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Sur les traces de la lumière Des simulacres aux photons et d’Euclide à Einstein un dessin de René Descartes (1637) expliquant la vision. Institut du Sacré Cœur (Nivelles) Cours de Physique 1h - 6ème Professeur : Nico Hirtt

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Sur les traces

de la lumièreDes simulacres aux photonset d’Euclide à Einstein

un dessin de René Descartes (1637)expliquant la vision.

Institut du Sacré Cœur (Nivelles)Cours de Physique 1h - 6ème

Professeur : Nico Hirtt

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Aujourd’hui, il nous semble tout à fait naturel de parler de la « lumière ». Ce mot fait partie du langage courant d’un enfant de 4 ans. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Bien sûr, les hommes ont de tout temps été amenés à distinguer les corps lumineux des corps sombres, les différentes couleurs, les objets opaques ou transparents, etc... Certaines propriétés attribuées aujourd’hui à la lumière s’imposent en effet naturellement à nous. Mais la notion de « lumière », ce « quelque chose» émis par les « sources lumineuses », absorbé ou réfléchi par les objets et capté par nos yeux, cette notion-là a mis bien du temps à naître.

Avant de se demander « qu’est-ce que la lumière ?», il a fallu découvrir celle-ci. Il fallait pour cela poser d’abord une autre question, plus spontanée : « pourquoi voyons-nous ? ». Comment se fait-il que nous puissions percevoir si précisément et si rapidement des choses tellement éloignées ? Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’étude de la lumière s’appelle d’abord « Optique », « Etude des regards ».

Une fois acquise la notion de lumière, c’est la recherche de sa nature qui commence. Qu’est-ce qui sort de nos lampes ? Qu’est-ce qui brille dans le feu ? Que nous envoie le Soleil ? Qu’est-ce que la lumière ? La lumière est-elle faite de matière, comme le vent ou l’eau qui coule ? Ou bien n’est-ce qu’une perturbation qui se propage à la manière du son ou d’un choc ? Cette question – la lumière est-elle de nature ondulatoire ou corpusculaire ? – sera débattue pendant quelque trois cents ans. Elle nous forcera à un détour inattendu par les phénomènes électromagnétiques, nous plongera dans un questionnement passionnant — ou inquiétant — sur la réalité du temps et de l’espace. Avant de connaître un dénouement étrange et sans doute encore imparfait dans la physique moderne.

Car la lumière est au centre des grandes découvertes de la physique du XXème.siècle La théorie de la relativité comme la mécanique quantique sont les héritières de l’étude de la lumière. La lumière sera donc, pendant un an, notre fil conducteur pour un voyage fascinant. Un voyage dans le temps et un voyage dans l’univers.

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I. Les précurseurs…L’optique dans l’AntiquitéDans l’Antiquité, la science n’en était pas encore à s’interroger sur le « comment » des choses. On se demandait seulement «pourquoi ?»: pourquoi tel phénomène cadre-t-il dans l’ordre du monde tel que nous le voyons ? Les réponses apportées par la « science » étaient donc souvent dictées par des a priori philosophiques. D’ailleurs il n’y avait pas beaucoup de différences entre « philosophes », « géomètres » (mathématiciens) et « naturalistes » (physiciens, biologistes, etc.). Bien entendu, les réponses devaient malgré tout être plus ou moins conformes aux observations. Mais on ne pensait pas à faire systématiquement des investigations expérimentales afin de confronter ses thèses à la réalité.À propos de l’optique, deux conceptions s’affrontaient. Pour Euclide et ses disciples (les pythagoriciens), la vision devait s’expliquer par des « rayons visuels » émis par l’œil. Au contraire, pour les atomistes, comme Lucrèce, ce sont les corps qui émettent une « image » d’eux-mêmes (un « simulacre ») qui vient frapper l’œil et provoque ainsi la vision.On retrouve là l’opposition fondamentale entre atomistes et pythagoriciens, c’est-à-dire entre philosophes « matérialistes » et « idéalistes ». Pour les idéalistes, le monde qui nous entoure, le monde « matériel » n’est pas l’essence des choses : il n’est que le reflet d’un monde « idéal ». Celui-ci ne nous est pas accessible par l’observation, mais uniquement par la pensée. Les « matérialistes » considèrent au contraire que le monde (matériel) nous apparaît simplement tel qu’il est ; c’est une donnée objective, indiscutable. Cette vision du monde, aussi naïve qu’elle fut chez les atomistes grecs et romains, est à la base de la conception moderne de la science, qui émergera à partir du XVIe siècle en occident. L’opposition entre « matérialistes » et « idéalistes » traverse toute l’histoire de la philosophie, de l’Antiquité à nos jours.

Ibn Al Haytham, ou le triomphe de la science arabeÀ la fin du Xe siècle, alors que l’Europe est encore plongée dans le moyen âge et la barbarie, la civilisation arabe est au sommet de son développement. Parmi les nombreux scientifiques arabes, il en est un qui a particulièrement étudié le comportement de la lumière : Ibn Al Haytham (965-1039), connu plus tard en Occident sous le nom de « Alhazen ».Ibn Al-Haytham exprime l’idée que la lumière possède une existence propre, qu’elle est indépendante de l’individu qui la reçoit et indépendante du corps lumineux. Il considère la lumière comme un corps matériel en mouvement.

«La vision se fait par des rayons venant de l’objet à l’œil. De tout corps illuminé par n’importe quelle lumière, part de la lumière dans toutes les directions... Quand l’œil sera placé face à un objet ainsi illuminé, il arrivera de la lumière à sa surface extérieure. Or nous avons déjà établi que la lumière a la propriété d’agir sur l’œil. Nous devons en conclure que l’œil ne peut sentir l’objet vu que par l’intermédiaire de la lumière que celui-ci lui envoie » (Ibn Al Haytham, Opticae Thesaurus libri septem a Federico Risnero Basilae, 1572, cité par Bernard Maite, op.cit.)Ayant établi que la lumière a une existence autonome, Ibn Al-Haytham introduit aussi la notion de « rayon lumineux ». Il sait, pour l’avoir observé, que ces rayons lumineux se réfléchissent sur certaines surfaces, comme les miroirs et que la lumière change de direction (nous dirions

aujourd’hui : est réfractée) quand elle passe d’un milieu dans un autre. Ibn Al Haytham va tenter d’expliquer pourquoi.Pour décrire plus explicitement la réflexion, Ibn Al Haytham distingue, dans le mouvement de la lumière, deux composantes : une composante perpendiculaire au plan du miroir et une composante parallèle à ce plan. Il utilise ainsi, sans les nommer, ce que nous appellerions aujourd’hui des vecteurs. Seule la

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composante perpendiculaire au miroir est affectée par le miroir, ce qui explique la réflexion. Au moyen du même raisonnement, Ibn Al Haytham explique la réfraction : « Tout corps transparent, quand la lumière le traverse, lui oppose une petite résistance qui dépend de sa structure ». Ainsi, la composante verticale est modifiée, de même que la direction du rayon lumineux. Ibn Al Haytham ne parviendra pas à transformer cette explication en loi quantitative (en formule), mais pour l’essentiel, la méthode est révolutionnaire. Il faudra attendre plusieurs centaines d’années avant qu’un savant occidental, Descartes, ne reprenne cette décomposition du mouvement de la lumière pour expliquer la réflexion et la réfraction.

Le moyen âge chrétien et la scienceLa vie culturelle du moyen âge chrétien est dominée par l’Eglise. Durant la première partie de cette époque (500 - 1100 après J.C.) cette domination est sans partage, dans une société qui n’évolue que lentement. La vie scientifique est ramenée au seul service de Dieu. Il faut se méfier des sens ; n’étudier le monde matériel que pour y découvrir, derrière les apparences, la main du Seigneur. Tel est l’enseignement de Saint Augustin. «Pour un penseur de ce temps, connaître et expliquer une chose consiste toujours à montrer qu’elle n’est pas ce qu’elle paraît être, qu’elle est le symbole et le signe d’une réalité plus profonde, qu’elle annonce ou signifie autre chose» ( A.C. Crombie, « Histoire des sciences, de Saint Augustin à Galilée », PUF 1959, p17)Mais en 1059, le pape Urbain II lance la première croisade. Au contact de la civilisation musulmane, l’Occident va petit à petit découvrir la science arabe et redécouvrir l’héritage culturel de l’Antiquité. Non sans quelque résistance de la part des autorités ecclésiastiques, les philosophes et naturalistes grecs de l’Antiquité sont de plus en plus étudiés dans tous les monastères, dans toutes les universités. L’Antiquité est littéralement « à la mode ». À tel point, que certains reprennent ces thèses sans le moindre sens critique, au prix parfois d’un recul considérable par rapport aux maigres progrès dûs à de rares scientifiques de cette époque et par rapport aux développements originaux de la science arabe. C’est la “scolastique”.Mais le début du deuxième millénaire est aussi une époque de profonds bouleversements économiques et sociaux. Le développement des villes et du commerce voit l’apparition d’une bourgeoisie artisanale et commerçante qui s’enrichit de plus en plus et commence à menacer le pouvoir féodal des seigneurs et de l’Eglise. À l’intérieur même de l’Eglise, des tendances « hérétiques » apparaissent. Les autorités ecclésiastiques réagissent en créant, en 1231, l’inquisition. Les écrits de nombreux philosophes et scientifiques sont mis à l’index et brûlés, leurs auteurs condamnés. Des calamités naturelles, comme la Grande Peste, qui décime l’Occident en 1350, favorisent encore ces tendances autoritaires.Toutes ces contradictions vont atteindre leur point culminant pendant la Renaissance, à l’aube de la Révolution scientifique du XVIe siècle

Robert Grosseteste et les lentillesNé en 1168 en Angleterre, puis étudiant à Paris en 1209, Robert Grosseteste est l’une des figures d’exception qui marquent le moyen âge chrétien. Il estimait que « la science commençait avec l’expérience faite par l’homme des phénomènes ». Il fallait trouver « les causes de l’expérience. Puis, ayant découvert ses causes, l’étape suivante consistait à les analyser, en les fractionnant en principes. Après quoi, le phénomène observé devait être reconstruit à partir de ces principes sur la base d’une hypothèse et, finalement, l’hypothèse elle-même devait être contrôlée et vérifiée, ou réfutée, par l’observation » (Colin Ronan, op.cit.)Ayant étudié les œuvres d’Ibn Al-Haytham sur l’optique, il s’intéresse en particulier au phénomène de réfraction : « Cette partie de l’optique, quand elle est bien comprise, montre comment nous pouvons faire pour que des objets proches et grands apparaissent petits, et comment nous devons faire pour que des objets placés à distance apparaissent aussi grands que nous le souhaitons » (R. Grosseteste, « Sur l’arc-en-ciel ou sur la réfraction et la réflexion »)Roger Bacon, un autre Anglais, disciple de Grosseteste, reprit les idées de son maître sur la science ainsi que ses études sur la réfraction et il les développa. Mais ses écrits furent condamnés par l’Eglise en 1278.

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Renaissance : les farces et attrapes de Porta « Renaissance — époque cruelle, mouvementée. Période de transition.L’Europe sort de la torpeur des siècles de calamité ; la boussole, l’imprimerie favorisent son expansion : elle se lance dans des expéditions lointaines de conquête. L’Amérique atteinte (1492), les commerçants s’enrichissent. Dans l’Eglise, deux siècles de corruption et d’exercice du pouvoir temporel provoquent la Réforme (1517).Les nouvelles valeurs culturelles sont celles de l’Antiquité, copiée, imitée. Les conditions du travail scientifique se modifient : l’Eglise perd le monopole du contrôle des centres du savoir. Ses docteurs rabâchent un enseignement scolastique (synthèse entre philosophie d’Aristote et Ecritures), stérilisé. D’autres recherches commencent à se mener autour des commerçants enrichis et des princes (les mécènes) : elles font place à l’expérimentation. Les bizarreries sont en vogue. L’astrologie et l’alchimie sont à la mode ».(Bernard Maitte, op cit, p39)Au Concile de Trente (1545), l’Eglise Catholique réagit vivement face à cette évolution : elle réaffirme l’Evangile dans son sens littéral, déclare que la scolastique donne la seule interprétation correcte du monde et réactive la “sainte inquisition”. Les effets du concile se font bientôt sentir en sciences : la tendance expérimentale, qui se développe surtout en Italie, est muselée. L’heure est à la reprise en main.

En optique, les discussions ayant animé l’Antiquité classique réémergent : certains docteurs expliquent la vision par des rayons ou des écorces venant de l’objet à l’œil, d’autres par quelque chose qui sort de l’œil et constitue un véritable prolongement de l’âme... Les deux camps s’accordent pour dire que la vision ne peut se définir en dehors de l’individu, aussi rejettent-ils les lunettes qui abusent nos sens, sont trompeuses, fallacieuses et illusoires. Un des seuls ouvrages abordant le sujet des verres correcteurs est... un recueil de farces et attrapes. (Bernard Maitte, op cit., p. 42). L’auteur de ce livre, intitulé “Magia naturalis”, est Giambattista Della Porta (1535-1615). La partie consacrée à l’optique propose des instructions pour fabriquer un miroir qui rend le visage “semblable à celui d’un âne, d’un chien ou d’une truie et d’autres jeux amusants avec des miroirs”.Malgré l’aspect futile de ce livre, il n’est pas impossible que Porta ait déjà, en 1589, inventé le télescope. Certains passages de ses écrits le laissent supposer, mais s’achèvent par cette remarque : “ce n’est pas un sujet que l’on doit publier trop facilement”... Il faut savoir que Porta avait déjà été interrogé par l’Inquisition neuf ans plus tôt, pour avoir fondé à Naples l’Académie des Secrets de la Nature (qui fut d’ailleurs fermée).

Galilée : la « révolution scientifique »Galilée (1564-1642) est peut-être le personnage le plus célèbre dans l’histoire des sciences. D’abord à cause de ses découvertes importantes en mécanique et en astronomie ; ensuite parce qu’il fut l’un des premiers à utiliser, de façon assez systématique, les méthodes de la science moderne : expérimentation et modèles mathématiques ; enfin, à cause de son célèbre procès.Galilée a jeté les bases de ce que nous appelons aujourd’hui la mécanique “classique”, celle qu’on vous a enseignée à l’école. En étudiant expérimentalement la chute des corps, Galilée a notamment distingué le mouvement rectiligne uniforme, le mouvement rectiligne uniformément accéléré et le mouvement parabolique (composition d’un m.r.u et d’un m.r.u.a). Il n’a pas été loin de découvrir également la loi “fondamentale” de la mécanique (F=m.a), formulée plus tard par Newton.En astronomie, Galilée a pris position en faveur du modèle héliocentrique. Mais contrairement à Copernic, il étaya cette position d’importantes découvertes expérimentales, comme l’observation des phases de Vénus.Ces observations, il les a réalisées grâce à la “lunette astronomique” (le téléscope). Il fut un novateur à cet égard et cela lui valut d’intenses conflits avec les “scolastiques” (les “péripatéticiens”) qui niaient absolument que ces “lunettes” puissent nous apprendre quoi que ce soit.

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Mais une terre en mouvement allait à l’encontre des Ecritures et, en 1633, après la publication du livre “Dialogue sur les deux systèmes du monde”, Galilée est traduit devant l’Inquisition et contraint de se rétracter. Mais pour les dogmatiques il est trop tard : l’ouvrage avait déjà connu un succès retentissant dans toute l’Europe. La légende dit que, sur son lit de mort, en 1642, Galilée aurait murmuré : “Et pourtant elle tourne”.Incidemment, Galilée est aussi le premier à s’interroger sur la vitesse de la lumière et sur une façon de mesurer celle-ci.

Galilée et la vitesse de la lumièreLa plupart des ouvrages de Galilée sont écrits sous forme de dialogues contradictoires (une manière de ne pas trop “se mouiller”). Voici un extrait d’un de ces dialogues, commenté par un autre physicien célèbre: Albert Einstein.

“Dans les Deux nouvelles sciences de Galilée, nous assistons à la conversation du maître et de ses disciples sur la vitesse de la lumière:

Sagrédo: Mais cette vitesse de la lumière, de quel genre et de quelle grandeur est-elle ? Est-elle instantanée ou a-t-elle, comme le mouvement d’autres corps, besoin de temps ? Ne pouvons-nous pas décider cette question par l’expérience ?

Simplicio: L’expérience journalière montre que la propagation de la lumière est instantanée; car, quand nous voyons tirer un coup de canon à distance, l’éclair atteint nos yeux sans le moindre intervalle de temps, tandis que le son arrive ànotre oreille après un intervalle appréciable.

Sagrédo: Bien, Simplicio, la seule chose que je puisse inférer de cette maigre expérience est que le son, en parvenant à nos oreilles, se déplace plus lentement que la lumière; elle ne me renseigne pas si la propagation de la lumière est instantanée, ou si tout en étant extrêmement rapide, elle nécessite quand même un certain temps.

Salviati: La conclusion peu certaine que comportent de telles observations et autres semblables m’ont déterminé à imaginer une méthode qui permettrait d’affirmer avec certitude si l’éclair, c’est-à-dire la propagation de la lumière, est réellement instantané”.

(Salviati explique ensuite longuement sa méthode. Nous pouvons la résumer: deux personnages munis d’une lanterne se trouvent à grande distance l’un de l’autre. Quand le premier dévoile sa lanterne, l’autre, en le voyant, dévoile immédiatement la sienne — on se demande d’ailleurs pourquoi Galilée n’a pas pensé à remplacer le deuxième personnage par un miroir... En mesurant le temps écoulé, le premier personnage peut estimer le temps mis par la lumière pour aller et revenir. Einstein commente:)“Avec la technique expérimentale dont on disposait en ce temps-là, Galilée avait peu de chance de pouvoir déterminer la vitesse de la lumière. Si la distance était d’un kilomètre, il fallait déceler des intervalles de temps de l’ordre d’un trois cent millième de seconde.Galilée a formulé le problème de la détermination de la vitesse de la lumière, mais il ne l’a pas résolu. Formuler un problème est souvent plus essentiel que d’en donner une solution, laquelle peut être une affaire d’habileté mathématique ou expérimentale. Faire naître de nouvelles questions et de nouvelles possibilités, envisager les vieux problèmes sous un angle nouveau, cela demande une imagination créatrice et marque un réel progrès dans la science”.

(A. Einstein & L. Infeld, L’évolution des idées en physique, PBP 1963, p87-89)

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René Descartes lance le débat :

onde ou corpuscule ?René Descartes (1596-1650) est l’un de ces érudits d’un style nouveau, dont accouche la Révolution scientifique au XVIIe siècle. D’origine française, Descartes a passé la plus grande partie de sa vie loin de la France, et surtout en Hollande. Car à la “période méditerranéenne”, marquée par les croisades, le développement des villes italiennes et la Renaissance succède maintenant la “période atlantique”, celle de l’essor des manufactures et des insurrections citadines. Amsterdam, important centre commercial et portuaire, est, du fait de son régime républicain, un pôle d’attraction pour l’intelligentsia de l’Europe tout entière. D’autant plus que, au début du XVIIe siècle, l’Inquisition sévit encore parfois cruellement en Italie, en Belgique, mais aussi en France.Descartes, philosophe, mathématicien et physicien, est surtout connu pour son célèbre Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences (1637). Il s’agit d’une synthèse magistrale des nouvelles méthodes d’investigation scientifique et d’un ouvrage philosophique qui a jeté les bases du “rationalisme français”. Un ouvrage qui innove aussi en ce qu’il est entièrement rédigé en français (jusqu’alors les livres “sérieux” se devaient d’être écrits en

Latin).Pourtant on oublie trop souvent que le Discours de la méthode n’est que l’introduction générale à trois autres ouvrages : La Dioptrique, Les Météores et La Géométrie.

La lumière est une ondeDans le premier de ces trois ouvrages, Descartes compare la lumière à un “choc”, une perturbation qui se propage dans un milieu plus ou moins dense (l’air, l’eau, le verre, etc...).Aujourd’hui nous parlerions d’une “onde”. Mais pour Descartes, il ne s’agit encore là que d’une comparaison (“il n’est pas besoin que j’entreprenne de dire au vrai quelle est la nature de la lumière, et je crois qu’il suffira que je me serve de deux ou trois comparaisons, qui aident à la concevoir en la façon qui me semble la plus commode pour expliquer toutes ses propriétés” - Dioptrique, op.cit., p. 100). D’ailleurs, un peu plus loin (p118), Descartes se contredit lui-même et compare la lumière à des “balles” en mouvement, pour expliquer la nature de la réfraction. Ces “balles” se déplaceraient plus vite dans le verre que dans l’air (comme nous roulons plus vite sur du macadam que dans un sol boueux), ce qui expliquerait la réfraction.

Une onde ne peut pas traverser le videMais si la lumière est une “onde”, un choc qui se propage dans l’air ou d’autres corps transparents, et puisque nous voyons des étoiles très éloignées, cela implique qu’il n’y a pas de vide entre elles et nous (sans quoi la lumière ne saurait pas nous parvenir !). Descartes pense en effet que l’univers est rempli de “matière subtile”, qui entraîne les étoiles et les planètes dans des tourbillons (ce qui explique d’ailleurs les mouvements des planètes). [Ci-contre : les tourbillons de Descartes]

La vitesse de la lumièreComparant la lumière au choc qui se propage à travers un bâton, Descartes en conclut qu’elle doit se propager instantanément. Descartes se trompe, car nous savons aujourd’hui qu’une perturbation dans un milieu dense ne se déplace pas instantanément (voir le sujet de réflexion avec les billes). Pourtant, le philosophe français avait “démontré” ce déplacement instantané de la lumière au moyen d’une “expérience” ingénieuse, qui s’inspire de celle de Galilée (voir plus haut) mais qui porte sur des distances beaucoup plus grandes. Quand nous regardons une éclipse de la Lune (le Soleil se trouve alors “derrière nous”), nous devrions voir le phénomène avec un certain retard, dû au temps mis par la lumière pour aller de la Terre à la Lune et retour. Or on n’a jamais observé un tel décalage. C’est donc, conclut Descartes, que la lumière se déplace instantanément. Etes-vous convaincus par cette “démonstration” ?

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La loi de SnellLa Dioptrique de Descartes traite encore de nombreux autre problèmes, comme la vision (les thèses de Kepler), celui des couleurs (une ébauche originale mais peu concluante), la réflexion (les thèses d’Ibn Al-Haytham) et la réfraction. Sur ce dernier point, le livre de Descartes fait un grand bond en avant, puisqu’il énonce pour la première fois la loi mathématique précise de la réfraction. Mais il s’agit d’un plagiat, car cette invention revient au Hollandais Willebrord Snell. Avant de mourir, celui-ci a transmis sa découverte inédite à Descartes.Que dit la loi de Snell ? Elle établit la relation entre l’angle d’incidence (i) et l’angle de réfraction (r) d’un rayon lumineux traversant la surface de séparation entre deux milieux :

sin isin r =

n2n1

Où n1 et n2 sont des nombres caractéristiques, respectivement, du milieu incident et du deuxième milieu. Ces nombres (appelés indices de réfraction) ont été calculés expérimentalement.

Le grand débatNous l’avons vu, l’œuvre de René Descartes en matière d’optique est truffée de contradictions. Pourtant elle est très importante. Les conceptions qui y sont développées influenceront profondément la future. Les lois de la réfraction sont enfin publiées, de nombreuses expériences reliées entre elles, le problème des couleurs posé aux physiciens qui l’abandonnaient alors aux philosophes. En comparant la lumière à des balles qui se propagent, Descartes en fait une substance matérielle. En l’assimilant au bâton de l’aveugle, il la décrit comme une perturbation qui traverse un milieu. « Parce que la Dioptrique est largement diffusée, parce que son auteur jouit d’un grand prestige, cette contradiction ne passe pas inaperçue. Entre ces deux thèses, il va falloir choisir. Deux camps se constituent et s’affrontent » (Bernard Maitte, op. cit., p. 87).

Francesco Grimaldi découvre la diffractionD’Ibn al Haytham à Kepler, tous les naturalistes sont fermement convaincus que la lumière se propage en ligne droite, suivant des « rayons lumineux ». On peut d’ailleurs aisément s’en convaincre : par un jour ensoleillé, enfermez deux ou trois fumeurs dans une pièce obscurcie par une lourde tenture. Percez un petit trou dans le rideau : un fin pinceau de lumière traverse la pièce en ligne droite.Mais la révolution scientifique bouleverse bien des dogmes et des habitudes. En 1663, un père jésuite, Francesco Grimaldi va entreprendre de vérifier expérimentalement la propagation rectiligne de la lumière. Pour cela il envoie un très fin filet de lumière sur un cheveu et il observe l’ombre projetée sur un écran. Et il est stupéfait par le résultat : le bord de l’ombre n’est ni parfaitement délimité, ni bordé d’une zone de pénombre (facile à comprendre avec une lumière qui se propage en ligne droite), mais limitée par des franges colorées où il retrouve toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Grimaldi multiplie les expériences. Il perce un tout petit trou dans un écran opaque et le fait traverser par un fin pinceau de lumière. Une fois de plus, il observe que l’ombre du trou n’est pas nette, mais bordée des couleurs de l’arc-en-ciel, et que de la lumière arrive là où elle ne devrait pas arriver si elle se propageait réellement en ligne droite. Grimaldi prend toutes les précautions : il répète l’expérience avec des obstacles composés de différents matériaux. Mais cela ne

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AirEau

i

rsin r

sin i

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semble nullement affecter le résultat : il rejette donc l’hypothèse selon laquelle le phénomène observé serait dû à la réflexion ou la réfraction. Il lui donne un nom nouveau : la diffraction.Cette découverte va jouer un rôle capital dans le développement de la conception de la lumière. La diffraction va être l’un des principaux arguments en faveur du modèle « ondulatoire » de la lumière et l’un des principaux points d’achoppements du modèle « corpusculaire ».

Römer mesure la vitesse de la lumière

En 1675, nouveau « coup de tonnerre » dans la connaissance de la lumière. L’astronome danois Ole Römer, constate, en observant une éclipse d’un satellite de Jupiter, que celle-ci a lieu avec un peu de retard par rapport à ce qu’il avait prévu. Sûr de ses calculs, Römer ne voit qu’une explication : l’éclipse a bien lieu au « bon » moment, mais nous la voyons avec du retard, à cause du temps mis par la lumière pour venir de Jupiter jusqu’à nous. Le décalage entre des observations faites alors que la distance Terre-Jupiter est différente, lui permet d’estimer la vitesse de la lumière à environ 200.000 km/s. Malgré son manque de précision (une erreur de près de 50 %), c’est un résultat admirable. Pour la première fois, on connaît l’ordre de grandeur de la vitesse de la lumière.

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II. Les ondes selon HuyghensNé à La Haye en 1629, Christiaan Huygens est issu d’une grande famille hollandaise. Son père, diplomate, poète, musicien, scientifique, s’entoure de philosophes et d’artistes : il aide Rembrandt, appuie Corneille, reçoit fréquemment Descartes qui lui soumet, avant de la publier, sa dioptrique mais qui, surtout, dirige l’éducation mathématique du jeune Christiaan qu’il « tient en affection très ardente ». Bientôt l’adolescent étudie à Leyde, en devient le meilleur mathématicien, participe aux batailles que mène le milieu tolérant et cosmopolite dans lequel il vit, pour imposer le cartésianisme. Descartes soumet à celui qu’il appelle maintenant le « nouvel Archimède » les problèmes qu’il ne sait résoudre et notamment celui de la quadrature du cercle dont Huygens démontre l’impossibilité. Pour le sujet qui nous intéresse, Huygens est surtout le premier à fournir un modèle cohérent pour la lumière : le modèle ondulatoire. Selon Huygens, la lumière est une onde.

Qu’est-ce qu’une onde ?Une goutte de pluie tombe dans une flaque et vient perturber la surface de l’eau calme. Cette perturbation se déplace ensuite dans toutes les directions, en partant du point de chute de la goutte : une onde circulaire apparaît.Par une soirée d’orage, soudain, un éclair zèbre le ciel. Un mince filet d’air, chauffé à blanc par l’intense courant électrique, se dilate brusquement. Cette perturbation de l’air se déplace dans toutes les directions. Il s’agit d’une violente onde sonore : le tonnerre.Août 1999. À quelques centaines de kilomètres d’Istanbul, une masse de croûte terrestre se soulève brutalement. En quelques secondes, l’onde de choc se propage dans toutes les directions, provoquant l’affaissement d’immeubles entiers et la mort de milliers de personnes.Tous ces exemples ont une chose en commun: un milieu plus ou moins en équilibre est soudain perturbé et cette perturbation se déplace à son tour dans le milieu. Un tel phénomène est appelé “onde”.Mais qu’est-ce qui bouge précisément dans une onde ? Est-ce le milieu ambiant ? Certes, dans nos trois exemples, le milieu est en mouvement : la surface de l’eau bouge quand on y jette une pierre ; l’air bouge à cause de l’éclair ; la terre bouge aussi bien sûr. Mais peut-on ramener le mouvement de l’onde au mouvement du milieu ? Examinons ces mouvements de plus près. Comment bouge la surface de l’eau ? Il suffit de regarder un bouchon qui flotte : il monte et descend, mais il ne se déplace pas latéralement ; il ne suit pas le mouvement de l’onde.L’air traversé par un son bouge aussi ; les molécules d’air vibrent. Mais c’est une vibration de quelques centimètres ou millimètres. Alors que le bruit du tonnerre se fait entendre à plusieurs kilomètres !Il convient donc de distinguer le mouvement de l’onde du mouvement du milieu.Reste alors notre question: qu’est-ce qui se déplace ? En fait nous avons déjà répondu à cette question : c’est la perturbation qui se déplace. Or une perturbation d’un milieu représente de l’énergie. Nous dirons donc qu’une onde est un transport d’énergie sans transport de matière. “Sans transport de matière”, ne signifie pas que la matière du milieu ne bouge pas, mais bien que son mouvement n’est pas le même (pas aussi important, pas dans le même sens, etc...) que celui de l’onde.De cette définition et de nos exemples, nous pouvons déduire deux grandeurs caractéristiques de toute onde : sa vitesse et la quantité d’énergie qu’elle transporte. Souvent, cependant, l’énergie de l’onde sera traduite dans une grandeur plus directement observable, par exemple la hauteur de la vague à la surface de l’eau : on l’appelle l’amplitude de l’onde. L’unité dans laquelle s’exprime l’amplitude dépend de la nature de l’onde.

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La propagation des ondesPour comprendre la façon dont Huyghens explique la propagation des ondes lumineuses (ou autres), imaginez un plan avec des billes collées côte à côte (p.ex. une table de billard avec une dizaine de billes regroupées). Si on fait bouger légèrement une des billes, elle va cogner toutes celles qui sont à proximité; celles-ci vont à leur tour en cogner d’autres: une onde circulaire se propage. Ou plutôt : une onde sphérique, si on imagine cela en trois dimensions. À grande distance, quand le rayon de l’onde est devenu très important, alors on peut parler d’une onde plane.On voit aussi que, dans cette théorie, chaque point de l’onde joue exactement le même rôle que le centre de l’onde : c’est une nouvelle source de perturbation, qui se propage à son tour de proche en proche. C’est ce qu’on appelle des ondes secondaires.

Cette description du mouvement ondulatoire explique très

facilement les phénomènes de diffraction : les vagues

contournent les obstacles ; le son est audible de l’autre côté d’une

porte entrouverte.Selon Huygens, cela explique aussi en partie les observations

de Grimaldi (diffraction)…

diffraction du son… … et des vagues

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Ondes transversales et ondes longitudinales

Il nous faut distinguer deux sortes d’ondes : les ondes longitudinales et les ondes transversales.Prenons d’abord le cas d’un réseau de billes suspendues à un fil, situation que nous allons étudier en détail plus loin. Ici, l’onde est une collision qui se propage. Le mouvement des billes (qui donne lieu aux chocs, donc à la perturbation envisagée ici) doit être un mouvement dont la direction est dans l’axe du réseau de billes (de gauche à droite ou de droite à gauche, si on regarde les billes de côté). Sinon (si on fait par exemple bouger les billes de haut en bas) il n’y aurait pas de choc, et par conséquent pas d’onde. Le mouvement des billes (la perturbation) est donc parallèle au mouvement de l’onde. Une telle onde est appelée longitudinale.Prenons maintenant le cas des vagues à la surface de l’eau. Localement, l’eau ne fait que monter et descendre. Mais cette perturbation de la surface de l’eau se propage de proche en proche, car l’eau n’est pas constituée de billes indépendantes. Ici, les billes sont « reliées » entre elles par des forces de liaison d’origine électrostatique, responsables notamment de ce qu’on appelle la « tension superficielle » de l’eau. Alors que la surface de l’eau monte et descend, les vagues, elles, se déplacent horizontalement. Le mouvement de la perturbation n’est plus parallèle au mouvement de l’onde, mais perpendiculaire. De telles ondes sont dites transversales.Il est important de voir que les ondes transversales ne sont possibles que dans un milieu dont les constituants sont « liés »; un tel milieu est dit visqueux. Les ondes longitudinales, elles, peuvent se déplacer dans un milieu visqueux, mais aussi dans un milieu dont les constituants sont « libres » (c’est-à-dire qu’ils n’interagissent que par collision : comme dans un gaz).

Le son, qui se propage dans l’air (dont les molécules ne sont pas ou presque pas liées), est une onde longitudinale. Par contre, un tremblement de terre, donne lieu à des ondes longitudinales (ondes « P » : primaires) et à des ondes transversales (ondes « S », secondaires). Ces deux ondes ne se déplacent pas à la même vitesse et n’ont pas les mêmes effets destructeurs.

Mouvement de la vague

Mouvement de lʼeau

Onde transversale: le mouvement du milieu (la perturbation) est perpendiculaire à la direction de propagation de lʼonde

Mouvementdes billes Propagation de lʼonde de choc

Onde longitudinale: le mouvement du milieu (la perturbation) est parallèle à la direction de propagation de lʼonde

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La vitesse des ondes

1 cm2 mm

Les collisions sont supposées "parfaitement élastiques":la bille frappée acquiert instantanément la vitesse de la bille incidente, et celle-ci se retrouve à l'arrêt.

Voici un dispositif expérimental assez simple expliquant l’idée d’Huygens : 12 billes en acier, de 1cm de diamètre, sont alignées et accrochées à des fils (assez longs), distants de 1,2 cm (il y a donc 2 mm entre les billes). La première bille est envoyée sur la seconde à une vitesse de 20 cm/s : au moment de la collision, elle transmet toute son énergie à la deuxième bille et s’arrête (on appelle cela une collision élastique).

Que se passera-t-il ensuite ? Décrivez le phénomène aussi précisément que possible. Que se passe-t-il si on rapproche les billes un peu plus (1mm ou 0,1mm par exemple) ?Un simple calcul vous montrera que plus les billes sont proches, (c’est-à-dire plus le milieu est dense) plus l’onde se propage rapidement. C’est bien ce qu’on peut observer. Dans l’air à 20°C, le son se déplace à 344 m/s. Dans l’eau, il se propage à 1.480 m/s et dans le fer à 5.000 m/s !De même, certains séismes se déplacent plus vite dans les milieux plus denses.

Pour d’autres types d’ondes, ce n’est pas la densité du milieu qui intervient, mais d’autres facteurs. Ainsi les vagues se déplacent-elles plus vite dans les milieux profonds que dans les milieux peu profonds. Ceci est notamment responsable de la formation de hautes vagues sur les côtes ou le fond marin remonte

brutalement.

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Explication de la réflexion

Le couronnement de la théorie de Huygens, c’est son explication de la réflexion et de la réfraction. Voici encore un schéma de Christiaan Huygens.Une onde plane AC vient frapper une surface AB. Le point A est le premier atteint: il devient lui-même source d’une ondelette qui, au bout d’un certain temps t, se développe en onde secondaire SR. Les points K, atteints successivement par l’onde incidente, vont, de la même manière, produire des ondelette qui, au temps t, auront un rayon de plus en plus court. Toutes ces ondelettes vont constituer un nouveau front d’onde, NB: l’onde réfléchie.

De nouveau, cette théorie permet d’expliquer la réflexion des phénomènes ondulatoires connus . La réflexion du son par exemple (l’écho), qui est utilisé par les chauves-souris pour se déplacer la nuit et qui est exploité par l’homme dans les sonars et les échographies. Mais aussi la réflexion des ondes sismiques sur le noyau terrestre (voir le schéma, plus loin) ou la réflexion d’une vague sur les bords d’un canal.

Réflexion et réfraction d’ondes sysmiques

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Explication de la

réfraction

De la même façon, Huygens explique la réfraction. Il part d’une « évidence » que lui dicte le « bon sens »: pour lui, la lumière se déplace plus lentement dans les milieux denses (comme l’eau ou le verre) que dans les milieux qui lui opposent moins de résistance (comme l’air ou l’éther qui remplit le « vide »).Mais revenons à la réfraction. Un front d’onde AC vient frapper un milieu transparent. Tous les points K de la surface AB se conduisent comme des sources d’ondelettes dans les milieux réfringents, mais celles-ci se propagent plus lentement que l’onde incidente. Ainsi l’ondelette SR produite par le point A n’a-t-elle parcouru qu’une distance AN pendant que l’ondelette produite par C se déplaçait jusqu’en B. Pour cette raison, le nouveau front d’onde NB a une autre inclinaison que AC. Huygens démontre que si les vitesses sont inversement proportionnelles aux indices de réfraction, il retrouve les lois de Snell.Ce phénomène de réfraction s’observe également avec d’autres ondes. Par exemple, les vagues son réfractées en approchant de la côte, où l’eau est moins profonde. Et les ondes sismiques changent de direction en passant dans des couches plus denses du manteau terrestre.Une remarque : nous savons aujourd’hui que Huygens avait raison sur la question de la vitesse de la lumière dans l’air ou dans le verre. Mais nous savons aussi que son explication de bon sens» ne tient pas. Pour Huygens, la lumière se propage exactement comme les ondes sonores. Or nous pouvons facilement mesurer que le son se propage plus vite dans l’eau que dans l’air !

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Les faiblesses d’un génieS’il nous fallait faire aujourd’hui le bilan de l’œuvre de Christiaan Huygens, nous dirions qu’il est vraiment époustouflant. Pour tout dire, Huygens est le premier à donner une théorie plus ou moins cohérente et complète de la nature de la lumière.Voici un exemple illustrant combien cette théorie était valable. En 1669, Erasme Bartholin rapporte d’une expédition en Islande des cristaux d’une matière nouvellement découverte : la calcite. Celle-ci a une propriété remarquable : quand un rayon lumineux frappe sa surface, il se scinde en deux rayons. L’un de ces rayons se comporte « normalement », l’autre suit une loi de réfraction qui ne correspond pas aux lois de Snel. Huygens étudie le phénomène et parvient à l’expliquer au moyen de sa théorie ondulatoire, en supposant simplement que la calcite est un milieu anisotrope, c’est-à-dire un milieu dans lequel la vitesse de propagation de la lumière n’est pas la même dans toutes les directions (contrairement à l’air ou au verre, qui sont des milieux optiquement isotropes). Mieux encore : Huygens déduit théoriquement de ses suppositions, que, si on taille la calcite sous un certain angle, elle ne devrait plus réfracter qu’un seul rayon. Il taille donc une lame de calcite appropriée et vérifie s’il en est bien ainsi... Ça marche ! Huygens vient, probablement pour la première fois dans l’histoire des sciences, de mettre en évidence un phénomène prévu par la théorie, mais qu’on n’avait jamais observé ni même soupçonné.Un génie donc. Mais comme tout modèle théorique nouveau, celui de Huygens souffre encore de quelques défauts. Par exemple, il ne rend pas compte de ce que sont les couleurs et pourquoi elles interviennent dans la réfraction et la diffraction. Un autre problème, plus grave encore, est celui de l’éther. En effet, du temps d’Huygens, on dispose déjà des premières pompes à vide et l’on sait donc que la lumière peut traverser le vide. Il faut donc postuler que le vide... n’est pas tout à fait vide. Il est, comme le pense déjà Descartes, rempli d’une « matière subtile », l’éther. Qu’est-ce que cet éther ? Comment se fait-il qu’il n’oppose aucune résistance au mouvement des autres corps ? À toutes ces questions, Huygens n’apporte pas de réponse.

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III. Le modèle de NewtonÀ la fin du XVIIe siècle, la prééminence des Pays-Bas comme centre culturel, artistique et scientifique de l’Europe est petit à petit menacée par deux monarchies : “l’Angleterre — où Charles II favorise les milieux d’affaire et permet à la classe capitaliste de parvenir au pouvoir politique — et la France que Richelieu unifie autour du pouvoir royal. Pour favoriser le développement des connaissances pratiques et permettre de diriger les recherches vers les secteurs productifs, Charles II et Colbert créent de nouvelles structures, appelées ici encore Académies. En 1662 est fondée la Royal Society dans laquelle toute discussion sujette à contestations politiques (métaphysique, théologie, morale...) est interdite, mais qui se donne pour but d’améliorer les arts “utiles” (manufactures, machines, inventions). (Bernard Maitte, op. cit, p. 99-101)

Isaac Newton (1642-1727)

Le triomphe de la mécaniqueDepuis Galilée et Kepler, la mécanique — notamment la mécanique céleste — était déjà devenue un exemple de rigueur scientifique. Avec Newton, elle va devenir, pour longtemps, la “reine” des sciences.Pour progresser en mécanique, il fallait d’abord disposer de l’outil mathématique approprié. Entre 1670 et 1685, Newton invente le calcul différentiel et intégral. Sur le continent, Leibniz fait d’ailleurs la même découverte (ils se querelleront toute leur vie à ce sujet). En 1687, Newton publie son célèbre ouvrage Philosophiae naturalis principia mathematica, où il expose de manière définitive ses grandes découvertes dans le domaine de la mécanique : le concept moderne de “force” (F=m.a) et la théorie de la gravitation universelle.C’est un triomphe. Kepler et Galilée avaient décrit le mouvement des planètes et des lunes. Newton l’explique et fait le lien avec les mouvements que nous observons sur terre. Un principe unique devient l’explication de phénomènes jugés auparavant distincts.Pour nombre de physiciens de l’époque, le succès de la mécanique éclipse tout. Dorénavant, tout peut s’expliquer par la mécanique, le monde entier obéit à “une seule loi”, avec la rigueur d’une horloge. C’est ce qu’on appellera plus tard la conception “mécaniste” du monde.

Des motivations qui ne sont pas toujours

scientifiquesMais qui dit horloge, dit aussi horloger. À cet égard, les points de vue des mécanistes divergent.Descartes aussi était un mécaniste, mais il y a une grande différence entre lui et Newton. Pour Descartes, le monde est une horloge parfaite, créée par Dieu, mais qui n’a plus besoin de Dieu pour fonctionner. Une fois les “tourbillons” créés par Lui, ceux-ci entraînent toutes choses dans leur mouvement perpétuel et les chocs entre atomes sont les seules causes de tout phénomène. C’est un monde dont les lois sont établies une fois pour toutes “ainsi qu’un roi imprimerait ses lois dans le cœur de tous ses sujets s’il en avait le pouvoir” (c’est Newton qui décrit ainsi la position de Descartes).Pour Newton, au contraire, il faut une intervention permanente de l’horloger. En postulant une force qui agit à distance (la gravitation), dans un univers essentiellement vide, il fait intervenir “la main de Dieu” de façon permanente.Comme le remarque Bernard Maitte (p115) : “A la différence du Dieu de Descartes, le Dieu de Newton est un monarque absolu. Ces différences ne sont pas surprenantes : Newton est engagé aux côtés des conservateurs dans les luttes politico-religieuses que connaît l’Angleterre : il veut faire triompher l’absolutisme social et maudit le matérialisme cartésien en ce que celui-ci — niant l’action constante de Dieu — permet de l’exclure et peut mener à l’athéisme”.

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La théorie des couleurs“En l’an 1666 je me suis procuré un prisme triangulaire en verre pour faire des expériences sur les fameux phénomènes des couleurs. Après avoir fait l’obscurité dans la chambre et percé un trou dans le volet pour laisser pénétrer une quantité convenable de lumière solaire, j’ai placé mon prisme devant l’ouverture afin que la lumière soit réfractée sur le mur opposé. Ce fut d’abord un divertissement très plaisant de contempler les couleurs vives et intenses ainsi produites”Mais qu’est-ce que les couleurs ? Sont-elles produites par la surface — comme le pensait Descartes — ou bien font-elles partie de la lumière ? Newton interroge l’expérience. Il isole, au moyen d’un diaphragme, l’une des couleurs à la sortie d’un prisme, puis lui fait traverser un second prisme. Il observe qu’après le second prisme, la couleur ne change plus ! Ce n’est donc pas le prisme qui crée la couleur.Newton va plus loin encore. Il imagine un dispositif où la lumière du soleil est d’abord décomposée en couleurs par un prisme, puis, par d’autres prismes, les différentes couleurs sont à nouveau mélangées. Newton observe le résultat : de la lumière blanche. Il vient de démontrer que la lumière blanche est composée d’un mélange de différentes couleurs.

Un modèle corpusculaire pour la lumièreEn 1672, Newton présente ses découvertes sur la couleur à la Royal Society de Londres. Mais il les accompagne d’une explication qui postule que la lumière est constituée de particules en mouvement dans le vide. Cette interprétation, que nous allons étudier plus en détail dans les paragraphes suivants, est tout d’abord mal reçue. Le secrétaire de l’assemblée londonienne, Hooke, croit — comme Huygens — qu’il faut interpréter les couleurs comme une sensation produite par des vibrations. Pour lui, la lumière est une onde. À l’époque, la réputation de Hooke est telle que la grande majorité des savants se rangent à ses arguments, contre Newton. Newton, dépité, écrit : “Je vois que je suis esclave de ma philosophie... je lui dirai adieu pour toujours, à l’exception de ce que je fais pour ma satisfaction privée”.Mais en 1686, Newton publie ses fameux Principia, sur la mécanique et la gravitation. C’est la gloire. Il rallie immédiatement la majorité des savants — excepté Hooke — à sa théorie. Belle revanche !Newton annonce alors la parution “prochaine” d’un ouvrage d’optique dans lequel il reprendra ses points de vue sur la nature corpusculaire de la lumière. On sait, par l’étude de ses manuscrits, que cet ouvrage était prêt depuis 1980. Pourtant il faudra attendre 1703 pour le voir paraître. Pourquoi ? Newton a simplement jugé préférable d’attendre la mort de Hooke, le principal défenseur de la théorie ondulatoire en Angleterre, afin de pouvoir exposer ses idées sans devoir affronter une trop vive opposition...Voici comment Bernard Maitte décrit le comportement de Newton dans cette question : “Il est resté le militant conservateur qui avait fondé une science destinée à vaincre l’athéisme. Il n’a pu se résoudre à admettre un échec partiel, ni à considérer sans passion la théorie ondulatoire. (...) Avec l’âge, il devient même dominateur et mégalomane, il ressent le besoin de ridiculiser ceux qu’il considère comme ses rivaux, quitte à en triompher après leur mort”. (op. cit. pp 146-148)

Réflexion et réfraction expliqués par des forcesPour Newton, la lumière est donc composée de petites « billes » de matière, qui se déplacent à grande vitesse dans le vide et qui peuvent traverser certains corps (les corps transparents). Il lui faut maintenant expliquer le comportement de cette lumière, à commencer par la réflexion et la réfraction. Nous avons déjà vu que Ibn Al Haytham (et Descartes) expliquait la réflexion de la lumière en la comparant à une balle qui « rebondit » sur une surface lisse. Mais Newton montre

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q u e c e t t e e x p l i c a t i o n n e t i e n t p a s l a r o u t e . P o u r d e u x r a i s o n s .1. Un rayon lumineux peut être réfléchi par la surface de séparation entre le verre et le vide (quand la lumière vient du verre). Mais alors sur quoi donc les billes ô « rebondi » ? Sur le vide ??2. La surface d’un miroir n’est pas parfaitement lisse. Les miroirs sont polis en utilisant des poudres très fines, mais les grains de cette poudre sont malgré tout beaucoup plus gros que la taille d’un rayon lumineux ou d’une « particule de lumière ». Mais alors, si la lumière « rebondit » vraiment sur la surface, la réflexion devrait être très irrégulier : les rayons lumineux devraient partir dans toutes les directions. Newton en conclut que « la réflexion est produite non par des points particuliers de la surface d’un corps, mais par quelque pouvoir uniformément répandu à cette surface, en vertu duquel, le corps agit sur les rayons sans les toucher immédiatement » (I. Newton, « Traité d’optique »).

Depuis qu’il a découvert la gravitation, Newton n’a plus peur des forces qui agissent à distance. Il postule donc que, quand les grains de lumière arrivent à proximité d’une surface de séparation entre deux milieux, une force perpendiculaire à cette surface s’exerce sur eux. Cette force est, selon les circonstances, attractive ou répulsive, mais elle agit toujours à distance. De ce fait, la trajectoire des grains de lumière est modifiée de manière régulière, sans être perturbée par les irrégularités de la surface. Si la force est répulsive et assez forte, les grains de lumière sont « réfléchis ». Sinon, ils pénètrent dans le nouveau milieu, mais leur trajectoire a changé : ils ont été « réfractés ». La réflexion et la réfraction ne sont donc plus des phénomènes instantanés. À proximité des surfaces de séparation, les rayons lumineux sont incurvés (en forme de parabole).Bien sûr, Newton a pris soin de définir sa force de manière à ce qu’elle explique parfaitement la loi de la réflexion (égalité de l’angle d’incidence et de l’angle de réflexion) et la loi de Snell.

CouleursLa théorie de Newton est assez jolie, mais par rapport à celle d’Huygens elle a le défaut de faire intervenir une nouvelle force (la force réfringente) qu’il faut « admettre » sans preuve. Mais elle a aussi un avantage important : elle permet d’expliquer l’apparition des couleurs lors de la réfraction.En effet, pour Newton, les rayons lumineux de couleurs différentes sont simplement composés de grains de lumière de masses différentes. La lumière blanche est un mélange de grains de plusieurs sortes. Ces grains de masse différente ne sont pas déviés de la même manière par la force réfringente : les trajectoires sont différentes. Dans le cas de la réflexion, ces trajectoires différentes finissent par se rejoindre : il n’y a pas de séparation des couleurs. Mais dans le cas de la réfraction, les trajectoires ne se rejoignent pas : les couleurs sont séparées.Newton tire d’ailleurs de ceci une conclusion importante : pour fabriquer un télescope à fort grossissement, il vaut mieux utiliser la réflexion que la réfraction (par des lentilles) ; l’image sera plus nette puisqu’on n’aura pas les phénomènes chromatiques que présente le télescope classique. Newton réalisera en 1688 le premier télescope à réflexion.

Réflexion par les couches mincesÉtant enfant, vous avez sûrement été émerveillé à la vue des teintes changeantes dont se peignent les bulles de savon ; ces mêmes couleurs que l’on retrouve sur un sol mouillé d’eau et d’essence et dans tous les cas où deux milieux transparents sont superposés en couches minces. Ce phénomène, on le connaissait à l’époque de Newton, mais personne ne l’avait expliqué. Newton va s’y atteler.

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Il réalise pour cela un dispositif expérimental composé d’une lentille à grand rayon de courbure déposée sur une plaque en verre réfléchissante. Quand on éclaire le dispositif par au-dessus, on voit apparaître des cercles concentriques de toutes les couleurs. Dans cette expérience, la couche d’air qui sépare la lentille et la plaque joue le rôle du savon ou de l’essence dans nos exemples. Avec l’avantage qu’ici la « couche mince » ne s’évapore pas au bout de quelques instants.Newton éclaire ensuite son dispositif avec de la lumière monochromatique (d’une seule couleur). Au lieu des cercles colorés apparaissent de larges anneaux éclairés, séparés par de fins anneaux noirs. Comme si, en certains endroits, la réflexion de la lumière était « perturbée » par quelque chose. Mais par quoi ? Newton mesure la position des anneaux noirs et observe qu’ils apparaissent là où le chemin parcouru par la lumière dans la fine couche d’air est un multiple d’une longueur donnée : 0,28 millième de

millimètre (µ = micron) avec de la lumière jaune ; 0,4µ avec le rouge.Pour expliquer ce phénomène, Newton va développer sa « théorie des accès »: il suppose que le passage de la lumière provoque une « vibration » entre les deux lames de verre. Pour certaines longueurs, cette vibration « résonne » (tout comme la vibration de l’air dans un tuyau d’orgue résonne à une certaine fréquence dépendant de la longueur du tuyau ; ou encore comme l’eau de votre baignoire peur « résonner » quand elle est agitée à une certaine fréquence). Quand cette résonance se produit, la réflexion de la lumière est perturbée (pour une raison que Newton n’explique pas clairement).Mais qu’est-ce qui « vibre » ? Newton constate que son expérience fonctionne aussi bien dans le vide que dans l’air. Ce n’est donc pas l’air qui vibre ! Newton est obligé de postuler que le vide est rempli d’un éther, une substance qui s’insinue partout et dont les vibrations peuvent perturber le comportement normal de la lumière.

Savant …et faussaire ?Quand Newton publie son traité d’optique, en 1704, Hooke et Huyghens sont morts depuis peu. Il ne reste plus personne pour opposer à la théorie corpusculaire une critique rigoureuse et un exposé convainquant de la théorie ondulatoire. Personne ne songe d’ailleurs à le faire, tant est grande la gloire de Newton.Newton ne se prive pas, lui, d’attaquer la théorie de Huyghens. Il lui reproche de ne pas expliquer les couleurs et de devoir postuler l’existence d’un éther pour expliquer la propagation des ondes. Mais nous venons de voir que Newton lui-même est amené à introduire l’éther pour expliquer la réfraction par les couches minces !Quand, enfin, il étudie la diffraction et reprend les expériences de Grimaldi, Newton ne parvient plus à aucune explication cohérente. Aussi évince-t-il consciencieusement ce sujet dans ses écrits. Voilà une attitude vivement critiquable de la part d’un homme de science.Du fait de la gloire qu’il s’est acquise, Newton va réussir à imposer son modèle corpusculaire pour plus de 100 ans. Pourtant, les «vibrations» que Newton a dû postuler pour expliquer la réflexion par les couches minces auraient dû lui faire comprendre que c’était bien du côté de l’explication ondulatoire qu’il fallait aller chercher. Newton s’en est probablement rendu compte, mais, par orgueil et par amour-propre, il s’est cramponné à sa théorie.

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Le siècle des « lumières »... ?Pendant cent ans, le modèle corpusculaire de Newton ne sera plus remis en cause. Qui l’eut osé ? En une époque où des poètes écrivaient : «Vous pensez que Newton a menti ? Où espérez-vous donc aller après la mort ? »De 1700 à 1800, l’optique est donc considérée comme une science « achevée », où tout a été dit. Et si on espère bien un jour en savoir un peu plus sur cette fameuse « force réfringente », on n’en est pas moins persuadé qu’il n’y a « plus rien d’essentiel » à découvrir. Bref, l’optique n’a plus la cote. Les physiciens ont d’ailleurs d’autres chats à fouetter : les progrès des outils mathématiques rendent possible l’étude de phénomènes mécaniques de plus en plus complexes. Le mécanisme triomphe : une explication cohérente de tout l’univers semble à portée de la main. Des phénomènes nouveaux font également l’objet de l’attention des physiciens : on découvre l’électricité, on s’intéresse au magnétisme, aux propriétés des gaz, aux échanges de chaleur, etc... La chimie commence à se développer comme science ; la biologie perce - grâce au microscope - les premiers secrets du monde cellulaire.C’est une époque de grands bouleversements. Pas seulement sur le plan scientifique. En philosophie, c’est le « Siècle des Lumières »: Voltaire, Diderot, Rousseau. C’est en France que le mouvement des idées est le plus rapide ; c’est là qu’il va aboutir sous la forme de bouleversements politiques radicaux : la Révolution de 1789. Si l’explosion s’éteint dès 1793, l’onde de choc se propagera à travers toute l’Europe, pendant plusieurs années encore, portée par les troupes de Napoléon. En France d’abord, dans le reste de l’Europe ensuite, les gouvernements encouragent la recherche scientifique, l’établissement de normes,... On crée de nombreuses écoles polytechniques qui forment de jeunes ingénieurs, moins prisonniers du « carcan idéologique newtonien » que les « vieux » physiciens des Académies. C’est de là que viendra le bouleversement de l’optique : d’un médecin anglais, Thomas Young, et d’un jeune ingénieur des ponts et chaussées français, Augustin Fresnel.

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IV. Les ondes périodiquesLes ondes régulières de Thomas YoungThomas Young est une espèce de « touche-à-tout ». Médecin de formation, il trouve cette discipline trop peu rigoureuse et s’intéresse successivement à la musique et aux ondes sonores, à l’archéologie et enfin à l’optique. Il ne se laisse guère impressionner par l’autorité de Newton, qualifie son explication de la réflexion par les couches minces de « charlatanerie » et se laisse au contraire charmer par les explications de Huyghens.Sa très bonne connaissance des mouvements vibratoires va lui permettre de raisonner par analogie : il va comparer la lumière à des ondes à la surface de l’eau.Une vague ne vient jamais seule. Il y a en général une succession de vagues, à intervalle régulier. Quand une vague passe, la surface de l’eau monte. Puis elle redescend. Elle remonte quand arrive la vague suivante. Il n’y a donc pas seulement perturbation, mais une suite régulière de perturbations. Pourquoi n’en serait-il pas de même avec la lumière ? Tout comme la fréquence de vibration de l’air détermine la hauteur du son que nous entendons, de même, la fréquence de vibration de la lumière ne pourrait-elle pas expliquer notre perception des couleurs ?Regardez les ondes formées par des gouttes de pluie qui tombent dans des flaques : l’onde n’est pas constituée d’un seul cercle, mais de plusieurs cercles concentriques. C’est que la surface de l’eau est élastique. Après avoir été perturbée, elle tend à revenir dans sa position d’équilibre, mais, comme un ressort, elle peut dépasser cette position d’équilibre et ainsi créer elle-même une nouvelle perturbation qui va se déplacer à son tour. Et ainsi de suite. La surface de l’eau se comporte en « oscillateur harmonique », de même qu’un élastique tendu, une corde de guitare, un pendule ou certains circuits électriques… Bien entendu, la vibration va s’atténuer progressivement. Mais au lieu d’une seule onde, nous avons un paquet d’ondes : plusieurs ondes qui se suivent à un rythme plus ou moins régulier.En répétant périodiquement le phénomène qui est a l’origine d’une onde, nous pouvons créer des paquets de très nombreuses ondes à un rythme parfaitement régulier. On parle alors d’onde périodique. Les ondes périodiques sont tellement importantes que le terme “onde” (au singulier) désigne souvent, en fait, une onde périodique (par exemple dans la phrase : “le son est une onde”). Gare à la confusion !

Fréquence et longueur d’ondeNous devons introduire de nouvelles grandeurs pour quantifier la “périodicité” de l’onde. Nous avons supposé que la perturbation se répétait à un rythme régulier. Comment mesurer ce rythme ? Soit en mesurant le temps qui sépare deux perturbations (on l’appelle la période de l’onde et on l’exprime en seconde), soit en mesurant combien de perturbations se suivent par unité de temps (on appelle cela la fréquence de l’onde et on l’exprime en Hertz . 1 Hz = 1 vibration par seconde). On comprendra aisément que période et fréquence contiennent la même information sous une forme différente : l’un est l’inverse de l’autre.On peut encore mesurer autre chose: quelle distance sépare deux ondes successives ? En d’autres mots, quelle distance parcourt une onde, avant que n’arrive la suivante. Le résultat dépend évidemment de deux choses : la vitesse de l’onde et sa période (ou sa fréquence, ce qui revient au même). Plus la vitesse et la période sont grandes, plus la distance qui sépare deux ondes sera grande aussi. On appelle cette distance la longueur d’onde (elle s’exprime en mètres).

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Longueur d'ondeλ

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Si on représente la fréquence par f, la vitesse de propagation de l’onde par v et la longueur d’onde par la lettre grecque, alors ces grandeurs sont reliées entre elles par les formules :

f = λ/T

λ = v . T

ou encore:

v = λ . f

Dans le cas de la lumière, Thomas Young suppose que la fréquence détermine la couleur de l’onde.

Dans le cas du son, les fréquences audibles par l’homme vont de 16Hz à 20.000 Hz. La note LA correspond à 440 Hz. Et chaque fois qu’on monte d’une octave, la fréquence double.

Les phénomènes d’interférenceRegardons deux séries de vagues qui se croisent à la surface de l’eau. Là où deux crêtes se rencontrent, apparaît une nouvelle crête, plus haute encore. De même pour deux creux. Par contre, quand une crête rencontre un creux, les deux effets s’annulent mutuellement : à cet endroit-là, c’est comme s’il n’y avait pas de vague. C’est ce qu’on appelle des phénomènes d’interférence.Les interférences sont notamment responsables des phénomènes de battements que l’on peut entendre quand deux ondes sonores de fréquence très proche se croisent. Le graphique ci-dessous, où l’on a représenté l’amplitude en fonction du temps, illustre et montre ce qui se passe.

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Voici un détail de cette courbe :

t

Autre exemple : l’interférence, en un point, de deux ondes de même fréquence mais de « phase » différente. C’est-à-dire que les « sommets » et les « creux » sont un peu décalés dans le temps. Selon l’ampleur du « déphasage », les deux ondes vont plutôt interférer positivement ou négativement. On peut donc obtenir le « calme » en additionnant deux perturbations.

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Dans le cas des ondes sonores, l’interférence est notamment responsable des phénomènes de résonances : une onde interfère avec elle-même lorsqu’elle se réfléchit sur les parois d’une cavité fermée. L’interférence n’est positive que si la longueur de la cavité correspond à un multiple d’une demi-longueur d’onde. Dans ce cas, on obtient une « onde stationnaire ». Ce phénomène est utilisé dans la majorité des instruments de musique à vent. On modifie la hauteur de la note

Interférence dans les phénomènes lumineux

En est-il de même dans le cas de la lumière ? Peut-on obtenir l’obscurité en ajoutant de la lumière à de la lumière ?

Thomas Young connaît bien les ondes et les phénomènes ondulatoires pour les avoir étudiés dans le cas du son, notamment. Quand il s’attaque au grand problème resté en suspens dans l’optique, les franges claires et sombres qui apparaissent dans la diffraction par un fil (expérience de Grimaldi) ou dans la réflexion par les couches minces, il est immédiatement persuadé de retrouver là des phénomènes analogues aux interférences d’ondes sonores ou de vagues.

Selon Young, l’apparition de franges claires et obscures des deux côtés de l’ombre d’un fil très mince est due à l’interférence des ondes passant juste à gauche ou à droite du fil. Selon Newton, il s’agit au contraire de l’action d’une force réfringente. Young imagine une expérience. Si Newton a raison, le fait de masquer l’un des côtés du fil ne devrait avoir aucune influence sur les franges de l’autre côté. Young installe son dispositif, masque l’un des côtés : toutes les franges disparaissent.Young est persuadé d’être tout près de la solution. Mais il lui faut une expérience décisive et il la trouve. Si on éclaire un écran percé d’un petit trou, celui-ci se comporte comme une source ponctuelle. Si un deuxième trou est percé à proximité du premier, les deux faisceaux se superposent et vont interférer. Dans certaines zones, les deux ondes arrivent en même temps (interférence positive) ; ailleurs elles sont déphasées et elles s’annulent mutuellement (interférence négative).

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L’expérience est facile à réaliser et elle est immédiatement concluante : des bandes claires et des bandes sombres apparaissent là où Young les attendait. Quand il bouche l’un des deux trous, les bandes sombres disparaissent. Cette fois c’est certain : il a obtenu de l’obscurité en ajoutant de la lumière à de la lumière !

On peut facilement observer l’interférence de la lumière en regardant des couches transparentes très minces (par exemple une fine pellicule d’huile flottant sur l’eau) ou des surfaces percées de petits trous réguliers et très rapprochés (comme c’est le cas d’un Compact Dic). Ces observations font voir les « couleurs de l’arc-en-ciel ». Pourquoi ? Parce que l’interférence dépend de la longueur d’onde, c’est-à-dire de la couleur : on ne voit pas les mêmes couleurs dans toutes les directions.

La mesure de la longueur d’onde de la lumière

Young va plus loin encore. Il mesure l’écart entre les bandes claires et sombres et il en déduit la longueur d’onde de la lumière. Comment procède-t-il ?Ce schéma vous l’explique :

Frange claire

Frange sombre

λ/2

d

i

aFrange claire

Frange sombre

id

=λ /2a

λ =2 i ad

Young mesure et fait ses calculs. Il obtient des résultats allant de 0,7µ pour la lumière rouge à 0,42µ pour le violet. Il vient de mesurer, pour la première fois, la longueur d’onde de la lumière. Pour la première fois ? Cent ans plus tôt, Newton avait obtenu déjà ces résultats lors de ses recherches sur la réflexion par les couches minces. Mais l’illustre compatriote de Young n’avait pas voulu y voir une longueur d’onde : ceci aurait remis en question toute sa théorie corpusculaire.

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Le modèle mathématique de FresnelYoung a publié le résultat de ses recherches en 1804. L’accueil, en Angleterre, n’est pas froid... il est franchement hostile ! Le savant se fait attaquer de toutes parts, à tel point que, découragé, il abandonne ses travaux.Dix ans plus tard, en France, Augustin Fresnel effectue des expériences similaires et il en tire les mêmes conclusions que Young (dont il ignore les travaux). Mais Fresnel dispose d’un atout important par rapport à son collègue britannique : comme ingénieur, il a acquis une solide formation mathématique. Il va réaliser ce dont Young a été incapable : un modèle mathématique des ondes lumineuses. Grâce à ce modèle, il calcule non seulement la position des franges dans l’interférence par deux ouvertures (ce que Young avait déjà fait) mais il prévoit et vérifie également l’intensité lumineuse de ces franges.Plutôt que de publier directement ses résultats, Augustin Fresnel les envoie d’abord à un membre de l’Institut à Paris, Arago. Celui-ci est rapidement enthousiasmé par les théories du jeune ingénieur et l’encourage à poursuivre ses travaux.Petit à petit, Arago et Fresnel parviennent à surmonter les critiques des partisans — encore nombreux et acharnés — du modèle newtonien. En 1819 Fresnel obtient un prix décerné par l’Académie des Sciences sur l’étude de la diffraction. Fresnel écrit :

«Le système qui fait constituer la lumière dans les vibrations d’un fluide infiniment subtil répandu dans l’espace conduit ainsi à des explications satisfaisantes des lois de la réflexion, de la réfraction, du phénomène des anneaux colorés et enfin de la diffraction, qui présente des phénomènes dont la théorie newtonienne n’a jamais pu rendre raison. À la vérité, la double réfraction et la polarisation n’ont pas encore été expliquées dans le système des ondulations, mais l’ont-elles été davantage dans celui de Newton ? »Cette fois, la victoire du modèle ondulatoire est inéluctable. Mais il reste des problèmes : qu’est-ce que ce « fluide infiniment subtil », cet « éther » dans lequel se propagent les ondes ? Qu’est-ce que la « polarisation » que Fresnel admet, en 1819, ne pas savoir expliquer ?

La polarisationNous avons vu au chapitre précédent que Huyghens avait étudié le problème de la double réfraction par certains cristaux. Il en avait même donné une ébauche d’explication (ce que ne fit jamais Newton). Mais certains aspects de ce phénomène restaient incompréhensibles.Quand on fait passer la lumière réfractée par un cristal de calcite dans un second cristal de calcite, on observe que, lorsqu’on fait tourner le deuxième cristal autour de l’axe du rayon lumineux, le rayon qui en sort change d’intensité. Quand les deux cristaux forment un angle de 90°, il n’y a plus de lumière du tout qui passe.Plus tard, on a découvert qu’on pouvait réaliser plus facilement cette expérience avec certains cristaux taillés en lames très fines. Voici un dessin qui illustre cette expérience.

La lumière arrive perpendiculairement sur les deux cristaux. Quand on tourne le deuxième cristal de 90° autour de l’axe du rayon lumineux, on peut faire entièrement disparaître la lumière à la sortie du dispositif.

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Fresnel en déduit que la lumière qui sort du premier cristal doit avoir une propriété particulière. Il l’appelle « polarisation ». Pour rendre compte de cette propriété, Fresnel est amené à attribuer aux ondes lumineuses une caractéristique importante : ce sont des ondes transversales. Nous allons d’abord expliquer la différence entre ondes transversales et ondes longitudinales, puis montrer pourquoi la polarisation de la lumière implique qu’elle est constituée d’ondes transversales et quelles sont les conséquences de cette conclusion.

Les ondes lumineuses sont transversalesDans une onde longitudinale, tout se passe dans l’axe de propagation de l’onde. Si la lumière était une onde longitudinale, on voit mal comment le fait de tourner un cristal autour de cet axe peut affecter le passage de l’onde. Pourquoi une direction serait-elle privilégiée par rapport à l’autre ?Par contre, ce phénomène peut s’expliquer si on suppose que les ondes lumineuses sont transversales. Fresnel suppose que le cristal polarisateur a justement pour propriété de ne laisser passer que les ondes dont la perturbation transversale est orientée d’une certaine manière. Après le passage à travers la première lame de cristal, toutes les « perturbations lumineuses » ont la même orientation. Si le second cristal est orienté de la même manière, pas de problème, mais si on le tourne autour de l’axe du rayon de lumière, la perturbation passe « de plus en plus difficilement ». Une fois que les deux cristaux sont à 90°, la lumière polarisée ne passe plus du tout.On peut se représenter ce qui se passe, si on considère une longue corde agitée dans tous les sens. Les mouvements de la corde se propagent à la manière d’une onde transversale. Si la corde traverse une fente étroite, les ondes qui en sortent seront toutes orientées parallèlement à cette fente. Si on place ensuite une seconde fente, perpendiculaire à la première, les ondes sont arrêtées. Par contre, si la seconde fente est parallèle à la première, elle laisse passer les ondes sans aucun problème.

Qu’est-ce que l’éther ?Fresnel est donc persuadé que les ondes lumineuses sont transversales. Mais ceci pose un gros problème. On avait toujours pensé que l’éther, le milieu matériel dans lequel se propagent les ondes lumineuses, était un milieu très « fluide ». D’abord parce qu’on ne le perçoit pas. Si l’éther était un milieu matériel dense, on devrait pouvoir le « toucher », il devrait notamment opposer une résistance au mouvement des corps. Ensuite, il faut que cet éther s’insinue partout, notamment dans les corps transparents, comme le verre, les cristaux, l’eau, etc... Cela semble difficile à imaginer si l’éther n’est pas « infiniment fluide ».Seulement voilà, nous avons vu que les ondes transversales ne se propagent que dans les milieux « visqueux » ! Comment l’éther peut-il être à la fois « visqueux » et « infiniment fluide » ? Fresnel ne parviendra pas à répondre à cette question. D’ailleurs personne n’y parviendra. Comme nous le verrons, il faudra abandonner l’idée même de l’éther.Mais n’anticipons pas. Pour l’instant (c’est-à-dire en ce début du XIXe siècle), le modèle ondulatoire de Fresnel est — et de loin — le modèle le plus convaincant pour expliquer les phénomènes lumineux. Il va

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d’ailleurs recevoir, quelques années plus tard, une nouvelle « démonstration » éclatante : la mesure de la vitesse de la lumière dans les milieux denses.

L’expérience de Fizeau20 ans après la mort de Fresnel, le physicien Fizeau parvient à mesurer la vitesse de la lumière dans le verre et dans l’eau. En quoi cette mesure est-elle importante ?Selon le modèle corpusculaire de Newton, les particules de lumière, en arrivant à proximité d’un corps dense (par exemple du verre), subissent une force qui va les accélérer, les attirer vers le verre. Cette force est alors responsable de la réfraction de la lumière. Cependant, ceci implique que, dans le verre, les grains de lumière accélérés se déplacent plus rapidement que dans l’air.Par contre, selon Huyghens — et plus tard selon Fresnel et Young — les ondes lumineuses se déplacent plus lentement dans le verre que dans l’eau. Et dans leur modèle c’est précisément ce changement de vitesse qui est la cause de la réfraction (lorsque l’onde ne frappe pas la surface perpendiculairement).Vers 1840, Fizeau parvient à mesurer la vitesse de la lumière dans le verre. Il trouve non seulement qu’elle est plus petite que dans l’air, mais il trouve que la différence de vitesse est précisément celle qui était prévue par la théorie ondulatoire. C’est l’ultime consécration d’une théorie dont, entre-temps, plus personne doutait.Mais en physique comme dans toutes les sciences, il faut se méfier des « grandes victoires » et des « résultats définitivement acquis ». Quelques années plus tard seulement, la théorie de la lumière va connaître de nouveaux bouleversements conceptuels. Cette fois, le choc arrivera d’où l’on ne l’attendait pas du tout, de deux branches de la physique apparemment tout à fait distinctes et qui n’avaient semblait-il rien à voir avec la lumière : l’électricité et le magnétisme.

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V. Ondes électromagnétiquesNous voici arrivés au milieu du XIXe siècle. La lumière est une onde, plus personne n’en doute maintenant. S’il n’y avait cette ennuyeuse question de la nature de l’éther, on pourrait croire que tout a été dit.Pourtant, de nouveaux bouleversements vont survenir dans la foulée de découvertes qui, en apparence, n’ont rien à voir avec la lumière : elles concernent les phénomènes électriques et magnétiques. Revenons, si vous le voulez bien, un peu en arrière.Le magnétisme est connu depuis le moyen âge : on sait que certains métaux ont naturellement la propriété de s’attirer ou de se repousser ; que la terre elle-même est magnétique (d’où l’utilisation des aimants pour fabriquer des boussoles) ; on sait même fabriquer des aimants artificiels. On sait, enfin, qu’un aimant à toujours deux « pôles », indissociables ; on les appelle pôle « nord » et pôle « sud »; deux pôles identiques se repoussent, deux pôles différents s’attirent.Les phénomènes électriques, eux, font l’objet d’études scientifiques depuis le XVIIIe

siècle : l’existence de charges positives et négatives (à l’époque on parle plutôt de « fluides électriques » que de charges) ainsi que les courants électriques sont des notions acquises quand commence le XIXe siècle. En 1790-1800, les Italiens Galvani et Volta inventent la pile électrique. On peut maintenant produire des courants « à volonté» et donc faire des expériences impossible jusqu’alors.Depuis plusieurs années, des savants soupçonnaient qu’il devait y avoir un lien entre le magnétisme et l’électricité. En effet, ces deux phénomènes présentent beaucoup de similitude : deux charges, deux pôles ; forces attractives ou répulsives. Grâce à la pile de Volta, de plus en plus développée, le physicien danois Hans Christian Oersted (1777-1851) va montrer, en 1820, qu’un courant passant dans un fil électrique peut faire dévier une aiguille aimantée située à proximité. Ce sera le point de départ d’une série de développements de la physique qui vont aboutir à une théorie nouvelle et moderne : celle de l’électromagnétisme.

La découverte d’OerstedSchématisons le dispositif expérimental d’Oersted. Un fil électrique est disposé horizontalement. En dessous du fil, se trouve une aiguille aimantée qui peut pivoter autour d’un axe vertical. Tant qu’aucun courant ne traverse le fil, l’aiguille s’oriente vers le Nord, comme une boussole.Oersted branche alors le fil sur une pile électrique. Immédiatement, l’aiguille change de direction. Comment s’oriente l’aiguille ? Ce n’est pas facile à décrire, mais c’est essentiel. L’aiguille ne s’oriente pas avec une pointe vers le fil ; elle ne s’oriente pas non plus parallèlement au fil ; au contraire, l’aiguille s’oriente perpendiculairement au plan vertical qui contient le fil.Oersted constate encore que le résultat ne dépend pas de la nature du métal utilisé comme conducteur (pour le fil électrique) et que l’aiguille se retourne de 180 si on change le sens de passage du courant électrique.Cette expérience est étrange à plus d’un titre. D’abord elle met en évidence qu’il y a un lien entre électricité et magnétisme. Mais, surtout, l’orientation de l’aiguille est troublante. Puisqu’il faut supposer qu’il y a ici une force qui agit à distance, celle-ci est néanmoins d’une nature toute différente des autres forces connues à ce jour. La force de gravitation, la

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force électrostatique (entre deux charges électriques) et la force magnétique (entre deux pôle d’un aimant) agissent toujours suivant l’axe qui relie les corps en interaction. Or, cette fois, il n’en est rien.

L’interprétation d’Ampère : le magnétisme dépasséLe 11 septembre 1820, le physicien français Ampère apprend les expériences d’Oersted. Dès le 18 septembre, il présente à l’Académie les résultats de nouveaux travaux et une théorie capable d’englober tous ces phénomènes nouveaux.Ampère se dit : si un courant électrique agit sur un aimant, il exerce donc une force de type magnétique. Mais alors, deux courants électriques, qui exercent tous deux une force magnétique, devraient interagir entre eux. Ampère fait l’expérience et découvre que deux fils parallèles s’attirent quand les courants qui les traversent sont de même sens et qu’ils se repoussent dans le cas contraire. Cette force est « normale », c’est-à-dire qu’elle agit selon la direction qui relie les deux fils et son intensité est inversement proportionnelle au carré de la distance qui sépare les deux corps : comme la force de gravitation. Tout va bien les habitudes ne sont pas trop bousculées.Ampère a alors une idée de génie : si les courants électriques produisent des champs magnétiques, peut-être est-ce là l’explication du magnétisme ? Ampère postule donc que les « particules » qui composent un aimant sont de petits circuits électriques circulaires. De cette manière, il parvient à fournir une explication convaincante de l’expérience d’Oersted. Il faudra attendre le XXe siècle pour confirmer cette dernière hypothèse d’Ampère : on sait aujourd’hui que le magnétisme est produit par la rotation des électrons autour de s noyaux atomiques.

Les « champs » de FaradayLes forces décrites par Ampère sont des forces théoriques agissant entre deux fils « infiniment longs », parallèles, immobiles et parcourus par des courants continus. La réalité est rarement aussi simple... Manifestement, les méthodes de la physique classique (la physique « mécanique » de Newton) ne conviennent guère pour rendre compte de ces phénomènes bizarres. Il fallait un « souffle nouveau »; il vint d’un autodidacte anglais : Michael Faraday. Celui-ci cherche un moyen de décrire précisément l’action des courants et des aimants dans tout l’espace qui les entoure. Manquant de formation mathématique, il a l’idée de caractériser les forces qui s’exercent en tous points en regardant tout simplement comment elles orientent des petits fragments de limaille de fer. Nous pouvons nous amuser à reproduire ces expériences : étalons un peu de limaille de fer sur une feuille de papier bristol et plaçons celle-ci sur un petit barreau aimanté. Immédiatement, la limaille s’oriente selon des lignes bien définies que Faraday appelle lignes de forces et qu’il va interpréter ainsi :1. chaque petit morceau de limaille prend la direction de la force qui s’exerce sur lui ; la tangente à la courbe en un point quelconque de celle-ci a même direction que le fragment de limaille placé en ce point ; elle donne donc la direction de la force en ce point ;2. les lignes sont plus serrées près des pôles de l’aimant, là où les forces sont plus grandes ; la densité des lignes permet donc de caractériser l’intensité des forces ? À l’aide d’un moyen très simple, Faraday vient de définir l’ensemble des actions produites par un aimant, de décrire ce qui sera appelé son champ de forces ou encore son champ magnétique.

Un concept fructueuxFaraday constate que les lignes de champ produites par une boucle circulaire de fil électrique sont semblables à celles d’un aimant ; l’effet est encore plus frappant quand on enroule plusieurs boucles de fil autour d’un cylindre (on obtient alors un solénoïde). La ressemblance des lignes de champ suggère à Faraday que le solénoïde a peut-être d’autres points de ressemblance avec l’aimant. Après quelques expériences, il

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observe en effet que le solénoïde a un pôle nord et un pôle sud qui se comportent exactement comme ceux d’un aimant.Une centaine d’années plus tard, Albert Einstein commentait ainsi la découverte de Faraday :«Il serait plutôt difficile de voir une forte similitude entre le courant traversant un solénoïde et un barreau aimanté, si elle ne nous était pas révélée par notre construction du champ (...) Nous avons (donc) le droit de regarder le champ comme plus important qu’il ne paraissait au début. Les propriétés du champ seules paraissent essentielles pour la description des phénomènes ; la différence des sources n’a aucune importance. Le concept de champ s’est révélé très utile par le fait qu’il a conduit à de nouveaux faits expérimentaux. Il a commencé par être quelque chose qui était placé entre la source et l’aiguille aimantée, pour servir à la description de la force agissante. Mais maintenant, l’agent sert aussi d’interprète, qui traduit les lois dans un langage simple et clair et facilement intelligible.Le premier succès de la description du champ suggère qu’il serait commode de considérer toutes les actions des courants, des aimants et des charges d’une manière indirecte, c’est-à-dire à l’aide du champ comme interprète. Un champ peut être considéré comme quelque chose qui est toujours associé à un courant. Il est là, même en l’absence d’un pôle magnétique qui décèle son existence ».Signalons au passage que Faraday a ainsi découvert l’électro-aimant : un aimant « artificiel », dont on peut varier à souhait l’intensité du champ magnétique en faisant varier l’intensité du courant électrique qui le traverse. C’est une découverte qui va avoir des répercussions technologiques fantastiques : elle va notamment permettre la fabrication de moteurs électriques et d’appareils de mesure de haute précision (voltmètres et ampèremètres).

Le courant induitFaraday va faire encore une découverte importante : quand il approche brusquement un aimant d’une boucle de cuivre, un bref courant électrique apparaît dans celle-ci. Faraday interprète cette observation en termes généraux : toute variation d’un champ magnétique entraîne, dans un conducteur fermé, un courant électrique ; on l’appelle le « courant induit » (ce phénomène est exploité dans les dynamos et alternateurs, pour produire du courant électrique à partir d’une énergie mécanique).Mais qu’est-ce qu’un courant ? Essentiellement : des charges électriques en mouvement. Et pourquoi des charges électriques se mettent-elles en mouvement ? Parce qu’on les soumet à une force., donc à un « champ électrique ». En résumé on peut dire qu’en approchant un aimant de la boucle, donc en faisant varier le champ magnétique, on a produit un champ électrique !

Lien entre les champsNous venons de voir qu’une variation du champ magnétique produit un champ électrique.Mais que nous apprend l’expérience d’Oersted ? Qu’un courant électrique (c’est-à-dire un déplacement de charges, c’est-à-dire une variation du champ électrique) peut faire dévier une boussole (c’est-à-dire :entraîne un champ magnétique). Répétons : une variation du champ électrique produit un champ magnétique.La notion de champ a été admirablement féconde : en deux petites phrases symétriques, nous venons de synthétiser tous les acquis de l’électromagnétisme ! Il ne s’agit pas seulement d’une description théorique, mais de toute une nouvelle manière de penser les phénomènes électriques et magnétiques.Un exemple : quand on éteint une lampe, on voit parfois une petite étincelle dans l’interrupteur. Pourquoi ? En coupant le courant, nous supprimons le champ magnétique qui était engendré par ce courant ; la suppression de ce champ magnétique engendre un courant induit, très bref, mais très intense, qui passe dans l’interrupteur ; puisque le circuit de celui-ci est maintenant ouvert, une étincelle se produit (un petit éclair, dû au passage d’un courant électrique dans l’air).

La réalité du champDans la description de la production d’une étincelle dans un interrupteur, nous avons fait appel à la notion de champ magnétique. Mais il n’y a pas le moindre petit aimant qui intervient dans ce processus ! Alors que le champ magnétique était, au début, une notion utile pour décrire l’action des aimants ou l’action sur les aimants, elle est maintenant devenue une réalité physique indépendante !Une autre conséquence importante peut être déduite de la même expérience : un champ magnétique a disparu et une étincelle a été créée. Une étincelle représente de l’énergie, donc le champ magnétique aussi.

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Un champ magnétique (ou électrique) même en l’absence de « boussole » (ou de charge électrique) représente un « réservoir d’énergie ». Voilà une autre manière de dire que le champ a bien une réalité physique ; que ce n’est pas seulement une « manière de décrire ce qui se passe ».

De Faraday à Maxwell Ci-dessus, nous avons volontairement pris quelques libertés avec la réalité historique. Faraday n’a jamais vraiment formulé ses conclusions aussi clairement que ce que nous avons fait ci-dessus. Il lui a fallu des années pour que, petit à petit, s’impose l’idée d’un champ qui « existe » vraiment. Incapable de formuler mathématiquement ses idées, Faraday se rabattait sur des représentations où les champs évoluaient dans des « tubes de force », etc. À vrai dire le modèle de Faraday était tellement naïf que peu de physiciens de l’époque y prêtèrent attention.Mais entre 1850 et 1875, un autre britannique — l’Angleterre est alors à la pointe de la révolution industrielle Ñ nommé James Clerk Maxwell, va reprendre les idées de Faraday et tenter de les articuler dans un modèle théorique cohérent.Lui aussi travaille d’abord par analogies : il imagine un modèle mécanique, où l’espace est rempli de rouages compliqués, dont la rotation représente la propagation des champs électrique et magnétique. Ce modèle est horriblement complexe, mais il rend bien compte de tous les phénomènes électromagnétiques connus.Alors Maxwell, ignorant les railleries de ses collègues, entreprend de décrire son modèle mathématiquement. Les équations qu’il trouve — et qu’on appelle encore aujourd’hui : équations de Maxwell — sont simples et vont jouer un rôle clé dans l’évolution vers la physique moderne ? «Elles marquent » dit Albert Einstein, « l’événement le plus important en physique depuis le temps de Newton ».Une des conséquences majeures de ces équations c’est que les forces électriques et magnétiques ne sont plus des actions instantanées à distance, comme on l’avait toujours cru, mais que les champs (ou plutôt leur variation) se déplacent dans l’espace à une vitesse finie. Ceci impliquait aussi que l’espace avait

certaines propriétés électriques et magnétiques qui devaient, selon Maxwell, lui être conférées par la présence d’un éther électromagnétique.Mais la conséquence la plus spectaculaire des équations de Maxwell, c’est sans aucun doute qu’elle permettent de prévoir l’existence d’ondes électromagnétiques.

Les ondes électromagnétiquesSi, en un endroit donné, on crée un champ électrique oscillant, celui-ci va créer un champ magnétique, également oscillant. Mais à son tour, la variation du champ magnétique provoque un nouveau champ électrique variable ; et ainsi de suite : une perturbation électromagnétique se propage de proche en proche, à travers l’espace.Ces ondes électromagnétiques sont une des conséquences les plus étranges des équations de Maxwell.Mais Maxwell ne prédit pas seulement l’existence de ces ondes (Faraday aussi aurait pu imaginer la propagation d’une perturbation du champ électrique et magnétique) ; surtout, Maxwell peut en prédire la vitesse... 300.000 km/s. Exactement la vitesse de la lumière, que Fizeau vient de mesurer avec grande précision ! De là à imaginer que les ondes lumineuses sont en fait des ondes électromagnétiques, il n’y a qu’un pas. Et la

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ressemblance ne s’arrête pas là. Maxwell trouve aussi que les ondes « électromagnétiques » sont des ondes transversales ! Tout comme les ondes lumineuses, à en croire la théorie de Fresnel sur la polarisation...

Maxwell et la lumière

Dans son Traité d’électricité et de magnétisme, Maxwell écrivait en 1873 : « En plusieurs occasions, on a tenté d’expliquer les phénomènes électromagnétiques par une action mécanique transmise d’un corps à un autre par l’intermédiaire d’un milieu qui remplirait l’espace compris entre les corps. La théorie ondulatoire de la lumière suppose aussi l’existence d’un milieu. Nous avons maintenant à montrer que le milieu électromagnétique a des propriétés identiques à celles du milieu où se propage la lumière.«Remplir l’espace d’un nouveau milieu toutes les fois que l’on doit expliquer un nouveau phénomène ne serait point un procédé bien philosophique ; au contraire, si, étant arrivés indépendamment par l’étude de deux branches différentes de la science à l’hypothèse d’un milieu, les propriétés qu’il faut attribuer à ce milieu pour rendre compte des phénomènes électromagnétiques se trouvent être de la même nature que celles que nous devons attribuer à l’éther lumineux pour expliquer les phénomènes de la lumière, nos raisons de croire à l’existence physique d’un pareil milieu se trouveront sérieusement confirmées.«Mais les propriétés des corps sont susceptibles de mesures quantitatives. Nous obtenons ainsi la valeur numérique de certaines propriétés du milieu, par exemple de la vitesse avec laquelle s’y propage une perturbation, vitesse que nous pouvons calculer d’après les expériences électromagnétiques et que nous pouvons observer directement dans le cas de la lumière. Si l’on trouve que la vitesse de propagation des perturbations électromagnétiques est la même que la vitesse de la lumière, et cela, non seulement dans l’air, mais dans tous les autres milieux transparents, nous aurons de fortes raisons de croire que la lumière est un phénomène électromagnétique, et, par la combinaison des preuves optiques et électriques, nous nous convaincrons de la réalité de ce milieu, absolument comme, dans le cas des autres espèces de matière, nous nous convainquons par le témoignage combiné des sens ».

Confirmation des thèses de MaxwellMaxwell meurt en 1879, sans que ses conclusions soient reconnues et sans qu’aucune vérification ne soit tentée par qui que ce soit. «Cette attitude constante du monde scientifique ne doit pas nous étonner, indique Bernard Maitte. À décrire systématiquement les travaux dont l’histoire a montré la fécondité, nous déformons la perspective de l’époque. Les idées novatrices s’opposent toujours aux conditionnements des chercheurs. Ceux-ci ne peuvent remettre en cause en un instant les idées dominantes et le cadre conceptuel dans lequel ils ont toujours travaillé ».Mais en 1885, l’ingénieur Heinrich Hertz découvre des ondes produites par une source électromagnétique. Il fait une série d’expériences : il montre que ces ondes sont transversales, il calcule leur longueur d’onde (1 mètre). Très vite, le monde scientifique s’intéresse à cette curiosité. On mesure la vitesse des « ondes hertziennes »: 300.000 km/s ! Alors on se souvient des théories de Maxwell et l’on se rend compte qu’elles expliquent parfaitement tout cela.Les « ondes hertziennes » vont, plus tard, donner naissance au « télégraphe sans fil » puis à radio.En 1895, Röntgen découvre des radiations qui peuvent traverser certains tissus vivants et pas d’autres: les rayons X. Il mesure leur longueur d’onde : 10-9 mètres. Là encore, il s’agit d’ondes électromagnétiques.

Classification des ondes électromagnétiquesEntre les rayons X et les ondes hertziennes (et au-delà), il y a une gamme continue d’ondes électromagnétiques. Elles ont toutes la même vitesse dans le vide (300.000 km/s) mais elles diffèrent par leur longueur d’onde (et donc leur fréquence). Voici un aperçu des ondes électromagnétiques, d’après leur longueur d’onde (en mètre). On voit que la lumière visible n’est plus qu’un tout petit fragment de toutes ces sortes d’ondes. La lumière est une onde électromagnétique qui n’a finalement qu’une seule caractéristique bien particulière : nos yeux peuvent la voir !

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Certaines ondes électromagnétiques sont produites par des courants électriques circulant dans de conducteurs (ondes radio, télé et radar). D’autres sont produites par l’agitation moléculaire de la matière, qui fait « vibrer » les électrons (infrarouges). D’autres encore sont produites lorsque des électrons atomiques passent d’une « couche » d’énergie à une autre (infrarouges, lumière, ultraviolets). Les rayons X sont produits par le bombardement d’électrons sur une cible métallique. Les rayons Gamma sont produits dans des réactions nucléaires ou des collisions entre particules chargées d’électricité. Le point commun : un mouvement brutal ou une vibration d’une charge électrique produit une perturbation électromagnétique qui se propage dans les champs à la vitesse de la lumière.On découvrira bientôt – mais sans pouvoir l’expliquer – que chaque corps chauffé émet un « spectre » de rayonnement EM qui lui est particulier. Cette découverte jouera un rôle très important dans la compréhension de la structure des atomes et dans l’étude de la composition et du mouvement des étoiles.

La « fin » de l’histoire...Oui, l’histoire aurait pu s’arrêter là. La lumière est maintenant un phénomène entièrement décrit par une théorie cohérente. Elle a été dissoute dans les vastes phénomènes électromagnétiques. À la fin du XIXe siècle, un célèbre physicien britannique, lord Kelvin, pouvait déclarer : « La physique est définitivement constituée dans ses concepts fondamentaux ; tout ce qu’elle peut désormais apporter, c’est la détermination précise de quelques décimales supplémentaires. Il y a bien deux petits problèmes : celui du résultat négatif de l’expérience de Michelson et celui du corps noir, mais ils seront rapidement résolus et n’altèrent en rien notre confiance ».Pauvre lord Kelvin ! S’il avait su ! En l’espace de quelques années, ces « deux petits problèmes » vont provoquer des mutations qui bouleverseront tous les concepts fondamentaux, qui ébranleront toutes les certitudes. La valeur la plus sûre de la physique, la mécanique de Newton, va être renversée par deux théories révolutionnaires : la mécanique quantique et la relativité.Et une fois de plus, la lumière se trouve au centre des deux « petits problèmes » de lord Kelvin. Nos deux derniers chapitres partent chacun de l’un de ces problèmes.

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λ Type

10-1510-1410-1310-1210-1110-1010-910-810-710-610-510-410-310-210-1110100103104105106107

Rayons cosmiques

Rayons gamm!a

Rayons X

UltravioletLumière visibleInfrarouge"Chaleur"Etincelles

Radar

TélévisionRadio Ondes courtes"Ondes moyennes"

RadioGrandes ondes

(m)

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VI. La théorie de la relativitéLe vingtième siècle commence. Au centre de l’Europe, depuis sa victoire sur la France en 1871, la nation montante est l’Allemagne. Premier pays à s’être doté d’un enseignement obligatoire, il compte aussi les plus célèbres universités scientifiques d’Europe : Berlin, Francfort, Göttingen… Dans leurs laboratoires et leurs bureaux, une génération de chercheurs et de théoriciens allemands vont bouleverser la physique. Ils ne se doutent pas encore que le monde lui aussi va être bouleversé par la montée en puissance de leur pays. L’humanité s’apprête à livrer les deux guerres les plus meurtrières de son histoire…

La relativité de la vitesse en mécanique classiqueAvant d’aller plus loin, prenons un peu de repos au bord de la mer. Poussée par un bon vent d’ouest, une houle agite les flots en se propageant à une vitesse de 1,5 m/s vers l’Est. Un bateau à moteur bouge doucement dans la direction opposée, à une vitesse de 1m/s. Il avance donc vers les vagues. Si nous nous trouvons à la proue de ce bateau, à quelle vitesse voyons-nous arriver les vagues sur nous ? À 2,5m/s bien sûr : il faut additionner les vitesses.

Au contraire, si le bateau va d’ouest en est, il est rattrapé par les vagues. Si je me trouve à la poupe du bateau, je vois arriver les vagues à une vitesse 0,5m/s seulement.C’est là un effet classique de la loi de composition des vitesses. La vitesse est une notion relative. Quand je marche dans le couloir d’un train, je ne me déplace pas à la même vitesse par rapport au train et par rapport aux vaches qui le regardent passer. Fin de la pause. Revenons à la lumière et au début du XXe siècle.

L’expérience de Michelson-MorleyAu terme des découvertes de Maxwell on sait que la lumière se déplace dans l’éther (le champ électromagnétique) comme les vagues à la surface de l’eau. La vitesse est seulement « un peu » plus grande : 300.000 km/s. Mais nous-même, nous nous trouvons sur un bateau qui bouge lui aussi par rapport à l’éther. Ce bateau, c’est notre planète. La Terre tourne autour du Soleil à une vitesse d’environ 30 km/s. Lorsque nous mesurons la vitesse de la lumière, le résultat devrait donc être influencé par notre propre mouvement dans l’éther. Par exemple, si nous observons de la lumière qui se déplace dans le

Physique 6e — p 36

Les vagues se propagent à 1,5 m/s vers la droite

1 m/s

Les vagues arrivent sur le bateau à 2,5 m/s

Les vagues se propagent à 1,5 m/s vers la droite

1 m/s

Les vagues arrivent sur le bateau à 0,5 m/s

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même sens que le mouvement de la terre, ou dans le sens opposé, ou dans une direction perpendiculaire, nous devrions à chaque fois constater une vitesse (légèrement) différente pour la lumière.

En 1881, le physicien américain Albert Michelson entreprend de faire l’expérience. Son objectif : connaître avec précision la manière dont le mouvement de la terre affecte la vitesse de la lumière. Mais surprise : il ne trouve rien du tout ! Croyant que son dispositif expérimental est en cause, il reprend l’expérience en 1887, avec l’aide d’Edward Morley et avec du matériel plus performant. Toujours rien ! La vitesse de la lumière mesurée sur la terre est la même dans toutes les directions.Voilà le deuxième « petit problème » dont parlait Lord Kelvin. Un fameux problème en vérité. Car à moins de supposer que la terre fut immobile dans l’éther — ce qui impliquerait un retour au géocentrisme d’avant Copernic – il faut bien dire que personne n’avait la moindre idée de la raison de l’échec de Michelson et Morlay.

(Schéma de l’interféromètre utilisé parMichelson et Morlay pour leur expérience).

Physique 6e — p 37

La lumière se propage à 300000 km/s

La Terre se déplace à 30 km/s vers la gauche

La lumière se déplace à 300.030 km/s par rapport à nous

La lumière se propage à 300000 km/s

La Terre se déplace à 30 km/s vers la droite

La lumière se déplace à 299.970 km/s par rapport à nous

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Einstein : relativité du temps et de l’espaceEn 1905, Albert Einstein était un modeste fonctionnaire travaillant au Bureau des brevets, dans la ville de Berne, en Suisse. Sa fonction lui laisse pas mal de temps libre pour se consacrer à l’étude théorique de son sujet de prédilection : la lumière.Alors que tous ses contemporains et prédécesseurs s’étaient évertués à chercher la faille dans le dispositif de Michelson et Morlay, Einstein décide simplement d’accepter l’évidence : la vitesse de la lumière est une constante de l’univers. En d’autres mots, la lumière se déplace à la même vitesse par rapport à n’importe quel observateur, que celui-ci soit en mouvement ou au repos. Mais cela implique que la loi de composition des vitesses n’est pas exacte. Or, cette loi est basée sur la supposition apparemment évidente que l’espace et le temps sont des grandeurs absolues.Considérons deux personnes. L’une se trouve dans un train en mouvement, l’autre se trouve au bord de la voie. Toutes deux doivent mesurer la longueur de ce train. Elles doivent également mesurer le temps qui s’est écoulé entre le départ du train et son arrivée. Eh bien, selon les lois de la mécanique classique ces deux personnes obtiendront le même résultat. Pour la mécanique classique, les distances et les durées sont les mêmes, que l’on soit en repos ou en mouvement.Einstein se dit : puisque la loi de composition des vitesses ne fonctionne pas avec la lumière, c’est que le postulat qui est à la base de cette loi est inexact. Les distances et les durées ne sont donc pas les mêmes pour un observateur au repos et un observateur en mouvement. Einstein entreprend de chercher comment le temps et l’espace devraient « varier » en fonction de la situation de l’observateur. Et il trouve la solution au terme d’un calcul assez simple. Einstein publie sa théorie sous le titre « Sur l’électrodynamique des corps en mouvement ». Mais aujourd’hui elle est plus connue sous le nom de « Théorie de la relativité restreinte ».C’est une véritable révolution conceptuelle comme vous allez pouvoir en juger.

Dans la théorie de la relativité, l’intervella de temps qui sépare deux événements dépendra de l’état de mouvement de l’observateur. Soit ∆t le temps mesuré dans un système de référence A. Et soit ∆t’ le temps mesuré dans un autre système, B, qui se déplace par rapport à A à une vitesse v. On peut démontrer que ces deux temps sont différents et liés entre eux par la formule :

∆ t = ∆ t '

1− v2

c2

Dans cette formule, c représente la vitesse de la lumière. On peut tout de suite observer que si la vitesse v est petite (en comparaison de la vitesse de la lumière), alors v2/c2 est négligeable et le dénominateur vaut pratiquement 1. Voilà pourquoi, aux vitesses d’escargot auxquelles nous avons l’habitude de nous traîner, la relativité du temps n’est guère perceptible. On voit aussi que si v>c, alors l’argument de la racine carrée devient négatif, ce qui n’est pas possible. En d’autres mots, la vitesse de la lumière est une limite infranchissable. Mais que se passe-t-il si on approche très près de cette vitesse ? Imaginons qu’une fusée quitte la Terre pour un long voyage à une vitesse de 299.900 km/s. Deux cosmonautes âgés de 30 ans ont pris place à son bord. 10 ans s’écoulent, 20 ans, 30 ans… Cinquante ans après le départ, les plus vieux habitants de la Terre voient revenir la fusée qu’ils ont vue partir dans leur jeunesse. La porte s’ouvre, les cosmonautes apparaissent : ils n’ont pas pris une ride ! Ils n’ont vieilli que de quinze mois, à peine un peu plus d’un an. Et plus la vitesse se rapproche de la vitesse de la lumière, plus le temps ∆t’ devient court par rapport au temps ∆t.

Tout comme le temps, l’espace devient lui aussi relatif. Soit L’ la longuer d’une latte mesurée dans le référentiel B et L, la longueur de la même latte dans le référentiel A (B est en mouvement à une vitesse v parallèlement à la latte), alors :

Physique 6e — p 38

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L = L' . 1− v2

c 2

Donc si une fusée de 10m passe devant moi à une vitesse de 299.000 km/s, elle ne mesurera plus que 81 cm de long. Mais en largeur, rien ne change ! Et pour les personnes qui seraient à l’intérieur de la fusée, la longueur est toujours de 10m.Tout cela semble évidemment incroyable, parce que cela choque notre expérience quotidienne. Mais n’oublions jamais que notre expérience est limité à des vitesses très faibles et que les effets relativistes prévus par la théorie d’Einstein ne sont perceptibles qu’aux vitesses très élevées.Cette théorie est aujourd’hui largement vérifiée dans les faits. Certes, nous ne pouvons toujours pas atteindre des vitesses relativistes avec nos fusées (la navette spatiale se traîne lamentablement à quelque 8 km/s). Par contre nous pouvons accélérer de petites particules (protons, électrons…) à des vitesses proches de la vitesse de la lumière et nous observons alors que les prédictions d’Einstein sont parfaitement vérifiées. Par exemple, certaines particules instables ont une durée de vie très courte. Eh bien, on observe que lorsqu’elles sont accélérées à une vitesse proche de c, leur durée de vie augmente exactement dans la proportion prévue par la théorie. On a également fait l’expérience de placer une horloge extrêmement précise en orbite autour de la Terre. Après l’avoir ramenée, on a constaté qu’elle retardait très légèrement, exactement comme le prévoit la théorie d’Einstein.

Masse et énergieUne autre conséquence de la théorie de la relativité restreinte, c’est que l’énergie cinétique d’un corps de masse m animé d’une vitesse v n’est plus donnée par la vieille formule E=m.v2/2, mais bien par la formule :

E =m.c2

1 − v2

c2

La première constatation que l’on peut faire c’est que, lorsque la vitesse s’approche de la vitesse de la lumière, le dénominateur tend vers zéro et E tend donc vers l’infini. En d’autres mots, pour amener une masse m jusqu’à la vitesse de la lumière, il faudrait lui fournir une énergie infinie, ce qui est évidemment impossible (selon nos connaissances actuelles, il n’y aurait pas une telle énergie dans tout l’univers).

La deuxième constatation, c’est que même lorsque la vitesse est nulle, l’énergie, elle, n’est pas nulle. La formule devient alors :

E = m.c2

Cette très célèbre formule signifie simplement que toute masse représente de l’énergie et vice-versa. Mais quelle énergie ! Un kilogramme de matière (un litre d’eau par exemple) recèle ainsi une énergie fabuleuse de 9.1016 Joule. De quoi faire briller trente millions d’ampoules de 100 W pendant un an…Nous n’avons malheureusement pas la moindre idée de la façon dont on pourrait exploiter cette énergie. Malheureusement ? Ou faut-il dire « heureusement » ? En fait l’homme est parvenu à récupérer une infime partie de cette énergie de masse. Et qu’en a-t-il fait avant toute autre chose ? Une bombe atomique ! (voir plus loin).

Il y a une troisième constatation, très importante. Normalement, le calcul de l’énergie est impossible si v=c, car on obtient alors une division par zéro. Mais nous savons qu’une division par zéro n’est pas impossible lorsque le numérateur est lui aussi égal à zéro. En d’autres mots, le seul objet qui puisse se déplacer à la vitesse de la lumière doit avoir une masse nulle. Cet objet, c’est le photon, la particule de lumière, également découverte par Einstein. Dans ce cas, la formule ne nous dit pas quelle est l’énergie (le

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résultat est indéterminé), mais au chapitre suivant nous verrons qu’elle dépend de la fréquence via la formule de Planck (E=h.f).

La relativité généraleCe que nous venons de voir s’appelle « théorie de la relativité restreinte » parce qu’Einstein n’y aborde que les mouvements à vitesse constante. Fort de son succès, il s’attelle maintenant à étudier les mouvements accélérés et, parmi eux, le mouvement de chute des corps dans un champ de gravitation. Einstein n’a jamais vraiment été satisfait de l’explication newtonienne d’une force agissant mystérieusement à distance. Il va tenter de trouver une autre explication.Einstein commence par remarquer l’extrême similitude entre un système en mouvement accéléré et un système au repos dans un champ de gravitation (dans une fusée qui accélère à 9,81 m/s2, les cosmonautes ressentent exactement la même chose que s’ils étaient à l’arrêt sur Terre). Or, quelle est la différence entre un mouvement accéléré et un mouvement non-accéléré ? Si on les représente sur un graphique espace-temps, cela saute aux yeux : le mouvement uniforme et le repos sont représentés par des lignes droites, alors que le mouvement accéléré est une ligne courbe.

Mais cela n’est vrai que dans une représentation dans un plan orthonormé. Si nous représentons ces mouvements par rapport à un système d’axes moins conventionnel, sur une surface courbée, alors on obtient des résultats tout à fait différents. Einstein imagine donc que l’effet de la gravitation pourrait être dû à une courbure de l’espace-temps. Pour mettre au point cette théorie, il lui faudra de longues années de recherche et de calculs. Les mathématiques mises en œuvre sont particulièrement ardues. Ce n’est qu’en 1915 qu’il publie finalement son traité de la Relativité générale. Celui-ci postule que la présence de matière provoque une courbure de l’espace-temps. C’est cette courbure, et non une force agissant à distance, qui est responsable de s effets de la gravité.Tant que les champs de gravitation ne sont pas trop puissants, la théorie d’Einstein aboutit aux mêmes conclusions que celle de Newton. Mais leurs pronostics diffèrent quand les champs de gravitation sont très importants, comme c’est le cas par exemple à proximité du Soleil. Or, on avait observé que la planète Mercure, la plus proche du Soleil, ne semblait pas obéir exactement aux prévisions de la loi de Newton. On n’avait jamais pu expliquer cet écart. On refait les calculs avec la théorie d’Einstein : cette fois ça marche ! C’est la première vérification expérimentale de la Relativité générale. Il y en aura une deuxième, plus spectaculaire ou en tout cas plus médiatisée. Selon la Relativité générale, les rayons lumineux doivent s’incurver dans les champs de gravitation puissants (alors que la théorie classique prévoit que la lumière continue tout droit). En 1919, à l’occasion d’une éclipse totale du Soleil dans le Golfe de Guinée, une équipe britannique conduite par Arthur Eddington observe la lumière provenant d’une étoile située derrière le Soleil et constate que sa position apparente est légèrement décalée : les rayons lumineux ont donc bien été incurvés (remarque : en l’absence d’éclipse, on ne peut pas observer les étoiles situées derrière le Soleil, car la lumière de celui-ci nous éblouit).

Physique 6e — p 40

e

t

Mouvement accéléré

Mouvementuniforme

Repos

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Soleil Terre

EtoileTrajectoire de la lumière

Position apparente de lʼétoile

Une autre prédiction importante de la théorie de la relativité générale, concerne l’existence de « trous noirs » : des astres (formés par l’effondrement d’étoiles massives) tellement denses que même la lumière ne peut échapper à son champ de gravitation. En raison même de cette caractéristique, les trous noirs sont évidemment très difficiles à observer. Mais les astronomes ont déjà reperé quelques « candidats » plausibles.

Big BangL’hypothèse d’un univers « courbé » a constitué la base théorique du modèle cosmologique du Big Bang. En 1930 l’astronome Edwyn Hubble a mis en évidence que l’Univers est en expansion, c’est-à-dire que les Galaxies et les étoies s’éloignent les unes des autres à une vitesse d’autant plus grande que leur distance est élevée. On en est arrivé à supposer qu’il y a eu un moment dans le passé (il y a environ 15 milliards d’années) où toute la matière de l’Univers était concentré en un « point » (plus exactement, une « singularité » de densité et de courbure infinie). La découverte, en 1965, d’un « rayonnement fossile » produit au moment du Big Bang est venu étayer cette hypothèse.

Physique 6e — p 41

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Energie nucléaire

I. Que recouvre le terme "nucléaire" ?Le "nucléaire" regroupe l'ensemble des techniques, ou des industries relatives à l'énergie nucléaire : on parle de physique nucléaire, de centrale nucléaire, de force nucléaire, de puissance nucléaire... Une réaction au cours de laquelle des noyaux d'atomes subissent des transmutations, est une réaction nucléaire.

1. Un peu d'histoire.C'est en 1896, que le physicien français Henri Becquerel découvre que des noyaux atomiques instables peuvent se désintégrer. Ce phénomène spontané, aléatoire, s'accompagne de l'émission de particules α et β et d'un rayonnement γ très dangereux; il porte le nom de radioactivité.Pierre et Marie Curie se consacrèrent à l'étude de ce phénomène. Ils parvinrent à isoler le radium et le polonium, ce qui leur valut le prix Nobel de physique en 1903.

Cependant, lorsqu'on parle de production d'énergie nucléaire, on fait référence à un autre type de réaction : les réactions nucléaires provoquées.

• Chadwick, physicien anglais, prix Nobel en 1935, entreprit de bombarder des noyaux d'uranium 235 en utilisant des neutrons comme projectiles. La fission de noyaux lourds fut réalisée en 1938 par les Allemands Hahn et Stassmann.

• C'est à partir des années 1950, que des équipes de scientifiques de plusieurs pays s'intéressèrent à la fusion de noyaux légers (deutérium par exemple). Réalisée dans le Soleil depuis environ cinq milliards d'année, cette réaction n'est toujours pas maîtrisée sur Terre.

2. Quelles sont les caractéristiques d'un noyau atomique ?Rappelons qu'un atome est constitué d’un noyau chargé positivement, autour duquel gravitent des électrons chargés négativement. Un atome isolé est électriquement neutre.

Le noyau atomique est un assemblage de particules appelées nucléons.Il existe deux types de nucléons, caractérisés par leurs masses et leurs charges :

- les protons : mp = 1,673.10-27 kg qp = 1,602.10-19 C- les neutrons : mn ≈ mp = 1,675.10-27 kg qn = 0 C

La composition d’un noyau est déterminée par deux nombres :- le nombre de protons représenté par le numéro atomique ou nombre de charge Z;- le nombre de nucléons représenté par le nombre de masse A.

Le nombre de neutrons est alors représenté par N, tel que N = A - Z.

La notation d’un noyau atomique de l'élément X (ou nucléide) est : ZA X

Exemple : Les nucléides 614C sont les noyaux de l'élément carbone C, constitués de 14 nucléons,

soit 6 protons et 14 - 6 = 8 neutrons.

Physique 6e — p 42

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3. Qu'appelle-t-on isotope ?Un élément chimique est constitué par les nucléides de même numéro atomique Z.Les isotopes d'un élément chimique sont les nucléides de cet élément, qui diffèrent entre eux par le nombre de neutrons.

Ainsi, ZA X et ZA X' ayant même symbole X, même numéro

atomique Z, mais des nombres de masse A et A’ différents, sont des isotopes de l'élément X.

Exemples : 11H , 12H et 13H sont les isotopes de l’élément

hydrogène 1H.

612C , 613C et 614C sont les isotopes de l’élément

carbone 6C.

92234U , 92235U et 92238U sont les isotopes de

l’élément uranium 92U.

II. Le rapport entre masse et énergie.Albert Einstein (1879-1955), prix Nobel en 1921, est l'un des plus grands esprits scientifiques de tous les temps. Sa théorie de la relativité révolutionna les conceptions scientifiques, répondant ainsi à de nombreuses interrogations.

1. Comment expliquer la cohésion des noyaux atomiques ?Les forces électriques répulsives entre les protons devraient conduire à l'éclatement des noyaux. S'il n'en est rien, c'est qu'il existe une interaction attractive forte qui assure la stabilité des noyaux. On constate par ailleurs, que la masse d’un noyau (au repos) est toujours inférieure à la somme des masses des nucléons séparés (au repos), qui le composent.

m X mZA

nucléons séparés( ) < soit m X Z m A Z mZA

p n( ) . ( ).< + −

Le défaut de masse Δm d’un noyau, est la différence entre la somme des masses des nucléons séparés (au repos), et la masse du noyau (au repos).Pour un noyau ZA X ce défaut de masse s'exprime par la relation :

Δm Z m A Z m m Xp n ZA= + − −. ( ). ( )

Il y a donc lieu de penser que la cohésion des nucléons résulte du défaut de masse du noyau !

2. La théorie d'Einstein.

La dissociation d’un noyau en ses différents nucléons nécessite un apport d'énergie ΔE important. Elle s’accompagne d’une augmentation de masse Δm.

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En 1905, Albert Einstein postule qu’une particule possède de l’énergie du seul fait de sa masse. C’est pour cette raison qu’il appelle cette énergie, énergie de masse.

L’énergie de masse E d’une particule de masse m est exprimée par la célèbre relation :

E = m.c2 E : énergie de masse ( en J) ; m : masse (en kg) ; c : célérité de la lumière dans le vide (c = 3.108 m.s-1).

Remarque : En physique nucléaire, le joule est une unité d’énergie mal adaptée. C’est pourquoi on préfère utiliser l’électronvolt. 1 eV = 1,602.10-19 J

3. Quelle est l'énergie de cohésion d'un noyau ?C'est l'énergie nécessaire pour libérer les nucléons.Selon la théorie d'Einstein, c'est donc l'énergie équivalente au défaut de masse du noyau.

La formation d’un noyau (au repos) à partir de ses nucléons séparés (au repos), s’accompagne d’une diminution de masse égale à Δm et par conséquent d’une libération d’énergie égale à ΔE, telle que :

Δ ΔE m c Z m A Z m m X cp n ZA= ↔ = + − − ↔2 2[ . ( ). ( )]

En résumé :

Exemple : Quelle est l’énergie libérée lors de la formation d’un noyau d’hélium au repos à partir de ses nucléons séparés, au repos ?

Données : m( 24He ) = 6,644.10-27 kg ; mp = 1,673.10-27 kg ; mn = 1,675.10-27 kg.

Calculons la somme des masses des nucléons séparés, au repos.Le noyau d’hélium possède 4 nucléons (A = 4) dont 2 protons (Z = 2) et 2 neutrons (N = 4 - 2 = 2).mnucléons séparés = Z.mp + (A - Z).mn = (2 × 1,673.10-27)+( 2 × 1,675.10-27) = 6,696.10-27 kg

Calculons le défaut de masse Δm et l’énergie libérée ΔE correspondante.Δm = mnucléons séparés - m( 24He ) = 6,696.10-27 - 6,644.10-27 = 0,052.10-27 kg

ΔE = Δm.c2 = 0,052.10-27 × (3.108)2 = 0,468.10-11 J.

Cette énergie est ridiculement petite !Mais pour 4 g d’hélium, l’énergie libérée serait d’environ : 0,468.10-11 × 6,02.1023 = 2.8.1012 J.

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A titre comparatif, la combustion de 1 L de fuel fournit 4,2.107 J ; il faudrait donc brûler 2,8.1012/4,2.107 = 60000 L de fuel pour obtenir une énergie équivalente ! ! !

IV. Les deux types de réactions nucléaires provoquées: fission et fusion.

1. Comment représenter une réaction nucléaire ?Une réaction nucléaire fait intervenir des nucléides et des particules élémentaires (neutrons, protons, électrons); elle peut être source de rayonnements énergétiques (γ par exemple).Tout comme une réaction chimique, une réaction nucléaire est caractérisée par une équation-bilan.

Lors de l'écriture de cette équation-bilan, deux règles de conservation sont à respecter :- la conservation du nombre de masse A, c'est à dire du nombre de nucléons;- la conservation du nombre de charge Z, c'est à dire du nombre de protons.

2. Qu'est ce que la fission ?Une réaction de fission est une réaction nucléaire provoquée, au cours de laquelle un noyau lourd se scinde en deux noyaux plus légers sous l’impact d’un neutron.

Le noyau lourd, fissile, est en général un noyau d’uranium 235.Pour être absorbé, le neutron doit être lent (donc peu énergétique); on le nomme neutron thermique.Cette réaction libère deux ou plusieurs autres neutrons rapides ...et beaucoup d’énergie !

Différentes fissions sont possibles, mais l’équation-bilan est de la forme générale :

92235

01

01

1

1

2

2U n X Y x nZA

ZA+ ⎯ →⎯ + +

Exemples :92235

01

3894

54140

012U n Sr Xe n+ ⎯ →⎯ + + 92

23501

3585

57148

013U n Br La n+ ⎯ →⎯ + +

Après ralentissement, les neutrons libérés peuvent à leur tour provoquer la cassure d’autres noyaux lourds : d'où un effet multiplicateur appelé réaction en chaîne.

3. Qu'est ce que la fusion ?Physique 6e — p 45

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Une réaction de fusion est une réaction nucléaire provoquée, au cours de laquelle, dans certaines conditions de température et de pression, deux noyaux légers s'unissent pour former un noyau plus lourd.On parle aussi de réaction thermonucléaire. Cette réaction libère éventuellement une particule élémentaire (neutron, proton, ...) et beaucoup d’énergie !

Exemples :12

12

13

11H H H p+ ? ♦? + 1

212

23

01H H He n+ ? ♦? + 1

213

24

01H H He n+ ? ♦? +

4. D'où provient l'énergie libérée lors d'une réaction nucléaire ?Toute réaction nucléaire (de fission ou de fusion) s’accompagne d’une perte de masse.Cette perte de masse représente l'énergie libérée.

Exemple : Quelle est la perte de masse correspondant à la fission d'un noyau d'uranium 235 ?

Δm m U m m m x mn X Y n= + − − −( ) .( ) ( )92235 ⇔ Δm m U m m x mX Y n= − − − −( ) ( ).( ) ( )92

235 1

Quelle est l'énergie libérée correspondante ?

Δ ΔE m c= ↔ 2 ⇔ [ ]ΔE m U m m x m cX Y n= − − − − ×( ) ( ).( ) ( )92235 21

La majeure partie de cette énergie apparaît sous la forme d’énergie cinétique des fragments formés, énergie rapidement transformée en chaleur.

V. Les applications civiles des réactions nucléaires.1. Dans le cas de la fission.

Au cours d’une réaction de fission, l’énergie dégagée devient très vite considérable.Non contrôlée, la réaction en chaîne conduit à une explosion : c’est le principe de la bombe atomique ou bombe A.Convenablement maîtrisée dans un réacteur nucléaire, cette réaction en chaîne constitue la source d’énergie thermique d’une centrale électrique, dont voici le schéma de principe.

Physique 6e — p 46

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a) Comment fonctionne un réacteur nucléaire ?

Il existe plusieurs types de centrales nucléaires; mais toutes utilisent l’énergie libérée par la fission de noyaux d’uranium 235 sous l'impact de neutrons lents.

Rappelons le bilan de cette réaction, 92235 01

01

1

1

2

2U n X Y x nZA

ZA+ ⎯ →⎯ + +

...ainsi que les conditions à remplir pour assurer le fonctionnement du réacteur.• La réaction doit être auto-entretenue dans le cœur du réacteur. Les neutrons rapides qu’elle

produit, sont ralentis par les nombreux chocs sur les atomes d’un milieu modérateur entourant le matériau fissile. Devenus lents, ces neutrons peuvent, à leur tour, donner lieu à de nouvelles réactions de fission. C'est la réaction en chaîne.

• La réaction doit être contrôlée. Cette régulation s'effectue en plongeant plus ou moins profondément dans le cœur du réacteur, des barres de contrôle en graphite, matériau ayant la propriété d’absorber fortement les neutrons.

Le cœur d’un réacteur nucléaire contient un matériau fissile et un modérateur. Il est régulé par des barres de contrôle.

b) Que devient l'énergie produite ?

• L’énergie libérée par la réaction en chaîne est extraite du cœur du réacteur par le fluide caloporteur circulant dans le circuit primaire. Ce fluide est donc irradié.

• Dans le générateur de vapeur, cette énergie permet de transformer l’eau du circuit secondaire en vapeur sous pression.

La vapeur d’eau formée entraîne la turbine couplée au rotor d’un alternateur; celui-ci produit l’énergie électrique.

• A la sortie de la turbine, la vapeur d’eau du circuit secondaire est ramenée à l’état liquide dans le condenseur, avant de reprendre un nouveau cycle.

Le condenseur est refroidi par l'eau d'un circuit de refroidissement. Cette eau, prélevée froide dans une rivière, y est rejetée réchauffée. L'emploi de tours de réfrigération atmosphérique permet de limiter ces rejets.

Les trois circuits d’un réacteur nucléaire sont distincts afin que les fluides ne se mélangent pas; les transferts d’énergie d'un fluide à l'autre s'effectue sous forme de chaleur à travers les parois conductrices.

La chaîne énergétique d'une centrale nucléaire est donc identique à celle d'une centrale thermique classique, la différence provenant essentiellement de la manière de produire la chaleur.

c) Existe-t-il plusieurs types de centrales ?

A chaque type de centrale correspond une filière définie par les choix du combustible, du modérateur et du fluide caloporteur.

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Il existe encore dans quelques pays, des filières peu sûres (filière R.M.B.K. dans l'ex-U.R.S.S.), pouvant conduire à des désastres humains et écologiques (Tchernobyl le 26 avril 1986...)

La filière la plus répandue, en France et dans le monde, est la filière R.E.P. : Réacteur à Eau sous Pression (ou PWR : Pressurised Water Reactor).

◊ Le combustible est de l’uranium enrichi à 3 % d'uranium 235 (l'uranium naturel renferme 99,3 % d'uranium 238 non fissile, et seulement 0,7 % d'uranium 235). Ce combustible est conditionné en pastilles, emprisonnées dans des gaines métalliques.

◊ Le fluide caloporteur est de l’eau liquide sous haute pression (155 bars). Cette eau joue également le rôle de modérateur. La haute pression est nécessaire pour que l’eau reste liquide à la température de 345 °C.

2. Dans le cas de la fusion.Les réactions de fusion nucléaire ont une très grande importance dans l’Univers car elles sont à l’origine de l’énergie rayonnée par le Soleil et les étoiles. Elles se produisent à des températures très élevées, de l’ordre de plusieurs millions de degrés.

Les réactions de fusion nucléaire, incontrôlées et explosives, sont utilisées dans les bombes thermonucléaires appelées « bombes H ». L'amorçage de la fusion est alors réalisée grâce à l'énergie libérée par l'explosion d'une bombe A.

La fusion nucléaire contrôlée serait une source d'énergie quasi inépuisable. Malheureusement, elle reste toujours au stade de la recherche.

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VII. Mécanique quantiquePlanck et le problème du corps noir

Nous savons que tout corps chauffé, même à basse température, émet des rayonnements électromagnétiques. Normalement ce rayonnement dépend de la nature du corps et de sa température. Il y a pourtant une exception : le « corps noir », Qu’est-ce qu’un corps noir ? Imaginez une cavité fermée, percée d’un tout petit trou. Si vous regardez ce trou, vous ne verrez que du noir. C’est un « corps noir ». Eh bien dans ce cas, le rayonnement dépend uniquement de la température qui règne à l’intérieur de la cavité.

La courbe en « cloche » ci-dessus, montre quel est le spectre de rayonnement d’un corps noir à une température de 1600 K, tel qu’on l’observe expérimentalement.

λ (µm)

Puissanceémise

1 2 3 4 5 6

Rayonnement du corps noir

Expérience

Calculs deRayleigh-Jeans

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À la fin du XIXe siècle, après la découverte des lois de l’électromagnétisme par Maxwell, différentes tentatives furent entreprises pour retrouver ce rayonnement par un calcul théorique. En vain. Si les calculs parvenaient à rendre assez bien compte des observations aux basses fréquences (grandes longueurs d’ondes) ils s’écartaient brutalement de la réalité aux hautes fréquences (petites longueurs d’ondes). Sur le graphique ci-contre, vous pouvez comparer les résultats des calculs de Rayleigh et Jeans. C’est ce qu’on a appelé, à l’époque la « catastrophe ultraviolette ». La théorie de Maxwell était-elle prise en défaut ?

En 1900, le physicien allemand Max Planck trouve une solution. Il découvre que les calculs donnent un résultat correct à condition de supposer que les échanges d’énergie (la production et l’absorption de lumière) se font par multiples de quantités élémentaires qu’il appelle des « quanta » d’énergie. La taille des quanta varie avec la longueur d’onde suivant la loi :

E = h.f = h.c/λ

E = énergie d’un quantum, f = fréquence, c=vitesse de la lumière, λ = longueur d’ondeh = constante de Planck = 6,62.10-34 Joule seconde

Planck lui-même ne considère encore ce résultat que comme un « artifice de calcul ». Il ne va pas jusqu’à attribuer une réalité quelconque aux quanta.

Einstein et l’effet photo-électriqueToujours vers 1900, on découvre qu’en envoyant de la lumière sur une plaque métallique, celle-ci peut en arracher des électrons (dont on vient, par ailleurs, de démontrer l’existence et de mesurer la charge). C’est l’effet photo-électrique (cet effet est largement utilisé de nos jours, par exemple pour alimenter des satellites ou des calculatrices en électricité).Or, cet effet photo-électrique se comporte d’une façon très bizarre. On observe en effet que l’énergie des électrons arrachés ne dépend pas du tout de l’intensité du rayonnement lumineux, mais uniquement de sa fréquence (de sa couleur, si vous préférez). L’intensité influence seulement le nombre d’électrons arrachés. Mais en dessous d’une certaine fréquence, il n’y a pas d’électrons du tout, même si l’intensité de la lumière est très vive.En 1905, le célèbre physicien allemand Albert Einstein trouve l’explication : il suppose que la lumière, au lieu d’arriver de manière continue (comme de l’eau qui coule) arrive sur la plaque métallique par « paquets », par quanta pour utiliser les termes de l’époque. En fait, Einstein imagine que la lumière est constituée de « grains d’énergie » E=h.f qu’il baptise « photons » ou « quanta lumineux ». Si la fréquence de la lumière est trop faible, alors l’énergie d’un quantum n’est pas suffisante pour arracher un électron. À partir d’une certaine fréquence, le quantum h.f est assez énergétique pour arracher l’électron. Plus la fréquence augmente, plus l’énergie transmise à l’électron sera grande. Si l’intensité de la lumière augmente (c’est-à-dire s’il y a beaucoup de photons) alors l’énergie des électrons ne change pas, mais ils seront plus nombreux à être arrachés.L’hypothèse d’Einstein est révolutionnaire : il postule ni plus ni moins que la lumière est composée de grains de matière, comme le disait Newton. Mais en même temps il associe à ces « photons » une fréquence et une longueur d’onde, c’est-à-dire qu’il les considère malgré tout comme une onde. Comment

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la lumière peut-elle être à la fois onde et corpuscule, perturbation et matière ?

L’atome de Bohr et les ondes de

Louis de BroglieEn 1910 un nouveau problème se pose. Ernest Rutherford découvre que la plus grande partie de la masse des atomes est concentrée dans un minuscule noyau, autour duquel « gravitent » les électrons. Or, selon la théorie classique, ces électrons tournants devraient r a y o n n e r d e s o n d e s électromagnétiques et donc perdre petit à petit leur énergie pour finir par s’écraser sur le noyau. Il y aurait longtemps que la matière aurait disparu ! Un an plus tard, le Danois Niels Bohr propose un modèle d’atome où les électrons n’occupent plus des « orbites » mais des « niveaux d’énergie » bien définis. Quand un électron « saute » d’un niveau supérieur E2 vers un niveau inférieur E1, il émet la différence d’énergie sous la forme d’un photon de lumière de f réquence f=(E2-E1) /h . Bohr parvient ainsi à expliquer les s p e c t r e s d ’ é m i s s i o n s i caractéristiques de chaque élément.En 1923, le Français Louis de Broglie explique la théorie de Bohr à sa façon. Il suppose qu’on peut associer une onde à chaque particule en mouvement. Il n’a pas la moindre idée de la nature de ces ondes, mais elles lui permettent de comprendre simplement les niveaux d’énergie des électrons atomiques : ceux-ci correspondent aux situations où l’onde associée est une onde stationnaire. De même qu’un clairon ne peut résonner qu’à certaines fréquences sonores bien précises, de même l’onde associée à l’électron en orbite ne peut interférer positivement qu’à certaines conditions d’énergie. Louis de Broglie trouve l’équation suivante pour la longueur d’onde d’une particule de masse m qui se déplace à la vitesse v :

λ =hm.v

On comprend immédiatement pourquoi la nature ondulatoire de s corps en mouvement n’apparaît jamais dans la vie quotidienne. Comme la constante de Planck (h) est très petite, les longueurs d’onde seront elles aussi extrêmement petites, sauf si la masse est minuscule. C’est pourquoi, les phénomènes ondulatoires de ce type n’apparaissent qu’à l’échelle microscopique des photons, des électrons ou d’autres particules subatomiques.En 1926, l’Autrichien Erwin Schrödinger propose une équation pour décrire la propagation des ondes

associées aux particules. J e vous la livre comme une illustration, pour sa beauté et sa valeur historique, mais elle est malheureusement trop difficile pour être expliquée ici.

i

h2π

∂∂tΨ( r ,t) = HΨ( r ,t)

e-

e-

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Enfin, en 1927, des chercheurs américains et écossais démontrent au moyen d’une expérience qu’un faisceau d’électrons subit une diffraction et des interférences en passant par un cristal, exactement comme une onde (les rayons X, par exemple, sont également diffractés par des cristaux). L’hypothèse de Louis de Broglie se trouve ainsi magistralement confirmée.

Une onde de probabilitéComment comprendre cette onde associée ? Le débat a fait rage parmi les physiciens. Finalement, au Congrès de Physique Solvay, qui se tient en 1927 à Bruxelles, une interprétation plus ou moins commune finit par se dégager. Plus ou moins, parce que certains, comme Albert Einstein, ont toujours refusé de se rallier à cette interprétation.Que dit cette interprétation ? Premièrement qu’il faut cesser de considérer les particules de matière comme des points qui se déplacent sur des trajectoires bien déterminées et que nous pourrions calculer avec précision. La seule chose que nous puissions calculer c’est la probabilité de trouver la particule à un moment donné, en un endroit donné. Deuxièmement, l’amplitude de l’onde associée à la particule (qui elle peut être calculée grâce à l’équation de Schrödinger) nous fournit précisément cette probabilité (en fait la probabilité est égale au carré de cette amplitude).Par exemple, si nous considérons un électron qui « tourne » autour d’un atome, nous ne pouvons jamais dire où il se trouve précisément. La fonction d’onde nous apprend seulement qu’il a une certaine probabilité de se trouver à une certaine distance du noyau et que cette probabilité diminue lorsqu’on s’éloigne davantage ou qu’on se rapproche du noyau.

Ci-contre, une représentation du nuage de probabilité électronique d’un atome.

Insistons : l’introduction d’une probabilité ne traduit pas notre propre ignorance ou la mauvaise qualité de nos appareils de mesure. Il s’agit d’un comportement intrinsèque de la nature. À tel point que le seul fait de mesurer avec précision la position d’une particule (par exemple en la forçant à passer à travers une ouverture très étroite) fait perdre toute certitude quant à la vitesse de cette particule. C’est le principe d’incertitude énoncé par Werner Heisenberg.

ConclusionsAu terme de ce cours, nous pouvons conclure (provisoirement ?) que, selon nos connaissances actuelles, la lumière est constituée de particules (appelées photons). La masse des photons au repos est nulle, mais les photons ne sont jamais au repos: ils n’existent qu’en déplacement à la vitesse limite c.Comme pour toutes les particules, il n’est pas possible de calculer leur trajectoire. On peut seulement dire que la probabilité d’interaction de ces particules avec la matière (donc la probabilité de les observer en un endroit donné) se propage à la façon d’une onde. D’où l’impression fausse qu’il s’agirait d’ondes.Ceci est d’ailleurs vrai de toutes les soi-disant “ondes électromagnétiques”. Ce concept continue d’être utilisé, car il est bien pratique. Mais nous savons que fondamentalement, il s’agit simplement de photons. Ces photons sont en fait les particules responsables de l’interaction électromagnétique.Tout cela peut sembler fort frustrant, mais cela nous montre que la nature ne se laisse pas forcément couler dans des moules simples. Ce sont nos représentations qui doivent s’adapter à la réalité et non le contraire.

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