PERSPECTIVES 6 octobre 2011 > 10 e...E-déontologie des fonctionnaires et e-réputation des élus :...

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N° 74 DÉCEMBRE 2011 REVUE LAMY DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES 55 PERSPECTIVES COLLOQUE E-déontologie des fonctionnaires et e-réputation des élus : les atteintes à l’honneur et au devoir de réserve à l’heure de Facebook et des réseaux sociaux 6 octobre 2011 > 10 e  journée d’étude de l’Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale Du fonctionnaire qui crée un blog, se revendiquant de Wikileaks, dans lequel il dénonce des faits de corruption, à l’agent qui prend publiquement position dans un forum contre la politique menée par la majorité municipale, sans oublier le fonctionnaire qui livre ses états d’âme sur son mur Facebook en écorchant le maire, ou qui poste des messages à caractère politique ou confessionnel en signant avec son adresse électronique professionnelle, les occasions d’atteintes au devoir de réserve et au principe de neutralité du service public sont aujourd’hui démultipliées. Sans que nécessairement les jeunes générations de fonctionnaires, qui ont toujours baigné dans l’ère du numérique et des NTIC, aient conscience d’avoir franchi la ligne jaune. Manifestement la déontologie du fonctionnaire est bousculée par la révolution du web 2.0. Ne parle-t-on pas d’ailleurs d’« e-déontologie », comme si aux côtés des règles de déontologie usuelles, se développait une déontologie électronique parallèle ? Le devoir de réserve a-t-il d’ailleurs encore du sens ou à l’heure des réseaux sociaux et de la volonté de totale transparence qui les anime ? Face à ce tourbillon du web. 2.0, comment réagissent et se positionnent les collectivités et les élus ? Voient-ils les réseaux sociaux uniquement comme une menace ou les utilisent-ils aussi comme outils de communication ? Comment les élus et les collectivités peuvent-ils protéger efficacement leur e-réputation ? Quels sont les pièges à éviter et les meilleures stratégies de riposte ? Les magistrats et les journalistes puisent-ils leurs sources sur la toile ? Les réseaux ont-ils bousculé leurs méthodes de travail et d’investigations ? sommaire 57 73 56>Allocution de Michel PAVES Président du conseil de Surveillance de SMACL Assurances 1 RE  PARTIE : E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES 57>La déontologie : de la morale à l’éthique en passant par le Droit Par Jérôme CERNOÏA, Expert-conseil en éthique appliquée à l’ENSOSP 61>L’« e-déontologie » comme renouveau des questionnements déontologiques ? Par Samuel DYENS, Directeur Général Adjoint des Services du Conseil Général du Gard, Chargé d’enseignement à l’Université de Nîmes, Association des Juristes des Collectivités Territoriales (AJCT) 65>La neutralité du service public à l’épreuve des réseaux sociaux et des TIC Par Olivier GUILLAUMONT, Conseiller juridique Région PACA 70>Les chartes internes : un outil efficace de modération ? Par Samuel DYENS, Directeur Général Adjoint des Services du Conseil Général du Gard, Chargé d’enseignement à l’Université de Nîmes, Association des Juristes des Collectivités Territoriales (AJCT) 2 E  PARTIE : E-RÉPUTATION DES DÉCIDEURS PUBLICS 73>Diffamation et injures sur internet : quel arsenal juridique ? Par Laurent FABRE, Magistrat, vice-Président du Tribunal de grande instance de Nîmes 76>Diffamation et injure sur internet : quel arsenal juridique ? Comment riposter aux attaques anonymes ? Comment protéger son e-réputation ? Quels pièges à éviter ? Par M e Didier SEBAN, Avocat associé SCP Seban & associés et Michaël GOUPIL, Avocat collaborateur SCP Seban & associés 82> Quels sont les conseils prodigués aux élus ? Par Annick PILLEVESSE, Responsable du Département du conseil juridique et de la documentation de l’AMF 83>Interview d’Yves AGNÈS, journaliste, ancien rédacteur en chef du Monde, ancien Directeur du Centre de formation professionnelle des journalistes (CFPJ), Président de l’APCP, Association de préfiguration d’un Conseil de presse Par Bruno LEPRAT, journaliste

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E-déontologie des fonctionnaires et e-réputation des élus : les atteintes à l’honneur et au devoir de réserve à l’heure de Facebook et des réseaux sociaux6 octobre 2011 > 10e journée d’étude de l’Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale

Du fonctionnaire qui crée un blog, se revendiquant de Wikileaks, dans lequel il dénonce des faits de corruption, à l’agent qui prend publiquement position dans un forum contre la politique menée par la majorité municipale, sans oublier le fonctionnaire qui livre ses états d’âme sur son mur Facebook en écorchant le maire, ou qui poste des messages à caractère politique ou confessionnel en signant avec son adresse électronique professionnelle, les occasions d’atteintes au devoir de réserve et au principe de neutralité du service public sont aujourd’hui démultipliées. Sans que nécessairement les jeunes générations de fonctionnaires, qui ont toujours baigné dans l’ère du numérique et des NTIC, aient conscience d’avoir franchi la ligne jaune.Manifestement la déontologie du fonctionnaire est bousculée par la révolution du web 2.0. Ne parle-t-on pas d’ailleurs d’« e-déontologie », comme si aux côtés des règles de déontologie usuelles, se développait une déontologie électronique parallèle ? Le devoir de réserve a-t-il d’ailleurs encore du sens ou à l’heure des réseaux sociaux et de la volonté de totale transparence qui les anime ?Face à ce tourbillon du web. 2.0, comment réagissent et se positionnent les collectivités et les élus ? Voient-ils les réseaux sociaux uniquement comme une menace ou les utilisent-ils aussi comme outils de communication ? Comment les élus et les collectivités peuvent-ils protéger effi cacement leur e-réputation ? Quels sont les pièges à éviter et les meilleures stratégies de riposte ? Les magistrats et les journalistes puisent-ils leurs sources sur la toile ? Les réseaux ont-ils bousculé leurs méthodes de travail et d’investigations ?

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7356> Allocution de Michel PAVES

Président du conseil de Surveillance de SMACL Assurances

1RE PARTIE : E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES57> La déontologie : de la morale à l’éthique

en passant par le Droit

Par Jérôme CERNOÏA, Expert-conseil en éthique appliquée à l’ENSOSP

61> L’« e-déontologie » comme renouveau des questionnements déontologiques ?

Par Samuel DYENS, Directeur Général Adjoint des Services du Conseil Général du Gard, Chargé d’enseignement à l’Université de Nîmes, Association des Juristes des Collectivités Territoriales (AJCT)

65> La neutralité du service public à l’épreuve des réseaux sociaux et des TIC

Par Olivier GUILLAUMONT, Conseiller juridique Région PACA

70> Les chartes internes : un outil ef$ cace de modération ?

Par Samuel DYENS, Directeur Général Adjoint des Services du Conseil Général du Gard, Chargé d’enseignement à l’Université de Nîmes, Association des Juristes des Collectivités Territoriales (AJCT)

2E PARTIE : E-RÉPUTATION DES DÉCIDEURS PUBLICS

73> Diffamation et injures sur internet : quel arsenal juridique ?

Par Laurent FABRE, Magistrat, vice-Président du Tribunal de grande instance de Nîmes

76> Diffamation et injure sur internet : quel arsenal juridique ? Comment riposter aux attaques anonymes ? Comment protéger son e-réputation ? Quels pièges à éviter ?

Par Me Didier SEBAN, Avocat associé SCP Seban & associés et Michaël GOUPIL, Avocat collaborateur SCP Seban & associés

82> Quels sont les conseils prodigués aux élus ?

Par Annick PILLEVESSE, Responsable du Département du conseil juridique et de la documentation de l’AMF

83> Interview d’Yves AGNÈS, journaliste, ancien rédacteur en chef du Monde, ancien Directeur du Centre de formation professionnelle des journalistes (CFPJ), Président de l’APCP, Association de pré$ guration d’un Conseil de presse

Par Bruno LEPRAT, journaliste

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E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES ET E-RÉPUTATION DES ÉLUS : LES ATTEINTES À L’HONNEUR ET AU DEVOIR DE RÉSERVE

À L’HEURE DE FACEBOOK ET DES RÉSEAUX SOCIAUX

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publiquement position dans un forum contre la politique me-née par la majorité municipale, sans oublier le fonctionnaire qui livre ses états d’âme sur son mur Facebook en écorchant le maire, ou qui poste des messages à caractère politique ou confessionnel en signant avec son adresse électronique professionnelle, etc.Les jeunes générations de fonctionnaires, qui ont toujours bai-gné dans l’ère du numérique et des NTIC, n’ont pas forcément conscience de la ligne jaune qu’il ne leur faut pas franchir.Manifestement, la déontologie du fonctionnaire est bousculée par la révolution de la nouvelle génération du web. D’où ce nouveau vocable, « l’e-déontologie », comme si aux côtés des règles de déontologie usuelles, se développait une déontologie électronique parallèle. On peut en effet s’interroger : quel sens donner au devoir de réserve quand les réseaux sociaux sont fondés sur une volonté de totale transparence ? Cela dit, espaces de liberté certes, ils ne sont pas pour autant pas zones de non-droit. Même si le droit ne les a pas forcément anticipés et commence tout juste à construire une jurispru-dence spéci3 que.C’est justement l’objet de ce colloque : aider les dirigeants des collectivités à ne pas se prendre les pieds dans la toile… Élus et directeurs généraux doivent prendre leurs marques et anticiper les dérives dont ils pourraient être victimes ou… acteurs. C’est bien dans la vocation de notre Observatoire des risques de la vie territoriale : en l’occurrence accompagner les DGS dans la prise de conscience et la maitrise de leur e-vulnérabilité.

Merci à l’Association des maires de France de nous accueillir dans son auditorium 5 ambant neuf.Merci également aux Éditions Wolters Kluwer France - Lamy, que l’on ne présente plus, 3 dèle à notre Observatoire et qui, comme les années passées, publiera les actes de cette journée dans sa Revue Lamy des Collectivités Territoriales.Merci en3 n aux intervenants, d’horizons très différents, qui par leur expertise croisée, nous permettrons de mieux appréhender les enjeux non seulement juridiques mais également sociétaux voire philosophiques du web 2.0. Sans oublier, bien entendu, Bruno Leprat, journaliste, et Jean Duverdier, caricaturiste, qui apporteront les touches de respiration nécessaires à nos travaux avec le talent que nous leur connaissons.

Depuis une douzaine d’années, l’Observatoire SMACL des risques de la vie territoriale est devenu une référence pour nombre d’élus locaux et de dirigeants territoriaux : c’est une base de données sans équivalent car elle ne se contente pas de faire le point sur la doctrine et la commenter. Elle est surtout le témoin pragmatique de la vie territoriale, de ses évolutions face aux risques du quotidien, dans un environnement légis-latif, réglementaire et normatif pléthorique. C’est aussi – et peut être surtout – un outil partenarial par lequel notre Mu-tuelle restitue à ses sociétaires, parmi lesquels la plupart des grandes associations d’élus et de fonctionnaires, une matière qui leur appartient : ce qu’il convient de retenir des dizaines de dossiers contentieux ou précontentieux qui sont con3 és chaque année à SMACL Assurances et qui deviennent ainsi autant de repères préventifs.Au-delà des risques classiques (comme ceux liés aux rela-tions entre collectivités et associations par exemple, objet de notre journée d’étude l’an passé), notre Observatoire a aussi pour vocation de pointer les risques émergents. Ainsi, en 2006, voilà cinq ans, nous avions ensemble étudié les risques potentiels auxquels les collectivités et leurs dirigeants ne manqueraient pas d’être confrontés face à la montée en puissance des nouvelles technologies de l’information. Ces « nouvelles technologies » sont depuis devenues presque banales, du moins ont-elles envahi notre quotidien personnel autant que professionnel. À l’époque, en 2006, les premiers contentieux émergeaient mais aucune jurisprudence n’était véritablement construite.En 2006, on ne parlait pas encore de « e-réputation » ni de « e-déontologie » : les deux vocables, qui nous rassemblent aujourd’hui, ne sont sans doute pas qu’un effet de mode. Ils ne concernent d’ailleurs pas que les seules collectivités. Toutes les entreprises, aujourd’hui, se préoccupent de ces questions. Nous mêmes, à SMACL Assurances, les prenons très au sérieux et les avons identi3 és comme tels dans la cartographie des risques de notre mutuelle.Avec l’explosion des réseaux sociaux, les exemples d’atteintes au devoir de réserve et au principe de neutralité du service public ne manquent pas et se sont démultipliées dans la dernière période : du fonctionnaire qui crée un blog dans lequel il dénonce des faits de corruption, à l’agent qui prend

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Discours d’ouverture de Michel Paves

Président du Conseil de surveillance de SMACL Assurances

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organisation ; d’autre part, en termes de gestion, l’enjeu est d’assurer la meilleure coordination possible de l’ensemble des actions de l’organisation en cohérence avec les objectifs visés. Pour atteindre ces objectifs, les différents modes de régulations des comportements se distribuent à l’intérieur de deux pôles qui se dé3 nissent selon l’autonomie qu’ils laissent à l’individu dans le choix de ses actions.

I – DE L’HÉTÉRONOMIE (MORALE) À L’AUTONOMIE (ÉTHIQUE)

Au premier pôle de ce curseur d’autonomisation de l’individu, l’exercice du contrôle sur les comportements de celui-ci lui est totalement exogène. Le mouvement de régulation est établi et imposé de l’extérieur : une autorité supérieure dicte la façon dont on doit décider et agir. On parle, ici, d’hétéronomie, ou encore, d’hétéro-régulation. La régulation des comportements s’inscrit dans une logique hétéronome et s’actualise par l’obéis-sance à des normes imposées « par le haut » ainsi que par l’application d’une sanction en cas de non-respect de la dite norme. Dans cette logique l’autonomie de l’individu est donc réduite au minimum.L’autre pôle de notre curseur est celui de l’autonomie ou de l’auto-régulation. Ici, la régulation du comportement émane de l’individu lui-même. Bien entendu, comme personne ne vit en parfaite autarcie, nos décisions s’inscrivent dans une histoire, elles sont de ce fait, plus ou moins, déterminées par un ensemble complexe de facteurs et in5 uencées par l’envi-ronnement social. Il y a donc bien, même dans une perspective auto-régulatoire, une dimension hétéro-régulatoire à nos choix et à nos décisions. Cela étant dit, ce qui reste prépondérant dans la logique auto-régulatoire, c’est la participation de l’individu à la co-construction de la norme à laquelle il va « li-brement » décider d’adhérer. Dans cette logique, l’autonomie de l’individu est maximisée.A3 n d’éviter toute confusion sur la nature de la régulation opérée par les principaux concepts du domaine moral (morale, mœurs, droit, déontologie et éthique), il est fondamental de ne pas opposer l’auto-régulation à l’hétéro-régulation car en situation concrète, ces deux dimensions de l’agir sont toujours présentes. Il y a, en effet, dans l’hétéro-régulation de l’auto-régulation et dans l’auto-régulation de l’hétéro-régulation.Venons-en maintenant au travail de dé3 nition des modes de régulation des comportements que j’évoque depuis l’amorce de mon propos. Travail de clari3 cation nécessaire car il règne une grande confusion sémantique, notamment en France, au sujet du mot « éthique ». De manière générale, et pour le dire simplement, il me semble que nous faisons un usage beaucoup trop vaste de ce terme, en attribuant à l’éthique certaines notions qui ne relèvent pas directement de son registre. Très souvent, les personnes parlent d’« éthique » pour évoquer tout simplement leur propre conception de la morale. D’autres parleront d’éthique professionnelle bien qu’en réalité, c’est au

« La morale non complexe obéit à un code binaire :

bien/mal, juste/injuste. L’éthique complexe conçoit que

le bien puisse contenir un mal, le mal un bien, le juste

de l’injuste et l’injuste du juste. » Edgar Morin

Traditionnellement, les institutions publiques, tout comme l’ensemble des sociétés humaines, ont eu recours à différents modes de régulation des comportements, en vue d’assurer, a

minima, le maintien de la paix sociale et au mieux, d’assurer la qualité du vivre-ensemble. Ces modes de régulation des comportements vont habituellement de la morale à l’éthique en passant par les mœurs, le Droit et la déontologie. Ce sont ces différents modes qui seront l’objet de mon propos. Mon intention étant, pour chacun d’eux, de présenter à la fois leurs spéci3 cités, leurs similitudes, tout en m’attachant à démontrer leur nécessaire complémentarité au service de ce que l’on pourrait quali3 er de « système complexe de régulation des comportements ». Un système qui, lorsqu’il est présent au sein d’une organisation ou d’une institution (v. Raemy P.-A. et Meylan S., Changement culturel et organisationnel par le biais d’une approche éthique : démarche de la police de Lausanne (Suisse) et lien avec la santé au travail, in Le travail en crise, Éthique publique revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale, vol. 11, n° 2 (automne 2009), Montréal, Éd. Liber, p. 91-104), contribue de façon signi3 cative à l’animation harmonieuse du vivre-ensemble : en dotant l’organisation ou l’institution des cadres juridiques et déontologiques appropriés, des références adéquates au plan de la morale et des mœurs organisationnelles ainsi que des dispositifs éthiques de délibérations critiques, de respon-sabilisation et d’aide à la prise de décision.La présence de la notion d’éthique au sein du système ici dé3 ni, questionne ipso facto les repères moraux traditionnels. Car l’éthique, telle que je la conçois et la pratique, est en effet une invitation à l’interrogation de l’ef3 cience actuelle des repères moraux traditionnels qui sont véhiculés par la morale, les mœurs et le Droit. L’éthique s’inscrit alors, pour moi, dans une démarche philosophique qui vise le renouvel-lement et l’amélioration continue de nos pratiques grâce à la production d’un effort ré5 exif constant sur celles-ci – qu’elles soient individuelles, professionnelles ou encore citoyennes. En ce sens, la portée de mon propos n’est pas d’encourager l’institutionnalisation à outrance de la régulation des compor-tements. Mon idée est plus d’insister sur la nécessité, au plan organisationnel ou institutionnel, d’inscrire cette régulation au sein d’un processus progressif et transversal, ayant pour dynamique interne l’éthique, a3 n d’accompagner adéquate-ment les évolutions inhérentes à toutes formes d’organisations.En dé3 nitive, l’élaboration d’un système complexe de régu-lation renferme donc une double 3 nalité : d’une part, sur le plan humain, il s’agit de favoriser la cohabitation la plus har-monieuse possible entre les différents membres d’une même

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La déontologie : de la morale à l’éthique en passant par le Droit

Par Jérôme CERNOÏA

Expert-conseil en éthique appliquée à l’ENSOSP

1RE PARTIE : E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES

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E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES ET E-RÉPUTATION DES ÉLUS : LES ATTEINTES À L’HONNEUR ET AU DEVOIR DE RÉSERVE

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dérablement ces con5 its de normativités. L’enjeu est alors de savoir comment partager et comment faire vivre concrètement les valeurs organisationnelles ?

III – LES MŒURSLes mœurs sont un mode de régulation comportemental bien plus implicite que la morale. Nous pouvons dire d’elles, d’une certaine manière, qu’elles sont : «  la traduction pratique,

dans les comportements, de la morale, plus abstraite, d’une

communauté donnée ». C’est pourquoi, elles renvoient aux us et coutumes, aux traditions ainsi qu’aux pratiques quoti-diennes tant personnelles que professionnelles partagées par un groupe, un corps constitué, une organisation, voire même un peuple tout entier.Les mœurs englobent donc des valeurs, des manières de pen-ser, d’évaluer, de faire et de vivre qui sont communes à un groupe donné. Leur pouvoir de régulation du comportement individuel est en soi très puissant, car elles existent de facto : leur production sociale s’établit dès le moment où une société humaine se constitue et est assurée par les grandes instances traditionnelles de socialisation que sont : la famille, l’école, l’Église, les partis politique, le syndicalisme, etc. Dans le cas des mœurs, il est important de noter que le rappel à l’histoire, la perpétuation des traditions et des rites (comme le sont, par exemple, les cérémonies protocolaires chez les sapeurs-pompiers) jouent un rôle de toute première importance dans le processus d’adhésion, d’appropriation et d’intégration de celles-ci.En dehors de ces dispositifs de socialisation, la motivation à agir de façon conforme aux mœurs repose sur trois facteurs essentiels :– le désir d’identi3 cation au groupe ;– l’habitude ;– et de nouveau la peur de la sanction sociale sous la forme d’une marginalisation et le cas échéant d’une complète ex-clusion.La légitimité de leur pouvoir de régulation comportementale dépend donc, en grande partie, d’un besoin d’appartenance, qui est vécu par l’individu sur le mode de l’habitude et de l’évidence : une fois intégrées par un processus – en apparence naturel (ce processus de « naturalisation » des habitudes est particulièrement bien décrit dans les travaux importants que le sociologue français Pierre Bourdieu a consacrés au concept d’habitus) – elles semblent aller de soi. C’est pourquoi certains dispositifs culturels implicites : les valeurs, les us et coutumes, les attitudes propres à la tradition du groupe, permettent d’en soutenir la connaissance et la diffusion. Ainsi, il est possible de former des individus à la perpétuation d’un èthos particulier (èthos : mot venant du grec ancien qui signi3 e le caractère, l’état d’âme ou encore la disposition psychique. Par exemple la disposition psychique à la pratique de certaines professions : pompier, policier, médecin, etc.) dans des milieux culturels où le sentiment d’appartenance reste très vivant comme cela est sans doute le cas chez les sapeurs-pompiers. Des événements comme les célébrations, les fêtes, les rituels, les activités récréatives viennent alors régulièrement resserrer, symboliquement, les liens entre les membres du groupe tout en renforçant signi3 cativement le sentiment d’appartenance.La soumission à la conformité des mœurs est toutefois propor-tionnelle au désir d’appartenance de l’individu. D’un point de vue sociologique, il est d’ailleurs important de noter que le mul-ticulturalisme contemporain autorise et accélère l’ensemble des phénomènes d’éloignement des mœurs du groupe social d’origine au pro3 t d’un nouveau groupe d’appartenance plus proche des préférences individuelles des personnes. Comme

concept de déontologie qu’elles se réfèrent. Naturellement, si l’on souhaite élaborer une « structure de régulation des com-portements » performante et plus particulièrement, promouvoir un type de régulation qui s’inscrit très nettement dans une perspective éthique, nous avons tout intérêt à avoir une idée claire de ce dont il retourne lorsque nous parlons de modes de régulation des comportements.

II – LA MORALELa morale traditionnelle est profondément hétéro-régulatoire : elle s’exerce au nom d’une autorité qui est à la fois extérieure et supérieure (Dieu, la Nature, la Patrie, etc.). La morale régule les comportements en imposants aux individus des devoirs qui les amènent à faire le bien et à éviter de faire le mal.Sa première source est sans doute d’essence religieuse. Dans ce cas, les commandements, les règles, émanent de Dieu, des dieux ou encore d’une autorité transcendante qui trace, d’une manière immuable, la ligne de démarcation entre ce qui est bien et mal.Mais il serait réducteur de limiter la morale à sa seule expres-sion religieuse, puisque la morale trouve également dans le Politique une importante source d’imposition de son autorité régulatrice des comportements. Au niveau politique, des no-tions comme le patriotisme ou le nationalisme servent souvent de morale sociétale. Les opinions et les comportements des citoyens sont alors régulés en fonction de ce qui est utile à la Nation.La morale peut donc se dé3 nir comme un ensemble de valeurs et de normes hétéronomes qui permettent à un individu, ou un groupe d’individus, de distinguer spontanément ce qui est bien, de ce qui est mal.Si cette distinction s’opère de façon spontanée, c’est parce que l’impératif moral exige une intériorisation sociale de la morale par l’homme qui va obéir à celle-ci. Notre motivation à nous imposer une discipline (un comportement) qui va nous faire agir en conformité avec la morale va reposer soit sur la conviction que celle-ci est bonne pour la cohésion du vivre-ensemble, soit sur la peur de la sanction sociale en cas de transgression. L’adhésion à la morale sera donc assurée par des dispositifs visant la connaissance et la transmission de celle-ci. Les textes sacrés (Bible, Coran, Torah, etc.), les codes de bonnes conduites (comme le catéchisme) sont de bonnes illustrations du travail de diffusion et de transmission d’une morale donnée. Ces dispositifs écrits s’accompagnent toujours d’importants lieux physiques de socialisation primaire et secondaire, pour reprendre une terminologie sociologique : familles, églises, écoles, partis politiques, regroupements et associations. Nous sommes vraiment ici dans une logique du « orienter, susciter, commander, surveiller, punir et bannir ! ». Sous toutes leurs formes, punition et exclusion sont très largement pratiquées dans le champ de la régulation morale.Il est possible de parler de « morale organisationnelle » lorsque la direction d’une organisation propage, consciemment ou inconsciemment, une certaine conception des individus et du type de relations qui doit s’établir entre eux. La diffusion de cette morale est assurée par l’imposition d’une philoso-phie de gestion, ainsi que par l’actualisation des valeurs qui en découlent. Ce faisant, la direction pose, plus ou moins explicitement, les balises « de la bonne conduite organisation-nelle ». Ce phénomène de moralisation est très présent dans les entreprises familiales. En termes de management et de pilotage, des dif3 cultés surgissent dans toute organisation au sein de laquelle un nombre croissant d’individus ne partagent pas, ou peu, la « culture maison ». Le pluralisme culturel qui caractérise les organisations contemporaines multiplie consi-

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sociale paci3 ée. Reconnaître mes obligations légales envers autrui est nécessaire si je veux réclamer mes droits. Cette idée d’une relation respectueuse à l’autre, nécessaire à l’actuali-sation de la régulation juridique, va aussi dans le sens d’un rapprochement du droit de l’auto-régulation, inscrivant même celui-ci dans la perspective éthique d’un rapport respectueux et responsable à autrui.La motivation à agir de façon conforme aux lois repose sur trois raisons essentielles :– la conviction de la nécessité de règles minimales de conduite ;– la connaissance obligatoire des textes de loi (« nul n’est

censé ignorer la loi ») ;– et la peur de la sanction en cas de non-respect de la loi.Au plan organisationnel comme au plan social le droit est l’élément qui assure un encadrement des rapports entre les personnes en plus de garantir une protection juridique à la po-pulation. À titre d’exemple, tout le développement de l’éthique professionnelle s’est articulé autour de cet enjeu de protection du public. Pour ce qui est de la Fonction publique territoriale, la régulation des comportements par le droit trouve l’essentiel de son expression dans son Statut général et notamment dans son Titre I (L. n° 83-634, 13 juill. 1983).

V – LA DÉONTOLOGIELa déontologie est un mode hétéronome de régulation des comportements qui s’inscrit dans la logique du droit, comme le Droit, la déontologie fait appel, dans son énonciation, à une autorité qui est extérieure à l’individu (la direction, l’ordre professionnel, le comité de déontologie ou de discipline, etc.).La déontologie régule les comportements en établissant des obligations, des normes et des règles relatives aux attitudes, ainsi qu’aux conduites des individus qui sont spéci3 quement soumis à son autorité.S’il existe bien une spéci3 cité de la déontologie par rapport au Droit, celle-ci s’inscrit avant tout dans la portée restreinte de son autorité. Celle-ci s’adresse à des communautés spéci-3 ques telles que les praticiens d’une même profession ou les membres d’une organisation donnée. Pour établir le socle de son mode de régulation, la déontologie identi3 e et établit les valeurs qui sont jugées comme inhérentes à l’exercice d’un métier et qui en favorisent la qualité. Mais, de par sa nature essentiellement prescriptive, elle tend à transformer les valeurs d’un métier en vertus professionnelles qui prescriront (ou proscriront de fait) des comportements. Son objectif premier est de susciter la con3 ance du public et des usagers tout en préservant la réputation de la profession considérée. La pré-servation de cette intégrité est d’autant plus importante que l’essentiel de la motivation à obéir aux règles déontologiques passe par l’adhésion aux valeurs d’une profession ou d’une organisation. Mais aussi, par la crainte de la sanction en cas de conduite jugée contraire au code de déontologie.À l’inverse du Droit, la reconnaissance de l’autorité qui énonce les règles est sans doute plus essentielle ici que la peur de l’ap-plication d’une sanction. En matière de déontologie, il y a en général une réelle proximité (ne fusse que disciplinaire) entre l’autorité énonciatrice des règles et les lieux d’application de ces dernières. En effet, qu’il s’agisse d’une profession, d’une entreprise ou d’un organisme public, les personnes détentrices de l’autorité qui établit les règles, côtoient plus ou moins régu-lièrement les individus soumis à celles-ci. Une proximité que l’on ne retrouve évidemment pas avec le Droit entre le législa-teur qui établit une loi et les citoyens. Cette proximité autorise l’expression d’une certaine dimension auto-régulatoire qui peut-être à son tour, plus ou moins, élargie par la conception éthique (de conformité ou ré5 exive) qui anime les travaux du

cela est le cas avec la morale, nous voyons que le pluralisme de nos sociétés actuelles limite, dans une mesure notable mais qui reste dif3 cile à évaluer avec précision, la capacité de régulation comportementale des mœurs.Au niveau organisationnel, les mœurs correspondent à la partie visible, et donc observable, de ce que les théoriciens de l’organisation sociale des organisations appellent la « culture organisationnelle ». Concrètement, cette culture touche tout un ensemble d’aspects de la vie quotidienne de l’organisation : manière de se vêtir pour venir travailler, manière de saluer les autres collaborateurs, personnes à côtoyer ou à éviter, façon de réaliser les tâches prescrites, etc. La transmission de la culture organisationnelle s’effectue oralement et tout particulièrement lors de l’arrivée « du nouveau venu » grâce aux conseils, mais aussi par le biais des avertissements qui lui seront prodigués. Du point de vue stratégique, les directions des organisations ont généralement tendance à minimiser l’in5 uence de la régulation des comportements par les mœurs. Pourtant, si la culture organisationnelle s’inscrit en faux des valeurs et orientations de la direction, elle peut être un frein important à la performance. À l’inverse, si elles coïncident, ce sont un puissant levier de management et de pilotage pour atteindre les objectifs 3 xés.

IV – LE DROITLe Droit est aujourd’hui le mode de régulation des compor-tements dominant au sein de nos sociétés démocratiques multiculturelles. En s’appuyant sur un nombre considérable de sources (chartes, lois, décrets, contrats divers et variés, etc.) ainsi que sur un cadre procédural socialement reconnu, c’est un mode de régulation qui arbitre et tranche les différends entre citoyens. Pour ce faire, il garantit des droits inaliénables aux citoyens tout en demandant à ceux-ci, en contrepartie, de se soumettre à un ensemble, de plus en plus large, d’obligations juridiques appelés « devoirs ».Il peut être considéré comme l’armature régulatrice des so-ciétés contemporaines parce qu’« il contribue pour une large

part à assurer les bases de l’organisation et du fonctionnement

de tout ensemble social dans lequel s’établissent des rapports

d’autorité et de pouvoir » (Rocher G., Études de sociologie du droit et de l’éthique, Montréal, Thémis, 1996).Élaboré, délibéré et énoncé en grande partie par l’État, le Droit est une forme hétéronome de régulation comportementale. Néanmoins, il se distincte assez nettement de la morale car l’autorité qui l’énonce n’est ni de source divine, ni issue d’une quelconque idéologie qui serait investie du pouvoir de dicter des devoirs.Le Droit, dans sa version démocratique moderne, émane des représentants de la Nation par le biais d’une procédure délibérative très élaborée. C’est d’ailleurs cette dimension participative et populaire qui rapproche quelque peu le Droit de l’auto-régulation. L’ère juridique prend donc forme pour as-surer une régulation de la vie collective grâce à l’instauration de normes dont les plus importantes sont les lois (compilées dans le code civil, code pénal, lois statutaires, etc.). Contrairement à une croyance populaire, ces textes ne sont pas l’expression d’une parfaite neutralité ou objectivité juridique. En effet, tout comme la morale et les mœurs, les lois véhiculent des valeurs sociales, notamment celles qui concernent les droits et libertés des personnes. Tout comme la morale encore, le Droit appelle la notion de devoir, qui prend alors une connotation différente. En démocratie, la revendication sociale de droits individuels mène à une reconnaissance législative de ceux-ci, imposant dès lors des devoirs à tous. Les obligations légales de l’individu trouvent donc leur origine dans la nécessité d’une coexistence

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E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES ET E-RÉPUTATION DES ÉLUS : LES ATTEINTES À L’HONNEUR ET AU DEVOIR DE RÉSERVE

À L’HEURE DE FACEBOOK ET DES RÉSEAUX SOCIAUX

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contenu de la formation dispensée est donc un élément fon-damental dans l’orientation d’une régulation déontologique des comportements. En effet, une formation très axée sur la connaissance des normes, sur la valeur morale de celles-ci ainsi que sur l’application de sanctions (allant de l’avertissement à la radiation ou au congédiement) en cas de non-respect est habituellement le signe d’une conception plutôt juridique de la déontologie. Conception qui peut également être animée par un véritable déontologisme moral. À l’inverse, une forma-tion qui, sans faire l’impasse sur cette connaissance, parvient également à transmettre le sens et l’importance des valeurs, est une formation équilibrée qui s’inscrit plutôt dans une perspective éthique de la déontologie.La déontologie représente, sans doute, le mode de régulation des comportements le plus répandu au sein des organisations contemporaines occidentales. Toutes les organisations dis-posent, en effet, aujourd’hui d’un ensemble, plus ou moins élaboré, de normes, de règlements, de règles, de procédures, de politiques et de codes de déontologie souvent appelés, de façon inappropriée, codes d’éthique. Comme nous venons de le voir, la déontologie peut très bien être située à la croisée des chemins entre le Droit et l’éthique, à l’articulation des normes et des valeurs en vue d’une régulation des comporte-ments mieux adaptée à la très grande complexité de la réalité contemporaine du monde du travail.

comité de déontologie (ou de discipline) chargé d’évaluer les cas de non-respect du code. Celui-ci de même que le comité en charge de son respect a posteriori, sont en effet les principaux dispositifs sur lesquels repose la régulation des comportements dans une perspective déontologique. L’ef3 cience a priori de ce dispositif reposant elle-même, comme c’est le cas avec l’ensemble des autres modes hétéronomes de régulation des comportements, sur la connaissance et la transmissions des normes, de même que sur la surveillance et le contrôle des comportements attendus.La connaissance des normes étant au cœur du dispositif déonto-logique, la formation est, par voie de conséquence, un autre des éléments importants qui assure l’ef3 cacité a priori d’une régula-tion déontologique des comportements. Celle-ci est généralement conçue et dispensée par l’ordre professionnel ou l’organisation qui a produit le code de déontologie auquel il s’agira d’être formé pour mieux s’y conformer. Dans ce cas, la formation mise en œuvre aura un double objectif : permettre l’apprentissage des normes et règles du code de déontologie et assurer l’intégration et la transmission des valeurs qui structurent l’identité (ou la culture) de la profession/organisation considérée et qui, de fait, sont implicites aux normes et aux règles énoncées dans le code.L’objectif est que les apprenants parviennent à acquérir un savoir-être qui soit en concordance avec les attentes, voire avec les aspirations, de la profession/organisation en question. Le

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d’indiquer les principales règles déontologiques à respecter, une e-déontologie substantielle, en fonction des nouvelles « zones à risque » numériques, qu’il s’agisse des réseaux sociaux, sites internet et autres blogs (II).

I – L’E-DÉONTOLOGIE MATÉRIELLE : OUTILS PROFESSIONNELS ET UTILISATION PRIVATIVE

Plus encore que d’autres moyens – plus visibles probable-ment – qu’une collectivité met à disposition de ses agents, les moyens informatiques peuvent faire l’objet d’une utilisation privative, voire d’un détournement. Il est désormais possible de tracer la ligne de partage entre la dimension profession-nelle de ces moyens (A) et l’utilisation privative qui doit être contrôlée (B).

A.– Une présomption : la dimension professionnelle des outils électroniques fournis

Quelques questions peuvent structurer le propos.

1) Quelle portée ?

Le juge, tant administratif que judiciaire, rappelle fermement qu’un ordinateur, une messagerie professionnelle ou une connexion internet sont mis à la disposition d’un fonctionnaire dans la seule 3 nalité d’exécuter les tâches et missions qui lui sont con3 ées par son administration.

2) Quel périmètre ?

Ainsi, le courriel rédigé par un fonctionnaire sur sa mes-sagerie professionnelle est présumée revêtir un caractère professionnel (6).Il en va de même pour l’accès à des connexions internet. En ce sens, « les connexions établies par un salarié sur des sites

internet pendant son temps de travail grâce à l’outil informa-

tique mis à la disposition par son employeur pour l’exécution

de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel

de sorte que l’employeur peut les rechercher aux $ ns de les

identi$ er » (7). Cette présomption de « professionnalité » im-plique, pour un exemple récent, que « l’inscription d’un site

sur la liste des “favoris” de l’ordinateur ne lui confère aucun

caractère personnel » qui interdirait à l’employeur d’en prendre connaissance (8).En3 n, pour ce qui concerne le stockage de données, la pré-somption de « professionnalité » joue pleinement. Ainsi,

Élément incontournable – et pour certains, indispensable – de la vie quotidienne, les réseaux sociaux, Internet et autres outils numériques de communication pénètrent toutes les sphères sociales, ouvrant des perspectives pour certains, posant de vraies dif3 cultés à d’autres.Rapportée à la sphère politico-administrative, cette « révolution

numérique » (1) offre aux administrations des opportunités d’in-formation, d’administration et de communication nouvelles (2). Mais corrélativement, ces techniques font émerger de nouvelles « zones à risque », et notamment déontologiques.À ce titre, on peut dé3 nir la déontologie comme le corpus de principes et de règles juridiques qui conditionnent, organisent et dirigent l’agent dans l’accomplissement de ses missions. Pour beaucoup, la déontologie est principalement une limite, voire un interdit. Mais parce que son rôle est plus grand que cela, la déontologie doit aussi constituer un guide pour l’action quotidienne de l’agent.La déontologie est, par essence, un domaine de conciliation des contraires. Liberté et réserve, obéissance et désobéissance, transparence et discrétion/secret (3), les cas de confrontation de droits et d’obligations contraires sont légion.La question déontologique est toujours posée, quel que soit le moment de l’Histoire que l’on appréhende. Récemment, elle a retrouvé le devant de la scène médiatique à propos de la liberté d’expression des fonctionnaires, mais aussi par la lan-cinante question de la prévention des con5 its d’intérêts (4), ou de l’utilisation de nouveaux modes d’expression électroniques.Et pour le dire immédiatement, le renouveau des questionne-ments déontologiques consiste, non en la détermination de nouvelles règles déontologiques qui seraient justi3 ées par la nouveauté des outils, mais plutôt en l’adaptation des règles existantes à la spéci3 cité des problématiques générées par ces nouveaux moyens de communication.L’e-déontologie, et les jurisprudences judiciaire et adminis-trative récentes en attestent, c’est d’abord la question de l’utilisation à des 3 ns privées des moyens professionnels mis à disposition de l’agent par son employeur. Est-elle possible ? Dans l’af3 rmative, dans quelle mesure ?Et il y a dix ans, jour pour jour, par l’arrêt « Nikon » du 2 oc-tobre 2001 (5), la Cour de cassation a clairement af3 rmé que « le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au

respect de l’intimité de sa vie privée », impliquant notamment que « l’employeur ne peut (…) prendre connaissance des mes-

sages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un

outil informatique mis à la disposition pour son travail et ceci

même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non

professionnelle de l’ordinateur ». C’est dans ce cadre qu’il nous faudra envisager l’e-déontologie matérielle, autrement dit, la question des droits et obligations applicables à l’utilisation privative des moyens électroniques professionnels (I).Mais au-delà des problèmes posés par le « contenant », l’écueil véritable est celui du « contenu ».L’e-déontologie, plus fondamentalement encore, c’est aussi la question de la conciliation entre les libertés fondamentales, dont le fonctionnaire jouit, et les impératifs statutaires et déontologiques qui s’imposent à lui. Et à ce titre, il s’agira

2070RLCT

L’« e-déontologie » comme renouveau des questionnements déontologiques ?

Par Samuel DYENSDirecteur Général Adjoint

des Services du Conseil Général du Gard

Chargé d’enseignement à l’Université de NîmesAssociation des Juristes

des Collectivités Territoriales (AJCT)

(1) Rapp. info. AN, 22 juin 2011, sur les droits de l’individu dans la révolution numérique.(2) Voir par exemple, lors du 118e congrès des sapeurs-pompiers, 22-24 sept. 2011, la présentation de l’étude sur l’utilité des réseaux sociaux pour les SDIS.(3) Sur ce point : Sauvé J.-M., Transparence, valeurs de l’action publique et intérêt général, Colloque AN, 5 juill. 2011(4) Voir après le rapport de la Commission de réfl exion pour la prévention des confl its d’intérêts dans la vie publique, Pour une nouvelle déontologie de la vie publique, 26 janv. 2011 ; projet de loi n° 3704, 27 juill. 2011, relatif à la déontologie et à la prévention des confl its d’intérêts dans la vie publique.(5) Cass. soc., 2 oct. 2001, n° 99-42.942(6) Pour un DGS : CA Rennes, 14 janv. 2010, n° 97/2010 ; plus largement : Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-45.269(7) Cass. soc., 9 juill. 2008, n° 06-45.800(8) Cass. soc., 9 févr. 2010, n° 08-45.253

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Troisième hypothèse : la violation d’un intérêt ou d’un droit juridiquement consacréLe contenu même des courriels personnels ne doit pas conduire à la réalisation d’infractions pénalement punissables. Tel est le cas pour l’envoi en grand nombre de « courriers électroniques

anonymes constitutifs d’un harcèlement pour obtention de

faveurs sexuelles et de harcèlement moral » (18).Il en va de même lorsque le contenu des messages envoyés par l’agent de sa messagerie professionnelle porte atteinte à la neutralité, comme dans l’hypothèse de messages « à caractère

raciste et xénophobe » (19).

2) Quelles modalités probatoires ?

Dans ces trois hypothèses, comme dans toutes les questions de responsabilité, il faut sérieusement envisager la dimension probatoire (20). Classiquement, cette preuve fera varier la portée de la sanction, dès lors que les faits seront matériellement avérés, dans le respect du principe de proportionnalité.Pour illustrer, le juge exige légitimement qu’un lien direct et évident soit prouvé entre la consultation litigieuse et l’agent mis en cause (21). Ainsi, si ont été valablement constatées « plusieurs

centaines de connexions sur des sites pornographiques », le lien entre ces excès et l’agent mis en cause est hypothétique, notamment parce que l’ordinateur était en accès libre pour l’ensemble des personnels de l’institution. Autrement dit, « les faits reprochés ne pouvaient être tenus pour établis » (22).De plus, la matérialité des faits constatée, en ayant relevé par exemple que « la consultation de sites pornographiques

(était) devenue quotidienne et avait atteint, au moins à cinq

reprises, une durée comprise de 1 heure 30 à 3 heures », la Cour administrative d’appel de Paris estime que si une sanction est justi3 ée, «  la sanction de licenciement était manifestement

disproportionnée », notamment parce que ces faits n’ont pas été connus des collègues de travail, ni de personnes extérieures à l’administration (23). On retrouvera cette même obligation d’adéquation entre les faits et la sanction dans les cas de violation d’obligations déontologiques substantielles.A contrario, la simple réception de courriels accompagnés d’images pornographiques et zoophiles, et leur présence sur l’ordinateur d’un agent sans la démonstration qu’il les ait personnellement enregistrées, ne sont pas constitutives d’une faute de nature à justi3 er une exclusion dé3 nitive (24).Mais dès lors que les faits sont établis, « la détention d’images

ou de représentations de mineurs présentant un caractère porno-

graphique revêt un caractère certain de gravité, particulièrement

«  les dossiers et $ chiers créés par un salarié grâce à l’outil

informatique mis à la disposition par son employeur pour

l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les

identi$ e comme étant personnels, avoir un caractère profes-

sionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès » (9).La chose est entendue. Les outils fournis dans un cadre pro-fessionnel ont une 3 nalité a priori… professionnelle ! Mais au cœur même de cette évidence apparaît l’exception potentielle. Celle de l’utilisation privative. Et celle-ci ne saurait être niée.

B.– Une utilisation privative limitéeAf3 rmer que l’utilisation privative doit être limitée signi3 e d’abord que cette forme d’utilisation est possible. La collecti-vité peut donc tolérer, voire autoriser ses agents à utiliser la messagerie à des 3 ns personnelles (10), mais dans des conditions raisonnables, qu’elle doit organiser.

1) Quelles utilisations prohibées ?

En creux, il est toutefois possible d’identi3 er trois hypothèses dans lesquelles cette utilisation privative se révèle inappro-priée.Première hypothèse : l’exagération de l’utilisation privativeAinsi, l’agent ne doit pas abuser, ni dans le nombre de cour-riels personnels envoyés ou reçus, ni par le temps qu’il y consacre, sur son temps de travail (11). Dans le même esprit, pour les accès internet, le juge a estimé « qu’une connexion à

internet, fût-elle de longue durée, sur le lieu de travail, ne peut

constituer une faute que s’il est établi que le salarié a consacré

son temps de travail à des activités personnelles » (12). Autre-ment dit, ce n’est pas l’utilisation privative en elle-même qui est sanctionnable, mais bel et bien une utilisation abusive, ne permettant pas notamment un accomplissement des missions et tâches dévolues à l’agent.Deuxième hypothèse : la violation du devoir d’honorabilité du fonctionnaire (13)

Le fonctionnaire doit s’abstenir, par exemple, d’envoyer des courriels particulièrement grossiers et dégradants, accompa-gnés de 3 lms ou de photographies pornographiques (14).Même logique pour internet, puisque le type de sites faisant l’objet d’une consultation privative sur son lieu et son temps de travail ne doit pas aboutir à une telle situation litigieuse. La connexion à des « sites contraires à la déontologie (…), présentant des images de jeunes mineures (…) pour une durée

de près de 20 % de son temps de connexion » est de nature à justi3 er une sanction disciplinaire d’exclusion des fonc-tions (15). Il en va de même pour l’agent ayant « consulté des

sites pornographiques sur l’ordinateur mis à sa disposition

par l’institution » (16).En ce qui concerne le contenu des 3 chiers conservés sur l’ordinateur mis à la disposition de l’agent par l’Adminis-tration, la même obligation de « mesure » s’impose. Ainsi, le fait qu’un agent a constitué des 3 chiers de 2 589 photos pornographiques dans l’ordinateur de la police municipale et conservé les annonces qu’il avait fait publier dans une revue spécialisée dans le rapprochement des adeptes de l’échangisme sexuel est constitutif d’une faute de nature à justi3 er une sanction disciplinaire (17). Mais au-delà de la solution, cet arrêt est important dans la mesure où il peut s’en inférer la règle selon laquelle la quali3 cation de « personnel » du répertoire incriminé est sans effet sur la légitimité de la sanction, dès lors que son contenu porte atteinte à une obligation déon-tologique. En effet, le juge prend la peine de préciser que le 3 chier informatique en cause ne béné3 ciait pas « en tout état

de cause, de la protection accordée au titre du respect de la vie

privée, au courrier électronique ».

(9) Cass. soc., 18 oct. 2006, n° 04-48.025(10) Et une Charte informatique, loin d’être une mesure de méfi ance vis-à-vis des agents, est un outil tout à la fois organisationnel, pédagogique et responsabilisant. Telle semble être également la position de la CNIL : Guide pour les employeurs et les salariés, éd. 2010, notamment la fi che 6.(11) CA Limoges, 23 févr. 2009, n° 08/01112(12) Cass. soc., 18 mars 2009, n° 07-44.247(13) Pour une illustration récente : CAA Marseille, 30 nov. 2010, n° 09MA00085, M.À.(14) CAA Versailles, 22 juin 2010, n° 09VE02662, Pizzo ; toutefois, la réception non sollicitée de courriels pornographiques n’est pas, en soi, une faute : Cass. soc, 14 avr. 2010, n° 08-43.258(15) CE, 10 avr. 2009, n° 312092, M.P.(16) CAA Lyon, 8 déc. 2009, n° 08LY02184, min. de l’Éducation nationale(17) CAA Marseille, 14 oct. 2003, n° 02MA01705, M.X.(18) CAA Bordeaux, 8 juill. 2008, n° 06BX00317, M.X.(19) CAA Paris, 7 nov. 2007, n° 05PA04951, M.X. ; à noter la totale cohérence avec le juge judiciaire sur ces questions : Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-45.269(20) En ce sens : CAA Douai, 14 avr. 2011, n° 09DA00428, Cne de Marcq-en-Barœul(21) CAA Nantes, 4 mai 2010, n° 09NT01206, Michel X.(22) CE, 3 oct. 2008, n° 308046, M.A.(23) CAA Paris, 12 févr. 2008, n° 06PA04287, Centre des Monuments Nationaux(24) Cass., soc., 14 avr. 2010, n° 08-43.258. Dans le même esprit : Cass. soc., 7 janv. 2010, n° 08-42.097, M.X.

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Rapportée à notre sujet, méconnait cette obligation l’agent divulguant, par sa messagerie professionnelle, des éléments con3 dentiels d’un dossier sensible du service (32), comme « la

diffusion d’éléments con$ dentiels de notation » (33). Dans le même esprit, a été validée la sanction d’un agent qui, par sa messagerie professionnelle, a fournit des éléments tarifaires des prestations de son établissement, ayant pour but de conseiller aux utilisateurs de recourir à des organismes concurrents, et pour conséquence de dénigrer son employeur (34).

B.– L’impératif de modération de l’expressionSi l’obligation de réserve apparaît comme la principale obli-gation à prendre en compte ici, d’autres obligations imposant à l’agent une modération de son expression sont à rappeler.

1) Quelles obligations de modération ?

Ainsi, en va-t-il du respect de ses supérieurs, composante de l’obéissance hiérarchique (35). C’est ce qu’a eu à connaître le Conseil de discipline du centre de gestion de Versailles, le 1er avril 2011, avec le cas d’un agent qui, après une longue et manifestement pénible journée de travail, s’est livré à une diatribe en5 ammée tout autant que grossière et outrageante à l’endroit de son supérieur hiérarchique. Dénoncé par l’un de ses « collègues » de travail, l’agent s’est vu reconnaître responsable. Il en va de même vis-à-vis des collègues et de son administration (36).Par ailleurs, et l’actualité est grande quant à cette obliga-tion (37), la neutralité s’oppose à ce qu’un agent utilise sa messagerie électronique professionnelle au béné3 ce d’une association cultuelle (38), ou crée un lien direct avec le site de son administration et un site anarchiste, « à des $ ns de

prosélytisme » (39).Mais l’impératif de modération de l’expression joue à plein dans l’hypothèse de l’obligation de réserve.

2) Quelle portée de l’obligation de réserve ?

L’obligation de réserve peut se dé3 nir comme « le devoir pour

le fonctionnaire lorsqu’il est amené à manifester publiquement

ses opinions de mesurer les mots et la forme dans laquelle il les

exprime » (40). L’idée essentielle est que, lorsque le fonctionnaire exerce sa liberté d’expression, il doit faire preuve d’une mesure certaine a3 n de ne pas s’attaquer trop ouvertement ou trop violemment, à son administration (41), à ses supérieurs (42) et à ses collègues (43).

de la part d’un agent de catégorie A » (25), justi3 ant sa révo-cation. À noter que l’appartenance à un cadre d’emplois de catégorie A n’est pas une condition de l’engagement de la responsabilité de l’agent, mais doit plutôt être appréhendée, selon le juge, comme une circonstance aggravante.Pour éviter ou – plus réellement – pour limiter ces situations, la collectivité employeuse doit organiser cette utilisation pri-vative, tout en assurant une sécurité optimale de ces réseaux et outils informatiques. L’employeur jouit de prérogatives lui permettant de contrôler l’utilisation professionnelle des moyens électroniques qu’il met à la disposition de son agent. C’est précisément les fonctions d’une charte interne, sur la-quelle nous insisterons plus loin.

II – L’E-DÉONTOLOGIE SUBSTANTIELLE : PRENDRE LES OBLIGATIONS AU SÉRIEUX !

Derrière cette adaptation du titre d’un célèbre ouvrage d’un auteur américain non moins célèbre (26), se cache une convic-tion. Les impératifs déontologiques, souvent mal connus au cas général, sont très relativisés, dès lors qu’il s’agit de l’utilisation d’outils informatiques ou numériques. Souvent de « bonne foi », par ce que « l’on n’imagine pas » qu’un twit, en quelques caractères, peut conduire à la violation de l’obligation de réserve au même titre qu’un article de presse ou une interview. En ce sens, la CNIL indique, à propos d’un grand réseau social, que « de manière générale, on ne dit pas la même chose à sa famille,

à son ami d’enfance, à son collègue de bureau ou à son patron.

Sur Facebook, il faut adopter les mêmes ré* exes » (27).C’est précisément l’objet de l’e-déontologie substantielle : rappeler les principales obligations qui peuvent être « mal-menées » par les modes de communication numériques et autres réseaux sociaux. Elles concernent principalement la con3 dentialité des données administratives (A) et l’expression des opinions des agents (B).

A.– L’impératif de confi dentialitéCelle-ci se décline, classiquement, en deux obligations essen-tielles : le secret professionnel et la discrétion professionnelle.

1) Con" dentialité et secret professionnel

En premier lieu, le secret professionnel (28), qui se dé3 nit comme l’obligation faite à tout agent territorial de ne pas révéler à au-trui des renseignements con3 dentiels recueillis dans l’exercice des fonctions sur des personnes ou des intérêts privés, doit faire l’objet d’une attention toute spéciale. Le but évident de cette règle, sanctionnée par ailleurs par le Code pénal (C. pén., art. 226-13), est la protection des particuliers (ou des collègues de travail lorsque l’on considère l’application du secret pro-fessionnel aux domaines de l’informatique, de la GRH, etc.).L’utilisation des modes de communication numérique peuvent rapidement conduire à la violation de cette obligation parti-culièrement importante. Tel est par exemple le cas lorsqu’un agent diffuse « largement auprès de ses collègues de travail et

de sa hiérarchie, en utilisant sa messagerie électronique profes-

sionnelle, des notes et des rapports contenant de nombreuses

informations recueillies en particulier au cours d‘opération de

véri$ cation de compatibilité de sociétés » (29).

2) Con" dentialité et discrétion professionnelle

En second lieu, l’obligation de discrétion professionnelle (30) peut se dé3 nir comme la défense faite à tout agent de révéler tout fait, information ou document dont il a connaissance dans le cadre de ses fonctions. C’est le service lui-même qui est protégé ici, et non plus les particuliers, couverts eux par le secret professionnel (31).

(25) CAA Nancy, 5 mai 2010, n° 09NC01294, M.X.(26) Dworkin R., Prendre les droits au sérieux, 1977, PUF, coll. Léviathan, 1995(27) CNIL, Maîtriser les informations publiées sur les réseaux sociaux, 10 janv. 2011(28) L. n° 83-634, 13 juill. 1983, art. 26 al. 1er

(29) CAA Bordeaux, 15 nov. 2010, n° 09BX02805, Garnier(30) L. n° 83-634, 13 juill. 1983, art. 26 al. 2 ; Dyens S., Le renouveau de la discrétion professionnelle, Gaz. cnes, 9 juill. 2007, p. 52(31) CAA Lyon, 21 juin 2011, n° 10LY01239, M. Claude A.(32) CAA Nantes, 8 mars 2007, n° 06NT01199, M.X. ; voir dans le même esprit : CE, 25 janv. 2006, n° 280165, M.X.(33) TA Orléans, 4 mai 2006, n° 04/03107, M.G.(34) CAA Bordeaux, 22 déc. 2009, n° 08BX02277, CCIT(35) CAA Paris, 21 nov. 2006, n° 04PA00634, M.X. ; CAA Lyon, 7 juin 2011, n° 11LY00344, Cne de Voreppe(36) CAA Bordeaux, 22 déc. 2009, n° 08BX02277, Gazel(37) Notamment : CE, 19 févr. 2009, n° 311633, M.B.(38) CE, 15 oct. 2003, n° 244428, Jean-Philippe(39) CE, 7 sept. 2007, n° 298664, M.À. : sanction annulée en l’espèce pour manquement aux droits de la défense(40) Robert J., Dalloz 1973, II, p. 190(41) CAA Marseille, 5 juill. 2011, n° 09MA01887, Mme A. ; CAA Marseille, 11 juill. 2011, n° 05MA00321, CCI du pays d’Arles(42) CAA Marseille, 26 janv. 2010, n° 07MA02904, Communauté de cnes du pays de Voconces(43) A contrario : CAA Lyon, 7 juin 2011, n° 10LY00565, Communauté d’Agglomération de Montélimar-Sésame

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E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES ET E-RÉPUTATION DES ÉLUS : LES ATTEINTES À L’HONNEUR ET AU DEVOIR DE RÉSERVE

À L’HEURE DE FACEBOOK ET DES RÉSEAUX SOCIAUX

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article critiquant la politique gouvernementale sur un point particulier. Ainsi, « les interventions médiatiques reprochées (…) excédaient les limites » que les agents « doivent respecter en raison de la réserve à laquelle ils sont tenus ». Toutefois, le Conseil d’État a annulé la sanction frappant M. Matelly, parce que disproportionnée (53).Au ! nal, il apparaît que l’e-déontologie, comme toute autre forme de règles déontologiques, se résume à l’équilibre, à la conciliation entre des impératifs contraires. Il s’agit de résoudre ce que le Conseil d’État, dans son rapport public de 1995, quali! ait de « dilemme éthique fondamental » (54). Gageons que la pédagogie, la formation, tout autant que le bon sens permettront à toutes les parties prenantes, élus et fonctionnaires, de trouver la voie de la « vie bonne », chère à Paul Ricœur.C’est dans cette perspective qu’une Charte interne peut se ré-véler pertinente, pour être le cadre d’un échange entre agents, organisations syndicales et administration, a! n d’aboutir à une vision déontologique renouvelée et modernisée.

Fondée et légitimée aussi bien en droit interne (44) qu’en droit européen (45), atténuée lors de l’exercice d’un mandat syndi-cal (46), le juge a précisé le cadre dans lequel cette obligation doit s’inscrire, au regard des nouveaux questionnements numériques et électroniques.En ce qui concerne les réseaux sociaux, il faut appeler les utilisateurs à la plus grande vigilance vis-à-vis des contenus et des personnes qui peuvent y accéder (47). On assiste en effet à une utilisation massive et fréquente des contenus des pro! ls à des ! ns probatoires, tant dans la discipline professionnelle que dans les affaires familiales.En ce sens, le dénigrement de son employeur sur Facebook, ainsi que l’appel à la rébellion contre sa hiérarchie ont-ils pu justi! er le licenciement d’une salariée (48). Cette décision est essentielle, en ce qu’elle a estimé que les messages et infor-mations échangés sur ce réseau ne relevaient pas du secret des correspondances privées, qui aurait, dans ce cas a priori, protégé la salariée de l’intrusion de l’employeur.La même mesure est à envisager avec le « web log », ou blog. Ce journal personnel sur Internet connaît un grand succès et des fonctionnaires ont ouvert, à titre purement personnel, des blogs où ils relatent notamment leur vécu aussi personnel que professionnel. Une réponse ministérielle avait déjà indiqué que « son auteur, fonctionnaire, doit observer, y compris dans ses écrits, un comportement empreint de dignité, ce qui, a priori, n’est pas incompatible avec le respect de sa liberté d’expression » (49). C’est dans cette logique qu’un adjoint de sécurité qui, ayant créé son blog, a été sanctionné pour avoir incité à la violence et à la haine raciale et fait l’apologie de crimes contre l’Humanité, dans sa tenue professionnelle (50). La dimension personnelle de l’expression n’exclut donc pas toute obligation liée à son appartenance professionnelle et la spéci! cité de l’employeur public.En! n, pour les « propos » tenus sur un site internet, les règles traditionnelles de modération s’appliquent pleinement.Tel est le cas pour l’agent qui publie sur un site internet un article particulièrement virulent et polémique, justi! ant ainsi la décision de mettre ! n à ses fonctions (51). Mais de manière en-core plus révélatrice, dans l’arrêt « Matelly » (52), il était reproché au fonctionnaire d’avoir manqué à son obligation de réserve en cosignant et publiant sur un site internet d’information un

(44) Dyens S., Obligation de réserve : une obligation à prendre au sérieux, Gaz. cnes., 26 janv. 2009, p. 54 ; CAA Versailles, 25 mars 2010, n° 08VE02938, M.A. ; CAA Bordeaux, 8 mars 2011, n° 10BX00639, M.X.(45) Sur le fondement de l’article 10-2 de la Convention, voir : CEDH, 8 juill. 1986, aff. 9815/82, Lingens c./ Autriche, § 39 ; CEDH, 2 sept. 1995, aff. 1994/454/535, Vogt c./ Allemagne, § 53 ; CEDH, 2 sept. 1998, aff. 1997/849/1056, Ahmed c./ Royaume-Uni, § 53, 62 et 63 ; CEDH, 7 déc. 2010, n° 15/966/06, Poyraz c./ Turquie, § 76 ; CEDH, 12 sept. 2011, n° 28955/06, Palomo Sanchez c./ Espagne(46) La jurisprudence admet ainsi une atténuation de l’obligation de réserve, dès lors que l’expression est intimement liée à une revendication professionnelle (CAA Nantes, 2 juill. 2010, n° 10NT00319, M.X.) et qu’elle reste correcte, notamment parce qu’elle ne contient « ni propos injurieux, ni attaques personnelles mettant en cause (les) supérieurs hiérarchiques ou les élus » (CAA Bordeaux, 2 juin 2009, n° 08BX02082, Région Réunion). Mais dès lors que l’expression syndicale sortira de ce cadre, le manquement à l’obligation de réserve sera, pour le juge, constitué (CAA Nancy, 2 août 2007, n° 07NC00217, Cne de Lons-le-Saunier)(47) CNIL, Maîtriser les informations publiées sur les réseaux sociaux, 10 janv. 2011(48) Cons. prud’h. Boulogne-Billancourt, 19 nov. 2010, n° 09-00343(49) Rep. min. n° 107547, JO 30 janv. 2007, p. 1101(50) TA Lille, 8 avr. 2009, nos 07/05010 et 07/08279, M.D.(51) CE, 23 avr. 2009, n° 316862, M.A.(52) CE, 11 janv. 2011, n° 338461, Matelly ; préalablement : CE, 9 avr. 2010, n° 312251, Matelly(53) Cette position n’a rien d’étonnant pour les habitués de la jurisprudence administrative : voir notamment sur un domaine comparable CAA Nancy, 2 août 2007, n° 06NC00627, Cne de Malzéville ; CAA Bordeaux, 9 févr. 2010, n° 09BX01069, FFESSM(54) Rapp. CE 1995, p. 18

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délibération d’un jury de concours dont les membres ont posé au candidat, lors d’une épreuve orale d’admission, des ques-tions sur son origine, ses pratiques confessionnelles et celles de son épouse (CE, 10 avr. 2009, n° 311888, M. B.).La volonté de limiter au maximum les discriminations se retrouve dans de nombreux dispositifs pratiques. Ainsi, l’ar-ticle 18 de la loi du 13 juillet 1983 interdit de faire état dans le dossier individuel d’un fonctionnaire, comme dans tout document administratif, de ses opinions et de ses activités po-litiques, syndicales, philosophiques ou religieuses. L’existence du dossier individuel constitue une garantie essentielle pour les agents. Ceux-ci peuvent en effet à tout moment exercer leur droit d’accès à leur dossier pour connaître les éléments que l’on peut leur reprocher (1). Relevons au passage que les textes autorisent aujourd’hui une dématérialisation des dossiers des agents et que le décret du 15 juin 2011 relatif au dossier individuel électronique prévoit les mêmes garanties que le dossier papier notamment en termes de neutralité (D. n° 2011-675, 15 juin 2011, relatif au dossier individuel des agents publics et à sa gestion sur support électronique. Cf. Guillaumont O., Dossier individuel : en avant pour la dématérialisation ! Lettre du cadre territorial, 15 juill. 2011, p. 42).On le voit, un luxe de précaution, logique et légitime, est prévu par les textes pour assurer tant au candidat à un emploi public qu’à l’agent en poste, l’absence de discrimination fondée sur les opinions politiques ou religieuses (2). Or, l’arrivée des réseaux sociaux, et avec eux, d’un nombre très important d’informations disponibles directement sur Internet, a changé la donne.Le paradoxe est ainsi + agrant, entre les règles qui visent à éviter les discriminations fondées notamment sur les opinions ou activités politiques ou religieuses et la possibilité pour la collectivité d’avoir très largement accès sur le Net à des infor-mations sur ces mêmes opinions et activités (3).Au-delà, cette problématique n’est d’ailleurs pas propre à la sphère publique, on la retrouve également dans le secteur privé. Plus généralement le paradoxe est celui que relève Alex Türk dans son dernier livre : « Ceux-là même qui dévoilent leur vie privée sur Facebook sans paraître le moins du monde trou-blés poussent des cris d’orfraie (dans certains cas, d’ailleurs, parfaitement justi% és) devant l’éventualité que certaines de leurs données personnelles fassent l’objet d’une inscription dans un % chier de police »

La neutralité du service public implique de ne pas faire de discriminations en raison des opinions religieuses ou politiques entre des candidats à des emplois publics, des agents publics ou des usagers. À partir de cette notion de neutralité du service public en général, la jurisprudence dans un premier temps, le législateur dans un second ont dégagé un principe de neutralité des agents publics. Ce principe de neutralité des agents publics a pour ! nalité de garantir la neutralité du service public et l’impartialité de traitement des usagers.Le développement des TIC et des réseaux sociaux renouvelle deux problématiques relatives à la neutralité des agents publics et du service public.Tout d’abord, la problématique contemporaine, et particu-lièrement essentielle, de la lutte contre les discriminations fondées sur les opinions politiques ou religieuses que ce soit dans l’accès aux emplois publics ou en cours de carrière. TIC et réseaux sociaux permettent en effet à l’employeur public d’avoir accès à quantité d’informations personnelles sur le candidat ou son agent.Ensuite, la deuxième problématique est celle du respect du principe de neutralité par les agents publics et du recours à la voie disciplinaire en cas de méconnaissance de ce principe. Ce deuxième volet soulève nombre d’interrogations, notamment la limite entre la sphère publique et la sphère privée.

I – L’INTERDICTION DES DISCRIMINATIONS FONDÉES SUR LES OPINIONS POLITIQUES OU RELIGIEUSES CONFRONTÉE À L’UTILISATION DES TIC ET DES RÉSEAUX SOCIAUX

Le principe de l’interdiction des discriminations fondées sur les opinions politiques ou religieuses au sein des services publics est bien établi. La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires précise en son article 6 qu’aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur apparence physique ou de leur handicap. Les mêmes principes béné! cient aux agents non-titulaires. Avant la loi de 1983, la règle avait déjà été dégagée par la jurisprudence, notamment dans l’arrêt « Barel » (CE, 28 mai 1954, Barel).Sur le plan pénal, l’article 225-1 du Code pénal sanctionne toute discrimination opérée en raison notamment de l’origine, des opinions politiques, des activités syndicales, de l’appar-tenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée à une religion déterminée.Par suite, les opinions religieuses, politiques ou syndicales, réelles ou supposées ne peuvent être prises en compte négati-vement ou positivement dans le recrutement pas plus qu’elles ne peuvent l’être au moment de la titularisation ou en cours de carrière (notation, discipline, promotion, mutation, etc.).Si le candidat une fois recruté doit – on y reviendra – se soumettre au principe de neutralité, l’administration n’a pas à prendre en compte, au stade du recrutement, les opinions politiques ou religieuses du candidat. A ainsi été annulée la

2071RLCT

La neutralité du service public à l’épreuve des réseaux sociaux et des TIC

Par Olivier GUILLAUMONT

Conseiller juridique Région PACA

(1) Rappelons qu’historiquement la règle de l’accès au dossier est née après « l’affaire des fi ches » qui éclata en 1904 par un article publié dans la presse qui révélait que l’avancement des offi ciers militaires dépendait de leur engagement républicain et qu’au contraire leur carrière stagnait s’ils étaient catholiques pratiquants. Les offi ciers étaient ainsi « fi chés » en fonction de leurs opinions politiques ou religieuses (établies ou supposées). Cette affaire aboutira à la démission du ministère Combes et à l’adoption de l’article 65 de la loi de fi nances du 22 avril 1905 qui sera reprise dans la loi de 1983.(2) On peut aussi rajouter que l’administration, en application de la législation applicable en matière de communication d’actes administratifs, n’a pas le droit de communiquer à des tiers des documents comportant des données personnelles de ses agents.(3) Cette problématique n’est pas limitée à la question des discriminations dont peuvent faire l’objet les agents en cours de carrière ou les candidats aux emplois publics. Elle concerne aussi potentiellement les relations entre l’administration et les usagers puisque, rappelons-le, les principes de neutralité et d’égalité interdisent les discriminations dans le traitement des demandes des usagers ou dans les services qui leur sont rendus.

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compte le risque de contentieux ou de saisine du Défenseur des droits sur cette thématique contemporaine des discriminations. En effet, un contentieux (notamment pénal), même gagné par la collectivité, a toujours un effet de nuisance surtout si l’affaire est médiatisée et c’est le cas dans ce type d’affaires. Au-delà, la réponse à la problématique contemporaine des discriminations ne peut à notre sens – en toutes hypothèses – être uniquement envisagée sous le prisme toujours déformant du contentieux et ne peut même trouver de solution entièrement satisfaisante sur le seul terrain du droit.Les collectivités doivent, comme sans doute les entreprises, s’interroger sur leurs pratiques et mener une ré+ exion éthique sur celles-ci. Quelles sont les pistes de solutions ?Une première solution, radicale, peut consister à interdire (en interne) purement et simplement le recours à ces techniques dans le cadre de procédures de recrutement. Cette solution semble déjà explorée par certaines entreprises et associations. Ainsi, l’association « À Compétence Égale » qui regroupe des cabinets de recrutement et des consultants (et dont l’ambition est de garantir une égalité de traitement de toutes les candi-datures et d’assurer un processus de sélection centré sur la recherche de compétences) demande aux entreprises de jouer le jeu et de s’engager publiquement à ne plus « googliser » les candidats pour trouver des renseignements privés, à ne pas consulter les pages Facebook des postulants.Faut-il en arriver jusqu’à cette solution et se priver des réseaux sociaux comme outil de recrutement ? C’est sans doute excessif et dif! cilement contrôlable. Il semble en revanche nécessaire d’établir des garde-fous et de mener par exemple une ré+ exion sur l’établissement de chartes internes de bonnes pratiques en ma-tière d’utilisation des TIC et des réseaux sociaux dans les phases de recrutement (7). Cela pourrait consister à utiliser uniquement certains sites (réseaux professionnels par exemple), l’objectif étant de ne pas accéder à des informations à l’insu du candidat.Si le seul argument tiré de la nécessité de prévenir les discri-minations ne suf! t pas à convaincre de la nécessité de mener ce type de ré+ exion, il faut prendre en compte le fait que les réseaux sociaux sont une source d’information et un outil de sélection à risque (8) puisque les informations qu’on y trouve ne sont pas forcément exactes ni en rapport avec ce que l’on est censé mesurer.Les collectivités pourraient ainsi communiquer sur le fait qu’elles s’engagent dans une démarche éthique et ne sollicitent pas d’informations à l’insu des candidats.Voilà pour les pistes de ré+ exion du côté des collectivités. De l’autre côté de la barrière, candidats aux emplois publics et agents doivent aussi faire preuve de prudence et mesurer leur responsabilité. Sauf usurpation d’identité ou intention de nuire d’un tiers, les candidats sont en effet responsables de ce qu’ils publient sur Internet.

Ce paradoxe trouve sa source essentiellement (pas seulement) dans le comportement même des personnes (agents, candi-dats) en faveur de qui les règles protectrices de la vie privée ci-dessus rappelées sont instituées.La tentation est donc grande pour un recruteur de consulter le pro! l Facebook d’un candidat et de le – pardonnez l’utilisation de ce néologisme – « googler » ou « googliser », c’est-à-dire tout simplement de taper le nom dans le moteur de recherche Google, pour connaître ses habitudes, ses loisirs, ses convic-tions, son orientation sexuelle, ou ses amis. Autant de données qui n’ont rien à voir avec les compétences attendues pour le poste. Si le fait d’avoir accès à ces informations ne signi! e pas que l’on va nécessairement en tenir compte, le risque de discrimination à l’embauche existe bien (4).La pratique consistant à véri! er la « e-réputation » d’une personne sur internet, à la « googliser » n’est pas en soi in-terdite et apparaît à bien des égards logique. Il s’agit même d’un ré+ exe prudentiel compréhensible. Si, sur le plan du droit, cette pratique n’est pas interdite en elle-même, elle peut donner accès à des informations sensibles (convictions poli-tiques ou religieuses des candidats notamment) sur la base desquelles des discriminations pourraient être effectuées. L’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations précise que « constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais sus-ceptible d’entraîner, (…) un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justi% é par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés ». « Googler » une personne ou rechercher sa e-réputation peut donc potentiel-lement constituer une discrimination.La jurisprudence ne s’est pas encore prononcée sur la question de l’utilisation des réseaux sociaux par les collectivités ou les entreprises, notamment dans le recrutement. Il n’existe pas à notre connaissance de contentieux pendant sur ce point devant les tribunaux administratifs.Le risque juridique pour les collectivités apparaît d’ailleurs très faible, car la discrimination via l’accès aux informations disponibles sur internet est particulièrement dif! cile à prou-ver. La personne qui s’estime victime de tels agissements ne pourra en effet que dif! cilement établir qu’il y a eu recherche et prise en compte d’informations disponibles sur le web et, au ! nal, discrimination. Sa démarche sera très délicate même si, il convient de le relever, elle béné! cie – comme toute per-sonne qui s’estime victime de discrimination – d’un régime particulier d’administration de la preuve (5).La charge de la preuve n’est pas frontalement inversée mais une forme de présomption est reconnue. En effet, toute per-sonne qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d’en présumer l’existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justi! ée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Ce régime particulier de preuve impose donc au plaignant d’apporter des éléments permettant de présumer l’existence d’une discrimination, c’est ensuite à l’administration de prouver que des éléments objectifs existent en défaveur de la thèse du requérant (6).Malgré cet aménagement de la charge de la preuve les chances de succès de telles actions apparaissent assez faibles. Ce constat peut inciter les collectivités à ne pas modi! er les pratiques. Il convient néanmoins à notre sens de prendre en

(4) La tentation de « googliser » un usager peut également exister, entraînant là aussi un risque de discrimination ou au moins une suspicion de discrimination.(5) L. n° 2008-496, 27 mai 2008, art. 4, portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.(6) En ce sens : Cons. const, 12 janv. 2002, n° 2001-455 DC.(7) Il ne s’agit pas ici des chartes internes tendant à encadrer l’utilisation par les agents des outils informatiques à des fi ns privatives (Cf. l’intervention de Samuel Dyens).(8) On retrouve la même problématique en matière de sanction disciplinaire. La preuve étant libre devant le juge administratif, l’administration peut néanmoins dans certains cas utilement produire des pages internet pour démontrer l’existence d’une faute disciplinaire. Ainsi, un cumul d’activité illégal peut être établi notamment de cette manière (TA Nantes, 12 janv. 2011, n° 0706920, M. F. : affaire dans laquelle un agent exerçait illégalement une activité professionnelle de location de salles de réception. Le tribunal relève notamment que l’intéressé a créé un site internet dédié à la location de salles, a référencé ces locaux sur un autre site internet et a mentionné sur les deux sites ses coordonnées personnelles au titre des contacts pour la location des salles).

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être fourni par une personne morale, notamment de droit public, à un candidat en campagne électorale. Cela implique notamment que les personnels de la collectivité ne soient pas mis à contribution de la campagne pendant leur temps de travail. Dans plusieurs contentieux électoraux, le juge administratif a été amené à contrôler si l’envoi d’un courriel à des administrés par un agent pendant son temps de travail pouvait ou non être regardé comme une aide prohibée. La réponse a toujours été négative à ce jour. Pour rejeter ce type de moyen, le juge s’est appuyé pour l’instant le plus souvent sur la teneur du courriel le quali! ant de succinct, purement informatif et non politique (14). Le même moyen pourrait être relevé s’agissant d’agents participant activement à des blogs dans un but politique.Il convient de préciser qu’un traitement particulier doit être réservé pour les messages envoyés par les représentants syn-dicaux. La jurisprudence n’est pas complètement stabilisée (15) mais le droit syndical étant garanti aux fonctionnaires, l’envoi de messages à caractère syndical ne saurait être totalement interdit. Le tribunal administratif de Besançon a par exemple jugé que l’autorité territoriale ne peut interdire la diffusion

II – LE PRINCIPE DE NEUTRALITÉ DES AGENTS PUBLICS CONFRONTÉ À L’UTILISATION DES TIC ET DES RÉSEAUX SOCIAUX

À l’origine dégagé par le juge administratif, le principe de neutralité des agents publics a pour objectif de garantir ainsi la neutralité du service public et l’impartialité de traitement des usagers par les agents publics. C’est une facette du principe d’égalité devant le service public.La violation du principe de neutralité peut être soit directe, soit liée au manquement à l’obligation de réserve.

A.– TIC, réseaux sociaux et violation directe du principe de neutralité des agents publics

La neutralité signi! e que l’agent ne doit pas se servir du service comme d’un moyen de propagande ou de prosélytisme pour ses idées politiques, philosophiques ou religieuses (9). Le non-respect de ce principe constitue en soi une faute disciplinaire (CE, 3 mai 1950, Jamet, Rec. CE 1950, p. 247).La première affaire dont a eu à connaître le Conseil d’État au sujet de l’utilisation d’internet et des nouvelles technologies par les agents publics touche précisément au non-respect du principe de neutralité des agents publics. Dans un arrêt du 15 octobre 2003 (10) le Conseil d’État a validé la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois prononcée contre un agent qui avait notamment men-tionné sa qualité d’agent public et son adresse électronique professionnelle sur le site internet d’une association à vocation religieuse pour que l’on puisse le contacter. Il avait également relié, par une série de liens successifs, l’association religieuse au serveur de la personne publique.Il convient de relever que le Conseil d’État n’interdit pas aux agents d’utiliser leur courriel professionnel à des ! ns personnelles. Cette utilisation est possible dès lors qu’elle est raisonnable (11) et ne porte pas atteinte aux valeurs du service public (neutralité notamment). Par ailleurs, le Conseil d’État ne se place pas sur le terrain du contenu des messages échan-gés entre l’agent et des correspondants. Quand bien même il n’y aurait pas eu d’échange de correspondance, l’atteinte au principe de laïcité et de neutralité est constituée en raison de la confusion qui pourrait naître par ce rapprochement dans l’esprit du public.Une autre affaire plus récente con! rme que le fait pour un agent, responsable du site internet d’une administration, de créer un lien direct entre le site de l’administration et un site anarchiste à des ! ns d’activisme politique porte atteinte au principe de neutralité et à l’image de la personne publique. La sanction disciplinaire est néanmoins annulée en l’espèce pour non-respect des droits de la défense et de la procédure disciplinaire (CE, 7 sept. 2007, n° 298664, M. C.).Ainsi, le principe de neutralité impose aux agents publics de ne pas mentionner leur appartenance à la fonction publique sur des sites internet à vocation politique, religieuse ou phi-losophique, et/ou d’établir des liens entre de tels sites et celui de leur administration (12).À côté du détournement des moyens électroniques au pro! t d’une entité politique ou religieuse, l’employeur public peut aussi être amené à sanctionner le fait pour un agent d’envoyer de sa messagerie professionnelle des messages portant atteinte à la neutralité (courriels non matérialisés comme des courriels personnels) (13). En effet, un agent utilisant son courriel profes-sionnel dans le cadre d’un démarchage politique ou religieux viole directement le principe de neutralité.De tels comportements soulèvent d’autres dif! cultés en pé-riode électorale. En effet, conformément à l’article L. 52-8 du Code électoral, aucun avantage direct ou indirect, ne peut

(9) Pour une illustration récente, s’agissant d’un agent distribuant des tracts au guichet de son administration : CE, 19 févr. 2009, n° 311633, M. B.(10) CE, 15 oct. 2003, n° 244428, M. O., AJFP janv. 2004, p. 31, comm. Guillaumont O. ; AJDA 2003, p. 1959 ; D. 2003, inf. rap. p. 2279 ; Cah. fonct. publ. mars 2004, n° 232, p. 30, comm. Guyomar M. ; JCP A 2003, 1479, comm. Jean-Pierre D. : l’agent public qui manque à son obligation de neutralité par l’utilisation d’Internet s’expose à une sanction disciplinaire ; LPA 25 juin 2004, p. 14, Tabaka B. ; Gaz. Pal. 22 avr. 2004, p. 31, note Pottier I. ; JCP G 2004, IV, 1429, obs. Rouault M.-C. – Berthoud J., La neutralité religieuse du fonctionnaire : JCP A 2005, 1142.(11) Dyens S., L’utilisation privative des moyens électroniques, Gaz. cnes., 9 mai 2011, p. 62 et s. ; Guillaumont O., E-mail et internet au bureau : les bonnes pratiques, Cahiers juridiques juin-juillet 2010.(12) Dyens S., E-déontologie du fonctionnaire – Entre tradition juridique et modernité des questionnements, Gaz. cnes., 16 mai 2011.(13) Comme dans l’hypothèse de l’envoi depuis la messagerie professionnelle de messages à caractère raciste et xénophobe (CAA Paris, 7 nov. 2007, n° 05PA04951, M. X. ; à noter la totale cohérence avec le juge judiciaire sur ces questions : Cass. soc., 2 juin 2004, n° 03-45.269).(14) CE, 15 juin 2009, n° 321873, élections des conseillers municipaux de Vienne (Isère) : « Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que la réponse adressée par le directeur de cabinet du maire sortant, depuis sa messagerie électronique professionnelle, à un électeur qui s’interrogeait, sur un site internet conjointement dédié aux listes conduites par M. R., M. L. et Mme C., sur les conditions de travail de la police municipale, ne peut, eu égard à son contenu, être regardée comme une action de soutien à la liste conduite par M. R. ». L’arrêt confi rme le jugement du tribunal administratif qui avait indiqué : « Considérant, en premier lieu, que s’il résulte de l’instruction que M. C., directeur de cabinet du maire, a répondu à une question posée sur le site de campagne de ce dernier au moyen de sa messagerie professionnelle, le caractère succinct et purement informatif de ladite réponse ne permet pas d’établir que M. C. aurait apporté à la campagne de M. R. un soutien sur son temps de travail » (TA Grenoble, 23 sept. 2008, n° 0801321, élections des conseillers municipaux de Vienne).(15) L’utilisation de la messagerie électronique au sein des entreprises par les organisations syndicales est précisée par le Code du travail. En effet, l’article L. 2142-6 dispose que la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l’intranet de l’entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l’entreprise, peut être autorisée par un accord d’entreprise. Dans ce dernier cas, cette diffusion doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l’entreprise et ne doit pas entraver l’accomplissement du travail. Par ailleurs, l’accord d’entreprise défi nit les modalités de cette mise à disposition ou de ce mode de diffusion, en précisant notamment les conditions d’accès des organisations syndicales et les règles techniques visant à préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message (pour une application de cette disposition : Cass. soc., 22 janv. 2008, n° 06-40.514). En revanche, aucune disposition législative ou réglementaire n’existe à l’heure actuelle au sein des différentes fonctions publiques. Pour la Fonction publique d’État, des circulaires fi xent dans certaines administrations l’exercice des droits syndicaux et précisent les règles d’utilisation de la messagerie électronique par les syndicats. Par exemple, une circulaire du 19 mai 2006 relative aux conditions d’exercice des droits syndicaux, élaborée par le ministère de la Santé (Circ. DAGPB/MDS n° 2006-220, 19 mai 2006, relative aux conditions d’exercice des droits syndicaux : BO min. Santé n° 2006-6). De manière générale, les administrations sont incitées à favoriser l’utilisation d’internet et de la messagerie électronique par les organisations syndicales. Dans cette perspective, le ministre de la Fonction publique, M. Sapin proposait dans un discours prononcé le 19 juin 2001 d’« adopter le projet de recommandations interministérielles sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication par les organisations syndicales ». Ainsi, les organisations syndicales bénéfi cient généralement d’une messagerie électronique fournie par l’Administration leur permettant de communiquer avec leurs adhérents et sympathisants. Des messages syndicaux peuvent ainsi être envoyés à partir de la messagerie attribuée au syndicat, et à partir de la messagerie professionnelle attribuée à un représentant syndical à titre personnel.

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E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES ET E-RÉPUTATION DES ÉLUS : LES ATTEINTES À L’HONNEUR ET AU DEVOIR DE RÉSERVE

À L’HEURE DE FACEBOOK ET DES RÉSEAUX SOCIAUX

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tenus sur un blog (18). Pour apprécier s’il y a atteinte au principe de neutralité et à l’obligation de réserve, le juge tient compte du contenu des propos et des conditions dans lesquelles des usagers pourraient faire le lien avec le service.Ainsi, ne manque pas à l’obligation de réserve, ni à l’obli-gation de neutralité et de loyalisme auxquelles est tenu tout agent collaborant à un service public, l’agent qui exprime des « critiques d’ordre général » publiées en dehors de son service, sous un pseudonyme sur le site de l’association ATTAC. Un tel agissement ne constitue pas selon le juge un acte de dé! ance vis-à-vis de la commune qui l’employait, mais se rattache à la liberté d’opinion garantie aux fonctionnaires par l’article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires modi! ée. En outre, le juge souligne qu’« en manifestant son opinion sur des questions à caractère histo-rique ou politique », l’intéressé n’a pas « transgressé les limites compatibles avec sa qualité d’agent public alors qu’aucune

sur son réseau de messages à caractère syndical (TA Besançon, 19 déc. 2006, n° 0400718, M., AJFP 2007, n° 2, p. 96, note Tissot-Grossrieder S.). En revanche, le fonctionnaire, représentant syndical qui utilise la messagerie professionnelle pour des revendications non syndicales, mais politiques, commet une faute disciplinaire (16).

B.– TIC, réseaux sociaux et violation indirecte (via le devoir de réserve) du principe de neutralité des agents publics

L’étude de la jurisprudence montre que la violation du principe de neutralité se double fréquemment d’une violation de l’obli-gation de réserve qui s’impose également aux agents publics. Le devoir de réserve impose aux fonctionnaires de s’exprimer, même en dehors de leur service, avec une certaine retenue. Même si les deux notions existent indépendamment l’une de l’autre, les manquements à l’obligation de réserve sont en général constatés sur les sujets politiques ou religieux de sorte que le juge fait fréquemment en quelque sorte masse de ces deux obligations (devoir de réserve et obligation de neutralité).

1) Conciliation avec la liberté d’opinion et la liberté d’expression

Si l’obligation de réserve et de neutralité s’impose aux agents publics, elle doit également être conciliée avec la liberté d’opi-nion et la liberté d’expression que la loi du 13 juillet 1983 modi! ée garantit aux fonctionnaires (L. n° 83-634, 13 juill. 1983, art. 6). Tout fonctionnaire a en effet droit non seulement à une totale liberté d’opinion en matière politique, philosophique ou religieuse mais aussi, dans une certaine mesure, à la liberté d’expression. Les atteintes à sa liberté d’expression ne doivent donc pas être excessives.L’administration doit donc, sous le contrôle du juge, apprécier s’il y a eu violation de ces obligations déontologiques au regard de la nature des fonctions ainsi que des circonstances et du contexte dans lesquels l’agent s’est exprimé, notamment de la publicité des propos (Rép. min. à QE n° 107547, JOAN Q. 30 janv. 2007, p. 1101).Comment apprécier ce dernier critère de la publicité des pro-pos quand ceux-ci sont reproduits sur le web ? On touche là à une des spéci! cités d’internet. La plupart des pages des sites web sont directement accessibles depuis le monde entier, via un moteur de recherche ou pour ceux qui en connaissent les coordonnées. Mais il faut que l’internaute fasse une démarche positive pour aller consulter la page. Certains ont cru pouvoir en tirer la conséquence que les blogs, ou même les pages Facebook, relèveraient de la sphère privée non concernée par les obligations déontologiques. Il n’en est rien. Dès lors que les photographies, propos ou tribunes, sont accessibles, peu importe que l’accès implique une démarche volontaire ou non de l’internaute comme le démontre l’affaire précédem-ment commentée (CE, 15 oct. 2003, n° 244428, O.) dans laquelle était en cause le simple fait que le service public ait pu être discrédité tant par l’apposition de la mention de la qualité de l’agent sur le site internet du mouvement sectaire que par les liens entre ce site internet et le site of! ciel de l’Ensam (17). Dans le cas particulier des blogs, « la publicité des propos ne fait aucun doute. Tout dépend alors du contenu du blog. Dans ses écrits, le fonctionnaire auteur doit observer, en effet, un comportement empreint de dignité, ce qui, a priori, n’est pas incompatible avec le respect de sa liberté d’expression » (Rép. min. à QE n° 1709, JO Sénat Q. 17 avr. 2008, p. 776 – v. également : Rép. min. à QE n° 107547, JOAN Q. 30 janv. 2007, p. 1101).Le non-respect de l’obligation de réserve peut donc être sanc-tionné au plan disciplinaire y compris lorsque les propos sont

(16) CAA Nancy, 2 août 2007, Cne Lons-le-Saunier. En l’occurrence, il ressortait des termes mêmes du message litigieux et du tract qui y était joint, que l’intéressé s’en est pris, en termes virulents et polémiques, à la politique conduite au niveau national dans les domaines éducatifs et sociaux et qu’il n’existait dans ce document, aucune revendication à proprement parler syndicale. Une telle faute justifi e qu’un blâme soit infl igé à l’agent concerné.(17) Le même raisonnement vaut pour toutes les violations d’obligations déontologiques sur internet. Ainsi, plus récemment, il a été jugé qu’en se livrant aux activités de prostitution et de pose pour des photographies à caractère pornographique, un professeur de lycée professionnel a eu un comportement contraire à celui qu’on peut attendre d’un agent public. En acceptant que ses photographies soient diffusées dans des revues et sur internet, l’intéressée s’exposait au risque que ses activités soient connues. Dès lors, ses activités sont constitutives d’une faute disciplinaire, même si elles sont restées ignorées de tous (CAA Versailles, 8 mars 2006, n° 04VE00424, AJFP nov. 2006, p. 318, comm. Fontier R.).(18) Dans un jugement du 17 mars 2006, le Tribunal de grande instance de Paris a jugé que, contrairement à un « forum de discussion au sein duquel une inscription préalable serait exigée sur la base d’un critère susceptible de caractériser une communauté », un blog est « accessible à tous les internautes désireux de le visiter ou au hasard d’une recherche, quel que fût le centre d’intérêt qui les y conduisait » (TGI Paris, 17e ch., 17 mars 2006, n° 0420209310). Cette analyse a d’ailleurs été reprise par une réponse ministérielle qui a relevé que « dans le cas particulier du web log ou blog (…), la publicité des propos ne fait aucun doute » (Rép. min. à QE n° 1709, JO Sénat Q. 17 avr. 2008, p. 776, précitée). Pour des illustrations récentes s’agissant de la violation du devoir de réserve : TA Melun, 2 nov. 2010, n° 0605739/5, M. Fabrice G. (« Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que par lettres des 12 et 21 mai 2005, affi chées en salle de professeurs et remises à la principale du collège, M. G. a remis en cause l’autorité de sa hiérarchie, a proféré des menaces à l’encontre de son chef d’établissement et a, dans son blog personnel, tenu à plusieurs reprises, au cours de l’année 2005, des propos excédant les limites pouvant être tolérées à l’encontre de son administration et de sa hiérarchie ; que dans ces conditions et alors même qu’on ne lui aurait pas demandé de cesser de tenir ce type de propos sur son blog, l’intéressé ne peut sérieusement soutenir que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ; que ces faits constituent un grave manquement à l’obligation de réserve à laquelle il était tenu et sont de nature à justifi er une sanction disciplinaire ; qu’en prononçant à son encontre la mesure de déplacement d’offi ce, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation ») ; TA Paris, ord., 24 juin 2011, n° 1107723/9/1, M. D. (« Considérant, sur la légalité interne de l’arrêté critiqué, lequel est conforme à l’avis du conseil de discipline du corps d’encadrement et d’application de la formation des services de la police nationale émis à l’unanimité de ses membres lors de sa séance du 18 janvier 2011, que la sanction disciplinaire de la révocation a été infl igée au requérant pour les motifs suivants : « le gardien de la paix D. a créé un compte sur le site internet Facebook, où il a exprimé, affi chant sa qualité de policier et en leur donnant un caractère public, et manquant ainsi à l’obligation de réserve, des commentaires diffamatoires, grossiers et injurieux à l’égard de la hiérarchie policière, de l’institution policière et des institutions de l’État ; (…) ainsi notamment M. D. critique ouvertement la politique de lutte contre les stupéfi ants (…), fait des commentaires déplacés et insultants visant manifestement la plus haute autorité de l’État (…) » ; qu’il lui est reproché par ailleurs de ne pas justifi er d’une demande de congés approuvée pour les vacances qu’il a prises du 2 août au 2 septembre 2010, alors qu’il devait assurer une permanence du 30 août au 6 septembre 2010, enfi n, d’avoir réagi à la visite de sa hiérarchie à son domicile en vue de contrôler la régularité de son congé de maladie à partir du 26 août 2010, par l’envoi à ses supérieurs hiérarchiques directs de deux SMS insultants et menaçants ; qu’en l’état de l’instruction, ne sont pas propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée, ni les moyens tirés des erreurs de fait et de qualifi cation juridique que l’administration aurait commises, en ce qui concerne, d’une part, la régularité des vacances qu’il a prises en août 2010 et de son congé de maladie à partir de la fi n du même mois, d’autre part, l’accès au public de son compte Facebook, enfi n, la gravité des fautes retenues à son encontre, ni les moyens tirés d’une erreur manifeste d’appréciation entachant le choix de la sanction disciplinaire, qu’il estime « d’une sévérité excessive » dans les circonstances de l’espèce, et de l’acharnement dont il aurait été victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques directs ; que dès lors, les conclusions à fi n de suspension, ainsi que par voie de conséquence, celles à fi n d’injonction et celles tendant à l’application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative, présentées par M. D. doivent être rejetées, sans qu’il soit besoin d’examiner l’urgence de l’affaire »).

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manqué dans l’exercice de ses fonctions au devoir de neutralité qui s’impose à tout agent public, ou se serait engagé dans une démarche prosélyte ». Faute d’éléments tangibles – permettant notamment d’établir la réalité des manquements au principe de neutralité – et notamment en l’absence de démarche pro-sélyte (à la différence de l’affaire jugée par le Conseil d’État en 2003), la présomption d’innocence doit donc prévaloir.

faute ne lui est reprochée en ce qui concerne sa manière de service dans l’exercice de ses fonctions » (TA Dijon, ord., 17 nov. 2003, n° 031941 (19)).L’étude de la jurisprudence tend à démontrer que les cas sanctionnés sont ceux consistant en une extériorisation des opinions politiques ou religieuses qui porte atteinte à l’image de l’administration, qui discrédite le service public (20). Le juge est en revanche plus sévère dès lors que l’agent occupe une place élevée dans l’administration. Par exemple, dans le cas d’un sous-préfet, le Conseil d’État a jugé qu’il doit faire preuve, en toutes circonstances, d’une parfaite neutralité et ne saurait en conséquence critiquer publiquement et violemment la politique suivie par un autre État (21).

2) Principe de neutralité et « réputation numérique »

Il convient de ne pas confondre la participation active à un blog et à un réseau social et la réputation numérique. Les juridictions ne sanctionnent pas la e-réputation ou réputa-tion numérique d’un agent, c’est-à-dire la réputation qui se dégage de l’ensemble du réseau internet. Cette réputation numérique peut être positive, elle peut aussi être négative et c’est bien le problème. Une rumeur ou un passé peu glorieux peut aujourd’hui se diffuser à une vitesse vertigineuses avec les blogs, les forums de discussion, les réseaux sociaux, les twits, etc. Par ailleurs, des informations, véri! ées ou non, diffusées sur internet resteront accessibles plusieurs années après. L’ancien président de la CNIL, Alex Türk, a plusieurs fois mis en lumière, notamment dans son dernier livre, cette problématique du droit à l’oubli numérique. Ce droit n’existe pas en pratique aujourd’hui et il appartient aux collectivités, sous le contrôle du juge, de ne pas confondre au regard de la problématique du respect du principe de neutralité des agents publics sur les réseaux sociaux ou plus généralement sur internet, ce qui relève d’un comportement fautif imputable à l’agent et ce qui relève d’une réputation numérique sur laquelle l’agent n’a pas beaucoup de prise.Un jugement du Tribunal administratif de Marseille du 17 mai 2008 illustre cette problématique (TA Marseille, 7 mai 2008, n° 0800852, M. R.). Dans cette affaire, une commune du sud de la France avait révoqué un agent et refusé de le réinté-grer en raison de son « appartenance notoire à la mouvance skinhead, les torts causés à l’intérêt général par son passé, et l’inadéquation totale des convictions idéologiques extrêmes de l’intéressé avec les valeurs républicaines ». Au soutien de ces af! rmations, la commune faisait valoir que l’intéressé avait été recruté par une municipalité d’extrême droite, et produisait des copies de pages émanant de trois sites internet trouvées sur le web, qui faisaient état notamment de l’appartenance passée de l’intéressé au mouvement néonazi. Le Tribunal va annuler la sanction après avoir jugé en l’espèce « que la seule circonstance que ces informations soient diffusées sur le web ne saurait permettre de considérer leur contenu comme établi ; que la commune ne produit aucun élément permettant de déter-miner le degré de % abilité des pages ainsi publiées, lesquelles, si elles font état d’activités passées, ne permettent pas de dater avec précision les agissements imputés à M. R. » et « qu’il n’est notamment ni démontré, ni même allégué, que M. R. aurait

(19) Dans cette affaire, le Tribunal administratif a jugé : « en l’état de l’instruction, le moyen invoqué par la commune, tiré d’un manquement grave au devoir de réserve, manque en droit comme en fait dès lors que les prises de position reprochées à M. L. ne caractérisent ni des manquements à l’obligation de réserve, ni des manquements à l’obligation de neutralité et de loyalisme auxquelles est tenu tout agent collaborant à un service public ; que cette circonstance est par suite de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; que les faits reprochés se rattachent à la liberté d’opinion garantie par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dont l’article 6 prévoit qu’aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses ; que les critiques d’ordre très général exprimées par M. L. dans les articles incriminés, publiés hors de son service sur le site internet de l’association ATTAC, sous un pseudonyme, ne constituent pas des actes de défi ance envers la commune d’Auxerre ; qu’il n’est pas établi en l’état de l’instruction qu’en manifestant son opinion sur des questions à caractère historique ou politique le requérant a transgressé les limites compatibles avec sa qualité d’agent public alors qu’aucune faute ne lui est reprochée en ce qui concerne sa manière de servir dans l’exercice de ses fonctions ; qu’il y a lieu d’ordonner en conséquence la suspension de l’exécution de l’arrêté du 20 octobre 2003 par lequel le maire de la commune d’Auxerre a suspendu M. L. de ses fonctions de responsable du service Quartier au sein de la direction culture, quartier, jeunesse et citoyenneté ». La confi rmation de la sanction aurait sans doute été contestable au regard de l’article 10 de la CEDH. Si le moyen est assez peu évoqué au contentieux, les agents publics bénéfi cient de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui garantit le droit à la liberté d’expression, qui comprend celui « de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques ». Les restrictions à ces libertés sont admises si elles constituent des « mesures nécessaires ». La Cour européenne, pour déterminer si l’article 10 a été méconnu, examine si l’ingérence d’une autorité publique dans la liberté d’expression est prévue par la loi, si elle poursuit un but légitime (garantir la neutralité du service public, éviter la suspicion des usagers), et si elle est nécessaire dans une société démocratique (est-elle proportionnée ?).(20) TA Lille, 8 avr. 2009, nos 0705010 et 0708279, M. D. : « Considérant que si les décisions attaquées ne mentionnent pas la nature des faits ayant justifi é la suspension de fonctions de M. D., il ressort des pièces du dossier, et notamment de la lettre en date du 3 juillet 2007 lui notifi ant son licenciement que cette mesure a été prise en raison de la création par M. D. d’un « blog » sur internet où il apparaît dans sa tenue de policier et exprime, sans ambiguïté, ses conceptions fascistes en des termes de nature à inciter à la violence et à la haine raciale et comportant l’apologie de crimes contre l’Humanité ; que de tels faits présentaient un caractère suffi sant de vraisemblance et de gravité, et constituent des manquements graves notamment aux obligations déontologiques des adjoints de sécurité fi xées par les dispositions susrappelées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les mesures attaquées ne seraient pas intervenues à la suite d’une faute d’une gravité suffi sante doit être écarté ; (…) Considérant que la mesure de licenciement attaquée a été prise à raison des faits susmentionnés ayant au préalable entraîné la suspension de fonctions de M. D. ; que si M. D. soutient que le « blog » qu’il tenait sur internet et dont le contenu lui est reproché n’était destiné qu’aux proches et n’a pas eu de retentissement, il ressort des pièces du dossier et notamment de l’enquête de police que ce « blog » était accessible au public ; qu’en y diffusant des photographies et une iconographie assorties, dans certains cas, de commentaires dénués de toute ambiguïté, où il associe ses fonctions au sein de la police nationale à ses opinions racistes et à ses sympathies pour des mouvements de caractère fasciste et pour l’idéologie nazie, M. D. a manqué aux obligations déontologiques qui découlent notamment des articles 7 et 8 précitées de l’arrêté du 24 août 2000 fi xant les droits et obligations des adjoints de sécurité et a porté une atteinte grave à l’image de la police nationale ainsi qu’à ses fonctions ; que ces manquements sont incompatibles avec son maintien comme adjoint de sécurité au sein de la police nationale ; que, par suite, la sanction disciplinaire du licenciement qui a été prise à son encontre n’est pas manifestement disproportionnée ».(21) CE, 23 avr. 2009, n° 316862, M. G. : « Considérant que, par un décret en date du 2 avril 2008, le Président de la République a mis fi n aux fonctions de sous – préfet de Saintes exercées par M. G., administrateur civil détaché en qualité de sous-préfet ; qu’il ressort des pièces du dossier que ce décret a été pris à la suite de la publication, le 13 mars 2008, sur un site internet, d’un article portant la signature de M. G. intitulé « Quand le lobby pro-israélien se déchaîne contre l’ONU » ; que M. G. demande l’annulation de ce décret (…). Considérant qu’eu égard aux responsabilités qui sont celles d’un sous-préfet d’arrondissement, en publiant sous sa signature un article dans lequel il s’exprimait de manière vivement polémique à l’égard tant de différentes personnalités françaises que d’un État étranger et alors même qu’il traitait de questions sans rapport avec l’exercice quotidien de son activité de sous-préfet, M. G. s’est placé dans une situation incompatible avec l’exercice de ses fonctions ; que, par suite, l’administration était fondée, dans l’intérêt du service, à estimer qu’il n’était plus en mesure de les assumer ».

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E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES ET E-RÉPUTATION DES ÉLUS : LES ATTEINTES À L’HONNEUR ET AU DEVOIR DE RÉSERVE

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éventuelles preuves qui pourraient être produites sur la base d’un système de contrôle dont les agents n’auraient pas été préalablement informés. En revanche, si ces formalités sont remplies, et qu’une transgression de ses règles par l’agent est constatée, il sera légalement sanctionnable (pour une illustration récente : Cass. soc., 5 juill. 2011, n° 10-14.685).Il faut, en second lieu, privilégier sinon une co-élaboration, à tout le moins une forte association des agents (par des groupes de travail) et des organisations syndicales dans le processus d’élaboration de l’outil. Au-delà d’un « examen de passage » facilité en CTP, l’intérêt est surtout de pouvoir très en amont énoncer et expliquer les motivations réelles de la collectivité à se doter d’une charte règlementant l’utilisation des outils informatiques professionnels. En même temps que d’enrichir son contenu par les observations, remarques et interrogations de ceux qui auront, en l’appliquant, à la faire vivre.Plus fondamentalement encore, en troisième lieu, il faut im-pérativement que l’autorité territoriale s’en tienne au strict respect des principes et règles applicables en la matière. Pure évidence ? La tentation peut être plus ou moins grande, sous couvert d’une réglementation de l’utilisation des moyens in-formatiques, de renforcer voire de rajouter des obligations que ni les textes, ni la jurisprudence n’imposent. C’est ce que, a contrario, il est possible de déduire d’un récent arrêt du Conseil d’État qui – à propos d’une charte professionnelle – indique que les agents et les syndicats ont qualité pour agir contre ce document dans l’hypothèse « où ces dispositions porteraient atteinte à leurs droits et prérogatives, ou affecteraient leurs conditions d’emploi et de travail » (CE, 27 avr. 2011, n° 312368, Synd. nat CGT des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).En! n, en quatrième lieu, la charte doit précisément organiser les moyens dont dispose l’autorité territoriale pour contrôler et véri! er le respect de ses prescriptions. Ainsi, par exemple, l’accès de l’employeur aux courriels de son agent est subor-donné à l’absence de caractère personnel de ces messages (dimension personnelle pouvant se révéler par l’objet du courriel, par la création d’un répertoire spécialement dédié et clairement identi! able, etc.). La limite à cette précaution résidant dans le fait que la catégorisation « personnel » ne constitue pas un détournement par l’agent de l’obligation de modération, dans le nombre et dans le contenu, que ces courriels doivent respecter.Dans le même esprit, si l’agent a la possibilité de conserver sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition pour son activité professionnelle certains ! chiers ou dossiers per-sonnels, c’est à la condition de les stocker dans un répertoire clairement identi! able « personnel », a! n de les préserver d’une immixtion illégitime de son administration (Cass. soc., 8 déc. 2009, n° 08-44.840, M.X. c./ FNGDSB). Et malgré ce, « si l’employeur peut toujours consulter les % chiers qui n’ont pas été identi% és comme personnels par le salarié, il ne peut les utiliser pour le sanctionner qu’ils s’avèrent relever de sa vie privée » (Cass.soc., 5 juill. 2011, n° 10-17.284, Sté GAN Assurances IARD). La chambre sociale de la Cour de Cassation a rappelé avec force à cette occasion que « le salarié a droit, même au

Dans le prolongement de la ré+ exion relative à l’e-déontologie, la question de la mise en place, de l’utilité et des ! nalités de documents internes à l’Administration, visant à réguler l’uti-lisation privative des moyens informatiques professionnels, doit être abordée.Ce qui sera quali! é de « charte » – mais que l’on retrouve également sous l’appellation « code » ou « guide » – connaît un certain succès aujourd’hui dans les structures territoriales. S’inspirant des expériences du secteur privé visant à se pré-munir contre les « risques éthiques » (p. ex. : Comment prévenir les risques éthiques en entreprise ? Entreprise Éthique, n° 24, avr. 2006, p. 23), les administrations exploitent ces outils pour, légitimement et légalement, mettre en place par exemple des outils de contrôle de la messagerie, fondés sur des exigences de sécurité, de prévention ou de contrôle de l’encombrement du réseau.Il s’agira successivement de s’interroger sur ce que sont, fondamentalement, ces chartes (I), les ! nalités qui peuvent être poursuivies (II), ainsi que les principaux aspects qu’elles peuvent régir (III).

I – QU’EST-CE QU’UNE CHARTE INTERNE ?Document interne à l’administration considérée, la charte doit toutefois être appréhendée avec précaution et attention. Le principal aspect à envisager, si l’on souhaite se doter d’un tel outil, est celui de sa portée, et notamment juridique. L’autorité territoriale doit choisir entre deux types de document.Soit la charte n’a qu’une visée très globale. Elle se résume alors à rappeler des règles très générales (p. ex. : Les moyens informatiques doivent être utilisés dans l’intérêt du service), ou prescrire des comportements qui relèvent de l’évidence (p. ex. : L’utilisation des moyens informatiques doit être res-pectueuse des droits des administrés). Dans cette occurrence, elle ne saurait avoir une portée juridique claire, sa généralité rendant hasardeuse et délicate son opposabilité. Généralité qui peut d’ailleurs conduire l’autorité territoriale à simplement « octroyer » cette charte à son personnel, sans nécessaire concertation préalable, ni consultation des instances paritaires. En tout cas d’un strict point de vue juridique…Soit la charte a une visée réglementaire. Autrement dit, la volonté est d’en faire un réel outil contraignant, s’imposant aux agents qui devront le respecter comme élément de leur pratique professionnelle. Et c’est là, pour tout dire, que réside son utilité. De sérieuses recommandations doivent alors être suivies.Il faut, en premier lieu, consulter le comité technique paritaire (CTP) au titre de sa compétence consultative sur les conditions d’organisation et de fonctionnement des services. Mais égale-ment informer personnellement chaque agent de la structure soumis à la charte. Ainsi, tout en tolérant ou en acceptant une utilisation privative mesurée, l’employeur peut ! xer les conditions et les limites de l’utilisation privative d’internet, de la messagerie numérique ou de tout autre outil électronique par ses collaborateurs. Mais ce contrôle doit nécessairement faire l’objet d’une information des agents, aussi bien individuelle-ment que collectivement. Sous peine de rendre inutilisables les

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Les chartes internes : un outil ef" cace de modération ?

Par Samuel DYENSDirecteur Général Adjoint

des Services du Conseil Général du Gard

Chargé d’enseignement à l’Université de NîmesAssociation des Juristes

des Collectivités Territoriales (AJCT)

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naires. L’e-déontologie, tant matérielle que substantielle, n’est qu’une branche, qu’une variation des règles déontologiques générales. Elle est une adaptation des règles classiques à un contexte technologique et social nouveau. Dans ce cadre, alors que les conséquences néfastes de la réforme de la formation initiale des fonctionnaires sur leur « culture territoriale et pro-fessionnelle » se véri! ent régulièrement, un travail collégial sur le point particulier de l’e-déontologie peut être l’occasion – le prétexte ? – de revenir sur ce qui est au cœur de l’engagement dans la sphère publique, l’« esprit du service public » (Supiot A., La crise de l’esprit du service public, Droit Social 1989, n° 12, p. 883).En! n, la charte interne peut s’inscrire comme l’un des vecteurs du management des risques (ou « risk management ») sur lequel toute structure administrative doit aujourd’hui s’inter-roger. Il faut que les décideurs publics en prennent pleinement conscience : la fonction juridique, dans une collectivité terri-toriale, n’est pas qu’un centre de coûts. Si on sait la manager, d’une simple fonction prestataire de services (conseils, gestion du contentieux, etc.), elle peut devenir l’une des composantes du management stratégique de la structure. Autrement dit, elle peut aussi être dé! nie comme un ensemble de méthodes d’analyse et de gestion des risques, au service des intérêts de la collectivité territoriale, qu’il s’agisse d’intérêts ! nanciers, économiques et/ou sociaux, dans la plupart des cas politiques et communicationnels. En effet, s’interroge-t-on sur le coût médiatique ou politique des cas révélés de manquement aux obligations déontologiques ?Sur les conséquences de la publication d’un pamphlet sur la réputation d’une grande collectivité et de ses agents ?Sur l’impact de la découverte de plusieurs milliers de photos à caractère pornographique dans les ordinateurs d’un grand service d’une administration locale, ou sur le détournement d’un trombinoscope professionnel (avec photos et coordon-nées) pour alimenter un site échangiste, certaines victimes n’hésitant pas à parler de « viol numérique » ?Sur les effets sociaux et managériaux, tout autant qu’indivi-duels (pour les personnes mises en cause), de commentaires fort peu élogieux, publiés dans des blogs ou des réseaux sociaux sur la climatologie sociale d’une administration, au-trement dit sur la vie interne de la structure ?Ces quelques éléments militent franchement pour que l’élabo-ration, l’application et le suivi d’une charte interne s’inscrivent aussi dans une logique de management des risques.

III – QUEL CONTENU POUR UNE CHARTE INTERNE ?Visant à faciliter le respect de l’e-déontologie, tant matérielle que substantielle, la charte interne présentera cette double dimension dans son contenu. Elle rappellera tout autant les règles de fond à respecter, comme l’obligation de réserve, le secret et la discrétion professionnels, la neutralité…, que les modalités matérielles d’utilisation des outils informatiques, dans une double logique de sécurisation des agents, que de sécurisation des réseaux. Au regard des développements déjà réalisés sur les principes déontologiques, il s’agira de s’arrêter sur la dimension technique et matérielle de ces chartesLa première dimension concerne la sécurité du système infor-matique de la structure. La charte peut utilement réglementée une vraie politique des mots de passe, en particulier sur leur con! dentialité, leur changement périodique, leur formula-tion,… Il en va de même, tant pour la gestion des comptes utilisateurs, facilitant la traçabilité des actions et opérations, que pour la sécurité des postes de travail (par l’auto-ver-rouillage des écrans en cas d’inactivité, ou la réglementation de l’utilisation des ports USB sur certains postes sensibles par exemple).

temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée » (Cass. soc., 5 juill. 2011, n° 10-17.284, Sté GAN Assurances IARD, précité).Pour être légale et… légitime, la charte doit donc, aussi, in-diquer quels sont les droits, les obligations et les limites que l’employeur lui-même devra mettre en œuvre dans son activité de contrôle. Dire qu’un contrôle et une régulation de l’utilisa-tion des moyens informatiques de la structure sont légitimes ne revient pas à tout tolérer, et notamment la méconnaissance des droits fondamentaux de l’agent sur son lieu de travail. Une manière de répondre à l’interrogation fondamentale de Juvénal « quis custodiet ipsos custodes ? » (« Qui gardera nos gardiens ? », et qui pourrait se traduire en l’espèce par : qui contrôle nos contrôleurs ?)…

II – POURQUOI UNE CHARTE INTERNE ?S’interroger sur les raisons qui peuvent pousser une structure administrative à se doter d’une charte visant à encadrer la « cybercommunication » et l’e-déontologie de ses agents oblige à ne pas se limiter au seul prisme juridique, même s’il est important, pour aborder des ! nalités plus originales.Pour autant, la charte interne est d’abord un outil de sécu-risation.Et au premier chef, c’est un outil de sécurisation de la pratique des agents eux-mêmes. La charte leur fournit le cadre dans lequel, à côté d’une utilisation professionnelle de principe, ils peuvent envisager une pratique privative mesurée des outils et connexions mis à leur disposition par leur employeur. Ils peuvent être également sensibilisés, à cette occasion aux risques informatiques que constituent les dispositions fort peu connues, mais si importantes de la loi Informatique et Libertés.Sécurisation également de l’employeur territorial, qui s’assure ainsi d’une diffusion des règles de « bonne conduite » en matière numérique par les agents. Et ce, a! n de se prémunir contre les risques de transgression involontaire de leur part des règles de l’e-déontologie, tout en se donnant des moyens supplémentaires de sanctionner légalement les comportements volontairement déviants.Plus prosaïquement en! n, c’est un outil de sécurisation du système informatique lui-même. Et c’est là, l’une des premières motivations, selon la CNIL, de la mise en place d’une charte informatique interne. Il s’agit en effet de mettre en place les règles d’utilisation, mécanismes de contrôle, de sélection et de ! ltrage permettant, notamment au regard des risques de virus transmissibles, d’assurer la sécurité informatique de la collectivité.La charte interne est également un outil managérial.En ce sens, l’élaboration concertée de la charte interne peut se révéler être un moyen ef! cace de (ré)générer le dialogue social dans la collectivité. Même visant des enjeux juridiques potentiellement sanctionnables, la charte, de par ses modali-tés d’élaboration partagée, permettra de créer les conditions d’un échange constructif et responsable autour de l’évolution des techniques de gestion administrative, des enjeux et des risques qu’ils produisent, dans une logique avérée de « gagnant – gagnant ». L’autorité territoriale met en place son outil de réglementation des moyens informatiques et numériques, alors que les agents et les organisations syndicales auront été associés très en amont à une démarche impactant fortement les pratiques professionnelles quotidiennes, sans avoir à être mis « devant le fait accompli », et au mieux, en ayant eu la possibilité de peser sur le contenu du document.Et dans cette logique, la charte comme outil managérial peut conduire à se réapproprier et à réinvestir le débat fondamental sur les valeurs du service public et la déontologie des fonction-

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fondamentaux de l’agent sur son lieu et temps de travail. Un point particulier doit faire l’objet de beaucoup de précau-tions. C’est la question de l’accès à la messagerie d’un agent en son absence, en vue d’assurer la continuité de l’activité d’un service.Pour l’accès aux ! chiers et données constitués par l’agent et stockés sur son ordinateur, l’accès à ses dossiers doit égale-ment être réglementé par la charte interne. Le rôle particulier de l’administrateur réseau peut être utilement précisé à cette obligation. En effet, celui-ci est, dans le cadre de sa mission de sécurité des réseaux informatiques, tenu à une obligation de con! dentialité lui permettant d’ouvrir de tels ! chiers (Cass., soc., 17 juin 2009, n° 08-40.274). Sur ce point, il faut, avec la CNIL, rappeler que l’accès aux données personnelles des agents par l’administrateur réseaux ne peut être justi! é que par un prin-cipe de nécessité, c’est-à-dire « lorsque le bon fonctionnement des systèmes informatiques ne peut être assuré par d’autres moyens moins intrusifs » (CNIL, Guide pour les employeurs et les salariés, éd. 2010, ! che 7).Au ! nal, la conviction est claire. La charte informatique interne est un instrument particulièrement intéressant, à de nombreux points de vue. Mais à côté des précautions, conditions et recommandations formulées plus avant, cet outil se révèlera particulièrement pertinent et ef! cace à la double condition qu’il ne consiste pas à répondre à une mode, pour faire « comme tout le monde », et qu’il ne soit pas instrumentalisé à d’autres ! ns que celles qui auront présidées à son élaboration. Si tel est le cas, alors la charte interne contribuera utilement à la prise de conscience de tous de ce que Max Weber appelait l’« éthique de la responsabilité » (en opposition avec l’« éthique de la conviction »), celle qui vise à prendre en compte, tout en les assumant, les conséquences possibles des décisions prises et des actes accomplis.

La deuxième dimension concerne la sécurité et la con! den-tialité des données. La charte peut utilement indiquer les modalités de prévention du risque de perte des données informatiques, avec en particulier les questions liées à l’ar-chivage et à la sauvegarde des informations et dossiers, ou plus vulgairement, au vol d’équipements. Comme l’indique la CNIL, une attention toute particulière doit être apportée aux « supports nomades » (ordinateur portable, clé USB, Smartphone, tablette numérique,…). Mais c’est surtout la question de la non-divulgation des données qui doit être régie par la charte. C’est ici où les risques informatiques liés, d’une part à la déontologie du fonctionnaire, et d’autre part aux dispositions de la loi Informatique et Libertés sont les plus grands. Identi! cation des personnes habilitées à accéder aux ! chiers, gestion des dossiers d’un agent en son absence, divulgation de données à la demande d’un collègue, d’un su-périeur hiérarchique ou d’un élu, accès de la personne visée par un ! chier aux informations la concernant sont parmi les nombreux aspects à régler dans la charte.La troisième dimension est celle du contrôle de l’utilisation de la messagerie et d’internet, ou du stockage de données personnelles. Sous réserve, faut-il le rappeler, de l’information des agents sur ces dispositifs de contrôle, l’autorité territoriale peut véri! er les connexions et sites visités, ou mettre en place des dispositifs de sélection et de ! ltrage de sites non autorisés (tels les sites pornographiques, de ventes en lignes, de journaux ou magazines sans lien avec l’activité professionnelle, ou les plateformes de téléchargement…), ou ne permettant pas d’ac-céder à distance à des messageries électroniques personnelles.Il en va de même pour le contrôle de l’utilisation de la mes-sagerie professionnelle, au regard des exigences de sécurité et de gestion des + ux numériques. La limite résidant, cela a déjà été rappelé, dans le respect par l’employeur des droits

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Mais ces différents points faisant l’objet d’interventions sépa-rées, je me concentrerai donc ici sur la diffamation et l’injure.

I – LE CADRE GÉNÉRALLa Convention européenne des droits de l’HommeL’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales protège la liberté d’ex-pression : « 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations./ 2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la pro-tection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations con% dentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »Article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la

presse, modi" é par ordonnance du 6 mai 1944 : « Toute allégation ou imputation d’un fait portante atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expres-sément nommés, mais dont l’identi% cation est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou af% ches incriminés.Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. »Depuis la loi n° 2000-719 du 1er août 2000, le réseau Internet est assimilé à un moyen de communication audiovisuelle au sens de l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relatif à la liberté de communication.Depuis la loi n° 2004-575 pour la con" ance dans l’économie

numérique du 21 juin 2004, la communication audiovisuelle est elle-même enveloppée dans la notion de « communication au public par voie électronique ».Sont donc concernés par le cadre législatif tous les messages diffusés par un site web.En revanche, le courrier électronique échappe à ce dispositif, sauf dans le cas où un courrier électronique est adressé à des di-zaines de personnes non liées entre elles par une communauté d’intérêts excluant ainsi le régime de la correspondance privée.

II – LES POINTS COMMUNS PROCÉDURAUX ENTRE LA DIFFAMATION ET L’INJURE

Tout d’abord, l’initiative de l’action appartient à la personne qui s’estime victime soit d’une diffamation soit d’injures.

Trompettes de la renommée,

vous êtes bien mal embouchées

Georges Brassens

Avant d’aborder les procédures pour diffamation ou injure, qui sont la réplique maximale aux atteintes qui peuvent être portées à la réputation, il convient, s’agissant plus spéci! que-ment d’actionner les juridictions pénales pour des infractions commises par le biais des nouvelles technologies, de préciser en préambule six points.

1) Les procédures pour diffamation et injure sont des procé-dures dans lesquelles un problème d’ordre privé donne lieu à une saisine des juridictions pénales qui normalement sont là pour protéger la société et non des intérêts privés. Il s’agit d’ailleurs d’un des rares cas où l’action publique est mise en branle par un particulier et où le retrait de la plainte par celui-ci interrompt la procédure.

2) Le juge aura à faire systématiquement la balance entre la liberté d’expression et la régulation sociale

3) Internet n’est pas une invention française et ses inventeurs américains se réfèrent davantage au premier amendement de la constitution des États-Unis qu’au droit français. Ce pré-supposé idéologique que l’on trouve notamment sur le site de l’EFF (Electronic Frontier Fondation) est exposée comme suit : « Nous n’approuvons en aucune manière les discours de haine. Cependant, nous croyons qu’à un discours néfaste, il faut répondre par un meilleur discours, et non pas imposer une censure. Quand on sacri% e un droit pour protéger un autre, on les perd tous les deux. » Ce sont ces principes qui prévalent intellectuellement chez beaucoup d’utilisateurs d’Internet.

4) Il existe et l’on peut s’en rendre compte au travers de l’exis-tence de réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter à la fois une vraie idéologie de la transparence est une application de ce qu’expliquait McLuhan : « tout le monde sera célèbre un quart d’heure dans sa vie ».

5) L’utilisation des nouvelles technologies et une utilisation individuelle qui correspond également à une perte de repères de la norme sociale au pro! t d’une individualisation de celle-ci que l’on peut observer notamment dans des mouvements tels que « les faucheurs volontaires » pour les OGM, les « dé-sobéisseurs » pour l’Éducation nationale ou les « alerteurs » en matière ! nancière.

6) Il n’a pas été, contrairement à beaucoup d’autres domaines, légiféré spéci! quement en matière de diffamation ou d’injure par voie électronique. Ces infractions sont traitées par assimi-lation au droit de la presse, le juge réagissant avec les bons vieux outils de la loi de 1881 sur la liberté de la Presse, loi qui vise à protéger la liberté d’expression.

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Diffamation et injures sur internet : quel arsenal juridique ?

Par Laurent FABREMagistrat, Vice-Président

du Tribunal de grande instance de Nîmes

2E PARTIE : E-RÉPUTATION DES DÉCIDEURS PUBLICS

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E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES ET E-RÉPUTATION DES ÉLUS : LES ATTEINTES À L’HONNEUR ET AU DEVOIR DE RÉSERVE

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la considération de cette personne sans que les juges n’aient à rechercher ni quelle est la notion personnelle et subjective de l’honneur et de la considération qu’a cette personne ni de l’opinion que le public peut avoir d’elle.L’auteur du propos poursuivi peut soulever deux exceptions :– l’exception de bonne foi, c’est-à-dire la prudence dans l’ex-pression de la pensée, le respect du devoir d’enquête préalable, l’absence d’animosité personnelle envers le diffamé ainsi que la qualité de l’enquête et la légitimité du but poursuivi ;– «  l’exceptio véritatis », c’est-à-dire proposer d’apporter la preuve de la vérité du fait poursuivi comme diffamatoire. Cette preuve peut consister pour le prévenu à produire pour les né-cessités de sa défense, sans que cette production puisse donner lieu à des poursuites pour recel, des éléments provenant d’une violation du secret de l’enquête ou de l’instruction ou de tout autre secret professionnel s’ils sont de nature à établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires (L. n° 2010-1, 4 janv. 2010, art. 1er, relative à la protection du secret des sources des journalistes).Ainsi, il convient d’être prudent avant de poursuivre en dif-famation l’auteur d’un article qui pourrait apporter la preuve de la véracité de ce qu’il écrit…De même, il convient d’avoir présent à l’esprit le fait qu’il est possible que la publicité qui sera donnée à l’écrit poursuivi par la procédure soit éventuellement très supérieure à l’écho que le texte d’origine pu recevoir.

B.– L’injureÀ la différence de la diffamation l’injure consiste en une ex-pression outrageante qui ne renferme l’imputation d’aucun fait déterminé. La preuve des faits pouvant justi! er la vérité de l’injure n’est donc jamais autorisée.Il est important de choisir soigneusement avant de poursuivre, la quali! cation soit de diffamation soit d’injure. Toutefois un texte peut contenir, à la fois, des termes diffamatoires et des termes injurieux justi! ant une double déclaration de culpa-bilité à la fois du chef de diffamation et du chef d’injure ; il en est ainsi, notamment, lorsqu’ils résultent du contexte que les termes injurieux ne se réfèrent nullement aux faits visés par les imputations diffamatoires. Mais un fait unique ne peut être incriminé à la fois comme injure et comme diffamation.En cas d’indivisibilité entre l’injure la diffamation, seul ce dernier délit doit être retenu.Le juge exercera un contrôle sur le sens et la portée des propos incriminés en tenant compte du fait que les restrictions à la liberté d’expression sont d’interprétation étroite.Ainsi, l’appréciation du caractère outrageante de certains propos doit être effectuée en fonction de leur contexte, et notamment, des nécessités de la discussion lorsqu’ils sont proférés à l’occasion d’un con+ it du travail.De même, des propos peuvent heurter la sensibilité d’une communauté sans toutefois dépasser les limites admissibles de la liberté d’expression.En dé! nitive, il convient de ré+ échir à plusieurs fois avant d’entamer des poursuites pénales le processus étant long et dif! cile pour un résultat qui n’est pas toujours à la hauteur des espérances du plaignant que ce soit en termes d’amende prononcée (12 000 € au maximum pour la diffamation ou l’injure), les peines d’emprisonnement n’étant prévues et quasiment prononcées que si l’infraction est commise à raison de l’origine, de l’appartenance religieuse, raciale, ethnique du sexe ou du handicap et les dommages et intérêts n’effaçant que symboliquement le préjudice subi.

Le désistement du plaignant arrêtera les poursuites.Cela veut dire qu’il appartient à celui-ci de saisir lui même, soit par une plainte avec constitution de partie civile soit par voie de citation directe la juridiction.Dans les deux cas une consignation sera ! xée à la charge du plaignant.Sous peine de nullité, la citation précisera et quali! era très exactement le fait incriminé et indiquera les textes de lois applicables à la poursuite : le tribunal ne pourra changer la quali! cation sous laquelle a été introduite l’instance.Dans les deux cas, le délai de prescription est de trois mois à compter de la première publication. Ce point de départ de la prescription court alors même que la personne diffamée ou injuriée se serait trouvée dans l’impossibilité de connaître à cette date les attaques dont elle a été l’objet. En matière d’ap-plication à Internet, c’est la première mise à disposition du message litigieux qui fait courir la prescription et si le message est repris sur un autre site, c’est la date de la publication sur le premier site qui sera le point de départ de la prescription. Diverses propositions législatives ont tenté de modi! er ce point sans succès jusqu’à ce jour.De même, l’assimilation des sites web à des services de com-munication audiovisuelle a conduit à leur faire application du système de responsabilité « en cascade » prévu par la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Ainsi, seront poursuivis le directeur de la publication comme auteur principal, à défaut l’auteur et à défaut de l’auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal. Cette responsabilité en cascade été validée par le Conseil constitutionnel jusque et y compris dans le cas de forums où il a été estimé que l’auteur d’un blog devait modérer les réactions qu’il pouvait s’exprimer sur cette publication.À l’inverse, la responsabilité de l’hébergeur est souvent dif! cile à mettre en cause notamment si celui-ci se trouve à l’étranger et peut, ce qui est un cas relativement fréquent, se placer sous la protection du premier amendement de la constitution des États-Unis. Voté en 1791 mais toujours appliqué dispose, cet amendement dispose que « le congrès ne fera aucune loi accordant une préférence à une religion ou en interdisant le libre exercice, restreignant la liberté d’expression, la liberté de la presse ou le droit des citoyens à se réunir paci% quement et adresser à l’État des pétitions pour obtenir réparation des torts subis ».

III – LES DIFFÉRENCES DANS LA NATURE DE L’INFRACTION

A.– La diffamation

C’est au juge qu’il appartient de déterminer si les éléments poursuivis, et qui doivent être précisément dé! nis dans la citation, sont constitutifs ou pas d’une diffamation.Pour cela, il va devoir véri! er si l’allégation poursuivie se présente bien sous la forme d’une articulation précise de faits de nature à être sans dif! culté l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire.Il doit en outre prendre en considération non seulement les circonstances relevées dans la citation mais aussi les éléments extrinsèques de nature à donner à l’expression incriminée son véritable sens et à caractériser l’infraction poursuivie. Il est donc nécessaire que le texte visé permette à la personne qui se prétend diffamée de se reconnaître comme étant personnel-lement mise en cause et aux lecteurs du texte de l’identi! er. Il faut également que l’allégation porte atteint à l’honneur ou à

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Au croisement de tous les droits

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• La prévention du contentieux• Les sources de la procédureadministrative contentieuse

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E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES ET E-RÉPUTATION DES ÉLUS : LES ATTEINTES À L’HONNEUR ET AU DEVOIR DE RÉSERVE

À L’HEURE DE FACEBOOK ET DES RÉSEAUX SOCIAUX

76 R E V U E L A M Y D E S C O L L E C T I V I T É S T E R R I T O R I A L E S • D É C E M B R E 2 0 11 • N ° 74

portées contre un maire d’être membre d’un réseau ma� eux, ou contre un directeur d’Of� ce public de l’habitat accusé de recourir à des pratiques managériales tyranniques ou inhu-maines.

2) L’injure publique

Elle se dé� nit comme une allégation de faits non précis portant atteinte à l’honneur et à la considération (pour la dé� nition générale : L. 29 juill. 1881, art. 29 al. 2).Ce délit sanctionne ainsi des invectives contre un maire et son adjointe d’être « des voleurs et des menteurs », des insultes portées contre une sociétaire d’association de lutte contre le racisme d’être une « nidoreuse pouf! asse ».

B.– La loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle

Telle que modi� ée par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la crimi-nalité, cette loi :– précise l’obligation, pour tout site Internet, d’avoir un direc-teur de publication, personne physique (L. n° 82-652, 29 juill. 1982, art. 93-2). Cette obligation est d’importance, puisque le directeur de publication constitue l’une des personnes phy-siques dont il sera possible de rechercher la responsabilité, en cas d’anonymat de l’internaute, auteur du message attentatoire à l’honneur à la considération ;– � xe les conditions d’engagement de la responsabilité pénale personnelle des intervenants du Net (internautes auteurs du message ; directeur de publication ; producteur du site…), conformément aux dispositions de l’article 93-3 de la loi.

C.– La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 dite « LCEN » (loi de confi ance dans l’économie numérique)

Ce texte légalise à nouveau l’application de la loi du 29 juillet 1881 à la communication en ligne (L. n° 2004-575, 21 juin 2004, art. 6 V) et règle les conditions d’engagement de la responsa-bilité pénale et civile des hébergeurs (stockeurs de contenu Internet).La loi protège donc pénalement les agents publics, les fonction-naires, les élus, les particuliers, les salariés, les employeurs, de tout message dont la teneur constitue une infraction de presse (dont la diffamation et l’injure).

II – LES PROBLÉMATIQUESLa question de la protection de la e-réputation pose de sérieuses dif� cultés pratiques et demeure, en tout état de cause, parti-culièrement prégnante en cas de diffusion anonyme, sur des sites, blogs, forums de discussion (politiques ou syndicaux) ou sur les réseaux sociaux, de messages contraires à l’honneur et à la considération.

Principal vecteur de notre révolution technologique contem-poraine, Internet représente, malgré les nombreux avantages apportés par ce moyen rapide et moderne de communication, un outil d’information largement incontrôlable au regard, notamment, de la quantité des sites existants dans le monde entier.Par suite, lorsque les infractions pénales de diffamation ou d’injures publiques ont commencé à prendre pour support cet outil électronique, un constat s’est immédiatement imposé : la diffusion publique des messages attentatoires à l’honneur à la considération ainsi véhiculés, aggrave considérablement le préjudice que subissent nécessairement les personnes visées par de tels propos. En effet, ce mode de diffusion décuple le nombre des destinataires de ces messages et multiplie expo-nentiellement, et à grande vitesse, leur diffusion.Par conséquent, dès lors qu’Internet, les sites personnalisés (blogs), les sites de partage (forums, réseaux sociaux) représen-tent un danger accru pour la réputation d’autrui, le législateur ne manque pas de s’y intéresser avec rigueur.

I – LES TEXTES APPLICABLESL’arsenal légal comprend pour l’essentiel :

A.– La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la pressePilier de notre démocratie moderne, votée sous la IIIe Répu-blique au lendemain du régime liberticide du Second Empire, cette loi énumère les différentes infractions pénales touchant à la liberté d’expression.Les incriminations qui y sont dé� nies suivent un régime juri-dique répressif dérogatoire du droit commun, essentiellement à raison du mode particulier de commission des faits, savoir une « diffusion » par l’un des procédés de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881.Cette diffusion peut ainsi s’accomplir via Internet, lequel constitue l’un des « moyens de communication au public par

voie électronique » au sens de l’article 23 de ladite loi, telle que modi� ée par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004.Les infractions les plus connues, les plus commises également, sont la diffamation ou l’injure publique.

1) La diffamation publique

Elle se dé� nit comme l’imputation de faits précis portant atteinte à l’honneur et à la considération (pour la dé� nition générale : L. 29 juill. 1881, art. 29).Elle réprime :– soit l’imputation de commission d’une infraction pénale, telles que des attaques portées contre un élu de la République accusé de pédophilie, ou encore de détournement de fonds, de corruption ou de tra� c d’in% uence ;– soit l’imputation de commission de faits qui ne constituent pas nécessairement une infraction, telles que des attaques

2074RLCT

Diffamation et injure sur internet : quel arsenal juridique ? Comment riposter aux attaques anonymes ? Comment protéger son e-réputation ? Quels pièges à éviter ?

Par Didier SEBANAvocat associé

SCP Seban & associés

et Michaël GOUPILAvocat collaborateur

SCP Seban & associés

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N ° 74 • D É C E M B R E 2 0 11 • R E V U E L A M Y D E S C O L L E C T I V I T É S T E R R I T O R I A L E S 77

Lorsque la victime n’entend agir que devant le juge civil, le tribunal de grande instance statuera sur le principe d’une faute civile de diffamation ou d’injure, et allouera à la victime des dommages et intérêts.Il importe de noter que la victime peut toujours demander que le jugement ou l’arrêt de condamnation du directeur de publication ou de l’internaute, auteur du message in-criminé, fassent l’objet d’une publication aux frais de ces derniers.

Le problème du site « off shore »

Qu’en est-il lorsque le site diffamatoire, rédigé en français, est dit « off-

shore », c’est-à-dire lorsque son hébergeur, son responsable ou

l’internaute auteur du message, sont domiciliés à l’étranger ?

La loi pénale et le juge répressif français demeurent par principe

compétents :

– lorsque la mise en cause a eu lieu sur le territoire national (C. pén.,

art. 113-2 du Code pénal). Le juge pénal français sera compétent si la

diffusion est constatée en France, c’est-à-dire en pratique au moyen d’un

exploit d’huissier français ;

– ou lorsque l’internaute ou l’hébergeur sont français (C. pén.,

art. 113-6 ; cas d’une infraction commise à l’étranger par un français).

Cette hypothèse peut apparaître résiduelle dans la mesure où il suffi rait

de faire constater une diffusion en France pour justifi er la compétence

du juge français ;

– ou lorsque que la victime est française (C. pén., art. 113-7 ; cas des

infractions commises hors du territoire national par un français ou un

étranger). Cette hypothèse peut, dans les mêmes termes, apparaître

également résiduelle. En outre, ces dispositions du Code pénal

présentent le grave inconvénient de faire échapper à la répression ceux

des délits d’injures et de diffamations publiques qui ne sont pas punis

par une peine d’emprisonnement délictuelle. Établir la compétence du

juge pénal français au visa de ces dispositions paraît ainsi peu opportun.

Au demeurant, en cas d’anonymat de l’internaute diffamateur,

l’hébergement à l’étranger (par des français ou des étrangers) peut

poser des diffi cultés en termes d’identifi cation des Intervenants du Net.

Le succès de l’Information judiciaire va dépendre :

– du degré de coopération pénale internationale existant entre la France

et le pays étranger d’hébergement ;

– du degré de protection offerte par la loi étrangère aux ressortissants

français victimes d’un site hébergé à l’étranger.

Modalités de poursuites des personnes responsablesL’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, article jugé conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 16 sept. 2011 ; JO 17 sept., p. 15601), � xe les conditions d’enga-gement de la responsabilité pénale des intervenants du Net, notamment :– celles du directeur de publication du site internet incriminé, lequel est poursuivi en qualité d’auteur du délit de diffamation ou d’injure (car c’est lui qui a permis la diffusion du message incriminé) ;– celles de l’internaute, auteur du message, poursuivi en qualité de « complice » spécial du directeur de publication. Il ne sera jugé comme auteur du délit que si le directeur de publication n’est pas poursuivi ou ne peut être juridiquement poursuivi.Ces modalités procédurales n’ont, en pratique, aucune in-cidence. Toutefois, il importe de relever que la voie de la

Par conséquent, en cas de mauvaises découvertes, quels moyens de riposte sont offerts aux victimes ; comment protéger son e-réputation et quels pièges sont à éviter ?

A.– Sur les moyens de riposte offerts aux victimes de messages attentatoires à l’honneur ou à la considération

Deux voies procédurales sont principalement ouvertes aux victimes : le procès pénal/civil et le référé.

1) Le procès pénal ou civil

PrincipeLorsque l’internaute, auteur du message, ou le directeur de publication du site Internet litigieux, sont identi� ables, les procès pénal ou civil peuvent, par principe, être respectivement ouverts sur citation directe ou sur assignation. Il s’agira pour la victime d’obtenir réparation par l’allocation de dommages et intérêts.Toutefois, en cas d’anonymat de l’auteur du message, la plainte avec constitution de partie civile demeure la voie procédurale la plus opportune et la moins périlleuse en termes de risque de relaxe.La justice dispose en effet de moyens d’investigations tech-niques permettant de rechercher et d’identi� er les personnes responsables, notamment auprès des hébergeurs. Ajoutons que l’hébergeur doit communiquer, sur réquisitions judi-ciaires, l’identité de quiconque a contribué à la création du contenu Internet litigieux (L. n° 2004-575, 21 juin 2004, art. 6 II al. 1).Par suite, sur commission rogatoire délivrée à des brigades de police ou de gendarmerie spécialisées, le juge d’Instruction diligente différentes investigations techniques permettant d’obtenir, par exemple :– l’identité physique, adresse et coordonnées de l’utilisateur de l’adresse électronique avec laquelle l’internaute diffamateur a mis en ligne son message ;– l’identité physique, adresse et coordonnées de l’internaute, titulaire de l’adresse Internet Protocol qui s’est connectée au site incriminé. Rappelons, en tant que de besoin, que l’adresse IP est numéro d’identi� cation qui est attribué à chaque branche-ment d’appareil à un réseau informatique utilisant l’Internet Protocol. Il importe de souligner que l’ef� cacité d’une telle mesure d’enquête peut apparaître limitée, du moins lorsqu’elle est diligentée auprès des fournisseurs d’accès, puisque ceux-ci ne peuvent pas stocker pendant plus d’un an les adresses IP de leurs clients ;– la con� rmation de l’identité du directeur de publication du site Internet litigieux ;– la con� rmation que l’internaute mis en examen assume la paternité du message incriminé.L’Information judiciaire s’achève par une ordonnance du juge d’Instruction, laquelle peut être une ordonnance de renvoi devant le Tribunal Correctionnel ou une ordonnance de non lieu.Au demeurant, aussi utile qu’elle puisse apparaître, la pro-cédure d’instruction ou d’information judiciaire n’en est pas moins longue et ne donne pas à la victime la maîtrise des poursuites quant aux personnes qu’elle entendrait vouloir mettre en cause.Lorsqu’il est saisi sur ordonnance du juge d’instruction ou sur citation directe, le tribunal correctionnel aura pour tâches essentielles de se prononcer sur la culpabilité des personnes responsables, sur la peine (amende ou emprisonnement) à leur in% iger, et sur le montant des dommages et intérêts qui seront alloués à la victime.

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E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES ET E-RÉPUTATION DES ÉLUS : LES ATTEINTES À L’HONNEUR ET AU DEVOIR DE RÉSERVE

À L’HEURE DE FACEBOOK ET DES RÉSEAUX SOCIAUX

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On notera alors que le caractère « instantané » des infractions de presse par voie électronique pose un véritable problème au plan de la protection de la e-réputation. En effet, la découverte, plus de 3 mois (ou 1 an) après la mise en ligne, d’un message diffamatoire ou injurieux prive la victime de toute action en réparation. Cet état de fait, souvent préjudiciable pour les victimes ainsi dépourvues de tout moyen de riposte, devrait obliger notre législateur à consacrer de manière ef� ciente un « droit à l’oubli ».

Il faut également éviter le dépôt d’une plainte simple au commissariat ou auprès du procureur de la République. Il importe de relever que de telles démarches sont, en elles-mêmes, totalement inef� caces pour interrompre la prescrip-tion. Tout au plus peuvent-elles conduire, le cas échéant, le procureur de la République à prendre des réquisitions utiles en la matière.Par suite, si la voie de la plainte simple auprès du parquet peut être utilisée par la victime, elle doit l’être (en cas de diffamation ou d’injure) avec beaucoup de prudence ou de circonspection, car ces modalités procédurales d’action en justice ne sont effectivement pas sans risque.En effet, en raison de l’engorgement des services du parquet, il n’est pas exclu que des réquisitions d’enquête soient prises tardivement après l’écoulement du délai de 3 mois. Dans ce cas, l’infraction est prescrite et le Procureur classera le dossier sans suite. La prescription étant acquise, la victime ne pourra même pas saisir un juge d’Instruction pour se constituer partie civile auprès de lui.Dès lors, si cette voie de droit peut être utilisée par la victime, elle supposera une interaction constante et réelle avec les services du procureur de la République.Il convient également de noter que cette procédure (contrai-rement à l’Information judiciaire) ne permet à la victime ni suivre l’évolution de l’enquête (avant sa clôture), ni de surveiller ef� cacement le délai de prescription en déposant, au besoin, des actes utiles qui interrompront la prescription tous les 3 mois.Par conséquent, en déposant une plainte simple au commis-sariat ou auprès du parquet, la victime s’en remet entièrement aux diligences du procureur. Si ce dernier manque à ses obligations et ne surveille pas attentivement la prescription, la victime ne pourra plus agir. Il lui sera, de surcroît, reproché de ne pas avoir agi et pallié la carence du parquet, notamment par le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile.

Il faut éviter de penser que le constat d’huissier, missionné par la victime pour constater l’infraction sur Internet, inter-romprait la prescription.Préalablement au dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile, ou d’une citation directe, il peut s’avérer particu-lièrement opportun de missionner un huissier de justice, dans la mesure où un tel constat permettra ainsi de faire constater, par un tiers objectif, la matérialité des faits. Bien que la preuve soit libre en droit pénal, il est constant que « Nul ne peut se

faire de preuve soi même ».Le constat constituera donc une preuve non seulement rece-vable devant un juge pénal, mais encore une preuve protégée par la valeur « authentique » que la qualité de l’huissier lui confère. Les constations ainsi matérialisées par l’exploit feront foi jusqu’à inscription de faux.C’est dire que les prévenus ne pourront quasiment jamais se défendre en indiquant que le site n’existait pas.Le recours à un huissier permettra également de déterminer la compétence territoriale du juge d’instruction.

plainte avec constitution de partie civile ne donne pas à la victime agissante la maîtrise de la personne qu’il souhaite attraire en justice.En effet, il est dit que le juge d’instruction est saisi des faits (saisine in rem) et non contre des personnes (saisine in per-

sonam) ; si le juge d’instruction ne peut instruire d’of� ce (s’autosaisir) sur des faits non visés dans l’acte initial de sa saisine, il peut en revanche instruire à l’encontre de toutes personnes, même celles qui n’auraient pas été initialement désignées dans ce même acte.Par suite, le magistrat instructeur garde, seul, la maîtrise des personnes qu’il entend renvoyer devant le tribunal correc-tionnel.Dès lors, à titre d’exemple, une plainte avec constitution de partie civile contre le seul internaute ne saurait exclure la faculté, pour le juge d’instruction, de renvoyer également le directeur de publication, ou tout autre complice, devant le Tri-bunal Correctionnel. Or, cette donnée juridique peut s’avérer dans certains cas fâcheuse, lorsque – pour des raisons qui lui sont propres – la victime ne souhaitait initialement agir qu’à l’encontre du seul internaute.

Pièges à éviterLe régime juridique prévu par la loi du 29 juillet 1881, telle que modi� ée en 2004, est particulièrement complexe et exigeant, dans la mesure où ce droit regroupe toutes les exceptions à la liberté d’expression, principe indispensable à une société fondée sur des bases démocratiques.Il nécessite donc de la part des victimes et des praticiens du droit une rigoureuse et vigilante attention de tout instant.Il convient ainsi d’éviter de se débrouiller seul, sans avocat maîtrisant le droit de la presse, le ministère d’avocat n’étant pas obligatoire en matière correctionnelle ; toutefois, la vali-dité des poursuites judiciaires est soumise à des conditions de forme et de procédure particulièrement pointilleuses. L’erreur est sanctionnée par le juge pénal par la nullité de la poursuite (vice de procédure). Dès lors, le premier piège à éviter est de diligenter une procédure sans avocat maîtrisant a minima cette matière.

De même, il ne faut pas attendre plus de 3 mois après la mise en ligne pour agir en justice. La prescription en matière d’infractions de la loi du 29 juillet 1881 est, en principe, de 3 mois à compter de la publication du message, délai au-delà duquel aucune poursuite (pénale comme civile) ne peut plus être envisagée (L. 29 juill. 1881, art. 65). Certains délits, comme les diffamations ou injures publiques à caractère racial, sont prescrits par un délai plus long, savoir un an (L. 29 juill. 1881, art. 65-3).Il convient ainsi de faire particulièrement attention aux fausses idées ou aux apparences trompeuses. Quelle que soit la durée du délai de prescription, les infractions de presse commises sur Internet sont dites « instantanées », par opposition aux infractions dites « continues ».

L’infraction de presse commise sur Internet n’est donc pas une infraction « continue » qui s’accomplirait tant qu’aurait lieu la mise en ligne (et qui ferait reculer avantageusement le point de départ de la prescription à la date du retrait du message du site incriminé). La doctrine majoritaire et la jurisprudence s’opposent à une telle quali� cation, en expliquant que celle-ci pourrait conduire à l’imprescriptibilité des infractions com-mises sur Internet, ce qui serait dif� cilement envisageable d’un point de vue constitutionnel.

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comme complice de droit commun, conformément aux dispositions des articles 121-6 et 121-7 du Code pénal, l’en-gagement de sa responsabilité pénale ne se fera également pas de plein droit.En effet, il n’existe pas de complicité par négligence ou par abstention, de sorte qu’il importe d’établir, sur le chef du complice, un acte positif d’aide ou assistance à l’auteur prin-cipal, commis volontairement ou en connaissance de cause.Le danger d’une citation directe procède alors de la dif� -culté à démontrer que le directeur de publication, seul cité à l’audience, a pu valider, avant mise en ligne, le contenu du message diffamatoire ; faute d’une telle démonstration, la relaxe sera certaine.Il convient de ne pas agir prématurément contre le directeur de publication d’un blog, d’un forum ou de site de réseaux sociaux. La réforme de 2009 a instauré un régime dérogatoire de responsabilité pénale du directeur de publication d’un site mettant à disposition un « espace de contributions person-

nelles » (L. n° 82-652, 29 juill. 1982, art. 93-3 in � ne) : « Lorsque

l’infraction résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identi! é comme tel,

le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir

sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s’il est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message ».La victime doit donc se garder d’agir prématurément contre le directeur de publication. Ce dernier doit être, préalablement à toutes poursuites, mis en demeure d’avoir à supprimer le contenu du message illicite, notamment par lettre recomman-dée avec accusé de réception.

Si le directeur de publication retire le message après mise en demeure, celui-ci ne pourra pas voir sa responsabilité pénale engagée. Dans ce cas, seul l’internaute, auteur du message, pourrait être poursuivi et condamné en qualité d’auteur de l’infraction. De telles poursuites nécessiteraient alors que l’auteur du message puisse être identi� é et qu’un juge pénal soit à nouveau saisi sous 3 mois à compter de la dernière audience, l’interruption de la prescription ayant eu un effet erga omnes (contre tous).

2) L’assignation en référé (juge civil)

PrincipeElle correspond à la saisine d’un juge civil (incompétent pour prononcer une décision de culpabilité et une amende ou une peine d’emprisonnement), aux � ns de suppression de la publication litigieuse, voire (dans certains cas) aux � ns d’allocation d’une provision.Cette procédure apparaît assez limitée en matière d’infraction sur Internet, compte tenu de la rediffusion exponentielle pou-vant être faite sur de multiples autres sites.

Modalités procéduraleLa victime d’une infraction de presse peut recourir :– aux référés de droit commun, dont le plus connu est celui du référé dit « article 809 », subordonné à la condition

d’un trouble manifestement illicite. Notons à ce titre qu’une atteinte diffamatoire ou injurieuse n’est pas nécessairement constitutive d’un « trouble » au sens de l’article 809 du Code de procédure civile. Pour autant, ce référé peut avoir un intérêt pratique indiscutable, lorsqu’il importe d’obtenir rapidement

Il faut malheureusement admettre que certains tribunaux ne sont pas suf� samment spécialisés dans le droit de la presse.Dans la mesure où une diffusion sur le Net revêt une dimen-sion internationale, et donc nationale, elle laisse à la victime une place très utile pour le Forum Shoping, c’est-à-dire le « Marché du Juge ».Ainsi, puisque l’infraction de presse sur Internet peut être constatée partout en France, la victime peut choisir n’importe quel tribunal français auprès duquel elle envisage de porter sa cause. Il lui sera donc permis de choisir les tribunaux les plus réputés pour leur compétence ou pour la qualité exemplaire de leurs jugements.Dès lors, il suf� t de diligenter un huissier compétent dans le ressort du tribunal choisi par elle, pour justi� er la compétence territoriale de ce dernier.

Dans ce cadre, la victime doit, une fois de plus, se gar-der des apparences trompeuses : en aucun cas, l’exploit d’huissier n’a de force interruptive de prescription. Et en aucun cas, le délai de prescription ne court à compter de cet exploit.

Il ne faut pas agir contre le seul directeur de publication d’un site Internet (dans le cas où l’internaute ne serait pas identi� able) par la voie de la citation directe :La citation directe dirigée contre le seul directeur de publi-cation peut s’avérer particulièrement dangereuse, eu égard aux critères d’engagement de la responsabilité pénale de celui-ci, soit en qualité d’auteur du délit, soit en qualité de producteur du site incriminé (L. n° 82-652, 29 juill. 1982, art. 93-3), soit en qualité de complice de droit commun (C. pén., art. 121-6 et 121-7).Pour mémoire, l’article 93-3 de la loi du 29  juillet 1982

dispose que : « Au cas où l’une des infractions prévues par

le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de

la presse est commise par un moyen de communication au

public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article 93-2

de la présente loi, le codirecteur de la publication sera pour-suivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une � xation préalable à sa communication au public ».Le danger procède justement de la dif� culté pour la victime d’apporter la preuve d’une « � xation préalable » au sens de l’article 93-3 précité ; or, la dé� nition de cette notion reste pour l’heure largement incertaine, bien que l’on puisse, en pratique, déduire qu’il y aurait � xation préalable lorsqu’un site reproduit (à la virgule près !) le message incriminé diffusé par un autre site.À défaut de preuve d’une � xation préalable, la partie civile ne pourra engager la responsabilité du directeur de publication, sauf à solliciter la condamnation de ce dernier en qualité de « producteur » du site Internet, au sens de l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982.Toutefois, la partie civile doit être en mesure de démontrer cumulativement – ce qui n’est pas toujours le cas – que :– le directeur de publication a été le créateur du site litigieux ;– qu’il dispose d’une maîtrise éditoriale en qualité d’anima-teur du site ;– qu’il a eu connaissance au message avant sa mise en ligne et qu’il a validé la publication, puisque l’engagement de sa responsabilité pénale ne saurait être automatique (Cons. const., 16 sept. 2011 ; JO 17 sept., p. 15601).Par ailleurs, on notera que si un directeur de publication pourra, en l’absence de � xation préalable, être poursuivi

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E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES ET E-RÉPUTATION DES ÉLUS : LES ATTEINTES À L’HONNEUR ET AU DEVOIR DE RÉSERVE

À L’HEURE DE FACEBOOK ET DES RÉSEAUX SOCIAUX

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de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales) ;– ou en cas d’attaques insuf� samment caractéristiques d’une infraction de presse ;– ou encore, en cas de doute sérieux sur la quali� cation pénale exacte à retenir, sous peine de nullité, dans l’acte introductif d’instance.

Pièges à éviter– un droit de réponse plus long que l’article de mise en cause initial.– un droit de réponse dont le ton est plus agressif que l’article initial ;– un droit de réponse qui constitue une vengeance personnelle.

2) La mise en demeure des hébergeurs de contenu

PrincipeLa victime peut avoir intérêt à mettre en demeure les héber-geurs de contenu Internet. La mise en demeure se fait par lettre recommandée, ou par voie d’exploit d’huissier, mais doit comporter des mentions obligatoires, telles que la description du contenu, la localisation, la copie de la correspondance adressée à l’internaute, ou l’éditeur du contenu, demandant le retrait ou la suppression du message (L. n° 2004-575, 21 juin 2004, art. 6 I 5°).

Utilité pratiqueIl existe une obligation pour les hébergeurs d’intervenir pour empêcher l’accès à des contenus manifestement illi-cites, s’ils ont été mis préalablement en demeure de le faire (L. n° 2004-575, 21 juin 2004, art. 6 I 2°). À défaut, ils engagent leur responsabilité.Par conséquent, cette mise en demeure constitue un pré-alable nécessaire pour l’engagement éventuel de leur res-ponsabilité pénale et civile  : «  leur responsabilité civile

engagée du fait des activités ou des informations stockées à

la demande d’un destinataire de ces services si elles n’avaient

pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou

de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou

si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles

ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre

l’accès impossible » (L. n° 2004-575, 21  juin 2004, art. 6-I, 2 dont les dispositions sont reprises à l’identique à l’article 6-I, 3 en matière de responsabilité pénale).

Google / Dailymotion :Hébergeur ou simple exploitant de moteur

de recherches ?

La Cour d’appel de Paris, en 2008, a considéré que la société Google

n’était pas l’hébergeur du site ayant diffusé le message diffamatoire

litigieux, de sorte que les prescriptions de l’article 6 I 2° de la loi du

21 juin 2004, qui ne visent pas les moteurs de recherche, ne lui étaient

pas applicables (CA Paris, 25 janv. 2008, n° 07/07583).

Il est donc inutile de mettre Google en demeure d’avoir à supprimer

un message d’un site Internet, dans l’éventualité d’une condamnation

pénale ou civile, puisque la société Google France n’a pas la qualité

d’hébergeur de contenu.

Par contre, Dailymotion est considéré comme un hébergeur, compte

tenu des prescriptions techniques tenant à l’enregistrement d’une vidéo

électronique (Cass. 1re civ., 17 févr. 2011, n° 09-67.896, Sté Nord-Ouest

c./ Sté Dailymotion).

du juge la suppression d’un site Internet xénophobe ou faisant l’apologie de crime contre l’humanité ou la discrimination raciale. Le parquet peut exercer cette voie procédurale (y compris à la demande d’une victime dans le cas où elle ne pourrait assumer seule cette procédure). L’assignation peut être dirigée contre l’hébergeur (s’il a connaissance du litige), qui peut être invité par le juge des référés à préciser dans les dix jours les mesures qu’il compte prendre pour mettre un terme au trouble illicite causé par des pages de nature raciste, et contre l’auteur, disposant du même délai pour rendre im-possible leur consultation.

– au référé spécial de l’article 6-I 8° de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, lequel n’est a priori pas subordonné à la démons-tration d’un trouble manifestement illicite. Le juge judiciaire peut prescrire en référé, ou sur requête, à toute personne mentionnée à l’article 6-I 2° (les prestataires d’hébergement) ou à défaut à toute personne mentionnée au 1° de cet article (les fournisseurs d’accès), toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne.

B.– Sur les voies non contentieuses offertes aux victimes (les moyens de protection)

1) L’exercice d’un droit de réponse en ligne

PrincipeL’article 6-IV de la loi du 21 juin 2004 consacre le principe d’un droit de réponse en ligne, dont le régime diffère selon que le requérant est en mesure ou non de déposer sa réponse sur le site litigieux.Si le requérant au droit de réponse est en mesure de déposer sa réponse sur le site Internet litigieux, alors la personne qui se prétend diffamée ou injuriée n’est pas soumise à l’envoi d’une lettre recommandée au directeur de publication du site Internet dont il exige l’insertion d’une réponse (D. n° 2007-1527, 24 oct. 2007). Dans le cas contraire, la demande de réponse doit être adressée au directeur de publication, par lettre recommandée AR, ou par voie d’huissier de justice.Le refus illégal d’insérer une réponse consomme le délit de l’article 13 de la loi du 29  juillet 1881 (3 750 euros d’amende).

Palliatif ef! caceLorsque la victime n’entend pas judiciariser les accusations portées contre elle, le droit de réponse constitue une arme particulièrement utile pour démentir des attaques attentatoires à son honneur ou à sa considération.De nombreuses et diverses raisons peuvent conduire la victime à ne pas se risquer dans un procès pénal ou civil, notamment :– lorsque, pour des motivations et contingences politiques, un élu attaqué ne veut pas saisir le juge des dif� cultés rela-tionnelles qu’il rencontre avec l’un de ses agents ou l’un de ses administrés ;– ou lorsque le risque de relaxe apparaît, en l’espèce, trop important voire quasi-certain. Il convient de souligner à ce titre que le droit de réponse n’est pas subordonné à l’existence préalable d’une infraction de presse. Une réponse peut même être exigée d’un directeur de publication, à l’encontre d’un article trop élogieux. Le droit de réponse constitue donc un moyen de protection fort ef� cient de la e-réputation, en ce sens qu’il peut pallier les incertitudes d’une action judiciaire rendue peu opportune, notamment :– au regard des moyens de défense que pourraient soulever le prévenu (telle que la bonne foi, la polémique politique ou syndicale, le débat d’intérêt général couvert par l’article 10

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E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES ET E-RÉPUTATION DES ÉLUS : LES ATTEINTES À L’HONNEUR ET AU DEVOIR DE RÉSERVE

À L’HEURE DE FACEBOOK ET DES RÉSEAUX SOCIAUX

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Aussi, systématiquement, le service juridique se fait communi-quer très rapidement l’article, la page web où l’élu est critiqué, a� n de véri� er la teneur des propos tenus, notamment leur caractère diffamatoire ou pas.En second lieu, nous attirons l’attention de l’élu sur le délai de prescription – très court – qui est de trois mois.Dans l’hypothèse où la page web, ou l’article en cause, s’avère diffamatoire, il leur est conseillé en premier lieu de faire constater le délit par huissier ; en second lieu, de demander le retrait de l’article et à défaut de suite favorable, de prendre l’attache d’un avocat pénaliste a� n de déposer plainte.Nous avons également pu constater que certains élus (no-tamment ceux qui ne tiennent pas un blog, par exemple) ne connaissent pas bien les règles de droit applicables en matière de diffamation sur Internet. S’ils connaissent mieux le droit de réponse ou l’action en diffamation lorsque celle-ci se produit en matière de presse écrite, ces ré% exes ne sont pas forcément les mêmes lorsqu’il s’agit d’internet.Il est aussi recommandé aux élus mis en cause sur la toile d’en informer le procureur de la République qui, selon eux, ne leur accorde pas toujours une écoute attentive. Il leur est rappelé qu’en tant qu’of� cier de police judiciaire, ils sont tenus d’informer le procureur de toutes les infractions dont ils ont connaissance.

Un constat aujourd’hui : l’assemblée délibérante d’une collec-tivité locale n’a plus le monopole de l’information sur la vie municipale. Internet s’est imposé sur cet espace où chacun, élu ou non, est libre de faire connaître son avis, ses critiques sur la gestion et l’administration de la commune.Je souhaiterai en premier lieu brosser un tableau des cas de diffamation ou de mise en cause des élus qui ont saisi notre service juridique. Se sont ainsi présentés le cas :– de diffamation d’un élu sur le blog d’un membre de l’op-position ;– de l’enregistrement d’une séance du conseil municipal et de sa diffusion sur le blog d’un administré (avec ou sans commentaire critique) ;– d’injures par e-mail du premier élu, avec sa diffusion en copie à d’autres membres de l’équipe municipale ;– de diffamation d’un préfet sur le blog d’un membre de l’opposition d’un conseil municipal.Lorsque les élus nous saisissent, force est de constater qu’ils sont, si ce n’est indignés, outrés, voire très énervés. Tous souhaitent savoir de quelle manière ils peuvent réagir car ils estiment très souvent qu’il y a eu atteinte à leur honneur mais aussi à leur crédibilité politique.Mais toute critique, si aigue soit elle, n’est pas forcément diffamatoire.

2075RLCT

Quels sont les conseils prodigués aux élus ?

Par Annick PILLEVESSEResponsable du

Département du ConseilJuridique et de la

Documentation de l’AMF

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grande richesse (données institutionnelles, presse du monde entier, contacts, espaces de discussion, etc.).Pour le public des médias, c’est la possibilité d’exercer une « veille critique » permanente sur le travail des journalistes – et beaucoup ne s’en privent pas –, mais aussi une interacti-vité plus forte avec ces médias, et la possibilité de participer à la fabrication même de l’information : enquêtes participatives pour les uns, comité de rédaction ouvert pour d’autres, envoi d’informations, de textes, de photos, de vidéos… Avec, der-rière, un travail de contrôle des journalistes professionnels.Ce qui est négatif tourne autour de ce qu’on appelle le « temps réel », c’est-à-dire l’immédiateté en continu. Il produit une course effrénée à la rapidité. En résulte moins de véri� cation de l’information, moins de recoupement avec des sources multiples. Paradoxalement aussi moins de profondeur et de complétude. Et une tendance à un « journalisme assis », derrière son ordinateur, alors que le métier de journaliste est avant tout le « terrain », assister à des événements, rencontrer des gens, chercher de l’information, faire du reportage, de l’enquête, de l’interview…Ce qui ne bouge pas, en revanche, c’est que le journalisme est un métier, avec ses « fondamentaux », dont la dé� nition reste la même (v. Manuel de journalisme, Éd. La Découverte, 2e éd., 2008) : recueillir et chercher des informations et les traiter pour les diffuser à destination d’un public.

B.L. : Le Net est donc une source d’information comme une

autre ?

Y.A. : C’est comme cela qu’il faut considérer la Toile, alors qu’une tendance existe à en faire « la » source de l’information. Pour bien utiliser Internet, il faut deux conditions : véri� er, valider ce qu’on y trouve et ne pas être naïf ; car Internet est aussi le lieu privilégié des rumeurs, des canulars, des manipula-tions, des informations fausses propagées de site en site, voire de la désinformation avec des sites qui s’avancent masqués…

B.L. : Comment les journalistes ressentent-ils la nécessité d’une

déontologie ?

Y.A. : Mal au premier abord : ils récusent tout « ordre » des journalistes, ils n’aiment pas avoir des comptes à rendre, ils brandissent la liberté de la presse et du journaliste… Sur-tout, beaucoup n’ont pas intégré une vérité fondamentale d’une société démocratique : autant la liberté de la presse est indispensable à son bon fonctionnement, autant elle doit s’accompagner d’une responsabilité à l’égard du public que l’on a la charge d’informer. Liberté égale responsabilité. Ce qui rend nécessaire une forme de régulation de l’information et des médias.

B.L. : Quelle est l’actualité du sujet ?

Y.A. : Il existe une centaine d’instances d’autorégulation dans le monde, une vingtaine dans l’Union Européenne, mais en

Bruno Leprat : Quelles sont vos réactions à ce qui s’est dit

aujourd’hui ?

Yves Agnès  : Évidemment, les journalistes ont une pro-blématique inverse de celle des fonctionnaires  ! Quand ces derniers parlent de « secret » et de « discrétion », les autres s’efforcent d’obtenir des informations au-delà de tout devoir de réserve…Plus sérieusement, on a évoqué des « pertes de repères » : c’est quelque chose que les journalistes connaissent très bien. Leur profession est en effet la moins organisée qui soit  : pas de règles, de codes, de formation obligatoire… Deux éléments structurants seulement, leur statut dé� ni par la loi de 1935 avec la délivrance d’une carte professionnelle et une convention collective nationale signée pour la pre-mière fois en 1937. Lorsque les valeurs s’effacent, ils sont particulièrement concernés.Une chose m’a frappé pendant toute cette journée : lorsqu’on parle ici de déontologie, on parle en fait de droit, des lois et règlements. Y compris lorsqu’on a abordé la question des chartes internes. Pour les journalistes français, qui sont confrontés à l’un des droits de la presse les plus étendus au monde, la déontologie englobe à la fois le respect de ce droit, mais aussi des questions qui n’y sont pas incluses, par exemple la question très importante des con% its d’intérêts, ou l’indépendance à l’égard des sources, ou encore la notion d’équité de l’information, etc.On a aussi parlé d’une « e-déontologie », d’une « déontologie électronique » qui serait parallèle à une déontologie classique. Je pense que cette distinction ne s’impose pas. Il y a une déontologie, quels que soient les supports d’information pour laquelle elle est concernée. Au reste, le droit qui s’applique à Internet est le même que pour les autres médias.Parmi les solutions intéressantes par rapport aux con% its avec l’extérieur, comme la diffamation, il ne faut pas oublier, à côté des dispositions juridiques, le recours à la médiation. La médiation s’impose de plus en plus en France dans de nombreux secteurs, c’est une avancée démocratique. Dans la proposition de notre association APCP d’une instance natio-nale de déontologie pour les médias et les journalistes, nous incluons la médiation.Pour les journalistes et médias professionnels, en� n, il faut distinguer d’un côté la libre expression sur des blogs ou des sites privés – qui donnent sa pleine capacité d’application à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 – et de l’autre côté le journalisme et les médias professionnels, dont la � nalité est avant tout l’information du public.

B.L. : En quoi Internet et les réseaux sociaux ont-ils bousculé

les habitudes de travail des journalistes ?

Y.A. : C’est effectivement un bouleversement. Le positif pour les journalistes est d’avoir à leur disposition un instrument de recherche d’informations considérable et planétaire, d’une

2076RLCT

Intervention d’Yves AGNÈSJournaliste, ancien rédacteur en chef du Monde, ancien Directeur du Centre de formation professionnelle des journalistes (CFPJ), Président de l’APCP, Association de pré! guration d’un Conseil de presseInterviewé par Bruno LEPRAT, journaliste

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E-DÉONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES ET E-RÉPUTATION DES ÉLUS : LES ATTEINTES À L’HONNEUR ET AU DEVOIR DE RÉSERVE

À L’HEURE DE FACEBOOK ET DES RÉSEAUX SOCIAUX

84 R E V U E L A M Y D E S C O L L E C T I V I T É S T E R R I T O R I A L E S • D É C E M B R E 2 0 11 • N ° 74

France elle a depuis toujours été refusée. Notre Association de Pré� guration d’un Conseil de Presse, créée � n 2006, a largement contribué à faire évoluer les esprits, au sein de la profession et à l’extérieur d’elle. La déontologie est désormais reconnue comme l’une des préoccupations majeures de la pro-fession, alors qu’elle était quasiment un tabou voici cinq ans. Pourtant, les organisations professionnelles (syndicats patronaux

et de journalistes) ont refusé en juin 2011 l’adoption d’un code déontologique commun… Pour notre part, avec certaines de ces organisations, des médiateurs, des associations de la société civile, etc., nous allons mettre sur pieds dès novembre 2011 un « Observatoire des pratiques déontologiques dans les mé-dias ». Une étape, espérons-nous, avant la création d’une vraie instance de médiation et de co-régulation, avec le public.

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Mme Mlle M.

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• Activité des EPL : - Domaines d’intervention (SEM, SPLA, SPL)- Méthodes d’intervention (prestataire, maître d’ouvrage)- Relations avec les collectivités (financement structurel,financement opérationnel)

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