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Isabelle Durousseau et Oie Kongsdal Jensen Perception des erreurs de prononciation Analyse des erreurs de prononciation des Danois , suivie d' une enquête sur la tolérance des Français à ces erreurs. Nummer 86 Juli 1981 Romansk Institut K0benhavns Universitet 1 Njalsgade 78-80 2300 Kbh. S Gebyr 5,00 kr.

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Isabelle Durousseau et Oie Kongsdal Jensen

Perception des erreurs de prononciation

Analyse des erreurs de prononciation des Danois, suivie d 'une enquête sur la tolérance des Français à ces erreurs.

Nummer 86 Juli 1981

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Romansk Institut K0benhavns Universitet

1Njalsgade 78-80 2300 Kbh. S Gebyr 5 ,00 kr.

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T A B L E D E S M A T I E R E S

page

Introduction 5

A. Recherches antérieures 6

B. Notre recherche 9·

1. But de notre recherche. 9

2. Point de départ de notre enquête. Matériel de base. 10

3. Choix et analyse des enregistrements. 14

4. Choix des 8 enregistrements. 15

5. Mise en place du questionnaire. 17

6. Choix des informateurs. 19

7 . Déroulement de l'enquête. 20

8. Dépouillement du questionnaire . 21

9. Quelques résultats. 22

10. Perspectives . 28

Appendices (1-7) 30

Bibliographie 38

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I N T R 0 D U C T I 0 N

Ce rapport est une description d'un projet d'analyse des erreurs de prononciation française des étudiants danois inscrits en pre­mière année universitaire, c'est-à-dire au niveau du Baccalauréat, et égalementd'une enquête sur la t olérance des Français à ces er­reurs à l'aide d'un questionnaire.

Ce genre de recherche a déjà été fait, mais presque uniquement dans le domaine de la grammaire et surtout pour l'anglais. Très peu de travaux ont été entrepris en ce qui concerne la phonétique. Aussi a-t-il été difficile pour nous de rassembler des articles sur ce sujet, et notre projet peut donc être considéré comme un projet pilote, ce qui explique nos hésitations, nos erreurs peut­être et la conclusion de notre travail, qui soulève plus de ques­tions que de résultats importants. Nous avons pris contact, autour de nous, avec des chercheurs qui travaillaient dans notre domaine, mais surtout pour l'anglais. Ces contacts devaient nous servir à trouver une méthode d ' analyse des erreurs, à la mise en place de notre questionnaire et au dépouillement de ce questionnaire.

Dans la présentation de notre travail, nous avons mis l'accent sur le point de départ de cette recherche, le déroulement de notre en­quête à Paris, le dépouillement de notre recherche à notre retour au Danemark, avec quelques conclusions et les perspectives qu'on peut en tirer .

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A. R E C H E R C H E S A N T E R I E U R E S

Dans ce chapitre, nous avons retenu surtout quelques chercheurs dont nous présentons brièvement les travaux utilisés par nous. (Nous renvoyons à la bibliographie pour des renseignements précis

sur leurs publications.)

Stig Johansson (1973) est d'avis que les facteurs de compréhension et d'irritation doivent avoir une place plus importante dans l'éva­luation de la performance des apprenants que les facteurs suivants: erreurs dans les mots à h·aute fréquence et infraction aux règles. Il souligne l'importance d'une recherche qui vi.se à établir quelles sont les réactions des natifs envers les erreurs, et il esquisse les grandes lignes d'une recherche dans ce domaine.

Margareta Olsson a travaillé sur un projet qui essaie d'établir les fréquences et les types d'erreurs faites par les élèves sué­dois de 14 ans, en anglais oral et écrit. Les erreurs les plus fré­quentes sont alors présentées à des Anglais en vue d'évaluer le rôle de celles-ci pour la communication.

Jusqu'ici, les résultats pour des verbes réguliers et irréguliers montrent que 1° la plupart des erreurs commises ont un caractère systématique, 2° les erreurs sémantiques (formes contextuellement incorrectes) bloquent davantage la communication que les erreurs grammaticales, 3° les Anglais donnent moins d'importance aux er­reurs qu'à la compréhension. - Ces résultats indiquent qu'il se­rait souhaitable de donner à l'aspect communicatif une plus grande place dans l'enseignement des langues étrangères. (Voir Marg~reta

Olsson (1973).)

Tor Hennum (documents non publiés) a entrepris une enquête qui porte sur une série de 125 phrases, détachées de tout contexte avec, dans chaque phrase, une seule erreur de prononciation. Ces phrases ont été "fabriquées" en studio et enregistrées par une personne. Les erreurs sont surtout des erreurs segmentales corres­pondant àu système phonologique norvégien. Les Fran9ais qui de-

vaient se prononcer sur ces erreurs - si elles gênaient un peu ou beaucoup la compréhension - étaient des enseignants fran9ais ha­bitant depuis plus ou moins longtemps la Norvège. Cette recherche représentait, au moment où nous commencions notre travail, la seule enquête, à notre connaissance, sur la perception des erreurs de prononciat ion du fran9ais . Nous n'avons pas suivi la méthode de cette enquête , car nous la jugions critiquable à cause surtout des phrases hors contexte et des informateurs trop familiarisés avec le norvégien .

Quand nous avons pris contact avec S0ren Kolstrup (Université de Ârhus) et J0rgen Sand (Université de Roskilde), ils faisaient utie

recherche sur la tolérance des Français aux erreurs de grammaire, faites par des Tianois , parlant français. Cette recherche faisait partie d'un projet plus large sur le fran9ais parlé et la pédago­gie des langues étrangères. Ils ont enregistré sur bande des tex­tes construits avec des erreurs. Ensuite, des élèves fran9ais ont écouté ces enregistrements, qui leur étaient présentés comme de la production spontanée, et leurs réactions ont été enregistrées sur bande en vue d'un dépouillement qui en dégagerait les tendan­ces générales. Au printemps 1978, date à laquelle nous prenions contact avec M. Sand, son collègue et lui-même en étaient toujours au dépouillement des réactions de leurs informateurs, et nous nous sommes inspirés surtout d'éléments de leur méthode. 1

A l'intérieur d'un vaste projet à l'Institut d'Anglais de Copen­hague, sur la performance des élèves et des étudiants danois ap­prenant l'anglais2 , Dorte Albrechtsen et Birgit Henriksen, qui terminaient leurs études d'anglais à l'université, ont fait une recherche à l'aide d'un large questionnaire, sur la tolérance des Anglais à la production3 de 8 élèves en 5e année d'anglais. Leur

l~ Plus tard, MM. Kolstrup et Sand ont réalisé un projet plus pré­cis et pl~s vaste, se basant sur une partie du même corpus et sur les expérien?es du projet initial. Malheureusement, nous n'avons pu nous s~rvir des résultats de ce projet, qui a été publié récem­ment. (Voir J0rgen U. Sand, S0ren Kolstrup ( 1980) . ) 2) Projet PIF - voir Claus F~rch (1979). ?.) La p~oduction d~s apprenants est appelé, selon les auteurs, français approché (Colette Noyau), "interlangue" (Larry Selin­

ker), "système intermédiaire" (Rémy Porquier).

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questionnaire, qui portait aussi sur la personnal~té de_l'él~ve, jugée à travers la langue, était composé de question~ bip~laires à 5 degrés. Cette forme a inspiré notre propre questionnaire. Comme dans notre travail, Dorte Albrectsen et Birgit Henriksen ont comparé leurs propres analyses de la langue des élèves aux jugements des Anglais. (Voir Dorte Albrechtsen, Birgit Henriksen

(1978).)

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B. N 0 T R E R E C H E R C H E

1. But de notre recherche.

Enseignant la phonétique théorique et pratique depuis plusieurs années à l'Université, nous possédions un énorme matériel sur ban­de magnétique, résultats de tests enregistrés par nos étudiants danois , qui se préparent à étudier le français, après le lycée. 1

Nous avons décidé d'utiliser ce matériel et de le soumettre à une évaluation par des Français, vivant en France , n 'ayant aucun con­tact avec la langue danoise et n'étant pas familiers de ce genre de recherches. Nous voulions savoir comment ces Français - un peu ce qu'on appelle "l'homme de la rue" - percevaient les erreurs de prononciation de nos étudiants et quel rôle ces erreurs jouaient dans la communication . Nous espérions en plus , sur la base de l'é­valuation desFrançais , établir une hiérarchie des erreurs, au moins dans les grandes lignes; nous présumions que les erreurs de rythme et d'intonation auraient des conséquences plus graves pour la com­préhension du message que les erreurs segmentales, nous basant sur les recherches récentes en phonétique. Nous voulions aussi remettre en cause le jugement de l'enseignant de français, dont le seuil de tolérance en ce qui concerne l es erreurs de prononciation est sou­vent déplacé vers le bas par rapport au seuil de tolérance des Français. Il est certain qu'au bout de quelques années, l es pro­fesseurs "n'entendent" plus certaines erreurs de prononciation2 ou les entendent d'une manière "intellectuelle": si l ' on sait , par exemple, que l'élève ne distingue pas toujours /s/ et /z/ , on aura tendance à entendre cette erreur même si elle n'existe pas.

L'enseignant a quelquefois tendance à exagérer le rôle des erreurs segmentales dans la prononciation dans l'ensemble de la production de l'élève; qu'un étudiant, par exemple, ne sonorise pas ses con­sonnes /z/ , est-ce tellement important pour le message qu 'il veut

1) Ce test est basé sur un texte construit par notre collègue Françoise Andersen, voir appendice 1.

2) Rémy Porquier (1980) fait le point sur ce problème.

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nous transmettre? (Nous ne parlons pas ici des critères des exa­mens qui préparent un étudiant étranger à enseigner le français, car là, on doit exiger en principe que la prononciation de l'étu­diant soit conforme à la prononciation du français standard.) La situation et le contexte font que très souvent la confusion de sens n'existe pas, mais un autre facteur est à considérer, c'est la fatigue et l'irritation que l ' auditeur français a, plus ou moins rapidement, en écoutant un étranger qui parle avec un "accent".

Ce facteur est difficilement mesurable.

2 . Point de départ de notre enquête. Matériel de base.

Nous nous sommes basé sur une typologie des erreurs de prononcia­tion des Danois qui apprennent le français. Cette typologie a été établie sur la base de notre matériel enregistré et de notre expé­rience pédagogique, en collaboration avec nos collègues, en par­tant d'une analyse contrastive des systèmes phonologiques du fran­çais et du danois, supposant que les erreurs seraient explicables surtout comme étant des erreurs d'interférence1 . Par erreur nous comprenons toute déviation perceptible de la prononciation "stan­dard". Nous tenons en même temps à souligner le caractère arbi­traire de cette notion de "prononciation standard", avec toutes ses implications sociolinguistiques (la prononciation de qui et pourquoi), et nous signalons en plus la variation qui existe à l'intérieur même de la norme "standard" (voir p. ex. A. Martinet,

H. Walter (1973), p. 16 et passim).

Un exemple: Les occlusives danoises /p t k/ sont douces et aspirées, c'est-à-dire qu'elles sont prononcées de faç on moins énergique que les consonnes correspondantes en français et avec un souffle à la fin. (Un souffle, moins fort qu'en danois, s'entend parfois dans les occlusives fortes françaises, surtout devant /i yu/, mais il n'est jamais distinctif, seulement une variante combinatoire.)

1) Parmi les erreurs d'apprentissage des langues étrangères on compte généralement: 1° les erreurs d'interférence, qui sont dues au mélange des systèmes/règles de la langue maternelle et de la langue cible, 2° les erreurs intralin§Uales, qui sont le résultat d'un surgénéralisation de règles et 3 les erreurs dues à l'ensei­gnement, qui proviennent de la méthode util isée, des exemples don­nées (p. ex. exemples avec 'il' comme sujet donnés plus souvent qu'avec 'elle'), etc. Voir S. Pit Corder (1976).

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Les /b d g/ danois sont doux et généralement sourds , la seule dif­férence entre les /p t k/ et /b d g/ danois est donc une différen­ce d'aspiration. Encore cette différence n'est-elle maintenue qu'à l'initiale de morphème des mots d'origine nordique (et dans les mots d'emprunt au début d'une syllabe accentuée). En français /p t k / et / b d g/ se distinguent par les deux traits de tension et de sonorité dans toutes les positions (sauf dans le cas d'une assimilation de sonorité). Ces faits peuvent être illustrés par le tableau suivant1 :

danois français p t k b d g p t k b d g

fortes - - + -sonores - - - + aspirés ·+ - - -

Vu les nombreux cas de neutralisation de l' opposition d'aspiration et vu le fait que les professeurs ont une tendance à trop souli­gner qu'il ne faut pas aspirer les /p t k/ français, sans s'assurer en même temps que les élèYes prononcent des /p t k/ forts et des /bd g/ sonores, traits difficiles à réaliser pour un danois, l'é­lève aura tendance à réduire les 6 consonnes françaises à 3 seule­ment, c'est-à-dire à mélanger /p/ et /b/ , /t/ et /d/ , /k/ et /g/ . Comme exemple de ce phénomène nous avions dans notre texte la phra­se 'un blanc sans défense ... •, qui a été comprise parfois comme 'un plan sans défense ..• •, ce qui rendait la phrase totalement incompréhensible dans le contexte (voir appendice 1 ).

Autre exemple: Le /sj/ danois, le plus souvent prononcé comme une sorte de !JI doux sans avancement et arrondissement des lèvres ([s; ]) et qui sera, de ce fait, perçu par les Français plutôt comme un•/3/ sourd; il ne diffère pas très nettement du /s/ danois, qui est doux et ressemble à un /z/ désonorisé . En plus, le danois n'a pas les oppositions /s/- /z/ et /J/- /3/ , et le problème se compli­que encore pour les combinaisons qui existent en français entre ces phonèmes et la semi-voyelle [1) : l'élève danois aura tendance à prononcer des mots comme (la) sienne, (la) chaine , (la) chienne et (le) gêne avec la même consonne initiale, c'est- à- dire, le / sj / = [ s; ) danois; de même, il mélangera des formes verbales comme

1) Voir Ole Kongsdal Jensen, Karen Landschult z, Oluf Thorsen (1980)

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•vous mangez' et •vous mangiez', 'nous marchons' et 'nous marchions'. En fait, le danois n'a que l'opposition [s]-[5.;] pour rendre les

oppositions fran9aises [s]-[z]-[fJ-[3]- [sl] - [zl]-[JlJ-[31]. Ceci est à l'origine de toute une serie d'erreurs qui risquent de gêner

serieusement la communication.

Dans notre typologie des erreurs de prononciation, nous comptons deux catégories principales: erreurs segmentales et erreurs pro­sodiques, qui ont ensuite été divisées en sous-catégories.

Parmi les erreurs segmentales, nous distinguons celles qui concer­

nent les consonnes et les voyelles .

Pour les consonnes, nous avons les principaux types suivants: - erreurs qui touchent l'opposition fort/doux et sourd/sonore

(p. ex. [s] - [z] mélangés), - erreurs qui touchent l'aspiration (p. ex . [t] prononcé avec une

forte aspiration ou affrication), erreurs qui touchent le groupe [JJ - [3] -[sl]-[zl] (remplacés par

le son unique [sj] - voir ci-dessus), - erreurs qui concernent [r] après une voyelle (le /r/ danois

s'affaiblit généralement dans cette position en une semi-voyelle pharyngale ou se combine avec la voyelle précédente pour former

une voyelle unique (/ar/ --+ [~]. /3r/ --+ [v]).

Pour les voyelles, nous avons les principaux types suivants: - erreurs qui touchent les voyelles nasales (qui n'existent pas

en danois), - erreurs qui touchent les voyelles [e] ,[e],[0],[œ],[o],[~] et

[a] (que les Danois ont tendance à prononcer trop fermées), - erreurs qui touchent les semi-voyelles (surtout [y], qui n'exis­

te pas en danois).

Parmi les erreurs prosodiques, nous comptons les erreurs de rythme et d'intonation, et nous avons les principaux types suivants: - erreurs qui concernent la différence entre syllabes accentuées

et syllabes non-accentuées (ces dernières sont affaiblies à la danoise, de sorte que les timbres vocaliques se neutralisent, si les voyelles ne disparaissent pas complètement),

- erreurs qui concernent la délimitation des groupes rythmiques et l'emplacement des pauses (p. ex. trop de pauses , erreur qui s'explique aussi par les difficultes de lire, dans le cas de

notre matériel),

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- erreurs qui concernent le contour intonatif (une intonation qui monte au lieu de descendre et vice versa, et surtout une into­nation monotone),

- erreurs qui concernent la manifestation tonale des syllabes ac­centuées (un glissement "à l'anglaise" sur ces syllabes)

nous Y comptons aussi les erreurs de liaison, de e caduc et d'as­similation de sonorité.

Nous pourrions mentionner enfin une troisième catégorie principale d ' erreurs: les erreurs qui sont dues à un mauvais décodage de l'or­thographe (p . ex . /e/ dans 'déf~se', /t/ dans ' popula!ion').

Dans ces principaux types d'erreurs, nous avons choisi 14 repré~ sentants , 10 types d ' erreurs segmentales et 4 types d'erreurs pro­sodiques, qui nous ont semblé refléter l'ensemble des erreurs pos­sibles (voir appendice 4 )1 . Nous avons fait ceci pour deux rai­sons: 1° Nous avons présumé que quelques types d'erreurs centraux donneraient une image valable de la totalité des erreurs commises (par exemple des erreurs de /z ,3 / comme représentants des erreurs de sonorité, des erreurs de /t/ comme représentants des erreurs d'aspiration et de force articulatoire). 2° Nous diminuerions de cette fa9on considérablement notre travail d'analyse, sans défi­gurer sérieusement la crédibilité de nos résultats.

N~us n'avons pas de représentants des erreurs de semi- voyelles, ni des erreurs de liaison , de e caduc et d'assimilation de sono­rité . Les erreurs de semi-voyelles ne sont pas très répandues dans la prononciation fran9aise des Danois, et n ous avons estimé qu'el­~es jouent un rôle secondaire dans la communication; ce dernier Jugement vaut aussi pour les erreurs d ' assimilation de sonorité . En ce qui concerne les erreurs de liaison et de e caduc, leur ca­ractère est légèrement différent de celui des autres erreurs en ce sens qu'elles appartiennent plus à la phonostylistique qu'à la phonétique propre. En plus, une seule erreur de liaison se mani­feste dans nos enregistrements ( ' plusieurs années' pr ononcé sans liaison ou avec [d] au lieu de [z]); l'erreur de e caduc la plus répandue est le maintien dans le contexte V#C_ (#")C2 (par exemple

1) Pour.corriger le test que nous faisons passer à nos étudiants, nous utilisons une liste plus complète de types d'erreurs que celle que nous avons utilisée ici .

2) C'est- à- dire, entre deux consonnes dont la première est précé­dée d'une voyelle, et où le e caduc se trouve en syllabe initiale ou dans un mot du type ~.~e.~.

h

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•son ch(e)min', •que j(e) vais prendre'), or cette "erreur" re­coupe la prononciation du Midi et ne devrait pas entrainer de con­

séquences pour la communication.

Une fois nos types d'erreurs choisis et classés, il nous restait à savoir si la gravité de tous ces types d'erreurs était la même et si les Français y étaient aussi sensibles que nous. Ici inter­vient la notion si importante de tolérance. Le professeur de lan­gues, comme nous l'avons mentionné dans le premier chapitre, s'ha­bitue aux erreurs et n'y fait donc plus attention; par contre, il a tendance à l'hyper-correction dans certains cas,ou il corrige de façon plus ou moins mécanique les erreurs classées "graves" par la tradition. Mais les erreurs que nous corrigeons d'abord, sont-elles senties comme très graves par un non-spécialiste? Quel est le seuil de tolérance d'un Français "de la rue" vis-à-vis de ces erreurs? Voilà les questions auxquelles nous espérerions avoir une réponse.

Nous avons choisi comme matériel de base pour notre enquête un texte lu, ceci pour deux raisons:

D'abord , des phrases isolées nous semblaient trop artificielles (et ennuyeuses) pour une enquête sur la valeur communicative de la prononciation. (Des mots isolés ne nous auraient pas permis d'évaluer les erreurs prosodiques.) Mais après notre enquête à

base d'un texte, nous estimons qu'une enquête à base de phrases pour~ait apporter des précisions sur le rôle relatif de chaque type d'erreurs (cf. chapitre 10. Perspectives.).

Ensuite, une production spontanée aurait comporté des erreurs de grammaire et de lexique à côté des erreurs de prononciation, ce qui aurait rendu impossible ou très difficile une évaluation du rôle propre de ces dernières pour la compréhension du message.

3. Choix et analyse des enregistrements.

Nous avons écouté les enregistrements du test de prononciation mentionné plus haut, faits pendant l'année universitaire 1977/78 par des étudiants qui commençaient à étudier le français. Parmi ces enregistrements, nous en avons choisi une quinzaine que, in­tuitivement, nous avons jugé représenter des niveaux différents

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par rapport au n ombre d'erreurs commises ; ensuite nous avons ana­lysé ces enregistrements en détail, en notant toutes les erreurs à l'aide d'une transcription fine (API). (Les erreurs prosodiques ont été notées à l'aide de flèches pour l'intonation et à l'aide de traits verticaux pour les pauses; les accents sont notés par des petits traits en haut devant la syllabe accentuée.) (Voir ap­pendice 1.)

A la suite de cette analyse, nous avons établi le nombre d'erreurs possibles dans chacune des 14 catégories mentionnées au chapitre 2, et nous avons compté le nombre d'erreurs commises effectivement à l'intérieur de chacune de ces catégories, après quoi nous avons calculé le pourcentage des erreurs commises sur le total des er: reurs possibles dans chaque catégorie. Nous avons calculé aussi une moyenne de ces pourcentages pour contrôler notre choix intui­tif des enregistrements à analyser. 1

Pour nous faire une idée plus précise du niveau de prononciation de chaque enregistrement, nous avons, en plus , établi des profils d'erreurs en forme d ' histogrammes . Ces profils d'erreurs nous ser­viront aussi plus tard à expliquer pourquoi tel ou tel enregistre­ment a été jugé plus ou moins compréhensible par nos informateurs. (Voir des exemples de ces profils d ' erreurs à l 'appendice 5.)

4. Choix des 8 enregistrements.

Parmi les enregistrements analysés, nous en avons choisi 8, repré­sentant 4 niveaux différents: un niveau supérieur: A, deux niveaux moyens: B et C, et un niveau inférieur: D. Ce choix s'est fait à l'aide de notre intuition, acquise au cours de notre longue expé­rience pédagogique , aidé par notre analyse objective des erreurs.

1) Nous avons eu des problèmes pour établir le nombre d'erreurs possibles dans le domaine des pauses, étant donné qu ' on peut en principe faire des pauses entre tous les mots (et même à l'inté­rieur d'un mot!); un nombre de pauses erronées même assez élevé, calculé sur le nombre maximal, montre alors un pourcentage assez bas. Nous avons quand même choisi de calculer les erreurs des pauses sur le nombre maximal (correspondant à toutes les frontiè­res de mot où une pause nous paraissait impossible), en tenant compte d'un pourcentage bas comme étant d'importance. La monotonie de l 'intonation , qu ' on trouve chez certains étudiants, joue sûrement un rôle impqrtant, mais n'a pu être mesurée que sub­jectivement, à l'aide de notre oreille.

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Le niveau supérieur A (enregistrements 1 et 2) est caractérisé par un petit nombre d ' erreurs dans quelques types d'erreurs, le niveau inférieur D (enregistrements 7 et 8) par un grand nombre d ' erreurs dans tous les types d'erreurs, ou presque. La délimitation des deux niveaux intermédiaires B (enregistrements 3 et 4) et C (enregistre­ments 5 et 6) se fait selon l'importance du nombre d'erreurs com-

mises.

Il va sans dire que la répartition des enregistrements dans les 4 groupes est en partie arbitraire , ainsi que l'ordre des enregistre­ments à l ' intérieur de chaque groupe. Dans ce contexte, et en géné­ral, il est très important de noter que les profils ne montrent pas à eux seuls le niveau de nos étudiants: notre intuition, comme nous l ' avons mentionné plus haut, joue un rôle essentiel dans le partage

des niveaux .

Nous avons calculé la moyenne des erreurs segmentales d ' un côté et la moyenne des erreurs prosodiques de l ' autre, après quoi nous avons calculé la moyenne de ces deux moyennes comme expression de la to­talité des erreurs, pour mieux rendre compte de l'importance des erreurs prosodiques, dont le nombre de types est relativement bas .

Nous remarquons un certain désaccord entre la classification intui­tive et la classification par les erreurs. Par exemple, le pourcen­tage moyen des erreurs comptées est plus élevé pour l'enregistre­ment 6 que pour les enregistrements 7 et 8, que nous avons pourtant mis dans la catégorie D, tandis que l'enregistrement 6 a été mis dans la catégorie C avec l ' enregistrement 5 . Cela pourrait s'expli­quer par le fait que nous avons donné trop d'importance aux erreurs prosodiques, dont le pourcentage moyen reflète notre analyse intui­five. (Les erreurs segmentales séparent encore plus les enregistre­ments 5 et 6 ainsi que les enregistrements 6 et 7/8, que ne le fait

la totalité des erreurs.) (Voir appendice 6 . )

Nous avons jugé aussi la monotonie de l'intonation, intuitivement, en 4 niveaux (0- 3), que nous avons fait correspondre aux pourcen­tages 0, 33,3, 66,7 et 100. Si nous comptons ce facteur pour obte­nir 5 types d'erreurs prosodiques au lieu de 4, nous avons une cor­respondance plus claire entre notre intuition globale et la classi­fication par les erreurs analysées , à part l'enregistrement 6 (voir appendice 6 ) . Naturellement, nous ne pouvons pas faire entrer ce facteur dans le pourcentage moyen au même titre que les types d ' er­

reurs mesurés objectivement .

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5. Mise en place du guestionnaire.

Pour que les Français jugent nos enregistrements, nous avons établi un questionnaire à questions fermées1 . Avec ce questionnaire, nous voulions vérifier si le texte enregistré avait été compris, et dans quelle mesure les erreurs de prononciation gênaient la compréhension .

Après de nombreuses discussions avec Peter Holtse, informaticien de l'Institut de Phonétique, nous avons décidé, pour chaque question, d'avoir une échelle d ' évaluation de 4 degrés, allant du plus positif au plus négatif. Ces 4 degrés ont été choisis pour éviter que toutes les réponses, que toutes les croix soient rassemblées au milieu, ~e qui se passe facilement pour les échelles à nombre impaire de de­grés. Il nous fallait aussi trouver les adjectifs ou les phrases qui devaient être placés aux deux pôles de notre échelle (bon/mau­vais, pénible/naturel) . Dans ce but, les enregistrements ont été écoutés par plusieurs Français qui spontanément nous ont livré leurs réflexions et donné une série d'adjectifs nous permettant de ca­ractériser la prononciation de nos enregistrements . Nous avons tou­jours donné la priorité aux termes les plus simples qui ne devaient pas faire appel à des ccnnaissances particulières de phonétique ou de linguistique, notre questionnaire devant être soumis à des non­spécialistes.

Une première ébauche a été soumise aux critiques de nos collègues. La version définitive, approuvée par Ellen S0rensen, étudiante de sociologie travaillant à l'Institut de Linguistique Appliquée, se présente ainsi, page par page :

Page A: Cette page correspond à l'écoute d ' un enregistrement d'un texte, autre que notre texte de base, lu par une étudiante, enregistrement toujours identique pour tous nos informateurs. Cet enr egistrement, jugé par nous de niveau moyen, devait nous servir d ' enregistrement témoin, pour que nos informateurs se familiarisent avec une voix étrangère et avec notre méthode et pour contrôler s 'il n 'y avait pas de trop grande variation dans leur manière de juger. Ce prodédé était nécessaire ; notre texte de base étant le même pour tous les 8 enregistrements, chaque informateur ne pouvait écout er qu'un seul enregistrement: comme il devait juger l ' i ntelligibilité du texte de

1) Notre choix de guestionnaire a été inspiré par Rebecca Agheyisi, Joshua A. Fishman (1970).

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base enregistré, il y aurait eu, après l'écoute d'un premier enre­gistrement, un facteur de reconnaissance, qui, à notre avis, aurait faussé les réponses de l'informateur aux enregistrements suivants.

Il y a trois questions sur cette page: une question sur la compré­hension générale du texte écouté, une sur la facilité de l'écoute/ le facteur d'irritation et une troisième question sur la qualité

de l a prononciation (distincte/indistincte).

Les pages B à D concernent l'écoute de notre texte de base.

Page B: Cette page correspond à la première écoute de notre texte de base avec des questions pour vérif ier la compréhension, et en plus un choix multiple sur le contenu et une question plus précise sur les mots qui n ' avaient pas été compris. La dernière question portait sur le facteur d'irritation qu'un Français peut avoir en écoutant un étranger. Le professeur Henning Spang-Hanssen nous donna sponta­nément une définition très imagée de ce facteur d'irritation en utilisant une expression danoise qui n'a pas de correspondant en fra~çais: "Ah, oui, nous dit-il, l'écoute pénible c'est quand l'au­diteur recroqueville les doigts de pied dans sa chaussure quand un étranger lui parle!!" Le facteur d'irritation est lié à l'effort constant que fait le Français pour adapter les erreurs systématiques

de l'étranger à son propre système.

Page C: Cette page correspond à la deuxième écoute du texte de base, avec des questions plus précises sur la prononciation: voyelles inaccen­

tuées, rythme, intonation.

Page D: Cette page correspond à la troisième écoute du texte de base, phra­se par phrase. Dans cette dernière phase, l'informateur doit juger l'intelligibilité de chaque phrase (qui contient chacune un type specifique d'erreurs). S'il y a un problème, il a la possibilité de noter ses remarques: nous avons laissé 15 secondes entre chaque phrase . Pour la dernière phrase, elle a été enregistrée en plus de l'enregistrement écouté en entier, par une voix française, puis par un Danois autre que celui qui lisait le texte en entier . Ces deux enregistrements supplémentaires étaient les mêmes pour tous (la même voix féminine pour les enregistrements féminins, la même voix masculine pour les enregistrements masculins). Ceci nous servait de

contrôle comme le premier texte.

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A la fin de chaque page du questionnaire, nous avons mis une rubri­que 'remarques ' afin que l'on puisse noter les détails qui n 'en­traient pas dans le questionnaire. (Voir appendice 2 .)

Nous avons mis au point un autre questionnaire qui s'adressait di ­rectement aux informateurs, pour connaître précisément leur origine linguistique et les milieux sociaux qu'ils fréquentaient dans leur travail et pendant leurs loisirs. Nous avons aussi choisi un texte qui devait être lu par nos informateurs afin de mieux connaître leur accent.

6. Choix des informateurs .

Nous pensions faire écouter nos enregistrements à un nombre impor­tant de Français, mais malheureusement les difficultés pratiques d ' une telle enquête ont limité nos possibilités pour trouver la po­pulation voulue. Paris nous semblait indiqué car, comme l ' écrivent André Martinet et Henriette Walter: "dans un pays particulièrement centralisé comme la France, Faris est sans conteste le centre de toutes les activités politiques, économiques et culturelles . C'est donc là que viennent se fondre et s'amalgamer les prononciations de toutes les régions pour former une sorte de dénominateur commun en­tre Paris et la province." (A. Martinet, H. Wal t er (1973), p.17- 18) . Ce point de vue nous avait semblé valable comme hypothè se de travail.

Nous avions un groupe de 48 personnes, qui se divise en trois: 1. Un groupe d'étudiants. 2. Un groupe formé par le personnel des bureaux du Ministère de

!'Agriculture, où nous avons interrogé des secrétaires et des employés supérieurs .

3. Un groupe interrogé à la bibliothèque de Bobigny (Nord- Est de Paris, banlieue d'ouvriers et de travailleurs immigr és). Nous avons interrogé des employés de la bi bliothèque et des lecteurs qui se trouvaient là au moment de notre enquête, la plupart Fran­çais de souche, et qui ont accepté de répondre à notre question­naire.

Notre population est donc assez hétérogène : milieux sociaux et âges différents, le seul point commun étant que ces personnes ont tou-

20

jours ou très longtemps vécu dans la région parisienne. Il est très difficile. dans une grande ville comme Paris, de trouver des gens qui acceptent de répondre à une enquête, surtout que notre budget ne nous permettait pas de payer nos informateurs. Les Parisiens étant trop souvent sollicités, ils sont méfiants et même quelque­fois agressifs. Il aurait été plus facile, sans doute, d'interroger des gens dans une petite ville de province, mais là nous nous se­rions heurtés au problème de l ' accent. Un groupe de la région alsa­cienne, par exemple, nous aurait mal renseigné sur l ' opposition des consonnes sourdes et sonores, dans l e Sud nous aurions eu le problè­me de la distinction des voyelles nasales, etc .

Nos résultats auraient été sans doute plus homogènes si nous avions pu i~terroger un groupe du même âge et d'un milieu social à peu près identique (par exemple un groupe d'élèves dans un centre d'ap­prentissage). Cela n'a pas été possible, et nous devons donc inter­préter les résultats en tenant compte de ces facteurs.

7. Déroulement de l'enquête.

Nous avons mené notre enquête pendant trois semaines dans Paris. Nous nous déplacions dans la ville avec notre matériel d'enregis­trement et nos questionnaires . Notre matériel d'enregistrement se composait d 'un magnétophone portatif à cassettes de bonne qualité (UHER CR 210), d ' un haut-parleur supplémentaire (HERU LS 102), le hau~-parleur du magnétophone ne nous ayant pas paru d'assez bonne qualité, d'un micro UHER et de nos cassettes (Agfa Super Ferro Dy­

'flarnic). Nous avons presque toujours interrogé nos informateurs sur leur lieu de travail. Nous leur expliquions que nous étions des professeurs de français au Danemark, que nous avions enregistré nos étudiants et que nous désirions savoir si leur français était compréhensible; nous avons expliqué les principes selon lesquels il fallait remplir le questionnaire (échelle à 4 degrés, croix à mettre, etc.). Dans l'ensemble nous avons donné le moins d'explica­tions techniques possible, pour ne pas influencer leur jugement. Les informateurs ont rempli les 4 pages du questionnaire, enregistré eux-mêmes le texte prévu pour que nous connaissions leur prononcia­

tion et rempli le questionnaire personnel.

21

Nos informateurs ont écouté les enregistrements dans l ' ordre de la bande : le premier informateur a écouté l'enregistrement 1, le deu­xième informateur l'enregistrement 2 et ainsi de suite jusqu'à l'enregistrement 8, après quoi nous avons recommencé par l ' enregis­trement 1 . Nous avons pensé par ce procédé assurer une distribution égale d'informateurs sur les 8 enregistrements, et en même temps éviter que les informate·.lrs d 'un même enregistrement se regroupent selon des critères socio-professionnels.

Comme nous l'avons déjà mentionné, nos enregistrements ont été ju­gés par 48 Français en tout, ce qui donne 8 groupes de 6 informa­teurs chacun, correspondant aux 8 enregistrements différents . Nous avons donné à chaque groupe d ' informateurs- juges le numéro de l'en­registrement écouté : groupe 1, 2 etc.

8. Dépouillement du questionnaire.

L'enquête terminée, nous avons procédé de la manière suivante:

Nous avons réuni les ré~onses du questionnaire pour chacun des 8 enregistrements différents écoutés, en vue d ' un classement relatif de ces enregistrements et en vue d'une comparaison de ce classement avec celui que nous avions établi nous- mêmes (voir chapitre 4). Comme les résultats du "questionnaire A" (page A du questionnaire) devaient nous servir de mesure commune pour voir si nos 8 groupes d'informateurs jugeaient de la même façon, nous avons en plus fai t le total des 48 réponses au "questionnaire A" pour voir la distri­bution totale des réponses.

Pour nous faire une idée plus précise des résultats et en vue d'un traitement statistique de notre matériel, nous avons ensuite calcu­lé les moyennes de toutes les questions pour chacun des 8 enregis­trements écoutés et pour le 11 questionnaire A" en bloc. Nous avons visualisé ces moyennes sur des hi stogrammes, avec en plus la moyenne des moyennes pour chaque page du questionnaire (la moyenne des moyennes de la page A exprime la sévérité du groupe en question) . Le meilleur résultat étant représenté par la moyenne 1, nous avons retenu seulement ce qui dépasse ce niveau (voir appendice 5). Au chapitre 9 nous reprendrons ces moyennes pour les comparer aux pour­centages de nos profils d'erreurs .

22

Avant de commencer le traitement statistique de nos résultats, nous avons consulté Henning Spang- Hanssen, professeur à l ' Institut de Linguistique Appliquée et spécialiste de la statistique, qui a bien voulu regarder nos résultats. Après avoir fait quelques calculs, il nous a déconseillé d ' utiliser le traitement statistique, étant donné que les jugements du "questionnaire A" (même enregistrement pour tous) différaient presque autant entre les 8 groupes d ' infor­mateurs que leurs jugements des 8 enregistrements appartenant à des niveaux de prononciation différents . Les causes semblent en être diverses: le nombre assez bas d ' informateurs-juges pour chaque en­registrement diminue la validité statistique des résultats; l ' é­chelle à 4 degrés donne trop peu de dispersion des réponses (une échelle à 6- 8 degrés aurait été préférable, selon M. Spang- Hanssen); les questions du questionnaire ne sont peut- être pas assez précises. Par contre, les facteurs sociolinguistiques ne semblent jouer aucun

rôle dans ce contexte.

M. Spang-Hanssen nous a donc conseillé de faire une analyse quali­tative, intuitive, de nos résultats. Le procédé et les résultats de cette analyse seront exposés dans le chapitre suivant.

9. Quelgues résultats.

Déjà en faisant passer le questionnaire à nos informateurs , nous nous sommes fait quelques idées générales de ce que seraient les résultats de notre enquête ; nous avons vite remarqué, par exemple, que même les erreurs segmentales assez "graves" ne gênaient pas la

compréhension du texte.

Les résultats chiffrés, relevés à partir des réponses inscrites sur la première page de notre questionnaire (page A) et qui corres­pondent à l ' écoute du même enregistrement par les 48 informateurs , montrent une grande diversité de réponses. D'après nos chiffres, sur les 8 groupes d'informateurs, établis à partir des 8 enregis­trement du texte principal, le groupe 1 (les informateurs qui ont écouté l ' enregistrement 1) est nettement plus sévère que la moyenne (2,47 comparé à la moyenne 2,22)1 et les groupes 5 et 8 (qui ont

1) Ces chiffres représentent la moyenne des moyennes des réponses aux 3 questions pour chaque groupe d 'informateurs. 2,22 est la moyenne de tous les 8 groupes (de tous les informateurs) .

23

écouté les enregistrements 5 et 8 respectivement) nettement plus indulgents (respectivement 1,93 et 1,90) . Comment expliquer cette diversité de jugement dans les groupes?

Il nous a paru important, pour trouver éventuellement une réponse à cette question, de faire une grille détaillée de nos informateurs à partir de leurs réponses au questionnaire personnel. Dans cette grille, nous avons indiqué le sexe et l ' âge de nos informateurs, leur profession, leur niveau d'études, leur domicile actuel, leur région d ' origine, les langues étrangères apprises et éventuellement utilisées par eux, facteurs capables d'influencer leur manière de juger un accent étranger . (Cf . appendice 3.)

Il ressort de ce tableau: 1. que la moyenne d'âge est de 30 ans environ, allant de 17 à 66,

avec une grande majorité (83,3 3) entre 20 et 39; 2. que le niveau d'éducation est assez élevé ; si nous prenons le

Baccalauréat comme point de référence du niveau de scolarité, nous avons 37 person~es (77,1 3) avec le Bac et 11 (22 ,9 %) sans Bac;

3. que le pourcentage ries femmes et des hommes est assez bien dis­tribué: 26 femmes (5L,2 'Yo) et 22 hommes (45 ,8 /o).

Nos informateurs habitent tous Paris ou sa proche banlieue ; 8 sont originaires du Sud de la France (16,7 °~) et 3 des pays d 1 outre- mer (Guadeloupe, Martinique, Cameroun: 6,3 %). Presque tous sont très peu habitués à écouter une langue étrangère, ils ont presque tous BJ)pris l'anglais et l'allemand, mais très peu - 8 seulement (16,7 3) - pratiquent une autre langue que le français.

Nous n'avons rien trouvé dans le questionnaire personnel de nos in­formateurs qui puisse expliquer véritablement leur différence de jugement: le nombre d 'hommes et de femmes est distribué également dans les groupes 1 (sévère) et 5 (indulgent), la moyenne d'âge et l'échelle de variation des âges sont aussi distribuées de façon analogue, ainsi que le niveau d'études et l'origine géographique

(voir appendice 3). Les facteurs sociolinguistiques ne semblent donc pas nous donner d'explication sur la diversité des jugements. - A la fin du chapitre, nous essayerons de trouver ailleurs une explication à cette variation.

Nous avons quand même essayé d'égaliser les groupes de juges, en multipliant les résultats par un facteur correspondant à la sévé-

24

rité des groupes (qui s ' exprime dans leur jugement du texte intro­ductif), mais nous nous sommes rendu compte que cela n ' était pas possible, car cela fausserait nos résultats (les niveaux minimal et maximal changeraient d ' un groupe à l ' autre). Nous avons essayé alors d ' enlever de chacun des groupes le juge le plus sévère et le juge le moins sévère. Cela non plus n ' était pas possible , car dans la moitié des groupes il y avait deux juges qui "tombaient d'accord" pour être les moins sévères ; en l es enlevant tous les deux, nous n ' aurions plus que 3 juges dans les groupes concernés, ce qui nous semblait trop peu, et nous ne voyions pas comment choisir ent re les deux si nous ne voulions en enlever qu ' un, car aucun trait évident ne les séparait entre eux ; d ' ailleurs, même en enlevant les juges

\ les plus sévères et les moins sévères, la variation de jugement entre les groupes rester ait quand même trop grande .

Nous avons donc essayé de voir comment nos informateurs jugeaient le 8 enregistrements différents, en tenant compte d'une maniere générale de la sévérité des 8 groupes de juges correspondants, et ensuite de comparer leur jugement avec le profil des erreurs que nous avions établi pour les enregistrements et avec notre classi­fication intuitive de leur niveau en 4 groupes (voir chapitre 4) .

D' après nos schémas (appendices 6 et 7), il existe en général un rapport inversement proportionnel entre le nombre d ' erreurs et la compréhension . Mais même pour l ' enregistrement 6 , qui présente le nombre d ' erreurs le plus élevé (26,7 % en moyenne sur les 14 types comptés1 ), la compréhension reste assez bonne (au-dessous de la moyenne absolue 2,5 ) . I l sembler a i t donc que c ' est seulement à par­t i r d ' une moyenne d ' er reurs bien au- dessus de 10 °~ que l ' intelligi­bilité commence à baisser. A la question n° 4 (histoire compréhen­sible/incompréhensibl e) , l es groupes de juges 1 à 5 ont noté una­nimement : "compréhensible" (moyenne 1 ,0). (Il faut ajouter à cela que le groupe 5 est un groupe indulgent ; avec un groupe plus sévère, nous aurions peut- être eu un résultat moins positif . )

En analysant plus en détail nos données, nous remarquons des désac­cords entre les 3 classifications. Nous avons déjà noté le désac­cord entre notre classif ication intuitive et notre classification object ive à partir des erreurs (voir chapitre 4). La classificat ion faite par nos informateurs montre que l ' enregistrement 6 est jugé cl airement le moins bon selon tous les critères établis . Ces cri-

1 ) 35,7 3 si nous a j outons l a monotonie de l ' int onation .

25

tères, à partir desquels nous avons d ' abord classé les jugements des 8 enregistrements, sont les suivants (voir appendice 7 ): ~Les moyennes de la question 4 (compréhensible/incompréhensible). b Les moyennes de la question 5 (aucun mot/beaucoup de mots pas

compris) . ~ Les moyennes de la question 6 (écoute sans problème/pénible) . d Les moyennes des questions 4+5 (qui renseigneraient mieux que

les moyennes de la question 4 sur l ' intelligibilité, étant donné la manière peu nuancée dont nous avons posé cette question : "L' histoire est compréhensible/incompréhensible" , à comparer avec la question 1, plus nuancée : "Le texte est facile à com­prendre/difficile à comprendre").

~ Les moyennes des questions 4+5+6 (qui inclueraient le facteur d ' irritation: "sans problème/pénible", et refléteraient donc probablement l ' acceptabilité de l ' enregistrement par une oreille

française) .

Nous avons retenu seulement les deux derniers critères, Q et ~· qui nous semblent les plus valables . Quand nous comparons la clas­sification selon ces deux critères avec les profils d'erreurs et avec les catégories A - J, nous remarquons que la classification selon Q (intelligibilité) est à peu près la même que la classifi ­cation selon le pourcentage total des erreurs (sauf pour l ' enregis­trement 5, qui a pourtant été jugé par des informateurs indulgents, ce qui pourrait expliquer le désaccord ; avec des juges plus sévères, cet enregistrement aurait été sans doute jugé moins intelligible; ceci vaut aussi pour l ' enregistrement 8, qui se serait rapproché sans doute plus de l ' enregistrement 7 avec des juges moins indul­gents). Nous remarquons aussi une plus grande distance entre les enregistrements 7 et 6 (les moins compréhensibles) que ne le laisse­rait supposer le pourcentage d ' erreurs : l'enregistrement 6 est jugé 2 fois moins compréhensible que l'enregistrement 7, tandis que 6 a seulement 1/3 d'erreurs je plus que 7 (et 8); ceci vaut aussi quand nous incluons la monotonie de l'intonation (voir appendice 6 ) . Y aurait-il un seuil quelque part entre les enregistrements 6 et 7? Nos données ne nous permettent pas d'y répondre. L' enregistrement 6 semble bien être le seul à avoir posé vraiment des problèmes de

compréhension .

La classification selon~ (acceptabilité) rend encore plus claire cette const atation (voir appendice 7 ).

26

Il faut remarquer que nos informateurs ont toujours perçu et noté les erreurs de prononciation, même quand la compréhension est bonne ; on ?eut constater ceci en regardant les moyennes des questions 7 (mots clairement prononces/en partie avalés), 9 (lecture coulante/ hachée) et 10 (mélodie proche du français/loin du français) - ainsi que les remarques faites à propos des phrases dans les questions 11.1 à 11.8 - et en comparant l es moyennes des questions 7, 9 et 10 avec les moyennes des questions 4, 5 et 6 . (Remarquons, d ' ailleurs, que selon les erreurs perçues par nos informateurs, les enregist re­ments 2 et 7 se trouvent au même niveau assez élevé, et que l'enre­gistrement 4 dépasse la moyenne absolue 2,5 (moyenne de l ' enregis­trement 4 = 2,57) ! - ce qui ne s ' explique même pas par le fait que les questions 7 à 10 portent uniquement sur la prosodie . )

Il nous est impossible de fair e ressortir un seul ou quelques fac­teurs qui expllqueraient pourquoi l ' enregistrement 6 est jugé tel­lement moins intelligible que les autres. Nous pouvons constater seulement qu ' un grand nombre d'erreurs dans un grai.d nombre de types à la fois, combiné avec une intonation monotone, amène une intelli­gibilité et une acceptabilité assez basses, sans que nous puissions décider quel(s) type(s) d ' erreurs (p. ex. [si] prononcé [sj]) ou quel genre d'erreurs (erreurs segmentales ou prosodiques) en sont

responsables.

Comme résultat global , il semble que nous ayons pour nos enregis­trements 2 niveaux de prononciation plutôt que les 4 .niveaux que nous avions établis au départ; ceci est explicable aussi bien par nos prof ils d ' erreurs que par les résultats de notre enquête .

On peut conclure que pour le Fr ançais "de la rue " il faut beaucoup d ' erreurs dans beaucoup des types d ' erreurs de prononciation pos­sibles, segmentales et prosodiques, pour que le discours ne soit pas compris, et quelques er reurs dans un seul type (ou quelques types) ne semblent pas gêner la compréhension, résultat confirmé par le fait que très souvent le même informateur n ' est pas "consé­quent" d ' une question à une autre ; il y a , par exemple, des infor­mateurs qui trouvent le texte- témoin du "questionnaire A" facile à comprendre, l ' écoute sans problème et pourtant la prononciation assez indistincte. (Il faut croire, pourtant. que des conditions d ' écoute moins favorables que celles de notre enquête - beaucoup de bruit, par exemple - entraîneraient une baisse de l ' intelligibilité.) - Peut- être faudrait- il dans l ' enseignement essayer dès le début

27

de baisser le nombre total d'erreurs dans les différents types d'er­reurs, et ne pas trop s'acharner sur une seule catégorie d'erreurs.

Le taux de non- compréhension, dû aux erreurs de prononciation, est donc très bas. Parfois, pourtant, un type d'erreurs (p. ex. [si] ~ (sj )) rend plus difficile la compréhension d'une phrase. Mais ce sont plutôt les erreurs de prononciation qui entraînent une er­reur lexicale dans le contexte qui sont capables de gêner la com­munication, même en petit nombre (voir l'exemple dans notre texte de l ' opposition des consonnes /p/- /b/ mal maîtrisée, ce qui a en­traîné la confusion entre •un blanc sans défense' et 'un plan sans défense ' , donc entre les membres d ' une paire minimale en contexte, et rendu la phrase presque incompréhensible) . Nous renvoyons à ce propos à un article de Leif Kvistgaard Jakobsen et Fritz Larsen1

où ils montrent, à partir d'une enquête (sur l ' anglais), que les erreurs lexicales ont entraîné des phrases mal comprises dans 31,5 ~o des cas, tandis que le pourcentage pour les erreurs grammaticales était de 4,6 seulement . Les erreurs de prononciation propres donne­raient un taux de non compréhension comparable à celui dû aux er­reurs grammatical es plutôt qu'à celui dû aux erreurs lexicales .

Avant de terminer ce chapitre, nous aimerions apporter des points de critigue sur notre enquête, car cela nous paraît découler de nos analyses et expériences, et faire parti des résultats.

D' abord, le fait que nous ayons choisi 8 enregistrements du même texte , nous a obligé de :es faire écouter par des groupes d ' infor­mateurs différents, ce qui rend difficile la comparaison des résul­tats, même si, pour éviter cet écueil, nous avions mis au début de chaque enregistrement le même texte pour tous les informateurs . Nos informateurs n'ont pas pu donner leur avis sur le niveau rela­tif de l ' enregistrement, puisqu'ils n ' ont pu écouter qu'un seul .

Ensuite, en ce qui concerne notre questionnaire, l ' échelle à 4 de­grés donnait malheureusement trop peu de dispersi on aux réponses (voir chapitre 8). D'autre part, le vocabulaire utilisé pour nos questions pouvait être compris de multiples façons (par exemple, comment "écoute pénible" a - t - il été compris par les différents in­formateurs?). Notre quesoionnaire personnel a été compris sans dif­ficulté (il n ' est pas difficile de répondre à une question comme:

1) Leif Kvistgaard Jakobsen, Fritz Larsen (1977).

28

"Combien de langues étrangères avez- vous apprises?"), mais dès qu'il s ' agit d ' un jugement subjectif (par exemple: "Quel est votre niveau en anglais?" ou "Est- ce que la prononciation de X est bonne, moyenne ou mauvaise?"), les termes employés deviennent beaucoup moins pré­

cis.

Pourtant notre enquête nous a montré: 1. que notre choix des 14 types d'erreurs comme représentants de

la totalité des types a donné des résultats utilisables, 2. qu ' il est possible d'établir une mesure objective du niveau de

prononciation pour compléter l ' intuition de l ' enseignant, 1

3 . qu ' il est possible de mesurer la tolérance des natifs aux er­reurs de prononciation à l'aide d ' un questionnaire .

Il nous avait paru essentiel de donner des calculs précis en ce qui concerne les erreurs de nos étudiants et le jugement de ces erreurs. Il nous fallait connaître d'une part le rapport qui existe entre ces erreurs et le jugement d ' un Français "de la rue" et d ' autre part mettre au clair les intuitions que nous avons lorsque nous jugeons le niveau de prononciation de nos étudiants et qu ' éventuel­lenent nous leur mettons une note à un examen. La notation de la prononciation, par exemple pour un examen oral, est souvent assez décevante, on a trop l ' impression que ces notes sont dues au ha­sard. Or, si on veut s ' en donner la peine, cette intuition peut être plus ou moins calculée et mise en schémas.

10. Perspectives.

Sans doute nos résultats nous semblent bien p'auvres par rapport à ce que nous avions espéré , et nous voyons qu ' une enquête de tolé­rance comme nous l ' avons envisagée soulève de gros problèmes métho­dologiques . Nous nous sommes rendu compte des limites de notre . mé­thode, ce qui nous semble important. et nous espérons - comme nous l'avons mentionné - utiliser les expériences de ce projet pilote

pour une recherche ultérieure .

On pourrait imaginer une telle recherche menée de différentes ma-

1) Cela peut avoir des conséquences pour les notes données aux examens oraux.

29

nières, dont voici quelques propositions:

- Touj ours à l 'aide d'un questionnaire, on pourrait faire en sorte que tous les informateurs jugent plusieurs enregistrements à des niveaux différents de correction, et ainsi mieux exploiter le nombre d'informateurs . On pourrait demander ensuite à des ensei­gnants de français au Danemark de juger à leur tour ces enregis­trements et comparer leurs jugements avec les jugements des Fran­çais. Cela pourrait avoir des implications pédagogiques intéres­santes, toujours dans le sens d 'une valorisation de la compé­tance de communication.

- On pourrait également enregistrer des phrases (au lieu d'un texte comme nous l'avons fait) avec des types d'erreurs de pro­nonciation différents, et demander à des Français de noter ce qu'ils ont compris, en écrivant la phrase .1 Nous verrions alors l ' écart avec la phrase enregistrée et jugerions à partir de cet écart les implications des erreurs de prononciation sur la com­munication . (Mais la phrase reste quand même, beaucoup plus qu'un texte, quelque chose hors situation, hors contexte; com­ment juger alors de la valeur de communication? Problème à ré­soudre dans un autre projet, peut-être à l'aide d 'images , comme l'ont fait S0ren Kolstrup/J0rgen Sand et Margareta Olsson dans les projets mentionnés au début de notre rapport . )

Au terme de ce travail, nous aimerions que cette recherche soit rattachée à celles qui sont faites dans le domaine de la langue parlée sur le discours en général. Les recherches sur la prononcia­tion doivent s ' intégrer dans un champ plus vaste, avec des recher­ches sur le lexique, la grammaire, les stratégies de communication etc. Cette mise en commun nous amènerait à une évaluation plus pré­cise de ce qu ' un enseignant juge intuitivement, et ferait le point sur ce qu'il est important d'enseigner d ' abord, ce qui amè­nerait à valoriser tout naturellement la communication au depens de la correction .

1) Méthode utilisée par Leif Kvistgaard Jakobsen et Fritz Larsen dans leur recherche sur les erreurs lexicales et grammaticales, que nous avons mentionné au chapitre 9 .

30

Appendice 1

TEXTE DE BASE1

Cette histoire s ' est passée loin d ' ici, il y a plu~ieur~ années .

Elle va sans doute vou~ amu~er . Il s ' agit d'un jeune religieux

originaire du Chili, qui cherchait son chemin dans la j ungle.

Il était missionnaire . Il avait quitté les siens pour venir

convertir la population et il crut être la victime d ' une

hallucination, car, pas très loin de l ' endroit où il se trouvait,

parut tout à coup un terribl e animal. C' était le roi des animaux :

oui, un lion . Que puis- je faire, pensa- t - il, sinon implorer Dieu,

puisque j ' ai la foi. Il s ' adressa donc au bon Dieu, qui est le

gardien de~ hommes égarés. "Mon Dieu", implora- t - il, "un blanc

sans défense, que le destin a envoyé dans ce pays lointain, Vous

demande de donner à ce lion des sentiments chrétiens . " Visiblement

Dieu l ' entendit, car, au bout de quelques secondes , le lion se

mit à genoux, mais malheur~u~ement il se mit à réciter: "Mon Dieu,

bé:lissez cette nourriture que je vais prendre."

1) Le texte a été construit par notre collègue Françoise Andersen , qui a fait une étude sur son emploi dans des tests diagnostiques , voir Françoise Andersen (1980) . Nous avons souligné tous les endroits où il y avait la possibilité de faire une erreur de /z/ ou de /3/ .

Voici, à titre d ' exemple , deux phrases avec les erreurs notées po'.lr l ' enregistrement 7 :

V' Elle va sans doute vous amuser. Il s ' agit d ' un jeune

z ~ < J S t)S Cl J ~ y,,_ J J

'-.../' religieux

e s-i'. ...._:,,. originaire du Chili, qui cherchait son chemin dans la

s ~ jungle . s

() voyel le affaiblie

....J glissement "à l ' anglaise"

Appendice 2

QUESTIONNAI RE, pages B et C

page B:

4. L' histoire est

incompréhensible /_ !_ !_ !_ ! compréhensible

L' histoire se passe en France ( ) à l ' étranger ( )

à Paris ( )

Il s'agit d ' un homme d ' église ( ) d ' un explorateur ( )

d ' un étudiant ( )

Il rencontre un chien ( ) un fauve ( ) un ami ( )

La fin de l'histoire est romantique ( )

banale ( ) inatt endue ( )

5 . Est- ce qu ' il y a des mots que vous n ' avez pas compris?

beaucoup !_ /_ !_ !_ ! aucun

Notez éventuellement les mots que vous n ' êtes pas sûr(e)

d ' avoir compris :

6 . L' écoute de cette lecture est

sans problèmes l _ l _ l _ l _ I pénible

Remarques :

31

32 33

Appendice 2 (suite) Appendice 3

GRILLE SOCIOLINGUISTI QUE des groupes 1 (sévère) et 5 (indulgent) page C:

inf . sexe âge profession niveau domi- région lang. divers

7 . Les mots du texte sont d 1 étud. cile d ' orig. étr.

en partie avalés /~_/~_/~-!~_! clairement prononcés la f . 23 étudiante univ. Paris Mar- angl. ét . d ' ortho-seille all . phonie

8 . Les pauses sont lb f. ?45 secrétaire -- Paris Paris angl. autodidacte le m. 30 professeur univ . Paris Bor- angl . prof . de

trop nombreuses /~_/~_/~_/~_! insuffisantes de aux esp . musique l d f. 22 employée ét . la Paris Paris angl.

9, Le texte est lu d 'une manière de bureau philos .

le f. 35 auxiliair e CAP Paris Loir- --hachée !_!_!_!_! coulante de police et-

Cher

\ 10 . La mélodie du texte est lf f. 30 graphiste bac, Paris Mar- angl . contact avec

décorateur études seille ital. milieux div.

proche du français /_ /_ !_ !_ ! loin du français d'art

Remarques: tot. 5 f. 4 bac 1 m. Paris moy . 31

5a m. 33 documenta- ? Paris Paris all. l iste russe

angl . 5b f. 21 sténo- BEPC, Paris Paris angl .

dactylo CAP all. 5c f. 30 fonction- lie. Paris Paris angl .

naire droit all. 5d f. 22 employée bac Paris Paris angl .

de biblio- all. thèque

5e f. 29 étudiante univ . Paris Espagne esp. angl.

5f f . 31 ensei - lie. Paris Loiret angl. gnante droit all.

ital .

tot. 5 f. 4 bac 1 m. Paris moy. 28

34

Appendice 4

LISTE DES TYPES D' ERREURS ENREGISTREES

Erreurs segmentales :

nombre possible

1. (z), (3) sourds 2 . [t) aspiré/affriqué 3. [JJ, (3) prononcés [sj ) 4 . [s), [f] prononcés doux ou

sonores

5. (si] ( (zi)) prononcé (s; J 6 . /r/ affaibli après voyelle

7. [e] et [îX] mélangés 8. [îX] et [o] mélangés 9, Voyelle nasale suivie de

consonne nasale

10. (e], [~)trop fermés

pourcentage moyen (s)

Erreurs prosodigues:

11. Voyelles non accentuées affaiblies ou disparues

12. L' intonation monte au lieu de descendre et vice versa

13. Glissement "à l ' anglaise" sur les syllabes accentuées

14. Pauses mal placées

pourcentage moyen (p)

15 20

13

36 5

14 28

29

45 15

132

25

25 126

moyenne des deux pourcentages (s) et (p)

(15. Intonation monotone, jugée intuitivement

pourcentage pour 1 6 7

0 92,9 100,0 0 30,0 50,0

0 100,0 7 '7

0 0 0 0 80 ,0 20,0

7,1 85,7 7,1 6,9 0 7,1 0 17,5 10,3

2,2 6 ,7 6,7 0 26, 7 6, 7

1,6 43,9 21,6

1,5 12,1 10,6

8,0 20,0 0

0

0,8

2,6

4,0 60,0 1,6 4,0

9,4 18, 7

2,1 26,7 20,2

0 100,0 33,3)

35

Appendice 5

PROFILS D'ERREURS ET "NOTES" SELON LE QUESTIONNAIRE, p. B et C, pour les enregistrements 1 , 6 et 7 (cf. appendice 4)

profils d'erreurs

5o

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Io 0"'-;"""-;:;-'-;;-'-;:-'"='-;-1=""::""'-~,....r<:UL....L.-L-..l.......r::::~L-Jl!llil

Les chiffres 1- 14 renvoient aux types d'erreurs (v. appendice 4)

Ms : moyenne des erreurs segmentales MP: moyenne des erreurs prosodiques

Mt : moyenne de Ms et Mp

3

2

"notes" selon questionnaire

7 9 Io~

Les chiffres renvoient aux questions du ques­tionnaire (v. app. 2)

MA : sévérité du groupe MB: moyenne des notes

selon 4, 5 et 6 Mc : moyenne des notes

selon 7, 9 et 10

o 5 m 6 ~ ~ ~ ~ ~%

Mt · m~ · ~ · · ~ ~ · ~ . , , J'e~~rs Ul

~ ()

~ 1-'

1-' = (!) z

M o 5 to 15" 20 25" 3o 35" 'fo %

t+' J J ~ ~ 1 1 J 1 ~ 1 ·~ 1

cl.'ur.

en o c+

c+ (!)

~Cl!: (!) p. en ro

en p. - CO

Cl>

O S to 15 .20 2.5' 3o 35" fo %

Mp , i i~ i· l J J , . , , , '"' 'i (!) 'i ::s Cl> 'i c (!) 'i OQ en 1-'· •• en

c+ 'i (!) 3 (!)

0 ~ ~ 6 ~ u ~ ~ ~% ::s c+ en

Mp•' ~ . Jxt ·~ ' ~ , ~ , ~ ' , ~~ en CD 1-' 0 ::s

o 5" Io /~ 2o zs 3o :3s 'fo 16 %

Ms Pi Jl ' ' 'JJ ' ' ' ' ~ ' -~ Ms : moyennes des 10 erreurs segmentales;~: moyennes des 4 erreurs prosodiques; Mt: moyennes de Ms + ~; Mp+: moyennes des 5 erreur s prosodiques (monotonie comprise); Mt+: moyennes de M8 + ~+ ·

M. (A)

!,OO /,So 2,oo 2,S'o 3,oo ,. l;, , ~, , ~, ' , , , , A, . , , '

M /,oo /,ffo 2 , oo 2 , So 3,oo

~r:t @TZ: · ~ · · · · · ·r · A · · · ·

M l,oo l,5'o 2 , oo .2,S-o 3,oo

c~f1J JJ'~lr ~ . , . . , , t' . , A , , , , ,

M /,oo l, 5'o 2 ,oo 2 ,S'o '.300 ,;:::;-' , . . . 'l· . . . i . (t: <liJ) . A ~l>' . 1 ,, • 7 • 8

M4 : moyennes des jugements de la question 4; M4+5

: moyennes de M4 & M5 , etc. Les flèches indiquent que les enregistrements jugés par un groupe sévère ou indulgent

devrai ent êt re déplacés ver s le bas, respectivement vers le haut de l ' échelle d ' évaluation .

2,50 repr ésent e la moyenne "absolue" (moyenne des deux extrémités de l ' echelle : 1 et 4).

Ul

~ (')

i N .. z 0 c+ (!) en

p. (!) en CO

CD ::s 'i (!)

OQ 1-'· en c+ 'i (!)

3 (!)

::s c+ en en CD 1-' 0 ::s 1-' (!) en .D c (!) en c+ .... 0

5 ~ .... 'i (!) en

\.>J O'I

VJ --.]

38

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