Petit guide pédagogique pour La leçon de discrimination · Bourhis, R.Y. & Carignan, N. (2007) 2...

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Bourhis, R.Y. & Carignan, N. (2007) 1 Petit guide pédagogique pour La leçon de discrimination Richard Y. Bourhis Département de psychologie Université du Québec à Montréal, Canada [email protected] et Nicole Carignan Département d’éducation et formation spécialisées Faculté des sciences de l’éducation, Université du Québec à Montréal, Canada [email protected] La référence pour la préface et pour les trois chapitres de ce guide pédagogique est la suivante : Bourhis, R.Y. & Carignan, N. (2007). Petit guide pédagogique pour « La leçon de discrimination ». Dans le DVD : La leçon de discrimination. Documentaire tiré de l’émission Enjeux, Montréal, Québec : Services Éducatif de Radio-Canada.

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Bourhis, R.Y. & Carignan, N. (2007) 1

Petit guide pédagogique pour

La leçon de discrimination

Richard Y. Bourhis

Département de psychologie Université du Québec à Montréal, Canada

[email protected]

et

Nicole Carignan

Département d’éducation et formation spécialisées Faculté des sciences de l’éducation,

Université du Québec à Montréal, Canada

[email protected]

La référence pour la préface et pour les trois chapitres de ce guide pédagogique est la suivante :

Bourhis, R.Y. & Carignan, N. (2007). Petit guide pédagogique pour « La leçon de discrimination ». Dans le DVD : La leçon de discrimination. Documentaire tiré de l’émission Enjeux, Montréal, Québec : Services Éducatif de Radio-Canada.

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Bourhis, R.Y. & Carignan, N. (2007) 2

Petit guide pédagogique pour

La leçon de discrimination

Richard Y. Bourhis

Département de psychologie Université du Québec à Montréal, Canada

et

Nicole Carignan

Département d’éducation et formation spécialisées Faculté des sciences de l’éducation,

Université du Québec à Montréal, Canada

PRÉFACE

Merci d’avoir visionné le documentaire La leçon de discrimination produit par Pascale

Turbide et Lucie Payeur de l’équipe d’Enjeux de la Société Radio-Canada. Le consultant

scientifique du documentaire était Richard Y. Bourhis, professeur de psychologie sociale à

l’Université du Québec à Montréal. Dans La leçon de discrimination, une enseignante fait vivre à

ses élèves du primaire la dure réalité des personnes subissant la discrimination en divisant sa

classe en deux groupes selon la taille des élèves : un groupe étant valorisé et l’autre dévalorisé

par l’enseignante. Ainsi, la discrimination est subie par les « grands » la première journée, puis

par les « petits » la seconde journée. Ces élèves québécois ont appris rapidement comment les

comportements discriminatoires naissent. Le documentaire est suivi d’une entrevue explicative

avec Richard Y. Bourhis, professeur au département de psychologie à l’Université du Québec à

Montréal.

Le documentaire La leçon de discrimination a été diffusé à l’émission Enjeux de la

télévision de Radio-Canada pour la première fois le 27 septembre 2006 et a été visionné au

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Canada par plus de 3,5 millions de téléspectateurs1. Ce documentaire a été diffusé dans plus de

20 chaines de télévision dans le monde depuis 2006. À Tokyo en 2007, La Leçon de

discrimination a remporté le premier prix du festival international Japan Prize, ainsi que le Prix

du Gouverneur de Tokyo récompensant la production situant le mieux des enjeux importants en

éducation. Le Grand Prix Japan Prize a pour but de couronner une émission innovatrice qui

exploite au mieux le potentiel de la télévision éducative. Le documentaire a été choisi parmi 262

productions soumises par 150 organismes répartis dans 56 pays. Au Canada, le documentaire a

reçu un prix Gémeaux à Toronto et le Grand Prix Judith Jasmin à Montréal. Le Guide

Pédagogique qui accompagne le DVD s’est valu un Prix d’excellence de la Fondation

canadienne des relations raciales/ Canadian Race Relation Foundation, à Toronto, en 2008. Ce

prix d’excellence vise à reconnaitre les organismes et les programmes qui travaillent à lutter

contre le racisme et la discrimination raciale en milieu de travail, scolaire, affaires et

communautaire au Canada (www.crrf-fcrr.ca).

Le documentaire est disponible en format DVD ($200 CDN) des Services Éducatifs de la

Société Radio-Canada ([email protected]). Le DVD inclut un volet « texte » constitué de

trois chapitres écrits spécifiquement pour accompagner le visionnement de La leçon de

discrimination et intitulé Guide Pédagogique. Le but du guide est d’offrir quelques pistes pour

faciliter le visionnement de La leçon de discrimination, que ce soit pour votre classe ou votre

groupe d’animation au travail ou en animation communautaire.

Nous tenons à remercier la Société Radio-Canada d’avoir bien voulu nous fournir

l’occasion de produire ce petit guide pédagogique accompagnant le DVD de La leçon de

discrimination. De plus, nous remercions Elisa Montaruli et Catherine Amiot pour leurs judicieux

conseils en ce qui concerne l’aménagement de ce petit guide pédagogique. Radio-Canada vous

invite à faire parvenir vos commentaires et vos témoignages relativement au visionnement de La

leçon de discrimination à [email protected].

1 Dans ce guide pédagogique, le masculin est utilisé comme représentant des deux sexes, sans discrimination à l’égard des hommes et des femmes et dans le seul but d’alléger le texte.

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Chapitre 1

Quelques conseils autour de La leçon de discrimination

Richard Y. Bourhis

Département de psychologie Université du Québec à Montréal, Canada

et

Nicole Carignan

Département d’éducation et formation spécialisées Faculté des sciences de l’éducation

Université du Québec à Montréal, Canada

Le documentaire La leçon de discrimination démontre que les préjugés et les

comportements discriminatoires sont facilement enclenchés envers les membres d’un groupe

dévalorisé, et ce, même chez les jeunes élèves d’un milieu culturellement et linguistiquement

homogène, d’où la nécessité de programmes d’éducation favorisant l’inclusion et l’ouverture à la

diversité à partir du primaire, en passant par le secondaire, le collégial et l’universitaire.

Aujourd’hui, le reportage La leçon de discrimination devient VOTRE outil pédagogique pour

aborder les questions d’inclusion et d’exclusion souvent vécues par les élèves du primaire et du

secondaire ainsi que par ceux du CEGEP ou de l’université, de même que par les employés et les

cadres dans le monde du travail et dans la société civile. Afin de mieux vous en servir, il nous

incombe de vous communiquer quelques conseils.

CONSEIL 1. Premièrement, suivons la recommandation de la présidente de l’Ordre des

Psychologues du Québec : ne tentez pas de refaire l’exercice de La leçon de discrimination dans

votre propre classe, dans votre groupe d’animation ou dans votre unité de travail. Pour réaliser

cette émission sur l’exercice filmé, l’équipe d’Enjeux a eu recours à divers experts et s’est

assujettie à des consignes précises pour mener le reportage et pour l’interrompre en cas de

dérapage. De plus, les permissions nécessaires à la réalisation du reportage ont été obtenues non

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seulement auprès des parents des élèves y ayant participé, mais aussi auprès de la directrice de

l’école et auprès des instances décisionnelles de la commission scolaire concernée. Comme vous

l’avez constaté lors du visionnement du DVD, l’enseignante Annie Leblanc connaissait bien ses

élèves et maîtrisait sa classe, tant au niveau disciplinaire que dans la relation de confiance qu’elle

avait su établir. Donc, le reportage a été réalisé dans les circonstances les plus favorables

possible.

CONSEIL 2. Si vous en avez l’occasion, regardez le film The eye of the storm de Jane Elliott

(1970) et vous serez étonnés par la similitude des émotions et comportements vécus par les élèves

états-uniens et ceux vécus par les élèves québécois ayant participé à La leçon de discrimination.

Au fil des décennies, beaucoup d’élèves, d’étudiants, d’enseignants et de professeurs canadiens

ayant visionné The eye of the storm ont affirmé que les préjugés et les comportements

discriminatoires obtenus dans l’étude états-unienne ne pouvaient pas être appliqués aux

Canadiens ou aux Européens, moins enclins au « racisme endémique » des Américains envers les

groupes dévalorisés tels que les Africains-Américains et les hispanophones. L’expérimentation

québécoise La leçon de discrimination, menée trente ans après l’étude états-unienne, était donc

nécessaire pour démontrer l’universalité et l’intemporalité de la force du préjugé et de la

discrimination chez les jeunes élèves. La force pédagogique de La leçon de discrimination est

pleinement efficace dans le contexte canadien, justement parce que l’auditoire de l’émission

s’identifie aux jeunes élèves canadiens partageant les mêmes repères culturels, linguistiques et

géopolitiques. Delà émane l’importance de faire usage de La leçon de discrimination, afin de

sensibiliser les jeunes générations aux enjeux de la diversité et de l’acceptation de la différence

individuelle ou collective. Ainsi, ce DVD devient un outil privilégié pour aider les enseignants et

les animateurs à promouvoir une société plus ouverte et tolérante envers « les autres », soit les

individus « stigmatisés » ou les groupes dévalorisés par le hasard de l’appartenance à une

catégorie « mal aimée ».

CONSEIL 3. Comment pouvez-vous organiser le visionnement de La leçon de discrimination

dans votre classe, votre groupe de travail ou encore votre groupe d’animation ? Quelques jours

avant de faire visionner l’émission, pensez aux caractéristiques personnelles et aux appartenances

de groupe de chacune des personnes qui aura l’occasion de visionner le DVD de l’émission. Par

exemple, dans votre classe, pensez aux élèves issus de l’immigration qui sont membres de

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minorités visibles et qui sont susceptibles d’avoir à vivre quotidiennement le sentiment d’être

plus ou moins valorisés par les membres de la communauté d’accueil. Évidemment, les personnes

ayant déjà subi les méfaits du préjugé, du mépris ou de la discrimination dans leur quotidien

seront peut-être plus susceptibles de réagir fortement au reportage. Par ailleurs, les grands

habitués de l’exclusion seront peut-être moins émus que ceux ayant « un vécu » moins intense à

cet égard. Il s’agit de se préparer à bien gérer les émotions et les réactions des personnes de

l’auditoire durant et après le visionnement du reportage. À vous de bien préparer votre mode

d’intervention et les thèmes de discussion permettant ainsi de favoriser le dialogue, de valoriser le

partage des bonnes ou mauvaises expériences, et de promouvoir le respect et les apprentissages

nécessaires afin de bien tirer profit des leçons du reportage.

CONSEIL 4. Bien que ce guide apporte des éléments utiles à l’atteinte de ces buts, il demeure

que ce sont vos expériences en tant qu’enseignant, étudiant, professeur, formateur, travailleur

social ou animateur qui sont les plus susceptibles de vous venir en aide. N’hésitez pas à consulter

vos collègues qui ont déjà une certaine expérience dans le domaine, à rejoindre des organismes

offrant de la formation en relations interculturelles ou des professionnels du milieu capables de

vous fournir d’autres conseils d’appoint. Pour ceux intéressés à la formation interculturelle en

contexte scolaire, nous vous invitons à consulter l’ouvrage de Fernand Ouellet intitulé : Les défis

du pluralisme en éducation : Essais sur la formation interculturelle, publié aux Presses de

l’Université Laval en 2002. Pour les enjeux de la diversité et l’intégration dans les écoles

québécoises, veuillez consulter l’ouvrage de Marie Mc Andrew intitulé Immigration et diversité à

l’école, publié en 2001 aux Presses de l’Université de Montréal. Pour une perspective

multiculturelle de la psychologie sociale en France et ailleurs, veuillez consulter l’ouvrage de

Serge Guimond intitulé Psychologie sociale : Perspective multiculturelle, publié en 2010 chez

Mardaga. Enfin, pour mieux connaitre la psychologie sociale des préjugés et de la discrimination

nous vous invitons à consulter le chapitre de Richard Y. Bourhis et André Gagnon intitulé Les

préjugés, la discrimination et les relations intergroupes, dans le livre de Robert J. Vallerand, Les

fondements de la psychologie sociale, publié en 2006.

CONSEIL 5 : N’hésitez pas à visionner la vidéocassette et à consulter la guide pédagogique

intitulé Couleur Cœur : le racisme chez les jeunes au niveau élémentaire qui a été produit par la

Fondation canadienne des relations raciales (FCRR) (2001). Ce matériel pédagogique vise tout

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particulièrement à accompagner les enseignants afin qu’ils puissent reconnaître la discrimination

et le racisme en classe et être sensible à ces réactions et de prévoir un plan d’action pour y

remédier (FCRR, 2001 : [email protected]; www.crrf-fcrr.ca ). Par ailleurs, ce que le guide

propose est : « Que nous soyons dans un milieu scolaire, social, multiculturel ou non, nous

devons contribuer à la formation des jeunes qui nous sont confiés en combattant le racisme à

l’avantage de tous et de la paix sociale. » (FCRR, 2001, Guide pédagogique, p. 5)

Bibliographie

Bourhis, R. Y. & Gagnon, A. (2006). Les préjugés, la discrimination et les relations intergroupes. Dans R. J. Vallerand (ed.). Les fondements de la psychologie sociale, 2e édition. (pp. 531-598) Montréal, Québec, Canada : Chenelière Éducation & Mc Graw-Hill.

Fondation canadienne des relations raciales (FCRR). (2001). Couleur Cœur : Le racisme chez les jeunes au niveau élémentaire. Vidéo cassette et Guide pédagogique. Toronto. www. crrf-fcrr.ca

Guimond, S. (2010). Psychologie sociale : Perspective multiculturelle. Colline de Wavre, Belgique : Mardaga.

Ouellet, F. (2002). Les défis du pluralisme en éducation : Essais sur la formation interculturelle. Lévis : Les Presses de l’Université Laval.

Mc Andrew, M. (2001). Immigration et diversité à l’école : Le débat québécois dans une perspective comparative. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.

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Chapitre 2

Thèmes de discussion pour La Leçon de discrimination

Richard Y. Bourhis

Département de psychologie Université du Québec à Montréal, Canada

et

Nicole Carignan

Département d’éducation et formation spécialisées Faculté des sciences de l’éducation

Université du Québec à Montréal, Canada

Vous avez visionné La leçon de discrimination et bientôt vous la présenterez à votre

classe ou votre groupe d’animation. Tel que proposé dans le chapitre Quelques conseils autour de

la leçon de discrimination, vous avez déjà identifié les personnes de votre groupe étant plus

susceptibles d’avoir été victimes de discrimination en raison d’un stigmate personnel ou de

l’appartenance à une catégorie sociale dévalorisée par une majorité dominante (Croizet &

Leyens, 2003). Ces personnes sont susceptibles de vivre des émotions plus vives lors du

visionnement de La leçon de discrimination et vous devez être particulièrement attentif à leurs

réactions affectives, cognitives et comportementales. Vous avez peut-être déjà établi un mode

d’intervention pour venir en aide à ces personnes dans votre classe ou votre groupe d’animation.

Par ailleurs, ces personnes minorisées ou stigmatisées sont aussi celles qui sont les plus

susceptibles de fournir des témoignages touchants et révélateurs relativement à leurs expériences

personnelles d’avoir été victimes de préjugés et/ou de discrimination. À vous d’animer votre

groupe afin de faire valoir la richesse de leur expérience psychologique et sociologique. Afin de

faciliter votre réflexion, nous vous proposons dans les pages suivantes la terminologie

fondamentale nécessaire pour discuter La leçon de discrimination. Cette section est suivie de cinq

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thèmes qui peuvent être utiles pour alimenter vos discussions à la suite du visionnement de

l’émission.

Un peu de terminologie pour La leçon de discrimination

Nous faisons tous partie d’une multitude de groupes et de catégories sociales. Dans le cas

des catégories comme le sexe, l’âge, l’ethnie, la langue maternelle ou la nationalité,

l’appartenance nous est imposée par les aléas de notre naissance. Les individus membres de ces

catégories sociales peuvent difficilement nier qu’ils sont membres de ces groupes et ils ne

peuvent pas facilement changer d’appartenance. Par contre, dans certains cas, nous décidons

volontairement de nous joindre à une catégorie : notre choix de se joindre à une équipe sportive,

notre décision d’entreprendre une formation d’enseignants ou de travailleurs sociaux, ou notre

adhésion à un parti politique. Que notre appartenance à une catégorie sociale soit imposée ou

choisie, nous avons tendance à dire « nous » pour référer à notre endogroupe, c’est-à-dire à un

groupe composé d’individus qu’une personne catégorise comme membres de son propre groupe

d’appartenance et auquel elle a tendance à s’identifier. Par ailleurs, on définit un exogroupe

comme étant un groupe composé d’individus qu’une personne a catégorisé comme membres d’un

groupe d’appartenance autre que le sien et auquel elle n’a pas tendance à s’identifier. Ainsi,

lorsque nous parlons d’un exogroupe nous aurons tendance à parler des membres du groupe des

« eux ».

Les groupes psychologiques évoqués par les termes « eux/nous » sont le produit d’un des

processus cognitifs les plus fondamentaux de l’être humain, la catégorisation. À l’aide de cet

outil cognitif, nous découpons, classifions et organisons notre environnement physique et social

(Tajfel, 1972). Nous regroupons ensemble des objets dans une même catégorie parce que nous

pensons qu’ils se ressemblent sur certains aspects et diffèrent des objets qui ne font pas partie de

la catégorie en question. Lorsque le processus de catégorisation s’applique à des personnes, il

s’agit alors de catégorisation sociale. Les résultats de nombreuses études sur « l’assimilation-

différentiation » montrent que la catégorisation amène à accentuer les ressemblances perçues

entre les éléments d’une même catégorie et les différences perçues entre des éléments appartenant

à des catégories différentes (Tajfel, 1981). La catégorisation nous permettrait de donner du sens à

notre environnement et à le rendre plus prévisible, nous aidant ainsi à déterminer le

comportement le plus approprié selon les circonstances.

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Lorsque nous catégorisons des individus comme membres d’un groupe, nous attribuons

aux membres de cette catégorie une entativité : soit la propriété d’être un groupe cohérent et

homogène, unifié par les croyances et les actions, semblable et ayant un destin commun (Yzerbyt,

Judd & Corneille, 2004). Selon notre degré d’identification à l’endogroupe et le sentiment de

menace suscité par la présence d’exogroupes, cette perception de l’entativité peut aussi

s’appliquer aux membres de l’endogroupe. Plus nous jugeons les membres de l’endogroupe ou de

l’exogroupe comme ayant une forte entativité, plus nous sommes portés à croire à leur

essentialisme psychologique : leur appartenance à un noyau « pur et dur » rendant la réalité du

groupe fondamentale et naturelle. Notons que lorsqu’une catégorie est objectivable visuellement

selon l’âge, le sexe, la langue ou l’ethnicité, la croyance en cette catégorie comme « naturelle »

sera facilitée. L’idée d’essentialisme psychologique suggère que les observateurs considéreront la

catégorie naturelle du groupe comme reflétant sa vraie identité, sa vraie nature, son essence

même, inaltérable et immuable. Les idéologies racistes, sexistes et nationalistes utilisent souvent

l’essentialisme psychologique pour légitimer la supériorité de l’endogroupe et « la différence »

des exogroupes dévalorisés (Sidanius & Pratto, 1999; Taguieff, 1997; Wieviorka, 1998).

Lorsque nous catégorisons des personnes, nous ne nous limitons pas à les regrouper dans

une catégorie, nous leur associons également des attributs que nous croyons être caractéristiques

des membres de cette catégorie. L’ensemble des attributs que les membres d’un groupe assignent

aux membres d’un exogroupe constitue ce que l’on nomme un stéréotype. Les stéréotypes sont

donc composés de traits physiques (par exemple : les Scandinaves sont grands et blonds), de

traits de personnalité (par exemple : les hommes sont ambitieux et agressifs) ainsi que des

comportements (par exemple : les Noirs jouent au basket-ball et font du Rap) qui sont perçus

comme étant caractéristiques d’un groupe de personnes. Par ailleurs, les membres d’un groupe

peuvent également entretenir des croyances concernant les attributs qui caractérisent, selon eux,

les membres de leur endogroupe. Nous parlons alors d’autostéréotypes. Les stéréotypes et les

autostéréotypes sont d’autant plus saillants et vigoureux quand ils sont perçus comme reflétant

des catégories naturelles : lorsque les groupes peuvent être identifiés sur la base de

caractéristiques physiques et visuellement repérables comme le sexe, l’âge et les attributs

physiques. Selon Fiske (1998), ceci explique la puissance et la difficulté de changer les

stéréotypes basés sur les « catégories naturelles ».

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Bourhis, R.Y. & Carignan, N. (2007) 11

Les préjugés et la discrimination demeurent une réalité pour un bon nombre d’individus

d’ici ou d’ailleurs et de nombreuses recherches en sciences sociales portent sur la compréhension

de ces phénomènes tout en cherchant les moyens pour en réduire la prévalence et leurs effets

néfastes (Brown, 2010; Bourhis & Leyens, 1999; Oskamp, 2000; Renaud, Germain & Leloup,

2004; Taguieff, 1997; Wieviorka, 1998). Le préjugé est un jugement a priori, un parti pris, une

opinion préconçue qui concerne un groupe de personnes ou un individu appartenant à ce groupe.

Ainsi, le préjugé est défini comme une attitude négative ou une prédisposition à adopter un

comportement négatif envers un groupe, ou envers les membres de ce groupe, qui repose sur une

généralisation erronée et rigide. Les sentiments les plus souvent associés aux préjugés peuvent

aller du simple inconfort en présence d’un membre de l’exogroupe jusqu'à la méfiance, la peur, le

dégoût et l’hostilité. On peut ainsi avoir des préjugés envers les membres d’une classe

socioéconomique (les pauvres), d’une affiliation religieuse (les musulmans), d’un groupe

ethnique (les Anglo-Antillais), un parti politique (les conservateurs) ou même envers les

membres d’une discipline scientifique autre que la sienne (les sociologues).

Les préjugés sont parfois identifiés par une étiquette particulière précisant la catégorie

sociale visée. Ainsi, le sexisme désigne le préjugé basé sur le sexe, l’âgisme représente le préjugé

fondé sur l’âge, le racisme désigne le préjugé envers les individus d’un autre groupe ethnique,

l’antisémitisme correspond au préjugé envers les juifs, le linguicisme exprime le préjugé envers

un exogroupe linguistique, le classisme correspond au préjugé envers certaines classes sociales et

l’homophobie correspond au préjugé envers les homosexuels. Le préjugé est aussi vécu par les

individus stigmatisés socialement à cause de leurs caractéristiques personnelles, incluant le poids,

la taille, les traits physiques distinctifs, les troubles du comportement, un physique ingrat, la

déficience intellectuelle, auditive et physique.

La discrimination est un comportement plus favorable envers les membres de

l’endogroupe qu’envers les membres de l’exogroupe. La discrimination peut aussi inclure un

comportement négatif à l’égard des membres d’un exogroupe envers lequel nous entretenons des

préjugés. Bien que la discrimination émane souvent de préjugés, cette relation n’est pas

automatique. Notre comportement est tributaire à la fois de nos convictions personnelles et des

circonstances externes qui peuvent échapper à notre contrôle personnel. Par exemple, une

personne peut avoir des préjugés ancrés contre une minorité ethnique, mais sentir qu’il lui est

impossible d’agir en fonction de ses sentiments négatifs parce que de tels comportements

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Bourhis, R.Y. & Carignan, N. (2007) 12

discriminatoires sont socialement indésirables ou carrément interdits par la loi et les chartes des

droits de la personne. Par contre, un individu qui n’a pas de préjugé contre les femmes peut être

obligé de faire de la discrimination à leur endroit à cause de lois ou de règlements sexistes

existant dans l’organisation où il travaille ou dans le pays où il habite : il s’agit ici de la

discrimination institutionnelle. Au Québec comme ailleurs, c’est dans le domaine de l’emploi que

la discrimination fait le plus de tort à ses victimes et qui cause le plus de tensions intergroupes

(Bataille, 1997; Déom, Mercier & Morel, 2006). Par exemple, à la suite de l’ouverture du Québec

à l’immigration dans les années 1970, le gouvernement provincial a dû mettre sur pied des

campagnes de recrutement pour assurer une représentation équitable non seulement pour les

femmes, mais aussi pour les communautés culturelles (immigrants et allophones) et les minorités

anglophones et autochtones. Les programmes d’accès à l’égalité constituent des outils par

excellence pour lutter contre les biais institutionnalisés et la discrimination systémique en milieu

de travail (Barrette & Bourhis, 2004). À partir des données sur l’origine ethnique dans le

recensement, ces programmes visent à augmenter la représentativité de minorités en milieu

organisationnel, et grâce à la diversité culturelle ainsi atteinte, contribuent à la créativité et au

pouvoir d’adaptation des organisations (Cox, 2001 ; Kalev, Dobbin & Kelly, 2006).

À la suite du visionnement de La leçon de discrimination, vous pouvez demander aux

élèves ou aux participants de donner leurs premières impressions et ainsi démarrer la discussion

sur les thèmes et les enjeux qui y sont soulevés. Cette approche pédagogique vous permettra

d’aborder la plupart des thèmes qui se dégagent du reportage. Ce chapitre propose cinq thèmes

qui ressortent de La leçon de discrimination. Nous avons choisi de présenter ces thèmes dans

l’ordre de leur émergence dans l’émission plutôt que dans un ordre reflétant l’importance des

thèmes soulevés par le reportage. Certains des thèmes proposés sont mieux adaptés à des tranches

d’âge que d’autres selon que vous enseigniez au primaire, au secondaire, au collégial, à

l’universitaire ou que votre animation se fasse en milieu de travail ou communautaire. Le

traitement de chacun des thèmes peut aussi être plus ou moins soutenu, plus ou moins détaillé ou

complexe selon les caractéristiques des participants visés. Ainsi, à vous de choisir, d’adapter, de

combiner les thèmes de discussion selon vos buts, les caractéristiques de vos participants ou selon

les évènements de l’actualité rendant certains thèmes plus pertinents que d’autres. Pour certains

thèmes, nous vous référons aux « Textes connexes » que nous vous avons proposés dans le DVD.

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Les bibliographies incluses dans ce chapitre et les textes connexes vous offrent un vaste éventail

de sources scientifiques pertinentes à chacun des thèmes soulevés par le reportage.

Thème 1. Catégorisation « eux-nous », le PGM et la discrimination.

Comme nous l’avons vu dans l’émission, l’étude de laboratoire du psychologue social

britannique Henri Tajfel et ses collègues (1971) manipulaient la catégorie « eux-nous » d’une

façon arbitraire selon la préférence des élèves, soit pour les toiles abstraites de l’artiste Klee ou

celles de Kandinsky. Plus de trente ans plus tard, l’enseignante Annie Leblanc manipulait la

catégorisation « eux-nous » à l’aide d’une « catégorie naturelle » : la taille des élèves. Elle

explique : « J’ai choisi de diviser la classe en deux groupes selon la grandeur des enfants, petits

et grands parce que c’est un caractère qui est intouchable, les enfants n’ont pas de pouvoir sur

ça, c’est arbitraire comme caractère […] quand on parle de discrimination, la couleur de la

peau on peut pas changer ça, donc la grandeur c’est aussi quelque chose qui est intouchable. »

La répartition d’individus en deux groupes sur une base arbitraire est-elle suffisante pour

susciter le préjugé et la discrimination? C’est justement la catégorisation arbitraire « eux-nous »

qui constitue le fondement de la démarche de Henri Tajfel pour déterminer les conditions

nécessaires et suffisantes à l’apparition du favoritisme proendogroupe : c’est-à-dire le

comportement plus favorable envers les membres de l’endogroupe qu’envers les membres de

l’exogroupe. En invoquant que l’expérience du paradigme des groupes minimaux (PGM) avait

pour but d’étudier les processus de prise de décision, Tajfel attribua aux élèves la tâche de

distribuer des ressources entre des individus membres de l’endogroupe et de l’exogroupe. Nous

pouvons résumer les éléments du PGM de la façon suivante :

1. Deux groupes sont créés sur la base d’une répartition arbitraire (préférences pour des toiles abstraites, un pile ou face);

2. Aucune histoire de conflits d’intérêts ou de compétition intergroupe n’existe entre ces groupes. Les groupes ne sont formés que pour les besoins immédiats de l’expérience d’une heure ou moins;

3. L’anonymat des participants est préservé, tant sur le plan individuel que sur le plan de l’appartenance à un groupe, ce qui élimine les effets possibles des affinités interpersonnelles ou des conflits de personnalités préexistantes;

4. Aucune interaction sociale n’a lieu entre les participants, ni entre les membres de l’endogroupe ni avec les membres de l’exogroupe, ce qui élimine le développement d’affinités ou d’incompatibilité interpersonnelle ou intergroupe;

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Bourhis, R.Y. & Carignan, N. (2007) 14

5. Il y a absence de lien instrumental entre les réponses des participants et leur intérêt propre, les répondants ne s’allouant jamais de ressources personnelles.

C’est cette situation expérimentale, dans laquelle la catégorisation sociale « eux-nous » est

l’unique variable manipulée, qui constitue le paradigme des groupes minimaux (PGM). Cette

situation expérimentale visait à éliminer tous les facteurs historiques, sociologiques,

psychologiques et économiques habituellement reconnus comme étant la cause de la

discrimination entre les groupes sociaux. Une situation aussi épurée et absurde pouvait-elle

susciter des attitudes négatives et des comportements discriminatoires à l’endroit de

l’exogroupe ? Tajfel et ses collaborateurs furent très surpris de constater que, malgré le caractère

minimal de la situation, la représentation d’un environnement social uniquement composé des

catégories «eux-nous» semblait suffisante pour entraîner des comportements discriminatoires en

faveur de l’endogroupe : les participants distribuèrent plus de ressources aux membres de

l’endogroupe qu’aux membres de l’exogroupe, constituant l’effet classique du favoritisme pro-

endogroupe. Cette discrimination se manifestait surtout chez les répondants s’identifiant

fortement au groupe arbitraire. Par contre, chez les répondants qui s’identifiaient peu ou pas à

leur endogroupe, les résultats démontrèrent un comportement paritaire : autant de ressources

étaient attribuées aux membres de l’exogroupe qu’aux membres de l’endogroupe. Le favoritisme

proendogroupe obtenu dans les études du PGM a été corroboré par une multitude d’études à

travers le monde. Ces études ont tenté de cerner les balises du phénomène en faisant intervenir

des facteurs aussi variés que l’âge, le sexe, l’appartenance de classe ou de culture. De plus, l’effet

de discrimination en faveur de l’endogroupe a été confirmé à l’aide de diverses mesures telles

que les perceptions intergroupes, l’évaluation de traits et de rendement à des tâches variées, les

biais de la mémoire et la distribution de ressources diverses comme des points symboliques, de

l’argent, des points-bonis pour un cours et des congés supplémentaires (Bourhis & Gagnon,

2001).

Henri Tajfel proposa une explication à la fois cognitive et motivationnelle du favoritisme

proendogroupe observé dans les études utilisant le PGM. Selon la théorie de l’identité sociale

(TIS), la catégorisation sociale permet à l’individu de se définir en tant que membre de groupes

particuliers au sein de la structure sociale (Tajfel & Turner, 1986). Le résultat de ce processus

d’autocatégorisation est que l’individu en vient à s’identifier à certains groupes reliés au genre, à

l’âge, à l’ethnie, à la classe sociale, entre autres. Dans le PGM, les individus s’identifiant

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Bourhis, R.Y. & Carignan, N. (2007) 15

fortement à la catégorie endogroupe sont justement ceux qui discriminent le plus en faveur de

l’endogroupe. Selon Tajfel et Turner (1986), il serait fondamental pour l’individu de vouloir

maintenir ou atteindre une identité sociale positive en tant que membre de son propre groupe

d’appartenance. L’identité sociale est cette « partie du concept de soi des individus qui provient

de leur connaissance de leur appartenance à un groupe social, associée à la valeur et à la

signification émotive de cette appartenance. » (Tajfel, 1981, p. 255)

Pour développer une identité sociale positive, le groupe d’appartenance doit paraître

différent des autres groupes sur des dimensions jugées positives et importantes par les membres

de ce groupe. C’est par l’intermédiaire de comparaisons sociales favorables à l’endogroupe

qu’une identité sociale positive peut être établie. Les individus de l’endogroupe et de l’exogroupe

se comparent par rapport à des dimensions valorisées dans le contexte intergroupe donné (par

exemple, la richesse et le statut de la langue). Plus les membres d’un groupe se comparent

favorablement aux membres d’un exogroupe, plus ils bénéficient d’une identité sociale positive.

Par contre, les comparaisons défavorables aux membres de l’endogroupe génèrent une identité

sociale négative qui peut avoir un effet néfaste sur l’estime de soi des individus. Cette identité

sociale négative peut entraîner le mépris pour son propre groupe d’appartenance, et même son

rejet comme groupe de référence. L’identité sociale négative peut aussi mener au favoritisme

proexogroupe, qui est une évaluation ou un comportement plus favorable envers les membres de

l’exogroupe que de l’endogroupe (Tajfel & Turner, 1986).

Des études récentes ont révélé que les individus victimes de préjugés et de discrimination

non seulement souffraient d’une estime de soi négative, mais se sentaient plus tristes, plus

stressés et plus dépressifs que ceux qui ne subissaient pas ce genre d’abus (Branscombe, Schmitt

& Harvey, 1999). De plus, les recherches montrent qu’en général la discrimination représente une

menace à l’identité sociale des victimes. Ce sentiment de menace amène parfois les victimes à

s’identifier plus fortement à leur endogroupe, ayant pour effet de provoquer un repli identitaire

qui peut nuire à l’intégration des minorités au sein de la société d’accueil (Bourhis & Montreuil,

2004). À la longue, les conséquences de la discrimination sont lourdes à porter pour les victimes

et vont même jusqu’à entraîner une détérioration de la santé. Aux États-Unis, plusieurs études

épidémiologiques commencent à démontrer que les victimes chroniques de préjugés, de

discrimination et d’injustices, incluant les Africains-Américains, développent des sentiments

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d’impuissance et de manque de contrôle qui les rendent plus susceptibles de souffrir

d’hypertension et de maladies cardiaques (James & Thomas, 2000).

À l’aide de ce premier thème, vous êtes en mesure de discuter les similitudes et les

différences entre les études des groupes minimaux de Tajfel (1971) et les expériences dans les

classes au primaire des enseignantes Jane Elliott (Iowa, États-Unis, 1970, The eye of the storm) et

Annie Leblanc (Saint-Hyacinthe, Québec, Canada, 2006, La leçon de discrimination). Selon le

niveau d’enseignement ou du type de groupe d’animation, vous pouvez choisir d’aborder de

façon plus ou moins approfondie les questions suivantes. D’une part, les effets de la

catégorisation « eux-nous » peuvent-ils se manifester dans d’autres sphères ? D’autre part, les

effets de la dévalorisation d’un jour subit par les élèves de La leçon de discrimination » se

comparent-ils aux effets chroniques vécus par les élèves membres de minorités visibles qui

peuvent subir à long terme les préjugés et la discrimination soit à l’école ou dans les commerces,

sur la rue ou dans les lieux de travail ? Les conséquences de la catégorisation « eux-nous » et de

la dévalorisation peuvent être plus ou moins anodines quand il s’agit d’équipes rivales dans les

tournois sportifs, mais peuvent être plus graves quand il s’agit de clivages historiques, sociaux ou

économiques menant aux guerres civiles et aux génocides.

Thème 2. L’intelligence, les comportements sociaux et l’origine ethnique

Nous avons vu dans La leçon de discrimination que l’enseignante Annie Leblanc, qui a

divisé sa classe en deux groupes selon la taille en invoquant une (fausse) croyance qu’une

certaine catégorie d’élèves était plus intelligente qu’une autre catégorie d’élèves. Dans les classes

pluriethniques où les minorités visibles sont présentes, les questions de l’intelligence, la

performance scolaire et des comportements sociaux selon l’origine « raciale » demeurent des

thèmes de discussion particulièrement délicats. Une préparation soutenue est nécessaire avant

d’aborder ces thèmes dans votre classe qu’elle soit socialement homogène ou hétérogène.

Pour bien situer ces thèmes, nous devons faire un rappel, dans la perspective des sciences

sociales, sur le caractère arbitraire du concept de « race ». Le concept de race tire son origine de

la biologie et désigne une subdivision de l’espèce zoologique qui présente des caractéristiques

héréditaires discontinues et distinctives (par exemple, les lions sont une race différente des

zèbres). Au XIXe siècle, la plupart des anthropologues divisaient l’espèce humaine en trois «

races » en fonction de la couleur de la peau : noire, jaune et blanche. De 1850 à 1930, les théories

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racistes plaçant les groupes ethniques européens au haut de la hiérarchie des « races » ont fleuri,

tant en biologie, en anthropologie, en ethnologie qu’en psychologie (Richards, 1997). Depuis

cette époque, les développements de la génétique ont permis de constater que les différences

existant entre les individus catégorisés dans la même « race » sont plus importantes que celles qui

peuvent exister entre les « races » (Stringer, 1991). Force est de constater qu’il est impossible

d’identifier des caractéristiques héréditaires discontinues qui distingueraient réellement une «

race » humaine des autres « races ». Par exemple, la couleur de la peau présente un continuum de

nuances depuis le teint le plus pâle au teint le plus foncé. En conséquence, les scientifiques de

toutes les disciplines s’entendent sur le fait que le terme « race » ne peut s’appliquer aux êtres

humains (Smedley & Smedley, 2005 ; UNESCO, 1969).

Le concept de « race » constitue plutôt une construction sociale qui définit arbitrairement

un groupe à partir de critères physiques ou sociobiologiques. Ainsi, selon le critère utilisé, nous

pourrions en arriver à la situation absurde de classer les humains en deux, quatre, cinq ou même

128 catégories « raciales », comme ce fut le cas à Saint-Domingue à l’époque coloniale (James,

1989). Dans ce contexte, nous utilisons le terme de « race » en le plaçant entre guillemets pour

bien souligner que ce concept correspond à une position idéologique et non à une réalité

sociobiologique. Par contre, des individus et certains partis politiques continuent à véhiculer ce

système de classification dépassé et à accorder une supériorité à certaines « races » par rapport à

d’autres. Ce type de racisme hiérarchique est même légitimé par certains universitaires de

diverses disciplines. Ainsi, des psychologues prétendent que certaines « races » sont plus

intelligentes et douées que d’autres (Rushton & Jensen, 2005), une position magistralement

réfutée par l’ensemble des psychologues contemporains (Gould, 1996 ; Nisbett, 2005; Sternberg,

2005). Au Canada, le débat concernant la supériorité des Asiatiques par rapport aux Caucasiens

et surtout face aux négroïdes a fait rage entre le psychologue canadien Philip Rushton (1988) et

l’ensemble des psychologues canadiens et américains (Anderson, 1991; Weizmann et al, 1990;

Zuckerman et Brody, 1988). Récemment, les recherches sur le génome humain renouvellent

l’intérêt pour l’ethnicité et la génétique en psychologie, comme en témoigne le numéro

thématique du American Psychologist sur cette question (Anderson & Nickerson, 2005).

Notons de plus que le racisme n’est pas que le fait d’individus, il peut être institutionnel

(inégalités systématiques résultant des pratiques institutionnelles) et au niveau culturel

(imposition de la culture dominante au détriment des cultures minoritaires). Il demeure que

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Bourhis, R.Y. & Carignan, N. (2007) 18

l’idéologie raciste demeure un instrument politique souvent employé pour légitimer le traitement

inégal et injuste réservé à des groupes dévalorisés par des groupes dominants (Sidanius & Pratto,

1999; Smedley & Smedley, 2005; Tagiueff, 1997; Wieviorka, 1998). Pour un survol d’autres

types d’idéologie raciste dont le racisme différentialiste et le néoracisme voir Bourhis & Gagnon

(2006).

Thème 3. Groupe valorisé versus groupe dévalorisé et antagonismes intergroupes : comparaison transculturelle États-Unis versus Canada.

En dévalorisant les élèves aux yeux bruns et en valorisant les élèves aux yeux bleus le

premier jour de l’expérience, et en renversant cette relation au deuxième jour, l’enseignante états-

unienne Jane Elliott est troublée par les résultats obtenus avec ses élèves blancs du primaire en

Iowa. Plusieurs générations d’élèves canadiens ont visionné le film The eye of the storm. Bien

que les résultats de l’exercice des années 1970 soient impressionnants et semblent candides et

véridiques, bon nombre de Canadiens ont invoqué le racisme endémique des Américains, surtout

envers les Africains-Américains relativement au poids de l’histoire esclavagiste, comme un

élément social rendant improbable l’obtention de résultats semblables au Canada.

Les résultats canadiens de La leçon de discrimination sont surprenants pour Annie

Leblanc qui observe : « Quand les enfants ont pris leur dossard, quand j’ai nommé les privilèges,

je pense que déjà, à ce moment-là ça commençait à changer. Parce que les enfants qui avaient

droit aux privilèges étaient très contents d’en avoir, et les autres très déçus de ne pas les avoir

ces privilèges-là. Donc, déjà en début de journée, l’atmosphère était changée, contrairement à ce

que je pensais. Moi, je pensais que ça allait être très long avant d’établir ça, et qu’ils ne se

sentent pas bien. Mais ça été très rapide. »

Après la première journée, Annie Leblanc espère qu’avec le renversement des rôles prévu

le deuxième jour, les élèves du groupe dévalorisé ayant subi la discrimination au premier jour

seront sensibilisés aux effets et conséquences néfastes de la discrimination à la suite de leur

assignation au groupe « valorisé » le lendemain : «[…] ils vont en faire moins de la

discrimination vis-à-vis des autres, dire moins de bêtises, des commentaires négatifs. J’espère

qu’il y en aura moins […] Parce qu’ils vont avoir compris ! […] ils vont l’avoir vécu, ils vont

l’avoir intériorisé ». À la mi-parcours du jour deux, Annie Leblanc constate que : « L’inversion

des rôles s’est installée assez rapidement […] Je pensais qu’il allait y avoir beaucoup plus

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d’élèves qui allaient se rebeller, se défendre, l’égalité […] tout ça. Et ça n’a pas eu lieu tellement

ce matin : ils ont décidé d’embarquer dans le jeu et de le faire. »

En fin d’après-midi, Annie Leblanc dresse le bilan de l’exercice et en arrive à la

conclusion suivante : « Hier, j’avais l’impression à la fin de la journée que oui ! Que le message

avait passé et que c’était clair pour les enfants. A la fin de la journée d’aujourd’hui, je n’avais

pas l’impression que c’était clair. Il y avait beaucoup d’agressivité encore, beaucoup de

dénonciation entre les enfants. En fait, ils n’ont pas dit ce que je voulais entendre. Est-ce qu’ils

ont compris ? Peut-être, mais ce que je voulais entendre clairement […] je ne l’ai pas entendu et

ça, ça me déçoit. Parce que avec tout ce qu’ils ont vécu, et avec tout ce qu’ils ont subi et tout ça,

ça n’a pas donné le résultat que je pensai. »

Ainsi, force est de constater que les résultats obtenus avec les élèves francophones du

Québec ne sont pas tellement différents des résultats obtenus avec les élèves anglophones de

l’Iowa, et ce trente ans plus tard chez les élèves canadiens ne portant pas le fardeau du climat

social plus ou moins raciste des années 1970 aux États-Unis. Comment expliquer ces résultats

obtenus avec les élèves québécois francophones ? Pouvons-nous émettre l’hypothèse que

socialement, les élèves canadiens peuvent avoir autant de comportements discriminatoires que les

élèves américains ? Vous pouvez discuter les deux études (Iowa et Québec) du point de vue des

ressemblances et dissemblances entre les époques, les contextes sociaux, historiques et

juridiques. Vous pouvez aussi discuter les résultats obtenus aux États-Unis et au Canada par

rapport au développement social des préjugés et de la discrimination chez les jeunes élèves du

primaire (Aboud, Amato, 2001). Tout au moins, les résultats obtenus dans La leçon de

discrimination suggèrent l’intemporalité et l’universalité de la manifestation du préjugé et de la

discrimination chez les élèves du primaire au Canada.

Thème 4. L’importance de faire comprendre les méfaits des préjugés et de la

discrimination et la déontologie.

Au début du film, l’enseignante Annie Leblanc observe : « Chaque année, ou presque,

dans chaque groupe, ou presque, il y a un enfant qui est discriminé dans une classe […] Parfois

c’est des raisons physiques, mais il y a d’autres fois ce n’est pas des raisons physiques. Ça peut

être la pauvreté, ça peut être un enfant qui est efféminé, mais c’est rare qu’il n’y ait pas un enfant

dans un groupe qui est pris comme bouc émissaire. »

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Comment les enseignants peuvent-ils prévenir ce genre d’attitude et de comportement

désobligeant chez leurs élèves ? Ceux qui ont subi le préjugé et/ou la discrimination sont-ils les

seuls à comprendre ? Faut-il nécessairement avoir subi l’un ou l’autre pour comprendre ?

Comment faire pour qu’ils comprennent tous, ceux que le hasard a favorisés, comme les moins

favorisés ? Comment les aider à se prémunir ?

Pour faire comprendre les méfaits des préjugés et de la discrimination, Annie Leblanc a

décidé de prendre un autre moyen que les approches pédagogiques classiques, qui lui semble peu

efficace. « On a beau essayer de faire des choses, mais juste le fait d’en parler, les préjugés ils

restent là. Et les enfants qui sont victimes de discrimination, ils en sont encore victimes, malgré

toutes les interventions qui ont été faites […] moi, je le sais, j’investis, je fais des choses, des

activités, à partir de livres, à partir des évènements concrets […] pis ça rentre, mais oups! On a

l’impression que ça sort de l’autre côté, pis que c’est pas ancré dans leur mentalité, que ça reste

pas…Ce que je vais faire, c’est vraiment leur faire vivre la différence, la discrimination, à partir

de deux groupes. Je vais séparer mon groupe en deux […] les petits et les grands. Et je vais

traiter les deux groupes d’une façon différente. »

Dans la majorité des cas, les témoignages reçus par courriel à la suite de la diffusion de La

leçon de discrimination étaient en faveur d’inclure ce genre d’activités pour sensibiliser les

élèves aux méfaits des préjugés et de la discrimination. La majorité des 450 messages courriel,

dont plusieurs de la part d’enseignants, étaient d’accord avec cette approche. Trois semaines

après l’exercice, en entrevue avec l’équipe d’Enjeux, Annie Leblanc commente l’éventualité de

refaire l’exercice : « Je le ferais pas dans n’importe quel contexte, je le ferais pas non plus dans

un but éloigné, je suis contente, les enfants ont associé beaucoup plus à leur vécu par rapport à

Pierre-Luc, par rapport à la discrimination qui se faisait dans ma classe que par rapport aux

noirs […] Ca vaut la peine d’être vécu quand on a un problème à régler […] voilà , sinon c’est

trop difficile pour l’impact que ça peut avoir tout de suite au quotidien des enfants. »

L’enseignante Annie Leblanc est évidemment consciente des inconforts qui ont été subis

par ses élèves durant l’exercice La leçon de discrimination. Les autorisations obtenues pour

recruter les élèves dans l’étude de La leçon de discrimination respectent le code déontologique.

Les autorisations pour entreprendre l’étude avec les élèves ont été obtenues auprès de chacun des

parents d’élèves, auprès de la directrice de l’école et auprès des autorités de la commission

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scolaire concernée. De plus, Annie Leblanc obtient l’aval de l’ensemble de ses élèves pour leur

participation à l’expérience tout en les avertissant explicitement qu’ils s’engagent dans une

expérience qui porte sur les préjugés et la discrimination.

Par contre, selon les codes déontologiques en vigueur, l’expérience entreprise par Annie

Leblanc comprend certaines faiblesses. D’une part, il ne semblait pas évident que les élèves

pouvaient aisément se retirer de l’expérimentation de deux jours puisqu’ils étaient « en classe »

sous l’autorité de leur propre enseignante. En général, tout participant à une étude a le droit de se

retirer de l’expérimentation, en tout temps, et ce, sans avoir à se justifier et sans préjudice. Quand

une étude est entreprise dans une classe, il est préférable d’induire les consignes à l’aide d’une

expérimentatrice autre que l’enseignante justement pour soustraire les élèves de l’autorité de leur

propre enseignante, facilitant ainsi aux participants la décision de se retirer de l’étude. Par contre,

ce dispositif était difficile à mettre en place pour La leçon de discrimination justement parce que

l’efficacité de la catégorisation des deux groupes ainsi que la manipulation du statut valorisé-

dévalorisé des groupes étaient totalement tributaires de l’autorité et du lien de confiance déjà

établi par l’enseignante avec ses élèves.

Les codes déontologiques préconisent aussi que les inconforts et les inconvénients subis

par les répondants doivent être compensés soit par : a) le potentiel des connaissances

scientifiques acquises grâce à la conduite de l’expérimentation; et/ou b) la contribution de

l’apport pédagogique de l’étude. Tel que mentionné au thème 3, qui aurait pu prévoir que les

élèves québécois de l’étude de 2006 auraient pu se comporter comme les élèves états-uniens des

années 1970 ? À ce titre, cette « réplication » québécoise des résultats obtenus trois décennies

plus tôt en Iowa démontre brillamment l’intemporalité et l’universalité de la manifestation du

préjugé et de la discrimination chez les jeunes d’âge scolaire. Les inconforts et les inconvénients

vécus par les élèves québécois de la classe d’Annie Leblanc peuvent aussi être compensés par

l’usage pédagogique du documentaire La leçon de discrimination.

Comme pour le visionnement du film The eye of the storm depuis les trente dernières

années en Amérique comme en Europe (le film a été traduit dans une multitude de langues), le

visionnement de La leçon de discrimination peut servir d’outil pédagogique et de sensibilisation

aux méfaits du préjugé et de la discrimination à des générations d’élèves au Québec, au Canada,

en France, et dans les pays de la francophonie. Les témoignages à la suite du visionnement du

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Bourhis, R.Y. & Carignan, N. (2007) 22

documentaire à la télévision au Canada abondent dans ce sens en proposant que La leçon de

discrimination devienne un outil pédagogique disponible dans l’ensemble du système scolaire

québécois et canadien. Finalement, il y a lieu de s’interroger si le mieux-être de Pierre-Luc, celui

que certains enfants surnomment « le gros de la classe », compense l’inconfort subi par

l’ensemble des élèves lors de l’expérience. Assurément, plusieurs raisons nous incitent à débattre

en classe ou dans les groupes d’animation, les enjeux déontologiques de La leçon de

discrimination.

Thème 5. Interventions pour réduire la discrimination

Avec un exercice comme La leçon de discrimination, Annie Leblanc a souhaité inoculer

ses élèves contre la tentation du préjugé et de la discrimination. A-t-elle réussi ? Seul l’avenir

nous le dira. Pour bien des éducateurs, « l’ignorance de l’autre » demeure la base des préjugés et

de la discrimination. Selon cette prémisse, l’apprentissage social en famille, avec les pairs et à

l’école, ainsi que la conformité aux normes culturelles locales sont des éléments de socialisation

expliquant la manifestation des préjugés et de la discrimination. En capitalisant sur ces mêmes

processus de socialisation, certains chercheurs ont proposé des activités scolaires et des sessions

d’information sur l’histoire, la culture et le mode de vie de minorités culturelles, afin d’aider les

élèves à acquérir de nouvelles attitudes favorisant la diversité culturelle, la tolérance et l’égalité

des chances. De nombreux programmes d’éducation interculturelle antiraciste ont été proposés ou

implantés en contexte scolaire, auprès d’élèves et d’étudiants appartenant au groupe majoritaire

aux États-Unis, au Canada et au Québec (Carignan, Sanders & Pourdavood, 2005; Potvin, Mc

Andrew & Kanouté, 2006). Les résultats d’évaluation de ce type de programme suggèrent que

leur efficacité demeure assez faible, portant à croire que simplement fournir de l’information afin

de combattre l’ignorance a peu d’effets sur l’atténuation des préjugés (Aboud & Levy, 2000).

Par ailleurs, la présentation d’informations factuelles sur les minorités discriminées

montre qu’une discussion entre les élèves ayant des niveaux différents de préjugés contribue à

diminuer le niveau de préjugés de ceux qui sont particulièrement xénophobes. L’expression

d’attitudes tolérantes et leur justification par un pair ayant peu de préjugés à un effet positif sur

les élèves ayant un niveau élevé de préjugés (Aboud & Levy, 2000).

L’expérience de La leçon de discrimination fait partie des approches qui misent sur

l’empathie en adoptant les jeux de rôles dans lesquels les élèves, issus de groupes majoritaires,

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Bourhis, R.Y. & Carignan, N. (2007) 23

deviennent des victimes de préjugés et de discrimination. Ce genre de jeux de rôle active

l’empathie, mais risque aussi de susciter de la pitié ou de la compassion sans que les élèves

prennent vraiment conscience de leur propre responsabilité dans la situation que vivent les

victimes du préjugé et de la discrimination. Ce genre de pitié peut aussi confirmer les préjugés du

groupe majoritaire envers les minorités dévalorisées. Par contre, les discussions répétées qui ont

eu lieu entre les élèves et avec l’enseignante à la suite de l’expérience La leçon de discrimination

sont justement le genre d’activités susceptibles de changer plus profondément les attitudes et les

comportements des élèves, favorisant une appréhension plus ouverte et tolérante de l’altérité.

Ainsi, plus de trois semaines après l’expérience de discrimination, les élèves d’Annie Leblanc

poursuivent leurs discussions dont voici quelques extraits en rappel. L’élève Sabrina déclare :

« Pourquoi on se ferait différencier. À quoi ça sert de différencier les autres si on sait qu’ils ont

tous quelque chose de bon. Nous on a des défauts, pis eux aussi. Donc à quoi ça sert ? ». Pour

Jimmy, La leçon de discrimination a eu un impact bénéfique sur le comportement de ses

compagnons de classe : « Avant, on écoeurait les personnes, mais on a arrêté depuis qu’on a

vécu l’expérience. » (Pascale Turbide : Ah bon ! Qu’est-ce que vous avez arrêté de faire ?) « Ben

de faire de la discrimination des personnes qui étaient pas comme nous […] Comme Pierre-Luc.

Parce que Pierre-Luc lui, il est gros. Mais avant, tout le monde le discriminait. Mais maintenant,

quand il y a quelqu’un qui le discrimine, on est avec lui, on leur dit de pas faire ça. ». Cette leçon

de discrimination aura-t-elle l’impact voulu jusqu’à l’âge adulte ?

Il existe d’autres approches utilisées pour réduire les préjugés et la discrimination incluant

les contacts intergroupes, la décatégorisation, la recatégorisation, l’identification double et les

identités sociales multiples, le recours aux mesures légales contre la discrimination et les

programmes d’action positive (Aboud & Levy, 2000; Bourhis & Gagnon, 2006; Maquil,

Demoulin, Leyens, 2009; Oskamp, 2000). Libre à vous, selon les caractéristiques de vos

participants, de discuter des avantages et des désavantages de chacune de ces approches pour

réduire les préjugés et la discrimination.

Bibliographie

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Chapitre 3

Glossaire relié à l’explication du préjugé, de la discrimination et des relations intergroupes

Afin de soutenir vos discussions à la suite du visionnement de La leçon de discrimination,

un usage précis de certains termes et concepts portant sur les préjugés et la discrimination est

nécessaire. Ce glossaire peut aussi être utile si vous avez l’occasion de lire le chapitre de Bourhis

& Gagnon (2006), le volume de Bourhis R. Y. & Leyens, J. P. (1999), celui de Guimond, S.

(2010) ainsi que celui de Vinsonneau, G. (1997).

Absolutisme psychologique : approche qui assume que les phénomènes psychologiques sont essentiellement les mêmes, peu importe la culture. Recherches empiriques impliquant la comparaison de différentes cultures ou sous-cultures à l’aide des mêmes instruments de mesure en assumant que ces instruments mesurent les mêmes construits psychologiques peu importe la culture. Accommodement raisonnable : obligation juridique découlant du droit à l’égalité, applicable dans une situation de discrimination et consistant à aménager une norme ou une pratique de portée universelle en accordant un traitement différentiel à une personne qui, autrement, serait pénalisée par l’application d’une telle norme. Il n’y a pas d’obligation d’accommodement en cas de contrainte excessive pour la majorité. Acculturation : ensemble des phénomènes qui résultent d’un contact continu et direct entre des groupes d’individus de cultures différentes et qui entraînent des changements dans les modèles culturels initiaux de l’un ou des deux groupes. Ces changements culturels peuvent être plus soutenus et profonds chez les membres du groupe culturel minoritaire que chez ceux du groupe culturel dominant et majoritaire (voir : orientation d’acculturation). Action positive : ensemble cohérent de mesures prises par les organisations gouvernementales et privées pour assurer l’emploi et la promotion de personnes qualifiées provenant de groupes défavorisés (ex. femmes, minorités visibles, allophones), en proportion équivalente à leur présence démographique dans une région donnée. Activation automatique d’un stéréotype : processus cognitif permettant à un stéréotype auquel nous n’adhérons pas d’influer sur notre perception d’une personne sans que nous nous en rendions compte. Agression : tout comportement physique ou verbal dirigé vers une personne avec l’intention de lui causer du tort sur le plan physique ou psychologique.

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Altérité: ce qui se rapporte à l’existence et à la reconnaissance de l’autre, différent de soi. Appartenance : phénomène par lequel la réalité des acteurs sociaux se relie intimement à celle des groupes (sexe, ethnicité, religion) où s’inscrit leur destin. Assimilation-différentiation : processus cognitif qui mène à l’atténuation des différences perçues entre les individus membres d’une même catégorie sociale et à l’accentuation des différences perçues entre les individus membres de catégories sociales distinctes. Attitude : état affectif général et persistant, positif ou négatif, ressenti à l’égard d’une personne, d’un objet, d’un thème ou d’un concept. Attribution : inférence à propos de la cause d’un évènement ou du comportement d’une personne. Attribution dispositionnelle : attribution portant sur les traits de personnalité d’une personne afin d’expliquer son comportement. Attribution intergroupe : biais attributionnel portant à attribuer les comportements positifs (actes charitables) de l’endogroupe à des causes dispositionnelles, mais à des circonstances externes dans le cas d’acteurs appartenant à des exogroupes. Auto-catégorisation : selon la situation et le contexte intergroupe, activation et saillance d’une des multiples catégories sociales auxquelles les individus peuvent appartenir. Autostéréotype : croyance qu’une personne entretient au sujet des caractéristiques des membres de son endogroupe. Les croyances concernant les caractéristiques de l’endogroupe sont souvent favorables bien qu’elles peuvent aussi être défavorables selon le statut dévalorisé du groupe d’appartenance dans une société donnée. Biais acteur-observateur : tendance des acteurs à attribuer leurs comportements à des facteurs situationnels et à attribuer les comportements des autres à des facteurs dispositionnels. Biais pro-endogroupe : tendance à adopter une attitude plus favorable à l’égard des membres de son endogroupe qu’à l’égard de ceux d’exogroupes. Cette tendance peut se manifester tant sur le plan des évaluations (préjugés) et des croyances (stéréotypes) que sur celui des comportements (discrimination). Caractère national : configuration de cognitions et de conduites, repérable chez les membres d’une société donnée. Il s’agirait d’un noyau de structure caractérielle, résultant du type d’expériences communément traversées par ces individus, spécialement dans leur enfance, et les préparant à fournir des réponses similaires aux situations identiques auxquelles ils ont à faire face à l’âge adulte. Cas exceptionnel : l’information individualisante qui contredit un stéréotype est considérée comme un cas d’exception, ce qui permet de maintenir intact le contenu du stéréotype.

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Catégories naturelles : types de catégories regroupant les individus sur la base de caractéristiques physiques et visuellement repérables comme le sexe, l’âge et les attributs physiques (faciès blanc, asiatique, noir). Catégorisation : processus cognitif par lequel l’être humain segmente son environnement physique et social en catégories, et classe différents éléments dans ces catégories. Le terme ‘catégorisation sociale’ renvoie au processus de la catégorisation appliquée aux êtres humains. Catégorisation croisée : situation dans laquelle deux catégorisations dichotomiques se combinent pour créer des groupes qui partagent une catégorie tout en étant différents dans l’autre catégorie (ex. femme blanche versus femme noire; homosexuel francophone versus homosexuel anglophone). Comparaison sociale : processus de comparaison avec les autres qui permet de se former une idée de soi-même et de s’auto-évaluer ou d’évaluer le groupe dont on fait partie. Compétition sociale : forme de compétition motivée par l’autoévaluation, à la suite d’une comparaison sociale, et qui vise à établir et à maintenir une distinction en faveur de l’endogroupe par rapport aux exogroupes. Conformisme : changement dans les croyances ou dans les comportements suscité par la présence réelle ou imaginée d’une personne ou d’un groupe de personnes. Conformisme public : il y a conformité publique si l’individu se conforme devant les autres, mais demeure convaincu de la justesse de ses idées personnelles. Conventionnalisme : adoption des valeurs de la société sans qu’il y ait de pression sociale. Croyances : elles constituent les bases de l’existence, les convictions des personnes, leurs certitudes, ce qu’elles croient vraie et en quoi elles ont foi. Culture : système relativement cohérent, à la fois du point de vue synchronique et diachronique, des productions symboliques et pratiques d’un groupe humain, historiquement constitué, rassemblé le plus souvent par une territorialité physique. Degré d’interculturalité : étendue de la différence quant aux valeurs, aux normes et aux codes langagiers dans la communication entre individus de cultures différentes. Désirabilité sociale : façon de répondre à un questionnaire ou à un entretien de façon à donner une image favorable de soi. Dans la mesure où la tendance contribue à masquer ce que pensent réellement les individus, on peut parler de biais dû à la désirabilité sociale. Différentiation : ensemble des mécanismes par lesquels l’individu crée ou accentue la différence entre lui-même et autrui, qu’il s’agisse d’un individu ou d’un groupe social. Discrimination : tout comportement négatif dirigé contre une personne et reflétant une attitude défavorable uniquement fondée sur l’appartenance à un exogroupe donné.

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Discrimination institutionnelle : système de lois et de règlements d’un gouvernement ou d’une organisation publique ou privée qui institutionnalise le traitement inégal de certains groupes dévalorisés par rapport au traitement dont jouissent des groupes avantagés (ex. pas d’embauche de minorités visibles pour certains postes). Discrimination systémique : pratiques institutionnelles touchant également tous les individus, mais qui a comme conséquences involontaires de nuire à certaines personnes, en raison de leur appartenance de groupe (femmes, minorités visibles), quant aux possibilités d’emplois ou de promotions (ex. test d’embauche biaisé culturellement). Double catégorisation : situation dans laquelle deux catégorisations dichotomiques sont combinées pour créer des groupes d’individus qui sont différents dans chacune des catégories dont ils font partie (ex. au Québec : la minorité anglophones antillaise; au Canada : la minorité haïtienne francophone). Duperie : processus par lequel les chercheurs cachent le vrai but de l’étude aux participants à la recherche. L’utilisation de cette technique provient de la croyance selon laquelle les participants qui ne connaissent pas le vrai but de l’étude ne modifieront pas leurs comportements et l’attitude observée sera la plus candide et réelle possible. Effet du cas exceptionnel : tendance à créer une sous-catégorie pour mettre à part les personnes qui ne correspondent pas aux stéréotypes du groupe dans lequel elles ont été catégorisées. Les stéréotypes sont maintenus pour l’ensemble des membres de ce groupe, à l’exception des cas mis à part, plutôt que d’être modifiés ou abandonnés. Émic : approche méthodologique cherchant la compréhension de l’ensemble des caractéristiques humaines qui ne se retrouve que dans une culture particulière. Enculturation : appropriation par l’individu, tout au long de son existence, des éléments de culture au sein de laquelle il évolue en famille, par la scolarité, le culte et les modes de productions économiques. Les corps, les esprits et les dynamiques identitaires et psychosociales endogroupes prennent forme au cours de l’enculturation. Endogroupe : groupe d’appartenance d’une personne composé de l’ensemble des individus que cette personne a catégorisé comme membre de son propre groupe et auquel elle a tendance à s’identifier. Entativité : perception des caractéristiques d’un groupe comme étant cohérentes et homogènes, unifiées par les croyances et les actions, semblables et ayant un destin commun. Essentialisme psychologique : perception qui mène à la croyance qu’une catégorie naturelle (sexe, âge, ethnicité) reflète non seulement des attributs de surface, mais aussi des essences (génétiques, raciales, linguistiques) révélant la vraie nature, inaltérable et immuable du groupe. Étique : approche méthodologique comparative cherchant la compréhension de l’ensemble des caractéristiques humaines à partir d’éléments communs à toutes les cultures.

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Ethnocentrisme : tendance chez un individu à surévaluer les caractéristiques de son endogroupe, à mépriser celles de l’exogroupe et à croire que l’endogroupe est supérieur à l’exogroupe. Ethnocide : phénomène lié à la présence d’un groupe culturel dominant et/ou majoritaire qui volontairement ou involontairement cause la destruction des productions symboliques et pratiques d’un groupe culturel minoritaire avec qui il est en contact soutenu. Évolutionnisme : théorie d’après laquelle le développement d’un peuple et de sa culture serait unilinéaire : partant d’un stade initial archaïque (« primitif »), il tiendrait à évoluer jusqu’à un degré supérieur (de « civilisation »). Exogroupe : tout groupe autre que le groupe d’appartenance d’une personne. L’exogroupe est composé de l’ensemble des individus catégorisés comme membres d’autres groupes et auxquels la personne n’a pas tendance à s’identifier. Favoritisme pro-endogroupe : tendance à favoriser les membres de son propre groupe par rapport à ceux de l’exogroupe, tant lors de l’évaluation des groupes que dans la distribution de ressources valorisées (ex. l’emploi, la promotion, le salaire, le logement locatif; voir aussi biais proendogroupe). Groupe : ensemble d’individus interdépendants qui s’influencent mutuellement et se perçoivent comme membres de la même catégorie sociale. Groupe de référence : groupe qu’un individu adopte comme cadre de référence relativement à ses attitudes ou à ses valeurs. Hypothèse du contact : hypothèse voulant que certains types de contacts intergroupes aident à combattre « l’ignorance de l’autre » et permettant aux individus de corriger leurs conceptions erronées des exogroupes et ainsi, réduire leurs préjugés et leurs comportements discriminatoires. Identification : ensemble des mécanismes par lesquels l’individu fait l’expérience de la similitude entre lui-même et autrui, qu’il s’agisse d’un individu ou d’un groupe social. Identité personnelle : désigne à la fois l’ensemble des phénomènes par lesquels les acteurs sociaux reconnaissent et/ou revendiquent les aspects de leur être, en leur donnant un sens, et le contenu auquel ces phénomènes aboutissent pour l’individu. Identité sociale : ensemble des aspects du concept de soi découlant de l’appartenance à différents groupes et à différentes catégories sociales. Interculturalisme : l’interpénétration des cultures, sans atténuer l’identité spécifique de chacune d’elles, mettant le multiculturel en mouvement pour le transformer en interculturel. La pratique de l’interculturalisme inclut plus qu’une information sur les autres cultures, elle implique le développement d’attitudes positives à l’égard de l’autre, le respect de la diversité, et les échanges culturels continuels sur une base égalitaire.

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Interdépendance négative : relation intergroupe dans laquelle le gain d’un groupe se fait aux dépens de l’exogroupe, attisant ainsi la compétition entre les groupes. La compétition sociale entre les groupes pour l’obtention de ressources rares explique en partie les préjugés et la discrimination. Interdépendance positive : relation intergroupe dans laquelle l’atteinte d’un but commun supra-ordinal ou la défense contre une menace commune exige la coopération intergroupe. La coopération entre les groupes peut réduire les préjugés et la discrimination tout en favorisant l’harmonie intergroupe. Intériorisation : processus par lequel on se soumet aux attentes du groupe parce que l’on croit que le groupe a raison. L’individu fait siennes les valeurs véhiculées par le groupe. Justice distributive : standard social selon lequel la distribution des ressources doit se faire de façon telle que les récompenses sont proportionnelles aux coûts encourus et que les profits sont proportionnels aux investissements. Laïcité : principe préconisant le dépassement de tous les particularismes culturels, linguistiques et religieux afin de rallier les acteurs sociaux autour d’un projet visant l’homogénéité institutionnelle (ex. le monde scolaire et l’administration publique). Langue : système de communication verbal normalisé propre à une communauté linguistique. La langue est porteuse de la culture et peut servir de symbole identitaire reliant ses locuteurs aux productions culturelles du passé, du présent et du futur par la transmission intergénérationnelle de la langue maternelle. Méta-stéréotype : idée qu’un individu se fait des stéréotypes que les exogroupes entretiennent envers les membres de son propre endogroupe. Menace intergroupe : la menace symbolique, la menace réelle et l’anxiété intergroupe attisent l’émergence des préjugés et de la discrimination envers les exogroupes. Modèle d’acculturation interactif : propose l’analyse des politiques gouvernementales d’intégration des immigrants et des minorités nationales en tenant compte des orientations d’acculturation adoptées par les groupes d’immigrants dans le pays d’établissement; des orientations d’acculturation adoptées par la communauté d’accueil envers les immigrants; les relations harmonieuses, problématiques ou conflictuelles entre les immigrants et la communauté d’accueil. Modèle de la menace du stéréotype : modèle proposant que le simple fait de souligner que le groupe auquel appartient une personne n’exécute habituellement pas une tâche de manière convenable (ce qui correspond à un stéréotype) suffit pour amener cette personne à ne pas bien accomplir la tâche en question dans la mesure où il est important pour elle de bien faire cette tâche. Multiculturalisme : désigne un système social où coexistent divers groupes ethniques, culturels, linguistiques ou religieux qui maintiennent leurs particularités respectives à la fois en raison du

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volontarisme des acteurs sociaux préoccupés par la sauvegarde de leurs identités distinctives et en raison de la valorisation par l’État de ces identités distinctives contribuant à la construction de l’identité multiple de la majorité nationale. Norme : valeur, opinion ou règle de conduite implicite qui reflètent des standards d’approbation ou de désapprobation sociale. Norme de justice : norme qui amène les gens à aider les autres, surtout dans la mesure où ils croient que ceux qui expriment un besoin d’aide méritent cette aide. Norme de réciprocité : norme qui repose sur des principes d’échange social et qui postule que les gens aident autrui parce qu’un jour, ils désireront être aidés à leur tour par les autres. Orientation d’acculturation : modes d’adaptation culturelle qui orientent les attitudes et les comportements des individus en situation de contact interculturel/intergroupe. Plusieurs types d’orientations d’acculturation peuvent être endossés par les personnes immigrantes et par les membres de la communauté d’accueil. Les orientations d’acculturation peuvent aussi être endossées par et envers les communautés culturelles, les minorités nationales (ex. les Autochtones), les minorités linguistiques, les personnes handicapées physiquement ou intellectuellement, selon l’âge et l’orientation sexuelle. Orientation d’acculturation assimilationniste : ces membres de la communauté d’accueil s’attendent à ce que les immigrants renoncent à leur culture d’origine afin d’adopter la culture de la majorité d’accueil. Les immigrants adoptant cette orientation abandonnent pour l’essentiel leur propre spécificité culturelle et linguistique afin d’adopter la culture de la majorité d’accueil. Orientation d’acculturation exclusionniste : ces membres de la communauté d’accueil non seulement ne tolèrent pas le maintien de la culture d’origine des immigrants, mais s’objectent à ce que les immigrants adoptent la culture de la majorité d’accueil. Les exclusionnistes croient que certains groupes d’immigrants sont non-assimilables parce qu’ils sont considérés trop différents culturellement linguistiquement ou sur le plan de la religion. Des exclusionnistes aimeraient mettre un terme à l’immigration de certaines catégories d’immigrants. Orientation d’acculturation individualiste : les membres de la majorité d’accueil ainsi que les immigrants qui adoptent cette orientation se définissent et définissent les autres en tant qu’individus plutôt qu’en tant que membres de catégories sociales « eux-nous ». Pour les individualistes, ce sont les caractéristiques personnelles et le mérite individuel qui comptent le plus. Pour les individualistes, peu importe que les immigrants conservent leur culture d’origine ou adoptent la culture d’accueil, seules comptent les relations interpersonnelles. Orientation d’acculturation intégrationniste : les membres de la communauté d’accueil acceptent et valorisent le maintien de la culture d’origine des immigrants et favorisent en même temps l’adoption de la culture d’accueil par les groupes d’immigrants. Les immigrants endossant l’intégrationnisme cherchent à maintenir les caractéristiques essentielles de leur culture d’origine tout en adoptant des aspects importants de la culture de la majorité d’accueil.

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Orientation d’acculturation ségrégationniste : ces membres de la communauté d’accueil tolèrent le maintien de la culture d’origine des immigrants, mais gardent leurs distances à l’égard des immigrants, évitant ainsi que la culture des immigrants puisse diluer, transformer ou « contaminer » l’authenticité de la culture de la majorité d’accueil. Les ségrégationnistes préfèrent que les immigrants restent regroupés entre eux dans leurs propres quartiers ou régions réduisant au minimum les contacts avec les membres de la majorité d’accueil. Orientation d’acculturation séparatiste : les immigrants qui adoptent l’orientation séparatiste désirent conserver tous les aspects de leur identité culturelle d’origine. Ils sont peu intéressés à adopter la culture de la majorité d’accueil. Les séparatistes perçoivent que leur culture d’origine risque d’être diluée, transformée ou « contaminée » par la culture de la majorité d’accueil dominante. Paradigme des groupes minimaux (PGM) : situation expérimentale dans laquelle la catégorisation sociale « eux-nous » est l’unique variable indépendante manipulée, laquelle peut susciter des comportements discriminatoires chez les gens qui s’identifient fortement à leur endogroupe. Personnalité autoritaire : type de personnalité caractérisée par une pensée rigide et par un ensemble de croyances et de valeurs, dont la soumission et l’identification à l’autorité. Préjugé : attitude négative généralisée et rigide envers les membres d’un exogroupe et fondée uniquement sur leur appartenance à ce groupe. Privation relative collective : sentiment éprouvé par une personne après qu’elle a perçu une contradiction entre le sort actuel de son endogroupe et celui auquel elle estime que les membres de son endogroupe ont droit collectivement. Privation relative personnelle : sentiment éprouvé par une personne après qu’elle ait perçu une contradiction entre son sort actuel et celui auquel elle estime avoir droit personnellement. Profilage racial : toute action prise par une ou des personnes d’autorité à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public, qui repose sur des facteurs tels que la race, la couleur, l’origine ethnique ou nationale ou la religion, sans motif réel ou soupçon raisonnable, et qui a pour effet d’exposer la personne à un examen ou à un traitement différentiel Racisme différentialiste : idéologie raciste selon laquelle les différences culturelles entre les « races » considérées comme naturelles, rendent les antagonismes intergroupes inévitables. Cette idéologie raciste valorise une ségrégation des « races » ou l’expulsion des minorités raciales jugées non assimilables. Racisme hiérarchique : idéologie raciste selon laquelle des caractéristiques communes de certaines « races » (intelligence) les rendent supérieures aux autres (ex. supériorité des Asiatiques par rapport aux Caucasiens et aux négroïdes).

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Relativisme culturel : suppose que tout est relatif au contexte culturel, qu’il est essentiel d’éviter de juger les autres cultures en fonction de ses propres schèmes, qu’il faut plutôt comprendre les cultures pour ce qu’elles sont, selon leurs propres termes et sans les juger. Rôle : ensemble des comportements attendus et jugés appropriés d’un individu occupant une certaine position dans un groupe. Socialisation : acquisition, par l’individu, des attitudes, des valeurs et des normes propres à un groupe social, en vue de s’approprier les statuts et les rôles qui lui sont prescrits et/ou qu’il convoite face à autrui au sein des divers groupes constitutifs de la société élargie. Sous-groupe exceptionnel : un individu qui ne se conforme pas au stéréotype est re-catégorisé membre d’un sous-groupe, ce qui permet de ne pas remettre en cause la généralité du stéréotype envers l’exogroupe. Stéréotype : croyance qu’un groupe de personnes entretient et partage au sujet des caractéristiques des membres d’un exogroupe. Syndrome du John Henryisme : affection caractéristique des ouvriers afro-américains pauvres qui subissent le racisme au quotidien et qui, à l’usure, viennent à souffrir d’hypertension et de maladies cardiaques. Territorialité : phénomène lié à l’appropriation d’un espace donné, à sa défense et au traitement de l’altérité en cet espace, parmi les membres d’un groupe humain historiquement constitué : ils y assurent leur survie, leur descendance et y déploient leurs liens sociaux et les productions pratiques et symboliques. La territorialité et l’identité sociale peuvent être étroitement liées : le territoire s’érigeant en ressources identitaires et l’identité déterminant largement les conduites territoriales et les modes de traitement de l’espace. Théories de la dominance sociale : selon cette théorie, les individus qui endossent l’orientation de dominance sociale (ODS) perçoivent les groupes sociaux comme étant fondamentalement inégaux au sein de la stratification sociale et considèrent que les groupes « supérieurs » méritent d’être mieux traités que les groupes « inférieurs ». Les individus qui endossent l’idéologie de la dominance sociale sont plus susceptibles d’être conservateurs, racistes, sexistes et homophobes. Théorie de l’équité : théorie selon laquelle la perception de l’injustice sociale provoque chez l’individu un malaise psychologique qui le porte à vouloir rétablir l’équité matérielle ou psychologique. Théorie de l’identité sociale : explication du comportement intergroupe fondé sur des aspects cognitifs (différentiation catégorielle) et motivationnels (besoin d’une identité sociale positive) qui entraîneraient les membres d’un groupe à adopter des stratégies individuelles ou collectives pour atteindre ou maintenir une identité sociale positive. Théorie de la justification du statu quo : théorie relative aux processus psychologiques qui explique pourquoi les groupes désavantagés adoptent les rationalisations idéologiques véhiculées

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par les groupes avantagés pour justifier le système en place, même quand ce système les désavantage personnellement ou collectivement. Théorie de la privation relative : théorie selon laquelle le mécontentement et la révolte surgissent lorsque les individus perçoivent subjectivement une contradiction entre leur niveau de vie actuel et celui auquel ils croient avoir droit personnellement ou collectivement. Théorie des conflits réels : explication des attitudes et des comportements intergroupes en fonction de la compétition ou de la coopération entre les groupes pour l’accès à des ressources limitées. Théorie du bouc émissaire : explication du préjugé et de la discrimination selon laquelle l’individu, après avoir vécu une frustration, déplacerait son agressivité vers les membres d’un exogroupe plus faible lorsque la source réelle de la frustration est inattaquable (ex. la majorité dominante d’une société). Universalisme : les processus psychologiques fondamentaux sont des éléments que tous les êtres humains partagent, mais dont les manifestations sont susceptibles d’être influencées par la culture. La diversité des pratiques culturelles pourrait très souvent cacher une similitude sous-jacente au niveau des processus et des fonctionnements psychologiques par-delà les diversités socio-historiques, religieuses, linguistiques, ethniques et culturelles. Valeurs : représentations des buts transituationnels qui varient en importance et qui servent de principes directeurs dans notre vie (ex. la paix, l’harmonie, la justice).

Bibliographie Bourhis, R. Y. & Gagnon, A. (2006). Les préjugés, la discrimination et les relations intergroupes. Dans R. J. Vallerand (Ed). Les Fondements de la Psychologie Sociale, 2e édition. Montréal, Québec : Gaëtan Morin et Chenelière Éducation (pp. 531-598).

Bourhis R. Y. & Leyens, J. P. (1999). Stéréotypes, discrimination et relations intergroupes. Sprimont, Belgique : Mardaga. Guimond, S. (2010). Psychologie Sociale : Perspective multiculturelle. Collines de Wavre, Belgique : Mardaga.

Vinsonneau, G. (1997). Culture et comportement. Paris : Armand Colin

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Notes biographiques

Richard Y. Bourhis a obtenu un baccalauréat ès sciences (B.Sc.) en psychologie de l’Université McGill et un doctorat (Ph.D.) en psychologie sociale de l’Université de Bristol en Angleterre (1977). Il a été professeur au Département de psychologie de l’Université McMaster à Hamilton, Ontario, de 1978 à 1988. En 1989, il s’est joint au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), où il est professeur titulaire. Richard Y. Bourhis a publié plus de 160 articles et chapitres dans les domaines de la discrimination et des relations intergroupes, de l’acculturation et de l’immigration, de la communication interculturelle et de l’aménagement linguistique. Il a été directeur de la Chaire Concordia-UQAM en études ethniques à l’UQAM de 1996 à 2006. De juin 2006 à 2009, il a été directeur du Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CEETUM) à l’Université de Montréal. Il a été élu Fellow de la Société Canadienne de Psychologie (CPA-SCP) en 1988. Il a aussi été élu Fellow de la Society for the Psychological Study of Social Issues (SPSSI) aux États-Unis en 2008, et Fellow de la Society for Experimental Social Psychology en 2009. Il a reçu le Robert C. Gardner Award for Excellence in Second Language Research en 2008 du « International Association of Language and Social Psychology ». En 2010, Richard Y. Bourhis a reçu un diplôme de docteur ‘Honoris causa’ de l’Université Paul Verlaine – Metz, France. [email protected] ; http://bourhis.socialpsychology.org www.psycho.uqam.ca/NUN/d_pages_profs/d_bourhis/accueil.htm

Nicole Carignan a obtenu un baccalauréat en éducation (B.Ed.) de l’Université du Québec à Montréal; un baccalauréat et une maîtrise en composition musicale de l’Université de Montréal, sous la direction d’André Prévost et un doctorat (Ph.D.) en éducation comparée de l’Université de Montréal, sous la direction d’Émile Ollivier, sociologue et écrivain. Nicole Carignan est actuellement professeure en éducation interculturelle au Département d’éducation et formation spécialisées de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Elle a été professeure à l’Université de Cleveland, Ohio, ainsi qu’à l’Akademi Musik Indonesia, Yogyakarta, Java. Elle a publié plus d’une cinquantaine d’articles dans les domaines de l’éducation musicale, de la formation à la pluriethnicité auprès des enseignants, ainsi que des représentations sociales de la diversité ethnoculturelle dans le matériel scolaire en mathématique et en musique, et dans la pratique enseignante. Diffusées sur les cinq continents, elle a composé une vingtaine d’œuvres musicales pour piano, percussion, ensemble à cordes et vent ainsi que pour l’orchestre symphonique inspirées par une esthétique interculturelle. Elle est compositrice agréée au Centre de musique canadienne (CMC) et chercheure au Laboratoire de recherche et d’intervention sur le changement social, l’analyse des politiques et des professionnalités en éducation (CRIFPE) à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM. Elle est aussi chercheure au Centre d’études ethniques des universités montréalaises (CEETUM) à l’Université de Montréal. [email protected]