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1 Garantir la protection des données personnelles sans freiner l’innovation et le développement économique Pauline Berdah Juin 2014

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Garantir la protection des données

personnelles sans freiner l’innovation

et le développement économique

Pauline Berdah

Juin 2014

2

Introduction ___________________________________________________________________ 3

I. L’état garant de la protection de nos données personnelles ________________________ 11

A. La loi informatique et liberté dépassée ________________________________________________ 11

B. Vers une harmonisation des droits nationaux par le règlement européen ____________________ 17

II. La mise en œuvre par la société civile de compromis garantissant la protection des données

personnelles __________________________________________________________________ 23

I. ____________________________________________________________________________ 23

A. La propriété cédée _________________________________________________________________ 23

1. La Marchandisation des données personnelles ________________________________________ 24

2. La restitution des données personnelles contre des services _____________________________ 28

B. La propriété partagée ______________________________________________________________ 39

Conclusion ____________________________________________________________________ 43

Annexes __________________________________________________________________ 45

Sources ______________________________________________________________________ 45

A. Entretien et conférences ____________________________________________________________ 45

B. Bases de données _________________________________________________________________ 45

C. Sites internet _____________________________________________________________________ 46

Sommaire

3

« Si vous faites des choses en souhaitant que personne ne le sache, alors

vous devriez vous dispenser ». Cette phrase est celle d’Eric Schmidt président

directeur général de Google en 2009.

Aujourd’hui, notre société moderne se base de plus en plus sur les

données qui constituent les briques de la société d’information. Le volume de

données ne cesse de s’accroître avec le développement du numérique. Leur

quantité est en croissance exponentielle si bien que le spécialiste américain du

stockage EMC a dévoilé les résultats de sa 7ème étude mondiale “Digital

Universe”, réalisée avec le cabinet IDC. Il énonce que le volume mondial de

données numériques sera décuplé entre 2013 et 2020, pour atteindre 44

zettaoctets (soit 44 milliards de teraoctets)1. Le volume de données augmente de

manière exponentielle si bien que 90% de l’ensemble des données aujourd’hui

disponibles a été créé ces deux dernières années2.

Qualifiées de Big Data dans le monde anglo-saxon, ces données

représentent des masses considérables et ont une valeur inestimable pour la

société. Le site «Qmee» a réalisé une infographie en Juillet 20133 des données

circulant sur le web en 60 secondes. Le résultat est édifiant, 2 millions de

recherches Google sont effectuées, 200 millions de courriels sont échangés dans

le monde ainsi que 1.8 millions de « like » sont réalisés sur Facebook. Les

individus produisent chaque jour de leur plein gré sur internet des masses

gigantesques de données afin de communiquer avec l’extérieur aussi bien à titre

personnel que professionnel.

1 http://www.itforbusiness.fr/news/item/4732-les-objets-connectes-vont-doper-le-volume-de-donnees-

numeriques 2 Brasseur C. (2013), Enjeux et usages du big data. Technologies, méthodes et mises en œuvre, Paris, Lavoisier,

p.30 3 http://www.mycleveragency.com/blog/2013/07/qmee-find-out-what-happens-online-in-60-seconds/

Introduction

4

Avec l’explosion du numérique dans tous les secteurs de notre société

moderne, les données que nous produisons chaque jour ont acquis de la valeur.

Chaque requête sur Google, chaque post sur Facebook, chaque tweet sur Twitter,

chaque achat sur Amazon viennent grossir notre identité marchande virtuelle.

Cette masse d’information fait la fortune des géants du net comme Google et

facebook qui ont bâti leur business model sur ces données que nous fournissons

gratuitement et qu’ils revendent ensuite aux annonceurs. Les marques et les

publicitaires s’empressent de traiter et exploiter les milliers de traces laissées sur

le net et les réseaux sociaux afin de mieux cerner nos habitudes consuméristes

et sociétales dans le but d’adresser à l’internaute la bonne offre, au bon moment,

au bon endroit. La chaîne américaine d’hypermarchés Target4 est même capable

de prévoir, presque au jour près, les accouchements de ses clientes.

De plus, avec l’émergence des sites de réseaux sociaux tels que Twitter,

Facebook, Meetic, ou viadeo, les individus acceptent davantage de livrer des

informations sur eux-mêmes dans le cadre de leurs loisirs. On assiste à une

multiplication des données personnelles d’une nature beaucoup plus déstructurée

et informelle comme les messages, les contacts, les expressions de l’individu, les

relations, les commentaires, les images ect. Ces informations peuvent être

fournies par l’internaute lui-même ou bien des tiers. On constate que les

individus transmettent et publient volontairement des volumes croissant

d’informations intimes aux entreprises ; informations qu’elles n’auraient jamais

eu ni l’opportunité ni le droit de récolter en temps normal. Les réseaux sociaux

ne cessent de se renouveler afin d’attirer toujours plus de clients. Ils offrent des

services toujours plus innovants, et généralement gratuits, mais souvent en

contrepartie d’une utilisation commerciale des données personnelles de leurs

utilisateurs. Ce traitement des données personnelles peut être fait directement

par les réseaux sociaux ou bien réalisé par des partenaires tiers, d’où la difficulté

de savoir précisément ce qu’il advient de nos données.

Mais ce n’est pas seulement les réseaux sociaux qui sont concernés par ce

traitement massif des données personnelles mais c’est tout « l’internet » à

proprement parler. Les moteurs de recherche sont devenus un passage presque

obligatoire dans notre utilisation d’internet. En effet, dès qu’une personne

4 http://www.nytimes.com/2012/02/19/magazine/shopping-habits.html?pagewanted=all&_r=0

5

souhaite passer une commande ou réserver elle accepte par contrainte déguisée

de fournir des données à caractère personnel (le nom, l’adresse, le numéro de

carte de crédit, habitudes de consommation, types de produits ect), information

qui circule de plus en plus rapidement sur la toile et pose de nombreux

problèmes de protection et de contrôle. Plus grave, internet permet aussi de

collecter toutes sortes de données indirectement ou directement personnelles

sans aucune démarche volontaire et totalement à l’insu de la personne grâce

notamment aux traces numériques comme les traces de navigations, les données

de connexion, les cookies. Le géant du web Google a même annoncé

publiquement qu’il scannait les emails des internautes5 pour y trouver des mots-

clés à des fins publicitaires. Mieux encore, Google mémorise l’adresse de

l’ordinateur, son type de navigateur, son système d’exploitation pour pouvoir

l’identifier facilement plus tard.

Cette tendance de diffusion massive de données personnelles va

inéluctablement s’accentuer dans les prochaines années avec l’émergence de

l’Internet des Objets. Les objets connectés (ou IOT « internet of think »6)

représente une nouvelle étape de la numérisation du monde et font ainsi partie

des 34 projets d'avenir7 sélectionnés par François Hollande afin de relancer

l'industrie française. Ces nouveaux instruments technologiques permettant de

stocker une quantité substantielle de données s’avère être une étape

incontournable dans l’évolution du monde numérique. En effet, Le groupe

d’analyse IBSG de Cisco estime que le nombre d’objets reliés à internet sera de

25 milliards dans le monde d’ici 2015 et 50 milliards, d’ici à 20208. Les objets

connectés sont difficiles à ranger en une seule catégorie car ils se caractérisent

précisément par leurs diversités d’usages (télévision connectée, frigo connecté,

fourchette intelligente, outils de santé connectés telle qu’une balance ou un

tensiomètre) et par leurs différents secteurs d’application (le transport, la santé,

l’électronique grand public (domotique, vidéo surveillance), l’énergie et

l’industrie). Dans un futur proche, les objets connectés et leur technologie vont

impacter directement nos vies en faisant évoluer la façon dont on vit et on

interagit. Les starts up spécialisées sur ce marché ne cessent de fleurir chaque

5 http://www.itespresso.fr/cgu-google-scanne-messages-gmail-74670.html

6 http://fr.wikipedia.org/wiki/Internet_des_objets

7 http://www.redressement-productif.gouv.fr/nouvelle-france-industrielle

8 http://share.cisco.com/internet-of-things.html

6

jour. La France a d’ailleurs ses sociétés phares dans ce secteur très spécialisé. En

effet, le made in France dans le domaine de la robotique et des objets connectés

a été plus que remarqué lors du CES de Las Vegas9 (Consumer Electronics

Show). La société française Withings10 spécialisée dans la conception d’objets

connectés permet d’améliorer le bien-être et le physique des utilisateurs

(balance, bracelet, thermostat connectés). Ayant reçu le prix innovation 2014

lors de la 5ème édition des Acsels du numérique11, Withings annonce une nouvelle

ère de la prévention de la santé. Le numérique offre l’opportunité de passer

d’une médecine curative à une médecine de plus en plus préventive grâce à ces

objets connectés qui facilitent l’observation des individus et permettent la

transmission des informations de santé en temps réel. La société Parrot a quant

à elle présenté Flower power12, le capteur intelligent pour plantes le plus avancé

du marché, permettant de surveiller les plantations en temps réel en informant

leurs propriétaires des besoins (ensoleillement, température, humidité du sol)

par message sur leur Smartphone. Concernant le domaine de la santé, même si

les objets connectés permettent un suivi des caractéristiques de santé des

individus, et une prédiction des maladies par détection des comportements, de

nombreuses problématiques juridiques apparaissent. Comme ce secteur fait

appel le plus souvent à des données sensibles alors l’enjeu majeur des

prochaines années sera la protection des données personnelles ainsi que celle

des systèmes d’informations.

Bien souvent, ces mêmes données renferment des informations

personnelles voir confidentielles relatives aux individus comme le nom, prénom,

numéro de téléphone, adresse, numéro de sécurité sociale mais aussi les

habitudes de consommation, les données de santé, l’historique de ses achats, les

rendez-vous ou les demandes d’informations, les navigations ou encore les

recherches. Réelle source de convoitise, ce sont ces informations que les

différents acteurs économiques (entreprises, organisations et administrations)

veulent à tout prix obtenir. Chacun s’engage alors dans une course effrénée à la

monétisation à prix d’or des données personnelles que les individus disséminent

9 http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-medias/actu/0203228783978-cinq-innovations-made-in-

france-en-vedette-a-las-vegas-641411.php 10

http://vitrine.withings.com/ 11

http://www.acsel.asso.fr/2014/les-laureats-de-la-cinquieme-edition-des-acsel-du-numerique/ 12

http://www.lexpress.fr/actualite/high-tech/parrot-flower-power-l-appli-pour-avoir-la-main-verte_1318820.html

7

à longueur de temps. Ces données produites à la fois par les usagers et par les

systèmes que nous utilisons souvent à notre insu, sont au cœur de l'économie de

la société de l'information, et donc de l'économie. Ces précieuses ressources sont

devenues le moteur de l’innovation et de la compétitivité de nos sociétés

modernes.

Ainsi, un nombre incalculable de données comportant des informations à

caractère personnel sont traitées chaque jour en faisant l’objet d’un traitement

informatique ou manuel. C’est pourquoi les entreprises et administrations doivent

se conformer à la loi du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés » modifiée

par la loi du 6 août 2004, pour pouvoir collecter, utiliser, traiter, communiquer

ces données personnelles qui constituent pour eux une matière première

essentielle de l’économie de la connaissance. Cette loi a pour objectif de protéger

l’individu contre le traitement informatique des données personnelles. Vieille de

trente ans, cette loi a eu le mérite d’avoir anticipé un grand nombre de

changements technologiques. Cependant, nous sommes arrivés à son terme. Les

évolutions technologiques ne cessent de s’accroitre, les données provenant de

plus en plus de sources différentes circulent sur la toile toujours plus rapidement

et ne cessent de faire l’objet de mauvais traitements et de nombreux

détournements à l’insu des personnes concernées. Nombreux sont les articles

dans les journaux qui évoquent le non-respect des entreprises aux obligations

de sécurité informatique ou aux pratiques de protection des données

personnelles contraires à la loi13. Le géant américain Google, a récemment fait

l’objet d’une condamnation par la CNIL d’une amende de 150 000 euros14 pour

mauvaise politique de confidentialité des données sur internet.

L’individu et ses données n’ont jamais été autant au cœur des stratégies

commerciales des entreprises et cette situation n’est pas prête de s’inverser. Les

outils aujourd’hui disponibles permettent de croiser toutes les données d’un

individu (habitudes de vie et de consommation, utilisations d’Internet, contenus

des courriers électroniques, numéros de téléphone, etc.) aboutissant à une réelle

transparence du citoyen (profilage du consommateur15). S’il est légitime de

13

http://www.legavox.fr/blog/maitre-anthony-bem/plainte-cnil-contre-facebook-pour-7084.htm#.U4C5Pfl_uQc 14

http://www.lemonde.fr/technologies/article/2014/01/08/donnees-personnelles-la-cnil-sanctionne-google-de-l-amende-maximale-de-150-000-euros_4344846_651865.html 15

http://www.senat.fr/rap/r08-441/r08-44112.html

8

connaître ses clients et ses prospects pour mieux comprendre leurs besoins et

leurs attentes, il est nécessaire de maintenir un équilibre entre la connaissance

des comportements des consommateurs et la protection de leur vie privée. Or,

ces techniques marketings aboutissent souvent à une inquiétante ré-

identification des personnes au détriment de leur vie privée.

De plus, cette soif constante de données conduit à des capacités de

surveillance et de traçage des individus par les autorités comme par les

entreprises privées qui n’ont jamais été aussi développées, omniprésentes,

puissantes et discrètes qu’auparavant. Les systèmes de fichage systématique des

personnes sont aujourd’hui devenus incontournables pour accomplir tous les

actes courants de la vie quotidienne. Les individus n’ont pas de contrôle sur ce

que les organisations savent d’eux. Le déséquilibre de connaissances et donc de

pouvoir entre les individus et les organisations ne cesse de s’élargir.

La chancelière allemande a même évoqué la problématique lors de

l’ouverture du CeBIT (salon des technologies de l'information et de la

bureautique) de Hanovre. Après avoir évoqué les changements induits par les

nouvelles technologies, l’évolution des interactions entre homme et machines

ainsi que l’arrivée de l’internet des objets, elle porte une attention toute

particulière aux problématiques que tous ces changements opèrent. Elle précise

qu’« Aujourd’hui l’individu peut recevoir des quantités d’informations, mais cela

n’est pas sans conséquence sur la société. Il faut aussi réfléchir en terme de

sécurisation, protection de la vie privée et de partage y compris avec les réseaux

sociaux »16

Ainsi, la protection des données personnelles apparaît de plus en plus au

centre des préoccupations des consommateurs, toujours plus nombreux

désormais à se questionner au sujet du traitement et de la sécurité de leurs

propres données et souhaitent bénéficier de plus d’informations à leur sujet. Dès

lors, ce sujet de la protection des données personnelles, longtemps réservé aux

spécialistes et aux militants a gagné depuis quelques années un cran de

considération dans notre société moderne. Cette demande de régulation sur les

données personnelles, qu’elles soient utilisées par des gouvernements ou des

entreprises, recueille de plus en plus d’écho. De plus, le scandale des écoutes de

16

http://www.silicon.fr/cebit-2013-lallemagne-veut-encore-croire-a-la-croissance-84055.html

9

l'agence nationale de la sécurité (NSA) américaine a donné un nouvel élan au

débat sur la protection des données et des systèmes d'information. Depuis

l'affaire Snowden, la protection des données revêt un caractère particulièrement

sensible. Toutes les questions qu'elle suscite, y compris les aspects

transfrontaliers, sont omniprésentes dans la vie de chacun, dans ses relations

avec l'administration, dans son travail, dans le domaine de la santé, lorsque l'on

surfe sur Internet ou lorsque l'on effectue des achats. Ainsi, l’explosion des

données numériques circulant sur la toile couplée à l’accroissement du nombre

de litige relatif au traitement illégal des données personnelles pose un défi à la

fois politique, économique, géopolitique et juridique. Il est donc essentiel d’agir.

Ce nouveau marché technologique des données personnelles ouvrant de

nouvelles perspectives économiques prometteuses et étonnantes, doit cependant

être accompagné dans sa structuration et son développement. En effet, pour

garantir son développement harmonieux à moyen et long terme, et favoriser un

nouvel écosystème économique innovant et créateur de valeur pérenne, il faut

s’assurer que l’échange et l’utilisation massive des données personnelles se

fassent dans le respect de la vie privée de chaque individu. Il faut également

favoriser les investissements des entreprises quant à la collecte et à

l’organisation des données et enfin instaurer une saine concurrence économique.

Dès lors, comment garantir la protection de nos données

personnelles sans freiner l’innovation et le développement économique ?

Ainsi, l’Etat se place naturellement comme le garant de la protection de

nos données personnelles et encourage l’adoption du futur règlement européen

sur la protection des données personnelles permettant de réduire la situation

asymétrique entre les individus et les organisations. Si cette situation perdure, à

terme, le citoyen choisira l’option de moins partager, ce qui pourra être néfaste

pour notre économie moderne. En outre, il faudra être vigilant quant à l’équilibre

à trouver entre d’une part, un renforcement de la protection des données

personnelles de l’individu et d’autre part, la sauvegarde de l’innovation et du

développement économique.

Face à cela, d’autres modèles existent où la société civile peut se mobiliser

afin de créer une relation gagnant-gagnant entre les organisations privées et le

consommateur. En échange de données qu’il déclare et consent à partager,

10

l’individu obtient des avantages en nature comme des services ou même de

l’argent.

« Tout le monde s’accorde pour dire que les internautes doivent pouvoir

mieux maîtriser leurs données », énonce Edouard Geffray, le secrétaire général

de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)17. Mais cela

doit-il passer par un renforcement de la législation existante (I), par de

nouveaux droits ou bien par de nouveaux outils (II) ? 

17

http://www.cnil.fr/linstitution/actualite/article/article/edouard-geffray-est-nomme-secretaire-general/

11

Pour protéger le citoyen et le consommateur d’une collecte et d’une

utilisation abusive de ses données personnelles par les entreprises privées et les

acteurs économiques, la loi « informatique et liberté » et l’autorité administrative

indépendante (CNIL) ont été créés pour palier à ces risques. Cependant, au fil

des années et des évolutions technologiques cette loi s’avère ne plus être

adéquate (A), d’où la mise en place prochainement d’un règlement européen sur

la protection des données personnelles (B)

A. La loi informatique et liberté dépassée

L’idée de protéger les données à caractère personnel n’est pas tout récent,

le législateur français s’est rapidement préoccupé de la question du traitement

rapide des milliers de données des individus. En effet, la France a été l’un des

premiers pays à percevoir rapidement le danger provenant du développement

exponentiel de l’informatique et des fichiers par les pouvoirs publics ou le secteur

privé et ce bien avant le développement de l’informatisation généralisée des

entreprises et des réseaux. La révélation dans les années 1970 d’un projet du

gouvernement visant à identifier chaque citoyen par un numéro et

d’interconnecter sur la base de cet identifiant tous les fichiers de l’administration

créa une forte réaction dans l’opinion publique. Connu sous le nom de SAFARI18

(système automatisé des fichiers administratifs et du répertoire des individus),

ce projet faisait craindre un fichage de l’ensemble de la population. Le projet fût

retiré et le gouvernement décida d’instituer une commission afin qu’elle propose

des mesures tendant à garantir que le développement de l’informatique se

réaliserait dans le respect de la vie privée et des libertés individuelles. C’est ainsi

que fut créée la CNIL, instance d’information et de contrôle chargée de veiller au

18

http://www.cnil.fr/vos-droits/histoire/

I. L’état garant de la protection de nos

données personnelles

12

contrôle de cette loi du 6 janvier 1978. La France a donc été l’un des pays

précurseurs de la protection des données personnelles grâce à l’élaboration de la

loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux

libertés, communément appelée « loi Informatique et libertés ». Véritable pierre

angulaire de la société française informatisée, cette loi précise dans son article 1

que « l’informatique doit être au service de chaque citoyen […] elle ne doit

porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie

privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ». Ainsi, en se focalisant autant

sur la collecte des données que sur leur traitement, elle a pu édicter des

principes, comme la loyauté et la proportionnalité, qui résistent à l’évolution

technique et aux normes sociales. Cette loi visant à protéger l’individu contre le

traitement informatique des données personnelles a institué un cadre légal pour

le traitement, la collecte et l’utilisation des informations personnelles qui

permettent d’identifier directement ou indirectement des personnes physiques.

Cette loi a même inspiré les grands principes de la directive européenne

95/46/CE du 24 octobre 199519 relative à la protection des personnes physiques

à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation

de ces données. Cette directive a été transposée tardivement en France, par la

loi n° 2004-801 du 6 août 200420 relative à la protection des personnes

physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, qui a

permis d’actualiser la loi de 1978 sans changer fondamentalement les principes

antérieurement posés.

Elle va permettre d’alléger de façon substantielle les obligations

déclaratives des détenteurs de fichiers, d’accroître les pouvoirs de la CNIL en ce

qui concerne les contrôles sur place et les sanctions, et de renforcer les droits

des personnes. Cette loi de 2006 a également créé les « Correspondants

Informatique et Libertés » (CIL) qui sont des professionnels, qui veillent au

respect de la loi Informatique et Libertés au sein de leur organisme (entreprise,

administration ou collectivité locale).

Cette règlementation a été adoptée pour protéger les données

personnelles des citoyens mais finalement, qu’est-ce qu’une donnée

19

http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:31995L0046 20

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000441676

13

personnelle ? La définition de cette notion énoncée dans l’article 2 alinéa 221 de

loi de 1978 peut s’avérer complexe. « Constitue une donnée à caractère

personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui

peut être identifiée, directement ou indirectement (…) une personne physique ».

Ainsi, la notion de donnée à caractère personnel recouvre donc tout type de

données permettant l’identification d’une personne physique directement (nom,

prénom, photographie, ADN) ou indirectement. Dans ce dernier cas, il s’agit de

données qui peuvent permettre une identification des personnes soit par elles-

mêmes (exemple : numéro de sécurité sociale, adresse IP), soit par corrélation

(date et lieu de naissance, initiales du nom et du prénom etc.). Ces informations

vont permettre d’identifier de manière directe ou indirecte l’individu. La loi

poursuit dans son article 222 avec une définition extensive de la notion de

traitement à caractère personnel qui prend en compte tous les traitements,

automatisés ou non, de données à caractère personnel contenues ou appelées à

figurer dans des fichiers, dès lors que le responsable du traitement est établi en

France ou utilise des moyens situés en France. Cette définition permet d'inclure

des traitements qui ne sont pas délibérément structurés comme des fichiers mais

qui, du fait même des applications technologiques collectant des données,

peuvent être exploités comme tels.

La protection de ces données contre un traitement informatique constitue

donc une liberté fondamentale à la croisée d’autres droits fondamentaux,

notamment le droit de propriété, le droit au respect de la vie privée et la liberté

d’expression. Dès lors, les entreprises et organismes souhaitant utiliser les

données personnelles sont soumis à une règlementation contraignante

recouvrant de nombreuses obligations. Dans le but de préserver la

confidentialité et d’assurer la sécurité de ces données personnelles, la loi «

Informatique et libertés » impose aux responsables de traitement certaines

obligations. Parmi celles-ci figure le respect des droits d’opposition, d’information

et de rectification reconnus aux personnes physiques par les articles 3823, 3924 et

21

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=DF47DA9E3D0E5C75EE5A94FA278A52CE.tpdjo12v_1?idArticle=LEGIARTI000006528061&cidTexte=LEGITEXT000006068624&dateTexte=20140525 22

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=ABADBB07FB77480504746CBE2DCD4819.tpdjo07v_3?idArticle=LEGIARTI000006528061&cidTexte=LEGITEXT000006068624&dateTexte=20140610 23

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?cidTexte=JORFTEXT000000886460&idArticle=LEGIARTI000006528139&dateTexte&categorieLien=cid

14

4025. Tout réutilisateur doit donc mettre en capacité les personnes concernées

d’exercer leurs droits. Parallèlement, la loi impose aux responsables qui mettent

en œuvre ces traitements des obligations prévues aux articles 626 à 1027 de la loi

« Informatique et libertés », en particulier l’obligation de traitement loyal des

données et de recueil du consentement. De plus, la loi fait obligation à tout

responsable de traitement de respecter des formalités préalables, en particulier

l’obligation de déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et

des libertés (CNIL). Il appartient donc au réutilisateur de procéder, le cas

échéant, à ces formalités.

Ainsi, dès 1978, le législateur français a édicté une réglementation très

complète afin de garantir les droits des individus contre des traitements de

données personnelles. L'idée était davantage de protéger l'individu contre les

ingérences de l'Etat que de protéger l'individu contre les abus des entreprises

privées. Cependant, aujourd'hui dans un contexte de domination certaine des

géants du net comme Google et de Facebook, il semble évident que le danger

provient davantage des abus que peuvent commettre les personnes privées.

Ainsi, ces transformations exposent les données personnelles à de nouveaux

risques rendant le périmètre de la vie privée de plus en plus étroit. Le Web

repousse les frontière de la vie privée et les contours de cette notion de cessent

d’évoluer dans le monde des octets rendant toujours plus complexe son

appréhension par le droit.

En effet, le respect de la vie privée est de plus en plus mise à mal par les

acteurs économique. Considéré comme l’un des droits fondamentaux de l’être

humain, le droit à la protection de la vie privée est établi dans la Déclaration

universelle des droits de l'homme de 1948 (article 12), dans la Convention

24

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=DF47DA9E3D0E5C75EE5A94FA278A52CE.tpdjo12v_1?idArticle=LEGIARTI000006528143&cidTexte=JORFTEXT000000886460&dateTexte=20140525&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech= 25

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=DF47DA9E3D0E5C75EE5A94FA278A52CE.tpdjo12v_1?idArticle=LEGIARTI000006528146&cidTexte=JORFTEXT000000886460&dateTexte=20140525&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech= 26

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?cidTexte=JORFTEXT000000886460&idArticle=LEGIARTI000006528068&dateTexte=&categorieLien=cid 27

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=DF47DA9E3D0E5C75EE5A94FA278A52CE.tpdjo12v_1?idArticle=LEGIARTI000006528078&cidTexte=JORFTEXT000000886460&dateTexte=20140525&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=

15

européenne des droits de l'Homme de 1953 (article 8), et, en France, dans la

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et enfin dans le code

civil (article 9). Or, ce droit est de plus en plus rongé par la société grâce à des

systèmes de fichages systématiques des personnes, aujourd’hui devenus

incontournables afin d’accomplir tous les actes courants de la vie quotidienne.

Ainsi, les outils aujourd’hui disponibles permettent de croiser toutes les données

d’un individu (habitudes de vie et de consommation, utilisations d’Internet,

contenus des courriers électroniques, numéros de téléphone, etc.) aboutissant à

une réelle transparence du citoyen et, peut-être même, à une inquiétante ré-

identification de personnes au détriment de leur vie privée.

Si les principes de la loi de 1978 reste éminemment valables, ils

demeurent mal connus et sont perçus comme des corps étrangers tant par les

organisations que par les individus. En France, chacun peut y avoir accès grâce à

la loi informatique et liberté de 1978 mais selon Geoffrey Delcroix chargé

d'études innovation et prospective au sein de la Direction des études, de

l’innovation et de la prospective de la CNIL, rencontré lors d’un entretien dans

ses locaux, « c’est un droit très peu exercé. Et, quand il l’est, c’est toujours de

manière défensive, suite à un problème ou un litige». En pratique, ces droits sont

très rarement mis en œuvre malgré leur gratuité. Cette situation qui perdure

depuis plus de trente ans, illustre bien la complexité des droits et le déficit

pédagogique de la loi. Même si l’architecture de cette loi, entrée en vigueur il y a

30 ans, a fait preuve d’une remarquable anticipation, c’est une loi défensive qui

n’a pas d’utilité en tant que tel en dehors de la surveillance des pratiques des

entreprises. Au sein de son article 128, elle affirme que « l’informatique doit être

au service de chaque citoyen » et n’édicte que des limites. Cette loi, datant du 6

janvier 1978, souffre de ne proposer aucun principe positif capable de mobiliser

les individus et demeure aujourd’hui très largement perçue comme une

contrainte. Or, on ne peut pas envisager la question de la circulation et de

l’usage des données personnelles sous un angle uniquement protecteur et les

moyens de la CNIL apparaissent aujourd’hui quelque peu inadaptés eu égard à la

multiplication du nombre de données à caractère personnel, de fichiers et de

traitements.

28

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=DF47DA9E3D0E5C75EE5A94FA278A52CE.tpdjo12v_1?idArticle=LEGIARTI000006528059&cidTexte=LEGITEXT000006068624&dateTexte=20140525

16

De plus, le paysage numérique s’est considérablement modifié depuis

l’écriture de cette loi « informatique et liberté ». Les innovations récentes des

TIC ont déstabilisé le contexte règlementaire de la protection des données

personnelles. Lorsque la loi a été écrite dans les années 1970, le contexte n’était

véritablement pas le même. A l’époque, il n’y avait pas encore de moteurs de

recherche, de flux de données et de réseaux sociaux. Les évolutions

technologiques et les pratiques des acteurs économiques n’ont cessé d’évoluer

avec notamment l’apparition de la globalisation des échanges, de la

multiplication des flux de données et des nouvelles technologies de

communications. Aujourd’hui, l’accroissement constant des données circulant sur

la toile et la multiplication des litiges relatifs au traitement illégal des données

personnelles ne cessent d’élargir les déséquilibres entre les organisations et les

individus. Le gouvernement ne peut plus se contenter de protéger les individus à

l’aide d’un édifice, certes indispensable, mais débordé de toute part. Les abus

dans la collecte, le traitement et la circulation des informations se multiplieront

encore plus dans les années à avenir. Il est donc primordial d’agir afin de les

prévenir et de les corriger. Pour cela, il est nécessaire de prendre le temps de

réfléchir à la voie à adopter pour pallier à ces difficultés et trouver de nouvelles

pistes.

La France a toujours été pionnière en matière de protection des données à

caractère personnel, comme en témoigne l'adoption dès 1978, de la loi

« informatique et liberté », loi qui a fortement inspiré la directive du 24 octobre

1995 fondement de la politique européenne en la matière. Or, ce corpus élaboré

dans une époque où la révolution d’internet n’avait pas encore eu lieu, est

aujourd’hui devenu obsolète. Cette dernière souffre de son inadaptation au

développement quantitatif et géographique des données. À l'heure de nos

sociétés « numérisées» et « globalisées » l'adoption de nouvelles règles adaptées

à la réalité de notre économie doit être envisagée. C’est le futur règlement

européen qui permettrait d’apporter une réponse globale satisfaisante à l’échelle

européenne concernant la protection des données personnelles et de la vie privée

du consommateur.

17

B. Vers une harmonisation des droits nationaux par

le règlement européen

En quelques années, le monde numérique s’est installé en passant par

internet, par les réseaux sociaux et par la dématérialisation progressive de

toutes les activités humaines qui s’étend désormais du monde physique au

monde virtuel. La donnée est au cœur de ce monde offrant de nouvelles

perspectives prometteuses et étonnantes. Cependant, cette évolution doit

nécessairement être accompagnée dans sa structuration et son déploiement. En

effet, pour garantir son développement harmonieux à moyen et long terme et

favoriser un nouvel écosystème économique innovant et créateur de valeur

pérenne, il faut s’assurer que l’échange et l’utilisation massive des données

personnelles se fassent dans le respect de la vie privée de chaque individu tout

en favorisant les investissements des entreprises quant à la collecte et à

l’organisation des données. C’est la lourde tâche qui a été confiée au futur

règlement européen. En effet, l’Europe doit montrer qu’elle est capable de

s’adapter aux nouvelles réalités du numérique tout en préservant un haut niveau

de protection pour l’individu. Elle doit démontrer que sur un sujet aussi

fondamental, elle est capable d’innover et de construire une gouvernance

crédible et légitime de données personnelles. Ce règlement européen qui répond

au besoin d’adapter le cadre législatif aux évolutions technologiques et aux

pratiques de collecte et d’échange de données en forte augmentation devra

poursuivre deux objectifs qui sont la transparence et la traçabilité des données

personnelles. L'adoption par l'Union européenne d'un ensemble de textes

réglementant la collecte et l'utilisation des données personnelles permettra de

redonner à chacun le contrôle sur ses données tout en assurant un encadrement

identique et modernisé dans tous les pays de l’Union. En effet, cet ensemble

uniforme de règles aidera les entreprises à optimiser leurs activités dans l'Union

européenne grâce à une application largement plus simple et plus économique.

Aujourd’hui, l’activité des entreprises internet en Europe est alourdie par la

complexité juridique, liée à la gestion des données personnelles des internautes.

La directive de 1995, qui a fait l’objet de transpositions nationales variées

facilitant des disparités entre Etats membres, ne constitue plus un instrument

parfaitement adéquat. Aujourd’hui, chaque pays dispose de ses propres

18

règlementations ce qui complique inévitablement le marché. L’adoption d’un

règlement européen sur les données personnelles permettra d’appliquer les

mêmes règles dans chacun des pays de l’Union Européenne, ce qui permettra

aux entreprises de travailler plus facilement au-delà des frontières, et aux

citoyens d’être sensiblement plus sereins concernant le traitement de leurs

données personnelles. Ainsi, après deux longues années de vifs débats sur la

très attendue réforme du cadre juridique des données personnelles au sein de

l’Union Européenne, le parlement européen a adopté en première et unique

lecture, le 12 mars 2014, le projet de règlement29 sur la protection des données

personnelles déposé en janvier 2012. La majorité écrasante de ce vote (621

pour, 10 contre et 22 abstentions) a lancé un message sans équivoque. Selon la

commissaire européen à la Justice, aux Droits fondamentaux et à la Citoyenneté,

Viviane Reding, « le progrès sur la réforme de la protection des données est

désormais irréversible». La règlementation de la protection des données

personnelles assurée par une directive vieille de 18 ans, pourra être révisée dans

un sens favorable aux citoyens des 28 pays de l’union européenne.

Cependant, l’adoption de la version du projet de règlement dépendra de la

validation par le conseil européen. Cette étape décisive pour l’avenir va s’avérer

délicate car deux camps bien tranchés se disputent la place. D’un côté, les

défenseurs de la vie privée qui souhaitent que le texte réaffirme les règles

démocratiques de plus en plus bafouées aujourd’hui, comme en France où la

CNIL perd de plus en plus son pouvoir de contrôle, et d’un autre côté, les géants

du net qui craignent l’application de règles plus strictes en Europe qu’ailleurs en

offrant un cadre trop protecteur pour le citoyen.

Parmi les éléments phares du texte validé par le parlement européen, on

observe une réaffirmation des principes généraux relatifs à la protection des

données personnelles, tant en ce qui concerne les obligations des personnes

(droits d'information, d'accès, de rectification, d'opposition, etc.), qu’en ce qui

concerne les obligations des responsables de traitement (licéité et légitimité du

traitement, proportionnalité des données collectées, durée de conservation

limitée, etc.). En outre, ce texte introduit de nouveaux concepts pour les

responsables de traitement (réalisation d'analyses d'impact, désignation

29

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA-2014-0212+0+DOC+XML+V0//FR

19

obligatoire d'un délégué à la protection des données etc.), pour les personnes

dont les données sont traitées (renforcement du principe de consentement,

reconnaissance d'un droit à l'oubli numérique et d'un droit à la portabilité, etc.)

et également pour les régulateurs eux-mêmes (principe de « guichet unique »,

mécanisme de cohérence, etc)30. La cour de justice de l’Union Européenne n’a

d’ailleurs pas attendu le futur règlement européen pour consacrer le droit à

l’oubli numérique dans un arrêt du 13 mai 2014 GOOGLE SPAIN31. En effet, la

cour a estimé que les moteurs de recherche sont responsables du traitement des

données à caractère personnel qui apparaissent sur leurs pages internet et ont le

devoir dans certains cas de les supprimer. Cette décision est emblématique dans

la mesure où un consensus européen semble se dessiner au sujet du futur

règlement européen visant à refondre la règlementation applicable en matière de

protection des données à caractère personnel. Cependant, la formalisation d’un

droit à l’oubli recouvre de nombreuses difficultés comme la nécessité de trouver

un réel équilibre entre ce droit irrévocable et la liberté d’expression ou la

préservation du patrimoine informationnel.

Pour ce qui est du droit à la portabilité, le règlement souhaite mettre en

place ce nouveau droit afin que les citoyens puissent mieux contrôler leurs

données personnelles. Chaque individu obtiendrait un droit de récupération de

ses données personnelles qu’une entreprise ou une administration possède sur

lui. Ce droit à la portabilité permettrait aux individus de faire migrer à un

système de traitement ou une plateforme concurrente ou d’être inscrit au deux,

en emportant ses données personnelles (comme les profils ou les carnets

d’adresses) dans un format lisible. Le responsable de traitement actuel ne

pourrait naturellement pas s’y opposer. L’individu pourra tout à fait conserver

ses données au sein d‘une organisation mais les utiliser dans une autre, afin

d’obtenir différents services complémentaires par exemple. Cette démarche

favorisera la liberté de choix du consommateur qui pourra mieux maitriser ses

données et en tirer profit dans plusieurs systèmes de traitement ou dans un

seul.

30

http://www.cnil.fr/linstitution/actualite/article/article/seance-pleniere-du-g29-ordre-du-jour-des-9-et-10-avril/?tx_ttnews%5BbackPid%5D=91&cHash=c7d0a0ba00fa1e3e4870b89417008e44 31

http://www.legalis.net/spip.php?page=jurisprudence-decision&id_article=4131

20

Ainsi, l’introduction de ces futurs droits dans le règlement européen

permettra de redonner aux consommateurs une certaine protection et un

meilleur contrôle sur leurs données personnelles.

On peut se réjouir des progrès réalisés grâce à l’adoption de ce projet de

règlement européen sur la protection des données personnelles. Les eurodéputés

sont finalement parvenus à résister aux pressions des lobbys et ont rejeté la

plupart de leurs propositions préjudiciables. Cependant, plusieurs bémols sont

présents dans cette proposition de loi. En effet, des notions dangereuses

conservées au sein du rapport pourraient empêcher le texte définitif de protéger

les citoyens de manière effective. La définition de la notion d'« intérêt légitime »

semble bien trop large et pourrait être utilisée comme fondement légal

permettant d'outrepasser le consentement d'un individu afin de traiter les

données le concernant ». Sa définition sera au centre des débats lors de la

délibération par le conseil européen début juin 2014. En outre, le rapport

introduit le concept insidieux de données «pseudonymisées», si cher aux lobbys

des technologies. Or un amalgame est fait entre les pseudonymes (permettant

de singulariser l’individu sans avoir besoin de connaitre son identité civile) et les

données pseudonymisée (on remplace les données identifiantes par un code)

avec l’idée de créer une sous-catégorie de données personnelles soumise à un

régime de protection allégée sous prétexte que leurs traitements présenteraient

moins de risques. Ce terme de données « pseudonymisées » représente un réel

danger pour la protection des données personnelles du consommateur. Ainsi, ce

texte amendé par le Parlement a été transmis au Conseil mais laisse présager de

nouveaux remaniements de cette proposition de Règlement. Une fois approuvée,

le texte devra obligatoirement s'appliquer, deux ans plus tard, dans chaque pays

de l'Union.

Néanmoins, l’harmonisation aboutissant au futur règlement européen sera

forcément un compromis entre les différents droits nationaux. Ainsi, toute la

difficulté sera de respecter les différentes sensibilités nationales tout en

garantissant la protection des données personnelles, l’innovation et le

développement économique. La France souhaite agir pour la sauvegarde et la

protection des données personnelles de ses citoyens. Cependant, il s’avère

capital de bien réfléchir à la mise en œuvre d’un cadre légal adéquat pour la

protection des données personnelles des citoyens. Alors que l’Europe, et

21

notamment la CNIL en France, souhaite réglementer pour assurer la protection

des données personnelles des internautes, les Etats-Unis prônent le « tout

ouvert » pour protéger les mastodontes du net comme Google, Facebook,

Amazon et Apple où tout leur business model est basé sur la récolte des données

personnelles des usagers. Deux visions stratégiques totalement opposées se

dessinent pour les années à venir. Ainsi, la France doit réfléchir à la meilleure

solution à adopter. Dès lors, où placer le curseur ? Une trop grande

réglementation pourrait nuire au développement des entreprises européennes

ayant engrangées un retard conséquent. A contrario, vouloir renforcer la

protection des données personnelles en empêchant le recueil de données, c’est

bloquer l’innovation et donc freiner l’économie numérique. C’est pourquoi tous

les lobbys se pressent à Bruxelles32 concernant la négociation du futur règlement

européen en matière de protection des données personnelles en demandant la

sauvegarde de l’innovation.

Ainsi, selon Marielle Gallo33, députée européenne : « il faut trouver un

consensus sur ce texte européen et trouver un équilibre entre un niveau élevé de

protection des données personnelles et une flexibilité suffisante pour que

l’innovation et les entreprises puissent continuer à croître à et s’épanouir dans le

secteur du numérique »34. Ainsi, pour réaliser le marché unique du numérique en

Europe, on ne doit pas faire peser sur nos entreprises trop d’obligations qui

entraveraient cette marche d’innovation et de création de nouveaux services

basés sur le pétrole du XXI e siècle. On doit trouver un consensus entre les

groupes politiques et entre les 28 nationalités différentes. Dès lors, vont donc

s’opposer deux camps bien distincts, entre ceux qui ne veulent pas accabler de

charges trop lourdes aux acteurs économiques, et ceux qui veulent arriver à une

protection pratiquement absolue des données personnelles. Il est donc primordial

d’établir un équilibre sain entre ces deux positions.

En outre, il est important de souligner que si les citoyens affirment

toujours plus leur inquiétude vis-à-vis du fichage numérique, ces derniers

divulguent de manière très libérale les informations sur eux-mêmes et prennent

32

http://www.lemonde.fr/international/article/2013/12/05/les-geants-du-net-font-un-lobbying-intense-a-bruxelles_3526037_3210.html 33

http://fr.wikipedia.org/wiki/Marielle_Gallo 34

http://www.dailymotion.com/video/xu27td_itw-marielle-gallo-deputee-europeenne-colloque-fieec-cnil-sur-les-donnees-personnelles-3-octobre-201_news

22

peu de mesure pour se protéger d’éventuels abus de leurs données personnelles.

Daniel Kaplan précise qu’il s’agit là de la théorie du « privacy paradox »35. C’est

en 2005 que la fondation Pew36 résumait ainsi les pratiques des utilisateurs

américains de l’internet. D’un côté plus de 80% s’inquiètent de ce que des

entreprises qu’ils ne connaissent pas obtiennent et partagent de l’information sur

eux, et plus de la moitié pensent que les sites internet enregistrent des

informations personnelles à leur insu. De l’autre, les deux tiers de ces

internautes ont fourni des informations sur eux pour accéder à un site ou acheter

un produit en ligne et tout en sachant que cette recherche pouvait produire des

traces. Ainsi, tout en percevant les risques, les internautes ont tendance à

divulguer facilement des informations sur eux y compris des informations

considérées comme « sensibles ». Dès lors, quelle est la logique des

consommateurs ? Quoi qu’il en soit, il est nécessaire de bien réfléchir à la

règlementation à adopter et trouver un équilibre viable entre d’une part, une

surprotection des données qui nuirait à nos modèles économiques ou leur

patrimonialisation, et d’autre part, un système trop libéral où le consommateur

subirait la situation, impuissant, face aux géants du net.

L’adoption dans chaque pays membre de l’Union Européenne d’un même

règlement de protection des données personnelles sera une belle avancée. En

effet, ce futur cadre juridique permettra à l’Europe d’être plus intégrée et mieux

armée pour faire face à la mondialisation des transferts de données, sans

renoncer à ses principes et ses valeurs dont le citoyen est le centre de gravité.

Cependant, le cadre légal reste un minimum juridique permettant aux

consommateurs les plus fragiles de bénéficier d’une protection sur ses données

personnelles afin qu’ils ne subissent pas des abus des entreprises et

organisations. Si les individus veulent gérer leurs données comme ils l’entendent,

alors c’est à la société civile de se mobiliser afin de convenir d’un cadre de liberté

contractuelle pour définir de nouvelles manières d’utiliser et de gérer ces

données personnelles.

35

http://www.fing.org/?Informatique-Libertes-Identites 36

http://firstmonday.org/article/view/1394/1312

23

La législation française a pour but de prescrire un minimum légal à adopter pour

la gestion et la protection des données personnelles des individus mais cela ne

doit pas empêcher le citoyen libre et éclairé de choisir une solution

complémentaire afin de défendre au mieux leurs données personnelles. En effet,

la société civile a toutes les capacités requises pour adopter d’autres outils

permettant une meilleure gérance des données personnelles des

consommateurs. Des solutions existent et peuvent tout à fait être choisies en

complément de la règlementation actuelle ou future. Ces différents systèmes

n’ont pas vocation à s’opposer mais peuvent, non seulement cohabiter, mais

surtout, se compléter. Ces différentes solutions loin d’être antinomiques, peuvent

être mises en œuvre pour la gouvernance des données personnelles selon leurs

natures ou leurs fonctions. Ces options peuvent aller d’une marchandisation

classique (A), jusqu’à un changement total des mentalités pour aboutir à une

propriété partagée (B).

A. La propriété cédée

On peut imaginer un système ou les données auraient une réelle valeur. En effet,

ces données personnelles pourraient être échangées aussi bien contre une

rémunération, alors on parle d’une patrimonialisation des données personnelles

(1), que contre une multitude de services (2). Malgré tout, ces solutions devant

respecter le cadre légal établi en France, interviendraient en complément de la

règlementation française et européenne sur les données personnelles.

II. La mise en œuvre par la société

civile de compromis garantissant la

protection des données personnelles

I.

24

1. La Marchandisation des données

personnelles

a. Description

Une solution régulièrement avancée en matière de données à caractère

personnel est celle de la reconnaissance d’un droit de propriété sur ses données

personnelles. Ce mouvement dirigé principalement par l’avocat Alain

Bensoussan37, rencontré lors de la conférence à la fondation Télécom Paris sur

« les nouveaux droits de l’homme numérique », prône pour une

patrimonialisation des données personnelles38, c’est-à-dire un régime de droit de

propriété individuel commercialement cessible. Selon lui, ce droit de propriété

des données à caractère personnel constitue un véritable droit de l’homme

numérique car permettrait une allocation optimale des données personnelles

ainsi qu’une prise de conscience par l’individu de la valeur économique des

données le concernant. A l’ère de l’internet, les données sont des biens

incorporels, dont la propriété permettrait d’organiser leur protection, les

modalités de détention et les échanges de toutes natures, sous réserve des

règles d’ordre public.

Gilles Babinet responsable des enjeux du numérique pour la France auprès

de la Commission européenne et Pierre Bellanger, fondateur et PDG de Skyrock

ont une position similaire sur la politique de gestion des données personnelles.

Selon Mr. Babinet « à chaque révolution industrielle, on a construit le type de

droit approprié. A la première révolution industrielle, on a fait le Code civil […].

La deuxième révolution industrielle a amené le droit du travail. Il me semble que

va apparaître une sorte de droit de la donnée, et que ce droit va pallier la notion

de maîtrise territoriale : il va être associé à la notion de maîtrise personnelle de

ses données par l'utilisateur. […] « Chacun est propriétaire de ses propres

37

http://www.alain-bensoussan.com/ 38

http://blog.lefigaro.fr/bensoussan/2010/05/la-propriete-des-donnees.html

25

données » » 39. Ainsi, tous d’eux s’accordent à dire que les personnes doivent

être propriétaires de leurs traces numériques sur le réseau.

Très rapidement, les starts up y ont vu une opportunité d’affaire et n’ont

pas attendu pour se positionner sur un tel marché en pleine expansion. C’est le

cas de l’entreprise Américaine « Datacoup »40 ou de l’entreprise française « Yes

Profile »41 qui collecte les données personnelles d’un individu afin de les louer à

des tiers en échange d’une rémunération. Sur le site « Yesprofile », les

internautes doivent constituer un « profil » créé par l’accumulation des données

personnelles provenant à la fois des traces numériques sur le web, mais aussi

des informations telles que son e-mail, son adresse, son âge. Des

renseignements qui valent de l’or pour les publicitaires afin de cibler les clients.

Selon Viviane Reding, vice-président de la Commission européenne et

commissaire à la Justice, aux Droits fondamentaux et à la Citoyenneté énonce

que « Nos données sont devenues la monnaie de l’économie numérique ».

Cependant, si la raison première pour reprendre le contrôle de nos données est

l’aspect financier, les individus vont être déçus. En effet, ils vont mettre à

disposition leurs précieuses données personnelles en échange de revenus plus

qu’anecdotiques (la société « Datacoup » propose une rémunération de huit

dollars par mois42), ce qui conduira à un accroissement de l’asymétrie

informationnelle et du rapport de force entre entreprises et utilisateurs. Ce

concept à première vue attractif est très désavantageux pour le consommateur.

b. Mise en œuvre

Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la CNIL43, n'est pas favorable à

l'idée de laisser les individus commercialiser leurs propres données. Elle énonce

« Que l'individu devienne propriétaire de ses données personnelles est une

mauvaise idée, même si elle peut paraître séduisante a priori. Cela n'apporterait

rien voire moins que le système actuel : aujourd'hui vous avez des droits sur vos

39

http://www.lesechos.fr/13/02/2014/LesEchos/21626-060-ECH_la-propriete-des-donnees--defi-majeur-du-xxi-e-siecle.htm 40

https://datacoup.com/ 41

http://www.yesprofile.com/ 42

http://www.usine-digitale.fr/article/une-start-up-offre-huit-dollars-par-mois-aux-internautes-pour-acheter-leurs-data.N241039 43

http://www.cnil.fr/linstitution/qui-sommes-nous/membres/commission/isabelle-falque-pierrotin/

26

données personnelles, vous pouvez demander qu'elles soient rectifiées ou

supprimées. Si vous les cédez, vous n'aurez plus aucun droit »44. La secrétaire

d'Etat Axelle Lemaire est également contre l’idée d’une patrimonialisation et

invite à « ne pas s'enfermer dans l'idée de la propriété individuelle des

données », qu’elle considère comme une utopie. Axelle Lemaire veut moderniser

notre cadre législatif en légiférant rapidement sur la question.

Ainsi, cette solution ne semble pas la plus adéquate car revient à résumer

la donnée personnelle à une simple valeur transactionnelle et donc économique,

alors qu’aujourd’hui, l’édifice de la protection des données personnelles se fonde

avant tout sur la liberté, l’usage et surtout l’autonomie. Parler de propriété

reviendrait à appliquer un droit économique qui peut s’avérer complexe de

réalisation compte tenu de sa nature impalpable. Une analyse rigoureuse semble

analyser les données personnelles non en termes de droit patrimonial mais en

termes d’attributs de la personnalité qui se veut incessible « Bien que la

personne concernée ne soit pas « auteur » de l’information, au sens de la mise

en forme, elle est le titulaire légitime de ses éléments. Leur lien avec l’individu

est trop étroit pour qu’il puisse en être autrement. Quand l’objet des données est

un sujet de droit, l’information est un attribut de la personnalité »45. Ainsi

comment pourrait-on céder une donnée qui peut aussi être un attribut de sa

personnalité ? Ce régime semble totalement inadapté au monde d’Internet.

D’autres inconvénients surgissent quant à l’adoption de cette approche. La

propriété des données conduirait l’individu à gérer et protéger ses données pour

son propre compte alors que ce problème est mondial et relève de la société

toute entière. Cette vision aboutit à la montée inéluctable de l’individualisme et

donc à une augmentation des inégalités entre les citoyens numériques. En effet,

un fossé se formera entre les individus en capacité de gérer leurs données, de

les monétiser, de les protéger et les autres qui par manque de compétences, de

temps ou d’envie laisseraient faire l’économie de marché. La société se diviserait

en deux entre les personnes qui commercialisent leurs données sous forme

monétaire ou en échange de service et ceux qui préfèreraient les protéger de ce

44

http://www.latribune.fr/technos-medias/20140522trib000831369/un-an-apres-snowden-la-france-envisage-de-mieux-encadrer-l-utilisation-des-donnees.html 45

P. Catala, « Ebauche d’une théorie juridique de l’information «, repris in Le droit à l’épreuve du numérique, « Jus ex machina «, PUF, 1998.

27

vice. Aujourd’hui on peut déjà voir apparaitre des services comme Doodle46 ou

les individus payent le prix fort pour ne pas avoir de publicité (service

premiums)47. Or notons que cette dernière solution n’est absolument pas viable

pour la protection des données personnelles car certes la publicité directe n’est

pas utilisée, mais les opérateurs procèdent quand même à la collecte massive

des données personnelles et donc à leur monétisation.

Cette conception de patrimonialisation des données favorisera également

l’apparition d’un nouveau marché de protection des données personnelles où

fleuriront des sociétés chargées de la « protection des données numériques »

afin de vérifier quels organismes collectent les données personnelles de

l’individu, comment, pour qui ect. Aujourd’hui, ce type de service existe déjà,

notamment sur le thème de la e-réputation sur internet où des entreprises

comme RéputationVIP48 ou Fidzer49 ont pour mission de gérer, surveiller et

maîtriser la visibilité et notoriété dans le but de contrôler l’image d’un individu.

Là encore, une inégalité forte se créera entre les individus ayant les moyens de

s’offrir un tel service et les autres. Ce fossé numérique est induit par un

glissement d’un régime de droit vers un régime de propriété. Pour beaucoup

d’observateurs, cette patrimonialisation  des données pose plus de problèmes

qu’elle n’en résout. En effet, « Comment fera un journaliste qui voudra, pour un

article, utiliser les données que vous avez publiées sur un blog ou un réseau

social ? énonce Justin Brookman, responsable de la vie privée des

consommateurs, au sein du CDT (Center for Democracy and Technology). Par

ailleurs, « si vous cédez la propriété de vos données, que deviendront les droits

attachés à ces données ? Seront-ils cédés avec ? », demande Edouard Geffray,

secrétaire générale de la Cnil50.

Dès lors, même si cette solution recouvre de nombreux risques pour les

données du consommateur ce dernier peut très bien vouloir gérer ses données

personnelles en les marchandant via des sites dédiés. L’individu peut tout à fait

autoriser la transmission de ses données aux entreprises, c’est à lui de décider

46

http://doodle.com/fr/fonctionnalites 47

http://www.ictjournal.ch/News/2014/03/28/Doodle-lancera-bientt-une-version-premium.aspx 48

http://www.reputationvip.com/ 49

http://www.fidzer.com/ 50

http://www.lesechos.fr/04/03/2014/LesEchos/21639-050-ECH_comment-se-reapproprier-nos-donnees.htm

28

en fonction des avantages qu’il attend, ou des risques qu’il redoute, de

communiquer ou non ses données à ces sociétés privées.

Cependant, une autre option semble possible afin de réguler les relations

entre les différents acteurs, sans passer par une marchandisation des données

personnelles. Cette solution prône pour une restitution de l’intégralité des

données personnelles aux individus par les entreprises privée en échange d’un

service. Ce nouveau concept innovant pourrait aboutir in fine à une économie

plus saine et plus pérenne et ainsi bouleverser notre modèle économique

d’aujourd’hui.

2. La restitution des données

personnelles contre des services

Aujourd’hui, les individus ont de multiples raisons de vouloir faire usage de

leurs données personnelles en ligne et même d’autoriser certains acteurs

économiques à les utiliser. Si aujourd’hui, les puissants outils permettant

d’extraire la connaissance et produire de la valeur à partir de ces informations

sont encore réservés aux entreprises ou aux administrations, une solution existe

pour rompre avec cette situation d’asymétrie devenue insupportable. Les

individus disposent désormais de puissants moyens de traitement et d’échanges

d’informations et s’en servent pour échanger, contracter et s’exprimer. Et si les

individus pouvaient utiliser, à leurs propres fins, les masses de données dont les

organisations disposent sur eux ?

a. Description

Basé sur un pari osé, l’idée est que les entreprises qui depuis des années

accumulent sur tous les citoyens des informations, acceptent de les rendre ! Un

espace dédié sur le web concentrera toutes les données du client ou seul ce

dernier aura la clé. Née aux Etats-Unis, cette initiative vise à redonner au

consommateur la maîtrise de ses données personnelles issues de la sphère

marchande. Dans ce système, les sociétés mettent à disposition de leurs clients

29

les historiques de consommations et les autres informations à caractère

commercial qu’elles possèdent sous forme de fichiers exploitables par le grand

public. Cette démarche est basée sur le concept VRM51 (Vendor Relationship

Management ou gestion de la relation avec les vendeurs), le symétrique côté

consommateur du CRM52, (Customer Relationship Management), défini en 2006

par le blogueur et journaliste américain Doc Searls53 dans le cadre d’un

programme de recherche du Berkman Center for Internet & Society de

l’université d’Harvard. Cette initiative souhaite bouleverser le modèle

économique d’aujourd’hui en rejetant l’actuelle « économie de l’attention » dans

laquelle la publicité et le marketing dirigent les achats des citoyens.

La France est plutôt en avance sur ses confrères européens concernant

cette nouvelle révolution de la société numérique. C’est le projet MesInfos54,

mené par la Fondation pour l’internet nouvelle génération (FING55) qui vise à

expérimenter le retour des données personnelles vers les individus. Cette

expérimentation est basée sur une réflexion simple : « si j’ai une donnée sur

vous, vous l’avez aussi. Et vous en faites… ce qui a du sens pour vous! » C’est

autour de cette idée que, depuis 2012, la Fing et plusieurs partenaires dont la

Caisse des dépôts, le Groupe la poste, Alcatel-lucent ont engagé le projet

MesInfos. Le but est d’explorer ce qu’il se passerait si les organisations qui

possèdent des données personnelles partageaient ces données avec les individus

qu’elles concernent. En effet, selon Daniel Kaplan, co-fondateur et délégué

général de la FING56, rencontré lors de l’assemblée générale de la FING se tenant

à la Caisse des Dépôts «Les données personnelles sont une matière première

précieuse pour les entreprises qui n’hésitent pas à s’en servir. Il n’y a aucune

raison que les consommateurs n’en tirent aucun profit». Dans ce programme,

300 individus volontaires57 ont accès à leurs données personnelles restituées par

les organisations partenaires du projet via une plateforme personnelle de

données sécurisées. Mais parce qu’avoir accès à ses propres données brutes ne

suffit pas à leur donner de la valeur, une communauté de développeurs et

51

http://en.wikipedia.org/wiki/Vendor_relationship_management 52

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gestion_de_la_relation_client 53

http://www.searls.com/ 54

http://mesinfos.fing.org/ 55

http://fing.org/ 56

http://www.20minutes.fr/magazine/secoacher/donnees-objets/si-ces-donnees-ont-tant-dimportance-pour-les-entreprises-pourquoi-nen-auraient-elles-pas-pour-nous-92538/ 57

http://mesinfos.fing.org/projet/

30

designers est mobilisée pour concevoir des applications et services innovants

autour de ces données ouvrant un nouveau champ d’usages pour les individus.

Plusieurs entreprises notamment Axa, Banque postale, Crédit coopératif, Google,

Mousquetaire ou encore la Société générale ont participé à l’expérimentation qui

s’est déroulée de septembre 2013 à avril 2014. A terme, chaque individu pourra

avoir accès à l’ensemble des informations le concernant stockées sur une plate-

forme unique approvisionnée par les entreprises dont il est client et les données

pourront être partagées entre les applications.

Ce projet MesInfos est né en prenant le contre rebond de la situation

actuelle. Depuis des décennies, les entreprises et les administrations se sont

dotées de moyens toujours plus performants afin de capturer, retenir et exploiter

les données relatives à leurs clients et usagers afin de devenir plus intelligents à

propos de leurs clients. En revanche, les citoyens ne possèdent quant à eux,

aucune information, aucune connaissance et ignorent exactement quelles

données sont détenues et pour quels usages. Ainsi, cette asymétrie de plus en

plus mal supportée couplée avec le récent scandale PRISM58 sur la transmission

de données d’utilisateurs d’internet à des fins de surveillance entre des

puissantes entreprises comme Yahoo, Google, Microsoft, Apple, Skype,

Facebook, a été un catalyseur de prise de conscience sur la problématique de

l’utilisation des données personnelles et de la protection des données. Ceci a

profondément changé la perception des citoyens sur leurs données et ils sont

conscients que de nombreuses organisations possédaient des données sur eux

sans pour autant en connaitre exactement la nature. Le risque de cette approche

marketing fondée sur une connaissance unilatérale et purement quantitative du

client est, qu’à terme, toute possibilité réelle de dialogue entre le client et

l’entreprise disparaisse.

Ainsi, ce projet vise à renverser le rapport de force vis-à-vis des

consommateurs en leur donnant les moyens de tirer parti des technologies pour

augmenter la capacité des individus à se connaître, à s’informer, s’exprimer,

décider, négocier et maîtriser leur degré de visibilité. Ce projet pourrait à terme

s’appliquer dans le cadre d’une relation usagers/administrations dans cette

même optique de restitution des données personnelles aux individus. Le point de

58

http://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/scandale-prism-comment-les-etats-unis-espionnent-le-web_1340388.html

31

départ de ce projet ambitieux est de redonner confiance aux individus. En effet,

ce lien si précieux qui unissait les individus et les organisations ne cesse de

s’effilocher de jour en jour et ce dans la majorité des secteurs (banques, les

médias, les services publics ect). Les institutions et les entreprises, suréquipées

réutilisent abondamment les données personnelles des individus, favorisant ainsi

une relation inégale avec un public de plus en plus méfiant et désengagé. Le

rétablissement de la confiance s’avère donc primordiale pour mener à bien la

transition numérique. Ce n’est que si les consommateurs ont confiance dans le

traitement de leurs données à caractère personnel qu’ils continueront à les

transmettre aux entreprises et autorités publiques. Si les causes de cette rupture

de confiance étaient connues depuis longtemps, les solutions tardaient. La FING

à l’audace de proposer un modèle symétrique différent de la relation actuelle

entre organisations et individus, un partenariat 2.0 se veut être « gagnant-

gagnant ». Dès lors, la relation entre des entreprises et des clients également

informés et outillés ne pourrait-elle pas produire plus de confiance et de fidélité

que la situation actuelle d’asymétrie totale ?

Le projet MesInfos recouvre de nombreux avantages pour tous les

protagonistes de cette expérience. En effet, l’individu en acceptant de participer

à cette nouvelle expérience en retirera de nombreux bénéfices comme

notamment un contrôle sur ses données personnelles. En effet, MesInfos permet

à l’individu de posséder son propre « entrepôt de données personnelles » lui

permettant de contrôler son partage d’informations avec les entreprises. L’usager

peut choisir les informations qu’il souhaite partager avec les entreprises. Pour le

fondateur de MesInfos, « l’économie de marché a besoin de consommateurs

libres » (« Free markets need free customers »). Ainsi, dotés d’une vision globale

de leur identité numérique auparavant dispersée, les consommateurs pourront

dialoguer sur un pied d’égalité avec les entreprises. Grâce à leur plateforme

sécurisée dite « de cloud personnel » les consommateurs peuvent conserver,

observer et interagir avec leurs données notamment grâce à des services et

applications inventés spécialement pour leurs besoins. Cette pratique favorisera

leur prise de conscience quant à la valeur réelle de leurs données personnelles et

ils seront probablement plus actif quant à leurs protections. L’utilisation de leurs

données à leurs propres fins et leurs partages facilitera la comparaison entre des

offres de plus en plus complexes et permettra aux consommateurs d’exprimer

32

plus clairement leurs attentes, ce qui rendra le marché notablement plus

efficient.

L’autre aspect avantageux de ce projet pour le consommateur est l’arrivée

du « quantified self » c’est-à-dire le micro management de soi permettant de

mieux se connaitre à travers ses propres donnés dans des domaines variés

comme la santé, la consommation, les finances, la mobilité, l’énergie ou encore

l’impact écologique. Les individus vont prendre conscience de la valeur

personnelle, sociale, économique, qu’ils peuvent tirer de leurs propres données

personnelles qui leur permettra de mieux se connaître et d’être plus armés dans

la prise de décision. La société d’assurance AXA a créé un contrat d’assurance

individualisé « Pay as you drive »59 offrant une tarification basée sur l’usage qui

est fait du véhicule grâce à l’installation d’un dispositif sur le véhicule qui

enregistre les parcours effectués. Ainsi, l’assuré ne paiera que ce qu’il a

consommé et sa prime sera calculée sur cette base. Cette solution permet de

souscrire des contrats non plus standards mais individualisés répondant aux

besoins spécifiques du consommateur. De plus, le projet Mesinfos fait appel à

des développeurs et designers pour concevoir des services et applications

innovantes au service des consommateurs. Ces applications et services, en

interprétant les données des consommateurs, leur permettront de faire de

meilleurs choix de consommation et ainsi faciliter leur quotidien. Par exemple, les

internautes peuvent utiliser un relevé bancaire intelligent qui permet de renvoyer

pour chaque opération à l'url du site marchand où a été effectuée une

transaction par carte bancaire, ou vers le ticket de caisse du supermarché visité.

L'application va ensuite analyser les dépenses en repérant les dépenses

régulières. Un autre service permet grâce à l’analyse des données personnelles

au sein des tickets de caisse du supermarché de visualiser la consommation de

lipide, glucide ect ou de mettre en évidence les coûts des courses réalisées

(temps passé, trajet effectué, poids porté) afin de choisir le mode de course le

plus adapté.

Du côté des entreprises et des administrations, ce projet présente également

de nombreux avantages. Depuis des années, les départements marketing des

entreprises dépensent des sommes colossales pour arriver à toucher le

59

http://www.news-assurances.com/le-pay-as-you-drive%C2%A0ou-l%E2%80%99assurance-auto-sur-mesure/016717946

33

consommateur sans grands résultats. Les bases de données restent imprécises,

incomplètes et obsolètes. Ce projet permet une réduction significative des coûts

de marketing en permettant aux clients de s’adresser directement au marché en

exprimant clairement leurs besoins, au lieu de dépenser des millions d’euros à

tenter de deviner leurs intentions. Aujourd’hui, le client connait ses besoins mais

n’a pas véritablement de moyens de communication. Un retour des données

permettra à l’offre et la demande de communiquer plus directement. De plus, les

individus utilisant leurs données personnelles pour leur propre compte et leurs

propres usages (via des services) auront intérêt à les compléter et les actualiser

régulièrement auprès des organisations ce qui rendra le marché plus efficient.

Ainsi, en rassemblant des données de très nombreuses sources et en les

complétant, les consommateurs constitueront des gisements d’informations qui

pourraient faire émerger de nouveaux services et la perspective de se

positionner sur de nouvelles activités rémunératrices.

L’autre impact bénéfique du retour des données personnelles aux

consommateurs est le rétablissement d’une relation de confiance entre le

consommateur et l’entreprise privée. En effet, les consommateurs, conscients du

système actuels de l’utilisation incessante des leurs données personnelles,

laissent place à la crainte et à la défiance vis-à-vis de ces sociétés. Ce projet

permet aux entreprises privées d’être notablement plus transparentes et donc

moins soupçonnables de pratiques hasardeuses. En recréant une confiance

solide, on retrouvera le sens de la relation commerciale avec les clients et

usagers. Un client fidèle et confiant est le bien le plus précieux des marketers.

Cette réciprocité et transparence aboutira à une relation plus équilibrée et

sensiblement plus respectueuse. Ainsi, les entreprises pourront imaginer de

nouveaux services sur les bases de données issues de plusieurs sources afin de

se positionner.

Du point de vue de la société, ce projet permettra d’atténuer petit à petit

la tension montante autour de l’usage croissant des données personnelles et de

la vie privée en associant protection et mise en capacité d’agir des individus.

Cette expérience MesInfos n’est pas unique au monde et des pays comme le

Royaume-Uni ou les Etats-Unis se sont déjà lancés dans des initiatives

34

comparables. Le projet Midata60 appuyé par le gouvernement britannique a été

mis en place en partenariat avec une vingtaine d’entreprises de différents

secteurs (dont MasterCard, Google). Ces dernières s’engagent à rendre aux

individus les données personnelles et transactionnelles les concernant dans un

format lisible. Aux Etats unis, l’initiative Smart Disclosure61 a donné naissance

aux Green button, Blue button et Purple button. En un clic, les individus peuvent

ainsi télécharger leurs données dans les secteurs de l’énergie, de la santé ou de

la formation62.

Par conséquent, cette nouvelle démarche a pour objectif de permettre au

consommateur d’opter pour des choix plus éclairés, d’exprimer ses attentes et

ainsi de prendre en mains son quotidien. Un nouvel écosystème d’applications

pour exploiter ces données va émerger mais il est nécessaire d’appréhender les

difficultés de mise en œuvre afin de rendre ce projet complètement réalisable.

b. Les difficultés de mise en œuvre

Si le projet de restitution des données personnelles aux consommateurs

semble être une avancée technologique considérable pour la société numérique,

ce retournement de la relation client fait émerger beaucoup d’interrogations. En

renversant ce qui se pratique depuis plusieurs décennies, à savoir, l'accumulation

unilatérale de données personnelles et de moyens de les traiter au seul bénéfice

des organisations, MesInfos ouvre de nouveaux questionnements. Comment être

certain que cette gestion des données personnelles ne favorise pas une inégalité

entre les individus ? Comment faire en sorte que cette restitution des données

personnelles n’aboutisse pas à l’apparition de nouveaux risques pour la sécurité ?

Juridiquement, comment ce projet peut être mis en œuvre ?

En effet, cette nouvelle relation client/entreprise basée sur le numérique pose

des questions sur la faisabilité de ce concept pour l’ensemble de la population. A

terme, cette pratique pourrait aboutir comme pour la propriété des données

personnelles à un renforcement des inégalités entre citoyens numériques.

60

https://www.gov.uk/government/news/the-midata-vision-of-consumer-empowerment 61

http://www.cil.cnrs.fr/CIL/IMG/pdf/informing-consumers-through-smart-disclosure.pdf 62

https://www.data.gov/consumer/page/smart-disclosure-policy

35

Comment éviter un fossé entre ceux capables de gérer leurs données, de les

protéger, de les monétiser et ceux qui par manque de temps ou d’habilité

laisseraient faire le marché ou s’en remettraient vite à de nouveaux « tiers de

confiance » ? À défaut, seuls les consommateurs les plus actifs et compétents

devenus consommateurs experts tireront profit de la situation tandis que la

masse des autres consommateurs se retrouvera moins protégée et moins

capable de faire valoir ses droits.

De plus, la restitution des données aux consommateurs posera de nombreux

problèmes de sécurité, créant un nouveau risque juridique pour les entreprises.

Dans un contexte de regroupement et de « mash-up » des données sur une

plateforme personnelle tel que Cozy cloud63, les problématiques de sécurisation

des données sensibles s’avèrent être un enjeu fondamental. Le rassemblement

sur une seule plateforme d’un grand nombre d’informations sur des millions de

consommateurs peut s’avérer être dangereux. En effet, les pirates seront à

l’affût de données monétisables, d’où la nécessité de prévoir des architectures

techniques solidement protégées mais également interopérables, permettant

aux individus de gérer leurs propres données en les déplaçant ou en les

hébergeant eux-mêmes. Il faut mettre en place un système de dialogue entre les

individus et les entreprises faisant circuler l’information entre plusieurs

terminaux. Il faut que les données d’un individu puissent lui devenir accessibles

sans jamais avoir besoin de quitter le système d’information des entreprises qui

les détiennent à l’origine. Cette solution peut tout à fait voir le jour avec

l’adoption dans le futur règlement européen d’un droit à la « portabilité des

données »64, qui pourra parfaitement s’adapter aux projets Mesinfos.

Cependant, même si cette solution de décentralisation semble la plus adaptée, il

faut rester très vigilent car ce choix regorge également de nombreux risques

notamment concernant les différents niveaux d’alphabétisation qui peuvent

s’avérer préjudiciables pour la sécurité de nos données personnelles.

De plus, les recoupements de données personnelles à grande échelle peuvent

menacer l’anonymisation et faire craindre l’apparition de « Big brothers ». Plus

notre modèle économique inventera des services qui auront besoin de collecter

63

https://www.cozycloud.cc/ 64

http://www.cabinet-cilex.com/uploads/Projet%20de%20R%C3%A8glement%20-%20Version%20Cilex%20avec%20table%20et%20renvois.pdf

36

des données pour fonctionner, plus on verra apparaitre toutes sortes de

surveillance possibles. Le risque est l’interconnexion des fichiers contenant toutes

les données personnelles. C’est pourquoi, Geoffrey Delcroix chargé d'études

innovation et prospective au sein de la CNIL, en charge du projet de la Fing,

énonce que « le projet MesInfos prône plutôt pour la création d’une table de

correspondance qui rend difficile de relier les informations venant de deux

entreprises différentes, ce qui aboutira à une non-interconnexion des fichiers

contenants des données personnelles ». Ainsi, il est primordial de faire la

distinction entre production et analyse des données personnelles d’une part, et

risque de surveillance et problématique de sécurisation de données personnelles,

d’autre part. Il est aisé d’imaginer les dérives possibles, par exemple une

assurance de santé pourra savoir si l’individu, officiellement en arrêt maladie,

utilise son automobile pour se déplacer.

Juridiquement, si le concept MesInfos est mis en œuvre, alors les services et

applications qui y sont rattachés doivent respecter de manière stricte, la lettre et

l’esprit la loi « Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978, les directives

européennes et bientôt le règlement européen relatif à la protection des données

personnelles. On pourrait tout à fait imaginer que les nouveaux droits issus du

futur règlement européen (oubli numérique, droit à la portabilité des données)

s’appliqueront au projet MesInfos, ce qui permettra de renforcer encore plus la

maitrise des données personnelles par les individus. Notons que la CNIL sans

être partenaire du projet est membre du comité de pilotage veille et contrôle au

respect de l’application des lois.

Cependant, même si les moyens juridiques et techniques de protection

existent, ils demeurent mal connus tant par les organisations que les citoyens.

Ainsi, est-il envisageable que l’informatique contribue à l’identité humaine, aux

droits de l’homme, à la vie privée, aux libertés individuelles et publiques à partir

de nos propres données personnelles ? Le pari est de faire un droit d’accès 3.0

ne comprenant pas seulement un droit d’accès mais également une utilisation.

Avant tout, la confiance s’avère être un élément déterminant pour réussir

cette transition numérique. Pour cela, il serait pertinent de mettre en place un

cadre combinant des règles techniques (des outils) et juridiques. La perspective

réglementaire présente l’avantage de convaincre les organisations hésitantes

37

quel que soit leur avis sur la question. Cependant, la loi n’est pas suffisante et

doit être doublée d’un accord entre les organisations et les individus. En effet,

l’individu doit être au centre du cadre de confiance. Il sera ainsi important de

créer des règles simples que les individus pourront comprendre, et auxquelles ils

pourront adhérer. Les organisations abusent aujourd’hui du concept légal de «

consentement informé ». Dès lors, dans l’hypothèse de l’adoption de ce projet

MesInfos, ne serait-il pas envisageable de créer un outil en complément de la

règlementation française et européenne qui permettrait aux citoyens de mieux

gérer et maitriser leurs données personnelles ?

On pourrait tout à fait s’inspirer d’un courant juridique ayant émergé aux

Etats-Unis au début du XXe siècle dit « bundle of rights » (faisceau de droit)

pour la gestion des données personnelles. Trouvant son origine dans la pensée

juridique américaine dite du « legal realism » ou réalisme juridique, ce concept

conçoit la propriété comme un ensemble complexe de relations légales entre des

personnes et non comme un droit antérieur à la loi conférant un droit absolu

d’une personne sur une chose. Ainsi, la propriété relèverait d’un faisceau de

droits reliant le propriétaire à d’autres personnes à propos de son bien. Cette

vision permettrait de saisir le fonctionnement social et les effets sociaux et

économiques produits par le droit en s’émancipant de l’emprise du formalisme

juridique. Ce concept permet autour d’une même ressource matérielle ou

immatérielle, d’identifier différent droits comme par exemple le droit de

posséder, d’utiliser, de gérer, de monétiser, de transmettre ou encore de

modifier. Ainsi, appliqués aux données produites sur le web par les actions des

individus, les faisceaux de droits permettraient d’imaginer trois ensembles de

droits :

On peut imaginer que certains usages assortis de droits soient garantis à

l’utilisateur, comme par exemple, le droit de rectification de ses données,

le droit à la portabilité des données, le droit de savoir ce que l’on collecte

sur lui ect.

A l’inverse, d’autres droits peuvent être octroyés à la plateforme, au

producteur du service, comme par exemple le droit de gestion pour une

amélioration de la relation client.

38

Enfin, les usages intermédiaires, qui sont ceux qui dégagent le plus de

valeur d’usage à la fois pour l’entreprise et pour l’individu, peuvent quant

à eux faire l’objet d’un usage par l’entreprise sous deux régimes possibles:

Soit on prône pour une ouverture de la donnée individuelle à un

tiers sur base d’une autorisation explicite de la part de l’individu

coproducteur, en échange d’un service. C’est l’illustration du projet

MesInfos porté par Fing. Le consommateur peut autoriser une

marque d’une boutique de vêtement d’accéder à ses données afin

de lui proposer un produit qui correspond parfaitement à ses

besoins (approche dite VRM).

Soit une ouverture de la donnée agrégée et anonymisée à des tiers

sous condition de partage limité dans le temps. Ainsi, sur une

période bien délimitée, lorsque la donnée est au sommet de ses

capacités, la plateforme aurait le droit de monétiser celle-ci.

Cependant, à l’expiration du terme, la donnée cessera d’être

disponible par la plateforme productrice qui devra la détruire ou la

transférer vers un espace personnel sécurisé pour sa conservation

par l’individu.

Dès lors, ce système respectant la loi pourrait aboutir à un cadre à la fois

protecteur pour l‘individu et avantageux pour les entreprises du net dont le

business model est basé principalement autour de la donnée. Malgré ces

incertitudes et son manque de maturité vis-à-vis des consommateurs et des

entreprises, MesInfos propose une voie nouvelle pour sortir à la fois de la crise

de confiance qui mine aussi bien la relation entre les consommateurs et les

entreprises, qu’entre les citoyens et les administrations. Le vrai potentiel de ce

projet est la mise en lumière d’un réel gisement de valeurs et de services, mais il

faudra encore du temps pour faire murir ce concept et envisager son application

dans notre société. En effet, les entreprises doivent faire des efforts concernant

le niveau technique et l’interopérabilité des données accessibles au grand public

et cela demande un investissement considérable. De plus, les individus sont

encore trop fragiles pour comprendre concrètement comment fonctionne cette

réutilisation des données pour leurs propres comptes. Ainsi, une règlementation

39

immédiate serait naturellement prématurée. Cependant, ce projet mérite une

attention particulière car il propose une solution pour estomper la tension

montante autour de la vie privée et de l'usage croissant, par les grandes

entreprises du numérique, des données personnelles comme "matière première"

de leur modèle économique. Enfin, il fera naître un marché entièrement nouveau,

ouvert aux innovateurs, celui des "services personnels de données". Ce

changement profond, complexe, prendra du temps mais sera à terme source

d’avantages compétitifs durables. Il y a du pari dans MesInfos, mais les bénéfices

potentiels motivent à l'oser.

Ainsi, différentes options ont pu être évoquées allant de la

patrimonialisation des données personnelles contre un revenu, à une acceptation

de l’utilisation des données personnelles en échange de services innovants et

efficients (A), cependant, ne pourrait-on pas imaginer un tout autre système

prenant sa source en Angleterre et aboutissant à un retournement total des

mentalités pour le bien commun de tous ? Telle est le concept de la propriété

partagée (B)

B. La propriété partagée

Aujourd’hui, à mesure qu’on ajoute des données sur la toile, nous

construisons les conditions de la surveillance de masse. En effet, plus nous

produisons du « big data », plus nous verrons apparaitre de plus en plus

d’infrastructures favorisant la collecte de nos données personnelles, ce qui

conduira à une surveillance toujours plus poussée. Selon Valérie Peugeot65 « Le

web est un espace contributif et distribué qui nous fascine, mais qui masque les

couches d’infrastructures construites elles sur des logiques de contrôle et de

centralisation ». Ainsi, pour trouver un équilibre entre cette situation d’asymétrie

technologique, la société civile peut se mobiliser afin d’élaborer de nouvelles

règles de gouvernement dans le but de repenser la donnée comme un bien

commun et non comme un bien public. La donnée doit être considérée comme

une ressource commune et non publique, ni privative. Aujourd’hui, il s’avère

65

http://www.cnnumerique.fr/membres/valerie-peugeot/

40

nécessaire de réétudier la notion de propriété commune longtemps malmenée et

occultée par les théories économiques. Selon ces derniers, la propriété est très

souvent synonyme de propriété privée, considérée comme l’un des piliers

fondamentaux des économies de marché. Dès lors, ils ont ignoré, pour la

plupart, toutes possibilités de formes plurielles de propriété jugées par essence

inefficaces. Cependant, il est peut être venu le moment d’essayer de

reconsidérer la notion de propriété commune qui peut avoir des enjeux politiques

et intellectuels colossaux.

Cette théorie a été conçue grâce aux travaux d’Elinor Ostrom de l’école de

Bloomington66 Prix Nobel d’économie en 2009. Cette piste pertinente pourrait

être envisageable pour encadrer juridiquement les données personnelles.

L’utilisation de sa théorie des biens communs ou plus précisément

des « communs » permettrait de développer une sphère de données en

commun. Cette approche considère les données personnelles comme une

ressource collective qui n’entrent ni dans le régime des biens gérés par la

puissance publique, ni dans un régime de marché. Ces fameuses données

personnelles seraient des biens communs c’est à dire quelque chose qui

appartient à tout le monde et à personne. Cette approche par « faisceau de

droit », pilier de la pensée des communs, a pour objectif de développer un

schéma conceptuel permettant de distinguer et caractériser les différents

régimes de propriété (publique, privée et commune) pouvant être tenus par des

utilisateurs de ressources. Le but n’est pas de sanctuariser ces données

personnelles par la loi, ni de les commercialiser abusivement mais de repenser

autour de leurs usages un faisceau de droits.

La théoricienne démontre que les communautés locales peuvent tout à fait

parvenir par elles-mêmes à mettre en place une gestion efficiente, sans avoir

recours aux autorités publiques ou aux lois du marché. Ainsi, ce régime de

communs ouvre une troisième voix à côté de la propriété privée et de la

propriété publique, un espace protégé dans lequel les données, ne sont pas

soumises à un régime de droits exclusifs mais peuvent être utilisées, selon

certaines conditions fixées par la communauté. Ces sphères n’ont pas vocation à

s’opposer mais à se compléter. La communauté, veillant à a protection et à la

66

http://regulation.revues.org/10471

41

gestion de ces données, va organiser leurs règles de gouvernance en s’appuyant

sur un faisceau de droit, rendant possible les régimes de propriétés partagées.

Ce qui intéresse la théoricienne c’est le partage de l’utilisation des ressources par

les participants. Ainsi, sa volonté ultime est d’appliquer le concept de bundle of

rights, au cas des ressources partagées, de décrire ces droits, d’explorer leur

distribution et d’en exposer le fonctionnement. Evidemment, ce concept, venant

en complément de la règlementation juridique, permet au citoyen de décider

quels types et quelles quantités de données personnelles il souhaite placer au

sein de cet espace commun. Chaque individu va catégoriser le contenu qu’il est

prêt à partager avec leur communauté. Ainsi, le choix des usagers tient compte

du caractère intrinsèquement plus ou moins appréciable de l’information

partagée. Il va de soi que toutes les données ne peuvent pas être mises en

propriété partagée. Qui accepterait de divulguer son numéro de téléphone ou son

code de carte bancaire ? Les choses sont évidemment différentes lorsqu’on parle

de l’âge, des habitudes de consommation, ou des mensurations.

De plus, ce concept permet de ralentir la course toujours plus effrénée à la

marchandisation de la donnée favorisant une société de surveillance. En effet, la

sphère de données « en communs » sera protégée et constituera un gisement

d’informations dans laquelle d’autres acteurs extérieurs à la communauté

peuvent puiser pour innover, créer et proposer d’autres services. Plusieurs

catégories de données pourraient faire parties de cette sphère des communs.

La première catégorie peut concerner les données de source publique

produites par la sphère publique et partagées en open data, sous réserve

qu’elles soient assorties d’une licence de partage à l’identique en

favorisant les licences de type ODBL. En effet, on peut observer la limite

de la licence ouverte Etalab qui n’est pas assez protectrice des biens

communs, car elle n’impose pas le partage à l’identique donc cela signifie

que toute entreprise peut utiliser les données publiques ouverte pour les

commercialiser.

La deuxième catégorie est constituée des données produites par les

citoyens qui désirent placer ces ressources en bien commun. (c’est le

même système que pour les données produites dans Wikipédia ou

OpenStreetMap). De plus en plus d’individus font le choix éclairé de placer

42

leurs créations de l’esprit sous licence libre, participant ainsi à la création

des connaissances en commun. (cette tendance est visible concernant le

partage des modèles imprimés en 3D67). Ces données constituent donc

une œuvre collective, pour lesquelles les communautés ont choisi un

régime juridique qui protège les ressources en biens communs.

La troisième catégorie concerne les données produites par des entreprises

pour les besoins de leur activité (par exemple une liste de point de vente,

les horaires de passage, un taux de fréquentation de ses magasins). A la

base ces données n’ont pas vocation à s’ouvrir mais certaines entreprises

ont compris l’importance de participer aux biens communs et choisissent

de les mettre à disposition de tiers. (c’est le cas de la poste ou SNCF

concernant l’open data). Cependant, cette catégorie doit être envisagée

avec prudence car les données des entreprises font l’objet d’une

gouvernance privée et non collective donc à tout moment l’entreprise

privée peut décider de ne plus les mettre à disposition.

Par conséquent, en définissant une gouvernance partagée de cette ressource

commune, ce régime permet de penser les usages indépendamment de la notion

de propriété et d’adapter les règles de droit pour servir au mieux les usages en

protégeant les données mises en partage.

67

http://www.numerama.com/magazine/26593-impression-3d-les-creative-commons-font-la-loi.html

43

A l’heure de l’économie numérique, les données constituent le véritable

« carburant » de notre économie du XXIe s, et s’avèrent être la clé de la

croissance, de la compétitivité et de l’innovation de demain. Nos sociétés

modernes s’appuient sur les technologies de l’information et les réseaux pour

assurer le fonctionnement des territoires, organisations et services. Cependant,

cette avancée technologique doit se faire avec prudence et réflexion concernant

la gestion et la protection de nos données personnelles. En effet, la protection

des données personnelles est un droit à part entière, qui se trouve à la croisée

d’autres droits fondamentaux, notamment le droit de la propriété, le droit au

respect de la vie privée et la liberté d’expression. Elle interagit également avec

des principes économiques et commerciaux et influe sur l’organisation des

entreprises. C’est cette situation centrale pour l’économie numérique qui doit

être regardée avec prudence et réflexion. Ainsi, l’encadrement de l’usage des

données personnelles, vitales pour le citoyen, la société démocratique et les

entreprises implique de mettre en place un dispositif susceptible d’atténuer les

inquiétudes profondes des citoyens en suscitant la confiance de tous.

Si notre législation actuelle française et européenne nécessite une refonte

pour son adaptation au monde d’aujourd’hui, notamment grâce à la future

adoption du règlement européen, elle devra trouver un équilibre entre un niveau

élevé de protection des données personnelles et une flexibilité suffisante pour

que l’innovation et les entreprises puissent continuer à s’épanouir. Cette

règlementation constitue le minimum légal nécessaire pour que l’individu puisse

obtenir une protection de ses données personnelles, mais cela est-il suffisant ?

En effet, la société civile dispose de tous les outils permettant une véritable

gestion et maitrise des données personnelles des individus.

Différentes solutions existent aujourd’hui permettant d’améliorer notre

situation insupportable d’asymétrie informationnelle avec les organisations

privées et les administrations. Les citoyens aujourd’hui disposent de nombreux

Conclusion

44

outils et leurs données personnelles constituent une ressource précieuse qu’il est

temps de préserver, de gérer et d’utiliser à bon escient. Dès lors, il semble

primordial de développer, à côté de la législation sur la protection des données

personnelles, des outils prônant la liberté contractuelle et permettant au citoyen

d’être actif dans cette économie mondiale basée de plus en plus sur les données.

De la marchandisation à l’utilisation de service en passant par la propriété

partagée, des solutions existent et sont à portée de main pour tous ceux qui

souhaitent. Ces propositions rétabliraient l'équilibre entre les intérêts privés et

publics, favoriseraient la diffusion de la connaissance, l'innovation, le collectif.

Chacune de ces pistes vise à empêcher la construction d’une société de

surveillance. Certaines sont déjà en cours d’exploration. A nous de multiplier les

recherches et de faire se rencontrer les acteurs qui œuvrent à une sortie par le

haut de la société des données de masse. Pour que données puisse rimer avec

libertés.

45

A. Entretien et conférences

Entretien à la CNIL avec Geoffrey Delcroix du département étude,

innovation et prospective, en charge du projet MesInfos, le 14 mai 2014

Conférence d’Alain Bensoussan à la fondation télécom Paris sur « Quels

nouveaux droits pour l’homme numérique d’aujourd’hui ?» le 20 mai 2014

Assemblée générale de la FING à la Caisse des dépôts et consignations

portant sur une rélexion collective du projet MesInfos, le 28 mai 2014

Conférence à la fondation Télécom Paris, « Quelles pistes concrètes pour

la réappropriation des informations personnelles par le citoyen ? », le

mardi 17 juin 2014

B. Bases de données

La proposition de règlement européen en matière de protection des

données personnelles et ses conséquences sur la future stratégie de

contrôle de la CNIL, Communication Commerce électronique n° 12,

Décembre 2012, étude 20, Etude par Thomas DAUTIEU chef du service

des contrôles de la CNIL

Conditions et modalités d'exercice du droit à l'oubli numérique . - ou les

apports de l'arrêt CJUE, 13 mai 2014, C-131/12, Conseil Conseil par Merav

GRIGUER, avocat associée, Dunaud Clarenc Combles & Associés, Lexis

nexis

Isabelle Falque-Pierrotin, Big mother contre Big brother

Affaire PRISM : avis du G29 sur la surveillance massive des citoyens

européensCNIL, communiqué, 11 avr. 2014

Annexes

Sources

46

C. Sites internet

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http://www.ls-avocats.com/article-presse/53-donnee-perso

http://www.affiches-parisiennes.com/evolutions-de-la-protection-des-

donnees-personnelles-4038.html#ixzz2zS1THltY

http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/guerric-poncet/donnees-

personnelles-l-europe-se-reveille-enfin-01-04

http://www.cnil.fr/linstitution/actualite/article/article/seance-pleniere-du-

g29-ordre-du-jour-des-9-et-10-

avril/?tx_ttnews%5BbackPid%5D=91&cHash=c7d0a0ba00fa1e3e4870b89

417008e44

http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/tech-

medias/actu/0203372527338-le-parlement-europeen-favorable-a-une-

plus-grande-protection-des-donnees-personnelles-656759.php

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europeen/2014/02/07/

http://sante.lefigaro.fr/actualite/2012/06/26/18499-internet-nouveau-

coach-pour-bien-etre-sante

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linternaute-le-conrtrole-de-ses-donnees/

http://www.lagazettedescommunes.com/228554/la-ville-intelligente-une-

big-mother-en-puissance/

http://www.estarellas.net/2014/01/internet-des-objets-donnees-

personnelles/

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vos-donne

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de-nos-donnee-.aspx

http://www.bibliobsession.net/2014/03/12/biens-communs-et-donnees-

personnelles-il-nous-faut-inventer/

http://mesinfos.fing.org/

http://mesinfos.fing.org/services-tout/

47

http://rue89.nouvelobs.com/rue89-eco/2012/06/11/entreprises-rendez-

nous-nos-donnees-personnelles-cest-pour-votre-bien-232788

http://www.20minutes.fr/magazine/secoacher/donnees-objets/si-ces-

donnees-ont-tant-dimportance-pour-les-entreprises-pourquoi-nen-

auraient-elles-pas-pour-nous-92538/

http://www.alternatives-economiques.fr/-big-data---le-nouvel-eldorado-d-

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pour-se-reapproprier-ses-donnees-5020

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data-vous-le-rendra_993542

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http://blog.lefigaro.fr/bensoussan/2010/05/la-propriete-des-donnees.html

http://blog.lefigaro.fr/bensoussan/2012/01/protection-de-lidentite-v-

dignite-numerique.html

http://blog.grandesvilles.org/4457/regultation/saucissonner-la-loi-sur-la-

protection-des-donnees-personnelles-pour-favoriser-linnovation/