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Le Laboratoire d’anthropologie sociale 50 ans d’histoire 1960 – 2010

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Le Laboratoired’anthropologie sociale

50 ans d’histoire1960 – 2010

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Sommaire pages

� Des origines 3

� S'installer, s'organiser,s'institutionnaliser 6

� Accueillir, former, échanger 17

� Des recherches, des thèmes,des lieux 20� Des chercheurs 20� Des équipes 32

� Des chantiers collectifs 36

� Des outils pour la recherche 39� Des revues : L'Homme, 39

Études rurales 40

� Une collection : Les cahiers du LAS 41

� La bibliothèque 42

� De l'avenir 46

� Bibliographie 50

� Ce livret a été conçu et dirigé parFrançoise Zonabend, assistée de Florence Neveux.

� Que tous les membres, anciens ou actuels, duLaboratoire d’anthropologie sociale soient remerciésde leurs contributions.Que soient associés à ces remerciementsDanièle Cyna-Chiva, Monique Lévi-Strauss,Jean Jamin et Matthieu Lévi-Strauss.

Organismes du tutelle du Laboratoire d’anthropologie sociale

Images de couverture :- première de couverture : montage à partir d’une photo d’Irving Penn. © J. Jamin, 2009.- quatrième de couverture : photo d’un Indien Nambikwara, collée par C. Lévi-Strauss, sur la vitre intérieure de son bureau.© J. Jamin, 2009.

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3décembre 2010

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DES ORIGINES

« Un des plus grands maux dont souffre la recherche françaiseest d’être trop souvent livrée à l’invention spontanée

de chercheurs isolés et qui ignorent ce qui se fait à côté d’eux. »C. Lévi-Strauss, 1960.

1. Claude Lévi-Strauss eut la charge de parrainer Isac Chiva, lorsqu’il entra au CNRS, en 1950. C’est dans ces circonstances qu'ilsse rencontrèrent. 2. Correspondance de C. Lévi-Strauss à I. Chiva (D.R.).3. Claude Lévi-Strauss fut, après la fin de ses études, secrétaire de groupements politiques et d'un député. Aux États-Unis, il futsecrétaire général de l'École libre des hautes études à New York, puis conseiller culturel à l'ambassade de France. Il fut ensuite nommésous-directeur au Musée de l'Homme et exerça diverses fonctions administratives au Conseil international des sciences socialesauprès de l'UNESCO.4. Cf. Isac Chiva, 2004, p. 68.

Le Laboratoire d’anthropologiesociale (LAS) doit son existence àla volonté d’un homme, ClaudeLévi-Strauss, et à la présence àses côtés de Isac Chiva, qu’ilavait rencontré quelque dix ansauparavant1. Sans leur entente,l’institution n’aurait pas vu lejour, ce dont témoignent ces ex-traits de lettres :

«… Je ne me serais jamais lancédans l’aventure du laboratoire,si je ne vous avais su prêt àm’accompagner » (Lettre deC. Lévi-Strauss à I. Chiva de

janvier 2003). Ou encore : « Les dettes ne sont pasà sens unique. Vous en avez peut-être envers moi,mais de mon côté, je n’oublie pas que sans vous àmes côtés le laboratoire n’aurait pu exister » (Let-tre de C. Lévi-Strauss à I. Chiva du 5 mai 2002)2 .

Mais pourquoi une telle volonté et une telle asso-ciation ? On peut, en effet, s’étonner que ClaudeLévi-Strauss se soit attaché à fonder une institutionsi lourde à mener, lui qui apparaît, au fil de ses pro-pres écrits et de ceux qui lui sont consacrés, commeun savant solitaire, secret et difficilement accessi-ble. Mais, d’une part, il faut se souvenir que ClaudeLévi-Strauss a toujours exercé une fonction admi-

nistrative à côté de son travail scientifique3. D’au-tre part, s’il savait que l’activité ethnologique re-quiert l’isolement, l’expérience acquise au cours deses missions au Brésil ou de son exil aux États-Unisl’avait persuadé qu’il était indispensable d’offriraux chercheurs des moyens de travail techniques etdidactiques, ainsi qu’un espace de rencontre. C’estce qu’il s’empressa de faire dès son entrée, en 1959,au Collège de France.

L’association de Claude Lévi-Strauss et de IsacChiva, quant à elle, peut sembler à première vue in-congrue, pour autant que l’un s’attachait à étudierles sociétés dites exotiques, sans écriture, quandl’autre se destinait à l’analyse des sociétés ruraleseuropéennes et « avait les yeux rivés sur leproche4 ». Mais Claude Lévi-Strauss a très tôt in-clus dans son champ de recherches toutes les cul-tures, celles qui s’inscrivent dans l’histoire, lesnôtres, comme celles, dites primitives, qui rôdent àses lisières et qu’il dénommait « froides », posantque la méthode ethnographique convenait parfai-tement pour étudier et comprendre les unes et lesautres. On en prendra d’ailleurs pour preuvequelques faits trop souvent oubliés.

Au début des années 50, Claude Lévi-Strauss, alorssous-directeur du Musée de l’Homme et secrétairegénéral du Conseil international des sciences so-ciales, fut à l’origine d’une des premières grandes

Isac Chiva etClaude Lévi-Strauss (derrière

eux, Sidney Mintz), 1982.© J.-P. Martin, Collège de France.

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monographies menées dans l’après-guerre sur laFrance : Nouville, un village français5. Il la confia àl’un de ses étudiants, Lucien Bernot, futur profes-seur au Collège de France. Ce fut un ouvrage pré-curseur, qui démontrait – ce qui n’allait pas de soi,à une époque où ces mondes sociaux semblaientêtre le monopole des sociologues – qu’on pouvait,en ethnologue, étudier la campagne française et lesfaits contemporains. Puis encore, c’est Claude Lévi-Strauss qui, dès 1953, orienta Isac Chiva, son futurdirecteur adjoint, vers la Corse pour y préparer unethèse qu’il dirigerait. Enfin, à la demande du Com-missariat à l’énergie atomique en 1955, il lui pro-posa d’entreprendre à Bagnols-sur-Cèze, puis àMarcoule, des investigations sur les transforma-tions socio-économiques induites par l’implanta-tion en ces lieux de centres de recherches nucléaires.À la lecture des nombreuses lettres échangées à pro-pos de ces enquêtes entre les deux hommes6, onsaisit tout l’intérêt que Claude Lévi-Strauss porte àleur déroulement, les orientant et les infléchissantdans une optique ethnographique. Leurs relations,leurs intérêts communs remontaient donc à uneépoque déjà ancienne et leur association fut, au fildu temps, parfaitement rodée.

On comprend dès lors pourquoi, lorsqu’il fut ques-tion de fonder un centre de recherches, ClaudeLévi-Strauss se tourna vers Isac Chiva pour lui de-mander de l’épauler dans cette tâche. L’orientationthématique et géographique des recherches de cedernier ne fut en aucune manière un obstacle. Larevue Études rurales, qu’il amenait avec lui, futd’ailleurs, au même titre que L’Homme, abritée parle laboratoire.

Dès le début, le LAS fut un centre de recherches« généraliste », ouvert sur tous les horizons géo-graphiques, toutes les cultures et tous les types dequestionnements.

Cette institution, Claude Lévi-Strauss la dénommaexpressément « laboratoire » pour bien montrerqu’il s’agissait de la mettre sur un pied d’égalité

avec celles qui existaient en sciences expérimen-tales. Tout comme ces scientifiques qui usent d’ins-truments d’expériences coûteux, les ethnologuesont en effet besoin d’un budget important pour fi-nancer leurs « terrains » d’enquête, qui valent ex-périmentation dans la discipline, et, comme eux, ilsdoivent pouvoir disposer d’espaces de travail indi-viduels et collectifs, comportant des outils tech-niques et didactiques, afin d’élaborer et d’exploiterdans les meilleures conditions leurs matériaux deterrain.

La nécessité de cette base logistique peut se liredans la longue quête de locaux adaptés à laquelle selivra la direction du LAS pendant plus de deux dé-cennies. Elle s’exprime aussi dans les démarches en-treprises par Claude Lévi-Strauss dès 1958 pouraccueillir, avant même la création du LAS, le fichierdes Human Relations Area Files (HRAF), instru-ment documentaire « fabuleux », dont il n’existaitalors que vingt-cinq exemplaires « papier », pro-duits par l’Université Yale. Celui que réclamaitClaude Lévi-Strauss fut acquis par l’UNESCO pourle donner à la France, à condition qu’elle l’ouvrît àtous les chercheurs européens. Orcette sorte de machine scientifique,extrêmement encombrante et oné-reuse, est aussi indispensable ensciences humaines, insistait ClaudeLévi-Strauss, que peuvent l’être« un télescope ou un microscopeélectronique, dans le domaine dessciences expérimentales7 ». Au de-meurant, c’est autour de ce fichierque se greffèrent, puis prospérèrentla bibliothèque du LAS et ses en-tours, ensemble qui devint, au fildu temps, une des grandes sourcesdocumentaires françaises de re-cherche anthropologique.

À l’aide de ces instruments informatifs, puis grâceau séminaire interne bimensuel et à l’existence degroupes de travail réguliers, thématiquement orien-

5. L. Bernot et R. Blancard, Nouville, un village français. Paris, Institut d'Ethnologie, 1953 pour la 1ère édition ; nouvelle édition précédéede « Pour la réédition de Nouville » par Claude Lévi-Strauss et de « Nouville après Nouville » par Françoise Zonabend, Paris, Éditionsdes archives contemporaines, 1995, 445 p.6. Cf. Archives du LAS, fonds I. Chiva.7. Rapport de Claude Lévi-Strauss à Marcel Bataillon, administrateur du Collège de France, du 29 mars 1962. Archives du LAS :FLAS B. S2. 01 O1 29.

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Claude Lévi-Strauss au seindes Files dans le laboratoirelocalisé au 11 place Marcelin-Berthelot, 1982.© J.-P. Martin, Collège de France.

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tés, ou encore aux discussions impromptues ou plusformelles, les chercheurs ont pu échanger leurs ex-périences de terrain, confronter leurs matériauxanalysés à ceux issus d’autres cultures et tenter ainside mieux répondre à des questions générales d’or-dre théorique. Leurs travaux s’élaboraient désor-mais non pas en commun, mais en quelque sorte àla lumière les uns des autres. Ainsi que le souhaitaitClaude Lévi-Strauss, au LAS, les chercheurs étaientmis en situation de communiquer.

Enfin, pourquoi un laboratoire « d’anthropologiesociale » ? Une appellation inusitée en 1960, oùl’on parlait à propos de la discipline d’ethnologieou même d’ethnographie. Là encore, Claude Lévi-Strauss a imposé ce terme, inspiré par son expé-rience des États-Unis, où cette appellation avaitdepuis longtemps droit de cité.

« Il fallait réactiver le projet qu’avait l’anthro-pologie victorienne de la fin du XIXe siècle, oucelui incarné par Durkheim et Mauss, enFrance, et qui avait été quelque peu délaissé, des’attaquer sur des bases scientifiques à la com-préhension des grands principes gouvernant lavie commune des humains. Il s’agissait de faireplus et autre chose que d’accumuler des infor-mations ethnographiques, aussi importante quesoit par ailleurs cette activité si l’on veut éviterl’essayisme philosophique. Cette idée de labo-ratoire d’un côté et d’anthropologie sociale del’autre signalait l’ambition de réunir des cher-cheurs qui pouvaient, en combinant leurs com-pétences ethnographiques, mener desrecherches théoriques sur des règles communesde la vie sociale, leurs similitudes mais aussi etsurtout leurs différences8 ».

Même si, au cours des années, la pratique et les ob-jets de la discipline ont changé, même si les cher-cheurs du LAS se sont confrontés à l’étude defacettes fort peu traditionnelles de la réalité sociale,il n’en demeure pas moins que cette formidable ma-chine à (mieux) penser qu’est le LAS, restée fidèle àl’esprit des choix opérés par Claude Lévi-Strauss, apermis de montrer que l’anthropologie existe tou-jours dans sa spécificité originelle, celle où cohabi-tent étroitement trois démarches de fond :

l’ethnographie comme acquisition des données,l’ethnologie comme effort de synthèse à l’échelled’une région ou d’une culture, l’anthropologie so-ciale enfin comme étude des propriétés formelles dela vie sociale en général.

Mais surtout, parce qu’ils sont rassemblés dans unvoisinage réflexif, les chercheurs appartenant auLAS, tournés davantage vers la théorie pour les uns,vers la pratique de terrain pour les autres, sont touségalement sensibles à ces deux aspects de la re-cherche. Plus encore, le laboratoire, en incitant deschercheurs travaillant dans différentes régions dumonde, explorant des champs de recherche diver-sifiés, à confronter leurs résultats, a poussé au dé-cloisonnement interne et externe de la discipline,oeuvrant à faire sauter quelques barrières. Ainsi,celles entre les sociétés dites « sans écriture », étu-diées traditionnellement par les ethnologues, et lessociétés « complexes », comme la nôtre, dontl’étude était laissée, il y a encore peu de temps, auxsociologues ou aux historiens. Le regard, l’interro-gation ethnologiques peuvent apporter une contri-bution originale à la compréhension de ces mondescontemporains dits globalisés, mondialisés. Pourl’anthropologie, les faits sociaux ne sont pas « pen-sés » selon des compartiments étanches : les activi-tés économiques et techniques, la famille et laparenté, le droit, la religion, l’art et l’idéologie avecses expressions politiques, religieuses ou esthé-tiques, s’imbriquent, interfèrent les uns avec les au-tres et ces divers ordres de faits pris ensemblepermettent de dégager, dans la ligne tracée parMarcel Mauss, des totalités articulées. �

8. Cf. P. Descola, 2008, p.83.

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S’INSTALLER

Avant d’occuper ses locaux actuels, le LAS a connudeux autres adresses tout aussi marquées histori-quement.

Le 19 avenue d’Iéna :« La salle de bains de Monsieur Guimet »

« Nous logions au début dans une annexe duMusée Guimet, avenue d’Iéna : l’ancien hôtel par-ticulier d’Emile Guimet9. Avec trois ou quatre col-laborateurs, j’occupais une pièce qui avait été lasalle de bains : des moignons de tuyaux sortaientencore des murs revêtus de faïence, et j’avais ce quirestait de la vidange de la baignoire sous les pieds.On pouvait à peine circuler dans ce réduit encom-bré. Je recevais mes visiteurs sur le palier où nousavions réussi à disposer deux vieux fauteuils de jar-din très déglingués10 ».

La Ve section de l’École Pratique des Hautes Études(EPHE), qui disposait de ces lieux et où Claude Lévi-Strauss était, depuis 1950, directeur cumulant, voulut

bien accueillir provisoirement, dans deux piècesexiguës, le laboratoire naissant et la collection desFiles. Mais bien trop à l’étroit dans ce local ancien, quine pouvait accueillir l’ensemble des fichiers des Files,Claude Lévi-Strauss chercha très vite un autre lieu detravail et, en 1965, le LAS quitta l’avenue d’Iéna.

Au « vieux » Collège :« Les collections minéralogiques du roi Louis XVIII »

« Je me souviens que, lors de mes visites de can-didature, en 1959, j’avais été reçu par le titu-laire de la chaire de géologie. Son laboratoireoccupait, au dernier étage, une aile du bâtimentédifié à la fin du XVIIIe siècle par Chalgrin.Outre le bureau du professeur et des greniers, ilse composait pour l’essentiel de deux salles ma-jestueuses où quelques rares personnes travail-laient sur de grandes tables en chêne. Le longdes murs aux angles ornés de pilastres, onvoyait des meubles d’acajou à hauteur d’appui,d’un style dépouillé mais admirables par le des-sin et les proportions. (...) J’appris qu’ils ren-fermaient les collections minéralogiques du roiLouis XVIII. (...) Je reçus un coup au cœur.Nulle part ailleurs, pensais-je, je n’aimeraismieux passer mes jours qu’en cet endroit spa-cieux, silencieux et secret, resté tel qu’on pou-vait imaginer un lieu de travail collectif aumilieu du XIXe siècle11 ».

En 1965, la chaire de géologie devint vacante et seslocaux furent attribués par l’assemblée des profes-seurs du Collège au LAS. « Le miracle auquel jen’aurais jamais osé songer quand je pénétrai pourla première fois dans cet endroit de rêve se réalisaitdonc12 ».

S’INSTALLER, S’ORGANISER,S’INSTITUTIONNALISER

9. En fait, cet immeuble n'a jamais appartenu à Emile Guimet et jamais ce dernier n'y habita. Cet hôtel particulier fut construit, en 1913,pour le banquier Alfred-Samuel Heidelbach, président de la Chambre de Commerce des États-Unis à Paris. Acheté, en 1955, parl'Education nationale pour le Musée Guimet, il fut mis à la disposition de la Ve section de l'EPHE, laquelle y installa le CentreDocumentaire d'Histoire des Religions. Depuis 1991, le bâtiment abrite « Les Galeries du Panthéon bouddhique ». Au demeurant,C. Lévi-Strauss rectifia son erreur dans un texte, consacré à Jean Pouillon, paru dans L’Homme en 1997.10. C. Lévi-Strauss et D. Eribon, 1988, p. 93. 11. Opus. cit. p.110.12. Opus. cit. p. 111.

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à gauche : « La salle de bains », ancien bureau de C. Lévi-Strauss aumusée Guimet, 2010.à droite : Façade du musée, 2010.© J. Jamin, DR.

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13. C.Lévi-Strauss, D. Eribon, 1988, p. 112.

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Une des salles devint la bibliothèque, dans laquellese tenait le séminaire interne du laboratoire, l’au-tre accueillit le Centre documentaire d’ethnologiecomparée (nom donné aux milliers de fiches desFiles). Le bureau du professeur, occupé par le di-recteur du LAS, resta intact, avec sa large table àtiroirs de chêne, ses armoires-bibliothèques d’au-trefois et ses boiseries peintes. L’étage fut cloi-sonné pour y pratiquer des cellules individuellespour les chercheurs.

Toutefois, le nombre des membres du LAS aug-mentant, les bureaux pour les accueillir devinrentinsuffisants : la bibliothèque s’accroissait et l’on nepouvait ranger les dernières acquisitions, les fichesdes Files s’accumulaient sans qu’on puisse les inté-grer dans de nouveaux casiers dont le poids met-tait à rude épreuve la résistance des vieuxplanchers. Il fallait trouver une autre localisation.

L’École polytechnique : « Pour la patrie, les sciences et la gloire »

« C’est alors qu’un autre miracle s’accomplit.En 1977, le Président de la République attribuaau Collège une partie des anciens bâtiments del’École polytechnique, sur la montagne Sainte-Geneviève. Le Collège décida d’y rassemblerquelques laboratoires de sciences humaines,dont le nôtre. Nous gagnions au change une su-perficie doublée. Il fallut sept années d’effortspour obtenir les crédits et faire les travaux, mais

je pus encore, avant de prendre ma retraite en1982, veiller sur l’aménagement d’un local luiaussi paré d’un prestige historique, avec le soucique fussent respectées l’architecture métalliqueet la décoration du vénérable amphithéâtreArago destiné à devenir notre bibliothèque etautour duquel se distribueraient nos bu-reaux13. »

En 1985, le laboratoire commence, ici, sa troisièmevie. Il faut voir dans cette longue itinérance, la tra-duction des efforts constants déployés par le LASpour obtenir des locaux plus grands, afin d’y logerle fichier des HRAF, sa bibliothèque et ses exten-sions, d’accueillir dans des conditions décentes deschercheurs étrangers et de donner à chaque mem-bre, permanent ou temporaire, un espace de travail,de façon à les rassembler tous autour des moyensde recherche réunis à leur intention.

S’ORGANISER

Hébergé dans les locaux du Collège de France, leLAS doit obligatoirement être dirigé par l’un de sesprofesseurs. Ce dernier choisit le directeur adjointqui l’assiste dans cette charge.

Se sont succédé, à la tête du Laboratoire d’anthro-pologie sociale :

� Claude Lévi-Strauss (de 1960 à 1982), titulairede la Chaire d’Anthropologie sociale, qui fut ac-compagné, pendant toute la durée de ses fonctions,par Isac Chiva, en tant que directeur adjoint.

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État des lieux à « l’ancien Collège » lors de l’installation du LAS.© A. Zonabend, DR.

La dernière adresse du LAS : rue du Cardinal Lemoine.à gauche : devise de l’École polytechnique, inscrite au frontonde la salle de la bibliothèque, 2010.à droite : bureau de C. Lévi-Strauss, 2009.© J. Jamin.

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Le fondateur du LAS était tout aussi attentif aux re-cherches qu’on y menait, qu’aux diverses péripétieset manifestations qui s’y déroulaient. C’était vérita-blement son milieu d’appartenance. On peut en voirla preuve dans le fait qu’il demanda aux membresdu laboratoire de participer à « L’invité du di-manche », émission télévisée de Pierre Desgraupes14,où n’apparaissaient en principe que les « amis » del’invité. Ou encore, à titre anecdotique, dans cesquelques réflexions faites à Didier Eribon15, au sujetdes événements de mai 1968 et du LAS.

D.E. : Comment votre laboratoire - parce qu’àl’époque c’était vraiment « votre laboratoire »- a-t-il traversé les événements de mai 68 ? C.L.S. : Le Collège de France a été secoué, bienqu’il ne s’y soit rien passé de très grave. La si-tuation était particulière. De par sa constitution,le Collège de France ressemble plus à une acadé-mie qu’à une institution universitaire : il consisteen une cinquantaine de professeurs qui s’admi-nistrent eux-mêmes. Un costume exista même,paraît-il, jamais porté pour autant que je sache,

mais qui soulignait la différence : au lieu de latoge universitaire, pareil à celui des membres del’Institut sauf que les broderies étaient violettes. Toutefois, les conditions de travail ont évolué,surtout pour les scientifiques qui, ayant besoinde collaborateurs, les ont trouvés en majeurepartie auprès du CNRS et d’autres organismesextérieurs au Collège. Les scientifiques ontmonté des laboratoires et se sont entourésd’équipes de plus en plus nombreuses. Dans lesannées soixante, en plus de ses professeurs, leCollège rémunérait ou accueillait un millier decollaborateurs de rangs divers qui voulurent êtrereconnus comme faisant partie intégrante del’établissement, avoir voix au chapitre, partici-per à la gestion. Leur revendication avait un sensau sein de chaque laboratoire. Formulée à l’en-contre du Collège, elle changeait complètementla nature de l’institution. D.E. : Le problème s’est-il posé dans votreéquipe également ?C.L.S. : Au Laboratoire d’anthropologie socialerégnait un esprit de gauche et surtout MLF : les

14. Cf. L’invité du dimanche, 1971. 15. Claude Lévi-Strauss et Didier Eribon, 1988, p. 113-115.

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Dernier cours de Claude Lévi-Strauss au Collège de France (1982)Au premier rang (en partant de la droite) :Nicole-Claude Mathieu (appuyée sur le bureau), puis debout derrière : Jacqueline Angelopoulos, Eva Kempinski, Evelyne Guedj,Marie-Claire Beauregardt, Marion Abélès, Françoise Héritier, Michel Izard (derrière C.Lévi-Stauss), puis Isac Chiva, Marie-Elisabeth Handman, Yasmina Hamzaoui, Nicole Belmont, Danielle Daho, Françoise Zonabend.Au deuxième rang (en partant de la droite) :Marc Abélès, Gérard Lenclud, Jacqueline Duvernay, Patrice Bidou, Monique Lévi-Strauss, Jean-Marie Benoist, Marion Selz,Jean Pouillon, Claude Tardits, Sidney Mintz, Florence Decaudaveine, Maurice Godelier.© J.P. Martin, Collège de France.

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femmes y étaient plus nombreuses que leshommes. Quand j’ai perçu des grincements, jeme suis retiré chez moi sous divers prétextes, etles ai livrés à eux-mêmes. Il y eut une huitainede jours d’agitation interne ; et puis on est venume chercher. D.E. : Dans ses Mémoires, Raymond Aron citeune lettre que vous lui avez adressée en octobre1968. Vous y commentez la situation de l’uni-versité et, au passage, vous parlez de votre la-boratoire et de son mode de fonctionnement,« sans distinction de grade ou de fonction ». C.L.S. : Cela nous a beaucoup aidés à surmon-ter la crise. Au départ, le laboratoire était petitet il ne me paraissait pas utile de mettre en placedes organes de direction et de gestion. Nousnous réunissions périodiquement en assembléede laboratoire. Tout le monde y participait surun pied de complète égalité, jusques et y com-pris la femme de ménage. Nous étions en dé-mocratie directe. Qu’y avait-il à revendiquer ?Le système a fonctionné à la satisfaction géné-rale jusqu’à mon départ. Il fonctionnerait en-core si le CNRS n’avait imposé des règles degestion plus compliquées. D.E. : Avez-vous été mis en cause en tant quechercheur pendant la période d’agitation, en1968 ?C.L.S. : À aucun moment.D.E. : Et par les militantes féministes ?C.L.S. : Il y eut une ou deux dames un peu ex-citées qui furent priées de quitter le laboratoire.Avec l’accord général, d’ailleurs.

� Françoise Héritier (de 1983 à 1998), titulaire dela Chaire d’Étude comparée des sociétés africaines,dirigea le laboratoire, après le départ de ClaudeLévi-Strauss.

J’ai pris la direction du Laboratoire d’anthro-pologie sociale en 1982, succédant à ClaudeLévi-Strauss, qui partit en retraite à cette date. Avec le titre de directeur adjoint, m’ont assistéesuccessivement Pierre Lamaison, Philippe Descola,à nouveau Pierre Lamaison, puis ÉlisabethCopet-Rougier. Cette dernière assumait à vraidire les fonctions de directeur de laboratoire

aux yeux du CNRS, eu égard à la « règle des12 ans » imposée par cette institution16. Pierre Lamaison et Élisabeth Copet-Rougiersont décédés. Ils ont joué un grand rôle dansl’histoire du laboratoire, par leur charisme per-sonnel, la profondeur et la qualité de leurs re-cherches, mais aussi de façon pratique, par leurinvestissement. C’est Pierre Lamaison qui, pen-dant son premier mandat, eut la charge de réa-liser le déménagement du laboratoire dans leslocaux qu’il occupe désormais. Équipement,installation, décoration ont été, remarquable-ment, réalisés par lui. Élisabeth Copet-Rougier,pour sa part, s’est chargée de l’organisation dela recherche en équipes, structuration deman-dée, là encore, par le CNRS. Elle s’est aussi toutparticulièrement occupée de l’édition des tra-vaux issus du séminaire de la chaire. Tous deuxétaient des personnalités irradiantes dont ceuxqui les ont connus déplorent le destin fracassé. Pendant cette période de seize ans, plusieurs ini-tiatives déterminantes ont vu le jour, en ce quiconcerne l’organisation interne, le travail de re-cherche et le rôle du laboratoire comme centrede formation destiné à faire essaimer de nou-velles équipes. L’augmentation en personnel et les règlementsdu CNRS ont rendu difficile, à un momentdonné, la gestion directe par le truchement derapports présentés deux fois par an par la direc-tion devant l’assemblée générale, comme c’étaitl’usage antérieurement. Dès lors furent créés uncomité de gestion et un conseil de laboratoire,où tous les membres du LAS (chercheurs et tech-niciens) sont représentés. Avec la mise en placede ces nouvelles instances, à côté des assembléesgénérales qui perdurent, l’activité scientifique,administrative et financière du LAS fait l’objetd’un processus démocratique de gestion. En deuxième lieu, et c’est là un tournant radicaldans l’histoire du laboratoire, furent créées pro-gressivement en son sein, sous mon impulsion,des équipes de recherche regroupant, à côté deschercheurs et enseignants-chercheurs membresde droit du laboratoire, des étudiants en docto-rat, des post-doctorants, des chercheurs étran-gers en séjour temporaire, et même, après

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16. L’appartenance d’un laboratoire au CNRS requiert qu’une même personne ne puisse y exercer plus de trois mandats de directionsuccessifs de 4 ans, ce que ne demandent ni l'EHESS ni le Collège de France.

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accord, des chercheurs extérieurs au laboratoire.Ces équipes, centrées sur un programme collec-tivement accepté, organisent leur travail de façonautonome. Cette structuration de la recherche enéquipes, eut pour effet de la dynamiser autour dethèmes nouveaux, d’ouvrir sur la participationextérieure et d’entretenir des réseaux, enfin d’ac-cueillir et de fidéliser de jeunes doctorants etpost-doctorants, qui trouvent là également unlieu d’encadrement et de formation. En troisième lieu, le laboratoire a été amené à jouerle rôle de pépinière pour de nouvelles équipes. Lespolitiques scientifiques varient en haut lieu. Si, denos jours, on vise à des regroupements pour at-teindre des tailles dites optimales et faciliter la miseen commun de moyens et d’équipements, il fut untemps où le CNRS privilégia au contraire les pe-tites équipes au détriment des grands laboratoires,qui furent invités à se démanteler. Plutôt que desuivre cette voie, j’ai fait mener au laboratoire,pendant quelques années une politique d’essai-mage et de création de nouvelles équipes, autourde personnalités porteuses de projets collectifs degrand intérêt. Ces créations ne furent pas une dé-perdition, mais une ouverture institutionnelle etthématique, en raison de rapports qui perdurententre elles et leur lieu d’origine. Pendant ces années, bien des transformationsintellectuelles ont eu lieu. Des thèmes nouveaux

de recherche sont apparus, traités individuelle-ment et collectivement : l’identité, le corps, lesaffects, le rapport de l’homme à la nature, à lacréation artistique, les liens de l’anthropologieavec la psychanalyse, le nomadisme, etc. Maisj’ai tenu toujours une même ligne : celle deconserver au laboratoire sa vocation généra-liste, sans spécification géographique ou thé-matique (même si certaines régions du monden’y sont pas représentées, par tradition, si l’onpeut dire, comme la Chine, l’Inde, le Japon,l’Asie Mineure…). Un grand regret : les effets d’une politique na-tionale qui a fait se tarir le recrutement à la finde cette période, par la diminution drastique despostes mis en concours par nos institutions detutelle. En 1998, alors que j’avais décidé de prendre maretraite, Elisabeth Copet-Rougier disparaissaitde façon brutale. Ce fut une période difficilepour le laboratoire, qui surmonta cependantcette crise directoriale imprévue lorsque NathanWachtel accepta de prendre la tête de l’institu-tion. Ces années furent denses et riches, pleines d’ala-crité. Elles restent dans mon souvenir associéesà une certaine idée de la coopération intellec-tuelle, de la prise d’initiatives et de la discussionamicale. Régnait un esprit de solidarité et le sen-

Dernier cours de Françoise Héritier au Collège de France (1997)Devant : de gauche à droite : Ariane Deluz, Marie Mauzé, Elisabeth Copet-Rougier, Françoise Héritier, Catherine Duby, Marie-Claude Pingaud, Magarita Xanthakou, Françoise Zonabend, Olinda Celestino.Derrière : en partant de la droite : Michel Izard, Jean Jamin, Philippe Descola.Au fond : Édouard Conte.DR.

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timent de l’appartenance commune primait surle repli sur soi. Jamais, suivant l’exemple donnépar mon prédécesseur, je n’ai cherché à influersur le cours des recherches de chacun ou sur lesmanières de travailler, mais à faire entendre lanécessité de fédérer, partager, de sortir du tra-vail solitaire, d’appliquer à nous-mêmes nos ta-lents d’observation et de participation. Si j’enjuge par les résultats obtenus par cette inflexion,je crois que ce fut au bénéfice de tous.

Françoise Héritier

� Nathan Wachtel (de 1998 à 2001), titulaire de laChaire d’Histoire et anthropologie des sociétésméso- et sud-américaines, dirigea le LAS après ledépart en retraite de Françoise Héritier. Ses direc-teurs adjoints furent successivement ÉdouardConte et Charles-Henry Pradelles de Latour.

Lorsqu’en 1998 m’incomba soudain, de ma-nière inattendue, la lourde charge de succéderà Françoise Héritier à la direction du Labora-toire d’anthropologie sociale, je ne pouvaisqu’éprouver le sentiment de m’engager dansune aventure téméraire. Malgré mon expé-rience de la direction d’un centre de recherchespendant une quinzaine d’années (le CERMA,Centre de recherches sur les mondes améri-cains, que j’avais fondé à l’EHESS), et malgrémes travaux personnels, où je m’étais toujoursefforcé de combiner les méthodes des deux dis-ciplines, histoire et anthropologie, la questionne manquait pas de se poser : dans quelle me-sure serais-je « adopté » par les membres d’unetribu certes voisine et amie, mais distincte dema tribu d’origine ? En somme, il s’agissaitpour moi de pratiquer un nouveau travail deterrain, très différent évidemment de celui quej’avais effectué dans les Andes, à Chipaya,mais qui ne paraissait pas nécessairement plusaisé.Je fis de mon mieux et n’entends pas maintenant,une décennie plus tard, établir un bilan des qua-tre années de mon mandat. Une seule remarque :quand je reviens sur les lieux, j’ai le plaisir, outrede revoir mes collègues, de retrouver la grandesalle de la bibliothèque telle que nous la redécou-vrîmes, transformée après les travaux de rénova-tion qui purent alors être exécutés (et c’est aussil’une de mes satisfactions d’en avoir convaincu

l’Administrateur du Collège de France à l’époque,M. Gilbert Dagron). Il ne m’est pas possibled’énumérer ici tous les collègues du laboratoireauxquels je réitère mes vifs remerciements pourleur généreuse collaboration. Je tiens néanmoinsà rendre un hommage renouvelé à Charles-HenryPradelles de Latour, qui exerça les fonctions dedirecteur adjoint avec une rare compétence et undévouement exemplaire.Dois-je ajouter ce qui va - presque - sans dire ? Lavie quotidienne au laboratoire, les échangesconstants avec les collègues, les débats animéslors des séances de notre séminaire collectif fu-rent pour moi une source très stimulante d’enri-chissement intellectuel. Échanges aussienrichissants, quoique d’un tout autre genre, queceux avec mes amis chipayas sur le terrain andin(les anthropologues apprécieront certainementl’éloge !). Je crois pouvoir dire en effet que s’étaitcréé entre nous un véritable esprit d’équipe faitd’écoute réciproque, d’attention vigilante et dediscussion constructive. Dans une ambianceagréable, amicale, s’accomplissait en permanencel’approche pluridisciplinaire, vécue comme réa-lité concrète, partagée et collectivement novatrice.C’est avec une profonde gratitude, et non sansune certaine nostalgie - saudade -, que je garde enmoi le précieux souvenir de ces belles et heureusesannées au laboratoire.

Nathan Wachtel

� Philippe Descola, titulaire de la Chaire d’Anthro-pologie de la nature assume la direction du LAS de-puis 2001. À ses côtés, Frédéric Joulian, Brigitte

Nathan Wachtel lors d’un de ses cours.© J.-P. Martin, Collège de France.

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Derlon et Dimitri Karadimas ont occupé successi-vement les fonctions de directeur adjoint.

Il arrive souvent lors des changements de dynas-tie que le nouveau roi veuille effacer les traces dessouverains qui l’ont précédé afin de bâtir une lé-gitimité qui s’appuie sur sa seule personne.J’avoue que cette idée m’a effleuré lorsque j’ai éténommé à la tête du Laboratoire d’anthropologiesociale. Non pas, bien sûr, que j’aie songé à ren-verser les statues de mes prédécesseurs : je les vé-nérais moi-même. Mais une institution comme leLAS, fruit de la volonté d’un homme et résultatdes choix opérés par ses successeurs, une institu-tion composée au fil du temps selon les affinitésscientifiques et personnelles des uns et des autres,avec ses particularismes, ses usages, ses domainesde recherche bien établis, bref un lieu si chargéd’histoire et de traditions contraignantes, cela pa-raissait un patrimoine bien écrasant à faire fruc-tifier. Certes, je connaissais la maison danschacun de ses détours puisque j’y avais fait toutema carrière. Jeune étudiant en philosophie, etdéjà attiré par l’anthropologie, j’allais y visiterMaurice Godelier dès 1972 pour lui parler de mamaîtrise dans une soupente du bâtiment Chal-grin, avant de sauter le pas deux ans plus tard enm’inscrivant en thèse sous la direction de ClaudeLévi-Strauss. Des entretiens qu’il m’accordait àcette époque, je me souviens surtout de l’effroiqui me saisissait avant d’entrer dans son grandbureau d’angle baigné par la lumière du nord, uneffroi que son affabilité ne parvenait que très par-tiellement à dissiper et qui était sans doute moinsaigu encore que celui que je ressentais au mo-ment de solliciter un rendez-vous auprès de sa se-crétaire. Car Evelyne Guedj, dont j’ai apprisensuite à apprécier la gentillesse, savait aussi tis-ser autour de Monsieur Lévi-Strauss – puisquec’est ainsi que nous l’appelions – un glacis de dis-suasion fort efficace. J’ai eu tout le loisir depuisde mesurer combien cette fonction protectrice estnécessaire. Quelques années passèrent, le plus souvent horsde France, et je ne retrouvai vraiment le labora-toire qu’au moment de soutenir ma thèse, en1983. Je n’étais encore qu’un tout petit satellitedu LAS où j’avais cependant le droit occasionnelde faire des photocopies. Toutefois, probable-ment parce que j’étais moi aussi passé par le dou-

ble rite initiatique d’un terrain lointain et d’un ex-posé au séminaire de Claude Lévi-Strauss, peut-être aussi parce que je participais déjà activementà la formation des étudiants à travers des chargesde cours à l’EHESS, les membres du laboratoirese montraient fort aimables avec moi ; certainsdes plus prestigieux me donnaient même du ‘tu’,une familiarité qui me plongeait dans l’embarrascar j’avais beaucoup de mal à leur rendre la pa-reille. En 1984, peu après avoir été élu maître deconférences à l’EHESS, je recevais un télégrammede Pierre Lamaison, alors directeur adjoint du la-boratoire, me convoquant à l’assemblée géné-rale : j’étais intronisé au LAS dont FrançoiseHéritier assumait depuis peu la direction. À vraidire, je la connaissais à l’époque moins bien qued’autres membres du laboratoire avec qui je col-laborais plus directement, aussi ai-je été fort sur-pris lorsqu’elle me demanda, trois ans plus tard,de la seconder comme directeur adjoint. Je ne saisquelles qualités elle avait su déceler en moi pourremplir cette mission, car j’étais à l’époque assezignorant des réalités administratives et un peu ré-ticent à exercer des fonctions d’autorité. M’initieraux côtés de Françoise Héritier aux diversrouages du fonctionnement d’un grand labora-toire fut pourtant une expérience aussi enrichis-sante sur le plan intellectuel que sur le planpersonnel. Les tâches d’encadrement de la re-cherche sont certes dévoratrices de temps – et celade façon croissante depuis quelques années – maistous les savants que j’ai admirés, Claude Lévi-Strauss au premier chef, ont su que celles-ci for-maient une part indispensable des devoirs qui leurincombent comme chercheur et comme citoyen.Sans compter que l’on peut difficilement rêvermeilleur poste d’observation que celui de direc-teur adjoint pour faire l’ethnographie d’un labo-ratoire, même si celle-ci ne débouchera jamais surune monographie, condamnée qu’elle est à de-meurer enfouie dans la discrétion par le secret sa-cramentel de la fonction. C’était donc en connaissance de cause que jepris la direction du LAS en 2001. J’avais lechoix entre deux options : soit demander sa dis-solution sous sa forme actuelle et reconstituerautour de ma chaire un autre laboratoire reflé-tant mieux mes orientations scientifiques, soitle conserver en l’état et lui imprimer au fil dutemps de petites corrections de trajectoire afin

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de le rendre plus conforme à mes aspirations.C’est la deuxième option que j’ai finalement re-tenue pour toute une série de raisons. En pre-mier lieu, bien évidemment, parce que le projetgénéral du laboratoire correspondait à mesvœux : un effort collectif pour élucider les pro-priétés formelles de la vie collective en s’ap-puyant sur l’ethnographie méticuleuse desréalités sociales les plus diverses ; le programmeétait original lorsque son inspirateur l’avait for-mulé et il le demeurait quarante ans plus tardmême si, victime de son succès, il n’était désor-mais plus l’apanage exclusif du LAS. Ensuite,et comme Claude Lévi-Strauss lui-même l’avaitsouligné dans un autre contexte, les institutionssont des êtres fragiles qu’un excès de métamor-phoses peut dénaturer et dont la disparition nesera pas toujours comblée par un substitut rem-plissant aussi bien des fonctions analogues ;faire disparaître le LAS, c’était non seulementmettre fin à une histoire glorieuse, mais aussicourir le risque que son remplaçant ne soit pasà la hauteur des espérances que l’on plaçait enlui. Enfin, dans la science comme dans la vie, ladiversité est gage de la créativité et de la capa-cité de se perpétuer ; un trop-plein de conni-vence, des habitudes de pensée trop facilementpartagées, l’impression de se comprendre àdemi-mot, tout cela offre sans doute l’assuranced’un travail efficace, mais porte aussi en germel’affadissement, la routine et, à terme, la stéri-lité. Après tout, Claude Lévi-Strauss lui-mêmen’avait jamais imposé la moindre orthodoxie àses collaborateurs et l’un des grands mérites duLAS était justement d’avoir permis la cohabita-tion de chercheurs qui, pour certains d’entreeux, étaient en totale opposition théorique etdont les débats, parfois rugueux, avaient gran-dement stimulé la discipline anthropologique.Avec le recul du temps, je ne regrette pas d’avoirfait le choix de reconduire le laboratoire tel qu’ilétait. Non seulement ai-je eu le plaisir d’y voirprospérer le domaine qui m’intéressait au pre-mier chef, l’anthropologie de la nature, mais en-core, avec la réactivité des organismes vigoureux,le LAS a aussi su développer des directions de re-cherche que l’on entrevoyait à peine il y a dix anset qui y ont trouvé le bon terrain pour s’épanouir.Il est vrai que, dans l’intervalle, le modèle d’or-ganisation du LAS s’est généralisé ; notre centre

est même à ranger maintenant parmi ceux detaille moyenne. On comprend que la tendance àl’accroissement des effectifs des unités de re-cherche relève de la part des instances de tutelle,le CNRS au premier chef, d’un désir de réaliserdes économies d’échelle. Elle porte toutefois engerme un grave danger : on ne peut pas attendred’un directeur qu’il soit à la fois un chercheur deréputation internationale, remplissant de ce faitun rôle d’animation scientifique indispensable àla vie du laboratoire, et un patron de PME dont,faute de personnel en nombre suffisant, unegrande partie du temps est consacrée à des tâchesbureaucratiques sans cesse plus lourdes. Lesdeux sont absolument incompatibles et c’estpourquoi l’on aura sans doute de plus en plus dedifficultés à trouver des chercheurs réputés pourassumer des fonctions de direction si la courseau gigantisme des laboratoires se poursuit. C’esten tout cas la raison pour laquelle il est souhai-table qu’un laboratoire comme le nôtre ne dé-passe pas de beaucoup une cinquantaine demembres permanents : l’expérience montre quec’est la taille optimale pour que s’y perpétuent àla fois l’indépendance de chacun et les rapportschaleureux de bon voisinage nécessaires à l’exis-tence d’un collectif.

Philippe Descola

Dès les débuts du LAS, la collaboration étroiteentre la direction et la direction adjointe fut uneconstante, mais au cours des vingt-deux annéesque dura l’association de Claude Lévi-Strauss et de

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Philippe Descola© P. Imbert, Collège de France.

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Isac Chiva, la politique et la gestion de la rechercheont changé. Les décisions administratives pou-vaient, à leur époque, être prises au jour le jour :

« On discutait presque tous les matins de tousles problèmes financiers, scientifiques, techniquesà résoudre. J’étais la courroie de transmissionentre les ethnologues et Lévi-Strauss17. »

Aujourd’hui, l’administration de la recherche s’estalourdie. Aussi, depuis 1985, le directeur adjoint,toujours nommé par le directeur, l’est pour unedurée de 4 ans et la répartition des tâches entre cesdeux pôles de la direction s’est clarifiée et quelquepeu formalisée, ainsi que l’expriment les deux der-niers titulaires de la fonction :

Être directeur adjoint c’est jouer un rôle de« passeur » entre le directeur et les institutionsde tutelle d’un côté, les chercheurs et les ITA18

du laboratoire de l’autre. Membre de droit detous les comités internes (conseil de labora-toire, comité de gestion), on se doit d’aider àarbitrer du mieux possible les demandes demission et de matériel informatique, tout enveillant aux besoins spécifiques de la biblio-thèque ou des services communs. Mais c’estsurtout auprès des ITA que nous nous sentonsutile : il est indispensable d’être à leur écoute etde tenter d’harmoniser, avec eux, leur pratiquequotidienne en un ensemble acceptable partous, alors que leurs tâches sont extrêmementdiverses et différenciées.

Brigitte Derlon

Depuis janvier 2009, j’assume la charge de di-recteur adjoint, cela consiste en quelque sorte àsuivre le laboratoire au jour le jour : les équipes,la gestion des relations avec les trois organismesde tutelle, les questions de personnels adminis-tratifs et techniques, la préparation des conseilsde laboratoire, des comités de gestion et des as-semblées générales ainsi que les orientations àprendre en matière de politique de la re-cherche... Ce sont là quelques-unes des respon-sabilités quotidiennes qui m’incombent, encoordination avec le directeur du laboratoire.

Être à ce poste m’a fait découvrir le laboratoireautrement : en premier lieu, j’ai pris consciencede la complexité administrative qu’impose l’ap-partenance à trois tutelles institutionnelles ; en-suite, j’ai pu évaluer la place que tiennent tousles ITA dans le fonctionnement du LAS et sur-tout mesurer combien la collaboration et labonne volonté de chacun participent à l’élabo-ration d’une recherche de qualité. Ma fonctionimplique d’écouter les desiderata de chacunsans avoir toujours la latitude de pouvoir y ré-pondre de façon satisfaisante.

Dimitri Karadimas

Au commencement, le laboratoire comptait 7 mem-bres permanents (dont 5 chercheurs) à plein tempset 2 à mi-temps. Lors du départ en retraite deClaude Lévi-Strauss, en 1982, on y dénombrait 59membres, dont 33 chercheurs statutaires. Durantce laps de temps, le laboratoire fonctionna en dé-mocratie directe par le truchement de l’assembléegénérale de tous ses membres, réunie plusieurs foisl’an. Mais en 1983, en raison de l’augmentation deseffectifs, le CNRS auquel le LAS était alors associé,imposa d’autres règles de gestion. Dès lors, furentmis en place, à côté de l’assemblée générale, convo-quée deux fois l’an, un conseil de laboratoire de 15membres, qui se réunit quatre fois l’an, et un co-mité de gestion composé de 7 membres, qui se tientà la demande. Ces deux dernières instances sontcomposées de membres élus et nommés parmi leschercheurs et les ITA. La durée de leur mandat estde quatre ans. Le directeur et son adjoint en sontmembres de droit.

Aujourd’hui, le LAS compte 46 permanents, dont33 chercheurs et 13 ITA. Cette stagnation du nom-bre des chercheurs et la diminution de celui des ITAs’expliquent par la politique de rigueur à laquelleest confrontée la recherche fondamentale. Pourtantces personnels de gestion sont indispensables aubon fonctionnement de l’unité et de la science. Auxcôtés de la direction et des chercheurs se déploient,en effet, des effectifs administratifs et techniquesqui gèrent les services généraux, assurent l’éditiondes revues, conduisent et administrent le centre do-cumentaire du LAS et, parfois, aident les cher-

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17. I. Chiva, « Une communauté de solitaires : le Laboratoire d’anthropologie sociale », 2004.18. Ingénieurs, Techniciens et personnels Administratifs.

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cheurs dans le volet technique de leurs travaux. Aufil du temps, les titulaires des différents postes ausein de ces services ont changé : certains ont quittél’institution, d’autres ont reçu une nouvelle affec-tation, mais nous devons ici rappeler le rôle indis-pensable qu’ils ont joué dans la bonne marche dulaboratoire.

� Secrétariat de la directionSophie Bosser, au LAS depuis 2001

« Cela fait presque neuf ans que j’assume le se-crétariat de la direction du LAS. Je ne souhaitepas m’attarder sur la description technique destâches qui m’incombent, mais plutôt parler d’unpoint de vue personnel. À ce poste, j’ai lachance de côtoyer des personnes qui, à des qua-lités intellectuelles fortes, allient des qualités hu-maines rares. Le laboratoire est un microcosmeparticulier, parfois émouvant, parfois exaspé-rant, mais toujours vivant. J’assure des tâchesadministratives très diverses : environ 100 per-sonnes y gravitent chaque année. En arrivant,je ne connaissais rien à l’anthropologie maisprogressivement, les conférences des profes-seurs, les comptes rendus des chercheurs reve-nant de mission, les rapports d’activité m’ontfait découvrir cette discipline. Le secrétariat dece laboratoire, ce n’est pas toujours reposantmais c’est souvent enrichissant ! »

Le secrétariat fut successivement assuré par EdmaLemay, Evelyne Guedj, Monique Chevallier-Schwartz,Françoise Marvaldi, Hélène Monot, Fatiha Djouada,Claudine Mochel et Hélène Lamy.

� Administration généralePatricia Rigole, au LAS depuis 1994

« Être responsable de l’administration généraledu LAS, c’est assumer en quelque sorte lestâches d’un « trésorier-payeur général » sansjouir naturellement des pouvoirs que ce statutcomporte. En effet, je veille essentiellement à labonne gestion financière et administrative del’unité. Il m’incombe ainsi d’ordonnancer et defaire exécuter les diverses demandes de finance-ment émanant tant de l’administration que despersonnes dont les crédits sont gérés par le LAS.Or ces crédits proviennent à la fois de nos tu-

telles et d’institutions privées ou publiques quiont chacune leurs propres règles de fonctionne-ment et leurs propres logiciels de gestion à res-pecter. C’est dire l’attention que demandent lapréparation, l’exécution et le suivi de chaqueacte financier. Ma participation de droit au co-mité de gestion et au conseil scientifique del’unité me permet de mieux planifier et gérerl’ensemble de ces tâches. »

Occupèrent cette fonction Jeanine Kevonian, FlorenceDecaudaveine, Marcel Skrobek, Fanny Ricque,Bernard Schnakenbourg.

� Gestion informatiqueDepuis la création du site Internet du LAS19,Nicolas Govoroff en est le webmestre.

Jérôme Lamarque, au LAS depuis 2002

« Adjoint technique à l’EHESS, j’ai été nomméau LAS comme gestionnaire du parc informa-tique. Cela signifie que je veille à la mainte-nance de toutes les “machines” de l’unité etinterviens, auprès de tous les membres auxprises avec leur outil informatique. Les appelsà l’aide sont nombreux et variés ! Je gère, avecPatricia Rigole et Sophie Bosser, le fichier La-bintel qui recense l’ensemble des membres del’unité et les étudiants des enseignants-cher-cheurs. »

� AccueilMarie-Claudine Ah-Pet, au LAS depuis 2002

« En charge de l’accueil, je suis la première per-sonne que découvrent les visiteurs en entrant auLAS, celle aussi devant laquelle passent, tous lesmatins, les membres du laboratoire présents.Aussi toutes les demandes d’informationsconvergent-elle vers moi. Cette connaissancetrès personnelle que j’ai acquise de la vie duLAS me permet, notamment, d’assurer aumieux la maintenance du matériel collectif né-cessaire à la bonne marche de l’unité ».

À l’accueil du laboratoire, se sont auparavant succédé :Josiane Dossot, Malvina Knabel, Eva Kempinski,Sylvène Léon, Frédéric Jude, Jean-Baptiste Mouyanagaet Liliane Mellano.

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19. http://las.ehess.fr

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S’INSTITUTIONNALISER

Le LAS fut fondé sous l’égide conjointe du Collège deFrance et de la VIe section de l’EPHE, devenue EHESSet à laquelle il fut d’abord rattaché principalement. En1964, il est affilié au CNRS en tant que laboratoire as-socié n° 51, puis en tant que laboratoire propre sous lenuméro 00681, enfin comme unité mixte de recherchesuccessivement n° 16, puis 7130. En 2001, parce qu’ilest dirigé par l’un de ses professeurs et hébergé dans sesmurs, le LAS choisit le Collège de France comme pre-mier établissement de rattachement. C’est donc de cestrois organismes – l’EHESS, le CNRS et le Collège deFrance -, ainsi que, par tradition, de la Ve section del’EPHE, qu’il tient son personnel et reçoit l’essentiel deses ressources budgétaires.

Toutefois, la direction déploie de gros efforts, depuisplusieurs années, pour obtenir des aides contractuellesauprès d’établissements, d’institutions ou de fonda-tions, publics ou privés, aux fins de financer des re-cherches de terrain, poursuivre des études coûteusesen préparation des données par des moyens informa-tiques, mais aussi pour mener à bien des travaux d’in-

térêt général dans le cadre de la documentation bi-bliographique ou archivistique. Les FondationsFyssen, Hugot, Thyssen, Wenner-Gren, mais aussil’INSERM, furent souvent sollicités. De même, de plusen plus fréquemment, les chercheurs du LAS répon-dent collectivement ou individuellement aux proposi-tions de recherches qui émanent, entre autres, de laMission du Patrimoine ethnologique, du Ministère dela Culture, de celui de l’Environnement ou encore duMinistère des Relations extérieures. Si bien que le LASanime plusieurs réseaux financés de recherche, fran-çais et internationaux (GDR – GDRI)20, et bénéficieégalement de conventions et contrats de recherche ob-tenus après sélection sur appel d’offres (ACI, ANR)21.Tous ces financements réunis représentent environ36 % des ressources de l’unité, ce qui est appréciable.Mais pour autant, ces moyens financiers complémen-taires trop souvent orientés vers la demande sociale,l’intervention pratique, ne correspondent pas néces-sairement aux ambitions d’une recherche fondamen-tale de qualité : des dotations budgétaires directes etdont l’institution peut disposer à sa guise sont indis-pensables pour que celle-ci progresse et remplisse sonrôle de diffusion des connaissances. �

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20. GDR : Groupe de Recherche, GDRI : Groupe de Recherche Internationale.21. ACI : Action Coordonnée Incitative, ANR : Agence Nationale de la Recherche.

ORGANIGRAMME DU LAS

Direction de l’unité

DirectionDirection adjointe

FONCTIONNEMENT DE LA RECHERCHE

Gestion Secrétariat Accueil-Standard Informatique

ACCOMPAGNEMENT DE LA RECHERCHE

Service dedocumentation

Assistance informatiqueà la rechercheSite internetWebmestre

Revues et collection

BibliothèqueHRAFArchives

L’HommeÉtudes ruralesCahiersd’anthropologie sociale

Chercheurset

Doctorants

Équipesde

recherche

Programmesde

recherche

PRATIQUE DE LA RECHERCHE

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ACCUEILLIR

La souplesse de fonctionnement du LAS et son ouverturetout à la fois disciplinaire, thématique et géographiquelui ont permis d’accueillir à titre temporaire des cher-cheurs étrangers, mais aussi des équipes de recherche. LeGroupe de sémio-linguistique, dirigé par Algirdas JulienGreimas et Christian Metz, également composé de HansDietschy, Oswald Ducrot et Gérard Genette, fut ainsi as-socié au LAS de 1969 à 1972, de même que le Groupede sociologie rurale, formé par Placide Rambaud etMonique Vincienne, de 1970 à 1973. Ces groupes de-viendront ensuite des formations autonomes.

Quant aux collègues étrangers invités au LAS, ils sontextrêmement nombreux, tant la collaboration avec desinstitutions scientifiques d’autres pays est poursuivie avecconstance. Pour mémoire, mentionnons quelques-unesde ces personnalités avec lesquelles des relations scienti-fiques perdurent à ce jour et dont certaines, au demeu-rant, sont « membres correspondants » du laboratoire : � Selim Abou - Université Saint-Joseph de Beyrouth� Michael Alpers - Papua New Guinea Institute ofMedical Research� Klaus Beitl - Osterreichisches Museum fürVolkskunde, Vienne� Bernardo Bernardi - Université de Rome « LaSapienza »� Cai Hua - Université de Pékin� Manuela Carneiro da Cunha - Université de São Paulo� Janet Carsten - Université de Cambridge� Chantal Collard - Université Concordia, Montréal� Victor Crapanzano - Université Harvard� Salvatore D’Onofrio - Université de Palerme� Richard Fardon - School of Oriental and AfricanStudies� Carlos Fausto - Universidade Federal de Rio de Janeiro� Gillian Gillison - Université de Toronto� Robert Glasse - Queens College, New-York� Jack Goody - St Johns College, Cambridge� Caroline Humphrey - Université de Cambridge� Utz Jeggle - Université de Tübingen� Junzo Kawada - Université Tokyo Gaikokugo� Roger Keesing - Université de Camberra� James Laidlaw - Université de Cambridge� Eleanor Leacock - City College of New York� John Leavitt - Université de Montréal

� Adam Kuper - Université Brunel � Pierre Maranda - Université Laval� Sidney Mintz - Université Yale� Henrietta Moore - Université de Cambridge� Emiko Ohnuki-Tierney - Université du Wisconsin� Richard S. Price - College of William and Mary� Luc Racine - Université de Montréal� Francesco Remotti - Université de Turin� Marshall Sahlins - Université de Chicago� Laurette Séjourné - Institut national d’anthropologie etd’histoire du Mexique� Peter Skalnik - Université de Cape-Town� Paul Stoller - West Chester University of Pennsylvania� Eduardo Viveiros de Castro - Université fédérale deRio de Janeiro� Tom Zuidema - Université de l’Illinois.

Toutefois, l’une des principales vocations du LAS de-meure l’accueil des étudiants inscrits en master ou enthèse auprès des membres enseignants-chercheurs. Lesdoctorants ont, de ce fait, accès à l’ensemble des struc-tures didactiques et pédagogiques du laboratoire, parti-cipent aux travaux des équipes de recherche etbénéficient, quand le budget du laboratoire l’autorise, decrédits de mission leur permettant d’aller sur le « terrain »recueillir les matériaux indispensables à leurs futurs tra-vaux. Actuellement le LAS compte plus de 150 docto-rants inscrits auprès des enseignants-chercheurs de l’unité.

ACCUEILLIR, FORMER, ÉCHANGER

Convivialité au LAS :photomontage réalisé par Frédéric Jude en 1988.

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FORMER

L’enseignement et la formation ont toujours consti-tué un point fort du LAS. Dans un article donné en1965 à la Revue de l’enseignement supérieur,Claude Lévi-Strauss évoquera, entre autres raisonsqui l’ont conduit à former son projet de labora-toire, l’absence de tout enseignement coordonnéd’anthropologie sociale.

À l’origine, un constat principal : la croissance subs-tantielle, dans les années qui ont suivi la SecondeGuerre mondiale, du nombre d’enseignements et derecherches d’ethnologie, développement positif, maisqui s’est fait dans des conditions anarchiques, en rai-son notamment d’une « structure universitaire re-belle par sa rigidité à l’admission de jeunesdisciplines ».

Cette situation n’évoluera guère pendant de nom-breuses années ; elle conduira assez vite le laboratoire,toujours dans l’épure du projet formé par Claude Lévi-Strauss, à créer, dans le cadre et avec les moyens ma-tériels de la VIe section de l’École pratique des hautesétudes, un enseignement de formation à la recherchepour les futurs ethnologues : on leur proposait des en-seignements et des séminaires d’histoire des conceptsde l’anthropologie sociale, des notions analytiquesainsi que la pratique de l’enquête. Ce cycle, créé en1962, s’intégrera, à partir de 1965, à un ensemble plusvaste de formation à la recherche en sciences socialesdépendant de la VIe section de l’EPHE et qui préfigu-rera la création des DEA (diplômes d’études appro-fondies) généralisés par la suite dans les universités.Parallèlement, sur le même modèle, Isac Chiva22 orga-nisera, en novembre 1965, un enseignement de pré-paration à la recherche en ethnologie et sociologie descampagnes. Ces cycles de formation, confiés à des col-lègues dont la majorité n’était pas rattachée statutai-rement au laboratoire, illustrent le double but que sedonnait ce dernier : servir l’ensemble de la commu-nauté scientifique et permettre, grâce aux règles sou-ples de fonctionnement des grands établissementsd’enseignement supérieur, à de jeunes chercheurs venusd’autres disciplines d’acquérir sur le tard une forma-tion universitaire en anthropologie sociale et d’accé-der ainsi directement au nouveau doctorat dit « detroisième cycle ».

Ces cycles d’enseignement inaugurés par le LAS ontperduré jusqu’à la mise en place, à l’EHESS, d’un« master » en ethnologie et anthropologie sociale en2004.

Par ailleurs, les chercheurs du LAS participent active-ment à l’enseignement : directions d’études et de re-cherches par les enseignants-chercheurs de l’EHESS,du Collège de France et par les chercheurs habilités duCNRS, tutorat, soutien logistique aux étudiants par-tant en mission, accueil et mise à disposition des struc-tures du laboratoire ont toujours fait partie intégrantede la politique suivie. Les séminaires internes deséquipes du laboratoire sont des lieux d’accueil naturelspour les quelque cent cinquante étudiants préparantdes thèses au LAS, de même que les enseignements ré-guliers d’équipes, hébergés à l’EHESS, et les ateliers delecture organisés par le laboratoire à l’intention desétudiants.

ÉCHANGER

Le LAS s’est toujours efforcé d’ouvrir des relationsnouvelles avec des institutions et collègues étrangers(Allemagne, Italie, Japon, Israël, Mexique, Brésil...)tout en renforçant des liens plus traditionnels (Angle-terre, Pays-Bas, Canada, États-Unis), et cela de diversesmanières : invitation et accueil de chercheurs associésqui donnent des conférences et tiennent des séminairesde recherche ; associations contractuelles pour menerà bien une œuvre commune sur un thème précis,comme ce fut le cas avec l’Université Laval (Québec)

22. Cf. I. Chiva, La Lettre du Collège de France n° 8, 2003, p. 36.

Affiches des colloques La parenté, suite sans fin..., 2000,et Claude Lévi-Strauss, un parcours dans le siècle, 2008.

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ou l’École française de Rome (Italie) ; participation in-dividuelle des chercheurs à de multiples colloques, sé-minaires, tables rondes ou congrès et voyages d’études.

On mentionnera enfin l’organisation de rencontres in-ternationales suscitées par le LAS, en partenariat avecd’autres institutions. Citons, par exemple, l’une destoutes premières : le colloque sur Les moyens de re-cherche en anthropologie comparée, tenu à Paris, du19 au 22 septembre 1966, en collaboration avec leConseil international des Sciences sociales et la Wen-ner-Gren Foundation for Anthropological Research.Ou parmi les plus récentes : La parenté, suite sansfin..., colloque international, organisé les 22 et 23 mai2000 au Collège de France par le LAS, l’EPHE,l’EHESS, le Laboratoire d’ethnologie et de sociologiecomparative (Nanterre) et l’Université de Lecce (Ita-lie), et, tout dernièrement, Claude Lévi-Strauss, unparcours dans le siècle, colloque international, qui s’estégalement tenu place Marcelin-Berthelot, dans l’am-phithéâtre Marguerite de Navarre, le 25 novem-bre 2008, à l’initiative du Collège de France, del’EHESS, de l’EPHE et du LAS.

Les équipes du LAS, outre les séminaires internesqu’elles tiennent régulièrement et les colloques aux-quels leurs membres participent, prennent aussi encharge, sous l’égide du laboratoire, l’organisation an-nuelle ou bisannuelle de journées d’études et d’ateliersde travail ouverts à tous. Par l’auditoire importantqu’elles attirent et le nombre de collègues étrangers quiy participent, ces expressions publiques de l’activitécollective de l’unité contribuent à assurer à celle-ci unebonne visibilité scientifique, d’autant que certaines deces journées font maintenant l’objet de publicationsréunies dans une collection, créée exclusivement à cettefin en 2005. Toutefois, même avant cela, nombre d’ou-vrages avaient été édités au terme d’un travail com-mun, engagé par les équipes ou mené dans lesséminaires des professeurs ou des chercheurs. Ces pu-blications, trop nombreuses pour être répertoriées ici,contribuent à renforcer la notoriété que notre unités’est acquise tant en France qu’à l’étranger. �

Réunion pour les 80 ans de Claude Lévi-Strauss (1988)1er rang, de gauche à droite : Marie-Elisabeth Handman, Malvina Knabel, Marie-Claire Beauregardt, Marguerite Dupire, Nicole Belmont,Evelyne Guedj, Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, Yves Laporte, Marion Selz, Isac Chiva, Jean-François Gossiaux, Danielle Daho,Sylvène Léon, Nicole-Claude Mathieu.2e rang, de gauche à droite : Françoise Marvaldi, Michel Izard, Catherine Duby, Monique Jeudy-Ballini, Hans Dietschy, Monique Lévi-Strauss,Laurent Lévi-Strauss, Nicole Bernageau, Frédéric Jude, Jean Pouillon, Emmanuel Désveaux, Julia Sissa, Marc Abélès, Claude Tardits,Michel Perrin.3e rang, de gauche à droite : Matthieu Lévi-Strauss, Rupert Hasterok; Pierre Bonte, Philippe Descola, Nicole Chatelon, Jacqueline Duvernay,Franck Zal, Carlo Severi, David Rigoulet-Roze, Gérard Lenclud, Eva Kempinski.Au fond, de gauche à droite : Ariane Deluz, Utz Jeggle, Claudine Mochel, Marion Abélès, Marcel Skrobek, Elisabeth Copet-Rougier, Marie-Claude Pingaud, Patrice Bidou, Marie Mauzé, Monique Chevallier-Schwartz, Françoise Zonabend, Pierre Lamaison, Serge Tcherkézoff.© Collège de France.

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DES RECHERCHES, DES THÈMES,DES LIEUX

« L’ensemble des coutumes d’un peuple est toujours marqué par un style ; elles forment des systèmes. Je suis persuadé que ces systèmes n’existent pas en nombre illimité, et que les sociétés humaines comme les

individus – dans leurs jeux, leurs rêves ou leurs délires – ne créent jamais de façon absolue, mais se bornentà choisir certaines combinaisons dans un répertoire idéal qu’il serait possible de reconstituer.

En faisant l’inventaire de toutes les coutumes observées, de toutes celles imaginées dans les mythes, cellesaussi évoquées dans les jeux des enfants et des adultes, les rêves des individus sains ou malades et les

conduites psycho-pathologiques, on parviendrait à dresser une sorte de tableau périodique comme celui deséléments chimiques, où toutes les coutumes réelles ou simplement possibles apparaîtraient groupées enfamilles, et où nous n’aurions plus qu’à reconnaître celles que les sociétés ont effectivement adoptées. »

C. Lévi-Strauss23

DES CHERCHEURS

Dans l’esprit de son fondateur, Claude Lévi-Strauss,la création du LAS, nous l’avons noté, répondait àla nécessité de mettre sur pied un centre de re-cherches en anthropologie sociale dont la finaliténe serait pas l’étude d’une région géographique par-ticulière ou d’un domaine thématique étroitementdéfini, mais qui réunirait dans une collaborationconstante des chercheurs spécialistes d’aires cultu-relles différentes et s’attachant à explorer deschamps de recherches diversifiés. Cette idée forte,obstinément poursuivie au long des décennies, ex-plique la diversité des travaux menés au LAS.

Cette variété des domaines explorés apparaît net-tement à la lecture des quelque soixante-dix « no-tices scientifiques » de chercheurs – ils sont environquatre-vingts à être passés dans l’unité24 – résumantles grandes orientations thématiques et géogra-phiques des travaux accomplis dans le cadre duLAS. Certes, on constate que la spécialisation deschercheurs est quelque peu infléchie par les orien-tations scientifiques des différents directeurs et lesaffinités qu’ils ont personnellement tissées avec telou tel domaine ou région de recherche. Pour autantet de tout temps, les lieux et les thèmes d’étudesrestent variés. Si bien que le LAS offre, depuis tou-jours, une triple originalité. Tout d’abord, il

rassemble en son sein des chercheurs qui sont, pourles uns, tournés davantage vers la réflexionthéorique, pour les autres, vers la pratique du ter-rain, de sorte que, par ce voisinage, tous sont sen-sibilisés aux deux aspects de la recherche. Ensecond lieu, le laboratoire permet à des scien-tifiques travaillant dans les régions du monde lesplus diverses – Europe, Afrique, Amérique du Nordet du Sud, Océanie ... – de confronter leurs résultatssans jamais s’enfermer dans le cercle étroit d’unespécialité ou d’une problématique locale, au pointque plusieurs d’entre eux ont, du reste, ressenti lebesoin d’élargir leur horizon géographique en di-versifiant leurs terrains d’enquête – Afrique duNord et Venezuela, Afrique noire et Europe, An-tilles et Europe, Côte d’Ivoire et Colombie... –,voire d’orienter différemment leurs choix d’objets àétudier. Enfin, le laboratoire n’a jamais dissocié, etc’est là sa troisième originalité, que nous avons déjàsoulignée, l’étude des sociétés dites « sans écriture »de celle des sociétés complexes, à commencer par lanôtre.

Au sein du LAS, chaque chercheur poursuit en pleineindépendance un travail dont il est le seul maître.Quant aux centres d’intérêt thématiques, ils cou-vrent depuis les débuts du LAS, et encore au-jourd’hui, les grands domaines classiques de ladiscipline : anthropologie de la parenté, anthro-

23. Tristes tropiques, 1976, p. 203.24. Outre les chercheurs répertoriés ci-après, ont été ou sont encore membres du LAS : Édouard CONTE, Frédéric JOULIAN, Gérard LENCLUD,Jacques LIZOT, Enric PORQUERES i GENÉ, Wiktor STOCZKOWSKI et Tassadit YACINE.

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pologie économique, anthropologie des systèmessymboliques, épistémologie et histoire de la disci-pline... Toutefois, ils se sont ouverts, au fil du temps,à de nouveaux objets – anthropologie des émotions,anthropologie du risque, anthropologie de la nature,nouveaux modes de fabrication de la parenté... – etont expérimenté, pour ce faire, des problématiquesnovatrices, à la croisée de plusieurs disciplines : an-thropologie et psychanalyse, sciences cognitives, an-thropologie et linguistique, biologie ou droit...

Autre caractéristique du LAS : les catégorisationsstatutaires de ses membres n’ont rien de figé. UnITA peut, s’il le souhaite, accomplir ses propresrecherches de terrain et publier ses travaux. Cer-tains membres de l’unité sont, au demeurant, passésde ce statut à celui de chercheur.

NOTICES SCIENTIFIQUES25

Les recherches de Klaus Hamberger (EHESS), entréau LAS en 2009, portent sur l’espace social. Partantdu concept général d’espace compris comme systèmede perspectives, il cherche à explorer les structuresspatiales de l’expérience sociale à travers l’architec-ture domestique, la morphologie résidentielle, lesréseaux des migrations, les systèmes de parenté ouencore les intrigues des récits. Ces recherches s’in-scrivent dans un projet comparatif transculturel, touten s’appuyant sur un travail de terrain continu enAfrique de l’Ouest (pays ouatchi, Togo méridional).

Le travail d’Aïda Kanafani-Zahar (CNRS), entréeau LAS en 2009, porte sur l’anthropologie du corps

et de l’alimentation (Émirats Arabes Unis, Liban).La mémoire de la guerre civile libanaise (1975-1990) abordée par l’analyse du processus de « ré-conciliation » mis en place par l’État dans lesrégions du Mont Liban, théâtre de massacres, et lestentatives d’instaurer une sécularisation institu-tionnelle par le biais du mariage civil, constituentses principaux axes de réflexion.

Perig Pitrou a appartenu au LAS comme ATER, en2009-2010. À partir d’une enquête ethnographiquemenée parmi les Mixé de la Sierra Norte de Oaxacaau Mexique, l’objectif de son doctorat était d’éla-borer un modèle global permettant d’expliquer lesraisons de l’efficacité de l’opération sacrificielledans des contextes aussi divers que l’agriculture, lamédecine ou la politique. S’appuyant sur l’analysede ces pratiques rituelles, ses recherches portent ac-tuellement, d’une part sur les représentations desprocessus vitaux et, d’autre part, sur les modalitésde l’exercice des justices coutumières dans les po-pulations amérindiennes.

Florence Brunois (CNRS) entre au LAS en 2008.Elle y poursuit des recherches en anthropologie dela nature, dans la perspective d’étendre le champ

25. Les notices des chercheurs sont classées par ordre d'entrée au sein de l'unité, en partant des derniers intégrés pour aboutir aufondateur du LAS.

Illustrations :

gauche : Fantasia royale à Banyo, Cameroun, 1993. © L. Barry.

centre : Un groupe de Moose, Burkina Faso, 1957. © M. Izard.

droite : L’enfant berbère, jusqu’à la fin de l’allaitement, est considérécomme inapte à tout enseignement. Afin d’éviter qu’il ne sème lapagaille dans l’espace domestique, il est attaché, une partie de lajournée, à une souche d’arbre, appelée « piquet d’âne ». Maroc, 2002.© R. Simenel.

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de la réflexion anthropologique à l’ensemble desexistants liés aux hommes, soit les animaux, lesplantes, les esprits et les artefacts. Son terrain deprédilection se situe dans la forêt tropicale de Nou-velle-Guinée, auprès de la tribu kasua.

Michèle Fiéloux (CNRS) – entrée au LAS en 2008 –développe une recherche comparative (BurkinaFaso et Madagascar) sur les modalités anciennes etcontemporaines d’expression de la personne,qu’elles s’opèrent sur un mode verbal ou non ver-bal, direct ou médiatisé. Cette approche est menéeà partir de différentes entrées : le biographique, lapossession, les registres de communication et l’in-vention du contemporain ; les rituels funéraires etla fabrication collective de l’image du défunt ; le fa-çonnage des autels lignagers, interface avec lemonde invisible et mise en récit d’un parcours per-sonnel ; la notion de dédoublement ; l’expressiondes affects et le genre. Ce travail est lié à une dé-marche méthodologique et théorique concernantl’utilisation de l’image comme outil, objet, écriture,dans la recherche anthropologique.

Pierre Déléage (CNRS) est membre du LAS depuis2008. Ses premières enquêtes, combinant linguis-tique et anthropologie cognitive, lui ont permis dedécrire l’apprentissage et l’épistémologie des chantsrituels d’une société d’Amazonie péruvienne, lesSharanahua. Il s’est ensuite intéressé aux phéno-

mènes de stabilisation, de distribution et de propa-gation des discours rituels en s’attachant plus par-ticulièrement aux modalités d’inscription desdiscours : ces techniques pictographiques, scriptu-raires ou cryptographiques participèrent, au coursdu dernier demi-millénaire, à la réélaboration destraditions de nombreux peuples amérindiens. Sesrecherches actuelles prennent pour point de départune série d’ouvrages dans lesquels des auteurs amé-rindiens se sont approprié une langue étrangère afinde présenter une version écrite de leurs discours tra-ditionnels.

Romain Simenel, ATER au LAS en 2008-2009, adéveloppé un projet de recherche sur les modesd’apprentissage de la langue berbère dans les so-ciétés sylvo-agro-pastorales du Sud-Ouest duMaroc. Sa démarche épistémologique a consisté àconfronter la conception que les adultes ont de latransmission de la langue à la réponse comporte-mentale et pratique des enfants, dans leur acquisi-tion du langage, ceci afin de dépasser la questionde la socialisation.

Cédric Yvinec, durant l’année qu’il a passée commeATER au LAS (2007-2008), a mené des recherchesde terrain chez les Indiens Suruí du Rondônia (Bré-sil, Amazonie). Celles-ci portaient principalementsur les fêtes de boisson, le chamanisme, la mytho-logie et les conceptions de la personne. À partir deces matériaux, il a élaboré une monographie ten-tant d’éclairer les formes de vie sociale et symbo-lique de cette petite société encore peu connue.

Emmanuel de Vienne a consacré l’année passée auLAS comme ATER (2006-2007) à sa thèse sur lamaladie et le chamanisme chez les Trumai du

Illustrations :

gauche : La foire aux agneaux de l’Aïd el-Kebir, à Timahdite, Maroc,2010. © A.-M. Brisebarre.

centre : Départ à la chasse à Pana, Burkina Faso, 1958. © F. Héritier.

droite : Église et mosquée dans le centre de Beyrouth, Liban, 2006.© A. Kanafani-Zahar.

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Mato Grosso, au Brésil. Dans l’ensemble régionaldu Haut-Xingu, qui rassemble dans une même« société » dix groupes de langues différentes, lesTrumai occupent une place singulière : plus af-fectés que d’autres par les conflits interethniques,ils se caractérisent aujourd’hui par un fort éclate-ment géographique et politique et par ce qu’ilsqualifient eux-mêmes de « perte de la culture ». Ils’est attaché à restituer les dynamiques histo-riques et interethniques qui concourent à ces dé-finitions problématiques de la cultura et dugroupe trumai.

Vincent Hirtzel, ATER en 2004-2005, a conduit sesrecherches de terrain parmi les Yurakaré, au pied despremiers contreforts des Andes boliviennes, traitantde la question du rapport à soi dans cette sociétéamazonienne. À cette fin, il a entrecroisé l’étude dedifférents domaines : la mythologie, l’histoire, le ri-tuel, la parenté et la conception de la personne.

Au travers d’une analyse d’un processus cognitif hu-main, l’anthropomorphisme et son incidence surl’organisation et la transmission des savoirs, les re-cherches de Dimitri Karadimas (CNRS, entré auLAS en 2004) ont trait à l’anthropologie du corps età la perception de l’environnement, et portent uneattention particulière à la place de l’image dans cesconstructions. Sa spécialisation ethnologiqueconcerne les sociétés indiennes du Nord-Ouest ama-zonien et des Andes. Il entreprend depuis peu unerecherche sur l’iconographie de l’art sacré en Europe.

Julien Bonhomme, ATER au LAS de 2003 à 2004,y a achevé sa thèse de doctorat. Celle-ci porte sur leparcours rituel de la société initiatique de devins-guérisseurs originaires du Sud Gabon. Ses re-cherches se sont focalisées sur les configurationsd’interaction et d’énonciation manipulées lors duparcours rituel : franchissement des étapes initia-tiques, transmission d’un savoir secret, maîtrise dela parole divinatoire, acquisition d’objets rituels.

Stéphane Breton (EHESS) est membre du LAS de-puis 2003. Il a effectué des recherches de terrainchez les Wodani de Papouasie occidentale (partieindonésienne de la Nouvelle-Guinée). Ses travauxmenés au LAS ont concerné : 1) L’ethnographie desWodani, y compris la description de leur langue,ainsi que la monnaie de coquillage, les compensa-

tions de meurtre et de mariage, la sorcellerie, lescultes millénaristes. 2) La distinction de sexe enNouvelle-Guinée. 3) L’échange et la monnaie dansun sens plus général. 4) La muséographie, avec desexpositions au musée du quai Branly. 5) La théoriedu cinéma. 6) La réalisation de plusieurs films do-cumentaires en Nouvelle-Guinée et au Kirghizstan,à Paris, au Nouveau Mexique, au Népal. 7) La di-rection d’une collection de films documentaires.

Brigitte Derlon, recrutée à l’EHESS, est entrée auLAS en 2002. Spécialiste de l’anthropologie del’art, elle a enquêté sur les sculptures rituelles ma-langgan de l’île de Nouvelle-Irlande, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, avant de travailler en France surles processus de réappropriation des œuvres par lescollectionneurs d’art primitif, puis par les copistesdes musées français.

Frédéric Louchart, ATER au LAS de 2002 à 2003,a effectué une mission d’étude au Kalimantan, par-tie indonésienne de Bornéo. Ce terrain portait surles relations entre primates, humains et non-hu-mains, dans un centre de réintroduction des espècesanimales. Il s’est attaché, plus particulièrement, àl’étude des orangs-outans, aux problèmes des in-teractions homme-animal, ainsi qu’à « la produc-tion d’une pureté animale artificielle ».

Marika Moisseeff (CNRS), ethnologue et psychia-tre, est membre du LAS depuis 2002. Elle se consa-cre à l’étude comparative des représentations de lasexualité et de la procréation : une perspective quil’a conduite à travailler sur les rites d’initiation etde fertilité et les objets cultuels dans diverses socié-tés dites exotiques et, plus récemment, sur lascience-fiction en tant que mythologie occidentalecontemporaine. Elle travaille conjointement sur lesmodalités de construction identitaire des Abori-gènes australiens, à partir des données de son ter-rain, situé en Australie du Sud.

Alexandre Surrallés, américaniste, a intégré le LASen 2001, dès son recrutement au CNRS. Ses tra-vaux tentent d’apporter un nouvel éclairage sur lesexpressions culturelles de l’intériorité, la relationentre la perception des sensations et les facultés del’esprit ainsi que sur l’espace de l’intentionnalité,l’affectivité et la corporéité. Ils sont centrés princi-palement sur une société de Haute Amazonie. Il

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s’est également intéressé à l’histoire de la constitu-tion d’un discours anthropologique de la personneà partir de l’analyse de la lexicographie colonialedes langues amérindiennes.

Noëlie Vialles (Collège de France), membre du LASdepuis 2001, partage sa recherche entre l’étude del’alimentation carnée et celle des relations entre hu-mains et animaux. Dans la continuité d’une ethno-graphie de la transformation des animaux enviandes dans les abattoirs, elle s’intéresse aux atti-tudes contrastées à l’égard des nourritures d’origineanimale, pour en mettre en lumière les présuppo-sés, tacites ou déclarés, élaborés en doctrines ou si-lencieusement actifs dans les pratiques.

Corinne Fortier (CNRS) est entrée au LAS en 2000.Elle mène des recherches sur les thématiques ducorps, de la sexualité, du genre et de la parenté. Sestravaux ont tout d’abord concerné la société maurede Mauritanie et l’islam sunnite. Elle a ensuite en-trepris un travail comparatif sur un autre terrainmusulman, l’Égypte. Elle a aussi élargi ses re-cherches aux questions très contemporaines desprocréations médicalement assistées aussi bien enFrance que dans les pays musulmans, et de la tran-sidentité en France, au Québec et en Italie.

Clarisse Herrenschmidt (CNRS), entrée au LAS en1999, fait partie d’une lignée d’antiquistes qui a ral-lié l’anthropologie. Elle travaille, d’une part sur lasociété iranienne antique – en particulier sur le ma-riage « dans un degré très rapproché » qui s’y pra-tiqua –, d’autre part sur l’anthropologie del’écriture, en prenant spécifiquement en compte lesrelations entre mythes et signes écrits.

France-Marie Renard-Casevitz (CNRS), américa-niste, est entrée au LAS en 1999. Ses premiers tra-vaux portaient sur les Arawak établis en Amazoniepéruvienne. Elle se consacra ensuite à l’anthropologieculturelle, sociale et politique de composantes de cetensemble (Ashaninka, Matsiguenga), comme à d’au-tres sociétés arawak, notamment bolivienne, analy-sant les complexités du global et les effets de l’histoiredans des régions limitrophes des seigneuries andines,de l’empire inca, puis de la colonisation espagnole.

Nicolas Govoroff est entré au LAS en 1997, puisau CNRS en 2000. Outre sa participation aux tra-

vaux des équipes de l’unité, il mène ses propres re-cherches sur les représentations liées aux rapportshommes-animaux, en particulier à travers l’analysedes pratiques techniques permettant la capture deces derniers. Ses terrains d’enquête se situent enFrance (Sud-Est et Sud-Ouest) et en pays koulango,au Nord-Est de la Côte d’Ivoire.

Laurent Barry (CNRS, puis EHESS) est entré auLAS en 1997. Après un terrain chez les Peuls duCameroun (Afrique de l’Ouest), ses recherchess’inscrivent actuellement le long de deux axes prin-cipaux. Le premier porte sur l’anthropologie de laparenté et vise à englober dans une théorie uniquetous les types de systèmes d’alliance recensés parles anthropologues. Le second, celui de l’anthropo-logie de la sexualité, vise à restituer à ce concepttoute sa complexité sociologique et culturelle.

Anne-Marie Brisebarre, entrée au LAS en 1997,dans le cadre du CNRS, s’intéresse aux interactionsentre le social et le biologique, en particulier auxrelations entre les sociétés humaines et leurs ani-maux domestiques, en France, au Maghreb et enAfrique de l’Ouest (élevage et transhumance, placedes animaux dans les rituels, abattage et consom-mation de viande…).

Évelyne Larguèche est entrée au LAS en 1997, dansle cadre du CNRS, aux fins d’analyser le phéno-mène de l’injure, principalement dans les sociétésmusulmanes. Retraitée depuis juin 2006, elle pour-suit sur ce même thème des recherches dans la so-ciété française contemporaine.

Alain Testart, entré au LAS en 1997, a mené desrecherches en anthropologie comparative, surtoutsur l’organisation sociale et les institutions. Sur cethème général, il a dirigé l’équipe « anthropologiecomparative des institutions » autour d’un sémi-naire qui a pris successivement comme axe de tra-vail les prestations matrimoniales, l’esclavage et lespratiques funéraires. Il travaille couramment avecdes archéologues préhistoriens sur les questionsd’interprétation des données archéologiques.

Olinda Celestino (CNRS) appartint au LAS de1996 à 2003, année de son décès. Ses recherchestout à la fois historiques, menées à partir de corpusd’archives, et ethnographiques, sur le terrain, ont

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porté sur les sociétés indiennes du Guatémala, duPérou et d’Argentine.

Bernard Juillerat (CNRS), entré au LAS en 1996, ymena des recherches jusqu’à son décès, en 2006.Océaniste, spécialiste des Yafar de Papouasie-Nou-velle-Guinée, il en analysa la vie économique, socialeet rituelle. L’originalité de ses travaux tient au fait qu’ilpoursuivit, dans un même élan, une réflexion inspi-rée par la psychanalyse freudienne et l’analyse d’unedocumentation ethnographique de premier plan.

Spécialiste de l’Inde, Francis Zimmermann(EHESS) fut membre du LAS de 1992 à 2000. Ils’est attaché à analyser les grandes théories forgéesdans le domaine de la parenté et leurs récentes mu-tations. Il a aussi travaillé sur la question de l’uti-lité et de l’universalité des traditions thérapeutiquessavantes de l’Inde, de la Chine ou des pays d’islam.

Barbara Glowczewski est entrée au LAS commechercheur CNRS, en 1991. Ses recherches portentsur la pensée réticulaire (mythes, rites, art, créationonirique) et les transformations sociales, culturelleset politiques des Aborigènes d’Australie du désert(Lajamanu) et sur les côtes Nord de l’océan Indien(Broome) et du Pacifique (Palm Island). Ses travauxen anthropologie de la perception l’amènent à in-terroger l’écart entre la représentation médiatiquedes différences supposées ethniques et la démarched’autoreprésentation citoyenne - notamment sur In-ternet, le Web ainsi que par l’art - des populationsautochtones ou traitées en subalternes par les pro-cessus coloniaux ou postcoloniaux.

Chercheur au CNRS et membre du LAS depuis1990, Monique Jeudy-Ballini a effectué plusieurs

séjours en Papouasie-Nouvelle-Guinée, où elle anotamment étudié les pratiques rituelles et le sys-tème d’échanges des Sulka de Nouvelle-Bretagne.En France, elle a mené des enquêtes ethnogra-phiques dans l’industrie du luxe et dans le milieudes collectionneurs d’art primitif. Ses recherches ac-tuelles portent sur l’anthropologie de la relation es-thétique dans le contexte occidental contemporain.

Marie Mauzé (CNRS), américaniste, membre duLAS depuis 1986, a effectué de nombreux séjourschez les Kwakwaka’wakw (Kwakiutl), en Colom-bie britannique, province canadienne où elle a aussimené des enquêtes auprès des Nuu-cha-nulth(Nootka) et Nuxalk (Bella Coola). Elle s’est atta-chée à l’étude de l’histoire, de l’organisation sociale,du potlatch des sociétés de la côte Nord-Ouest et àl’anthropologie du monde contemporain amérin-dien. Depuis une vingtaine d’années, elle a entre-pris des recherches sur l’anthropologie de l’art etdes objets.

Jean-François Gossiaux (EHESS), membre du LASde 1985 à 1994, a poursuivi des recherches en You-goslavie (Serbie, Croatie) sur la société paysanne etl’organisation familiale, puis, notamment en Ma-cédoine, sur l’ethnicité et le nationalisme. Ses tra-vaux ont également porté sur une vallée ouvrièredes Ardennes (France) frappée par la désindustria-lisation, dont il a tout particulièrement étudié leseffets sur la jeunesse.

Illustrations :

gauche : Maison d’Indiens Suruí du Rondônia, Brésil/Amazonie, 2005.© C. Yvinec.

droite : La saison des pluies au village trumai de Boa Esperança, Brésil,2003. © E. de Vienne.

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Entré au LAS en octobre 1985, Carlo Severi (CNRSet EHESS) a travaillé d’abord sur la tradition cha-manique des Indiens Kuna du Panama, en étudiantd’une part les théories indigènes de la maladie men-tale et d’autre part les modalités de transmission dusavoir chamanique. Il a ensuite développé une ana-lyse comparative des arts de la mémoire, et formuléune théorie du rituel, fondée sur l’analyse relation-nelle des actions et sur le type de subjectivité attri-bué aux artefacts.

Serge Tcherkézoff (EHESS) fut membre du LAS de1985 à 1995. De longues enquêtes de terrain me-nées dans la société des îles Samoa (Polynésie occi-dentale) ont été au centre de ces années derecherche. Si ses travaux ont abordé tous les sujetsclassiques de la monographie, le système de pou-voir que génère une chefferie « sacrée » encore trèsancrée dans une tradition précoloniale y fait l’objetd’une attention particulière, tout comme l’analysedes relations de « genre » dans ce type de société.

Margarita Xanthakou, entrée au LAS comme cher-cheuse CNRS en 1985, étudie les formes de déviance,d’exclusion, de désordre psychique notamment iden-titaire, et de transgression d’interdits majeurs (vio-lences diverses, incestes, etc.). Elle les rapporte àplusieurs cultures dont chacune coïncide avec lesgenres particuliers d’identité collective ou individuelle

propres à ses membres. Ces questions sont liées auxstatuts variables des affects, aux invariants de l’esprithumain, aux conceptions du corps dans la construc-tion des sujets. La plupart de ses enquêtes ethnogra-phiques ont porté sur quelques régions grecques, etintègrent l’analyse de contes ou légendes encore vi-vaces ainsi que de certains mythes antiques.

Elisabeth Copet-Rougier (CNRS puis Collège deFrance) était entrée au laboratoire en 1983. Elle estdécédée en 1998. Africaniste, elle a travaillé chezles Mkako du Sud Cameroun, puis chez les Masaï,au Kenya, afin de comparer, d’une part, les modesde choix du conjoint dans deux populations éloi-gnées l’une de l’autre et obéissant à des règles semi-complexes d’alliance, et tenter de comprendre,d’autre part, les modes de transformation mo-dernes des appellations familiales que les popula-tions actuelles ont du mal à assimiler. Les systèmesde parenté et l’alliance furent ses principaux sujetsde recherche, mais elle travailla aussi sur les modesde pensée à l’oeuvre dans les représentations de lasorcellerie, du sang, du rapport des humains avecles animaux, ainsi que sur l’histoire du peuplement.

Philippe Descola (EHESS et Collège de France) est entréau LAS en 1982. Après une thèse consacrée aux usageset représentations de l’environnement chez les JivarosAchuar de l’Amazonie équatorienne, il a développé sesrecherches dans deux directions principales : l’ethnolo-gie de l’Amazonie et l’anthropologie comparative desrapports entre humains et non-humains ; ses travauxrécents portent sur les dimensions ontologiques de lavie sociale et sur l’anthropologie des images.

Les travaux de Pierre Lamaison (CNRS), européa-niste, membre du LAS de 1981 à son décès en 2001,

Illustrations :

gauche : Fillettes warlpiri peintes de leurs rêves totémiques, Lajamanu,Australie, 1984. © B. Glowczewski.

centre : Jeune femme transportant des boutures de taro, Nouvelle-Irlande, Papouasie-Nouvelle-Guinée, 1993. © B. Derlon.

droite : Le maternage des ourangs-outans : étape de réintroduction oude domestication ? Bornéo, 2003. © F. Louchart.

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ont porté sur les stratégies matrimoniales dans lesdynasties aristocratiques européennes et dans unecommunauté paysanne du Gévaudan (France). Ils’est aussi attaché à analyser les questions de trans-mission patrimoniale dans le monde rural, dans lecontexte de la politique agricole commune.

Marc Abélès a appartenu au LAS, en tant que cher-cheur CNRS, de 1979 à 1995. Durant cette pé-riode, ses travaux ont porté sur les confrériesreligieuses à Carmona (Espagne), sur la politiquelocale dans le département de l’Yonne, puis sur lesinstitutions européennes.

Emmanuel Désveaux, recruté à l’EHESS, entre auLAS en 1979. Il effectue alors une série de longsterrains dans le Grand Nord canadien focalisantd’abord ses recherches sur la mythologie des In-diens de Big Trout Lake. Optant ensuite pour uneperspective comparatiste panaméricaine, il sepenche tour à tour sur les rites, les objets, les orga-nisations sociales ou encore les nomenclatures deparenté, ce qui le conduit, entre autres, à une cri-tique radicale des fondements de ce qu’on peut ap-peler la « raison parentaire ». Il rejoint, en 200l,l’équipe chargée de la création du musée du quaiBranly tout en restant affilié au LAS jusqu’en 2009.

Américaniste, chercheur au CNRS, Michel Perrin a in-tégré le LAS en 1977. Ses travaux portent sur la my-thologie, le symbolisme, la médecine traditionnelle, lechamanisme, le rêve et l’art. Alternant les observationssur le « terrain » et l’analyse, il a partagé pendant sixans la vie de trois populations amérindiennes : lesWayuu (ou Guajiro), au Venezuela et en Colombie, lesHuichol, au Mexique, et les Kuna, au Panama.

Patrice Bidou (CNRS) est membre du LAS depuis1977. Il a effectué des recherches de terrain chez lesTatuyo du Nord-Ouest de l’Amazonie et a ensuiteélargi son enquête à l’ensemble des sociétés tucanoet arawak de cette même province. Ses premiers tra-vaux, d’obédience structuraliste, ont porté sur l’or-ganisation sociale et politique de ces sociétés.Depuis une vingtaine d’années il s’attache à l’étudede la mythologie amazonienne en faisant usage desconcepts de la psychanalyse freudienne.

Jean-Marie Benoist (Collège de France), philosophede formation, membre du LAS de 1975 à 1982, a

orienté ses recherches vers la confrontation entredisciplines et l’analyse de concepts transversauxcomme l’identité et la complexité.

André Bourgeot (CNRS) a intégré le laboratoire en1975. Ses travaux traitent de l’anthropologie poli-tique et économique. Ils sont issus de nombreux etlongs séjours dans l’espace saharo-sahélien chez lespasteurs nomades et agropasteurs Kel Tamacheq(Touaregs) d’Algérie, du Niger et, à un degré moin-dre, du Mali. En 2000, il a élargi ses études à des finscomparatives, aux Bouriates de Sibérie (Oblast deTchita, Okrug d’Aguinskoye) et aux agro-transhu-mants kirghizes du lac Sonk Köl (Oblast de Naryn).

Charles-Henry Pradelles de Latour (CNRS), chercheurau LAS depuis 1975, a fait deux terrains de longuedurée au Cameroun, dans une chefferie bamiléké et enpays pèrè. La première des sociétés étudiées étant pa-trilinéaire et la seconde matrilinéaire, ses travaux ontconsisté à comparer leurs systèmes de parenté, leursmodes de croyances et leur impact sur les thérapies lo-cales. Ce parti pris l’a amené à tenter d’établir des pas-serelles entre l’anthropologie sociale et la psychanalyse.

Pierre Bonte (CNRS), membre du LAS depuis1973, a effectué de longues recherches sur le ter-rain auprès des Touaregs du Niger et des Mauresde Mauritanie, plus généralement dans le mondesaharien et ses périphéries. Outre les travaux mo-nographiques qui en sont l’aboutissement, il a pu-blié les résultats de ses recherches sur les systèmesde parenté arabo-musulmans et méditerranéens,sur des rituels sacrificiels qui leur sont associés,ainsi que, dans le même champ d’études géogra-phique, sur les formations politiques, tribales enparticulier, dans leur contexte historique etcontemporain.

Suzy Bernus (CNRS), africaniste, membre du LASde 1972 à son décès en 1990, a travaillé auprès despopulations touarègues nomades et sédentaires duNiger. Elle a analysé leur histoire, leur industrie etleur organisation sociale et familiale.

Entrée au LAS en 1972, Marguerite Dupire(CNRS), africaniste, y a poursuivi, jusqu’à son dé-part en retraite, les recherches qu’elle avait initiéesdès 1950, chez les Peuls nomades et sédentaires, auNiger, au Cameroun, en Guinée et au Sénégal. Elle

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a aussi participé, en Côte-d’Ivoire, à des enquêtessocio-économiques sur les planteurs et la palmeraieadioukrou. Ses derniers travaux concernent les so-ciétés sereer de la vallée du Siin et de la région deThiès, au Sénégal.

Nicole-Claude Mathieu (EHESS), entrée au LAS en1971, est spécialiste en anthropologie et sociologiedes sexes. Ses travaux ont porté sur des questionsd’épistémologie des sciences sociales quant au trai-tement biaisé des catégories de sexe, introduisantla notion de sexe social. Dans une perspectivetransculturelle, elle a étudié les mécanismes de laconscience dominée des femmes et les différentsmodes d’articulation entre sexe et genre. Tout ré-cemment, elle a dirigé et publié une enquête collec-tive sur la notion de personne femme et homme ensociétés uxorilocales.

Paul Henri Stahl (EHESS), entré au LAS en 1971,consacra l’essentiel de ses recherches à l’analyse dessociétés européennes et méditerranéennes tellesqu’elles se sont développées au cours des sièclesderniers. Ses travaux portèrent particulièrement surl’architecture populaire et la structure des sociétéstraditionnelles, la vendetta, la propriété primitive,la religion populaire.

Jean Monod (CNRS), fut membre du LAS de 1968à 1972. Il y poursuivit une longue mission de ter-rain chez les Piaroa, Indiens du Venezuela, au coursde laquelle il étudia leur vie sociale, économique etreligieuse. Il s’attacha, plus spécifiquement, à re-cueillir et à analyser leurs mythes et les très com-plexes rituels qui s’y attachent.

Entrée au LAS en 1967, Marie-Elisabeth Handmana entrepris l’étude d’un village grec du Pilion dansla perspective alors en vogue d’une ethnologie desauvetage. Elle y a rencontré la violence liée à la do-mination masculine et s’est, depuis, spécialisée dansles rapports sociaux de sexe dans une perspectivecomparatiste - la Grèce étant, de ce point de vue,très diversifiée, en particulier si l’on y inclut les Ro-maniotes (Juifs de langue grecque), ce qu’elle a fait.Sans cesser de prendre en considération les ques-tions économiques (elle a travaillé sur les modalitésde la transition d’un mode de production à unautre) ni la question des représentations de l’au-delà, elle a mis l’accent sur les rapports entre an-

thropologie et psychanalyse, ce qui l’a conduite àpromouvoir une anthropologie de la sexualité.Dans ce cadre, depuis 2002, elle travaille sur laprostitution.

Françoise Héritier est membre du LAS depuis 1967dans le cadre du CNRS, puis de l’EHESS et du Col-lège de France. Elle a mené de nombreuses missionsen Haute-Volta (Burkina Faso) jusqu’en 1980, chezles populations bobo, mossi, pana et samo, et auMali, chez les Dogon. Avec l’aide d’un ingénieur in-formaticien, Marion Selz, et à partir des généalogiesrecueillies dans trois villages samo, elle a conduitpendant une dizaine d’années une analyse informa-tique des mariages réalisés qui apporte une réponseau problème du fonctionnement des systèmes semi-complexes d’alliance. Elle s’est ensuite, successive-ment ou parallèlement, intéressée à la question de laprohibition de l’inceste et notamment aux interditsqui pèsent dans nombre de sociétés sur des parentspar alliance, mettant sur le marché la notion d’in-ceste du deuxième type, qui trouve son explicationdans une certaine idée du contact des substances ;puis à la question de l’origine de l’inégalité entre lessexes (valence différentielle des sexes), constructionmentale à partir de l’observation de « butoirs pour lapensée » qui sont toujours en place ; enfin, à la ques-tion de la violence.

Pierre Clastres (CNRS), fut membre du LAS de1966 à 1974. Il s’attacha à l’étude des IndiensGuayaki, une population de chasseurs nomades duParaguay. À travers une chronique de leur quoti-dien, il chercha tout particulièrement à décrire lesformes de déterminations politiques existant dansune société où l’État est absent.

Ariane Deluz (CNRS), fut membre du LAS de 1966à 1997. Elle y accomplira de nombreuses missions deterrain en Afrique, chez les Guro (Côte d’Ivoire) et lesYohouré (Zaïre), mais aussi chez les Embera, Indiensdu Choco (Colombie). Les nombreux témoignages re-cueillis sur son terrain africain lui permettront d’écrireune histoire des Guro et de travailler sur le rôle de laparenté dans l’organisation socio-économique de cessociétés d’Afrique centrale.

Marie-Claude Pingaud (CNRS), est entrée au LASen 1966, pour contribuer à l’édition de la revueÉtudes rurales. En 1967, elle a fait partie de

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l’équipe qui a entrepris l’étude interdisciplinaire dela commune de Minot (France). Elle s’y est intéres-sée particulièrement à la transmission familiale desterres dans ce pays de succession égalitaire, auxrenchaînements d’alliance dans la parenté qui pal-lient le partage du fonds à chaque génération, et àl’évolution d’une structure agraire que réglementalongtemps un rigoureux assolement triennal. De1986 à 1988, date de son départ du LAS, elle s’estengagée, selon une orientation analogue au travailaccompli à Minot, dans l’étude d’une commune duPerche ornais.

Claude Tardits (EPHE) fut membre du LAS de1966 à 1994. Décédé en 2007, cet africaniste, spé-cialiste des royaumes africains du Cameroun, s’at-tacha à en reconstituer l’histoire et à en décrypterl’organisation sociale, économique et politique,tant au travers d’études ethnographiques de terrainqu’en explorant les archives existantes qui s’y rap-portent. Il poursuivit aussi des recherches appro-fondies sur l’art bamoun, là encore en complétantles données recueillies localement par des re-cherches menées dans les grands musées occiden-taux d’ethnographie.

Membre du LAS de 1965 à 1975, dans le cadre duCNRS, Bernard Saladin d’Anglure effectua denombreuses missions au Canada, en pays inuit (ac-tuels Nunavik et Nunavut), s’attachant à décrypterles aspects symboliques de cette société (mytholo-gie, anthroponymie, toponymie, rites de passage,chamanisme). Il y traita aussi la question des modesde fabrication de la parenté et du genre, et déve-loppa une banque de données inuit en écriture syl-labique, avec des informateurs écrivains nonscolarisés.

Les travaux de Françoise Zonabend (EHESS),membre du LAS depuis 1964, s’inscrivent dans uneethnologie de la France contemporaine où elle étu-die les effets de la modernité, du changement socialet économique, sur les mentalités ou les institu-tions. D’où ses recherches sur l’anthropologie durisque ou sur les faits de mémoire et les formes deconstruction du lien parental. Par ailleurs, elle s’estattachée à l’analyse de l’écriture et de la restitutiondu texte ethnographique. Enfin, à travers une ob-servation de la fabrication, la collecte et la relecturedes archives de la recherche ethnographique, elletente une réflexion sur les modes de constructiond’une ethnographie du proche.

Entrée au LAS en 1963, Jacqueline Duvernay-Bolens (EPHE) s’est inspirée de la méthode struc-turale dans l’analyse de mythes, d’abord ceux desIndiens Tacana (Bolivie), puis des Toba et Mataco(Argentine). Ensuite, ses recherches ont porté surla définition de « l’homme » et de ses marges duXVIe au XIXe siècle. En suivant les profonds rema-niements de cette définition quand, du discours bi-blique sur le genre humain, on passe à l’espècehumaine chez les naturalistes, elle s’est arrêtée surles rôles décisifs de Linné puis de Darwin dans cetteligne de recherche qui annonce les travaux actuelssur la naturalisation de l’homme.

Entré au LAS en 1963, Maurice Godelier (CNRS)le quitte en 1995 pour fonder le Centre de Re-

Illustrations :

gauche : Chamane bouriate, Sibérie, 2000. © A. Bourgeot.

centre : L’usine de retraitement des déchets nucléaires, La Hague(Nord Cotentin), France, 1985. © F. Zonabend.

droite : Kirghize et son oiseau de proie, Sibérie, 2000. © A. Bourgeot.

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cherches et de Documentation sur l’Océanie. Du-rant cette période, il effectue sept ans de terrainchez les Baruya de Nouvelle-Guinée. Ses recherchess’orientent vers de multiples sujets sur lesquels ilapporte des points de vue à la fois ethnographiqueset théoriques : les transformations induites par lacolonisation, l’analyse des processus de transitionentre systèmes économiques et sociaux, les fonde-ments de la domination masculine, les formes etrapports de pouvoir, les métamorphoses de la pa-renté ou encore la question du don.

Arlette Frigout (CNRS), entrée au LAS en 1962,décédée en 1973, a conduit des missions auprès desIndiens Hopi d’Arizona (États-Unis), dont elle a re-cueilli les mythes et les rites, s’attachant tout parti-culièrement à l’organisation de leur espace festif.

Tina Jolas est recrutée au LAS en 1962 comme va-cataire, pour y mener des travaux de gestion et dedocumentation à partir des HRAF. Elle participe,en 1978, à la recherche collective entreprise sur levillage de Minot. Dans ce cadre, ses recherches ontporté plus particulièrement sur les rôles masculins,le calendrier des parcours cérémoniels et la solida-rité des chasseurs. Elle quitte le LAS en 1980.

Michel Izard, chercheur CNRS, membre du LASentre 1961 et 2003, a effectué plusieurs séjours de

longue durée chez les Moose (Burkina Faso) entre1957 et 1981. Il a consacré l’essentiel de ses tra-vaux à l’histoire et à l’anthropologie politique del’espace étatique du Yatenga.

Tout en assumant le secrétariat général deL’Homme, Jean Pouillon entré au LAS en 1961,poursuivit des recherches d’ordre ethnologique auTchad et en Éthiopie. Il y traita de problèmes d’an-thropologie politique et religieuse qui se posentdans ces sociétés à clans.

Nicole Belmont (EHESS) intègre le laboratoire dèssa fondation, en 1960. Européaniste, elle s’attache àtrois domaines de recherche : une anthropologie dela naissance, basée sur l’énigme du corps révélé dunouveau-né ; une histoire de l’ethnologie européenneet de son impensé, le folklore ; l’étude des contes detransmission orale et de leurs mécanismes d’élabo-ration, ainsi que des intrications entre oral et écrit.

Rattachée au LAS de 1960 à 1968, Anne Chapman(CNRS) effectua de multiples missions en Terre deFeu, où elle enregistra tout le savoir, surtout chanté,de la dernière représentante des Indiens Ona ouSelk’nam, Lola Kiepja. Après la mort de Lola en 1966,elle se consacra à la traduction et à l’analyse des don-nées recueillies, avec l’aide des quatre dernières per-sonnes métisses qui connaissaient encore sa langue.Elle fit pleinement de l’ethnologie de sauvetage.

Isac Chiva (EHESS), européaniste, membre du LASde 1960 à 1994, a consacré ses recherches à l’étudedes communautés rurales en France, dans les Bal-kans ou aux Antilles. S’attachant à analyser les pro-blèmes méthodologiques que pose la monographiede village, il a traité, dans ce même cadre, de la ge-

Illustrations :

gauche : Indienne Kuna, Panama, 1992. © M. Perrin.

centre : Femme tupi-kawahib et son bébé, Amazonie, Brésil, 1935.© C. Lévi-Strauss.

droite : « Poisson diable ». Raie découpée et séchée de façon à luidonner une apparence fantastique mais néanmoins anthropomorphe,marché de Veracruz, Mexique, 1996. © D. Karadimas.

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nèse et de la décomposition des paysages ruraux.Ses travaux s’inscrivent dans la perspective d’unenouvelle ethnologie des sociétés rurales.

Robert Jaulin (CNRS) fut membre du LAS de 1960à 1965. Il y effectua ses principales recherches amé-ricanistes auprès des Indiens Bari, une populationpratiquement inconnue des montagnes de la Co-lombie.

Solange Pinton (CNRS), entrée au LAS dès sa créa-tion pour travailler sur les HRAF, poursuit une re-cherche, suggérée par C. Lévi-Strauss, fondée surcette documentation et portant sur les modes culi-naires dans les îles du Pacifique. En 1963, elle en-treprend avec Robert Jaulin, une mission derecherche chez les Bari de la Colombie y menantune véritable ethnologie de sauvetage. Elle quitte leLAS en 1966.

Lucien Sebag (CNRS), entré au LAS en 1960, dé-cédé en 1965, poursuivit très tôt une ethnologie ré-flexive où il exposa l’itinéraire qui le conduisit de laphilosophie à l’ethnologie. Puis il effectua un ter-rain chez les Ayoré du Paraguay et de Bolivie dontil retraça les mythes et les rites chamaniques.

Claude Lévi-Strauss, « L’opposition fondamentale,génératrice de toutes les autres qui foisonnent dansles mythes et dont ces quatre tomes ont dressé l’in-ventaire, est celle même qu’énonce Hamlet sous laforme d’une encore trop crédule alternative. Carentre l’être et le non-être, il n’appartient pas àl’homme de choisir. Un effort mental consubstan-tiel à son histoire, et qui ne cessera qu’avec son ef-facement de la scène de l’univers, lui imposed’assumer les deux évidences contradictoires dontle heurt met sa pensée en branle et, pour neutrali-ser leur opposition, engendre une série illimitéed’autres distinctions binaires qui, sans jamais ré-soudre cette antinomie première, ne font, à deséchelles de plus en plus réduites, que la reproduireet la perpétuer : réalité de l’être, que l’hommeéprouve au plus profond de lui-même comme seulecapable de donner raison et sens à ses gestes quoti-diens, à sa vie morale et sentimentale, à ses choixpolitiques, à son engagement dans le monde socialet naturel, à ses entreprises pratiques et à ses

conquêtes scientifiques ; mais en même temps, réa-lité du non-être dont l’intuition accompagne indis-solublement l’autre puisqu’il incombe à l’hommede vivre et lutter, penser et croire, garder surtoutcourage, sans que jamais le quitte la certitude ad-verse qu’il n’était pas présent autrefois sur la terreet qu’il ne le sera pas toujours, et qu’avec sa dispa-rition inéluctable de la surface d’une planète elleaussi vouée à la mort, ses labeurs, ses peines, sesjoies, ses espoirs et ses œuvres deviendront commes’ils n’avaient pas existé, nulle conscience n’étantplus là pour préserver fût-ce le souvenir de cesmouvements éphémères sauf, par quelques traitsvite effacés d’un monde au visage désormais im-passible, le constat abrogé qu’ils eurent lieu c’est-à-dire rien ».

Paris, octobre 1967 – Lignerolles, septembre 1970.L’Homme nu26

26. Cf. Mythologiques, vol.4, 1971. « Finale », p. 621.

Illustrations :

Visages peints de femmes caduveo (détails), Brésil, 1935. © C. Lévi-Strauss.

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DES ÉQUIPES

Progressivement, d’abord à la demande du CNRS,puis sous l’impulsion des chercheurs eux-mêmes, sesont constitués des groupes de recherche plus oumoins formalisés et fédérés par une problématiquetransversale, commune à plusieurs aires culturelles.Ce dispositif permet aux chercheurs de conserverleur indépendance et le libre choix de leursrecherches, tout en créant des pôles d’intérêt collec-tif, choisis eux aussi librement. Il contribue aussi àtisser un réseau serré au sein de chaque équipe et àl’intérieur du laboratoire, étant entendu qu’un mêmechercheur peut appartenir à plusieurs équipes et tra-vailler sur plusieurs axes thématiques. La dynamiquequi en résulte permet de mieux intégrer les docto-rants du LAS dans la formation à la recherche par larecherche et de mettre en commun les réseaux ex-térieurs et internationaux de chaque chercheur, dansla mesure où des collègues n’appartenant pas au LASet des invités étrangers y sont étroitement associés.

Chaque équipe est libre d’organiser son travailcomme elle l’entend dans les limites de quelquescontraintes : elle doit tenir des réunions de travailpériodiques et organiser, à plus ou moins longterme, des opérations collectives ouvertes à touspublics, Les journées du Laboratoire d’anthro-pologie sociale, dont certaines ont donné lieu à

l’édition d’ouvrages, réunis depuis 2005 dans unemême collection.

Au fil du temps, des équipes se sont constituéespuis, pour des raisons diverses, ont cessé leur ac-tivité. D’autres ont pris le relais. Dans la dernièredécennie, treize équipes ont fonctionné au LAS,auxquelles se sont ajoutés des groupements ou pro-grammes de recherche qui ont un financement pro-pre, mais dont le responsable ou le coresponsableest un membre de l’unité. Ces équipes se distribuentautour de cinq axes principaux : « percevoir,représenter, connaître », « identités individuelles etcollectives », « le biologique, le culturel et le so-cial », « comparatisme et modélisation », et enfin« la vie sociale des objets ». On remarquera que cesproblématiques couvrent une part importante duchamp de l’anthropologie.

L’équipe Identité, conduite par Françoise Héritieren collaboration avec Elisabeth Copet-Rougier, aexisté de 1994 à 2000. Ses travaux ont porté sur laconstitution sociale, psychologique et intime del’identité, sur les rapports entre alimentation etconstruction identitaire, sur le statut de l’embryonou des parties individualisées (voire sectionnées) ducorps et le traitement de ces objets, sur la symbo-lique de la procréation et la participation différen-tielle des sexes à la constitution du corps del’embryon et également, de façon plus abstraite, surles rapports, dans l’étude de la question de l’iden-tité, entre psychanalyse et anthropologie.

De 1994 à 2002, Nicole Belmont a été responsabled’une équipe de recherche intitulée L’Oralité, l’écrit

Illustrations :

gauche : Hommes wodani, Papouasie-Nouvelle-Guinée, 2003. © S. Breton.

droite : Campement kirghize, Naryn, Sibérie, 2000.© A. Bourgeot.

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et la mémoire, à laquelle sont venues se joindreJacqueline Duvernay-Bolens et Clarisse Herrenschmidten 1999. Le phénomène oral est constitutif de l’eth-nologie en tant que discipline, mais reste souventconsidéré comme un écran neutre, voire inerte. Leprojet fondamental de cette équipe consistait à sor-tir de l’opposition improductive entre oral et écrit.Mais aussi à étudier le phénomène de la variancepropre à l’oralité première, à mesurer les effets del’oralité seconde et à comprendre en quoi oralité etécriture concourent à des types de mémoires diffé-rents.

L’équipe Corps et Affects a pris en 2001 la relèvede l’équipe Identité, sous la conduite de FrançoiseHéritier en collaboration avec Margarita Xanthakou,et a fonctionné jusqu’en 2008. L’équipe a travailléà la fois sur des questions théoriques pour justi-fier de la place des affects (sensations, perceptions,émotions, sentiments...) dans la construction dessystèmes idéologiques locaux et sur des illustra-tions ethnologiques montrant la réalité de cesagencements, qui prennent naissance dans l’ob-servation du corps et des affects qui touchent l’in-dividu, à différents niveaux, dans des contextesparticuliers.

L’équipe Anthropologie psychanalytique dont lesresponsables furent Patrice Bidou et Bernard Juillerat,a fonctionné jusqu’en 2005. Les recherches de sesmembres, anthropologues et psychanalystes, ontporté sur le conte et le mythe, le rituel, la cosmolo-gie, le pouvoir, le masculin et le féminin... Il s’estagi, en quelque sorte, de questionner et d’analyser,dans une perspective réunissant les deux disciplines,

un ensemble de concepts propres à l’un et l’autredomaines.

L’équipe Sociologie comparative des institutions apour responsable Alain Testart. Elle s’est fixé pourbut d’étudier les coutumes des sociétés sans écrituredans l’esprit de l’histoire des institutions. Ses tra-vaux ont d’abord porté sur les prestations matri-moniales et l’esclavage, puis se sont élargis à uneréflexion plus générale sur les rapports sociaux enfonction des types de sociétés (sociétés à big men, àgrades, lignagères ou encore à clientèle...). Sestoutes dernières recherches, menées en étroite col-laboration avec les archéologues, portent sur lespratiques funéraires.

La littérature, orale ou écrite, fournit à l’équipeLittératures et anthropologie, dirigée, depuis 2008,par Clarisse Herrenschmidt et Salvatore D’Onofrio,son « terrain » d’enquête. L’idée générale est de si-tuer les textes dans la tradition interprétative del’anthropologie tout en s’appuyant aussi sur lesschémas d’analyse littéraire, ce qui permet de mo-biliser les ressources critiques des deux domaines.

L’équipe Anthropologie de la perception, dirigéepar Barbara Glowczewski, analyse les productionsd’altérité par les médias, les sciences et les acteursconcernés. Partant des ontologies aborigènes, de

Illustrations :

gauche : Village guro, Côte d’Ivoire, 1975. © A. Deluz, archives LAS.

droite : Un établissement isolé de Long Dog Lake, Indiens Ojibwa,Canada, 1980. © E. Désveaux.

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l’utilisation rituelle d’images et des réseaux au-tochtones transculturels, elle a étendu la comparai-son aux malentendus des médias face auxexpressions de tout groupe subalternisé. Par ail-leurs, elle interroge le rôle de témoins des anthro-pologues pour présenter la manière dont lesgroupes humains s’ancrent dans des lieux, explo-rent leurs mémoires ou construisent une nouvellemanière d’être à partir de situations désastreuses –et particulièrement s’ils sont discriminés pour leurexclusion sociale, leur couleur de peau ou leurshandicaps (tels les sourds).

Groupe de recherche du CNRS consacré à l’an-thropologie de l’art, l’équipe Anthropologie, objetset esthétiques, dirigée par Brigitte Derlon, comp-tant également Monique Jeudy-Ballini et MarieMauzé parmi ses membres, a exploré, de 2002 à2007, les principales thématiques suivantes : « pen-sée formelle et processus de création », « art etidentité », « expérience du regard et appropria-tion », ainsi que « l’authentique et l’exotique ».

L’équipe Parenté, créée par Françoise Héritier etÉlisabeth Copet-Rougier et animée successivementpar Élisabeth Copet-Rougier, Charles-HenryPradelles de Latour, Emmanuel Désveaux et finale-ment Laurent Barry, s’inscrivait à l’origine dans lacontinuité de l’œuvre exceptionnellement riche etnovatrice de Claude Lévi-Strauss en ce domaine.Depuis le tournant du siècle pourtant, ses travauxse sont assez largement émancipés des thèmes etorientations intellectuelles premières de sa figuretutélaire. L’équipe poursuit aujourd’hui une ré-flexion novatrice sur les phénomènes de parenté,non seulement sur le terrain de la stricte anthropo-logie sociale, mais également sur des territoires ad-jacents : ceux des sciences historiques, juridiques,sociologiques et démographiques. Ses travaux por-tent sur des périodes et des contextes variés : ceuxdes « terrains » ethnographiques classiques de l’an-thropologie (Afrique, Amérique, Océanie, etc.),mais également sur les institutions parentales pro-pres à la Grèce ancienne ou à la Rome impériale, ouencore sur les pratiques matrimoniales européennes

à l’époque moderne ou contemporaine. Si elle ex-plore des terrains divers, l’équipe situe aussi sonquestionnement à la croisée des chemins intellec-tuels qui traversent notre époque. Elle s’intéresseainsi à la question du genre et à celle de la sexualité,aux représentations emic de la génération et de lapersonne, aux aspects linguistiques des usages dela parenté, et, dernièrement, à l’usage des réseauxde parenté dans la résolution des conflits et les phé-nomènes d’anomies sociales.

L’équipe Anthropologie comparative des sociétésmusulmanes, dirigée par Pierre Bonte jusqu’en2007, puis par Anne-Marie Brisebarre, est l’héri-tière des travaux menés depuis plus de vingt ansdans le cadre de plusieurs GDR du CNRS et animeun réseau qui les prolonge. Elle étudie les traits par-tagés par un ensemble de sociétés ou de cultures mi-noritaires liées à l’islam ou inscrites dans lesprocessus d’immigration internationaux, mettanten évidence des convergences et des configurationssingulières. Elle associe, dans une perspective plu-

Illustration :

Fabrication d’un pot, Indiens Guayaki, mission Clastres/Sebag,Paraguay, 1963. © Archives du LAS.

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ridisciplinaire, anthropologues, sociologues, ju-ristes, historiens et orientalistes. Ses travaux por-tent sur des thèmes tels que la parenté, l’alliance etl’organisation familiale, la notion de genre, le sa-crifice musulman, le fait tribal et ses occurrencescontemporaines, la place du pastoralisme nomadeou les formations politiques.

Les travaux de l’équipe Les raisons de la pratique :invariants, universaux, diversité (responsable :Philippe Descola) sont inspirés par la convictionque la tâche de l’anthropologie est de mettre aujour des invariants culturels, à savoir des principestranshistoriques et transculturels de la vie sociale. Ilne s’agit pas de clés universelles d’explication descomportements ou des systèmes d’idées, mais destructures ou de schèmes de niveau intermédiaireentre des potentialités biophysiques et des systèmesde pratiques. C’est la nature de ces principes régu-lateurs, leur assise cognitive et linguistique et leursrègles de combinaison dans des ensembles sociauxconcrets, qui constituent l’objet principal des re-

cherches menées en commun par les membres del’équipe.

L’équipe Le sentiment du corps dans les cultures etleurs natures, dont Margarita Xanthakou est res-ponsable, a été créée en octobre 2008. L’ancragedes affects dans un « corps » dont la notion changeavec les mondes environnants : telle est sa théma-tique, qui recoupe les problèmes des distinctions desexe ou de genre, et des rapports de collectivités hu-maines avec leurs natures (animaux compris) en-tendues selon des frontières variables, quandcelles-ci existent dans les ontologies locales. D’oùses rubriques : sentiments énoncés au sein d’en-sembles culturels divers, et liés aux sexualités – par-tant, aux propriétés tant de la parenté que desincestes réels ou fantasmés ; le corps et ses effigies(transformations réelles, imaginaires, fictives ; lecorps physique est-il partout distingué comme teldu reste de la personne ?) ; nouveaux entrelacs del’anthropologie et de la biologie évolutive (ques-tions à la « psychologie évolutionniste » sur lepoids des émotions…).

En 1995 a été créée sous la direction de Marie-Elisabeth Handman une équipe intitulée Approcheanthropologique du sida, représentations et pratiques,prévention et éthique, devenue en 1998 Sexualité etsida, puis en 2000 Altérité, sexualités, santé. S’ap-puyant dans les premières années sur les théories de laconstruction sociale des sexualités, cette équipe s’esttournée vers les études de genre et la queer theory touten privilégiant la pratique du terrain. De 2002 à 2008,date à laquelle M.-E. Handman a pris sa retraite etl’équipe a été dissoute, elle s’est centrée sur l’étude dela prostitution en France et ailleurs dans le monde. Laplupart des thèses soutenues dans ce cadre ont été pu-bliées et l’équipe a connu un retentissement interna-tional qui a permis de nouer des liens étroits avec despays comme le Brésil, l’Italie, la Grèce, la Belgique, laSuisse ou encore le Viêtnam.

En collaboration avec Jean-François Gossiaux,André Bourgeot a assuré, de 2001 à 2005, la coor-dination scientifique de l’ACI intitulée Nomadisme,

Illustration :

Fabrication du feu par friction, Indiens Guayaki, mission Clastres/Sebag,Paraguay, 1963. © Archives du LAS.

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identité, ethnicité : espaces et pouvoirs locaux(Russie, Kirghizstan, Niger, Mauritanie), financéeen partie, par la Fondation du Ministère de la Re-cherche. La thématique, située dans une approchecomparative ancrée dans la problématique de latransition, traite des pouvoirs locaux, dont il s’estagi d’analyser le phénomène d’appropriation deterritoires, les niveaux auxquels ils s’incarnent, enrelation avec les appartenances ethniques.

André Bourgeot, en collaboration avec CharlesStépanoff (EPHE), est par ailleurs en charge de lacoordination scientifique du GDRI (janvier 2007- janvier 2011) Nomadisme, sociétés et religionsdans l’espace turco-mongol, financé par leCNRS. Le principe fondateur de cette rechercheest de pousser à ses limites la problématique desidentités nomades combinées aux pouvoirs lo-caux et aux espaces politiques qu’elles contri-buent à définir.

Depuis 2008, André Bourgeot est aussi responsabledu fonctionnement scientifique du réseau Nouveauxenjeux dans l’espace saharo-sahélien, Mauritanie,Mali, Niger, Tchad, financé par la FMSH et dontl’objet porte sur l’analyse des transformations géné-rées par des trafics illicites (fraude criminelle : can-nabis, cocaïne, cigarettes, armes légères) dans descontextes de rébellions, comme par exemple celle desTouaregs, et de pratiques islamistes criminelles del’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique : prisesd’otages, versements de rançons). La démarche com-bine les approches classiques de l’anthropologie po-litique associées à celles de la géopolitique,appréhendée à partir de l’hypothèse de la recompo-sition des zones d’influence dans un contexte decompétition d’appropriation et de contrôle des in-dustries extractives (uranium, pétrole, or).

DES CHANTIERS COLLECTIFS

Il était aussi de la vocation d’un laboratoiregénéraliste, par décret de fondation et volonté dereproduction, de participer activement au travail deréflexion sur la production de la connaissance an-thropologique.

Le LAS s’y emploie de deux manières. D’abord,dans le cadre de son fonctionnement normal, par

le travail et les publications très diverses de seschercheurs, dont il est impossible, dans le cadreétroit de ce livret, de recenser l’ensemble des arti-cles, livraisons de revues, ouvrages, productions au-diovisuelles et expositions témoignant de cet effort.Ensuite, par le rôle prépondérant qu’ont joué sesmembres au sein d’entreprises tantméthodologiques que théoriques qui ont marqué,à chaque fois, des étapes fondamentales dans laconstruction et l’histoire de la discipline.

L’INFORMATIQUE

Le laboratoire a choisi de promouvoir, de façon pion-nière, l’informatique dans le secteur de la rechercheen sciences humaines et sociales. Parce que ce fut l’undes axes de recherche privilégiés dès le début du LAS,c’est plus particulièrement dans le champ de l’an-thropologie de la parenté que l’informatique fut miseà contribution. Il s’est agi, par le traitement de maté-riaux ressortissant à l’alliance matrimoniale et re-cueillis par des membres de l’unité, d’élaborer unprogiciel d’analyse de la parenté et de l’alliance.

Les premiers travaux de traitement informatique desmatériaux ethnographiques rassemblés par leschercheurs furent entrepris dès 1969, avec laprésence au LAS de Georges Kutukdjian, spécialistedes analyses statistiques. Mais c’est en 1973 qu’eutlieu une avancée véritablement décisive, lorsqueMarion Selz, ingénieur informaticien au CNRS, prit

Renchaînement d’alliances.

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sa succession. Cette dernière travailla sur les don-nées recueillies par Françoise Héritier auprès deshabitants de trois villages du pays samo de Haute-Volta, dans le but d’élucider le fonctionnement deleur système de parenté. À cette époque, les supportsde données et de programmes étaient encore descartes perforées et l’accès aux ordinateurs était choserare et malaisée. Plus tard, dotée d’outils plus per-formants, Marion Selz élabora des programmesgénéraux de traitement des données généalogiquesqui furent mis au service de plusieurs autres anthro-pologues. Ces travaux informatiques ont permis deréaliser des progrès notables dans l’étude des sys-tèmes de parenté. Après le départ de Marion Selz, lerelais fut pris par Laurent Barry, chercheur et infor-maticien entré au LAS en 1997, qui créa et coda leprogramme Genos, un logiciel de traitementgénéalogique qui présente vis-à-vis d’autres logicielsde ce type certaines particularités. Il permet une saisiedirecte des données, le calcul des ascendants et descollatéraux de chaque individu, la reconstitution deschaînes consanguines liant les conjoints, un dé-compte aisé des redoublements et renchaînementsd’alliances. Laurent Barry a fait don de son logicielau LAS, afin qu’il puisse servir aux chercheurs et auxétudiants travaillant sur des corpus de parenté.

Actuellement, ces travaux informatiques sur les réseauxde parenté sont poursuivis par un petit groupe dechercheurs en partie issus de l’équipe Parenté du LAS.

LE DICTIONNAIRE DE L’ETHNOLOGIE ET DE

L’ANTHROPOLOGIE27

C’est au sein du Laboratoire d’anthropologie socialequ’a été conçu et édité le Dictionnaire de l’ethnologieet de l’anthropologie publié en 1991. Il faut rappeler,en effet, la part prise par le LAS, tant à l’échelle deson comité éditorial qu’à celle de la rédaction des en-trées, dans la réalisation de ce travail qui propose,pour la première fois en France, un état des lieux tantconceptuel que biographique de la discipline. L’ou-vrage, qui dresse sous une forme encyclopédique unbilan des savoirs ethnologiques et anthropologiques,a rencontré un succès certain ; une édition de poche,

complétée, est parue en 2000 ; la cinquième éditionsera disponible en 2011, accompagnant la mise enligne du dictionnaire, qui permettra une actualisationrégulière du contenu. L’ouvrage a aussi bénéficiéd’une audience étrangère qui se manifeste à traversles traductions successives : en langue espagnole(1997), en roumain (1999), en italien et en arabe(2006) ; une traduction en coréen est projetée.

UNE ÉTUDE COLLÉGIALE EN ETHNOLOGIE DE LA

FRANCE28

Le LAS, partie prenante, en 1966, de la recherchecoopérative sur programme sur le Châtillonnais, sevit confier l’étude monographique d’une communede la région : Minot. Celle-ci fut menée par quatrechercheuses, toutes membres du laboratoire à titrestatutaire ou temporaire. Le mode de travail del’équipe – l’ensemble des matériaux de terrain ré-coltés fut collectivement constitué et consulté partoutes – ainsi que les sujets étudiés ou les objetsanalysés – la parenté, la mémoire, l’histoire, laplace de femmes singulières dans le cycle de lavie... – donnèrent à ces travaux leur coloration sin-gulière. Travaux qui ont donné naissance à troislivres signés individuellement et à plus de 500 pagesd’articles écrits personnellement ou collectivement,soit plus de 1 000 pages publiées. Décriés, critiqués,

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27. P. Bonte, M. Izard (éds) et M. Abélès, Ph. Descola, J.-P. Digard, C. Duby, J.-C. Galey, J. Jamin, G. Lenclud, Dictionnaire del'ethnologie et de l'anthropologie, Paris, PUF, 1991 (1ère édition).28. On trouvera une recension des articles et ouvrages parus sur « Minot » dans : T. Jolas, M.-C. Pingaud, Y. Verdier et F. Zonabend,Une campagne voisine, Paris, Éditions de la MSH, 1990.

Le dictionnaire, édition de 2004 et traduction en langue arabe.

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en partie oubliés, mais aussi souvent évoqués etrécupérés dans le domaine scientifique et ethno-graphique, ces travaux sur la France contempo-raine restent un apport à cette entrepriseparticulière d’une ethnographie de sa propre so-ciété, qui vise à penser le même avec les yeux del’autre – entreprise qui revient en somme à traiterautrui comme soi-même. Aujourd’hui, alors que lesphénomènes d’exclusion ressurgissent avec unebrutalité qu’on aurait voulu croire disparue, il estutile de rappeler, comme Marcel Mauss n’eût pasmanqué de le faire, cette « leçon d’ethnologiemorale ». �

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Illustrations :

haut : Mission « Minot ». L’épicerie-boulangerie en1900, France. © H. Amiot, Archives LAS.

centre : « La mémoire de la mémoire », habitants deMinot visitant l’exposition photographique, tenue auvillage en 1972 et intitulée « Un village et son terroir,1900-1975 », France. © A. Zonabend, Archives LAS.

bas : Mission « Minot ». Les gens du finage.© Archives LAS.

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DES OUTILS POUR LA RECHERCHE

Le LAS a toujours manifesté la volonté d’opérer,partout où cela est possible, des jonctions entre desdomaines d’étude et des formes de diffusion de larecherche. Ses membres n’ont jamais cru qu’en scienceshumaines, les fonctions de recherche, d’enseigne-ment, de publication ou de documentation puissentêtre tenues séparées. Aussi, dès le début, le labora-toire a mis à la disposition de tous les chercheurs desmoyens de divulgation ou d’approfondissement deleurs travaux.

DES REVUES

Parmi les outils de diffusion de la recherche,L’Homme, revue d’anthropologie générale créée auLAS dès 1961, doit être citée en tout premier lieu.Il faut lui ajouter Études rurales, publication ori-entée vers les problèmes agraires en France et dansle monde, qui fut associée à l’unité dès le début,sous la direction de Isac Chiva. Le LAS n’a jamaisconsidéré ces revues – dont les membres descomités directeurs et des conseils de rédaction sont,en majorité, extérieurs à l’unité, tout comme leursactuels secrétaires généraux –, comme des organesprivilégiés de publication des travaux menés en sonsein, mais comme des tribunes ouvertes à toute laprofession et au-delà.

L’HOMME

L’Homme, revue française d’anthropologie, à la-quelle se rattache la collection « Les Cahiers deL’Homme », publiée par les Éditions de l’École deshautes études en sciences sociales, a été créée en 1961par le linguiste Émile Benveniste, le géographe PierreGourou et l’ethnologue Claude Lévi-Strauss, toustrois professeurs au Collège de France. Si une orien-tation pluridisciplinaire de la revue est ainsi affichéedès le départ, c’est cependant l’ethnologie qui, dansses colonnes, s’imposera au fil des ans en raison no-tamment de l’ascendant de son principal fondateurqui souhaitait doter l’anthropologie sociale françaised’un périodique de haut niveau scientifique et d’au-dience internationale, à l’instar du Journal of theRoyal Anthropological Institute au Royaume-Uni, deZeitschrift für Ethnologie en Allemagne, ou de

American Anthropologist aux États-Unis ; en raisonégalement de sa localisation au Laboratoire d’an-thropologie sociale, qui deviendra permanente, et quiamènera la plupart des chercheurs qui en furentmembres à y publier un ou plusieurs articles et re-censions, à telle enseigne que la revue sera longtempsperçue comme celle du laboratoire, voire comme cellede son directeur et du courant théorique – le structu-ralisme – dont, à tort ou à raison, on lui attribua lapaternité, et dont L’Homme aurait été l’organe enl’occurrence exclusif d’expression.

C’était méconnaître toutefois et le contenu réel dela revue qui accueillait des travaux empiriques autraitement analytique varié, et, surtout, la person-nalité de son premier artisan, Jean Pouillon, qui ladirigea jusqu’en 1996, et à qui, dès sa fondation,Lévi-Strauss l’avait confiée du fait de l’expériencequ’il avait acquise au sein du comité des TempsModernes et des fonctions de rédacteur descomptes rendus analytiques, qu’il continuaitd’exercer à l’Assemblée nationale. Du fait aussi dela clarté d’exposition, l’acuité de pensée et l’ouver-ture d’esprit de celui qui préféra se qualifier de « se-crétaire général » plutôt que de « rédacteur enchef », manifestant par là, non sans humour, sa lé-gendaire défiance à l’égard de tout dogmatisme, detout académisme et de toute hiérarchie. Ce qui de-vait faire de lui, comme l’écrira Lévi-Strauss, la« conscience vigilante » des anthropologues dequelque nationalité, de quelque école de pensée etde quelque attache universitaire fussent-ils.

Revue L’Homme© J. Jamin.

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Grâce à Pouillon, s’appuyant dès 1964 sur un comitéde direction élargi (André-Georges Haudricourt,André Leroi-Gourhan et Georges-Henri Rivière re-joignirent les fondateurs), la revue avait atteint, enune dizaine d’années, les objectifs qui lui avaient étéfixés : elle était devenue la principale et la plus im-portante des revues françaises d’anthropologie danslaquelle publier prenait valeur de viatique, d’accrédi-tation ou de consécration.

Rendre visible autant que lisible le développement del’anthropologie sociale et y participer par la publica-tion d’articles relevant des différents champs et airesculturelles de la discipline ainsi que par la compositionde numéros thématiques, tel fut le programme scienti-fique et éditorial auquel la revue s’est tenue et qui allaitconfirmer la place de premier plan qu’elle avaitconquise parmi les publications périodiques (L’Hommeest trimestriel) de l’anthropologie, qu’elles soient na-tionales ou internationales. Cette place allait se renfor-cer au cours des décennies suivantes, même après laretraite de son secrétaire général auquel, en 1997, fortlui-même d’une expérience de revue (notamment cellede Gradhiva qu’il avait fondée avec Michel Leiris en1986), Jean Jamin succéda, s’entourant d’une nouvelleéquipe de rédaction qui permit à L’Homme d’entrerdans l’ère informatique, de développer de nouvellesformes de mise en page et d’introduire de nouvelles ru-briques, de manière à rendre la revue plus présente dansles débats théoriques ou les questions méthodolo-giques, à l’heure où l’anthropologie voyait ses terrainstraditionnels non se déliter – comme on l’a trop sou-vent dit – mais se transformer rapidement, et mettreson exercice à l’épreuve non seulement de la mondia-lisation mais d’autres courants de pensée.

Pourvu d’un nouveau conseil de rédaction, plusétoffé, L’Homme s’est ainsi attaché, depuis une quin-zaine d’années, à faire apparaître les connexions pos-sibles, les transferts conceptuels effectifs ouescomptés entre l’anthropologie sociale et d’autres

disciplines (telles que l’histoire, l’économie, la philo-sophie, la psychanalyse, l’esthétique, l’épistémologieet l’histoire des sciences, la critique littéraire, la mu-sicologie, etc.) et à rendre compte des nouveaux ter-rains et objets qui sollicitent la disciplineanthropologique actuelle et qu’elle éclaire par son ap-proche. Ce qui a conduit celle-ci à redéfinir ses pra-tiques, retoucher ses analyses, réajuster ses concepts,au risque de se présenter comme une « penséeanxieuse », mais qui, comme le remarquait GastonBachelard à propos de toute science, de toute disci-pline, voire de toute aventure humaine, l’est par es-sence non par accident. En ce sens, L’Homme, depuissa fondation, n’a jamais renié son titre ni failli à savisée qui est de dégager les invariants derrière les par-ticularités sociales et culturelles.

Se sont donc succédé, en tant que secrétaire général :Jean Pouillon (1961-1996) puis Jean Jamin.

L’équipe rédactionnelle compta : Edma Lemay,Noëlle Imbert-Vier, Nicole-Claude Mathieu, EvelyneGuedj, Marie-Claire Beauregardt, Cléo Pace. Ac-tuellement, le secrétariat de la rédaction est assurépar Aline Malavergne et Valérie Ton That.

ÉTUDES RURALES

Fin 1958, à la demande de Fernand Braudel, Prési-dent de l’EPHE, et de Clemens Heller, son adjoint, etavec les moyens de la VIe section, Isac Chiva orga-nisa à Paris un colloque sur l’assolement triennal enFrance. Toutes les disciplines, toutes les régions, tousles grands noms des études rurales françaises d’alorss’y retrouvèrent et confrontèrent leurs points de vue.Au terme de ce colloque fut envisagé le lancementd’une revue française consacrée aux problèmesagraires. Cette idée rencontra un accueil favorable :une telle revue ne ferait double emploi avec aucunautre périodique scientifique existant de langue fran-çaise. Aussi, la présidence confia la tâche de mettre enroute ce projet à Isac Chiva et suggéra de solliciterpour les fonctions de codirecteurs Georges Duby,alors professeur à l’Université d’Aix-Marseille, et Da-niel Faucher, doyen honoraire de la Faculté des lettresde Toulouse, auprès desquels Isac Chiva allait jouerle rôle de secrétaire général. C’est dans ces circons-tances que naquit la revue. Et lorsqu’en 1960, ClaudeLévi-Strauss demanda à Isac Chiva de l’assister dansson travail de gestion du LAS, c’est tout naturelle-Revue Études rurales

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ment que les membres de la rédaction d’Études ru-rales furent accueillis au sein du laboratoire.

Études rurales est par définition une revue pluridis-ciplinaire. Elle se propose, comme son nom l’indique,d’explorer les sociétés paysannes et le monde ruraldans toutes ses dimensions et toutes ses manifesta-tions. Elle est donc liée à un objet d’étude et n’est enaucun cas porte-parole d’une seule discipline. Larevue s’est donc efforcée d’être un lieu de rencontreentre historiens, géographes, anthropologues et so-ciologues, au fil de parutions régulières reflétant l’ac-tualité scientifique et grâce à des numéros spéciauxfaisant le point sur des domaines de recherche et pré-sentant les résultats de projets intellectuels menés aucours de plusieurs années, ou proposant des travauxpionniers ouvrant de nouvelles perspectives.

Le secrétariat général de la revue fut successivementassuré par : Isac Chiva (1961-1982), Gérard Lenclud(1983-1987), Jean-François Gossiaux (1988-1992),Jacques Cloarec (1992-1998), Carmen Bernand(1999-2004) et Gérard Chouquer depuis 2005.

Depuis 50 ans, la revue Études rurales fait le parique la ruralité représente quelque chose de majeurpour une part importante de l’humanité. À traversles diverses aires culturelles et disciplines dessciences sociales, elle entend contribuer à la com-préhension des problèmes contemporains (insécu-rité alimentaire, foncière et énergétique, politiquesde la nature, globalisation) et à la compréhensiondes richesses du monde (métissage, parité, cosmo-politisme). La croissance de la ville et du fait ur-bain ne réduit pas le champ de la ruralité maisl’augmente en investissant la nature de fonctions,de valeurs et de représentations nouvelles. Ce quiest en jeu, c’est l’invention d’un monde postcolo-nial qui laisse une large place aux émergences, sou-vent aiguës, qui se dessinent ici et là.

Gérard Chouquer

L’équipe rédactionnelle compta successivement lespersonnes suivantes : Françoise Zonabend, Marie-Claude Pingaud, Marie-Elisabeth Handman,Jacqueline Angelopoulos, Danielle Daho, CatherineDuby, Claudine Mochel. Enfin, Claire Perenchio etEva Kempinski sont membres de l’équiperédactionnelle depuis, respectivement, 1994 et 2000.

Voici comment l’équipe rédactionnelle actuelle ca-ractérise, de façon métaphorique et poétique, le tra-vail éditorial qu’elle effectue sur les textes publiésdans la revue.

Lettres de mon moulinChaque mot est un grain de blé. Donnez-nous vos premières moutures. Nous lestamisons, les blutons, laissons reposer avantd’ajouter la levure. Une pincée de sel, de pavot et de cumin. Le pro-duit est prêt de bon matin. Proposé à la dégustation, il n’attend que l’appro-bation.Farines du monde entier. C’est le secret des bonsmeuniers.

Claire Perenchio et Eva Kempinski

CAHIERS D’ANTHROPOLOGIE SOCIALE

Répondant au souhait de donner une visibilité auxtravaux réalisés par des membres du laboratoire ettout particulièrement, aux journées d’études réguliè-rement organisées en son sein, le LAS s’est doté, àl’initiative et sous la direction de Philippe Descola,d’une collection, les Cahiers d’anthropologie sociale,publiée aux éditions de L’Herne et coordonnée parNoëlie Vialles et Salvatore D’Onofrio. Cette collec-tion a vu paraître son premier volume, Dire le savoir-faire, en 2006 (dir. S. D’Onofrio et F. Joulian) ; ontsuivi les volumes « La guerre en tête » (2006 ; dir.S. D’Onofrio et A.-C. Taylor), « Gouverner la na-ture » (2007 ; dir. A. Selmi et V. Hirtzel), « Walter

Collection Cahiers d’anthropologie sociale

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Benjamin, la tradition des vaincus » (2008 ; dir.Ph. Simay), « Paroles en actes » (2009 ; dir. J. Bonhommeet C. Severi) ; le volume 6, « Poils et sang » (2010 ;dir. D. Karadimas) vient de paraître.

Dès les origines, le LAS se dota d’outils de documen-tation et d’information qui n’ont cessé de se perfec-tionner et ont acquis une place de premier plan dansle paysage de la recherche.

LA BIBLIOTHÈQUE

� Responsable de la bibliothèque depuis 1973,Marion Abélès :

L’histoire de la bibliothèque est indissociable decelle du laboratoire. En effet, dès la création duLaboratoire d’anthropologie sociale et conformé-ment à l’idée que s’en faisait son fondateur, la miseen place d’outils d’aide à la recherche s’est avéréeindispensable. Claude Lévi-Strauss a tout d’abordœuvré pour que l’Unesco se procure un exemplairedu fichier des Human Relations Area Files (HRAF)dont le LAS serait dépositaire. Il a souhaité, en-suite, y accoler une bibliothèque de référence pourles chercheurs.Cette bibliothèque, qui n’était donc qu’un serviceparmi d’autres, s’est rapidement développée,jusqu’à devenir le pivot du laboratoire. Elle metaujourd’hui à la disposition des lecteurs un vastefonds documentaire en ethnologie générale com-prenant trois sections : les imprimés, le fichier desHRAF et les archives. Cette évolution s’est déroulée en trois temps : aprèsune phase de mise en place, sont venues des annéesde croissance des collections et d’ouverture à unplus large public, suivies d’une période de stabili-sation, où l’on a veillé à pérenniser, mais aussi àdiversifier les services offerts.

Une bibliothèque pour les chercheursLors de l’installation au Collège de France, dansles locaux rendus disponibles par le départ desgéologues, en 1965, les HRAF se déploient dansune salle située à l’entrée du laboratoire et la bi-bliothèque occupe une vaste pièce dont les murssont couverts de rayonnages vitrés. Au centre, setrouvent, comme c’est encore le cas aujourd’hui,de grandes tables, qui étaient alors peu utilisées,si ce n’est lors des séminaires, assemblées géné-rales et autres réunions. Conçue primitivement comme une bibliothèquede référence à l’usage des chercheurs du labora-toire, elle accueillera bientôt quelques étudiantstravaillant sous leur direction et des chercheursétrangers invités. Elle n’est cependant pas ouverteau public.En 1973, ses collections comptent environ2000 ouvrages, auxquels s’ajoutent 50 titres depériodiques, ainsi que des usuels (dictionnaires etencyclopédies). Le budget de la bibliothèque,quoique limité, permet, outre les abonnementsaux périodiques, l’acquisition des ouvrages debase de la discipline. Quelques années plus tard,les collections occupent tous les rayonnages et ildevient nécessaire d’en installer de nouveaux,dans les couloirs, sur tous les murs restés dispo-nibles. Les bureaux des chercheurs accueillent lesthèses et la littérature grise. Le déménagement dulaboratoire représentera donc une chance inespé-rée pour sa bibliothèque.

Une bibliothèque ouverteEn 1985, le LAS s’installe en effet dans les locauxmis à la disposition du Collège de France dansl’ancienne École polytechnique. La bibliothèqueet le fichier des HRAF investissent alors les350 m² de l’ancien amphithéâtre Arago29.

Human Relations Area Files (HRAF). © P. Imbert, Collège de France.

29. Cette partie de l’école polytechnique a été réalisée entre 1880 et 1887 par l’architecte Henri Mayeux (1845-1929). Lorsque leCollège de France s’est installé dans le bâtiment, l’amphithéâtre a été coupé en deux horizontalement, la bibliothèque en occupe lapartie haute, bénéficiant ainsi d’un éclairage zénithal. Cette architecture en verre et en fonte est représentative de la fin du XIXe siècle.

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Profitant du nouvel espace qui lui est offert, lecentre de documentation va ouvrir ses portes àun public plus large, composé - outre les mem-bres du laboratoire - de chercheurs français etétrangers et d’étudiants à partir de la maîtrise. Ilva peu à peu devenir une bibliothèque de réfé-rence en anthropologie et prendre une place im-portante dans la cartographie des centres deressources spécialisés.S’il conserve dans un premier temps son ancienmobilier, faute de crédits suffisants, le lieu sera to-talement repensé et réaménagé en 1999. La salleoffre à présent 22 places, dans un espace fré-quenté, chaque année, par 3500 lecteurs. Commedans les précédents locaux, les séminaires in-ternes, assemblées générales et rituels festifs quiponctuent la vie du laboratoire, ont toujours lieuà la bibliothèque qui en constitue, plus que ja-mais, le cœur.Aujourd’hui, sont donc rassemblés et consulta-bles en un même lieu, les HRAF, la bibliothèqueet les archives. Ce regroupement reflète la cohé-rence que l’on a voulu donner à l’ensemble et lacomplémentarité des différentes sections.Conçu par l’anthropologue américain GeorgePeter Murdock, pendant l’entre-deux-guerres, àl’Institute of Human Relations de l’UniversitéYale, le fichier des HRAF a pour but de proposerdes données sur diverses sociétés. Ce fichier re-présente une gigantesque base de données ethno-graphique : mille trois cents sociétés à travers lemonde y sont mentionnées. Quatre centsgroupes, répartis sur huit aires géographiques etsélectionnés selon des critères de diversité cultu-relle maximale, y sont documentés de façonexhaustive30. Cet outil peut être utilisé soitcomme une bibliothèque, soit comme un systèmede recherche comparative sur un sujet précis.Plurithématique et plurirégionale, la section desimprimés de la bibliothèque compte à ce jour29 000 ouvrages, 21 500 tirés à part et 480 titresde périodiques dont 200 vivants. Elle est consti-tuée d’un fonds général qui couvre l’ensemble deschamps de l’anthropologie ainsi que les disci-plines connexes – linguistique, archéologie, pré-histoire, géographie humaine, sociologie, religion,

etc. – et de plusieurs fonds spécifiques, qui vien-nent le compléter et correspondent aux dons debibliothèques personnelles. Les acquisitions d’ou-vrages, qui reflètent les thématiques de recherchede l’unité, témoignent des échanges constantsentre bibliothécaires et chercheurs.

Les archives des ethnologues Dès 1963, les premiers fonds d’archives sont dé-posés au LAS : celui d’Alfred Métraux est ainsiconfié par sa veuve au laboratoire « et plus spé-cialement au Professeur Lévi-Strauss ». L’annéesuivante, le LAS accueille les archives de RobertHertz. Il réalise là un véritable sauvetage et poseles jalons de ce qui deviendra la section des ar-chives de la bibliothèque. En 1965, Claude Lévi-Strauss recueille les papiers de Lucien Sebag. Ces trois fonds seront entreposés dans des ar-moires pendant de longues années, faute de placeet de moyens pour les traiter. Ce n’est qu’à la findes années 1990 qu’ils sortiront progressivementde l’oubli. C’est aussi à cette époque que l’oncommencera à s’intéresser à l’histoire de la disci-pline et à son patrimoine intellectuel. La biblio-thèque va alors mettre en place une politique deconservation et de valorisation des archives, ainsiqu’une collecte active auprès des chercheursayant cessé leur activité. Treize nouveaux fondsviennent ainsi s’ajouter aux premiers31. En l’es-

30. Voir M. Chevallier-Schwartz, « Human relations area files», in Michel Izard et Pierre Bonte (éds.), Dictionnaire de l’ethnologie etde l’anthropologie, Paris, PUF, 2004 (Coll. Quadrige).31. On trouvera la liste des fonds d’archives sur le site du LAS : http://las.ehess.fr/document.php?id=66

La bibliothèque du LAS. © P. Imbert, Collège de France.

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pace de quelques années, la section des archivesva passer d’une simple armoire à un local spécia-lement aménagé, occupé aujourd’hui par 150 mè-tres linéaires de documents. Déposées à labibliothèque, les archives font l’objet de conven-tions de don avec le Collège de France.Les photographies, qui occupent une place impor-tante parmi les matériaux ethnographiques, ont ététraitées de la même manière que les papiers et re-groupées en un « Fonds des archives photogra-phiques ». Il contient plusieurs milliers d’épreuves,déposées au laboratoire par les chercheurs eux-mêmes, au retour de leurs missions, ou apparte-nant aux fonds d’archives reçus plus récemment. Il faut encore noter que plusieurs chercheurs ontconfié leurs archives de leur vivant, ce qui a per-mis de mieux contextualiser et classer leurs ma-tériaux de terrain. Cette section conserveégalement les archives du laboratoire de 1960 à1982, produites par C. Lévi-Strauss et I. Chivadurant leurs mandats respectifs de directeur etdirecteur adjoint. Elles comprennent notammentla correspondance – environ 10 000 lettres – quele fondateur du LAS a entretenue avec les insti-tutions de tutelle et les chercheurs du monde en-tier, pendant cette période. La bibliothèque estdonc dépositaire d’une part essentielle de la mé-moire scientifique et institutionnelle du labora-toire qui l’abrite. Les archives se recoupent et, souvent, se répon-dent, illustrant l’évolution des pratiques de terrainde deux générations d’ethnologues ou renvoyantaux problématiques marquantes de la discipline.

Quel avenir pour la bibliothèque ?Commencée en 1987, l’informatisation de l’en-semble des fonds d’imprimés, puis d’archives estaujourd’hui presque achevée. Le catalogue desouvrages et la base de données des archives sont

accessibles sur Internet. Un programme de nu-mérisation des fonds d’archives est en cours. Labibliothèque met également à la disposition de sesusagers un ensemble de ressources en ligne, aux-quelles ses trois institutions de tutelle donnentaccès. Grâce au travail de veille documentairemené en son sein, un choix de revues électro-niques gratuites, correspondant aux thématiquesde recherche du LAS, est proposé. Il va de soique, comme elle l’a toujours fait, la bibliothèquecontinuera à intégrer les nouveaux outils liés auxévolutions du monde numérique.Si cette bibliothèque de recherche a largement bé-néficié des transformations considérables du pro-cessus de traitement des données, et fut même,parfois, pionnière en ce domaine, l’avenir laconduira sans doute, avant tout, à assumer plei-nement sa vocation de sauvegarde et de trans-mission de la mémoire. Les archives prennentdonc une place stratégique au sein du laboratoire.L’anthropologie a maintenant plus d’un siècle etl’on commence à en retracer l’histoire. Les maté-riaux de terrain des ethnologues, comme lestraces de l’activité institutionnelle d’un labora-toire de recherche aussi prestigieux que le nôtrecontribuent, de façon décisive, à une meilleurecompréhension de l’histoire et de l’évolution ré-cente de la discipline.Comme un ultime et salutaire rappel des espoirsqui ont accompagné sa création, la bibliothèquedu Laboratoire d’anthropologie sociale recevrabientôt le nom de son fondateur.

Ceux qui ont accompagné Marion Abélès, à desdegrés divers, dans l’élaboration de cette bibliothèqueont été nombreux. On n’en citera que quelques-uns :

Marcel Mauss et Alice Hertz à Londres, 1910.© R. Hertz, Archives LAS.Robert et Alice Hertz avec leur fils Antoine, 1912.© Anonyme, Archives du LAS.

Île de Pâques et pétroglyphes de l’île de Pâques, mission Métraux(1934-1935). © A. Métraux, Archives LAS, DR.

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Sophie Assal, Patricia Bleton, Fatiha Djouada,Catherine Gadouin, David Rigoulet-Roze, Daniel Vo.

Le fichier des Human Relations Area Files a été gérésuccessivement par : Roberto Miguelez, SolangePinton, Nicole Belmont, Tina Jolas, JacquelineDuvernay, Monique Chevallier-Schwartz, NicoleBernageau, Pierre Le Coupé Grainville. C’estaujourd’hui Sandrine Lecointre qui en a la charge.

Anne-Laure Pierre puis Christine Laurière ont parti-cipé à la création de la section des archives et au trai-tement des fonds. Ont également contribué à cetravail : Marie-Pierre Bousquet, Olivia Kindl, MaudSaint-Lary, Aurélie Troy.

L’équipe de la bibliothèque, en 2010, comprend outresa responsable :Sandrine Lecointre :

« Être bibliothécaire au LAS est une manière pourmoi de rester fidèle à mes premières amours :l’ethnologie, les livres et la vie étudiante. Ma dou-ble formation en ethnologie et en documentationme permet de mettre en place une « veille scienti-fique ». Cela consiste à identifier et sélectionner, encollaboration avec les membres du laboratoire,des ouvrages et des ressources en ligne reflétantl’actualité de la discipline. Je suis aussi responsa-ble du Centre documentaire d’ethnologie compa-rée, abritant les HRAF. Enfin, mes compétencessont mises au service de l’accueil des chercheursen devenir, que j’ai la chance de côtoyer et de gui-der dans leurs recherches documentaires. »

Florence Neveux :« Autour des tables de la bibliothèque, archives,ouvrages, articles et thèses, patiemment réunis, ri-goureusement choisis, poursuivent leur long dia-logue. Créer les notices qui les décrivent etconstituent le catalogue, c’est donner aux lecteursles « mots-clés » de cet échange, pour qu’à leur tourils y prennent part, le prolongent et l’infléchissent.Au LAS, peut-être plus qu’ailleurs, les bibliothé-caires prêtent la même oreille attentive à l’écho desvoix anciennes qu’aux murmures prometteurs. »

Marie-Christine Vickridge :« Je suis entrée à la bibliothèque du LAS en 1998.Mon travail recouvre essentiellement deux acti-vités. J’accueille les lecteurs – étudiants, cher-

cheurs novices ou chevronnés – dont les de-mandes sont très diverses. Je les aide à rechercherou à localiser les documents dans la bibliothèqueou les différents centres documentaires parisienset les oriente vers les ressources en ligne aux-quelles la bibliothèque est abonnée.Par ailleurs, m’incombe la gestion des pério-diques de la bibliothèque. Chaque mois, l’ensem-ble des sommaires des revues reçues est envoyéaux chercheurs du LAS et aux lecteurs inscrits àla bibliothèque.La diversité des outils de recherche et des conte-nus sur Internet nous oblige à actualiser réguliè-rement nos compétences, afin de mieux orienterles lecteurs dans leurs recherches si variées. Cesaspects donnent au métier un intérêt accru. » �

Masque gu « éléphant ». Ethnie Guro, Côte d’Ivoire, 1975.© A. Deluz, Archives LAS.

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DE L’AVENIR

Il est devenu coutumier de dire que l’anthropolo-gie a connu une mutation profonde de ses objets,de ses paradigmes et de ses problématiques aucours des trente dernières années et qu’il n’est pluspossible aujourd’hui de pratiquer cette disciplinecomme on le faisait encore dans les années 70 ou80 du XXe siècle. C’est à la fois vrai et faux. C’estvrai si l’on reconnaît que la séduction exercée parla dimension totalisante du terme anthropologie aconduit à ranger sous cette rubrique des entre-prises disparates qui ont pour seul point communde privilégier une approche qualitative des faits desociété : on baptise désormais d’anthropologiquetoute démarche explorant les affects, les motiva-tions ou les interactions au sein d’un groupe quel-conque de personnes, voire toute stratégienarrative donnant à voir des rapports sociaux, desexpériences individuelles ou des systèmes decroyance à partir du point de vue des acteurs. C’estvrai encore si l’on prend acte du fait que la dyna-mique issue de la confrontation entre les approchesstructuralistes et les approches processuelles s’estmaintenant épuisée pour laisser la place à un pay-sage théorique beaucoup plus éclectique, caracté-risé par des emprunts féconds aux sciencescognitives, à la linguistique, à la méthode histo-rique, à la philosophie du langage et de l’esprit, àl’histoire de l’art, voire à l’éthologie ou à la psy-chanalyse. Les chercheurs du Laboratoire d’an-thropologie sociale se sont engagés de manièredécidée dans ce rôle de passeurs entre des disci-plines voisines, convaincus qu’ils sont que, commele disait Mauss, les progrès se font toujours danscet inconnu qui réside aux frontières des sciences.C’est vrai, enfin, si l’on examine la grande plura-lité des objets empiriques que les anthropologuesse donnent aujourd’hui pour mission d’étudier, lestrois grands domaines traditionnels relativementcompartimentés qu’étaient les sociétés tribales, lespaysanneries et les mondes urbains ayant volé enéclat sous l’effet d’un double processus complé-mentaire d’hybridation et de fixation des particu-larités qui multiplie à l’infini des situations localeset des systèmes de pratique à la fois très spécifiqueset manifestant dans leur modes de configurationdes familles de traits communs. Là encore, les

membres du LAS ont su relever le défi de cette di-versité et s’attacher à rendre raison des très nom-breuses facettes sous lesquelles se présentent lesréalités sociales et culturelles du monde contem-porain.

Mais il est faux de dire que l’anthropologie s’esttransformée au point d’avoir perdu sa spécificitéoriginelle, du moins si l’on accorde encore quelquecrédit à une définition rigoureuse de la discipline.Depuis ses origines, en effet, l’anthropologie com-bine étroitement trois démarches dont la cohabita-tion n’est pas toujours aisée : l’ethnographiecomme acquisition de données par observation di-recte d’une collectivité décrite par convention mo-nographique comme une totalité ; l’ethnologiecomme effort de synthèse généralisante portant surun ensemble de collectivités dont on présumequ’elles présentent des affinités soit à l’échelle d’uneaire culturelle, soit à l’échelle d’un régime de pra-tique, d’un type de dispositif institutionnel ou d’unedynamique d’évolution ; l’anthropologie propre-ment dite, enfin, comme étude des propriétés for-melles de la vie sociale en général. C’est toute ladifficulté de l’anthropologie, en même temps que ledéfi extrêmement excitant qu’elle propose à ceuxqui la pratiquent, que de tenter de mener de frontces trois approches qui exigent l’excellence dans ladescription et l’interprétation ethnographique, uneérudition impeccable dans la comparaison interneà une aire culturelle ou à un type de phénomènes,et l’audace dans la formulation d’hypothèses sus-ceptibles de mettre en évidence telle ou telle régu-larité récurrente dans l’organisation de systèmes derapports entre des classes d’objets ou de relations.C’est en tout cas la conception que s’en font lesmembres du LAS et c’est celle que j’ai souhaité dé-fendre et promouvoir depuis dix ans.

Quelles sont à présent les lignes directrices quipourraient guider nos recherches futures ? La pros-pective est un exercice périlleux qui, du fait des dé-mentis répétés que l’expérience apporte auxprédictions, met souvent les chercheurs en sciencessociales face aux limites de leurs capacités d’ana-lyse. Néanmoins, il n’est pas impossible d’envisa-

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ger des tendances à moyen terme. D’abord, surquelles ressources compter ? Pour un laboratoiredit ‘généraliste’, il est nécessaire en premier lieu quetous les continents et tous les genres de collectifsaient leurs spécialistes. C’est le cas aujourd’hui auLAS pour l’Afrique et le Moyen-Orient, les Amé-riques et l’Océanie qui comptent entre six et septchercheurs par domaine ; l’Europe est moins bienlotie, l’Asie et le monde urbain sont absents. ClaudeLévi-Strauss disait préférer les « tropiques va-cants » aux « tropiques bondés » et c’est l’une desmultiples raisons qui l’ont conduit à exclure lesgrandes civilisations d’Orient du périmètre des re-cherches du LAS ; mais il aurait pu tout aussi biendevenir un spécialiste du Japon – il a regretté queles circonstances en aient décidé autrement –, desorte que cette exclusion est plus accidentelle questructurelle. Il serait ainsi souhaitable que le LASpuisse s’ouvrir aux remarquables terrains d’inves-tigation que la désagrégation de l’empire soviétiquea rendu accessibles, notamment l’Asie centrale et laSibérie, et dont certains traits – le mode de vie pas-toral, le chamanisme, les cultures de la chasse, l’or-ganisation tribale – retiennent depuis longtempsl’attention de chercheurs du laboratoire. Il en va demême pour les sociétés dites ‘tribales’ d’Asie duSud-Est – en Malaisie, aux Philippines, en Birmanie,en Indonésie, au Vietnam – dont Lucien Bernot futjadis un expert réputé et qui présentent des carac-téristiques dans l’organisation sociale et religieusequi ne peuvent manquer de retenir l’attention desocéanistes ou des américanistes. Quant à l’absencedes études urbaines – et la faible présence des re-cherches en anthropologie des sciences et des tech-niques –, elles sont dommageables pour uneinstitution qui se définit par son aptitude à produiredes généralisations comparatives sur toutes les fa-cettes du monde contemporain : plus de la moitiéde la population mondiale vit désormais dansdes villes et dans des contextes industriels etpost-industriels.

Toutefois, par-delà les objets empiriques d’étudequi permettent d’alimenter l’entreprise de réflexioncommune, ce sont surtout les axes thématiques etles problématiques de recherche qui peuvent dessi-ner le futur du LAS. J’en distinguerai quatre, quiprolongent sous une forme ou sous une autre despréoccupations déjà présentes dès la fondation dulaboratoire.

Le premier axe s’articule autour de la question gé-nérale des formes de la connaissance et de l’énon-ciation ; il peut se diviser en trois branches. Lacognition et la perception d’abord, c’est-à-dire toutce qui recouvre les dimensions psychologiques, lin-guistiques et techniques des savoirs et des pra-tiques, les systèmes et modes de connaissance, lesthéories indigènes de l’esprit, des états internes etde l’expérience sensible, les mécanismes de catégo-risation et de mémorisation. Le rôle social de la pa-role et de la tradition orale, ensuite, c’est-à-dire lechamp très général des régimes de discours, au croi-sement de l’anthropologie linguistique, de l’étudedes théories indigènes du langage et du signe, de lapragmatique des usages, des contextes d’énoncia-tion et des formes de transmission, et de l’étudecomparative des énoncés rituels et des diversesformes de littérature orale, les mythes et les contesen particulier. Le champ du savoir proprement an-thropologique, enfin, c’est-à-dire l’étude descontextes historiques et intellectuels au sein des-quels des objets de connaissance anthropologiqueont été constitués.

Le deuxième axe est celui, toujours vivace, des mé-canismes de la constitution des identités. Une di-mension centrale de ce champ de recherche estl’étude de la parenté, le plus ancien des systèmes derégulation et de transmission des identités collec-tives. Il s’agit là d’une des constantes du LAS de-puis sa fondation, les avancées scientifiquesenregistrées dans le domaine étant pour une largepart dues à ses membres. Ce domaine ‘classique’ estpourtant loin d’être épuisé. Sont particulièrementdignes d’attention la question des fondements de lafiliation et de ses rapports avec la transmission, laquestion des terminologies et de la nature des caté-gorisations qu’elles expriment, la question de latension théorique entre des stratégies matrimo-niales inscrites dans une structure, et des politiquesmatrimoniales régies par l’événement et par le rap-port d’un individu à des groupes de parenté divers,enfin la question des inflexions subies par la pa-renté suite aux techniques de reproduction assistéeet aux transformations de la famille en Occident.La constitution des identités individuelles est éga-lement une thématique ancienne en anthropologie,mais à laquelle les nouvelles techniques de pro-création et le développement des greffes d’organedonnent une singulière actualité. Paraît particuliè-

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rement prometteuse la comparaison des nouvellesimages du corps engendrées par les biotechnolo-gies, la robotique, ou même la littérature d’antici-pation, avec le très riche corpus de représentationsportant sur ce thème dans les sociétés non mo-dernes : statut des substances, organes et tissus cor-porels, du fœtus et de l’embryon, des membressectionnés.

Le troisième axe porteur de promesses est égale-ment au cœur de l’anthropologie depuis ses ori-gines, c’est la question des rapports de continuité etde discontinuité entre la nature et la culture. Lasituation présente, avec la transformation accéléréedes environnements et le bouleversement engendrépar les progrès de la génétique, lui donne toutefoisune particulière acuité. L’anthropologie a un rôleimportant à jouer dans la compréhension de cesphénomènes, notamment en révélant les substratsculturels dans lesquels ils prennent naissance et enmontrant comment ceux-ci s’accordent ou nonavec des schèmes cosmologiques plus amples. Deuxvoies s’ouvrent pour ce genre d’analyse. La pre-mière est un prolongement des recherches menéesau laboratoire sur les interactions entre les sociétéset leurs environnements selon une approche quitraite les éléments biotiques et abiotiques de l’éco-système comme autant d’agents engagés dans unréseau d’interactions dans lesquelles le rôle desnon-humains reçoit le même poids que celui des hu-mains. Cette approche permet de traiter des ques-tions en apparence classiques, mais transforméespar la manière de les aborder, depuis les concep-tions et modes d’organisation de l’espace et de l’ha-bitat, la perception des risques environnementauxet l’incidence des politiques de préservation de lanature, jusqu’à la perception subjective de l’espaceanthropisé et non anthropisé ou la production cul-turelle des espaces naturels. Ces questions ne sontpas propres à une aire culturelle et leur prise encompte témoigne de la possibilité d’apporter unpoint de vue anthropologique sur des questionsconcernant autant les sociétés ‘traditionnelles’ quele monde industrialisé, par exemple celle des airesprotégées. L’autre aspect de l’interface entre natureet culture dont l’étude est promise à un bel avenirest la relation complexe que les animaux humainsentretiennent avec les animaux non humains sur lesplans techniques, symboliques et sociaux. Ceciconcerne les recherches sur le statut de l’animal, no-

tamment d’élevage et de compagnie, et exige des’intéresser en particulier aux pratiques alimen-taires, dans les sociétés industrialisées et tradition-nelles comme dans les situations culturelles detransition, aux rapports affectifs avec les animauxtels qu’ils se dégagent de l’expérience des praticiens(vétérinaires, éleveurs, chercheurs), aux mouve-ments ‘animalistes’ en pleine expansion en Europeet au rôle de l’animal dans la gestion de la santé pu-blique (épizooties, maladies infectieuses à saut d’es-pèces). Enfin cette interface doit aussi êtreenvisagée dans le temps long du processus de co-évolution de populations d’animaux et d’humainspartageant un même environnement et dont lescomportements se sont ajustés les uns aux autres,ce qui exige de combiner les ressources de l’étholo-gie à celle de l’ethnographie.

Enfin, d’autres types de non-humains réclamentune place beaucoup plus importante dans les étudesanthropologiques, ce sont les artefacts de toutessortes qui prennent une part si grande dans notreexistence collective. Le dernier axe de recherche quiretient l’attention est donc l’étude de la vie socialedes objets, du rôle de médiateur qu’ils jouent dansl’interaction sociale et des délégations de naturesdiverses que les humains leur confèrent et qui lesdotent d’une autonomie relative. Bien que la dis-tinction entre objets représentationnels (qui fonc-tionnent surtout comme des signes ou des porteursd’une intentionnalité déléguée) et objets techniques(qui ont au premier chef une fonction instrumen-tale) soit relativement artificielle, elle permet néan-moins de distinguer deux champs d’investigationqui ne se recoupent pas toujours. Le premier estprincipalement concerné par l’étude des manièresde produire des objets ou des images comparablesà ceux que notre société qualifie d’objets d’art ouqui sont devenus tels par leur patrimonialisationmuséale, de leurs relations avec les systèmes de re-présentation, de communication et d’échange descultures où ils sont produits, de leur destin dans lemonde occidental et des transformations qu’ils su-bissent parfois en raison du succès qu’ils peuvent yrencontrer. L’anthropologie de l’art constitue doncl’axe principal, mais non exclusif, de ce domainequi recouvre aussi la recherche comparative sur lesmodes de figuration, sur les dimensions cognitivesdes iconographies, sur la mise en image de l’alté-rité, sur l’histoire des collectes et de l’exposition des

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objets ethnographiques, sur la mise en scène des au-tochtones par eux-mêmes et sur le rapport des col-lectionneurs d’art à leurs objets. Le deuxièmechamp d’investigation concerne l’anthropologie desobjets techniques, jadis brillamment illustrée enFrance par les recherches en technologie culturelle,mais qui connaît depuis quelques années un certainessoufflement. Un renouveau des recherches dansce domaine passe sans nul doute par une inflexiondécidée vers l’étude ethnographique des techniquesindustrielles et scientifiques et de leurs modalités detransfert hors de leurs sites d’invention et de per-fectionnement. Ce genre d’étude gagnerait en outreà être mené dans une perspective analogue à celleadoptée pour l’étude des organismes non humains,c’est-à-dire en traitant les objets techniques commedes sujets de droit de la vie sociale.

Il est difficile de dire dès à présent si les directionsde recherche esquissées ici correspondent effective-ment à ce qui se fera de plus novateur en anthro-

pologie dans une quinzaine d’années. Ce qui est sûr,en revanche, c’est que les travaux menés par les an-thropologues continuent de retenir l’attention bienau-delà de la discipline : historiens, philosophes, so-ciologues, psychologues, linguistes, mais aussi ar-chitectes, géographes, économistes ou psychanalystes,nous lisent, nous commentent et nous utilisent, tousconscients de la grande fécondité d’une démarchequi propose des invariants de la condition humainefondés sur une systématique raisonnée des diffé-rences dans la manière de vivre cette condition. Cecrédit nous le devons à l’objet de notre science, àla rigueur avec laquelle nous la mettons en œuvre,et surtout à la liberté et à l’audace que nous dé-ployons dans la formulation d’hypothèses. C’estl’un des legs les plus précieux que nous a laissésClaude Lévi-Strauss ; mon vœu le plus cher est qu’ilcontinue longtemps à fructifier au Laboratoired’anthropologie sociale. �

Philippe Descola

Les membres du LAS, juin 2010Assises, de gauche à droite : Marika Moisseeff, Sandrine Lecointre, Sophie Bosser.1er rang, de gauche à droite : Eva Kempinski, Brigitte Derlon, Claire Perenchio, Marie-Christine Vickridge, Barbara Glowczewski, Françoise Zonabend,Philippe Descola, Françoise Héritier, Marie Mauzé, Corinne Fortier, Evelyne Larguèche, Michèle Fiéloux, Aline Malavergne, Marie-Claudine Ah-Pet.2e rang, de gauche à droite : Perig Pitrou, Clarisse Herrenschmidt, Anne-Marie Brisebarre, Florence Neveux, Noëlie Vialles, Frédéric Keck,Salvatore D'Onofrio, Dimitri Karadimas, France-Marie Casevitz, Stéphane Breton, Klaus Hamberger, Jérôme Lamarque, Aïda Kanafani-Zahar,Valérie Ton That, Cédric Yvinec, Florence Brunois.© P. Imbert, Collège de France.

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BIBLIOGRAPHIE

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Document audiovisuel

� L’invité du dimanche, « Claude Lévi-Strauss »,Pierre Desgraupes, production Eliane Victor, INA20/06/1971. �

Illustrations p. 51 :

1. Jeunes enfants m’bororo, village de Lompta,

Cameroun, 1993. © L. Barry.

2. Femme candoshi, Haute-Amazonie, 2001.

© A. Surrallés.

3. Indiennes Guajiro (Wayuu), Vénézuela, 1969.

© M. Perrin

4. Fillettes yurakaré, Bolivie, 2007. © V. Hirtzel.

5. Adolescente caduvéo décorée pour la fête de lapuberté, Brésil, 1935. © C. Lévi-Strauss.

6. Adeptes du vodou Agbui, village d’Afagnan, Togo,2004. © K. Hamberger.

7. Le Laamido (sultan) de Banyo, entouré de sa sada(cour), Cameroun, 1993. © L. Barry.

8. Berger m’bororo, village de Lompta,Cameroun,1993. © L. Barry.

9. « Les Messieurs » à Minot, France, 1913.

© Archives LAS.

10. Groupe de Kirghizes, Sibérie, 2000. © A. Bourgeot.

11. Sacrifice à l’autel des morts, Pays Samo, BurkinaFaso, 1968. © F. Héritier.

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11, place Marcelin-Berthelot - 75005 ParisTéléphone : 33 (0)1 44 27 12 11

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Laboratoire d’anthropologie sociale

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