Photo et droit de regard en Iran

9
Les femmes des rizières Corps de femme et enjeux de pouvoir Les photographies présentées ont été prises entre 2007 et 2008, dans un village de la région des plaines centrales du Gilân, au nord de l'Iran. Les clichés choisis montre les corps et particulièrement le corps féminin au travail. La mise en page de deux photos en miroir donne la possibilité à chaque regardeur d'amorcer un dialogue autant réflexif que plastique. À partir de l'observation du corps des femmes au travail dans la région du Gilân, je propose une réflexion sur les constructions sociales des genres, sur le statut, la place, le rôle des femmes dans l'économie familiale ; en soulignant particulièrement les nombreux et divers jeux et enjeux de pouvoir entre les hommes et les femmes au sein de la famille et en mettant l'accent sur l'importance des femmes dans les modes de production économique et domestique et sur leur influence au niveau des systèmes d'alliance, des réseaux d'entraide et de solidarité. Marianne Afsar Soltani Azad, 2007-2009 1

description

Marianne Afsar Soltani Azad, 2007-2009 1 Corps de femme et enjeux de pouvoir Photo et droit de regard La mère au sarclage des rizières. 3 Les femmes au retour du jardin ; transport de la cueillette. 4 Mise en botte de la paille de riz. 5 Nettoyage des radis et vaisselle sur la terrasse. La mère à la cueillette du thé. 6 Le père clôture le nouveau jardin. 7 Triage des haricots sur la terrasse. 8 Autour d'un thé, les femmes découpent les sabzis (plantes aromatiques). 9

Transcript of Photo et droit de regard en Iran

Page 1: Photo et droit de regard en Iran

Les femmes des rizièresCorps de femme et enjeux de pouvoir

Les photographies présentées ont été prises entre 2007 et 2008, dans un village de la région des plaines centrales du Gilân, au nord de l'Iran. Les clichés choisis montre les corps et particulièrement le corps féminin au travail. La mise en page de deux photos en miroir donne la possibilité à chaque regardeur d'amorcer un dialogue autant réflexif que plastique.À partir de l'observation du corps des femmes au travail dans la région du Gilân, je propose une réflexion sur les constructions sociales des genres, sur le statut, la place, le rôle des femmes dans l'économie familiale ; en soulignant particulièrement les nombreux et divers jeux et enjeux de pouvoir entre les hommes et les femmes au sein de la famille et en mettant l'accent sur l'importance des femmes dans les modes de production économique et domestique et sur leur influence au niveau des systèmes d'alliance, des réseaux d'entraide et de solidarité.

Marianne Afsar Soltani Azad, 2007-2009 1

Page 2: Photo et droit de regard en Iran

Photo et droit de regard

En Iran, j'ai réappris à prendre des photos : appris à rendre bien visible le geste de sortir l'appareil de son étui et appris à laisser un temps de suspension avant de faire la prise ; appris à attendre les réajustements des positions, la remise en place des foulards qui ont glissé sur l'arrière de la tête, des jupes, des pantalons de dessous bien tirés sur les bas de jambes ; appris à accepter les mises en scène “spéciales pour moi” par les sujets-acteurs. Je prends des photos du quotidien et on me désigne comme photographe de la famille. Ce que je vais donner à voir en France ou ailleurs en Iran, doit montrer le meilleur aspect de la vie d'ici. Ma façon de prendre des photos sur le vif est donc parfois critiquée gentiment sous forme de plaisanteries. En fonction des actions effectuées par les personnes et en pensant à ce que je vais donner à voir, j'ai parfois construit un hejâb pour mon regard : j'ai appris à prendre des photos de femmes non voilées, en cadrant sur les mains, les pieds, les vêtements. Sachant que je respectais le non dévoilement de leurs corps les femmes ont peu à peu appris à me faire confiance en oubliant l'appareil, …mais le droit de regard sur mes photos restait systématique. Il est arrivé parfois qu'une des femme photographiée s'effraie de sa tenue, d'une cheville trop découverte, d'un foulard non serré… et cette photo était à effacer et à reprendre. L'appareil numérique permet tous ces changements et ces hésitations. Après avoir mesuré l'importance de la prise de vue, j'ai pu aussi mesurer l'importance de l'acte de montrer une image : que laisser voir et à qui ? Car le fait même de “prendre des images” implique leur introduction dans un autre contexte, leur vision par des regards extérieurs à la scène photographié (où une image prise, par exemple sans présence masculine, est donnée à voir à des hommes et à un public ne faisant pas partie du réseau de connaissance de la famille). Les personnes photographiées, conscientes de ne pouvoir totalement contrôler la vision de leur image, tiennent à avoir un droit de regard sur ce que je prends et sur ce que je montre. Les images que je choisis de montrer sont donc validées par les membres de ma famille d'accueil. Les protestations de départ et l'effervescence d'abord suscitées devant mon intention de vouloir prendre des photos sont donc plutôt dues au fait que je demande un droit de regard qui puisse dépasser l'espace des regards permis (mahram). Le fait de prendre une photo n'est pas visé en tant que tel, puisque les personnes acceptent d'être ou/et se font les sujets de ma curiosité photographique et me remercient à chaque fois chaleureusement. Ayant appris à ma famille d'accueil le maniement de l'appareil numérique, les femmes avant les hommes s'en sont saisies pour me prendre en photo, puis pour prendre leurs parentes et leurs parents. Un des fils de la famille, avec son téléphone portable, a lui aussi au fur et à mesure de mon séjour, retourné la situation en me photographiant et en me filmant à mon tour.

2

Page 3: Photo et droit de regard en Iran

Le père au désherbage des digues des rizières. La mère au sarclage des rizières.

3

Page 4: Photo et droit de regard en Iran

Les femmes au retour du jardin ; transport de la cueillette. 4

Page 5: Photo et droit de regard en Iran

Nettoyage des radis et vaisselle sur la terrasse. Mise en botte de la paille de riz. 5

Page 6: Photo et droit de regard en Iran

La mère à la cueillette du thé. Les hommes du village à la coupe mécanisée du thé.

6

Page 7: Photo et droit de regard en Iran

La mère plante les haricots. Le père clôture le nouveau jardin.

7

Page 8: Photo et droit de regard en Iran

Nettoyage de l'ail en famille. Triage des haricots sur la terrasse.

8

Page 9: Photo et droit de regard en Iran

Les femmes nettoient la ciboule dans la cour. Autour d'un thé, les femmes découpent les sabzis (plantes aromatiques).

9