Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre «...

32
Philosophie et épistémologie des sciences La métaphysique de la nature Résumé du cours Semestre d’automne 2011 1

Transcript of Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre «...

Page 1: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

Philosophie et épistémologie des sciencesLa métaphysique de la nature

Résumé du coursSemestre d’automne 2011

1

Page 2: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

Il s’agit là d’un résumé de cours et en aucun cas d’un support de cours suffi-sant. Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences » de MichaelEsfeld, ce résumé tente de mettre en évidence les points et les notions importantescomme « rappels » ou « aide-mémoire » mais ne développe en aucun cas les ar-guments relatifs aux positions présentées. Pour un développement plus complet etpour la bibliographie relative, il est nécessaire de se référer au livre « Philosophiedes sciences ». L’ordre des thématiques du résumé correspond à l’ordre utilisé dansla seconde édition du livre.

1 La métaphysique de la nature

1.1 Les thèmes principaux

1. Le rapport entre l’espace, le temps et la matière

(a) Chapitre 11

(b) Chapitre 12

(c) Chapitre 14

2. Le changement, le mouvement et l’immuable

(a) Chapitre 12

(b) Chapitre 13

3. L’atomisme vs. le holisme (propriétés intrinsèques vs. relations)

(a) Chapitre 13

(b) Chapitre 14

(c) Chapitre 17

4. Propriétés catégoriques vs. propriétés causales

(a) Chapitre 19

5. L’unité de la nature et la diversité des phénomènes

(a) Chapitre 15

(b) Chapitre 16

(c) Chapitre 17

(d) Chapitre 18

2

Page 3: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

2 L’espace, le temps et la matière Ch. 11

Pour un aperçu synthétique des diverses positions classiques, y compris cellesd’Einstein, il y a la figure 3 en p.10.

2.1 Newton (1642-1727)

L’espace et le temps d’un côté et la matière de l’autre sont des entités distinctes.L’espace et le temps sont un récipient qui contient la matière, ils sont indépen-

dants d’elle. Newton accepte l’atomisme : la matière n’est pas indéfiniment divi-sible. Les particules fondamentales se combinent et se recombinent pour formerla matière. La gravitation est une action à distance entre des systèmes physiques :elle se propage instantanément sur une quelconque région de l’espace.

Le problème principal de cette position est le statut ontologique de l’espace etdu temps : l’espace et le temps existeraient même s’il n’y avait pas de matière dutout. L’objection d’Emmanuel Kant (1724-1804) reste pertinente : l’espace conçucomme quelque chose qui peut exister indépendamment de la matière est une ab-surdité : quelque chose qui est là sans que rien de réel n’existe.

La seconde objection à cette conception est l’aspect arbitraire de la dispositionspatiotemporelle de la matière. Pourquoi la matière serait ici à ce moment-là plutôtqu’ailleurs à un autre moment ?

2.2 Leibniz (1646-1716)

L’espace et le temps ne sont que des relations. L’espace est l’ordre des coexis-tants, le temps est l’ordre des successions.

Pour soutenir une telle position il faut satisfaire les exigences suivantes :

1. mettre en avant une définition de la matière qui n’utilise ni la notion d’éten-due spatiale et temporelle, ni celle de position

2. reconstruire les relations spatiales et temporelles à partir d’une telle concep-tion de la matière.

Leibniz développe le concept de « monade » : des points de force au niveau fon-damental de la nature. Avec ce concept, il rend compte de ce qu’est la matière pardes points de force (similaires en principe à des atomes) mais qui ne possèdent niétendue, ni position. Cependant, il n’arrive pas à répondre à la seconde exigence.

2.3 Spinoza (1632-1677)

La matière est réduite aux relations spatiales et temporelles.Cette position est moniste : elle ne reconnaît que l’espace-temps auquel la ma-

tière est identifiée.– Il n’y a pas de systèmes physiques comme des particules ou des champs en

plus de l’espace.– Il n’y a pas d’espace sans propriétés physiques, donc pas d’espace vide.

3

Page 4: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

– L’espace et le temps peuvent être considérés comme discrets.Le problème principal de cette conception est d’expliquer quelles sont les proprié-tés physiques des points de l’espace et du temps auxquelles on peut réduire lespropriétés physiques traditionnelles que nous attribuons à des objets dans l’espaceet dans le temps. Si telle région de l’univers est « chaise » et que je déplace lachaise à un autre endroit dans la pièce, il devient difficile de corréler la réalité ma-croscopique (la chaise a été déplacée là-bas) et la réalité métaphysique proposéepar Spinoza (cette région n’est plus « chaise » mais est « air » et la région là-bas estmaintenant « chaise »). En bref, il n’y a aucun moyen clairement défini de retrouvermétaphysiquement l’évidence macroscopique qu’il s’agit de la même chaise.

2.4 Vocabulaire

Atome Il ne faut pas confondre, dans la discussion, le concept d’atome — qui estune notion philosophique qui vient de Démocrite et qui, dans sa généralité,invoque l’idée de l’existence d’un indivisible métaphysique (particule, élé-ment ou encore force fondamentale) — avec l’atome à proprement parlerqu’utilisent les physiciens contemporains (composé de neutrons, protons etélectrons).

3 La physique de la relativité Ch. 12

3.1 Les postulats de départ d’Einstein

1. Tous les référentiels d’inertie sont équivalents pour la description des phé-nomènes physiques

2. Dans le vide et relativement à n’importe quel référentiel d’inertie, la lumièrese déplace à une vitesse constante indépendamment de l’état du mouvementde la source émettrice.

Le second postulat émerge d’un des principes de l’électromagnétisme de J.-C.Maxwell, principe qui dit que la vitesse de propagation du champ électromagné-tique d’une charge ponctuelle ne dépend pas de la vitesse de cette charge.

3.2 La relativité restreinte (1905)

L’espace et le temps sont unifiés.Il faut maintenant concevoir un événement e0 comme une entité à quatre di-

mensions : e0 = ( x, y, z, t ). Deux événements (disons e0 et e1) sont séparéspar un intervalle spatiotemporel du genre lumière (ou du genre temps) s’ils peuventêtre reliés par un rayon lumineux. Les événements en dehors du cône de lumière dee0 sont dits séparés d’e0 par un intervalle spatiotemporel du genre espace (schémaen page 100). Il ne peut y avoir de relations causales qu’entre des événements sépa-rés par un intervalle spatiotemporel du genre temps ou du genre lumière, le rayon

4

Page 5: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

x

y

x

y

x

y

x

y

x

y

tt-2

t-1

t0

t1

t2

s-2

e-2

s-1

e-1

s0

e0

s1

e1

s2

e2

FIGURE 1 – Le cône de lumière dans sa version horizontale

de lumière étant le « fil d’Ariane » causal de la chaîne d’événements en question.La vitesse de la lumière est la limite supérieure pour la propagation d’effets phy-siques : le cône de lumière peut donc ainsi être considéré comme la limite entredes événements pouvant être causalement reliés.

3.3 Le cône de lumière

La figure 1 représente une application pratique du cône de lumière. Les évé-nements s−2, s−1, ..., s2 représentent le Soleil respectivement aux temps t−2, t−1,..., t2. Les événements e−2, e−1, ..., e2 représentent un observateur sur la Terreaux mêmes temps. L’intérêt de ce schéma, c’est qu’il décrit la partie spatiale del’espace-temps par un plan à deux dimensions. Il est alors facile de se représenterle principe du cône de lumière si l’on remplace chaque plan de la figure par unvolume.

Si chaque intervalle de temps, sur la figure, représente 4 minutes (choisi pourl’exemple du Soleil et de la Terre), je ne peux connaître l’état simultané du Soleil ;autrement dit, je ne peux pas dire si « maintenant, soit à t0, le soleil est allumé ouéteint ». De même que je ne peux pas connaître l’état du Soleil à t−1 car le soleilà ce temps-là, s−1, n’est pas dans mon cône de lumière. A t0, je ne peux connaîtrel’état du Soleil qu’à t−2 car s−2 est dans mon cône de lumière. Ceci est dû à ladistance entre la Terre et le Soleil qui est d’environ 149’600’000 kilomètres : ilfaut à la lumière 8 minutes pour parcourir ce long trajet. Je ne vois donc jamais leSoleil en live, mais bien plutôt en différé de 8 minutes.

5

Page 6: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

espace

espace

temps

espace

espace

temps

e1

e2

e0

e1

e2

e0

plan du présent

passé

futur

Présentisme : seul existe e1 car il est présent.

→ Théorie A du temps : les modes du temps existent.

Théorie B du temps : les modes du temps n’existent pas.

→ Eternalisme : e0, e

1 et e

2 existent.

êtreavant

êtreaprès

ligne d’univers ligne d’univers

FIGURE 2 – Philosophie du temps

3.4 Les limites de la relativité restreinte

L’action à distance de la gravitation demeure un problème dans le cadre de lathéorie de la relativité restreinte.

3.5 La philosophie du temps

3.5.1 Théorie A du temps (théorie temporelle)

Il existe des modes (passé, présent, futur) du temps.

3.5.2 Théorie B du temps (théorie atemporelle)

Les modes du temps (passé, présent, futur) ne sont pas objectifs, de ce faitil n’existe que des relations d’être avant, d’être après et d’être simultané entredes événements dans le temps. Il n’y a pas de point du temps qui soit désigné demanière objective comme le présent.

3.5.3 Théorie temporelle de l’existence (présentisme)

Seul existe ce qui est présent : le futur n’existe pas encore et le passé n’existeplus. L’existence dépend du temps.

3.5.4 Théorie atemporelle de l’existence (éternalisme)

Tout ce qui est dans le temps existe simplement. Tout ce qu’il y a dans le mondephysique existe dans un temps (et occupe un certain espace).

3.5.5 Relations logiques entre les théories du temps et de l’existence

(cf. figure 2)

6

Page 7: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

– Présentisme→ Théorie A du temps– Théorie A du temps 9 Présentisme– Théorie B du temps→ Eternalisme– Eternalisme 9 Théorie B du temps

3.5.6 Le problème du devenir temporel

Si l’on maintient que (1) l’ensemble de l’univers existe simplement (théorieatemporelle de l’existence ou éternalisme), on ne peut pas maintenir la propositionqui dit que (2) certaines choses n’existent qu’à partir d’un temps donné, on ne peutpas maintenir que le temps permet la création de choses dans l’univers.

3.6 Vocabulaire

Référentiel d’inertie N’importe quel système d’objets se déplaçant avec une vi-tesse constante (sans accélération).

Evénement Dans la discussion on marque la différence entre un point P à troisdimensions, noté P( x, y, z ), et un événement e( x, y, z, t ). Il fautcomprendre ici simplement l’événement comme un point (spatial) augmentéd’une coordonnée temporelle.

Anisotrope Possède une direction privilégiée (le temps est anisotrope).

Isotrope Ne possède pas de direction privilégiée (l’espace est isotrope).

4 L’univers à quatre dimensions Ch. 13

4.1 L’univers-bloc et le déterminisme

La métaphysique de l’univers-bloc implique que toutes les propositions douéesde sens qui se réfèrent au monde physique sont soit vraies soit fausses de manièreatemporelle : toute proposition est soit vraie soit fausse en fonction de ce qui a lieuau point ou dans la région de l’espace-temps auquel elle fait référence. Cependant,la métaphysique de l’univers-bloc n’implique pas le déterminisme.

De deux mondes possibles, on dit qu’ils sont déterministes si lorsqu’ils sontidentiques en un point du temps quelconque t1 ils sont identiques en tous les pointsdu temps tn (livre, p.106). Comme des mondes possibles de type univers-bloc pour-raient être identiques jusqu’à un certain point du temps t1 puis diverger dans le futurde ce point, la métaphysique de l’univers-bloc n’implique pas le déterminisme.

4.2 Substances et processus

L’éruption d’un volcan est un processus qui possède des parties spatiales ainsique temporelles. Le volcan lui-même, par contre, ne possède pas de parties tempo-relles, mais uniquement des parties spatiales, il est substance.

7

Page 8: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

– Les substances endurent, c’est à dire qu’elles persistent en existant en entierpour un certain temps.

– Les processus perdurent, c’est à dire qu’ils persistent en s’étendant sur uncertain temps et qu’il n’y a aucune partie (aucun moment) de ce temps danslaquelle ils existent complètement, possédant des parties temporelles ainsique spatiales.

4.2.1 L’argument de l’économie ontologique

C’est un argument en faveur d’une métaphysique des événements (et donc desprocessus). Cet argument dit qu’il faut en tous les cas reconnaître des processus.On peut réduire une substance à une suite spatiotemporelle d’événements simi-laires appelés alors événements génidentiques.

4.2.2 La métaphysique d’événements et la relativité restreinte

Yuri Balashov avance des arguments qui ont pour but de montrer qu’il y a unlien étroit entre la théorie physique de la relativité restreinte et la métaphysiqued’événements et de processus :

1. Les substances tridimensionnelles macroscopiques voient leur figure spatialevarier d’un référentiel à l’autre, car les distances spatiales entre des pointsdépendent d’un référentiel (prémisse de l’argument). Par contre, les objetsquadridimensionnels ne voient pas leur figure varier dans l’espace-temps carils ne dépendent pas d’un référentiel.

2. Etant donné que la simultanéité dépend d’un référentiel, la vision des objetstridimensionnels endurants ne peut pas mener à une théorie convaincante dela coexistence (coprésence) des objets. Par contre, la théorie des objets qua-dridimensionnels, possédant des parties temporelles, peut facilement inclureune théorie de la coexistence : deux objets quadridimensionnels coexistentsi et seulement s’ils possèdent des parties qui sont séparées par un intervallespatiotemporel du genre espace.

Si la théorie de la relativité, la métaphysique d’événements et la métaphysique del’univers-bloc forment un trio cohérent, la métaphysique d’événements ne peut pasêtre logiquement imposée.

4.3 Changement et mouvement

L’univers-bloc n’est pas dans le temps (au sens qu’il n’évolue pas dans letemps) mais il comporte le temps. Ce que l’on regarde habituellement comme lemouvement d’un objet à travers l’espace est en fait une suite continue de points ourégions de l’espace-temps qui possèdent un contenu physique similaire. Il en va demême pour l’accélération. De plus, la métaphysique d’un univers-bloc quadridi-mensionnel permet de concevoir une suite continue d’événements comme étant unseul individu, s’il s’agit d’une ligne d’univers composée d’événements similaires.

8

Page 9: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

4.3.1 Irréversibilité et causalité dans le cône de lumière

Comme l’univers-bloc comporte le temps, rien n’empêche qu’un monde quiest un univers-bloc puisse inclure des processus irréversibles et une direction dutemps : si un événement e1 est la cause d’un autre événement e2, alors e2 ne peutpas être la cause d’e1 et e2 a nécessairement lieu plus tard qu’e1, étant situé dans lecône de lumière futur d’e1.

On peut sans autres dire que l’événement e2 existe de façon atemporelle dansle cône de lumière futur d’e1 uniquement parce qu’e1 existe également — de façonintemporelle — dans l’univers-bloc (sans que la proposition inverse soit vraie).

4.3.2 Position actuelle

La nature est un espace-temps quadridimensionnel, un univers-bloc qui contientdes événements — à savoir des propriétés physiques existant en des points del’espace-temps — formant des processus. Einstein répond aux questions poséespar les positions problématiques de Newton, Leibniz et Spinoza :

Newton Pourquoi l’espace et le temps sont-il séparés de la matière ?

L’espace-temps est lié à la matière par la géométrie, c’est à dire par laforce gravitationnelle.

Leibniz Comment réduire l’espace-temps à la matière sans utiliser les principesd’étendue spatiale ou temporelle ?

En définissant la lumière comme absolue, l’espace-temps et la matièredeviennent relatifs. La question est « évincée ».

Spinoza Comment corréler les propriétés physiques macroscopiques (par exemple« être une chaise ») avec les propriétés physiques fondamentales ?

Le fait d’être une chaise dans l’espace-temps, c’est être une série d’évé-nements « génidentiques ». Autrement dit, une série d’événements si-milaires séparés par des intervalles de genre temps.

4.4 Vocabulaire

Génidentique Se dit d’événements similaires successifs dans l’espace-temps. Unesubstance peut être réduite à une série d’événements génidentiques.

Ligne d’univers Se dit de la ligne que dessine une particule dans l’espace-temps(cf. figure 2).

5 Après la relativité restreinte Ch. 14

5.1 La relativité générale

La relativité générale (1916) ajoute à la relativité restreinte une théorie de lagravitation, résolvant ainsi le problème que pose la conception de la gravitation

9

Page 10: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

Newton

Leibniz

Spinoza

Einstein

relativité restreinte

Einstein

relativitégénérale

t1 t2

e1

e2

e3

e4

e5

espace +tempsabsolus

matière

matière

relations temporellesrelationsspatiales

matière +espace +tempsabsolus

propriétémacroscopique

événement

espace-temps

E = m∙c2

(énergie = matière)

géométrie del’espace-temps

→ pourquoi 2 choses ?

→ pourquoi la matière ici et maintenant plutôt que là à un autre moment ?

→ nature de ces relations ?

→ comment reconstituer les relations spatiales et tempo-relles à partir des monades, c’est à dire sans recours à la notion d’étendue spatiale ou temporelle ?

→ quels sont les rapports entre les propriétés physiques macroscopiques “traditionnelles” telles que “être une chaise” et les propriétés des points de l’espace dans le temps ?

→ la gravité est toujours une action à distance qui pose problème.

→ la géométie est-elle une substance ?

→ quelle est le rapport entre la géométrie (gravité) et la matière (énergie) ?

FIGURE 3 – Résumé des diverses positions classiques

10

Page 11: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

Espace-temps absolu substantiel

Espace-temps absolu substantiel

avec le champ métrique

Champ métrique indépendant

FIGURE 4 – Les deux versions du substantialisme

comme action à distance dans la physique de Newton. L’espace-temps est mainte-nant courbé : la matière détermine la géométrie de l’espace-temps dans le sens quela matière courbe l’espace-temps. La géométrie de l’espace-temps influence à sontour la trajectoire des systèmes physiques dans l’espace-temps. En conséquence,l’espace-temps ne constitue pas du tout un arrière-plan passif dans lequel la ma-tière est insérée, mais est lui-même une entité dynamique, interagissant avec lamatière (les champs d’énergie-matière non gravitationnelle), et le statut du champmétrique devient ambigu.

5.2 Espace-temps substantiel vs. espace-temps relationnel

5.2.1 Le substantialisme (l’espace-temps substantiel, absolu)

Selon cette position, il existe un espace-temps absolu, et c’est une substance.Pour être plus précis, on se focalise ici sur la question de savoir si non seulementl’espace-temps dans sa totalité, mais encore les points de l’espace-temps sont eux-mêmes des substances dont l’identité serait indépendante des grandeurs physiquesqui sont instanciées en ces points.

Il existe deux versions du substantialisme (cf. figure 4).

1. L’espace-temps sans le champ métrique est une substance qui peut existerpar elle-même. Les points de l’espace-temps possèdent chacun une essenceintrinsèque qui constitue leur identité et qui est indépendante des propriétésmétriques-gravitationnelles ainsi que des propriétés d’énergie-matière nongravitationnelle qui existent en ces points. On parle ici d’un substantialismede la variété différentiable.

2. L’espace-temps avec le champ métrique, c’est à dire avec la structure géomé-trique gravitationnelle, définit l’espace-temps absolu. Les points de l’espace-temps sont des substances uniquement avec leurs propriétés métriques.L’identité des points de l’espace-temps est constituée par des relations mé-triques à d’autres points. On parle ici d’essentialisme métrique.

11

Page 12: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

Points de l’espace-temps “originaux”

Propriétés physiques instanciées en ces points

Points de l’espace-temps “transformés”

Propriétés physiques inchangées

a

b

FIGURE 5 – L’argument du trou

On peut simplifier la confrontation de ces deux versions à l’extrême en disant sim-plement qu’elles cherchent à « ranger » le champ métrique :

1. Ranger le champ métrique du côté de la matière dans la première version.

2. Ranger le champ métrique du côté de l’espace temps dans la seconde version.

Le substantialisme contemporain se heurte contre une version relativiste de l’ar-gument de Leibniz : un espace-temps absolu, indépendant de la matière, engen-drerait des états physiques distincts mais indiscernables, sans parler de l’objectionclassique liée aux points de vue dualistes (ici dualisme de l’espace-temps et de lamatière) : pourquoi séparer ces deux choses ?

5.2.2 L’argument du trou

Soient (cf. figure 5) :

(a) une transformation identité (c’est à dire une recopie exacte) sur unepartie déterminée de l’espace-temps ;

(b) une transformation effective sur le reste de l’espace-temps (sur le trou).

Selon la théorie de la relativité générale, les champs et leur image sous cette trans-formation décrivent la même situation physique. Cependant, si l’on maintient queles points de l’espace-temps possèdent une existence indépendante des champs (etdes valeurs des champs en ces points), il s’ensuit que ce type de transformationentraîne une distinction qui n’est pas physiquement discernable : différents pointsde l’espace-temps absolu sont alors les porteurs des valeurs physiques des champsen question, reliés par la transformation ci-dessus.

L’argument du trou invalide donc la première version du substantialisme carselon cette position, les points de l’espace-temps possèdent une essence indépen-dante de la métrique et cette essence, selon l’argument du trou, existerait alors sanspouvoir être identifiée.

12

Page 13: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

5.2.3 Le relationnalisme (l’espace-temps relatif)

– Si des points de l’espace-temps sont caractérisés par des relations métriques,ils ne sont pas caractérisés par des propriétés intrinsèques.

– En incluant les grandeurs métriques, les points de l’espace-temps ne sontplus nécessairement considérés comme des entités non-matérielles, car onpeut soutenir que le champ métrique fait partie de la matière, comportantl’énergie gravitationnelle.

La question qui reste : quel est le rapport entre les propriétés métriques gravitation-nelles et les propriétés de l’énergie-matière non gravitationnelle ?

5.3 La géométrodynamique de Wheeler (matière = espace-temps)

Le noble objectif de Wheeler était de montrer, sur la base du fait que la relati-vité générale a réduit la gravitation (propriété matérielle) à une propriété géomé-trique de l’espace-temps, que toutes les propriétés matérielles sont en effet iden-tiques (et réductibles) à des propriétés géométriques. Les propriétés géométriquesde l’espace-temps sont des relations catégoriques. Le programme de la géométro-dynamique a échoué pour les raisons physiques suivantes :

1. L’électrodynamique

2. Les singularités à la source (particule chargée)

3. Les fermions

5.4 La situation actuelle

La question qui demeure est « quel est le rapport entre le champ métrique et leschamps d’énergie-matière non gravitationnelle ? ». Cette question ouvre la porte dela physique quantique, et plus particulièrement de la gravitation quantique.

5.5 Vocabulaire

Champ métrique Structure géométrique de l’espace-temps.

6 Conception classique vs. conception quantique Ch. 15

6.1 Les quatre principes classiques d’Einstein

6.1.1 Localisation

Ce principe affirme simplement que les systèmes physiques fondamentaux sontlocalisés dans l’espace-temps.

13

Page 14: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

6.1.2 Séparabilité

Ce principe affirme que les systèmes physiques revendiquent une existenceindépendante les uns des autres, à condition qu’ils soient séparés spatialement.

– Les propriétés caractéristiques de chaque système physique ne consistentpas en des relations avec d’autres systèmes, on parle donc ici de propriétésintrinsèques.

– Tout système considéré isolément possède un état qui contient l’informationcomplète sur toutes les propriétés du système qui dépendent du temps. Si l’onconsidère un système total composé de plusieurs sous-systèmes, alors l’étatdu système total est déterminé par les états respectifs de ses sous-systèmes.

6.1.3 Action locale

Ce principe stipule que les interactions se propagent d’un point à son voisinageà une vitesse limitée. De fait, une influence extérieure sur A ne provoque pas d’effetimmédiat sur B.

La théorie de la gravitation de Newton fait exception dans la physique classiqueà ce principe en ce qu’elle admet une action à distance, c’est à dire une propagationinstantanée d’une interaction dans tout l’espace.

6.1.4 Individualité

1. Il n’est pas possible que deux systèmes physiques se trouvent exactement aumême lieu en même temps.

2. Il est possible de reconnaître le système concerné en tout temps.

6.2 Les propriétés incompatibles

En physique classique,

1. toutes les propriétés possèdent à tout instant du temps une valeur numériquebien définie ;

2. la valeur que possède une telle propriété à un instant donné ne pose aucunerestriction pour les valeurs que peuvent posséder les autres propriétés en cetinstant ;

3. il est en principe toujours possible de mesurer chaque propriété sans modifierla valeur des autres propriétés.

En physique quantique, en revanche,

1. les propriétés fondamentales peuvent être dépendantes les unes des autres :il y a des valeurs de ces propriétés qui sont incompatibles les unes avecles autres (exemple : position et impulsion). Les indéterminations qui enrésultent n’ont rien à voir avec une ignorance de notre part, elles sont un faitobjectif ;

14

Page 15: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

FIGURE 6 – Fonction d’onde de l’hydrogène

Probabilité de présence de l’électron pour les premières orbitales de l’hydro-gène (vues en coupe ; les échelles varient selon les orbitales représentées).

2. le système peut sans autre se trouver dans un état qui est une superpositionde toutes les valeurs possibles de la propriété en question ;

3. l’interaction avec l’appareil de mesure a pour effet que le système quantiqueacquiert une valeur numérique définie de la propriété concernée, à savoir lavaleur qu’indique l’appareil.

7 L’intrication quantique Ch. 16

En physique quantique, non seulement les propriétés incompatibles d’un mêmesystème sont dépendantes les unes des autres, mais il y a encore une dépendanceentre les propriétés de même type de plusieurs systèmes.

7.1 Le paradoxe EPR (Einstein-Podolsky-Rosen)

Comme ces propriétés sont celles de plusieurs systèmes (par exemple le spin),il est impossible d’attribuer à chaque système pris seul un état qui caractérise com-plètement les propriétés dépendantes du temps de ce système. Pour cette raison,l’intrication des états de deux ou plusieurs systèmes quantiques viole le principede séparabilité : aucun système pris seul ne possède un état de spin bien défini alorsque, dans le cas de l’état dit « singulet », le spin total (c’est à dire de l’ensembledes systèmes indéfinis) a la valeur zéro.

15

Page 16: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

7.2 Le holisme des systèmes quantiques

Les systèmes quantiques sont liés les uns aux autres par des relations qui nepeuvent pas être dérivées de quelque chose qui appartient aux systèmes quantiquesindépendamment les uns des autres.

7.3 La physique quantique et les quatre principes de la physique clas-sique

7.3.1 Localisation

Les systèmes quantiques et leurs propriétés ne sont en règle générale pas loca-lisés en des points de l’espace et du temps, comme en témoigne la relation d’indé-termination de Heisenberg : ∆p∆q > 1

2h

2π, avec h = la constante de Planck, ∆p =

l’indétermination de l’impulsion et ∆q = l’indétermination de la position. Autre-ment dit, on ne peut pas manipuler cette équation afin d’obtenir quelque chosecomme ∆p = f (∆q) ou ∆q = f (∆p), et ça, c’est philosophiquement compliqué àdigérer...

7.3.2 Séparabilité

Les systèmes quantiques ne sont pas « séparables » vu qu’ils sont intriqués.

7.3.3 Action locale

La physique quantique ne contredit pas ce principe. Dans le cas de systèmescorrélés, les corrélations sont indépendantes de la distance spatiale ou spatiotem-porelle entre les systèmes. Ces corrélations ne sont cependant pas des interactions.L’intrication n’est pas une relation causale.

7.3.4 Individualité

Les systèmes quantiques sont indiscernables : il n’est pas possible de caracté-riser un système quantique par une marque et de le reconnaître par la suite.

Par contre, les intrications d’état incluent toujours un nombre défini de sys-tèmes quantiques. Ces systèmes sont donc dénombrables sans être identifiables àtravers le temps.

7.4 Le théorème et les expériences de Bell

John Stewart Bell (1928-1990) déduit des présuppositions d’Einstein — quirejette les principes philosophiques de la théorie quantique car ils ne satisfont no-tamment pas le principe de séparabilité — un théorème établissant qu’il existe unelimite supérieure pour des corrélations comme celles que traite la théorie quan-tique.

16

Page 17: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

Son expérience consiste à utiliser le principe classique des probabilités indé-pendantes. Amusons-nous à transposer l’affaire sur des pièces de monnaie, quel’on pourrait assimiler à des particules corrélées. Soient les variables suivantes :

– xa ≡ « la pièce a tombe sur face ou sur pile »– xb ≡ « la pièce b tombe sur face ou sur pile »– a≡ « je lance la pièce a »– b≡ « je lance la pièce b »

En cas d’indépendance des résultats, autrement dit dans le paradigme classique, onpeut dire (et généralement, on dit) que :{

P(xa|a,b) = P(xa|a,b,xb)

P(xb|a,b) = P(xb|a,b,xa)

On peut lire ces formalismes mathématiques comme disant que « la probabilitéque la pièce a tombe sur face ou sur pile, sachant que les deux pièces ont étélancées, doit être égale à la probabilité que la pièce a tombe sur face ou sur pile,sachant non seulement que les deux pièces ont été lancées, mais aussi le résultat dulancer de la pièce b » ; et vice-versa pour la pièce b. Bell, avec la volonté de prouver,à l’échelle quantique, la validité de ces égalités statistiques — autrement dit laséparabilité des systèmes quantiques — a, malheureusement pour lui, dû revoir seshypothèses, car il a découvert exactement l’inverse : les égalités ci-dessus ne sontplus valables à l’échelle quantique.

Les expériences menées par le groupe d’Alain Aspect (début des années 1980)prouvent d’ailleurs que certaines corrélations quantiques dépassent bel et bien lalimite que Bell cherchait à établir au travers de son théorème.

On comprend ici qu’il est alors nécessaire de procéder à des changements enprofondeur par rapport à une philosophie de la nature basée sur la physique clas-sique.

7.5 Vocabulaire

Etat singulet Se dit d’une paire d’électrons (de deux systèmes quantiques) dontla valeur de spin totale est égale à 0. C’est l’exemple utilisé par Bell pour sesexpériences, car en état singulet, une paire d’électrons possède les couplesde valeurs de spin (+;−) et (−;+) uniquement, ce qui est bien pratique.

8 L’interprétation de la physique quantique Ch. 17

8.1 L’hypothèse des variables cachées (David Bohm)

Bohm (1917-1992) soutient qu’il existe un « potentiel quantique », une gran-deur physique additionnelle, qui détermine de manière causale la trajectoire d’unsystème quantique. Il souhaite, disons, maintenir le paradigme classique face auxchamboulements philosophiques que les observations induisent. Cette théorie tient

17

Page 18: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

logiquement la route, de même qu’elle reproduit exactement les mêmes prédictionsque la mécanique quantique, néanmoins on peut lui adresser une critique basée surles points suivants :

– La mécanique de Bohm avance qu’ontologiquement, les particules ont uneposition, mais nous ne connaissons pas ces positions, ce sont les fameusesvariables cachées. Le potentiel explicatif de la théorie, qui disons-le est plu-tôt bancal, ne plait pas forcément à tout le monde...

– Le potentiel quantique, dans sa conception quasi-newtonienne, admet la sé-parabilité, au prix de violer le principe d’action locale, en ceci qu’elle admetles mouvements corrélés.

– Il n’est pas encore avéré que la théorie de Bohm, à l’instar de la théoriequantique, puisse s’inscrire dans la théorie plus large dite des « champs quan-tiques ».

– Le potentiel quantique semble être, du coup, une hypothèse plutôt ad hoc.En termes de capacité d’explication, la mécanique quantique est plus cohérente quecelle de Bohm.

8.2 Le réalisme structural ontologique

L’objectif du réalisme structural est de prendre en compte l’aspect philoso-phique nouveau qu’implique l’intrication des états quantiques en renonçant à l’hy-pothèse des variables cachées. On abandonne le principe de séparabilité au profitdes trois autres. Il s’agit là de revoir la métaphysique de la nature qui, depuis Aris-tote, est une métaphysique de la nature atomiste (des propriétés intrinsèques), pourla faire converger vers une métaphysique des relations, vers un holisme.

– On peut concevoir une structure physique comme un réseau de relationsconcrètes entre des objets qui ne possèdent pas d’identité intrinsèque.

– Les objets ne sont plus que les points d’ancrage des relations, les relata.– Le réalisme structural n’exclut pas que des propriétés intrinsèques puissent

exister, pour autant qu’elles ne constituent pas de conditions d’identité pourles objets physiques fondamentaux.

8.3 La théorie des champs quantiques

La théorie des champs quantiques englobe la création et l’annihilation de sys-tèmes quantiques. Pour cette raison, elle est encore plus fondamentale que la mé-canique quantique. Quelques points importants :

– Ce que l’on considère, selon la mécanique quantique comme des systèmesphysiques singuliers se révèle être d’après la théorie des champs quantiquesdes propriétés des champs. Les électrons sont par exemple des quanta d’unchamp quantique, représentés mathématiquement par des opérateurs.

– Les corrélations EPR sont traitées dans la théorie des champs quantiquescomme des corrélations entre des distributions conditionnelles de probabi-lités d’opérateurs de champs en des points ou régions de l’espace-temps. Il

18

Page 19: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

peut y avoir de telles corrélations même dans l’état du vide physique.– La théorie des champs quantiques confirme le réalisme structural tout en sou-

lignant l’importance des points de l’espace-temps. Elle efface les systèmessinguliers de la mécanique quantique au profit des propriétés des champsdéfinies notamment sur des points ou des régions de l’espace-temps.

– L’unification de la théorie des champs quantiques avec la théorie de la re-lativité générale (relations quantiques et relations spatiotemporelles « clas-siques ») est une question ouverte de la recherche actuelle.

9 Le monde quantique et le monde macroscopique Ch. 18

9.1 Le problème de la mesure

On peut concevoir le problème de la mesure en physique quantique commecelui de savoir quelles propositions, parmi les trois suivantes, on peut conserverafin que d’obtenir une position philosophiquement consistante (les deux premièrespropositions sont liées à la physique quantique, la troisième au bon sens) :

1. Physique quantique 1 : La fonction d’onde d’un système est complète, c’està dire qu’elle spécifie toutes les propriétés du système.

2. Physique quantique 2 : La fonction d’onde évolue toujours selon une équa-tion dynamique linéaire (i.e. l’équation de Schrödinger).

3. Bon sens : une mesure mène à un résultat numérique défini.On a alors les trois positions suivantes, auxquelles on peut faire correspondre lesexemples et théories qui suivent :

1∧2∧¬3

– Intrication universelle et perpétuelle– Exemple du chat de Schrödinger– Théorie de la décohérence

1∧¬2∧3

– Réductions d’état spontanées (GRW)

¬1∧2∧3

– Théorie de Bohm (variables cachées)

9.2 Le chat de Schrödinger

Un chat est enfermé dans une boîte avec un flacon de gaz mortel et une sourceradioactive (cf. figure 7). Si un compteur Geiger détecte un certain seuil de ra-

19

Page 20: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

FIGURE 7 – Le chat de Schrödinger

diations, le flacon est brisé et le chat meurt. Selon le formalisme de la physiquequantique, le chat est à la fois vivant et mort. Pourtant, si nous ouvrons la boîte,nous pourrons observer que le chat est soit mort, soit vivant.

On comprend ainsi le principe d’intrication des systèmes quantiques : l’atomeest lié au chat et on ne peut pas extraire l’un ou l’autre pour en connaître les pro-priétés : ils sont un système corrélé.

Morale de l’histoire : en partant du formalisme de la physique quantique, nousn’accédons pas à la description des objets macroscopiques fournie par le sens com-mun et la physique classique.

9.3 La théorie de la décohérence

Bien que seul le tout (système quantique, appareil de mesure, environnement,etc. - finalement la totalité de l’univers) se trouve dans un état pur, ce tout se dé-veloppe très rapidement de telle manière qu’un observateur local ne peut pas faired’expériences lui permettant de distinguer ce tout intriqué d’un mélange propre.En bref, la décohérence signifie qu’en réalité les intrications persistent même lorsd’un processus de mesure. Elles sont cependant inaccessibles pour nous autres,observateurs locaux.

9.4 La position d’intrication universelle et perpétuelle

D’après les adhérents à cette position, au lieu d’essayer de changer la dyna-mique de Schrödinger pour intégrer la présupposition des valeurs numériques défi-nies comme résultats des mesures dans la théorie quantique, il vaut mieux accepterque la théorie quantique montre que des valeurs numériques définies n’existentsimplement pas.

En gros, le chat de Schrödinger n’est en effet jamais mort : il continue éter-nellement à exister dans une superposition d’être vivant et mort, ce qui implique

20

Page 21: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

l’existence de deux branches de l’univers, l’une dans laquelle le chat est vivant etl’autre dans laquelle le chat est mort.

Objections :

– Cette position implique qu’à strictement parler, toutes les théories et toutesles descriptions du monde à part la théorie quantique sont fausses, puis-qu’elles présupposent toutes qu’il y a des objets dans le monde qui possèdentdes propriétés bien définies.

– Une autre objection peut être formulée au travers du Rasoir d’Ockham (prin-cipe de parcimonie) : on peut dire que selon cette position, tous les étatspossibles de tous les systèmes physiques existent en fait dans des branchesdifférentes de l’univers qui ne communiquent pas entre elles. Cela n’est pasune conclusion philosophiquement économique.

Ces théories décrivent toutes la manière dont le monde apparaît à un observa-teur au lieu de proposer des descriptions et des explications objectives.

9.5 La position de la réduction d’état (GRW)

Cette position suppose des réductions d’état spontanées, même indépendam-ment des mesures, sous forme de localisations spontanées de systèmes quantiques.Ces événements de localisation spontanée sont indépendants des processus de me-sure. Ils expliquent les résultats de mesure sans présupposer les notions de mesureet d’appareil de mesure que l’on ne peut pas définir d’une manière précise. Leurprobabilité de se produire est proportionnelle au nombre de systèmes quantiquesen jeu dans, par exemple, un système macroscopique.

Un système quantique peut être considéré comme quelque chose de très étendu(de Satigny à Jussy dans les expériences de Bell).

9.6 Déterminisme vs. indéterminisme

Le fait que les résultats de mesures individuelles ne peuvent pas être prédits nepermet pas d’inférer que la théorie quantique est indéterministe.

9.7 Vocabulaire

Fonction d’onde objet mathématique lié à un objet quantique (cf. figure 6).

Mélange propre ensemble de systèmes tel que (a) chaque système se trouve dansun état pur, avec une valeur numérique définie des propriétés en question,mais (b) l’état pur de chaque système est inconnu de l’observateur.

21

Page 22: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

Niveau fondamental

Niveau macroscopique

t

t

changementmacroscopique

nécessaire

changementphysique survenancesurvenance

A1

A2

B1

B2

FIGURE 8 – Principe de survenance

10 La métaphysique humienne Ch. 19

On se préoccupe ici non plus de la distinction entre propriétés intrinsèques etrelations, mais plutôt de la distinction entre propriétés catégoriques et pouvoirs.Cette distinction s’effectue en principe dans le cadre des propriétés intrinsèques,même si elle peut exister dans le cadre des relations (cf. tableau p.172)

Les propriétés catégoriques sont des qualités pures : ce que sont les propriétés,leur essence, est indépendant des lois et des rapports de causalité dans les-quels elles peuvent figurer.

Considérer uniquement qualitativement l’expérience de percevoir lerouge c’est considérer cette expérience comme étant une qualité pure.

Les propriétés comme pouvoirs sont la disposition d’engendrer certains effets.

Considérer l’expérience de percevoir le rouge comme étant une expé-rience engendrant l’image mentale de mon bonnet à pompon rougec’est considérer cette expérience comme une disposition d’engendrercette image mentale.

10.1 La survenance humienne - David Lewis (1941-2001)

– Ce qui unifie le monde, c’est le réseau de relations spatiotemporelles entredes points.

– Les propriétés fondamentales sont intrinsèques et catégoriques.– La description de tout ce qu’il y a d’autre dans le monde découle de la des-

cription de la distribution des propriétés physiques fondamentales, intrin-sèques et catégoriques dans tout l’espace-temps. Tout ce qu’il y a d’autredans le monde est une trame de cette distribution.

10.1.1 Pourquoi « humienne » ?

Le projet de David Hume était de renoncer à reconnaître des connexions néces-saires dans le monde. Dans le cadre de la survenance humienne de Lewis, il est une

22

Page 23: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

conséquence logique de dire que les propriétés physiques qui existent quelque partdans l’espace-temps n’imposent aucune restriction sur les propriétés physiques quipeuvent exister ailleurs dans ce même espace-temps. Il s’agit-là d’ailleurs d’uneconséquence générale de la conception catégorique des propriétés qui est son prin-cipal point faible, et le lien avec le projet de Hume.

10.1.2 La flèche du temps et l’irréversibilité

Dans la thèse de la survenance humienne, l’irréversibilité et la direction dutemps sont des traits contingents qui s’appliquent au monde réel. Sur la base del’augmentation de l’entropie dans l’univers, la métaphysique humienne cherche àexpliquer les processus irréversibles et la direction du temps.

10.2 Les lois de la nature et les propriétés intrinsèques-catégoriques

Si l’on admet la combinaison libre des propriétés, bien que l’on utilise des loispour faire des prédictions,

1. soit on admettra qu’à ce fait épistémologique ne correspond aucun fait on-tologique - autrement dit que les lois de la nature n’existent pas ailleurs quedans les petites interactions des humains - ;

2. soit on accepte l’idée que les lois existent ontologiquement (et pas qu’épis-témologiquement) mais alors on doit s’engager à accepter l’existence desuniversaux, car il n’y a que par un système de types et d’occurrences que deslois peuvent être intégrées comme un objet fondamental lorsqu’on postuledes propriétés intrinsèques et catégoriques. Il se pose dès lors le problèmede l’accès aux universaux : comment pouvons-nous gagner une connaissancedes lois de la nature en tant que relations entre des universaux ?

3. soit on applique la méthode de Ramsey et Lewis.

10.3 Les lois de la nature selon Frank Ramsey (1903-1930) et Lewis

L’idée de Ramsey est de considérer comme lois de la nature les propositionsque nous devrions prendre comme théorèmes si nous savions tout et si nous organi-sions ce tout le plus simplement possible dans un système déductif. Sur cette base,Lewis propose de considérer comme lois de la nature les théorèmes du meilleursystème, à savoir de celui qui accomplit la meilleure combinaison de simplicité etde contenu d’information. S’il y a plusieurs systèmes de cette sorte, il faut qu’uneloi de la nature soit un théorème dans tous ces systèmes.

10.3.1 La distinction entre lois de la nature et régularités contingentes selonLewis

Considérons les deux propositions suivantes :

23

Page 24: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

1. Toutes les sphères solides en uranium U235 ont un diamètre inférieur à unkilomètre.

2. Toutes les sphères solides en or (Au) ont un diamètre inférieur à un kilo-mètre.

Si ces propositions sont vraies toutes les deux (jusqu’à preuve du contraire), seulela première proposition exprime une régularité générale qui est une conséquenced’une loi de la nature. La seconde proposition est une régularité contingente.

10.3.2 Le problème de la conception de Ramsey-Lewis

La distinction entre des lois de la nature et des régularités contingentes ne sebase pas sur la notion de vérité des énoncés mais sur les notions de simplicité etde contenu d’information. Or il semble que ces paramètres sont issus d’un choixdescriptif de notre part, dépendant de nos capacités cognitives plutôt que de lanature elle-même.

10.4 David Hume (1711-1776) : la causalité comme régularité

David Hume pose trois conditions nécessaires et ensemble suffisantes pour quela relation entre un événement e1 et un autre e2 soit une relation causale :

1. e1 a lieu avant e2.

2. e1 est spatiotemporellement contigu avec e2.

3. Toujours, quand il y a un événement du même type qu’e1, il y a un autreévénement du même type qu’e2 qui succède au premier événement et qui luiest spatiotemporellement contigu.

Un événement est considéré ici comme « une propriété physique en un point del’espace-temps », contrairement aux événements vus dans le chapitre sur l’univers-bloc, où plusieurs propriétés physiques en un point de l’espace-temps pouvaientconstituer un événement. Dans la conception de la causalité comme régularité, onconsidère que deux événements peuvent occuper le même emplacement spatio-temporel et donc entrer en concurrence en termes d’explication causale. Il s’agirade déterminer quel événement est causalement responsable d’un autre parmi lesévénements en concours.

Dans un tel cas de figure, on peut dire que la relation de causalité qui existeentre les deux événements dépend de quelque chose qui a lieu ailleurs dans lemonde.

10.4.1 Précisions de John Mackie

Une cause est une partie insuffisante, mais nécessaire d’une condition suffi-sante, mais non nécessaire pour l’effet en question (INUS - insufficient, but ne-cessary part of an unnecessary but sufficient condition en anglais). Exemple : uncourt-circuit cause un incendie. Le court-circuit cause l’incendie uniquement parce

24

Page 25: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

qu’il a lieu à proximité de matières inflammables. Le court-circuit, la présencede matières inflammables, etc. constituent ensemble une condition suffisante pourl’incendie. Le court-circuit est une partie nécessaire de cette condition suffisante.Néanmoins, cette condition n’est, elle, au total, pas nécessaire : une autre chaînecausale aurait pu avoir lieu qui aurait causé le même incendie.

10.5 La causalité en termes de dépendance contrefactuelle

« Certains événements ne se produisent qu’une seule fois dans l’univers etpeuvent néanmoins entrer dans des relations causales (exemple : le big bang) ».C’est à cette objection que les métaphysiciens humiens soutiennent une théorie dela causalité en termes de dépendance contrefactuelle : « si le ballon de footballn’avait pas frappé la fenêtre, alors la fenêtre n’aurait pas été brisée ».

10.6 Vocabulaire

Survenance (cf. figure 8) Si les B surviennent sur les A, alors la distribution desA fixe ou détermine la distribution des B.Il ne peut y avoir aucune différence en B sans qu’il n’y ait également unedifférence en A.

11 La théorie causale des propriétés Ch. 20

A la question « comment pouvons-nous avoir un accès cognitif aux propriétésexistantes dans le monde si celles-ci sont catégoriques et ainsi des qualités pures ? »Frank Jackson répond (nous sommes toujours ici dans le cadre de propriétés intrin-sèques et catégoriques) :

1. Il est possible qu’il existe deux propriétés P et P* qui soient indiscernableseu égard aux relations causales dans lesquelles elles figurent.

2. Parfois l’une, parfois l’autre de ces deux propriétés est présente.3. Nous supposons de manière erronée qu’il n’y a qu’une seule propriété car la

différence entre les deux ne fait pas de différence.

11.1 Quiddité et humilité

Si l’on admet la position de Jackson, il s’ensuit que l’essence des propriétésest indépendante des rapports causaux et nomologiques que les propriétés entre-tiennent les unes avec les autres. Il en découle une limitation cognitive qui estl’objet de l’objection dite de quidditisme. Si Lewis accepte ce fait, cette objectionest pourtant conséquente face à cette théorie des propriétés.La quiddité est l’indépendance de l’essence des propriétés sur leurs rapports cau-

saux ou nomologiques : l’objection de quiddité est liée à la réalisation mul-tiple, aux différences qualitatives qui ne font, effectivement, pas de diffé-rence.

25

Page 26: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

L’humilité est l’impossibilité d’acquérir une connaissance de ces qualités pures,conséquence d’une position qui considère les propriétés comme intrinsèques-catégoriques.

11.2 Objection à la quiddité

En inversant les essences (ici les qualités pures) de propriétés telles que lamasse ou la charge, on obtient deux mondes différents, mais indiscernables, carc’est par leurs effets causaux (ici l’effet de produire la gravité et celui d’attirer lescharges opposées) que les propriétés se manifestent à nous.

Dans un monde, la masse possède une qualité pure « d’être la masse » et unaspect causal de produire la gravité. Dans l’autre monde, la masse possède unequalité pure « d’être la charge » mais conserve son aspect causal de produire lagravité. Ces deux masses sont ontologiquement différentes mais indiscernables,c’est une différence sans différence. Il devient alors difficile de maintenir une on-tologie des qualités pures. On considérera donc les propriétés uniquement commedes propriétés causales, laissant de côté leur aspect de qualité « pure ».

11.3 Les propriétés comme pouvoirs

« En tant qu’étant certaines qualités, les propriétés sont des pouvoirs de pro-duire certains effets. » Il y a dès lors identité entre la propriété et son pouvoir. Lepouvoir est la propriété et l’essence pure est abandonnée.

– En étant certaines qualités, les propriétés sont des dispositions ou des pou-voirs d’engendrer certains effets. (Exemple de la charge : même s’il n’y a pasd’objets qui sont attirés ou repoussés, la disposition en question est présente,il ne s’agit cependant pas d’une disposition cachée.)

– Si l’on soutient la théorie causale des propriétés, on peut néanmoins consi-dérer les propriétés comme intrinsèques.

– La causalité inclut une direction du temps et l’irréversibilité des processus.La possibilité d’une causalité rétroactive ou simultanée est exclue.

– La théorie causale des propriétés s’oppose à la motivation centrale de lamétaphysique humienne qui cherche à éviter de reconnaître des modalitésobjectives en guise de connexions nécessaires dans le monde.

– Suivant la métaphysique humienne, des propriétés du même type peuventexercer des rôles causaux entièrement différents dans différents mondes pos-sibles. D’après la métaphysique des propriétés comme pouvoirs, en revanche,l’essence d’une propriété détermine le rôle causal qu’exercent les occur-rences du type en question.

– D’après la théorie causale des propriétés, les lois de la nature ne sont pascontingentes, au sens d’être fixées par la distribution entière des proprié-tés physiques fondamentales dans un monde donné, mais métaphysiquementnécessaires : les lois expriment ce que les propriétés peuvent faire, elles dé-coulent de leur essence causale.

26

Page 27: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

Proprietes

Intrinseques

Categoriques

NewtonHumeLewis

Causales

{LeibnizJackson

Relations

Categoriques

DescartesSpinozaEinstein

Causales{

Realismecausal

FIGURE 9 – Les positions philosophiques face aux propriétés physiques

– Il va de soi que nos hypothèses au sujet des lois de la nature peuvent êtrefausses, mais les lois elles-mêmes sont indépendantes de ces hypothèses,étant fixées par l’essence causale des propriétés.

– La théorie causale des propriétés n’a pas besoin d’accepter la distribution despropriétés physiques fondamentales dans tout l’espace temps comme pointde départ. Bien au contraire, elle est en mesure d’expliquer le développementde cette distribution.

– Des lois qui sont métaphysiquement nécessaires peuvent néanmoins être deslois probabilistes, la théorie causale des propriétés n’est pas forcément liéeau déterminisme.

12 Structures et causalité Ch. 21

Ce chapitre (ch. 21, p.195) consiste essentiellement en une discussion philo-sophique argumentative en faveur d’une conception causale des structures (rela-tions) physiques fondamentales. Retenons simplement ici trois points sélectionnés,sachant qu’il est important de lire le chapitre pour comprendre les tenants et lesaboutissants des divers arguments ici en jeu.

Une structure est un réseau de relations concrètes entre des objets qui sont uni-quement les points d’ancrage des relations (des relata), ne possédant pasd’identité intrinsèque.

Le réalisme structural cartésien se propose de décrire le monde comme consis-tant en des structures géométriques, c’est à dire des relations catégoriques.Cette position est liée à la géométrodynamique de Wheeler dont nous avonsparlé plus haut : les relations spatio-temporelles de même que la géométriede l’espace-temps sont des relations catégoriques, c’est à dire sans pouvoirs.Mais cette position pose un certain nombre de problèmes métaphysiques,dont notamment l’objection de quiddité.On peut dire de la conception du monde comme un ensemble de structures

27

Page 28: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

algébriques qu’il s’agit d’une erreur de catégorie : les structures algébriques,de même que les concepts, ne sont pas les objets du réel. Je ne peux pasm’asseoir sur un concept, un concept ne fait rien.

Les structures causales sont une solution viable face à l’objection de quiddité ci-dessus. Les structures causales offrent plusieurs avantages :

1. On sait de quoi on parle exactement : les structures causales sont des dis-positions pour une localisation spontanée au sens où un état intriqué est ladisposition ou le pouvoir d’engendrer une localisation spontanée (et on s’ex-trait du problème relatif aux structures géométriques ou algébriques).

2. Il existe des probabilités objectives qui s’appliquent à des cas individuels.

3. Les structures causales fournissent une solution au problème de la mesure enphysique quantique sans invoquer d’observateurs et sans introduire la notionde mesure dans une théorie physique fondamentale.

4. Les structures causales fournissent une explication de la direction du temps(et avec elle de l’irréversibilité des processus causaux).

5. Les structures causales sont applicables dans la recherche d’une théorie dela gravitation quantique. En engendrant des propriétés physiques classiques(par réduction d’intrications quantiques), les structures causales engendrentégalement l’espace-temps.

13 Conclusion

13.1 Opposition monde-commun vs. monde scientifique

Types de réponse à l’opposition monde-commun vs. monde scientifique :

1. Eliminer« seul le monde scientifique existe »Carnap 1928 / Wittgenstein / Churchland- Position radicale « scientisme »

2. Repoussertemps : univers-bloc sans direction du tempsmonde classique : intrications universellescausalité : structures mathématiques- Qu’en est-il alors de l’esprit ?

3. Résistertemps : référentiel privilégiémonde classique : attitude instrumentaliste envers la physique classique : lesparticules n’existent pas, on considère simplement les calculs comme des« calculs qui fonctionnent »causalité : dispositions intrinsèques- Et pourtant l’énergie nucléaire que l’on utilise dans notre quotidien prouve

28

Page 29: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

l’existence de phénomènes quantiques tels que la radioactivité ou la fissionde noyaux atomiques...

4. Relativiser- coexistence pacifique sans dialogue ; les deux images du monde coexistentmais ne fonctionnent simplement pas ensemble.

5. Intégrer- tenter de rendre cohérentes entre elles les deux visions du monde.

13.2 Intégrer (discussion ouverte...)

L’espace-temps contient un ordre temporel partiel d’événements. Le sens de lacausalité permet la distinction entre passé et futur d’un événement, c’est un bonexemple d’intégration entre le sens commun et le monde que propose la physiqueeinsteinienne. Les processus irréversibles se justifient par le fait que rien n’em-pêche que certains événements soient la cause de l’existence d’autres événements.

De même, la causalité, base de la direction du temps, peut être la base d’uneunification entre monde microscopique et monde quantique : les structures phy-siques étant alors considérées comme des structures causales et les structures quan-tiques comme des structures métriques de l’espace-temps.

13.3 Philosophie

Considérée comme une méta-science ou une méta-physique (au sens « über-physique »), la philosophie tente de développer une vision cohérente et complètedu monde, y compris de nous-mêmes, sur la base des résultats des sciences, enexploitant les marges d’interprétation que ces théories laissent ouvertes. La phi-losophie propose d’autres critères d’évaluation nécessaires que ceux du domaineparticulier en question (ici essentiellement la physique) pour exploiter cette marged’interprétation de façon argumentative.

29

Page 30: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

Table des matières

1 La métaphysique de la nature 21.1 Les thèmes principaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

2 L’espace, le temps et la matière 3 Ch. 112.1 Newton (1642-1727) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32.2 Leibniz (1646-1716) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32.3 Spinoza (1632-1677) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32.4 Vocabulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

3 La physique de la relativité 4 Ch. 123.1 Les postulats de départ d’Einstein . . . . . . . . . . . . . . . . . 43.2 La relativité restreinte (1905) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43.3 Le cône de lumière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53.4 Les limites de la relativité restreinte . . . . . . . . . . . . . . . . 63.5 La philosophie du temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

3.5.1 Théorie A du temps (théorie temporelle) . . . . . . . . . . 63.5.2 Théorie B du temps (théorie atemporelle) . . . . . . . . . 63.5.3 Théorie temporelle de l’existence (présentisme) . . . . . . 63.5.4 Théorie atemporelle de l’existence (éternalisme) . . . . . 63.5.5 Relations logiques entre les théories du temps et de l’exis-

tence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63.5.6 Le problème du devenir temporel . . . . . . . . . . . . . 7

3.6 Vocabulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

4 L’univers à quatre dimensions 7 Ch. 134.1 L’univers-bloc et le déterminisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74.2 Substances et processus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

4.2.1 L’argument de l’économie ontologique . . . . . . . . . . 84.2.2 La métaphysique d’événements et la relativité restreinte . 8

4.3 Changement et mouvement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84.3.1 Irréversibilité et causalité dans le cône de lumière . . . . . 94.3.2 Position actuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

4.4 Vocabulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

5 Après la relativité restreinte 9 Ch. 145.1 La relativité générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95.2 Espace-temps substantiel vs. espace-temps relationnel . . . . . . . 11

5.2.1 Le substantialisme (l’espace-temps substantiel, absolu) . . 115.2.2 L’argument du trou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125.2.3 Le relationnalisme (l’espace-temps relatif) . . . . . . . . 13

5.3 La géométrodynamique de Wheeler (matière = espace-temps) . . 135.4 La situation actuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

30

Page 31: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

5.5 Vocabulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

6 Conception classique vs. conception quantique 13 Ch. 156.1 Les quatre principes classiques d’Einstein . . . . . . . . . . . . . 13

6.1.1 Localisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136.1.2 Séparabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146.1.3 Action locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146.1.4 Individualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

6.2 Les propriétés incompatibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

7 L’intrication quantique 15 Ch. 167.1 Le paradoxe EPR (Einstein-Podolsky-Rosen) . . . . . . . . . . . 157.2 Le holisme des systèmes quantiques . . . . . . . . . . . . . . . . 167.3 La physique quantique et les quatre principes de la physique classique 16

7.3.1 Localisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167.3.2 Séparabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167.3.3 Action locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167.3.4 Individualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

7.4 Le théorème et les expériences de Bell . . . . . . . . . . . . . . . 167.5 Vocabulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

8 L’interprétation de la physique quantique 17 Ch. 178.1 L’hypothèse des variables cachées (David Bohm) . . . . . . . . . 178.2 Le réalisme structural ontologique . . . . . . . . . . . . . . . . . 188.3 La théorie des champs quantiques . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

9 Le monde quantique et le monde macroscopique 19 Ch. 189.1 Le problème de la mesure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199.2 Le chat de Schrödinger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199.3 La théorie de la décohérence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209.4 La position d’intrication universelle et perpétuelle . . . . . . . . . 209.5 La position de la réduction d’état (GRW) . . . . . . . . . . . . . . 219.6 Déterminisme vs. indéterminisme . . . . . . . . . . . . . . . . . 219.7 Vocabulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

10 La métaphysique humienne 22 Ch. 1910.1 La survenance humienne - David Lewis (1941-2001) . . . . . . . 22

10.1.1 Pourquoi « humienne » ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2210.1.2 La flèche du temps et l’irréversibilité . . . . . . . . . . . 23

10.2 Les lois de la nature et les propriétés intrinsèques-catégoriques . . 2310.3 Les lois de la nature selon Frank Ramsey (1903-1930) et Lewis . . 23

10.3.1 La distinction entre lois de la nature et régularités contin-gentes selon Lewis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

10.3.2 Le problème de la conception de Ramsey-Lewis . . . . . 24

31

Page 32: Philosophie et épistémologie des sciences La … · Couplé à la deuxième partie du livre « Philosophie des sciences» de ... des points de force (similaires en principe à ...

10.4 David Hume (1711-1776) : la causalité comme régularité . . . . . 2410.4.1 Précisions de John Mackie . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

10.5 La causalité en termes de dépendance contrefactuelle . . . . . . . 2510.6 Vocabulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

11 La théorie causale des propriétés 25 Ch. 2011.1 Quiddité et humilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2511.2 Objection à la quiddité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2611.3 Les propriétés comme pouvoirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

12 Structures et causalité 27 Ch. 21

13 Conclusion 2813.1 Opposition monde-commun vs. monde scientifique . . . . . . . . 2813.2 Intégrer (discussion ouverte...) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2913.3 Philosophie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

32