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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 301 (3) 21 REBOISEMENTS / LE POINT SUR… Plantations industrielles et agroforesterie au service des populations des plateaux Batéké, Mampu, en République démocratique du Congo Figure 1. Image Google Earth localisant le projet Mampu. Franck Bisiaux 1 Régis Peltier 2 Jean-Claude Muliele 1 1 Projet agroforestier Mampu Fondation Hanns-Seidel Munich, Allemagne 57, avenue des Sénégalais Gombé, Kinshasa République démocratique du Congo 2 Cirad Département Environnements et sociétés Unité de recherche Ressources forestières et politiques publiques TA C-36/D Campus international de Baillarguet 34398 Montpellier Cedex 5 France

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B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 1 ( 3 ) 21REBOISEMENTS / LE POINT SUR…

Plantations industrielles et agroforesterie au service

des populations des plateaux Batéké,

Mampu, en Républiquedémocratique du Congo

Figure 1.Image Google Earth localisant le projet Mampu.

Franck Bisiaux1

Régis Peltier2

Jean-Claude Muliele1

1 Projet agroforestier MampuFondation Hanns-Seidel Munich, Allemagne57, avenue des SénégalaisGombé, KinshasaRépublique démocratique du Congo

2 CiradDépartement Environnementset sociétésUnité de recherche Ressourcesforestières et politiques publiquesTA C-36/DCampus international de Baillarguet34398 Montpellier Cedex 5France

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RÉSUMÉPLANTATIONS INDUSTRIELLES ET AGROFORESTERIE AU SERVICE DESPOPULATIONS DES PLATEAUX BATÉKÉ,MAMPU, EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUEDU CONGO 

En République démocratique du Congo,Kinshasa, la capitale accueillant les popula-tions issues de l’exode rural et de l’insécu-rité accrue, concentre environ huit millionsd’habitants. La ville est principalemententourée de savanes et d’îlots forestiersdégradés. La consommation en bois éner-gie est estimée dans une fourchette de troisà six millions de tonnes d’équivalent boisénergie par an (ce qui représenterait 0,6 à1,2 million de tonnes de charbon de boispar an si tout le bois était carbonisé). Le pro-jet Mampu a été conçu comme la phasepilote d’un projet de reboisement de centmille hectares sur les sols sableux du pla-teau Batéké pour faire face à la pénurie debois et de charbon. Malgré les conflits, envi-ron huit mille hectares de plantationsd’Acacia auriculiformis ont été principale-ment réalisées de 1987 à 1993. À partir de1998, la plantation de Mampu a été diviséeen lots de 25 ha attribués à 320 famillesd’agriculteurs. La culture se fait suivant unmodèle agroforestier de jachère améliorée,inspiré du modèle traditionnel de culturesur brûlis. La production totale de charbonde ce massif varie de 8 000 à 12 000 tonnesannuelles, à laquelle il faut ajouter10 000 tonnes de manioc, 1 200 tonnes demaïs et 6 tonnes de miel. Pour le seul char-bon, cela correspond à un revenu brutannuel de 2,6 millions de dollars US pour lepays. Au moins un quart revient aux pro-priétaires agrisylviculteurs. Le succès duprojet incite à appliquer ce modèle sur lessavanes des plateaux Batéké, en prenanten compte les droits fonciers traditionnelset en poursuivant la diversification et latransformation locale des produits. Celacontribuera à couvrir une part plus impor-tante des besoins urbains en énergierenouvelable, tout en créant des emploisruraux. Cependant, d’autres modèles desystèmes agroforestiers méritent d’être tes-tés ou développés dans les autres condi-tions écologiques et socio-économiques dupays, comme la gestion du recrû natureld’espèces locales à usages multiples appli-quée dans le système traditionnel dejachère enrichie (nkunku) du Bas-Congo.

Mots-clés : Acacia auriculiformis, reboise-ment, charbon de bois, agroforesterie,République démocratique du Congo.

ABSTRACTINDUSTRIAL PLANTATIONS ANDAGROFORESTRY FOR THE BENEFIT OF POPULATIONS ON THE BATÉKÉ AND MAMPU PLATEAUX IN THEDEMOCRATIC REPUBLIC OF THE CONGO

With people leaving rural areas and fleeinginsecurity, Kinshasa, the capital of theDemocratic Republic of the Congo, now hassome 8 million inhabitants. The city ismainly surrounded by savanna and patchesof degraded forest. Estimated fuelwoodconsumption is in the range of 3 to 6 milliontonnes of fuelwood equivalent per year(representing 0.6 to 1.2 MT of charcoal peryear if all the wood were charcoaled). TheMampu project was designed as the pilotphase of a reforestation project covering100 000 hectares of sandy soil on theBatéké plateau and aiming to remedy woodand charcoal scarcities. Despite the con-flicts, about 8000 hectares of Acacia auri-culiformis were planted, mainly from 1987to 1993. From about 1998, the Mampuplantation was divided into 25 hectare plotsfor 320 farming families. Cultivation mainlyfollows the agroforestry pattern based onimproved fallows, which draws on tradi-tional slash-and-burn farming. Total char-coal production from the plantation variesfrom 8 000 to 12 000 tonnes per year, inaddition to 10 000 T/year of cassava,1 200 T/year of maize and 6 T/year ofhoney. Gross annual revenue for the countryfrom charcoal alone amounts to 2.6 mil-lion US dollars, with owners of the agro-forestry plots earning at least a quarter. Thesuccess of the project is an incentive toapply the model to the savanna lands onthe Batéké plateaux, taking traditional landrights into consideration and continuingactivities to diversify and process produc-tion locally. This will help to cover a largershare of urban needs for renewable energywhile also creating rural employment.However, other agroforestry systemsdeserve to be tested or developed for differ-ent ecological and social or economic con-ditions across the country, such as manage-ment of the natural regrowth of localmultiple-use species as applied with thetraditional system of fellow enrichment(Nkunku) in the Lower Congo.

Keywords: Acacia auriculiformis, reforesta-tion, charcoal, agroforestry, DemocraticRepublic of the Congo.

RESUMENPLANTACIONES INDUSTRIALES Y AGROFORESTERÍA AL SERVICIO DE LOS HABITANTES DE LAS MESETASBATEKE EN LA REPÚBLICA DEMOCRÁTICADEL CONGO

En Kinshasa, capital de la RepúblicaDemocrática del Congo que absorbe lapoblación del éxodo rural y de la crecienteinseguridad, se concentran unos ochomillones de habitantes. La ciudad está prin-cipalmente rodeada por sabanas e islotesforestales degradados. El consumo dendro-energético se estima en una horquilla deentre tres y seis millones de toneladas (MT)de equivalente en leña por año (lo quesupondría de 0,6 a 1,2 MT de carbón vege-tal/año, si toda la leña fuera carbonizada).El proyecto Mampu se concibió como fasepiloto de un proyecto de reforestación decien mil hectáreas en los suelos arenososde la meseta Bateke para combatir la esca-sez de madera y carbón. A pesar de losconflictos, se pudieron plantar unas ochomil hectáreas de Acacia auriculiformis, prin-cipalmente entre 1987 y 1993. A partir de1998, la plantación de Mampu fue divididaen lotes de 25 ha atribuidos a 320 familiasde agricultores. Los cultivos se realizansiguiendo un modelo agroforestal de bar-becho mejorado, inspirado del cultivo tradi-cional de quema. La producción total decarbón de esta masa forestal varía entre8 000 y 12 000 toneladas anuales (T/año),a la que hay que añadir 10 000 T/año demandioca, 1 200 T/año de maíz y 6 T/añode miel. Únicamente el carbón, ya repre-senta unos ingresos anuales de 2,6 millo-nes de dólares US para el país. Los propie-tarios agrosilvicultores reciben, al menos,una cuarta parte. El éxito del proyecto incitaa aplicar este modelo en las sabanas de lasmesetas Bateke, teniendo en cuenta losderechos consuetudinarios sobre la tierra ycontinuando con la diversificación y trans-formación local de los productos. Esto con-tribuirá a cubrir una parte cada vez mayorde las necesidades urbanas de energíarenovable, al tiempo que se crean empleosrurales. Sin embargo, merece la pena pro-bar o desarrollar otros modelos de sistemasagroforestales adaptados a otras condicio-nes ecológicas o socioeconómicas del país,como el manejo de rebrotes naturales deespecies locales de usos múltiples aplicadoal sistema tradicional de barbechos enri-quecidos (Nkunku) del Bajo Congo.

Palabras clave: Acacia auriculiformis, refo-restación, carbón vegetal, agroforestería,República Democrática del Congo.

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FOCUS / REFORESTATION

F. Bisiaux, R. Peltier, J.-C. Muliele

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Le contexte

La République démocratique duCongo (Rdc) est le troisième plusvaste pays d’Afrique et le plus peupléd’Afrique centrale. Le nord du paysest un des plus grands massifs deforêt équatoriale au monde. L’est dupays borde le Grand Rift est-africain,domaine des montagnes, des col-lines, des grands lacs et des volcans.Le sud et le centre, en grande partiecouverts par des savanes arborées,forment un plateau s’élevant vers lesud. Au sud-ouest, la forêt duMayombe et au sud-est la forêt clairede type Miombo forment des massifsforestiers typiques parmi les plussoumis à la pression anthropique.

Comparativement à sa taille, leCongo-Kinshasa est peu peuplé, lapopulation se concentre sur les pla-teaux, dans la savane près desfleuves et des lacs. Le nord et lecentre du pays, domaine de la forêt,sont pratiquement vides. Aggravé parl’insécurité et les guerres civiles,l’exode rural a gonflé les villes et enparticulier Kinshasa (population esti-mée à huit millions d’habitants).Cette ville a des besoins énormes enénergie. Avec l’hypothèse couram-ment admise dans les villes d’Afriquede l’Ouest à forte pénurie (parexemple Niamey au Niger) quechaque habitant consomme pour sonénergie domestique (cuisson des ali-ments et marginalement chauffage)un kilogramme d’équivalent bois (éq.bois) par habitant et par jour(Bertrand, 1991), Kinshasa consom-merait près de 3 millions de tonnesd’équivalent bois par an, ou l’équiva-lent d’environ 600 000 tonnes decharbon par an. D’après Gazull(2009), cette consommation seraitplus du double dans des capitalestelles que Bamako (2,5 kg éq.bois/hab./j en 2004) et Tananarive(2,8 kg éq. bois/hab./j en 2009),l’augmentation récente étant due aupassage du bois au charbon de bois.

Or, dans un rayon de 150 kmautour de Kinshasa, il n’y a que trèspeu de massifs forestiers suscep-tibles de fournir ce bois énergie. La

majorité de cette zone est occupéepar le plateau Batéké. Son relief(700 m d’altitude moyenne) est fai-blement ondulé à l’exception des val-lées assez larges de la Vue, la Mwanaet la Mbali supérieure (550 à 630 md’altitude) et des vallées plus encais-sées de la Lufimi, la Mbali inférieureet du Kwango (200 à 350 m d’alti-tude) (Ladmirant, 1964). Les flancsde ces vallées et de leurs affluentsportaient autrefois des forêts denses(Duvigneaud, 1949), aujourd’huiplus ou moins dégradées par l’agri-culture itinérante (beaucoup d’au-teurs qualifient ces forêts de « gale-ries », bien qu’elles s’étendent bienau-delà du lit majeur des cours d’eau,comme c’est le cas en zone souda-nienne). Le climat est tropical chaudavec une saison sèche de quatremois de juin à septembre. Les tempé-ratures annuelles moyennes oscillentautour de 25 °C. Les sols sont surtoutsablonneux, acides, chimiquementpauvres et possèdent une très faiblecapacité de rétention hydrique (KoyKasango, 2005). La kaolinite est lematériau le plus important de la frac-tion argileuse. Le pH-H2O est engénéral inférieur à 5,5 et varie avec lateneur en matière organique.

La savane est la formation natu-relle dominante avec quelques gale-ries forestières (Robyns, 1948) :

▪ savanes herbeuses à Loudetia,caractérisées par Loudetia arundina-cea et Ctenium newtonii ;▪ savanes arbustives dégradées àDigitaria, caractérisées par Digitariauniglumis, Hyparrhenia diplandra etHymenocardia acida ;▪ savanes arbustives, caractériséespar Hymenocardia acida et parfoisparsemées d’arbres, notammentErythrina abyssinica et Cussoniaangolensis (photo 1) ;▪ galeries forestières, du type périgui-néen, se trouvant sur les pentesraides et les vallées des rivièresMbali, Mwana, Kwango et Lufumi(photos 2).

La zone du plateau Batéké estsituée dans la province administrativede Kinshasa. Historiquement, cettezone était peu densément peupléepar l’ethnie Téké : environ trois habi-tants au kilomètre carré. L’autoritétraditionnelle est exercée par leschefs coutumiers dont le rôle, en droitmoderne, n’est pas clairement pré-cisé en matière judiciaire et foncière.L’ordre public, l’hygiène, la santé,l’éducation, les communications sontdu ressort des autorités territoriales.

Les activités économiques sur leplateau sont essentiellement orientéesvers l’agriculture itinérante. L’infrastruc-ture routière y est peu développée.

Photo 1.Savane arbustive, caractérisée par Hymenocardia acida.Photo R. Peltier.

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Mampu, projetde reboisementindustr iel lors

des conflits

En 1984, devant la pénurie debois énergie à Kinshasa, le projetMampu fut conçu comme la phasepilote d’un projet de boisement d’im-portance, d’environ 100 000 ha, quidevait poursuivre un objectif annuelde production de 126 000 t de char-bon, à partir de l’an 2000 (Ducenne,2009). Cet objectif de productiondevait correspondre à 30-40 % de lademande en charbon de bois totaleestimée de la capitale (environ400 000 t/an, à l’époque). La phasepilote (8 000 ha) a été mise en œuvrepar la société Hva1 sous le contrôlede la société Zte2. Le financement decette phase pilote s’appuya sur lesressources du Fonds européen dedéveloppement (Fed), de l’ordre de8 500 000 Ecu.

Ce projet est situé sur le plateauBatéké (4°20 S, 16°18 E), à une altitudede 670-720 m. Il se trouve à 150 km àl’est de Kinshasa (dont 26 km de pistesableuse depuis Mbankana).

L’emplacement a été choisi àproximité immédiate du centre derecherche de Kinzono, créé en 1976sur financements nationaux zaïrois etavec l’aide de la coopération belge (M.Gerkens, com. pers.). Ayant testé plusde quatre-vingts espèces locales etexotiques, ce centre avait montré l’ex-

cellente croissance de l’espèce Acaciaauriculiformis. Par ailleurs, les conflitsfonciers avec les autorités tradition-nelles téké y semblaient modérés.

Entre 1987 et 1993, la sociétéHva a boisé 7 262 ha de savanedégradée (photo 3), principalement àl’aide d’Acacia auriculiformis (plusde 95% de la surface plantée) etd’eucalyptus dans une mesure trèsmarginale. Pour cela, une pépinièrede 6 ha ayant une capacité de pro-duction annuelle de 4 millions deplants forestiers fut aménagée (surdi-mensionnée en vue d’une extensionsouhaitée du projet).

Suite aux événements et auxpillages de 1991, la société Hva aban-donna les travaux en mars 1992.Soucieux de l’avenir du projet, le gou-vernement congolais confia à la Fhs3

la mission de maintenir les infrastruc-tures du projet jusqu’en décembre1993. De janvier 1994 à mai 1995, laFhs et le Cadim4 se virent confier lemandat d’assurer la protection de laconcession. Au terme de cettepériode, un protocole d’accord a étésigné entre le gouvernement congo-lais, la Fhs et l’Union européenne(UE), cette dernière accordant un cré-dit de maintenance des plantations àla Fhs (Ducenne, 2009).

Depuis 2003 et la reprise de lacoopération de l’UE, deux nouveauxprojets européens ont appuyé ledéveloppement de Mampu (contribu-tion à la relance de la productionagricole par la promotion de l’agrofo-resterie et sa diffusion en milieu villa-geois sur le plateau Batéké).

À partir de 1994,une évolutiondélibérée versl’agroforesterie

Un modèle de jachèreaméliorée inspiré

du système traditionnelde culture sur brûlis

À partir des années 1998, la plan-tation de Mampu fut divisée en lots de25 ha qui ont été attribués à des agri-culteurs. Ceux-ci devaient gérer leurplantation, avec l’encadrement tech-nique de la Fhs, suivant un modèleagroforestier inspiré du modèle tradi-tionnel de culture sur brûlis.

En effet, si les termes « systèmeagroforestier » ont un sens très larged’association entre arbre, culture etélevage, dans l’espace et/ou dans letemps (Combe, Budowski, 1979 ;Nair, 1985 ; Baumer, Wood, 1986 ;Lundgren, 1987), on peut parler de« système agroforestier séquentiel »quand il s’agit d’alternance dans letemps, sur une même parcelle, entreculture et forêt. C’est le cas pourl’amélioration de l’agriculture itiné-rante par la jachère améliorée –improved fallow – (Torquebiau,1990). La parcelle n’est pas aban-donnée après les quelques saisonsde culture, mais enrichie de ligneuxutiles. Il est possible d’ensemencerla jachère soit par plantation, soitpar régénération naturelle à partir

Photos 2.Forêt des versants du plateau Batéké en cours de défrichement pour la production de charbon et la mise en culture agricole.Photo R. Peltier.

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FOCUS / REFORESTATION

1 Hollandaise Agro-Industries.2 Zaïre Trading Engineering.

3 Fondation Hanns-Seidel.4 Centre d’appui au développement intégré de Mbankana.

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d’arbres fixateurs d’azote, qui réta-blissent un sol de bonne qualité plusvite que les espèces spontanées.

C’est le cas à Mampu où, enprincipe, chaque année, l’agrisylvi-culteur (agriculteur pratiquant l’agro-foresterie) exploite une parcelle d’en-viron 2 ha, transforme le bois encharbon, brûle les résidus en débutde pluie et met en place sa culturemélangée de maïs et de manioc. Lasurface de 2 ha est un maximumthéorique, compte tenu des pare-feux et des pistes, mais en réalité laFsh a limité à un hectare et demi,pour tenir compte des zones vides etpour éviter un pillage du capital bois.Il faut noter que A. auriculiformis nerejette pas de souche, après lacoupe. Le passage superficiel du feulève la dormance des graines d’aca-cia qui germent en grand nombre(photos 4). Lors des sarclages de sescultures, l’agrisylviculteur les pré-serve sur les lignes qui joignent lessouches mortes. Au besoin, il peutregarnir les zones où les semis natu-relssont trop rares. Quatre mois aprèsle feu, à la récolte du maïs, les aca-cias ont environ un mètre de haut ;18 mois après le feu, à la récolte dumanioc, les acacias ont environ troismètres de hauteur (photo 5). Ce gau-lis obtenu par régénération naturelleassistée (Rna) peut se développersans autre intervention humaine, endehors d’une éclaircie (dans leszones trop denses ne sont obtenuesque des gaulettes nombreuses maistrop fines pour être carbonisées), dela protection contre le feu et de l’éli-mination de quelques espèces arbo-rées envahissantes. Il peut s’agir, parexemple, d’Anthocleista schweinfur-thii (mupuku-puku en kikongo), queles agriculteurs conservent jusqu’àun certain diamètre pour les abattreet cueillir des champignons sur lebois en cours de putréfaction. Douzeans plus tard, un retour est possiblepour exploiter à nouveau la parcelle.

Réalisé en 2008 dans des par-celles plantées de dix-neuf ans, uninventaire a fourni des volumesvariant entre 190 à 340 m3/ha, soitun accroissement annuel moyen de

10 à 18 m3/ha et une moyenne de12 m3/ha. En principe, une parcellede douze ans pourrait contenir144 m3/ha, soit environ 120 t de boissec à l’air, qui donnerait 24 t/ha decharbon (avec un rendement de car-bonisation de 20 %) ou quatre centssacs de 60 kg de charbon par hectare.

Des charbonniers de plusen plus performants

La carbonisation est de mieuxen mieux maitrisée par les agrisylvi-culteurs de Mampu. Une meule detrente stères, soit environ 24 t debois sec à l’air, donne en moyenne80 à 90 sacs de 60 kg, soit 5,1 t, cequi correspond à un rendement légè-rement supérieur à 20 % du poidssec à l’air (photos 6). Ce rendementest satisfaisant par rapport aux ren-dements maximaux que l’on trouvedans la littérature pour la carbonisa-tion en meule (23 % d’après Brianeet Doat, 1985) et les accidents(incendie de la meule, brûlures descharbonniers) se font heureusementde plus en plus rares.

Des agriculteurs trèsproductifs, malgré la

pauvreté initiale du milieu

Alors que l’agriculture tradition-nelle sur brûlis de type téké ne s’inté-resse qu’aux îlots de forêt dense etconsidère que les sols de savanesont trop pauvres pour être valorisés,c’est au contraire sur ces sols qu’ontété installées les plantations, puis lesystème agroforestier.

La présence d’une légumineusearborée (l’acacia), fixatrice d’azote,dans la jachère améliore les para-mètres de fertilité du sol sous planta-tions d’acacia, tels que le taux dematière organique (qui augmente de1,9 % après 17 ans), le taux d’azote,la Cec (capacité d’échange descations) et la somme des bases quiaugmentent, et le rapport C/N (car-bone par rapport à azote) qui dimi-nue avec l’âge de la plantation. Ainsi,la culture traditionnelle associée demaïs (récolte à 3-4 mois) et demanioc (récolte à 18 mois) devientpossible après exploitation.

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Photo 3.Entre 1987 et 1993, la société Hva a boisé 7 262 ha de savane dégradée,principalement à l’aide d’Acacia auriculiformis.Photo R. Peltier.

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Compte tenu des médiocresconditions matérielles des agrisylvicul-teurs de Mampu (absence d’engrais, dechaulage, d’herbicides et de labour oubroyage mécanique), l’amélioration dessols est grandement facilitée par un brû-lis des rémanents aériens (feuilles, brin-dilles), en début des pluies et justeavant le semis du maïs. Ce brûlis permetd’accéder aisément, d’éliminer lesadventices et les parasites, de remonterle pH et de libérer une partie des élé-ments minéraux stockés dans cette bio-masse. En conditions de sol humide,l’essentiel de la matière organique dusol (humus et racines) n’est pas dégradépar le feu. En outre, avec l’appui du pro-jet, les agrisylviculteurs utilisent en trèsgrande majorité des semences de maïset des boutures de manioc améliorées,et en particulier des clones de maniocrésistant à la mosaïque. De ce fait, unagrisylviculteur, sur un hectare et demi,peut récolter en une année 1,5 ha demaïs et 1,5 ha de manioc (photos 7). Laproduction totale du périmètre, pour320 exploitations de 25 ha, peut ainsiêtre estimée à environ 10 000 t/an demanioc et 750 t/an de maïs (chiffremajoré à 1 200 t/an, grâce à des cul-tures sur pare-feux ou autres).

Un souci de diversificationet de valorisation

des produits du systèmeagroforestier

Depuis 2004, l’équipe du projetencourage la diversification et la trans-formation sur place des produits du péri-mètre. C’est ainsi que l’apiculture a étéintroduite pour valoriser le fort potentielmellifère des acacias. La production demiel du massif est collectée par leRegroupement des agriculteurs deMampu qui la vend au Cadim. La pro-duction a rapidement augmenté de3 500 kg en 2005 à 8 000 kg en 2007,pour se stabiliser autour de 6 000 kg en2008. Le miel est vendu 2,1 dollars amé-ricains par kilogramme (monnaie utiliséelocalement), soit un revenu brut annuelde 12 600 dollars US. Alors que lemanioc était vendu en tubercules (trèscoûteux à transporter en raison de leurforte teneur en eau), le séchage sousforme de cossettes (3-5 cm de diamètre)ou de micro-cossettes (2-3 mm de dia-mètre) a été encouragé. Les micro-cos-settes de manioc sont fabriquées surplace, après épluchage manuel, râpagemécanique, rouissage et séchage destubercules. Le rendement (micro-cos-settes sèches/ tubercules frais) est

estimé à 34 %. Les micro-cossettes sontvendues un dollar le kilogramme, ensacs de 25 kg, par le Groupement desproducteurs de manioc et le Cadim, maisne représentent encore qu’une minoritéde la production de manioc.

En principe, les meilleurs agrisyl-viculteurs de Mampu ont des revenusbeaucoup plus élevés que la moyennedes agriculteurs de la zone. La coupede 1,5 ha/an permet la fabrication de600 sacs de charbon de 60 kg, 4,5 dol-lars par sac revenant au propriétaire,soit de l’ordre de 2 700 dollars par an(Sur un sac vendu 18 dollars àKinshasa, soit 13 500 francs congolais,une première estimation montre que9 dollars vont à la main-d’œuvre et4,5 dollars aux transports et taxes.) Àces revenus, s’ajoutent les productionsagricoles de maïs (3,75 t par agrisylvi-culteur et par an) et manioc (30 t paragrisylviculteur et par an). Pour certainspropriétaires, récolter le miel, transfor-mer leur manioc en micro-cossettes ouréaliser les coupes, la carbonisation etla vente du charbon par eux-mêmes,procure des revenus complémentaires.Certains ménages peuvent donc gagnerannuellement près de 4 000 dollars US,soit l’équivalent du salaire d’un cadre.

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FOCUS / REFORESTATION

Photos 4.A. auriculiformis ne rejette pas de souche, après la coupe. Le passage superficiel du feu lève la dormance des graines d’acacia qui germent en grand nombre.Photo R. Peltier.

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Une production de charbon avec retour

sur investissement

Au sein du massif de 8 000 ha, lecalcul de la production totale de charbonvarie annuellement, suivant les sources,de 8 000 à 12 000 t ou 5 t /ha/an debois (6 à 7 m3/ha/an), avec un rende-ment de carbonisation de 20 %. Maiscette production paraît faible, rapportéeaux 8 000 ha du massif et aux chiffresdonnés dans la littérature sur l’accrois-sement de A. auriculiformis, dans desconditions écologiques similaires, sou-vent supérieurs à 15 m3/ha/an (Bern-hard-Reversat et al., 1993). La pru-dence de la Fhs qui ne laisse pasexploiter toute la production annuelleexplique ces chiffres. Quoi qu’il en soit,cette production correspond au moins à130 000 sacs de charbon et à un revenubrut de 2,6 millions de dollars par anpour le pays, dont au moins le quartrevient aux propriétaires agrisylvicul-teurs. Par un calcul économique trèssimple, il apparaît que quatre années deproduction de charbon remboursent lesinvestissements initiaux faits par l’UE.

Un écosystème forestierqui se reconstitue

Bien qu’il n’y ait pas eu demesure scientifique de l’évolution dela biodiversité, la perception des agri-sylviculteurs et de la plupart des visi-teurs est qu’un écosystème forestierse reconstitue assez rapidement surle périmètre du projet, en lieu et placede l’ancien écosystème de savane. Denombreuses espèces végétales etanimales qui n’étaient présentes quedans les îlots forestiers se retrouventaujourd’hui dans la majorité des par-celles. C’est le cas, par exemple, pourles ignames sauvages (photo 8) etpour de nombreuses autres lianes etespèces arborées pionnières commeAnthocleista schweinfurthii. Celaincite les habitants à y développerdes pratiques de cueillette (champi-gnons, chenilles, tubercules, etc.) etde chasse (rongeurs, reptiles, cépha-lophes, etc.), autrefois limitées auxzones forestières.

Discussion :durabilité ?

Paramètres de productionet de fertilité

Subsistent encore diversesincertitudes en ce qui concerne la sur-face exploitée chaque année, la crois-sance des plantations, avant et aprèsrégénération naturelle assistée, lesrendements réels à la carbonisationet l’évolution à long terme de la ferti-lité des différents types de sol (en rai-son des exportations de bois et deproduits agricoles, non compenséespar des apports d’engrais).

Les cadres du projet et certainsagrisylviculteurs estiment qu’il est trèsimportant de brûler les résidus par unfeu courant de début de saison despluies (qui carbonise plus qu’il neconsume) ainsi que de fabriquer le char-bon sur les parcelles elles-mêmes. Celapermet de laisser au sol les cendres etles résidus de charbon qui se dégradenttrès lentement et augmentent la capa-cité d’échange des sols (ils l’observent,

en particulier, par la taille des cultures etdes arbres sur les anciennes meules).Cet aspect mérite d’être chiffré pourconseiller aux cultivateurs d’épandreces résidus sur l’ensemble des par-celles. Par manque de moyens de trans-port, la méthode la plus facile consiste àfaire des fours plus petits et mieuxrépartis dans l’espace cultivable.Également, il s’agit de suivre la compo-sition biologique du sol (microfaune,macrofaune, microflore), la comparer àcelle de la savane et d’évaluer l’impactdu brûlis des résidus.

Les observations des agrisylvi-culteurs et des techniciens de ter-rain, qui allaient contre l’avis desscientifiques des années 1990,majoritairement opposés au brûlisdes rémanents, rencontrent cellesd’une nouvelle génération de cher-cheurs. En effet, le bénéfice des rési-dus organiques est de courte duréesous les tropiques (Jenkinson,Ayanaba, 1977) ; c’est pourquoi deplus en plus de scientifiques préco-nisent la gestion du charbon orga-nique (référencé sous le nom de« Bio-Char ») dans les sols tropicaux,

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Photo 5.Dix-huit mois après le feu, à la récolte du manioc, les acacias ont environ 3 m de hauteur.Photo R. Peltier.

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afin d’en maintenir la fertilité(Glaser et al., 2002). Cela a étéconfirmé par l’étude de sols duBassin amazonien, autrefois occupépar des campements d’Amérindiens

(Terra Preta de Indios) qui ontconservé leur fertilité depuis cinq àvingt-cinq siècles, grâce à leur teneuren charbon de bois (Lehmann et al.,2003). C’est ainsi que Lehmann et

Rondon (2006) préconisent la réha-bilitation du système de culture surbrûlis ou abattis-brûlis (slash-and-burn) sous le nom réhabilité de cul-ture sur charbon (slash-and-char).

Photos 6.Des charbonniers de plus en plus performants.Photo R. Peltier.

Photos 7.Récolte de manioc, après culture sur brûlis de plantation d’acacia et transformation en cossettes.Photo R. Peltier.

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FOCUS / REFORESTATION

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Organisation sociale du site de Mampu

Spécialiste des aspects sociauxet politiques, la Fhs s’intéresse àl’évolution des organisations pay-sannes et à leur capacité à gérer cettenouvelle cité de Mampu et ses infra-structures rurales (pistes, pare-feux),artisanales (ateliers à micro-cos-settes de manioc et à affinage dumiel) et urbaines (marché, école, dis-pensaire, etc.), accueillant près decinq mille habitants. En effet, le sta-tut de Mampu reste pour l’instantintermédiaire entre celui de chantier(administré par un projet) et celui deville (administrée par l’État). La Fshétudie également l’évolution du fon-cier rural (transmission, vente, loca-tion, concentration), des filières decharbon et de produits agricoles(organisation, prise de contrôle, taxa-tion formelle et informelle).Demeurent enfin les difficiles pro-blèmes de l’insécurité grandissanteet de la diversification des produitsautoconsommés ou vendus : fruits,plants ou boutures d’arbres fruitiers,champignons, chenilles, bois noncarbonisé, etc.

Incertitudes sur les prochains cycles

de plantation/production(rotations) d’acacias obtenus

par semis naturel assisté

Les parcelles en deuxième outroisième rotation présentent dessituations bien contrastées. Danscertaines parcelles, les arbres sont àforte densité, avec une croissancecorrecte, alors que dans d’autres lesarbres sont clairsemés, très irrégu-liers et très branchus. Cela est peut-être dû au savoir-faire de l’agrisylvi-culteur, ou à des problèmes de feu,d’épuisement du sol et d’érosiongénétique des peuplements.

Une base génétique des acacias trop étroite

La plupart des acacias sontextrêmement branchus, y comprisdans les plantations de premièregénération, en dehors d’une petiteparcelle où les arbres sont très droitset monocaules (photo 8). Même enadmettant que, pour la production decharbon, la forme n’a pas d’impor-tance et qu’il convient d’optimiser laproduction de biomasse plutôt quecelle de troncs rectilignes, il s’avèrepréférable de refaire de nouvellesintroductions de matériel végétal,pour créer des peuplements semen-ciers à base génétique large, dont lesdescendants pourraient concilierforte production de biomasse etmonocaulie (plus grande facilité dedébit et de mise en tas, possibilitéd’utilisation en perche et en petitsciage, en cas d’évolution du marchéet de besoins locaux).

Un projet dedéveloppement qui

confirme les résultats de larecherche et qui ouvre des

perspectives régionales

Les plantations de Mampu sonttrès largement ignorées au plan inter-national alors qu’elles constituent laseule vraie référence en Rdc (très peude communication sur le projet).Pourtant, les résultats actuels du projetconfirment sur une grande étendue(8 000 ha) les résultats obtenus de1990 à 1994 par un projet derecherche européen à Oumé, en Côted’Ivoire, sur la base des hypothèsesdes chercheurs (Peltier et al., 1996 ;Harmand et al., 2004). Ces résultatssont peu vulgarisés en milieu rural et cesystème a été redécouvert à Mampu.

Aussi, il existe actuellement unregain d’intérêt pour les plantationsmulti-usages en Afrique centrale(Marien, Mallet, 2004). Plusieurs pro-jets de plantations émergeront dansles années à venir, que ce soit au planrégional (Congo-Brazzaville) ou théma-tique (bois énergie, restauration deterres dégradées en zone périurbaine).

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Photo 8.Un écosystème forestier se reconstitue à l’abri des reboisements. Les ignamessauvages montent à l’assaut des acacias (ici une provenance monocaule).Photo R. Peltier.

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Enfin, la société privée Novacelest à l’initiative récente de plantationd’acacias pour la fixation de carbonesur 400 ha début 2009, à proximitéde Mampu (Ibi village). Elle utilise,quant à elle, les techniques du projetMampu. La surface des plantationspaysannes réalisées par les paysanseux-mêmes est de l’ordre de 6 ha parfamille et l’objectif de plantation estde 1 000 ha par an. Le total actueldes plantations dans cette zoneapprocherait 10 000 ha.

Mampu couvre une partimportante des besoins

de Kinshasa

En comparant la productionannuelle de charbon de Mampu(10 000 t) à la consommation théo-rique minimum de Kinshasa(600 000 t/an), le taux de 1,6 % peutsembler dérisoire. Considérant l’ex-trême pénurie d’énergie et la fai-blesse des revenus de la majorité dela population, la consommation de

Kinshasa en charbon de bois est cer-tainement surestimée. Une étude encours sur le transport de charbonmontre que, pour novembre etdécembre 2008, Kinshasa auraitimporté seulement 55 000 sacs decharbon, dont 50 000 sur l’axe est(aéroport-Mampu), l’axe sud-ouestKinshasa-Mbanza-Ngungu étant trèsmal documenté à ce jour. Rapporté àl’année malgré un calcul approxima-tif, en raison des variations annuelleset de la non-prise en compte dutransport de nuit, on obtient unchiffre de l’ordre de 20 000 t/an decharbon. Ainsi des familles trouvent-elles des voies d’économie forcée, enne préparant qu’un repas par jour eten bannissant les aliments à longuecuisson (haricots, etc.).

D’autres sources d’énergie exis-tent, comme l’électricité produite parl’énorme barrage d’Inga, sur le fleuveCongo. Bien qu’il y ait sous-utilisationau regard des possibilités de produc-tion, les populations les plus aisésaccèdent au réseau alors que lesquartiers pauvres mal informés n’yaccèdent que de façon informelle. Unsurvol nocturne de la ville met en évi-dence la présence du réseau élec-trique jusque dans les zones d’habi-tat spontané qui apparaissentéclairées aussi.

La sciure et les dosses de boisde scierie, les fagots de perchettesde bois provenant de la périphérie dela ville (photos 9) et divers déchetssont aussi récupérés. Plusieurs bou-langers se fournissent directementen rondins de bois par leur propre cir-cuit. Mampu assure de l’ordre de 5 à10 % de la couverture des besoins encharbon de bois de la ville, ce qui estremarquable sachant sa superficie(0,3 % de la surface du bassin d’ap-provisionnement de Kinshasa, demi-cercle de 150 km de rayon).

Photos 9.Les fagots de perchettes de bois proviennent de la périphérie de la ville alorsque les boulangers se fournissent directement en rondins de bois.Photo R. Peltier.

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FOCUS / REFORESTATION

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Autres modèlesagroforestiers

D’autres modèles de systèmesagroforestiers méritent d’être testésou développés dans d’autres condi-tions écologiques et socio-écono-miques du pays, par exemple engérant le recrû naturel d’espèceslocales à usages multiples.

Le modèle de Mampu n’est pasà considérer comme l’unique modèled‘agroforesterie car il n’est pas appli-cable dans les conditions variées dupays. Le modèle Mampu est uneréussite adaptée aux plateauxBatéké. Hélas, ce seul modèle deréférence national s’avère inadaptédans des régions où le couvert fores-tier naturel existe  ; alors qu’unesimple mise en défens suffirait pourretrouver une couverture végétalenaturelle abondante.

Les populations Bakongo habi-tant les districts des Cataractes et dela Lukaya appliquent depuis dessiècles le modèle des nkunku, untype de jachère améliorée ou assis-tée. On aboutit à la création de véri-tables agroforêts, avec dans certainscas protection continue sur unelongue période. Les nkunku contien-nent une grande diversité d’espèceslocales (et parfois exotiques) qui ysont protégées et parfois réintro-duites pour leurs multiples usages :production de fruits, feuilles d’em-ballage, feuilles consommées par lesanimaux domestiques, chenillescomestibles (Latham, 2003), supportde champignons, fleurs butinées parles abeilles, pharmacopée, bois defeu et d’œuvre en éclaircie ou exploi-tation sanitaire. Le projet Makala étu-diera ces agroforêts traditionnelles etdéterminera les conditions tech-niques et socio-économiques de leurdiffusion (encadré 1).

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Encadré 1.Le projet Makala : une opportunité pour la diffusion des résultats du projet Mampu qui devrait, par ail leurs être renforcé par un projet de recherche.

Lancé en février 2009, à l’occasion du séminaire de Kinshasa, le projetMakala, qui se propose de « Gérer durablement la ressource bois énergieen Rdc », est financé par l’Union européenne, pour une durée de quatreans (Marien, 2009). Avec l’appui de nombreux partenaires congolais (dontle Snr pour les aspects reboisement) et internationaux, il se propose, entreautres, de tirer un bilan plus précis de l’expérience de Mampu (en partiesous forme de thèses de master ou de doctorat) et d’en promouvoir l’exten-sion auprès de diverses sources de financement. Celle-ci pourra se fairesoit sous sa forme actuelle de grands blocs sur des plateaux « vides », soitsous des formes beaucoup plus diffuses, dans l’espace rural approprié etrégulièrement cultivé.

Un nouveau projet de recherche, en appui aux réalisations de Mampu(Harmand, 2008) pourrait être formulé à travers les questions suivantes : ▪ La carbonisation et l’exportation du charbon de bois, de même que le brû-lis et la remise en culture, provoquent une perte de carbone et d’élémentsminéraux et donc une baisse capitale de la fertilité acquise au cours de laphase de jachère. Cette perte est-elle préjudiciable au développement dela rotation suivante et donc au stockage de carbone à l’échelle du massif,ainsi qu’à l’efficacité de la nouvelle jachère dans la restauration de la ferti-lité du sol ? ▪ Quelle est l’influence de l’âge de la plantation en première rotation sur laproduction de biomasse et la restauration de fertilité ? ▪ À partir d’une chronoséquence de peuplements (de trois, quinze et vingtans), quelles sont les dynamiques d’accumulation de matière sèche (bio-masse) et d’éléments minéraux dans la jachère, de fixation d’azote, de pro-duction et de décomposition des litières aériennes, d’accumulation de car-bone, d’azote et d’éléments minéraux dans le sol ? ▪ Quels indicateurs biologiques tels que la faune du sol et les microorga-nismes pourraient être mesurés dans ces systèmes et mis en relation avecl’âge de la jachère ? ▪ Quelle est l’importance de l’amas de racines de la litière dans le fonction-nement du peuplement à partir de l’âge de cinq ans ?▪ Quelle est l’influence de l’exploitation de la jachère sur la fertilité dumilieu et le stockage de carbone ? En plus d’évaluer la quantité de nutriments exportée par la carbonisation,on pourrait estimer ce qui peut être restitué par les cendres de la carboni-sation ainsi que la dynamique des stocks de carbone, d’azote et des élé-ments minéraux du sol (0-1 m de profondeur) et de la litière entre deuxpériodes clés : avant exploitation de la jachère et après abandon de la cul-ture suivante. Un suivi dans le temps dans trois ou quatre parcellespourrait être fait dans l’intervalle de dix-huit mois à deux ans. Une compa-raison des stocks avec celui des savanes environnantes serait égalementutile. Enfin, un indicateur de fertilité serait la croissance de l’acacia endeuxième rotation en comparaison avec la première rotation.

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