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Phlébologie esthétique : bilan phlébologique P Amblard Résumé. Le bilan phlébologique doit toujours être méthodique et systématique. L’interrogatoire fournit des renseignements sur les troubles motivant la consultation, les antécédents veineux et généraux, les facteurs de risque (hérédité, mode de vie, prises médicamenteuses). L’examen clinique se pratique sur un sujet debout ; outre l’inspection, la palpation est un temps capital. Pour mettre en évidence une éventuelle incontinence ostiale saphénienne, on recherche systématiquement un reflux circulatoire à la toux, un signe de flot ou manœuvre de Schwartz, une épreuve de Trendelenburg. L’examen du malade couché permet de mieux apprécier le retentissement de l’insuffisance veineuse. Le test de Perthes permet d’apprécier la perméabilité du réseau veineux profond. Cependant, l’intérêt de ces différents tests a beaucoup diminué depuis la pratique de l’examen ultrasonique à effet doppler. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Schwartz (manœuvre), Trendelenburg (épreuve), Perthes (test), doppler, échodoppler. Introduction Quel que soit le motif de la consultation, le bilan phlébologique doit toujours être méthodique et systématique. L’interrogatoire du patient est un temps important, mais l’examen clinique est irremplaçable même si un certain nombre de manœuvres phlébologiques ont perdu de leur importance du fait des moyens paracliniques sophistiqués dont nous disposons à l’heure actuelle. Interrogatoire Il fournit d’emblée des renseignements sur l’histoire de la maladie variqueuse, sa genèse, son évolutivité, son retentissement fonctionnel. Il va s’efforcer de préciser plusieurs points. TROUBLES MOTIVANT LA CONSULTATION Ils peuvent être totalement absents même chez des sujets porteurs de grosses varices, le soin esthétique étant alors la seule préoccupation. À l’inverse, les signes fonctionnels peuvent être importants : lourdeurs de jambe, crampes, paresthésies ; leur caractère commun est leur maximum vespéral, aggravé par la station debout prolongée, la chaleur, la période prémenstruelle chez la femme ; le décubitus, en revanche, entraîne en règle général une amélioration de ces troubles. Le patient peut enfin signaler un œdème vespéral plus rarement permanent. Pierre Amblard : Professeur des Universités, praticien hospitalier, hôpital A Michallon, service de dermatologie, BP 217 X, 38043 Grenoble cedex, France. ANTÉCÉDENTS D’ATTEINTE VEINEUSE Ils peuvent être connus du patient : thrombophlébite, embolie pulmonaire, anticoagulation antérieure, varices et leur traitement ; mais ils sont parfois méconnus ou oubliés. Il faut alors rechercher la notion d’un œdème transitoire consécutif à un traumatisme, un plâtre, un accouchement, une intervention chirurgicale. FACTEURS DE RISQUE – Hérédité variqueuse. – Mode de vie : sédentarité, obésité, grossesses répétées, station debout prolongée au travail, chauffage par le sol, tabagisme. – Prises médicamenteuses : traitement contraceptif oral, hormonal substitutif. ANTÉCÉDENTS GÉNÉRAUX L’interrogatoire se terminera par la recherche d’antécédents généraux en particulier obstétricaux, les traitements déjà pratiqués et leurs incidents éventuels : réactions inflammatoires, allergiques, pigmentation. Examen clinique Il se pratique sur un sujet dévêtu, d’abord debout sur un escabeau suffisamment large, puis couché sur une table d’examen. EXAMEN DU SUJET DEBOUT L’examinateur est assis sur un siège assez bas et dans de bonnes conditions d’éclairage ; le patient tourne lentement sur lui-même de 360°, exposant successivement les faces antéro-internes, externes et postérieures de ses membres inférieurs. Inspection Elle permet d’emblée de reconnaître le type de varices : tronculaires systématisées ou non, réticulaires, télangiectasies, les éventuels Encyclopédie Médico-Chirurgicale 50-470-A-10 50-470-A-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Amblard P. Phlébologie esthétique : bilan phlébologique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cosmétologie et Dermatologie esthétique, 50-470-A-10, 2000, 3 p.

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Phlébologie esthétique : bilan phlébologiqueP Amblard

Résumé. – Le bilan phlébologique doit toujours être méthodique et systématique. L’interrogatoire fournit desrenseignements sur les troubles motivant la consultation, les antécédents veineux et généraux, les facteurs derisque (hérédité, mode de vie, prises médicamenteuses). L’examen clinique se pratique sur un sujet debout ;outre l’inspection, la palpation est un temps capital. Pour mettre en évidence une éventuelle incontinenceostiale saphénienne, on recherche systématiquement un reflux circulatoire à la toux, un signe de flot oumanœuvre de Schwartz, une épreuve de Trendelenburg. L’examen du malade couché permet de mieuxapprécier le retentissement de l’insuffisance veineuse. Le test de Perthes permet d’apprécier la perméabilité duréseau veineux profond. Cependant, l’intérêt de ces différents tests a beaucoup diminué depuis la pratique del’examen ultrasonique à effet doppler.© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Schwartz (manœuvre), Trendelenburg (épreuve), Perthes (test), doppler, échodoppler.

Introduction

Quel que soit le motif de la consultation, le bilan phlébologique doittoujours être méthodique et systématique.

L’interrogatoire du patient est un temps important, mais l’examenclinique est irremplaçable même si un certain nombre demanœuvres phlébologiques ont perdu de leur importance du faitdes moyens paracliniques sophistiqués dont nous disposons àl’heure actuelle.

Interrogatoire

Il fournit d’emblée des renseignements sur l’histoire de la maladievariqueuse, sa genèse, son évolutivité, son retentissementfonctionnel.

Il va s’efforcer de préciser plusieurs points.

TROUBLES MOTIVANT LA CONSULTATION

Ils peuvent être totalement absents même chez des sujets porteursde grosses varices, le soin esthétique étant alors la seulepréoccupation. À l’inverse, les signes fonctionnels peuvent êtreimportants : lourdeurs de jambe, crampes, paresthésies ; leurcaractère commun est leur maximum vespéral, aggravé par lastation debout prolongée, la chaleur, la période prémenstruelle chezla femme ; le décubitus, en revanche, entraîne en règle général uneamélioration de ces troubles.

Le patient peut enfin signaler un œdème vespéral plus rarementpermanent.

Pierre Amblard : Professeur des Universités, praticien hospitalier, hôpital A Michallon, service dedermatologie, BP 217 X, 38043 Grenoble cedex, France.

ANTÉCÉDENTS D’ATTEINTE VEINEUSE

Ils peuvent être connus du patient : thrombophlébite, emboliepulmonaire, anticoagulation antérieure, varices et leur traitement ;mais ils sont parfois méconnus ou oubliés. Il faut alors rechercher lanotion d’un œdème transitoire consécutif à un traumatisme, unplâtre, un accouchement, une intervention chirurgicale.

FACTEURS DE RISQUE

– Hérédité variqueuse.– Mode de vie : sédentarité, obésité, grossesses répétées, stationdebout prolongée au travail, chauffage par le sol, tabagisme.– Prises médicamenteuses : traitement contraceptif oral, hormonalsubstitutif.

ANTÉCÉDENTS GÉNÉRAUX

L’interrogatoire se terminera par la recherche d’antécédentsgénéraux en particulier obstétricaux, les traitements déjà pratiquéset leurs incidents éventuels : réactions inflammatoires, allergiques,pigmentation.

Examen cliniqueIl se pratique sur un sujet dévêtu, d’abord debout sur un escabeausuffisamment large, puis couché sur une table d’examen.

EXAMEN DU SUJET DEBOUT

L’examinateur est assis sur un siège assez bas et dans de bonnesconditions d’éclairage ; le patient tourne lentement sur lui-mêmede 360°, exposant successivement les faces antéro-internes, externeset postérieures de ses membres inférieurs.

¶ InspectionElle permet d’emblée de reconnaître le type de varices : tronculairessystématisées ou non, réticulaires, télangiectasies, les éventuels

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Amblard P. Phlébologie esthétique : bilan phlébologique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cosmétologie etDermatologie esthétique, 50-470-A-10, 2000, 3 p.

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troubles trophiques cutanés, l’œdème malléolaire, la présenceéventuelle de varices sus-pubiennes évocatrices d’antécédents dephlébite iliaque, d’un affaissement de la voûte plantaire ou aucontraire d’un pied creux.

¶ PalpationC’est un temps capital de l’examen. Elle permet d’apprécier latrophicité de la peau, l’importance d’une éventuelledermatofibrosclérose ; elle permet en outre la mise en évidence devarices trop profondes pour être visibles et surtout le repérage desdeux veines saphènes.La veine saphène interne est perçue à un ou deux travers de doigten dessous de l’arcade crurale, en dedans des battements de l’artèrefémorale. Deux manœuvres simples permettent de mettre enévidence une insuffisance valvulaire ostiale :

– le reflux circulatoire à la toux perçu comme un frémissementlorsque le sujet tousse ;– la manœuvre de Schwartz ou « signe du flot ». L’examinateurpalpe un segment variqueux d’une main et, de l’autre, percute unautre segment d’amont ou d’aval. Si les valvules sont continentes, lapercussion du trajet proximal n’est pas perçue en amont ; enrevanche, la perception de cette percussion en amont apporte lapreuve d’un reflux veineux.La crosse de la saphène externe est classiquement perçue dans lecreux poplité chez le sujet genou fléchi, mais sa localisation subit denombreuses variations anatomiques.

EXAMEN DU SUJET COUCHÉ

On appréciera d’abord l’état des téguments [2].

¶ Dermite ocreElle débute par un purpura pétéchial dont les éléments vontrapidement confluer en une nappe cohérente, aux bords émiettés,qui évolue vers une pigmentation ferrique indélébile.

¶ Lésions d’atrophie blancheÉléments arrondis ou ovalaires, dont le centre est blanc nacré,atrophocicatriciel, correspondant à un infarctus cutané. Ils sont àdifférencier des cicatrices d’ulcères anciens.

¶ EczémaIl s’agit en fait de lésions érythémateuses, soit suintantes etvésiculeuses, soit sèches et squameuses. Elles témoignent de la stasevasculaire, d’une surinfection (réalisant une épidermite microbienne)ou d’une intolérance locale aux produits appliqués (et il s’agit alors,dans ce seul cas, d’un véritable eczéma de contact).

¶ HypodermiteC’est-à-dire une inflammation du tissu sous-cutané. Elle peut êtreaiguë, donnant une lésion rouge, chaude, œdémateuse, douloureuse,ou chronique, évoluant vers une sclérose dure, rétractile, qui englobel’ulcère et peut s’étendre à toute la jambe, en formant une guêtrescléreuse.Plusieurs mensurations au mètre ruban seront systématiquementpratiquées : mesure du périmètre des deux membres inférieurs auniveau de la tibiotarsienne, des mollets, des cuisses ; mesure de lalongueur des deux membres inférieurs.L’état de la circulation artérielle sera apprécié par la palpation desartères périphériques.Enfin, on étudiera la mobilité des articulations, en particulier de latibiotarsienne, les mouvements de flexion-extension du pied étantparticulièrement importants dans le retour du sang veineux.

MANŒUVRES COMPLÉMENTAIRESDe nombreuses épreuves complémentaires ont été proposées pourapprécier l’incontinence des crosses saphéniennes, la localisation desveines perforantes, l’état du réseau profond. Elles ont perdubeaucoup de leur intérêt depuis l’apparition des méthodesd’exploration fonctionnelles modernes.

Seule l’épreuve de Trendelenburg est encore d’actualité car facilementréalisable au cours de l’examen clinique.

Elle démontre l’incontinence ostiale de la saphène interne ou de lasaphène externe. Le membre inférieur est surélevé à la verticale pourvider les veines superficielles ; un garrot interrompant seulement lecourant veineux superficiel est mis en place à la racine de la cuisse(ou du creux poplité). Le patient se met alors debout ; lorsque, àl’ablation du garrot, les veines ne se remplissent que lentement debas en haut, on peut affirmer que les valvules sont continentes ; enrevanche, si à l’ablation du garrot elles se remplissent de haut enbas, on peut affirmer l’insuffisance de la valvule ostiale. En plaçantles garrots à différents niveaux, on peut aussi situer le siège desveines perforantes.

Tableau I. – Classification clinique, étiologique, anatomique, physio-pathologique (CEAP).

Classification clinique

C0 - pas de signe visible ou palpable de la maladie variqueuseC1 - présence de télangiectasies ou de varices réticulairesC2 - varicesC3 - œdèmeC4 - troubles trophiques (pigmentation, dermite de stase, hypodermite, ...)C5 - troubles trophiques et cicatrice d’ulcèreC6 - troubles trophiques et ulcère ouvert

s’y ajoutent les codes A et SA - asymptomatiqueB - symptomatique

Classification étiologique

Ec - étiologie congénitaleEp - étiologie primitive (cause indéterminée)Es - étiologie secondaire (cause identifiable : post-thrombotique, post-traumatique,autre)

Classification anatomique

Système veineux superficiel (As)1 - télangiectasies, varices réticulaires2 - grande saphène - au-dessus du genou3 - grande saphène - au-dessous du genou4 - petite saphène5 - varices non saphéniennes

Système veineux profond (Ad) (deep)6 - veine cave inférieure7 - veine iliaque commune8 - veine iliaque interne9 - veine iliaque externe10 - veines pelviennes11 - veine fémorale commune12 - veine fémorale interne13 - veine fémorale superficielle14 - veine poplitée15 - veines jambières (tibiales antérieures et postérieures, péronières)16 - veines musculaires (jumelles, soléaires, ...)

Veine perforante (Ap)17 - cuisse18 - jambe

Classification physiopathologique

Pr - refluxPo - obstructionPro - reflux et obstruction

Score de sévérité du dysfonctionnement veineux chronique- Score anatomique (1 point pour chaque atteinte : superficielle, profonde ou perfo-

rante ; total de 0 à 3 points)- Score clinique (addition des points de chaque item ; total de 0 à 18 points)

Douleur 0 - absente ; 1 - modérée ; 2 - sévèreŒdème 0 - absent ; 1 - modéré ; 2 - importantClaudication veineuse 0 - absente ; 1 - modérée ; 2 - invalidantePigmentation 0 - absente ; 1 - localisée ; 2 - étendueHypodermite 0 - absente ; 1 - localisée ; 2 - étendueTaille de l’ulcère 0 - absent ; 1 - < 2 cm de diamètre ; 2 - > 2 cmDurée de l’ulcère 0 - absent ; 1 - < 3 mois ; 2 - > 3 moisRécidive de l’ulcère 0 - absent ; 1 - ulcère cicatrisé ; 2 - récidiveNombre d’ulcères 0 - absent ; 1 - unique ; 2 - multiples

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Épreuves fonctionnelles vasculaires

EXAMEN ULTRASONOGRAPHIQUE À EFFET DOPPLER

Un petit appareil doppler monodirectionnel permet de compléterutilement l’examen clinique. Il est basé sur le principe suivant : lafréquence du son d’un véhicule qui s’approche à vitesse constanted’un observateur immobile augmente progressivement, puiss’abaisse brusquement lorsque le véhicule dépasse l’observateur :c’est l’effet doppler.Dans le cadre des épreuves fonctionnelles vasculaires, la sourcesonore est un faisceau d’ultrasons réfléchis par les érythrocytes ; lafréquence réfléchie est proportionnelle à la vitesse du sang. Lavariation de fréquence est faible (inférieure à 20 000 Hz) et doncuniquement audible par l’intermédiaire d’un casque spécial ou d’unhaut-parleur.Pratiqué par un opérateur entraîné, l’examen ultrasonographiquepermet d’apprécier la perméabilité des vaisseaux profonds,d’évaluer la continence des crosses saphéniennes, de bien localiserles veines perforantes.

ÉCHOGRAPHIE DOPPLER PULSÉ (DUPLEX)

On aura recours à cet examen dès qu’un reflux aura été détecté. Ilest en effet plus sensible et plus spécifique que l’examen dopplerconventionnel, mais nécessite un appareillage coûteux. Il permet de

bien visualiser les vaisseaux, d’apprécier l’état de leurs parois, demesurer la vitesse d’écoulement du flux sanguin ; le duplex permetégalement de bien étudier le réseau artériel.

AUTRES MÉTHODES D’EXPLORATION VASCULAIRES

Parmi les autres méthodes d’exploration du réseau veineux, seule laphlébographie garde quelques indications, en particulier lorsqu’untraitement chirurgical des varices est envisagé chez un sujet auxantécédents de thrombose veineuse profonde [3].

ConclusionAu terme de cet examen, on pourra conclure que l’on est en présence detélangiectasies isolées, de télangiectasies dépendant d’une veinule oud’une perforante, d’une insuffisance veineuse, qu’il s’agisse de varicesessentielles ou postphlébitiques ; on pourra alors apprécier la gravité del’insuffisance veineuse qui sera évaluée en accord avec la classificationCEAP (tableau I) [1].

Références

[1] Kistner RL, Nicolaides AN. Classification and grading of chronic venous disease in the lowerlimbs: a consensus statement. Phlebology 1995 ; 10 : 42-45

[2] Ramelet AA, Monti M. Phlébologie. Paris : Masson, 1999[3] Vin F. Interrogatoire et examen clinique. In : Barthélémy P, Lefebvre D éd. Insuffisance vei-

neuse des membres inférieurs. Paris : Masson, 1994 : 67-74

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