaquaient dans l’espace. Elle était éveillée, et ne grelottait pas malgré son corps mouillé. L’éclatant néon la réchauffait. Eclatant néon était un très bon ami, d’ailleurs il était l’ami de pas mal de monde se disait-elle. L’ami des insectes, l’ami des lézards qui pourchassaient les insectes. Elle se disait que pour attraper les insectes, si les lézards avaient été des hommes et non des araignées, ils se seraient fabriqué des néons au lieu de toiles.  La pluie continuait à battre l’extérieur. Elle pensa à travers la fenêtre, au-dessus de la ville. Elle voyait les lampadaires, le trottoir, les parapluies et les passants comme dans la séquence d’ouverture des Parapluies de Cherbourg. Une goutte, deux gouttes… gouttes à l’infini. Dans sa douce folie, Jolie fille semblait heureuse. Heureuse d’avoir couru sous la ville en pluie. Elle allait pourtant tomber malade, une grippe terrible le lendemain l’assaillirait. Là, elle souriait toujours, prête à s’endormir la fenêtre ouverte.

Dans son rêve les passants danseraient en chantant sous la pluie. Elle en les regardant, rirait enfant. « Une barbe à papa ? » lui proposerait l’un d’eux. Elle accepterait. Mais avant qu’elle ait commencé à la manger, la pluie la lui aurait toute prise. Sa sucrerie a fondu, le bâtonnet encore à la main, elle boude l’enfant dans son rêve. Jolie fille, ne peut que la regarder. Seule, se regarder pleurer. Le monde s’éclaira autour de son rêve. Des oiseaux chantèrent malgré la pluie. Et la petite fille leva les yeux vers eux. Il y a bien longtemps, ainsi elle fut. Sa mère l’observait, lui avait-on dit. Elle, petite fille désirait apercevoir son regard.

Dieux, cieux, monde, petite fille, ainsi se divisait l’univers. Il y avait elle et autres, hors dedans et dedans hors. Le regard dans les cieux, écoutant les oiseaux, elle espérait sa mère. Les oiseaux sifflaient, s’unissant, mêlant leurs chants aux battements de la pluie qui s’intensifiait. Ce n’était plus des gouttes, mais des cordes qui la fouettaient. Elle restait pourtant immobile.« Tu vas attraper froid. » Se disait-elle à la petite fille du songe.

D’un coup le monde se tut, un silence mort tomba. Pourtant il continuait à pleuvoir. Petite jolie fille effarée se mit à marcher très vite. Elle avait peur du bleu sombre de la nuit.

Là, perdue en courant, les lieux ne se reconnaissant plus, elle s’arrêta. C’était un endroit où la lune et les étoiles occupaient l’espace, ainsi que quelques arbres et nuages épars. Il faisait frais.« Un câlin de la part du vent… », se murmura la petite fille en sentant l’air glisser sur sa peau. Elle entendit de nouveau. Cette fois c’était les grillons qui poussaient la chansonnette. Rassurée, elle s’assit là, et se rappela une promenade dans un bois.

* Elle s’y promène avec une amie.Le bois est calme. Elles chantonnent.Les rayons de lumière glissent entre les branches, il fait jour.Les deux petites filles sont heureuses.Elles se promènent longtemps.

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Le soleil se leva. Dans son rêve elle avait somnolé.Elle ne comprenait pas cette impression de temps qui s’écoule, long, plus long que la nuit. Elle s’éveilla, les lampadaires étaient toujours allumés et au-delà de la fenêtre une étoile scintillait. Il s’était arrêté de pleuvoir.

Jolie fille prise par un mal de tête tenta de se rendormir. Mais elle eut de la peine à faire revenir le sommeil et la petite fille. Sans doute était-ce là l’effet de la grippe. A son retour difficile en rêve, le bleu sombre de la nuit s’était rabattu, et elle, petite fille marchait dans le bois. Il s’était arrêté de pleuvoir. Elle écoutait le chant des arbres que soufflait le vent, il apaisait son mal. « Et la peur, quand m’a-t-elle quittée ? » Elle ne se souvenait plus.« Au réveil sans doute. » Le temps se dissout dans le temps. Petite et Jolie fille trouvèrent une clairière où elles purent s’arrêter. Elles y vécurent assez longtemps pour oublier qu’elles avaient mal, et qu’il s’agissait d’un rêve. Des fourmis lui fabriquèrent une balançoire, mais petite fille n’osa pas monter dessus. « Je me suis déjà blessée en jouant sur une balançoire… » expliqua-t-elle. « Regardez. » Un filet de sang coulait sur son front.« Les étoiles scintillent beaucoup ici. » Se dit Jolie fille.

« Les lumières de la ville atténueraient-elles leur éclat ? » Elle se rappela la fenêtre qu’elle avait laissée ouverte. « Je risque d’attraper froid. »Mais la distance qui la séparait d’elle lui paraissait bien grande. Elle abandonna l’idée de la refermer, se détourna pour revenir aux belles étoiles des cieux de son rêve. Malgré la grosseur des étoiles, le ciel semblait toujours aussi vaste.Le filet de sang avait coagulé sur son front et il faisait froid. La brise soufflait dans son dos. Elle se mit à trembler. Son mal ressurgissait, une sueur froide coulait sur tout son corps.Elle finit par rouvrir les yeux.

La lumière du jour envahissait la pièce. Néon était resté allumé, mais il paraissait beaucoup moins éclatant. Les insectes n’étaient plus là, Lézard aussi avait mis les voiles. Avec peine elle s’approcha de la fenêtre pour la refermer.La grippe s’était empiré, ses vêtements avaient séché mais le contact avec le tissu froid était assez désagréable. Elle marcha vers son armoire, en sortit des vêtements chauds. Jolie fille se dévêtit, se revêtit, puis s’assit sur le bord de son lit.Elle avait oublié son rêve.« Que prendre pour calmer la grippe ? »Elle avait oublié la petite fille.