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131 1. Département de Biologie, Université Hassan 1 er , Faculté des Sciences et Techniques, B.P. 577, Settat, Maroc; courriel : [email protected] 2. Laboratoire d’amélioration génétique des céréales, INRA CRRA, B.P. 589, Settat, Maroc 3. Programme national des céréales, INRA, Centre Guich, Rabat, Maroc 4. Laboratoire d’entomologie, INRA CRRA, B.P. 589, Settat, Maroc Comparaison de deux méthodes de sélection classique avec l’haplodiploïdisation pour la résistance à la mouche de Hesse chez le blé tendre (Triticum aestivum) Aziz Baidani 1 , Nasserlehaq Nsarellah 2 , Ahmed Amri 3 et Saâdia Lhaloui 4 Reçu 2002-09-13; accepté 2003-02-25 PHYTOPROTECTION 83 : 131-138 L’efficacité des méthodes classiques et alternatives d’amélioration généti- que repose sur l’évolution de la variabilité génétique des populations ségrégatives sous sélection. L’objectif de cette étude est de comparer l’évolution de la fréquence des gènes de résistance à la mouche de Hesse (Mayetiola destructor) sous deux méthodes classiques de sélection en comparaison avec la méthode de l’haplodiploïdisation. Les distributions et les proportions observées du caractère `` résistance à la mouche de Hesse’’ ont été évaluées pour des lignées produites par la méthode de filiation unipare (FUP), la méthode « bulk » et l’haplodiploïdisation (DH) de quatre populations hybrides de blé tendre (Triticum aestivum). Ces populations sont issues des croisements entre des parents résistants à la mouche de Hesse marocaine et des parents sensibles mais adaptés aux conditions marocaines. Les résultats ont montré un effet marqué de la méthode d’amélioration génétique. En effet, malgré leur avancement à la génération F6, les lignées produites par les méthodes FUP et « bulk » présentent toujours un taux non négligeable d’hétérozygotie pour ce caractère alors que la méthode DH a abouti à une homozygotie parfaite. Les proportions de résistance observées chez les lignées FUP et haploïdes doublées sont approximativement les mêmes que celles théoriquement attendues. Cepen- dant, la méthode « bulk » a permis une sélection naturelle au champ qui a favorisé le caractère résistant de manière significative. [Comparison of two conventional breeding methods with doubled haploid method for resistance to Hessian fly in bread wheat (Triticum aestivum)] The relative usefulness of conventional and alternative breeding methods relies on the evolution of genetic variability in segregating populations undergoing selection. The objective of this study was to compare the frequencies of genetic resistance to Hessian fly (Mayetiola destructor) in populations generated by two conventional breeding methods in compa- rison with lines advanced through doubled haploid method. Distribution

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BAIDANI ET AL.: METHODES DE SELECTION CHEZ LE BLE TENDRE

1. Département de Biologie, Université Hassan 1er, Faculté des Sciences et Techniques, B.P.577, Settat, Maroc; courriel : [email protected]

2. Laboratoire d’amélioration génétique des céréales, INRA CRRA, B.P. 589, Settat, Maroc3. Programme national des céréales, INRA, Centre Guich, Rabat, Maroc4. Laboratoire d’entomologie, INRA CRRA, B.P. 589, Settat, Maroc

Comparaison de deux méthodes de sélectionclassique avec l’haplodiploïdisation pour larésistance à la mouche de Hesse chez le blé tendre(Triticum aestivum)

Aziz Baidani1, Nasserlehaq Nsarellah2, Ahmed Amri3 etSaâdia Lhaloui4

Reçu 2002-09-13; accepté 2003-02-25

PHYTOPROTECTION 83 : 131-138

L’efficacité des méthodes classiques et alternatives d’amélioration généti-que repose sur l’évolution de la variabilité génétique des populationsségrégatives sous sélection. L’objectif de cette étude est de comparerl’évolution de la fréquence des gènes de résistance à la mouche de Hesse(Mayetiola destructor) sous deux méthodes classiques de sélection encomparaison avec la méthode de l’haplodiploïdisation. Les distributions etles proportions observées du caractère `̀ résistance à la mouche de Hesse’’ont été évaluées pour des lignées produites par la méthode de filiationunipare (FUP), la méthode « bulk » et l’haplodiploïdisation (DH) de quatrepopulations hybrides de blé tendre (Triticum aestivum). Ces populationssont issues des croisements entre des parents résistants à la mouche deHesse marocaine et des parents sensibles mais adaptés aux conditionsmarocaines. Les résultats ont montré un effet marqué de la méthoded’amélioration génétique. En effet, malgré leur avancement à la générationF6, les lignées produites par les méthodes FUP et « bulk » présententtoujours un taux non négligeable d’hétérozygotie pour ce caractère alors quela méthode DH a abouti à une homozygotie parfaite. Les proportions derésistance observées chez les lignées FUP et haploïdes doublées sontapproximativement les mêmes que celles théoriquement attendues. Cepen-dant, la méthode « bulk » a permis une sélection naturelle au champ qui afavorisé le caractère résistant de manière significative.

[Comparison of two conventional breeding methods with doubled haploidmethod for resistance to Hessian fly in bread wheat (Triticum aestivum)]

The relative usefulness of conventional and alternative breeding methodsrelies on the evolution of genetic variability in segregating populationsundergoing selection. The objective of this study was to compare thefrequencies of genetic resistance to Hessian fly (Mayetiola destructor) inpopulations generated by two conventional breeding methods in compa-rison with lines advanced through doubled haploid method. Distribution

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and proportions of Hessian fly resistance were evaluated in four popula-tions of bread wheat lines advanced through ‘Single Seed Descent’ (SSD),‘Bulk’, and doubled-haploid (DH) methods. These populations were allderived from crosses involving resistant parents and susceptible linesadapted to Moroccan conditions. The results of this study have shown aclear effect of the breeding method. The Bulk and SSD (F6) derived lineshave shown a substantial residual heterozygocity while DH method hasproduced completely homozygous material. The observed proportions ofresistance did not deviate from expected in the populations of lines derivedthrough SSD and DH methods while evidence of natural selection forresistance was significant in the lines derived through the Bulk method.

INTRODUCTION

La mouche de Hesse (Mayetiola des-tructor (Say)) [Diptera : Cecidomyiidae]cause de sérieux dégâts dans les paysméditerranéens, principalement en Afri-que du Nord. Le Maroc est l’un despays les plus affectés par ce ravageur.De nombreuses épidémies ont été rap-portées depuis 1930 (Anonyme 1934).L’insecte a été signalé dans toutes leszones céréalières marocaines. Les per-tes en rendement du blé tendre, esti-mées par comparaison avec des varié-tés traitées ou non par le Furadan (5G)(Lhaloui et al. 1992), ou par comparai-son avec des lignées isogéniques (Amriet al. 1992) sont respectivement de 42et 36 %. L’utilisation des insecticides apermis de minimiser les dégâts. Cepen-dant, le coût élevé de ces produits lesrend inaccessibles aux agriculteurs. Laméthode de lutte la plus adéquate estla résistance variétale. Au niveau mon-dial, 29 gènes de résistance à cettemouche ont été identifiés chez certai-nes espèces de céréales : Triticum aes-tivum L., Aegilops squarrosa L. et Seca-le cereale L. Tous les gènes identifiéssont dominants à l’exception du gèneh4 (Hatchett et al. 1994).

Au Maroc, les travaux sur la résistan-ce génétique à la mouche de Hesse ontété entamés en 1984 à l’Institut Natio-nal de Recherche Agronomique (INRA).Ces travaux ont commencé par l’iden-tification de gènes de résistance auxbiotypes marocains. Les gènes H5,H7H8, H11, H13, H21 et H25 sont con-nus au Maroc (El Bouhssini et al. 1988,1992 et 1997; Lhaloui et al. 1998). Maisl’obtention de gènes additionnels de

résistance à cette mouche de Hesse estencore nécessaire.

Pour l’incorporation de ce caractèredans des variétés productives et adap-tées, plusieurs programmes d’amélio-ration génétique basés sur des métho-des classiques d’avancement (généalo-gique, méthode « bulk » et FUP) ont étéentamés. Cependant, la fixation généti-que de ce caractère reste un problèmeparce que les gènes de résistance sontdominants.

Les techniques d’haplodiploïdisation,récemment utilisées par plusieurs pro-grammes, permettent de diminuer ladurée d’obtention des lignées pures enfixant ces lignées en une seule généra-tion. Cependant, plusieurs facteurs en-vironnementaux et génétiques limitentl’utilité de cette technique dans les pro-grammes d’amélioration génétique descéréales.

Ces travaux avaient pour objectifd’étudier l’évolution des fréquences ducaractère monogénique de résistancedominante sous deux méthodes classi-ques de développement en comparai-son avec l’haplodiploïdisation.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

MatérielLes populations utilisées dans cetteétude ont été constituées à partir decroisements entre des parents résistantsau biotype marocain et des parentssensibles mais adaptés aux conditionsmarocaines. Ce matériel génétique estconstitué de lignées produites par ha-plodiploïdisation, par FUP et par laméthode « bulk » issues des croise-

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ments : 1) Tilila/1764 ; 2) PI321644/Tili-la ; 3) Saïs/L254 ; et 4) Mehdia/L222.

Les parents 1764, PI321644, L254 etL222 ont été choisis pour leur résistan-ce à la mouche de Hesse. Les parentsSaïs, Tillila et Mehdia ont été utiliséscomme parents et comme témoins surla base de leur adaptation agronomi-que aux conditions marocaines. Lavariété Tilila a été choisie principale-ment pour son aptitude génétique àl’androgenèse.

Méthode de production des planteshaploïdes doublées (DH)La production des plantes haploïdesdoublées a été effectuée à partir despopulations de génération F2 issues desquatre croisements étudiés. Deux mé-thodes ont été utilisées, il s’agit de l’an-drogenèse et des croisements intergé-nériques par deux variétés de maïs (Zeamays L.) (G5 et G15). Cette opération aété effectuée pendant les deux premiè-res années afin d’obtenir un grandnombre d’haploïdes doublées pourchaque croisement. La troisième annéea été consacrée à la multiplication enserre des lignées obtenues.

Méthode d’avancement « bulk »La méthode d’avancement « bulk » aété conduite à la station expérimentalede Sidi El Aydi (INRA, Maroc) à raisond’une génération par an. À partir desgénérations F2 des croisements 1 et 4,un échantillon aléatoire de semencesissues de chaque population a été semédans des parcelles de 10 m2 et conduitjusqu’à la récolte. Ceci a été appliquépour les trois générations d’autofécon-dation (F3, F4 et F5). Des irrigations ontété effectuées au besoin. À partir de lagénération F5, des choix ont été effec-tués au hasard sur des plantes indivi-duelles au stade maturation des plan-tes. Les graines des plantes choisiesont été récoltées séparément et multi-pliées pendant une saison pour permet-tre leur évaluation.

Méthode d’avancement par filiationunipare (FUP)L’avancement par la méthode FUP a étémené en serre (Centre Régional de laRecherche Agronomique à Settat del’INRA) à raison d’une génération par

an. Une graine de chaque plante (envi-ron une centaine de plantes par popu-lation) de la génération F2 a été seméeindividuellement dans un pot et l’en-semble a été conduit jusqu’au stade derécolte. Cette opération a été répétée(propagation par une seule semence parplante) pour les trois générations d’auto-fécondation (F3, F4 et F5). Comme pourl’avancement par la méthode « bulk »,les graines des plantes F5 ont été misesen multiplication pour pouvoir évaluerles lignées produites par cette métho-de.

Test de résistance à la mouche deHesse en serrePour l’évaluation de la résistance à lamouche de Hesse des différentes li-gnées issues des différentes méthodes,un échantillon d’environ 50 plantes aété soumis au test d’infestation par l’in-secte sous conditions contrôlées dansla serre du laboratoire d’entomologiede l’INRA de Settat. Le semis des li-gnées avancées a été fait dans des bacsen plastique. Chaque lignée a été se-mée dans une rangée et le nombre degraines représentant chaque lignéevariait suivant la disponibilité des se-mences (avec un maximum de 50 grai-nes). Les quatre rangées du centre dubac de semis ont été utilisées pour lestémoins Nesma et Saâda, qui sont lestémoins sensibles et résistants, respec-tivement. Les bacs placés en serre ontété maintenus sous une températurede 22°C environ.

Au stade trois feuilles, les bacs ontété recouverts par une tente en tissuafin d’éviter l’évasion des mouches, etl’infestation a été faite durant 5 j pardes mouches femelles fécondées. Après20 j, les plantes sensibles devenaientrabougries et prenaient une couleur vertfoncé, alors que les plantes résistantesgardaient leur croissance normale. Desobservations à la loupe binoculaire ontété faites pour s’assurer de la résistan-ce caractérisée par la présence des lar-ves mortes au niveau des nœuds.

Analyses statistiquesL’étude d’un caractère monogéniquedominant est basée sur la proportiondes plantes résistantes au sein dechaque lignée. La distribution de

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fréquence de la résistance des dif-férentes lignées doit être comparée auxproportions théoriques. Le test �2 avecun risque d’erreur de 5 % a été utilisépour comparer les proportions calculéesavec les proportions attendues.

RÉSULTATS

Le tableau 1 présente le nombre finaldes lignées produites par chacune desméthodes d’amélioration génétique(FUP, méthode « bulk » et DH) à partirdes différents croisements et soumisesà l’infestation par la mouche de Hesse.

Distribution de fréquence de plan-tes résistantes par lignéeLes distributions de fréquence de larésistance à la mouche de Hesse chezles lignées produites par les méthodesFUP, « bulk » et DH, et par population,sont présentées dans les figures 1 à 9.

Les distributions sont discontinues oubimodales du fait que les valeurs inter-médiaires des pourcentages de résis-

Tableau 1. Nombre de lignées produites par méthode d’avancement et par croisement

Populations

Méthodes Croisement 1 Croisement 2 Croisement 3 Croisement 4

FUP 113 - - 105Méthode « bulk » - 94 86 60

DH 34 38 33 29

Total 147 132 119 194

Figure 1. Distribution de fréquence de larésistance chez les lignées issues du croise-ment 1 et développées par la méthode FUP.

Figure 2. Distribution de fréquence de larésistance chez les lignées issues du croise-ment 1 et développées par la méthode DH.

Figure 3. Distribution de fréquence de larésistance chez les lignées issues du croise-ment 2 et développées par la méthode« bulk ».

tance sont absentes. De même, pourtous les croisements étudiés, ces distri-butions sont assez similaires pour tou-tes les populations améliorées par lamême méthode. Par contre, l’effet de laméthode d’amélioration génétique estbien visible du fait que les trois métho-des utilisées (FUP, méthode « bulk » etDH) présentent chacune des distribu-

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Figure 4. Distribution de fréquence de larésistance chez les lignées issues du croise-ment 2 et développées par la méthode DH.

Figure 5: Distribution de fréquence de larésistance chez les lignées issues du croi-sement 3 et développées par la méthode« bulk ».

Figure 6: Distribution de fréquence de larésistance chez les lignées issues du croi-sement 3 et développées par la méthodeDH.

Figure 7. Distribution de fréquence de larésistance chez les lignées issues du croise-ment 4 et développées par la méthode FUP.

Figure 8. Distribution de fréquence de larésistance chez les lignées issues du croi-sement 4 et développées par la méthodeDH.

Figure 9. Distribution de fréquence de larésistance chez les lignées issues du croise-ment 4 et développées par la méthode« bulk ».

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tions bien spécifiques. En effet, les li-gnées développées par la méthode DHsont ou bien 100 % résistantes ou 100 %sensibles (figs. 2, 4, 6 et 8), ce qui indi-que une homozygotie absolue pour cecaractère au niveau des lignées fixéespar cette méthode. Inversement, les li-gnées développées par FUP ou par laméthode « bulk » ne présentent pascette homozygotie complète puisqueleurs proportions de plantes résistan-tes varient de 60 à 95 % pour les lignéesFUP et de 60 à 98 % pour les lignées dela méthode « bulk ». Aucune résistanceou sensibilité de 100 % n’a été observéedans ces deux types de populations(figs. 1 et 7 pour la méthode FUP et figs.3, 5 et 9 pour la méthode « bulk »). Cettedifférence est attendue vu le staded’avancement de ce matériel à la géné-ration (F6).

Étude des proportions observéesLes populations développées par FUPou par la méthode « bulk » doivent êtreconsidérées comme des populations F6.Théoriquement les résultats attenduspour ces deux types de populations sontcomme suit : 48,44 % des lignées doi-vent être homozygotes pour la résistan-ce, 48,44 % homozygotes pour la sen-sibilité alors que 3,12 % doivent êtreencore ségrégatives pour la résistanceet la sensibilité. Étant donné que leshétérozygotes sont aussi résistants queles homozygotes résistants, une pro-portion de 51,56 % des plantes devraientêtre résistantes et 48,44 % des plantesdevraient être sensibles. En ce qui con-cerne la méthode HD, 50 % des lignéesdevraient être résistantes et 50 % sen-sibles.

Les proportions des lignées résistan-tes calculées pour ces différentes popu-lations FUP, méthode « bulk » et DH àpartir des 4 croisements sont présen-tées au tableau 2. Pour les méthodesFUP et DH, les proportions de résistan-ce calculées sont proches de celles at-tendues pour tous les croisements étu-diés selon les tests �2. Par contre, pourles populations développées par laméthode « bulk », on note des différen-ces entre les proportions observées etles proportions attendues pour tous lescroisements testés. En effet, toutes lespopulations développées par la métho-

de « bulk » présentent un pourcentagede résistance significativement plusélevé que prévu selon le test �2. Lesméthodes d’amélioration génétique ontdonc un effet sur les proportions finalesde résistance et de sensibilité.

DISCUSSION

Dans cette étude, la discontinuité desdistributions observées chez toutes leslignées étudiées pour le caractère ‘ré-sistance à la mouche de Hesse’ n’estpas inattendue. Comme ce caractère estcontrôlé par un seul gène dominant (ElBouhssini et al.1996), l’augmentation del’homozygotie par amélioration desgénérations devrait amener la distribu-tion de 3 :1 (R :S) en F2 à 33 :31 en F6tel que confirmé par les études où unseul gène contrôle la résistance auxmaladies (Paward et al. 1989; Picard1984).

Pour les méthodes FUP et « bulk »,l’hétérogénéite résiduelle demeure unproblème pour les caractères quantita-tifs aussi bien que qualitatifs (Baidani2001). Par contre, pour les lignées fixéespar DH, l’homozygotie est fixée à 100 %pour tous les gènes dès le dédouble-ment chromosomique, ce qui présenteplusieurs avantages dans le but d’uneévaluation globale de toute la lignée(Baidani 2001; Courtois 1994).

Les proportions de résistants/sensi-bles observées pour les lignées FUP etDH sont conformes à celles prévuesthéoriquement (tableau 2), puisqueaucune sélection n’a été faite lors del’amélioration de ces lignées. Pour cesdeux méthodes et malgré le faible ef-fectif des lignées DH, on a obtenu lességrégations et les évolutions d’effec-tifs attendues pour ce caractère. Plu-sieurs chercheurs arrivent à une con-clusion semblable, tant avec la sélec-tion par FUP (Snape et Simpson 1981)qu’avec la méthode DH (Powell et al.1986; Senghor 1990). Cependant, desrésultats contradictoires ont été obser-vés, notant que les lignées DH ne trans-gressent pas théoriquement certainscaractères qualitatifs. Ceci est expliquésoit par l’existence d’une liaison entreces caractères et les gènes responsa-bles du phénomène de l’haplodiploïdi-

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Tableau. 2. Proportions observées et attendues des lignées résistantes dans les différentespopulations issues par les méthodes d’avancement FUP, méthode « bulk » et DH

Populations

Méthodes Proportions Croisement 1 Croisement 2 Croisement 3 Croisement 4

FUP Observée 47,0 — — 53,2Théorique 51,56 — — 51,56

Méthode « bulk » Observée — 72,8* 61,3* 63,5*Théorique — 51,56 51,56 51,56

DH Observée 45,0 43,7 52,3 53,3Théorique 50 50 50 50

* Différence significative calculée par le test �2.

sation, ou par la présence d’une sélec-tion gamétique (Arcia et al. 1978; Picard1984).

Par contre, pour tous les croisementsétudiés, les proportions de résistanceobservées chez les lignées développéespar la méthode « bulk » présentent unedéviation significative vers la résistan-ce par rapport aux proportions atten-dues (33 :31). Ceci peut être expliquépar le fait que l’avancement par laméthode « bulk » a été fait dans le sitede Sidi El Aydi en présence de la mou-che de Hesse. Il y aurait eu une sélec-tion naturelle pendant les cycles d’amé-lioration génétique en faveur des plan-tes résistantes. Plusieurs travaux ontété effectués pour étudier le phénomè-ne de sélection naturelle dans les géné-rations de la méthode « bulk ». La cor-rélation entre les gènes recherchés etles gènes sélectionnés est variable etdépend des croisements et des caractè-res eux-mêmes (Harlan et Martini 1938;Khalifa et Qualset 1974). Il est doncessentiel d’évaluer dans quelle mesureles caractères associés à la pression desélection observée ont un impact posi-tif ou négatif sur la valeur agronomiquedes lignées développées.

En conclusion, en plus du gain detemps escompté, la méthode DH est laplus efficace pour la fixation complètedu caractère de résistance à la mouchede Hesse. Cette fixation reste un pro-blème majeur par les deux autres mé-thodes (FUP et méthode « bulk »). Ilserait donc pertinent d’envisager l’in-sertion de cette méthode dans des pro-grammes marocains de blé tendre,

d’autant plus que plusieurs études fon-damentales d’haplodiploïdisation ontété faites sur ce matériel génétique.

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