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Article de fond rédigé par nos partenaires américains ANALYSE DÉCEMBRE 2019 Perspectives de 2020 : miser au centre, protéger les extrémités Si nous avons effectivement évité la récession, l’éclatante performance du marché boursier à la fin de 2019 s’inscrit dans l’ordre des choses. Jurrien Timmer l Directeur principal, Macroéconomie mondiale l LinkedIn : jurrien-timmer-fidelity l Twitter : @TimmerFidelity Points à retenir Le marché boursier a récemment franchi la limite de la fourchette de négociation où il évoluait depuis 21 mois, augurant d’un départ en force en 2020. Comme dans le cas des points d’inflexion antérieurs, nous observons une hausse des valorisations en parallèle avec un ralentissement de la croissance des bénéfices. En général, les prix présagent des bénéfices lors des retournements du marché, il faut donc désormais que les bénéfices de 2020 suivent l’exemple – et justifient ainsi l’expansion du ratio C/B. Cela suppose que la Réserve fédérale soit intervenue à temps pour éviter une récession, mais, comme il est impossible de le savoir en temps réel, je suis d’avis qu’une stratégie 60/40 demeure raisonnable. Par ailleurs, il reste tout aussi important de se protéger contre les deux scénarios des extrémités, c’est-à-dire la déflation et l’inflation. Je considère que le marché boursier a suivi un parcours logique, cohérent avec les observations historiques, mais avec une réserve de taille : espérons que l’intervention de la Réserve fédérale (Fed) ait réussi à éviter la récession. Si l’extrémité de gauche (déflation) se concrétise, rien n’ira plus; mais si la déflation peut être évitée, le récent comportement du marché me semble alors tout à fait rationnel. Après une période de 21 mois sans grand changement, l’indice MSCI Monde tous pays ainsi que l’indice S&P 500 ® semblent amorcer de nouvelles ascensions. J’en déduis que les diverses difficultés qui ont affecté les marchés ces dernières années (ralentissement mondial, guerre commerciale, risque d’erreurs de politique de la Fed, etc.) ont été assimilées et neutralisées, et sont choses du passé pour les investisseurs qui misent désormais sur les promesses de 2020. Ce point de vue résiste-t-il au test de l’expérience? Pour me faire une opinion sur le risque de gain ou de perte, je trouve toujours utile de comparer le contexte boursier courant aux résultats historiques. Par exemple, depuis les planchers atteints pendant la crise financière mondiale de 2009, l’indice MSCI Monde tous pays s’est comporté avec constance, affichant un taux de croissance annuelle composée (TCAC) d’environ 14 %, oscillant entre de solides phases haussières et des corrections de longue durée, mais de peu d’envergure. Les sommets des phases haussières dépassaient de 10 % à 15 % la courbe de tendance de l’indice MSCI Monde tous pays, tandis que les corrections se situaient de 10 % à 15 % sous la courbe.

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Article de fond rédigé par nos partenaires américains ANALYSE • DÉCEMBRE 2019

Perspectives de 2020 : miser au centre, protéger les extrémitésSi nous avons effectivement évité la récession, l’éclatante performance du marché boursier à la fin de 2019 s’inscrit dans l’ordre des choses.

Jurrien Timmer l Directeur principal, Macroéconomie mondiale l LinkedIn : jurrien-timmer-fidelity l Twitter : @TimmerFidelity

Points à retenir

■■ Le marché boursier a récemment franchi la limite

de la fourchette de négociation où il évoluait

depuis 21 mois, augurant d’un départ en force

en 2020.

■■ Comme dans le cas des points d’inflexion

antérieurs, nous observons une hausse des

valorisations en parallèle avec un ralentissement

de la croissance des bénéfices.

■■ En général, les prix présagent des bénéfices

lors des retournements du marché, il faut donc

désormais que les bénéfices de 2020 suivent

l’exemple – et justifient ainsi l’expansion

du ratio C/B.

■■ Cela suppose que la Réserve fédérale soit

intervenue à temps pour éviter une récession,

mais, comme il est impossible de le savoir

en temps réel, je suis d’avis qu’une stratégie

60/40 demeure raisonnable.

■■ Par ailleurs, il reste tout aussi important de se

protéger contre les deux scénarios des extrémités,

c’est-à-dire la déflation et l’inflation.

Je considère que le marché boursier a suivi un parcours logique,

cohérent avec les observations historiques, mais avec une

réserve de taille : espérons que l’intervention de la Réserve

fédérale (Fed) ait réussi à éviter la récession. Si l’extrémité

de gauche (déflation) se concrétise, rien n’ira plus; mais si la

déflation peut être évitée, le récent comportement du marché

me semble alors tout à fait rationnel.

Après une période de 21 mois sans grand changement,

l’indice MSCI Monde tous pays ainsi que l’indice S&P 500®

semblent amorcer de nouvelles ascensions. J’en déduis que

les diverses difficultés qui ont affecté les marchés ces dernières

années (ralentissement mondial, guerre commerciale, risque

d’erreurs de politique de la Fed, etc.) ont été assimilées et

neutralisées, et sont choses du passé pour les investisseurs qui

misent désormais sur les promesses de 2020. Ce point de vue

résiste-t-il au test de l’expérience?

Pour me faire une opinion sur le risque de gain ou de perte,

je trouve toujours utile de comparer le contexte boursier

courant aux résultats historiques. Par exemple, depuis les

planchers atteints pendant la crise financière mondiale de 2009,

l’indice MSCI Monde tous pays s’est comporté avec constance,

affichant un taux de croissance annuelle composée (TCAC)

d’environ 14 %, oscillant entre de solides phases haussières et

des corrections de longue durée, mais de peu d’envergure. Les

sommets des phases haussières dépassaient de 10 % à 15 %

la courbe de tendance de l’indice MSCI Monde tous pays, tandis

que les corrections se situaient de 10 % à 15 % sous la courbe.

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30 %

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100 %45

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55

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1 %

7 %

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16 %

22 %

Moyenne au bâton – 12 prochains mois

PMI, moyenne historique

PMI, 2018–2019

Projection de rendement – 12 prochains mois

100 %25 %

47 %

1 %

87 %16 %

-18 -12 -9 -6 -3-15 0 3 6 9 12 15 18 21 24 27 30 33 36

Fluc

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PM

I (50

= a

ucun

e)

Sommet cyclique du PMI

En ce qui concerne l’indice S&P 500, son TCAC évoluait autour

de 17 % depuis 2009, tandis qu’il était de 11 % en 1871. Pour

un technicien, déterminer la position du marché par rapport

à sa ligne de tendance est une mesure du potentiel de

correction tout aussi valable que le calcul du pourcentage

de perte par rapport à un sommet antérieur. C’est pourquoi

le pronostic d’une remontée du marché boursier américain

suscite pour moi une importante question : cet optimisme

est-il fondé?

Je surveille attentivement l’indice PMI (indice des directeurs

d’achat) des États-Unis établi par l’Institute for Supply

Management (ISM®). Cette statistique – qui compile des

données sur les commandes, les stocks, la production,

les livraisons et l’emploi – est une mesure importante

de l’économie des États-Unis; un indice supérieur à 50 indique

que la situation s’améliore et un indice inférieur à 50 indique

le contraire (Tableau 1). À mon avis, le dernier point de

rupture franchi par le marché boursier est dans la lignée des

cycles antérieurs, à condition évidemment que nous évitions

l’extrémité de gauche dont je parlais plus haut.

La section supérieure du tableau représente le plus récent

cycle du PMI – avec le sommet enregistré en 2018 et les chutes

qui ont suivi – et les moyennes de tous les cycles du PMI.

La section inférieure illustre le rendement prévu sur 12 mois

de l’indice S&P 500 (12 prochains mois), ainsi que la « moyenne

au bâton » des 12 prochains mois, c’est-à-dire le nombre

de fois, en pourcentage, où le rendement obtenu s’est révélé

positif. Comme en atteste la moyenne cyclique du PMI,

l’évolution historique est récurrente : environ un an avant

un sommet cyclique, la projection pour les 12 prochains

mois est vigoureuse, soit un gain prévu qui frise les 25 %

et une moyenne au bâton de 100 %. Intuitivement, la chose

est logique : on peut s’attendre à une bonne performance

du marché si le PMI grimpe vers un sommet cyclique.

TABLEAU 1 : Selon les modèles historiques, la situation pourrait s’améliorer!

Tendances du PMI de l’ISM (actuelles et historiques); rendements prévus et moyennes au bâton de l’indice S&P 500

Moyenne au bâton : nombre de fois, en pourcentage, où le rendement qui était projeté pour les 12 prochains mois s’est révélé positif. Sources : Haver Analytics et Fidelity Investments; données mensuelles jusqu’au 30 novembre 2019 , inclusivement.

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Comme on pourrait s’y attendre, à l’apex du cycle du PMI

(« T »), la projection pour les 12 prochains mois pique du

nez, se chiffrant à seulement 1 % en moyenne, avec une

moyenne au bâton de 47 %. Cette moyenne au bâton tout

juste passable illustre la grande dispersion des observations

sous-jacentes. Le marché peut tout autant suivre le parcours

à la lettre que faire volte-face et plonger dans une phase

baissière. Historiquement, l’exactitude des projections pour

les 12 prochains mois augmente au fur et à mesure qu’elles

s’éloignent du sommet du PMI. En termes de mois, nous

en sommes actuellement à T+16 après l’apex; d’ici T+18,

le rendement prévu sur 12 mois devrait représenter un gain

d’environ 16 % avec une moyenne au bâton de 87 %.

Bref, cela signifie qu’environ 16 mois après l’apex nous en

sommes généralement au point où la plupart des mauvaises

surprises sont déjà passées, et où nous pouvons donc

probablement réintégrer le marché en prévision d’une reprise

cyclique. Le contexte actuel semble effectivement se conformer

à ce modèle historique. Je tiens toutefois à rappeler une

importante mise en garde : ce scénario suppose que l’extrémité

gauche, la récession, soit évitée.

Le raisonnement qui sous-tend un atterrissage en douceur

repose en partie sur le fait que la Fed soit intervenue juste

à temps il y a un an, renonçant aux cinq ou six autres hausses

de taux d’intérêt prévues (et aux diminutions du bilan) pour

adopter trois baisses de taux d’intérêt (et revenir à l’expansion

du bilan). Comme les choses peuvent changer en une année!

En 2018, les projections étaient de 3 % pour le taux des fonds

fédéraux et les rendements obligataires; un an plus tard à

peine, la courbe de rendement affiche près de 1,4 % à court

terme et 1,80 % à long terme.

En fait, les mesures de la Fed sont parvenues à un point

plus ou moins neutre (selon l’estimation établie par la Fed

de New York pour le R*, c’est-à-dire le taux d’intérêt réel

théorique selon lequel la politique monétaire ne serait ni

accommodante ni restrictive). Quoi qu’il en soit, cet effort

a suffi pour légèrement inverser la courbe de rendement

(mouvement qui s’est depuis renversé). Je pense que l’inversion

a été exacerbée par la prime de terme négative. (Vous vous

souvenez de l’époque où une « prime » consistait en une petite

rémunération de plus pour compenser le fait que votre argent

était bloqué plus longtemps?) Certains pourraient alléguer que

les taux à court terme étaient sous-estimés auparavant à cause

du resserrement quantitatif de la Fed, les deux pendants

s’annulant ainsi réciproquement. Pourquoi pas...

Il demeure que la Fed a prestement réagi aux signaux

d’alarme du marché obligataire et sa politique correspond

à nouveau aux prix du marché, qui partent du principe qu’il

n’y aura aucune autre réduction ni augmentation des taux

dans le proche avenir. Par conséquent, si le cycle économique

se ranime effectivement dans l’année qui vient – et compte

tenu de la « promesse » de la Fed de s’abstenir de relever les

taux tant que l’inflation n’est pas problématique – la politique

de la Fed sera donc de facto plus accommodante que

ne le justifieraient les aspects fondamentaux de l’économie.

Selon moi, cet élément joue un rôle incontestable dans les

perspectives optimistes actuelles du marché.

Si les actions avaient maintenu une forte tendance haussière

malgré la chute des PMI, on aurait pu penser que le marché

est allé plus vite que son ombre pour atteindre de nouveaux

sommets, sans égard aux arguments exposés ci-dessus. Mais

ce n’est pas ce qui s’est produit. Même si la synchronie n’est

pas parfaite, les prix et les valorisations ont subi une importante

correction (20 % à 30 %) à un moment donné au cours des

douze à vingt-quatre derniers mois, dans pratiquement toutes

les principales places boursières du monde. Si les mouvements

de prix actuels face à des PMI inférieurs à 50 donnent

l’impression de vouloir donner le change, les marchés boursiers

ont en fait déjà effectué une sérieuse correction en prévision

du ralentissement présent et du risque d’une éventuelle erreur

de politique de la Fed. En d’autres termes, ce marché baissier

redouté par tous a peut-être déjà eu lieu et serait terminé.

Ceux qui doutent du marché haussier pourraient arguer

que le ratio cours/bénéfice (C/B) prévisionnel de l’indice

S&P 500 a bondi, passant de 13,7 à 18,0 entre décembre 2018

et décembre 2019; parallèlement, la croissance des bénéfices

a fait un plongeon depuis 2018, passant de 22 % à un maigre

1,6 %. Comment l’expliquer? Cela ne pourrait être que le

résultat d’une « exubérance irrationnelle » et le signe que

l’optimisme du marché fait fi de la réalité, n’est-ce pas?

En un mot : non. Une expansion des valorisations

simultanément à une contraction des bénéfices peut être tout

à fait normale (Tableau 2), dans la mesure où nous sommes

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bel et bien à un point d’inflexion cyclique. Souvenez-vous :

le marché est un mécanisme d’actualisation où les prix donnent

le ton aux bénéfices. Autrement dit, lors des points d’inflexion

importants, le changement du ratio C/B se manifeste

généralement bien longtemps avant de se répercuter sur les

bénéfices. En effet, les variations du ratio C/B sont souvent

un calque des variations des bénéfices; on peut dire qu’elles

se succèdent à tour de rôle à la longue. Le diagramme de

dispersion intégré au Tableau 2 illustre la nette corrélation

inverse entre ces deux données.

Le message est qu’une expansion du ratio C/B à ce stade

du cycle serait parfaitement normale à condition que les

bénéfices suivent le mouvement, d’une manière ou d’une

autre, au cours des douze prochains mois. Je le répète, la clef

est d’éviter l’extrémité de gauche. Je me doute bien que vous

vous demandez comment savoir si nous serons confrontés

à une extrémité, car on ne peut pas le prévoir! Je suis bien

d’accord, on ne peut pas le prévoir. Mais la bonne nouvelle

en l’occurrence, c’est qu’il n’est pas vraiment nécessaire

de savoir si nous aurons affaire à une extrémité, ni à laquelle.

Le plus sage, à mon avis, est d’investir dans une optique

d’équilibre – en visant un portefeuille de base 60/40 (60 %

d’actions et 40 % de titres à revenu fixe) – afin de se prémunir

contre diverses éventualités.

Depuis 2000, la corrélation entre les rendements des

actions et ceux des obligations s’est révélée uniformément

positive. Il n’est pas exclu de faire des petits écarts dans la

répartition de l’actif, mais l’expérience nous a appris qu’en

respectant la prémisse d’une stratégie 60/40 nous sommes

relativement à l’abri, que le scénario d’une extrémité de

gauche se matérialise ou non. Le rendement passé n’est pas

une garantie des résultats futurs, mais, depuis le sommet des

valorisations boursières en janvier 2018, un portefeuille 60/40

a inscrit essentiellement toutes les hausses de l’indice S&P 500

Le symbole « Δ » signale un changement dans une variable. Les zones en gris correspondent à des phases baissières. Sources : Haver Analytics, FactSet, Robert Shiller et Fidelity Investments; données mensuelles jusqu’au 30 novembre 2019, inclusivement. Le rendement passé n’est pas une garantie des résultats futurs.

TABLEAU 2 : Expansion et contraction simultanée : pas forcément incompatibles

Comparaison des bénéfices et des valorisations de l’indice S&P 500, et d’autres statistiques et tendances

4500

18000

72000

ΔBPA

ΔC/B

9000

36000

144000Rendement réel de l’indice S&P 500, indexéTendance des rendements de l’indice S&P 500 depuis 1871

Croissance du BPA (%)Fluctuation du ratio C/BDividendesRendement total

1979 1991 20001985 1997 2003 20061982 1988 1994 2009 2012 2015 2018

20 %

-40 %

-20 %

100 %

0 %

60 %

40 %

80 %

Rend

emen

t rée

l de

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S&P

500,

niv

eau

inde

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avec seulement une partie de ses pertes. Pour ma part, c’est

un résultat tout à fait honorable.

Donc, on y va avec une stratégie 60/40, théoriquement apte

à participer à une reprise cyclique mais également apte

à protéger en cas de récession? Un instant : quand il est

question de taux d’inflation, une stratégie avisée devrait

prendre en compte autant l’extrémité de gauche que

celle de droite, surtout en cas d’incertitude de la politique

budgétaire et monétaire des années à venir.

Il est possible que la politique monétaire se dirige à nouveau

vers la borne du zéro; autrement dit, au fur et à mesure que les

taux nominaux approchent de zéro, le levier des taux d’intérêt

de la Fed perd de son efficacité à stimuler la croissance

économique. C’est pourquoi lors de la prochaine récession les

autorités américaines pourraient plutôt miser sur la politique

budgétaire. Cependant, si l’expansion budgétaire provoque

une hausse extrême des rendements obligataires, la Fed

risque fort de perdre une part de son indépendance et de

devenir plus ou moins une extension du Trésor, responsable

de monétiser les déficits par l’acquisition d’effets du Trésor

(bons, billets et obligations). (C’est d’ailleurs la situation difficile

dans laquelle se trouvait la Fed au sortir de la Seconde Guerre

mondiale, jusqu’à ce qu’elle se sépare du Trésor en 1951, ce qui

constitue donc un certain précédent.)

La grande question serait alors de savoir si une telle situation

se révélera inflationniste, ou si le « tsunami gris » auquel nous

assistons actuellement, sous la forme d’un ralentissement

de la croissance de la population active, possède une telle

force déflationniste qu’aucune mesure politique ne pourrait

suffire à la compenser. Le Tableau 3 représente la distribution

du taux d’inflation depuis 1871. Comme vous pouvez le voir,

il s’agit d’une distribution plus ou moins normale – et nous nous

situons actuellement exactement au milieu.

L’extrémité de gauche est celle de la déflation. La déflation

est liée à l’évolution démographique, et c’est une question

fort intéressante. À l’échelle mondiale, la croissance de la

population active a atteint son sommet en 1980, soit 2,3 %

(taux de croissance annualisé sur cinq ans), et elle devrait

continuer à diminuer pendant encore plusieurs décennies

pour atteindre zéro vers 2050. Malheureusement, la croissance

Le symbole « Δ » signale un changement dans une variable (le prix de l’or ou la valeur des effets du Trésor, par exemple). Gouv. LT : effets du Trésor à long terme. IPC : indice des prix à la consommation. Distribution normale : représentation symétrique des probabilités à partir de la moyenne; les observations centrales se produisent plus fréquemment que celles des extrémités. Sources : Haver Analytics, Robert Shiller et Fidelity Investments; données mensuelles depuis 1871.

TABLEAU 3 : Que se passe-t-il avec l’inflation?

Distribution du taux d’inflation aux États-Unis, observations mensuelles depuis 1871

-19,0 -17,5 -16,0 -14,5 -13,0 -11,5 -10,0 -8,5 -7,0 -5,5 -4,0 -2,5 -1,0 0,5 2,0 3,5 5,0 6,5 8,0 9,5 11,0 12,5 14,0 15,5 17,0 18,5 20,0 21,5 23,0

Observations (fréquence en %)Distribution normale

Taux d’inflation

ΔIPC

0 % 0 % 0 %0 % 0 %0 % 0 %1 %

2 %1 % 2 %

3 % 3 %

6 %

12 %

20 %

17 %

8 %

5 %

3 % 3 %2 % 2 %

1 % 1 %1 % 1 % 1 %

3 %

ΔIPC

ΔGouv. LT ΔPrix de l’or

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globale de la population active, soit collectivement celles

des États-Unis, de la Chine, du Japon et des pays de la zone

euro, est déjà tombé à zéro et, en fait, elle se contractera dans

les prochaines décennies. Outre occulter la croissance, cette

force déflationniste considérable a, par le biais des mesures

monétaires, exacerbé les inégalités dans la répartition de

la richesse et, par ricochet, suscité la montée du populisme.

Il pourrait en résulter encore plus de dettes et le risque

de futures politiques budgétaires musclées, monétisées

par les banques centrales à travers le monde en vertu de la

théorie monétaire moderne, ou TMM, qui consiste à émettre

de la monnaie essentiellement à partir de rien.

Ce qui nous amène à l’extrémité de droite : l’inflation. Si nous

tombons dans le piège de la TMM, cela créera-t-il de l’inflation?

Pour les pays avec trop de dettes et trop peu de croissance,

l’inflation peut se présenter comme la seule issue pour

éviter le défaut de paiement ou l’austérité – qui reviennent

habituellement, l’un comme l’autre, à un suicide politique.

De plus, il me semble que le super cycle des marchandises en

est au stade où il nous faudrait envisager un creux de plusieurs

années. En présence d’un creux, on pourrait s’attendre à ce

que l’inflation domine les prochaines années. Cette possibilité

est cohérente avec l’hypothèse qu’un régime de TMM finirait

par procurer aux politiciens ce dont ils ont besoin : l’inflation.

Pour construire un portefeuille en y intégrant une protection

contre la déflation, il faudrait probablement recourir à des

obligations à taux inférieurs et à duration plus longue. Une

protection contre l’inflation ferait plutôt appel à des aurifères

ou des marchandises en général, ou encore des titres du Trésor

américain indexés sur l’inflation. Comme nous ignorons laquelle

des extrémités dominera la scène, il pourrait être judicieux

de se protéger contre la déflation, d’une part, et l’inflation,

d’autre part, et d’optimiser la participation dans le centre avec

une stratégie 60/40. Les encarts de gauche et de droite du

Tableau 3 permettent d’apprécier le potentiel de couverture

des obligations du Trésor à long terme et de l’or physique dans

un contexte déflationniste ou inflationniste, respectivement.

L’impact de fluctuations extrêmes (écart-type supérieur à 1)

de l’indice des prix à la consommation (IPC) sur ces actifs est

surligné en jaune.

Mais ce n’est pas tout! Nous pourrions même nous trouver

en présence – simultanément – d’une inflation élevée et

de taux d’intérêt faibles. Comment? Si la Fed s’affaire plus

explicitement à comprimer les taux d’intérêt, comme elle

l’a fait au cours du second semestre de 1940. À cette époque,

le gouvernement américain avait accumulé un énorme déficit

à cause des dépenses liées à la Seconde Guerre mondiale,

et comme la Fed n’était pas totalement indépendante à ce

moment-là, les taux d’intérêt ont été plafonnés à 2,5 % environ,

et le déficit budgétaire a été monétisé. L’histoire risque-t-elle

de se répéter? C’est peut-être incroyable, mais je ne peux

pas écarter cette hypothèse. D’ailleurs, au mois de novembre

dernier la gouverneure de la Réserve fédérale, Lael Brainard,

a évoqué l’idée de plafonner les taux d’intérêt la prochaine fois

que les taux à court terme approcheront de zéro.

En conclusion, il me semble qu’une bonne stratégie pour

2020 et au-delà, peut être aussi simple que de miser au centre

en protégeant les extrémités; en d’autres termes, pratiquer

une stratégie fondée sur le principe de 60/40, et prévoir une

défense contre l’inflation et la déflation.

Jurrien Timmer l Directeur principal, Macroéconomie mondiale, Division de la répartition mondiale de l’actif de Fidelity

Jurrien Timmer est directeur principal, Macroéconomie mondiale auprès de la division de la répartition mondiale de l’actif de Fidelity Investments et se spécialise dans l’élaboration de stratégies macroéconomiques mondiales et en répartition tactique de l’actif. Il est entré au service de Fidelity en 1995 en tant qu’analyste de recherche technique.

Auteur

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PERSPECTIVES DE 2020 : MISER AU CENTRE, PROTÉGER LES EXTRÉMITÉS

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Toute décision de placement doit être basée sur les objectifs, l’horizon de placement et la tolérance au risque de l’investisseur. Aucun élément du contenu aux présentes ne devrait être considéré comme étant un conseil juridique ou fiscal. Nous vous encourageons à consulter votre avocat, votre comptable ou tout autre conseiller spécialisé avant de prendre une décision financière.

Tout placement comporte un risque, y compris un risque de perte.

La diversification ne garantit pas un bénéfice et ne protège pas contre les pertes.

Le rendement passé et les taux de dividendes ne sont pas garants des résultats futurs.

Les marchés boursiers sont volatils et peuvent fluctuer considérablement à la suite de l’évolution de la situation des émetteurs, d’un secteur, du climat politique, de la réglementation, des marchés ou de la conjoncture économique. Les marchés étrangers peuvent être plus volatils que les marchés américains compte tenu du risque accru de l’évolution défavorable de la situation d’un émetteur, du climat politique, du marché ou de la conjoncture économique. Ces risques sont exacerbés dans le cas des marchés émergents. Ces risques sont d’autant plus élevés dans le cas des placements axés sur un seul pays ou une seule région.

Même si les obligations comportent généralement moins de risque et de volatilité à court terme que les actions, elles présentent des risques de taux d’intérêt (c’est‑a‑dire que les prix des obligations baissent à mesure que les taux d’intérêt augmentent, et vice‑versa) de même qu’un risque de défaillance ou, en d’autres termes, le risque que l’émetteur soit dans l’incapacité d’effectuer les versements relatifs au revenu ou au capital. De plus, les obligations et les titres à court terme comportent un risque d’inflation (soit le risque que le rendement d’un placement ne puisse suivre la hausse des prix des biens et services) supérieur à celui des actions. L’augmentation des taux d’intérêt réels peut entraîner une baisse du cours des titres de créance protégés contre l’inflation.

Le secteur des marchandises peut être considérablement touché par le prix de celles‑ci, les événements d’envergure mondiale, la réglementation des importations, la concurrence mondiale, les réglementations gouvernementales et la conjoncture économique.

Le contenu d’origine provient de Fidelity Investments aux États‑Unis.

À moins d’indication contraire, Fidelity Investments est la source pour tous les éléments factuels et toutes les données sur les marchés.

Les placements dans les fonds communs de placement peuvent être assortis de commissions, de commissions de suivi, de frais de gestion et de charges. Veuillez lire le prospectus d’un fonds avant d’investir, car il contient des renseignements détaillés sur les placements. Les taux de rendement indiqués représentent les taux de rendement antérieurs totaux, composés sur une base annuelle, pour la période précisée, compte tenu de la fluctuation de la valeur liquidative des parts et du réinvestissement de toutes les distributions. Les taux de rendement indiqués excluent les frais d’acquisition, de rachat, de distribution et autres frais facultatifs, de même que l’impôt sur le revenu payable par tout porteur de titres, qui auraient eu pour effet de réduire le rendement. Les fonds communs de placement ne sont pas garantis. Leur valeur est appelée à fluctuer fréquemment. Le rendement passé pourrait ou non être reproduit.

Certaines déclarations formulées dans ce commentaire peuvent contenir des énoncés prospectifs de nature prévisionnelle pouvant inclure des termes tels que « prévoit », « anticipe », « a l’intention », « planifie », « croit », « estime » et d’autres expressions semblables ou leurs versions négatives correspondantes. Les énoncés prospectifs s’appuient sur des attentes et prévisions visant des facteurs généraux pertinents liés à la situation économique, au contexte politique et aux conditions du marché, comme les taux d’intérêt, et supposent qu’aucun changement n’est apporté au taux d’imposition en vigueur ni aux autres lois ou législations gouvernementales applicables. Les attentes et les prévisions à l’égard d’événements futurs sont intrinsèquement soumises, entre autres, aux risques et incertitudes parfois imprévisibles, et peuvent, par conséquent, se révéler incorrectes à l’avenir. Les énoncés prospectifs ne sont pas une garantie des rendements futurs, et les événements réels pourraient être substantiellement différents de ceux anticipés ou projetés dans les énoncés prospectifs. Certains éléments importants peuvent contribuer à ces écarts, y compris, notamment, les facteurs généraux liés à la situation économique, au contexte politique et aux conditions du marché en Amérique du Nord ou ailleurs dans le monde, les taux d’intérêt et de change, les marchés boursiers et les marchés des capitaux mondiaux, la concurrence commerciale et les catastrophes. Vous devez donc éviter de vous fier indûment aux énoncés prospectifs. En outre, nous n’avons pas l’intention de mettre à jour ces énoncés à la suite de l’obtention de nouveaux renseignements, de la concrétisation d’événements futurs ou pour quelque autre raison que ce soit.

De temps à autre, un gestionnaire, analyste ou autre employé de Fidelity peut exprimer une opinion sur une société, un titre, une industrie ou un secteur du marché. Les opinions exprimées par ces personnes représentent un point de vue personnel à un moment donné et ne constituent pas nécessairement celles de Fidelity ou d’autres personnes au sein de l’organisation. Ces opinions sont appelées à changer à tout moment en fonction de l’évolution des marchés et d’autres facteurs, et Fidelity décline toute responsabilité en ce qui a trait à la mise à jour de ces points de vue. Ceux‑ci ne peuvent pas être considérés comme des conseils en placement fiables, ni comme une indication d’achat ou de vente visant un Fonds Fidelity, car les décisions de placement relatives aux Fonds Fidelity sont prises en fonction de nombreux facteurs.

Définitions des indicesL’indice S&P 500® est un indice pondéré en fonction de la capitalisation boursière qui comprend 500 actions ordinaires choisies en fonction de la taille du marché, des liquidités et de la représentation sectorielle pour représenter le rendement des actions américaines.

L’indice MSCI Monde tous pays est un indice pondéré en fonction de la capitalisation boursière destiné à représenter le rendement boursier des actions de sociétés à grande et à moyenne capitalisation offertes aux investisseurs mondiaux dans les marchés développés et émergents.

L’indice des prix à la consommation (IPC), publié par le U.S. Bureau of Labor Statistics, mesure l’évolution du prix moyen payé au fil du temps par les consommateurs urbains pour un panier de biens de consommation et de services.

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