PEINTURES MURALES DE MESNARD-LA-BAROTIERE

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LES PEINTURES MURALES DE MESNARD-LA-BAROTIERE (France) Au contraire de la plupart des communes qui ont participé à la Contre-Révolution vendéenne, Mesnard-la-Barotière (appelé "La Barotière" jusqu'à son érection en comté de Mesnard en 1768) a conservé son église médiévale, pratiquement intacte depuis les quelques modifications qu'elle a pu subir au cours du XVIII e siècle. Les hasards de l'histoire locale lui ont en effet épargné tout à la fois les destructions de la guerre et une de ses reconstructions triomphalistes dont le XIX e siècle fut si friand dans la région. C'est ainsi tout à l'autre extrémité du bourg, qu'un édifice néo-gothique a été élevé en 1884, pour répondre aux nouveaux besoins. La châtelaine de l'époque, Marie-Caroline de Mesnard (1830-1888), célibataire et dévote, avait offert le terrain et payé tous les frais de l'opération, tout en tenant, semble-t- il, à recentrer la vie paroissiale à proximité de sa demeure. La vieille église ne fut donc pas détruite et demeura comme dépendance du presbytère que les curés n'avaient pas voulu quitter. Quant au cimetière qui lui était contigu, rien n'avait imposé de le déplacer, puisqu'il était à l'écart de l'agglomération. L'ensemble a donc échappé aux diverses transformations du XX e siècle. Nul ne s'en plaindra ! Pourtant, la vieille église aurait probablement disparu aujourd'hui si la découverte accidentelle de peintures murales de l'époque gothique n'avait valu son inscription à l'I.S.M.H. 1 . Encore qu'il ait fallu attendre la fin des années 1970 pour que, grâce à l'énergie du maire de l'époque 2 , des

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ETUDE DOCUMENTAIRE SUR DES PEINTURES MURALES RELIGIEUSES DU MOYEN AGE VISIBLES DANS UNE EGLISE FRANCAISE

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LES PEINTURES MURALES

DE

MESNARD-LA-BAROTIERE

(France)

Au contraire de la plupart des communes qui ont participé à la Contre-Révolution vendéenne, Mesnard-la-Barotière (appelé "La Barotière" jusqu'à son érection en comté de Mesnard en 1768) a conservé son église médiévale, pratiquement intacte depuis les quelques modifications qu'elle a pu subir au cours du XVIIIe siècle. Les hasards de l'histoire locale lui ont en effet épargné tout à la fois les destructions de la guerre et une de ses reconstructions triomphalistes dont le XIXe siècle fut si friand dans la région. C'est ainsi tout à l'autre extrémité du bourg, qu'un édifice néo-gothique a été élevé en 1884, pour répondre aux nouveaux besoins.

La châtelaine de l'époque, Marie-Caroline de Mesnard (1830-1888), célibataire et dévote, avait offert le terrain et payé tous les frais de l'opération, tout en tenant, semble-t-il, à recentrer la vie paroissiale à proximité de sa demeure. La vieille église ne fut donc pas détruite et demeura comme dépendance du presbytère que les curés n'avaient pas voulu quitter. Quant au cimetière qui lui était contigu, rien n'avait imposé de le déplacer, puisqu'il était à l'écart de l'agglomération. L'ensemble a donc échappé aux diverses transformations du XXe siècle. Nul ne s'en plaindra !

Pourtant, la vieille église aurait probablement disparu aujourd'hui si la découverte accidentelle de peintures murales de l'époque gothique n'avait valu son inscription à l'I.S.M.H.1. Encore qu'il ait fallu attendre la fin des années 1970 pour que, grâce à l'énergie du maire de l'époque2, des crédits suffisants soient débloqués pour une restauration digne de ce nom, sous la direction des Bâtiments de France. Quant aux travaux de décapage et de fixation des peintures actuellement visibles, ils ont été conduits de 1987 à 1989, dans un esprit très respectueux de la découverte, suivant la technique aujourd'hui bien maîtrisée du trattegio3. Le chantier a été inspecté régulièrement par l'administration des Monuments Historiques 4.

Le bâtiment (fig. 1)

Si les sources d'archives actuellement inventoriées ne permettent de dater avec précision ni les étapes de la construction ni les principaux remaniements, elles peuvent servir à établir des hypothèses intéressantes.

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La seigneurie de Barroteria apparaît, pour la première fois, dans la copie d'une charte5, datable de 1149, de l'abbaye de la Grainetière, -située 7 kms à l'est-: la terre était alors tenue par des protecteurs de l'abbaye, les Goyas (GOELLVS) également seigneurs de Mouchamps, Vendrennes et de Beaurepaire, communes voisines de la Barotière. Selon une pièce du cartulaire de Marmoutiers6 , les Goyas ont pris part à la construction de l'église de St-Germain de Prinçay (Vendée) au XIe siècle. Certes, rien ne permet de dire que cette famille soit également à l'origine de la vieille église de Mesnard-la-Barotière, mais l'examen du cadastre de 1838, conservé à la mairie, laisse à penser que le bourg, ainsi que le lieu-dit la Guiderie sont nés sur une zone de défrichement ancien, repérable par l'étroitesse des parcelles concentriques, très différente du reste de la commune7 .

En fait, comme la plupart des paroisses poitevines, il faut attendre le Pouillé dit Grand Gauthier8 , liste des bénéfices établie avant 1306 par le dernier évêque de Poitiers avant la scission de son diocèse au profit de Maillezais et de Luçon. On trouve sur cette liste la première mention de l'ecclesia parrochialis de Barroteria et on apprend que la collation de la cure appartient de plein droit à l'évêque (De dono episcopi). Cependant, conclure que l'église aurait été fondée sur l'initiative d'un évêque de Poitiers à l'époque des premiers défrichements, ou dans la mouvance d'une maison-forte, relève de la supposition.

Les autres sources actuellement inventoriées sont:

- une bulle de 1385 conservée au Vatican, marquant la collation du bénéfice de la cure par le pape du grand schisme, Clément VII, sans doute dans les désordres de la guerre de Cent ans 9 .

- un procès-verbal de la visite effectuée en 1534 par le vicaire général de Luçon, qui, au passage, donne le vocable de la paroisse : St-Christophe de la Barotière10 .

- les papiers de la fabrique, conservés depuis 1620 au presbytère. Ils ont fait l'objet d'un classement et d'un inventaire sommaire par le directeur des archives diocésaines11. Nous reviendrons sur ces documents qui permettent de dater un certain nombre d'éléments.

L'église St-Christophe de la Barotière, telle qu'elle se présente actuellement à nos yeux, n'est pas le fruit d'un projet initial: c'est un "patchwork" d'idées successives, de bricolages parfois, tout comme les cathédrales. Mais tout a pris sa place pour le service de l'ensemble. Miracle et mystère du Temps...

Histoire d'un puzzle

La nef

De proportions modestes, mais au rapport évident, -la longueur est quasiment le double de la largeur avec environ 42 pieds sur 2212-, la nef est l'élément le plus ancien, en fait l'église primitive.

En l'absence de toute trace de l'acte de consécration, il faut s'en remettre, pour la datation, à l'examen architectural. La construction semble du XIe siècle13: les murs latéraux

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étaient alors percés de deux étroites ouvertures, à fort ébrasement, qui sont restées dans le mur nord, et l'arc triomphal, en plein cintre outrepassé, -peut-être par tassement de la maçonnerie sous le poids du clocher ?-, est certainement d'origine: il devait introduire dans un chœur roman aujourd'hui disparu, que seules des fouilles intérieures auraient pu attester. On pourrait aussi dater de cette époque la cuve baptismale en pierre trouvée aux cours des travaux de restauration et déposée à droite de la grande porte. Cet ensemble roman rattache la vieille église aux plus anciennes de Vendée.

Le chœur

Quand le chœur fut-il construit ? Question primordiale pour la datation des peintures murales dont il est orné.

Au XIIIe siècle, bien des modestes églises romanes du Bas-Poitou furent agrandies et modifiées par des adjonctions gothiques. En fait, la situation économique de la province déjà enjeu de la rivalité franco-anglaise, n'est pas brillante à cette époque: on n'a pas les moyens de raser et de refaire à neuf.

C'est dans ce contexte qu'eurent lieu, apparemment, les transformations les plus importantes de l'église: remplacement du chœur roman par l'ouvrage gothique actuel et, peut-être, percement des nouvelles ouvertures, en même temps que l'on murait une des deux étroites fenêtres du mur sud. Réalisé, comme la nef, en granit, ce chœur, à contreforts non diagonaux et à chevet plat, sensiblement de la même largeur que la nef, a une longueur d'environ 29 pieds14, soit un rapport 3/4.

A l'intérieur, l'étude de la moitié inférieure de la construction répond assez bien aux habitudes du XIIIe siècle. Le dessin de la base des colonnes engagées, bien qu'atypique, approche un profil courant à partir de 1200. On peut aussi dater, sans trop de problèmes, du XIIIe siècle, au moins l'un des deux lavabos qui s'ouvrent dans le mur sud, le plus proche de la nef est à arc brisé simple, tandis que l'autre est double, à fenêtres tréflées. Mais pour toute la moitié supérieure du chœur, entièrement décorée par le programme iconographique découvert, l'étude des formes observées engage la datation des peintures, nous serons donc contraints d'y revenir, nous bornant pour l'instant à un inventaire descriptif.

La voûte d'ogives en coupole quadripartite, dont la clef est à environ 27 pieds au-dessus des dalles15, est soutenue par des arcs à nervures, dites à tore de listel. Vus du sol, ces arcs peuvent paraître légèrement surbaissés, mais cette impression est beaucoup moins évidente à hauteur médiane, et les relevés faits par les services départementaux de l'architecture ne conservent aucune trace de cette impression. A chacun des quatre angles de la voûte, les arcs diagonaux et les formerets longitudinaux reposent sur deux colonnes engagées solidaires d'une pile rectangulaire, également engagée, où aboutissent les deux doubleaux transversaux. Chaque jonction est réalisée par d'étroits chapiteaux sculptés, réunis en frise polychrome à décor végétal, encadrant des figures animales ou humaines. Le tout d'une facture assez malhabile, aisément explicable par le matériau utilisé, puisqu'il s'agit du granit.

Le mur nord est aveugle, mais une grande baie en arc brisé très légèrement surbaissé, à ébrasements symétriques, évide près d'un 1/3 de la surface du chevet. Le remplage actuel,

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d'esprit XIIIe siècle, est à peine le fruit d'une conjecture de restauration. Le mur sud est percé d'une petite fenêtre à arc trilobé, plus largement ébrasée sur l'intérieur.

La façade ouest et le clocher

Ces deux éléments sont sans conséquence sur la datation du chœur, auxquels ils sont visiblement postérieurs: nous n'en dirons donc que quelques mots.

La façade, avec son contrefort angulaire et sa porte décentrée, à moulures et en arc brisé nettement surbaissé, ornée de trois colonnettes, est très postérieure à la nef elle-même, peut-être de 4 siècles16 .

Le petit clocher carré est antérieur aux papiers de fabrique (1620), qui ne mentionnent que des travaux concernant la tourelle d'escalier (1767, date confirmée sur le linteau de la porte), construite en briques. Ce clocher a remplacé un mur-campanile, encore visible dans sa structure. Nous proposons également la période du XVe siècle pour cette partie de l'église17.

Tout compte fait, le bilan architectural, s'étend sur une période assez large, mais, on va voir que les peintures obligent à resserrer les dates d'une façon très contraignante.

LES PEINTURES MURALES

Une fête pour les yeux

L'intérêt du chœur de Mesnard-la-Barotière est offert par l'exemple remarquablement complet qu'il offre de la décoration d'une petite église médiévale. Une fête pour les yeux, où les verts, les ocres et les teintes rougeâtres transportent le visiteur des siècles en arrière et orientent son regard vers la voûte et son firmament chrétien.

Fait assez rare pour être signalé, le chœur présente un programme global de décoration picturale, exploitant toutes les latitudes laissées par les contraintes de l'architecture : non seulement un système de scènes recouvre les trois murs visibles de l'entrée, mais encore, si l'on excepte le mur ouest sur lequel toute trace a disparu, il faut ajouter l'intrados des deux arcs triomphaux, les ébrasements de deux fenêtres et la voûte qui conservent d'importants vestiges. cette décoration est complétée par des frises de séparation et une prolifération de motifs héraldiques sur toutes les nervures. Ces motifs sont organisés à raison de l'alternance en continu de deux blasons rectangulaires18 sur chaque arc, soit cinq couples d'armoiries bien lisibles, auxquelles s'ajoutent quatorze blasons, souvent très effacés, sur l'ébrasement de la

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grande baie axiale. Les murs latéraux comprennent chacun trois scènes superposées, la scène supérieure s'inscrivant dans le sommet formant tympan sous l'arc formeret.

Cet ensemble a été plusieurs fois recouvert au cours des siècles suivants, puisque le restaurateur a pu dénombrer jusqu'à dix couches superposées de badigeon à la chaux. Il a pu aussi relever des décors postérieurs, du XVIe au XVIIe siècle, qu'on a dû détruire pour restituer la dynamique du projet médiéval qu'ils masquaient19. Seuls ont été conservés quelques éléments du XVIIe siècle: une litre funéraire intégrant les armes des MESNARD, seigneurs du lieu (d'argent fretté d'azur); une sainte Émérence est visible à droite de la grande baie, et la partie supérieure d'un saint Christophe, peut-être de la même époque, à gauche. On remarque que cette litre se prolongeait dans la nef. Elle semble correspondre à une des pierres tombales du chœur, qui porte les quatre quartiers de Louis MESNARD, seigneur du lieu, décédé en 1687.

L'aspect technique

Rappelons d'abord qu'il ne s'agit pas de fresques, mais de peintures appliquées sur un badigeon de préparation, après finition de la maçonnerie. Cette technique, où les divers pigments adhérent par un liant à base de caséine, obtient des résultats beaucoup moins durables que la fresque, peinte sur enduit frais, mais les églises et châteaux étaient couramment décorés, et redécorés, de cette façon, un peu comme nous changeons aujourd'hui nos revêtements muraux.

Une étude technique précise, menée sur la partie supérieure du chevet, a permis de déterminer que les contours des dessins, effectués sur un badigeon de préparation encore frais, se sont mieux conservés que les pigments appliqués plus tard sur une surface trop sèche. Cela aide à reconstituer la méthode utilisée : les dessins ont été réalisés entièrement avant l'application des teintes. C'est ce qui explique en particulier le mauvais état des rouges et, dans une moindre mesure, des jaunes, par rapport aux verts, lesquels ont laissé en s'écaillant une fine couche plus claire. On a même pu constater que certaines zones avaient été recouvertes d'un décor étoilé appliqué directement sur l'œuvre médiévale20.

Concernant le dessin, on remarque plusieurs maladresses d'exécution, qui doivent tenir à l'utilisation de modèles "plaqués" dans des perspectives où ils n'étaient pas forcément prévus. Ainsi, des distorsions s'observent entre la ligne d'un bras et la main qui le prolonge, entre la position d'un corps et celle d'une tête. Il est indiscutable qu'il ne faut pas songer à mettre sur le même plan ce genre de peinture avec ce qui se faisait à la même époque en Italie21.

Une montée vers l'au-delà (fig 2)

On considère souvent l'architecture gothique comme moins propice à la peinture que sa devancière, dans la mesure où elle a réduit les surfaces murales 22. Mesnard-la-Barotière vient démontrer comment les églises rurales, trop pauvres pour s'offrir des vitraux, mettaient quand même sous les yeux des fidèles ce grand livre d'images dont les sermons étaient le texte, et qui constituaient souvent l'unique culture de l'homme médiéval.

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Voici le programme gothique encore visible à Mesnard-la-Barotière. (fig 3)

On peut, dans une certaine mesure, noter un système vertical qui fonctionne assez clairement suivant une tradition romane.

1 - D'abord, la terre des hommes pécheurs, souffrants et priants, au niveau inférieur. On trouve là 23:

- sur le mur nord : le seigneur donateur et sa famille, avec un personnage d'ex-voto.

- sur le mur sud : des fragments de visages, qui pourraient laisser supposer une scène symétrique.

2 - Ensuite, à mi-hauteur, l'évangile du Christ médiateur :

- mur nord : la Cène

- embrasures du chevet : début de la chronologie évangélique ("Vie cachée"),

- à gauche : l'Annonciation

- à droite : la Nativité.

- mur sud : suite de la Vie cachée :

- à gauche : le songe de Joseph

- à droite : le massacre des Innocents,

3 - Troisième niveau : les élus,

- c'est l'étage des martyrs (en vis-à-vis sous les arcs brisés formant tympan) :

- mur nord : le saint au gril

- mur sud : décollation de Jean-Baptiste,

- et des évangélistes (embrasures de chevet), qui relient le récit évangélique au triomphe du Jugement dernier, suivant le principe du "Tétramorphe" (cf. infra).

4 - Quatrième niveau :

- intrados de la baie axiale : le Christ en gloire apparaît déjà à l'horizontale, au sommet, dans le monde céleste de la voûte, mais plus bas que celle-ci, puisqu'il s'agit de la vision du "retour" sur terre.

5 - Cinquième niveau :

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- voûte : l'au-delà, figuré en une distribution concentrique autour de la clef portant l'Agneau mystique.

Cette organisation verticale se double d'une lecture horizontale : l'intrados de l'arc d'entrée comporte quelques figures féminines où l'on reconnaît les vierges sages et les vierges folles.

Les panneaux

Mur nord

1 - La dédicace (fig 4)

On reconnaît sans peine trois orants, de gauche à droite : une femme, un adolescent et un homme adulte, agenouillés mains jointes, orientés vers l'autel. Au dessus de la tête de l'enfant et à gauche de celle de la femme, sont figurés deux exemplaires d'un même écusson, dont les motifs et les couleurs sont reproduits sur les vêtements des trois personnages : sur champ d'argent semé de billettes d'azur (ou champ de vair?) un chevron de gueules chargé de trois coquilles d'argent24.

La lecture de ce panneau est donc relativement aisée : un couple et son fils, qui pourraient avoir offert la décoration du chœur. Comme ce panneau est complété à droite par la représentation de deux saints, peut-être saint Gilles et saint André, on pourrait y voir une indication sur les prénoms des deux personnages masculins.

Cette scène fut la dernière dégagée, à l'automne 1989 ; on pouvait alors penser qu'elle allait enfin donner, au terme des travaux, une réponse définitive à la question de la datation des peintures : il suffisait d'identifier cette famille, grâce à ses armes. En fait cette découverte a soulevé plus de problèmes qu'elle n'en a résolu.

Ces armoiries sont en effet inconnues en Poitou, comme dans les provinces environnantes.

Nous connaissons les blasons de tous les seigneurs de la Barotière sauf celui de la première famille, les Goyas, qui vendirent leur bien à la fin du XIII e siècle. S'agit-il d'elles ? Si tel était le cas, il faudrait admettre que cela reculerait la date des peintures, par rapport aux premières hypothèses formulées lors des premiers sondages25.

L'examen du costume des personnages peut aussi ouvrir des pistes pour la datation, en particulier celui du père. Celui-ci porte la "cale", qui laisse ses cheveux bouffer sur le front et la nuque. Cette coiffure humble, que les nobles n'adoptent que dans les situations d'hommage équivaut presque à avoir la tête nue. Elle est courante au long du XIIIe siècle. Le reste des vêtements du père paraît bien contemporain de la cale : un surcot descendant jusqu'au genoux et une ceinture basse portant une épée à large garde.26. Plus difficiles à interpréter est la coiffe de la femme : de taille assez élevée, ce pourrait-être une sorte de guimpe, plutôt qu'un hennin.

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Après destruction du badigeon qui le recouvrait, ce panneau des orants était encore masqué par une scène identique, datable du XVIe e siècle, très abimée. On devinait une série de donateurs, accompagnés de leur saint patron, en prière face à une Vierge à l'Enfant, Le tout était accompagné d'une série de blasons, mais on voyait, au bas, le dessin de l'armoirie médiévale : avait-il été recopié pour garder mémoire de la dédicace du chœur ? Voilà encore un point obscur. Une reproduction en grandeur nature de ce panneau du XVIe e siècle a été réalisée sur toile et sera, en principe, présentée au revers du mur occidental27.

2 - Saint Gilles

Au centre, à droite des orants, un ermite avec une biche, dans un décor forestier suggéré par deux arbres stylisés, peut être identifié comme saint Gilles. La légende de ce saint, très vénéré au Moyen-âge, se retrouve, dans une fresque romane de l'église du Loroux-Bottereau (Loire-Atlantique), mais sans ce panneau de la Barotière . L'ermite accueillit dans sa grotte une biche pourchassée par des Wisigoths qui le blessèrent. Le roi Wamba, qui les dirigeait, fut alors touché par la grâce et fit construire un monastère près de la grotte. Une légende postérieure remplaça ce roi par Charlemagne28.

3 – Le martyr sur la croix en « X »

A droite de saint Gilles, un martyr, coiffé d'une sorte de mitre, sur une croix en forme d'X, fait bien-sûr penser à saint André. Mais l'identification ne va pas de soi29. Des bourreaux écorchent vif le saint avec des peignes de fer. C'est ainsi que l'on voit saint Vincent sur un vitrail de la cathédrale d'Angers (vers 1170) ou, plus nettement encore sur un retable catalan30.

D'ailleurs la croix dite de saint André n'est pas encore, au Moyen-âge un attribut très fixé. Quant au supplice des crochets, il ne semble pas apparaître dans la tradition de saint André. Ce panneau est donc plus énigmatique qu'on ne l'aurait pensé.

4 - L'ex-voto

A l'extrême droite, un orant coiffé de la cale, vêtu d'un genre de bure. Un phylactère devant sa bouche porte des caractères peu lisibles : on lit ave maria... Le graphisme du visage paraît plus tardif que celui de la scène principale31.

5 - La Cène

Au dessus de la dédicace, une Cène très visible. Le Christ est au centre, entouré de ses apôtres. Saint Jean s'appuie sur sa poitrine. Au premier plan une Judas de petite taille. Cette représentation du "traître" en nain malfaisant se retrouve à Amné-en-Champagne (Sarthe) 32 et sur le Psautier d'Ingeburge33, deux œuvres du XIIIe e siècle, ou encore à Savigny (Manche)34. Remarquable aussi la position des mains de Judas : de nombreux exemples de l'iconographie du XIIIe e siècle font des bras ainsi croisés le signe du mensonge35.

6 - Le saint au gril (fig 5)

Le panneau supérieur du mur nord, représentant un martyr sur un gril, sera volontiers identifié comme saint Laurent. Il y a lieu de faire les réserves suivantes.

C'est surtout depuis la renaissance italienne que le saint sur un gril représente saint Laurent. Pour la période médiévale, les choses sont beaucoup moins simples. La tradition

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reconnaît deux diacres espagnols martyrisés sur un gril : saint Laurent, exécuté à Rome et adopté par l'Italie et saint Vincent de Saragosse.

Saint Vincent fut, durant le Moyen Age l'objet d'un important culte français. Dans cette période le nom du martyr qui est sur le gril n'est que très rarement indiqué, on mentionne plutôt celui de leurs persécuteurs : Décius, pour Laurent, et Dacien, pour Vincent. Mais cette précaution reste exceptionnelle.

De fait, pendant la période qui nous intéresse, les exemples français de cette scène paraissent plus souvent être des "saint Vincent"36. Les choses se compliquent encore quand on note que le Bas-Poitou semble avoir compris deux zones de vocables majoritaires séparées par la rivière de Grande Maine. Les "saint Laurent" se trouvent à l'est, dans les anciens pagi de Tiffauges et de Mauges, et les "saint Vincent", à l'ouest, dans le pagus d'Herbauges, qui conservait, selon Grégoire de Tours, des reliques du martyr, dans l'abbaye de Nieul-sur-l'Autize. la paroisse de la Barotière, bornée à l'est par la rivière frontalière, était dans le pays d'Herbauges : faut-il y voir un indice ? Cela mérite d'être examiné37.

Quoi qu'il en soit, le saint au gril de Mesnard-la-Barotière suit bien le code que l'on trouve respecté dans toute l'Europe jusqu'au XVIIe siècle : un personnage couronné ordonne le supplice à trois bourreaux, deux qui retournent le saint à l'aide de fourches, le troisième actionnant un soufflet. On peut trouver un quatrième aide, mais pas avant le XVe e siècle, semble-t-il.

Cette scène du gril, souvent associée à d'autres panneaux sur la vie et le martyre des deux saints, illustre quelques vers de Prudence38, repris dans les sermons de saint Augustin39

avant d'être popularisés, au XIVe siècle, par la Légende dorée. Le code semble s'être fixé au XIe siècle40 : c'est un chapiteau du cloître de Moissac qui fait apparaître, pour la première fois, le bourreau au soufflet. Ensuite, le médaillon (dit de saint Vincent) de l'ancienne abbatiale Saint-Denis (près de Paris) peut avoir fixé le modèle avant qu'il soit repris dans la plupart des cathédrales, par exemple à Angers. Tous ces vitraux sont de la fin du XIIe e siècle, et la peinture de Mesnard-la-Barotière les suit assez fidèlement41.

Elle n'est cependant pas esclave de ses modèles. Le personnage du procureur, souvent en position centrale, ou tout au moins de stature imposante s'il occupe une place latérale, est ici écrasé par sa situation dans la courbe gauche du tympan, tandis que la zone supérieure centrale est occupée par une main sortant d'un feston, représentation symbolique de la bénédiction divine. C'est la présence de cette main qui peut faire l'originalité du saint au gril de Mesnard-la-Barotière : on peut y noter l'irruption du surnaturel dans une scène souvent traitée sur le mode réaliste42.

Si le visage du persécuteur est relativement anodin, ceux des autres personnages sont traités avec une grande variété. Ainsi le bourreau au soufflet a, suivant le langage pictural du Moyen Age, la calvitie de l'"insensé" et le nez crochu du "malfaisant 43. En revanche, l'expression du martyr est traité de façon respirer une indéniable sérénité, bien dans l'esprit du XIIIe siècle.

Un petit détail frappe l'œil : le dessin des barres du gril, en forme de "baïonnettes". Il se retrouve dans deux panneaux semblables, l'un, de la fin du XIIIe siècle, à Vaux-sous-Coulombs (Seine-et-Marne), l'autre à Conlie (Sarthe), dans une chapelle du XIVe siècle, N.D. de Vernette44.

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Mur est (chevet)

Le tétramorphe

A l'intrados de la grande baie axiale, on reconnaît un ensemble célèbre, inséparable des portails ou des absides : le tétramorphe. Il s'agit de la vision du prophète Ézéchiel, reprise par saint Jean dans l'Apocalypse, on l'appelle aussi les quatre vivants45. Elle symbolise le règne du Christ sur la totalité du monde, représentée par les quatre formes de la vie, et a été interprétée par saint Irénée comme une figure des quatre évangiles. On voit donc en général la silhouette du Christ en majesté entre les symboles des quatre évangélistes.

Celle de Mesnard-la-Barotière montre le Christ en robe rouge dans une mandorle verte (la "cornaline" et "l'arc-en-ciel d'émeraude" du texte de Saint Jean). La mandorle paraît quadrilobée, forme courante au XIIIe, mais le lobe inférieur est atrophié au contact de l'axe de la baie46. Le Christ est en "roi du monde", sa main droite est levée "en justice" et il tient le globe terrestre dans la main gauche, suivant un modèle courant sur les miniatures du XIIIe

siècle.

A gauche, l"ange-homme" de Saint Mathieu, sur rinceaux fleuris, en robe vert-pâle, et le lion ailé de Saint Marc. Avec sa queue en volute, ce dernier paraît sortir d'un blason. Sa position, près de la main de justice est celle du "premier vivant". A droite du Christ, on ne peut que deviner le boeuf ailé de Saint Luc et l'aigle de Saint Jean. Chaque symbole tient un phylactère.

On peut voir dans l'ouest d'autres tétramorphes sans doute plus imposants47. Peints sur des chevets en cul-de-four, ils apparaissent mieux dégagés. L'exécution du nôtre a souffert de l'exiguïté de la place prévue. Mais son originalité apparaît pleinement avec les élégantes silhouettes des évangélistes eux-mêmes, vêtus de robes vertes, assis à leurs écritoires dorées où se distinguent des parchemins écrits. Image rare, d'autant plus qu'au-dessus d'eux, leurs symboles, encore visibles, viennent tripler la figuration. C’est le seul exemple que nous connaissions de cette triple représentation : à la chapelle de Rocamadour (Lot), figurent aussi les évangélistes assis à leurs pupitres, mais comme substituts à leurs symboles48. (fig. 6)

Saint Christophe

Le panneau, à gauche de la fenêtre axiale montre deux représentations du saint patron de l'église. Le plus visible doit être du XVIIe ou du XVIIIe siècle:, il n'en reste que la tête du saint et celle de l'enfant tenant un globe surmonté d'une croix et esquissant un geste de bénédiction. L'autre, visible au dessous mais très effacé, pourrait être médiéval. Il est remarquable par la taille élevée des personnages49.

L'Annonciation (fig. 7)

Dans l'ébrasement de gauche, une annonciation, où les personnages sont vêtus avec raffinement. L'ange Gabriel, ailé, a un manteau vert-foncé, bordé de jaune, ouvert sur une tunique rouge, la Vierge est en vert et rouge. L'ensemble se distingue par sa souplesse de traits. L'ange, souriant, signifie la nouvelle en pointant l'index droit. Son index gauche, replié vers le sol, est prolongé par un phylactère. La Vierge, paupières baissées, accepte sa grossesse, la main droite sur la poitrine, et la gauche ouverte sur l'extérieur. Entre eux, un harmonieux vase de fleurs paraît séparer l'ange du monde des terrestre, tout en suggérant un intérieur de maison. Tout cela suit la symbolique gestuelle médiévale50.

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La Nativité

Faisant face à l'Annonciation, une charmante Nativité. la Vierge en robe rouge, étendue à gauche sous une couverture d'armoiries effacées sur fond rouge bordé de vert, regarde l'enfant déjà assis dans son berceau, un peu comme dans la tradition romane, tandis que Joseph en rouge et vert, traditionnellement barbu pour ne pas paraître trop jeune, veille sur eux, à droite. Tous deux ont les bras tendus en direction de l'enfant. Seuls la mère et l'enfant portent une auréole. Les têtes de l'âne et du bœuf sont fragmentaires mais nettement identifiables. On peut remarquer que les couleurs qui leur sont attribuées (verte pour l'âne, rouge pour le bœuf) témoignent d'un certain souci de réalisme. Ce sont bien sûr ces animaux, issus des apocryphes et non du texte de Saint Luc, qui permettent de reconnaître la "crèche" de Noël, une fois que son code s'est fixé51. Un objet dessiné dans la main de Joseph pourrait être la poignée d'un bâton que l'on trouve parfois dans cette scène52.

Ce panneau fut le premier partiellement découvert en 1950. Si l'on compare avec la photographie prise alors, on constate qu'il n'a pas trop souffert d'être si longtemps resté en attente de restauration53.

Mur sud

La décollation de saint Jean-Baptiste

En haut sous l'arc brisé du formeret formant tympan, la décapitation de Saint Jean Baptiste illustre un autre grand classique de l'iconographie médiévale. On connaît son pouvoir érotique dans la tradition, avec le personnage de Salomé, la fille d'Hérodiade, dont la danse enthousiasma Hérode au point d'ordonner l'exécution du saint. Le code suivi à Mesnard-la-Barotière consiste à représenter l'instant qui précède la décollation, le bourreau, qui tient dans sa main gauche les cheveux du martyr agenouillé, lève déjà son glaive de la main droite, tandis qu'à gauche Salomé attend, en présentant le célèbre plateau. Il faut remarquer que cet "instantané" est plutôt rare, la danse de Salomé ou les scènes postérieures à la décapitation elle-même sont plus fréquentes.

Le dessin de ce panneau est, d'ailleurs, particulièrement maladroit. La position de la tête de Jean-Baptiste paraît résulter d'une sorte de "collage" et la main du bourreau n'est pas mieux lotie, mais ce la n'amoindrit pas trop l'esthétique de l'ensemble. Le saint a un très beau visage, à la barbe et aux cheveux ondoyants, qui rappelle beaucoup de bas-reliefs, vitraux et miniatures du XIIIe e siècle54. La princesse est également très fine et d'une beauté inquiétante, qui apparaît particulièrement lorsque l'on est placé dans l'axe.

On remarquera, dans ce panneau, les différences dans le traitement des fonds. Salomé se détache sur des rinceaux fleuris, tandis que le saint est devant une sombre forteresse. Le dessin de celle-ci est tout-à-fait courant dans les miniatures et les vitraux55.

Le songe de Joseph

et le massacre des Innocents

Au niveau médian, est figurée une suite en deux séquences, inspirée de l'évangile de Mathieu. Après la naissance de Jésus, un ange avertit son père nourricier qu'Hérode veut faire mourir l'enfant. Grâce à la "fuite en Égypte", Joseph sauvera Jésus, mais rien ne pourra

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empêcher le massacre des autres enfants de Bethléem, par lequel le roi pensait parvenir à ses fins.

Le panneau de gauche représente le moment ou Joseph apprend la nouvelle. Vêtu de brun, encore reconnaissable à sa barbe, il lève la tête, ouvre la main droite en direction du messager céleste qui lui tend une sorte de banderole. Un décor d'arbres, le bâton sur lequel s'appuie Joseph et le capuchon qui le coiffe annoncent déjà la fuite, suivant un système de fusion temporelle courant au Moyen Age. Le reste est très effacé56.

Traditionnellement inséparable du "songe de Joseph", le massacre des "saints Innocents", commence immédiatement à droite, au même niveau, s'étendant de l'ébrasement de la fenêtre tréflée, jusqu'au mur séparant le chœur de la nef, avec un souci évident du pathétique.

Le roi Hérode, siège sur son trône, à l'extrême droite, dans l'attitude caractéristique du souverain médiéval ordonnant une exécution : ses bras sont croisés sur sa poitrine, mais sa main droite tient l'épée, tandis que l'index de l'autre est pointé en direction du massacre, et sa jambe droite repose sur son genou gauche. Quelques éléments d'un bâtiment apparaissent à droite de sa silhouette. Le cadre du dessin est ignoré avec une remarquable liberté : il est perforé par une pique où est embroché un enfant, et la scène se poursuit dans les ébrasements de la fenêtre, comme pour accentuer la barbarie de l'épisode. Ce procédé de transgression est fréquent dans les enluminures des XIIe et XIIIe siècle, pour exprimer la violence d'une émotion ou d'un assaut, mais nous n'avons pas trouvé d'autre exemple du motif que l'on peut voir ici57.

Les mères s'opposent, suivant un code visuel analysable : l'une est jetée à terre, sur un fond sombre et est piétinée par un soldat qui enfonce son glaive dans le corps de l'enfant qu'elle tient encore d'une main. Une autre, représentée dans l'ébrasement, reste debout devant l'épée qui se lève et retient le sien de ses mains aux doigts écartés en signe d'effort. La première a ses cheveux "blonds" épars en signe de désordre58, la seconde est coiffée du touret à mentonnière, typique du XIIIe e siècle59, mais les traits de sa bouche suivent une courbe convexe, exprimant l'horreur. Ce jeu d'antinomies marque une grand économie de moyens : seulement deux personnages de mères, trois soldats, trois enfants suffisent à évoquer le caractère universel du massacre : "folles" ou "sages", les mères sont toutes frappées dans leur chair, cette nuit-là où le mystère du Mal s'est abattu sur leurs fils "innocents".

Scène ruinée

Au niveau inférieur du mur sud, subsistent quelques visages. A gauche, celui d'une Vierge à auréole, à droite encore une femme coiffée du touret. Ce sont avec un autre fragment, les seuls vestiges d'un panneau irrémédiablement perdu.

Bandeaux de séparation

En revanche, on voit bien sur ce mur sud les frises de séparation : chevrons, en bas, et ondes, en haut, entrelacés de rinceaux qui isolent chaque niveau de la décoration.

Dans la symbolique romane, la frise de chevrons horizontale figure la terre où nous sommes, l'"ici-bas". On la retrouve donc utilisée tout autour du chœur, dans notre exemple gothique de Mesnard-la-Barotière, pour représenter le caractère terrestre commun aux scènes de donation, qu'elle surplombe, et aux sujets évangéliques, qu'elle soutient.

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Par opposition, le ruban ondé en festons, du niveau supérieur, symbolise le ciel, où, par exemple, la pique du soldat envoie l'enfant innocent : ce détail n'a donc pas forcément, à l'époque, la connotation que nous sommes portés à lui attribuer aujourd'hui.

Chevrons terrestres60 et festons célestes portent tous deux les feuilles de la vie, continuité entre les deux mondes, annoncée par la "Bonne Nouvelle"61.

Nous ne dirons que quelques mots sur les semis roses à cinq pétales, dites "roses simples, que l'on trouve à plusieurs reprises dans cette décoration du chœur. On observe ces semis aussi bien dans l'ouest qu'ailleurs, tant au XIIIe qu'au XIVe siècle62.

Entrée du chœur

intrados de l'arc triomphal

La face intérieure du mur qui sépare le chœur de la nef a définitivement perdu son décor, mais on voit, à l'intrados de l'arc, les traces de dix panneaux, dont sept portent encore nettement de graciles figures féminines. Très probablement s'agit-il, du côté nord, des vierges folles. L'une apparaît encore avec sa main vide, et, leur faisant face, les vierges sages. Le graphisme de ces silhouettes rappelle la Salomé63.

Une des vierges sages tient un objet très visible, mais difficile à identifier : une sorte de coupe. En fait, une statue de vierge folle, provenant d'un voussoir de l'abbatiale de Charroux (Vienne), a une coupe de même forme64. Nous avons remarqué un objet semblable dans les mains de plusieurs anges de l'Apocalypse : une sorte de torche qui figure "l'épée de feu". On peut donc y voir la représentation médiévale de la "lampe" dont parle l'évangile.

Les jeunes filles sont vêtues du même type de robe longue à légère traîne et présentent le même déhanchement que les autres personnages féminins de la décoration. Leurs cheveux sont couverts d'un voile. Tout cela reste caractéristique du XIIIe et du début XIVe siècle65. Les silhouettes sont sur des semis de roses simples ou d'hermines.

La voûte

La voûte constitue, pour le visiteur moderne, l'ensemble le moins lisible de la décoration du chœur. D'abord pour des raisons de conservation : la maçonnerie a travaillé sous le poids du clocher voisin et a souffert des insuffisances périodiques de la toiture au long des siècles. Ensuite pour des raisons de culture religieuse.

Si nous reconnaissons facilement, encore aujourd'hui, une nativité, un martyr, le tétramorphe, il n'en va pas de même pour les sujets peints sur une voûte médiévale. Tout au plus savons-nous qu'elle est destinée à évoquer le monde céleste. Les ensembles les mieux conservés66 montrent que cette représentation utilise trois concepts de la géométrie67.

Le "centre", qui dans une maçonnerie est la clef de voûte, c'est le point divin : on y voit souvent un agneau portant une croix, ou "Agneau mystique", symbole du Christ immolé.

Le "cercle", ou les cercles concentriques : hiérarchisant les créatures autour de la divinité, suivant des rapports d'éloignement ou de rapprochement. L'image du cercle symbolise le ciel lui-même, tel qu'il apparaît au-dessus de la terre.

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La "croix", qui partage le cercle en quatre parties égales, représente la terre : ainsi apparaissent, dans le cercle tournant du ciel, quatre repères spatiaux (les quatre points cardinaux) et quatre repères dans le temps (les quatre saisons).

La croix dans le cercle, c'est l'image de la Vie, unissant la terre au ciel. De plus, l'intersection de la croix et le centre du cercle coïncident pour symboliser le Christ, verbe incarné, Dieu devenu Homme.

Cette figure de la croix dans le cercle donne une "roue", la roue du Temps, lequel ne s'écoule pas autrement que par le retour successif des moments du jour et des saisons. On retrouve au point fixe de la roue, à son moyeu, le repère divin : pour l'homme médiéval, cette fixité temporelle, c'est à la fois la Noël, au solstice d'hiver, et la Saint Jean-Baptiste, fête de l'apôtre qui annonce le messie, au solstice d'été.

Ces remarques préliminaires aident l'esprit à restituer une lecture de la voûte quadripartite de la petite église de la Barotière. Sur le dessin d'un cercle que les nervures partagent en quatre quarts, on devine aisément les silhouettes, parfois très allongées de multiples personnages, censés soutenir l'ensemble de leurs bras levés, à la manière des antiques "atlantes" ou "porteurs du ciel". A moins qu'ils ne s'agrippent à la roue du temps... La clef de voûte conserve une trace de croix, ainsi que d'un S. Autour de cette clef, les figures s'organisent en trois zones concentriques, mais l'état du secteur ouest, le plus exposé aux intempéries, rend impossible tout rétablissement des lacunes. Cependant, grâce à la bonne conservation de la partie nord-est, on peut conjecturer que huit silhouettes humaines -les âmes des défunts- se partageaient la périphérie, suivies du même nombre d'anges, au corps expressivement allongé, en position médiane. Quant aux quatre figures centrales, axées sur les points cardinaux, elles sont pratiquement illisibles. D'autres exemples, en meilleur état, placent ici des "anges des vents", qui établissent la communication entre Dieu et sa création. Toutes ces silhouettes devaient apparaître sur des fonds variés : il subsiste encore des rinceaux et des motifs de forme carrée très effacés.

On observe sans peine, à la périphérie, dans l'écoinçon nord-est, une femme avec un touret à mentonnière, coiffure déjà signalée68, et un beau vieillard barbu, qui pourrait faire songer au prophète Jérémie, souvent figuré en atlante, mais il ne s'agit bien que d'une supposition.

Enfin la voûte offre un exemple assez probant pour affiner sa datation. Un visage apparaît au milieu du quart sud-ouest : avec ses cheveux roulés sur le front et en coquille sur les oreilles, il illustre assez bien l'exemple donné par Viollet-le-Duc de la coiffure masculine en vigueur entre 1240 et 1270. Après cette dernière date, croit pouvoir affirmer cet auteur, la coiffure a connu un changement radical, les cheveux étant alors ramenés en arrière du front69.

LES MOTIFS HERALDIQUES

Indépendamment de l'aspect religieux, la découverte de Mesnard-la-Barotière présente un intérêt certain pour l'histoire profane du Bas-Poitou, avec la mise-au-jour de quatorze armoiries coloriées, d'autant plus lisibles qu'elles sont reproduites à plusieurs exemplaires.

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Nulle part ailleurs, dans la région, n'existe un tel ensemble. On ne trouve qu'exceptionnellement des blasons peints dans un édifice religieux, sinon pour signer une donation, par exemple sous la forme courante d'une clef de voûte sculptée70. Les armes visibles au-dessus des orants du mur nord et sur leurs vêtements pourraient assurer cette fonction. Mais la présence des autres blasons, dans l'ébrasement de la grande baie du chevet, sur les arcs-formerets et sur les nervures est plus obscure. On pourrait supposer un rapport avec les frais de construction et de décoration du chœur71.

Voici la liste et la position de ces blasons :

Ébrasement de la baie axiale :

2 groupes verticaux, où n'apparaît qu'un seul blason lisible :

d'argent burelé d'azur, très connu comme celui des illustres Lusignan, rois de Jérusalem et de Chypre, devenus légendaires par le mariage mythique de l'un des leurs avec la fée Mélusine. Il s'agit apparemment là du seul exemplaire médiéval colorié de ces armes poitevines qui n'étaient jusqu'ici identifiées que par des sceaux72. Un autre intérêt de ces armes est de fournir un possible terminus ad quem à la datation du chœur, puisque cette famille s'éteint en 1303.

Arc formeret nord

d'or à trois chabots de gueules, armes des Chabot, puissante famille poitevine de sang capétien, qui fournit un amiral de France, au XVIe siècle, le seigneur du château vendéen d'Apremont-sur-Vie.

allié à : de gueules à trois quintilobes d'argent. Comme tel, cet écusson est difficile à attribuer, peut-être à la famille d'Ancenis (Loire-Atlantique), sur laquelle on sait peu de chose avant le XIVe siècle.

Arc formeret ouest :

échiqueté de gueules. A l'origine armes des comtes de Poitiers, avant le rattachement de la province au royaume, ces armes sont aussi celles de leurs descendant les Bigot, dont un membre fut gouverneur de la ville durant la guerre à la fin du XIVe siècle. On ne connaît pas d'alliance des ces armes pour la période qui nous intéresse.

allié à : d'or à la croix ancrée de gueules. Peut-être Mollins, famille poitevine.

Arc formeret sud :

d'or fretté de gueules. Peut-être les Chantefin, seigneurs de Châteaumur, en bas Poitou.

allié à : d'argent à trois chevrons de gueules. Probablement les Machecoul, famille bas-poitevine éteinte au XVe siècle, ancêtres de Gilles de Rais.

Nervure de voûte S.E./N.O.

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burelé d'argent et d'azur de 10 pièces, à la bande de gueules brochant sur le tout. Armes des Parthenay-L'Archevêque, très importante famille bas-poitevine, qui fronda longtemps les rois de France en prenant le parti anglais. Éteinte au XVIe siècle.

allié à : d'or au franc canton de gueules. Inconnu comme tel, ce blason peut être rapproché de celui des Thouars-Pouzauges (cf. infra)73.

Nervure de voûte N.E./S.O. :

gironné de gueules de 12 pièces. Ces armes se retrouvent aussi dans l'ébrasement droite de la baie axiale. Elles peuvent désigner :

- soit les Belleville, suzerains de la Barotière, mais il faudrait supposer un champ de vair effacé,

- soit les Tréhan, famille de la région, alliée parfois aux Barroteau, qui donnent leur nom au bourg.

allié à : d'or au franc canton de gueules chargé d'un poignard. Ces armes illustrent un problème d'héraldique poitevine. Elles ressemblent étonnamment à celles des Thouars-Pouzauges, dont le premier du nom acquit la Barotière des Goyas, à la fin du XIIIe siècle. Le sceau des Thouars-Pouzauges se définit ainsi : d'azur semé de fleurs de lis au franc canton chargé d'un poignard. Or, on ne connaît pas le sceau des barons de Pouzauges, qui s'éteignent à la fin du XIIIe siècle, en l'absence d'héritier mâle. La baronnie, dont faisait partie la Barotière des Goyas, se démantèle alors avec les mariages des deux filles restant du nom : Belle-Assez, qui apporte Pouzauges aux Mauléon, et Marquise qui épouse un Lusignan. La dynastie des Thouars-Pouzauges, dont on voit le sceau, à la fin du XIIIe siècle, peut avoir formé ses armes par brisure, en intégrant celles des Pouzauges, dont on aurait l'exemple colorié dans l'église de la Barotière. C'est une hypothèse que, tout au moins, nous proposons74.

CONCLUSION

Les peintures murales de Mesnard-la-Barotière frappent le visiteur par leur unité. Unité chromique, unité graphique. Les trois couleurs primaires, auxquelles se joignent quelques nuances d'ocre et de vert, suffisent à organiser une importante surface picturale. Les graphismes paraissent souvent se répéter: tel visage d'apôtre semble avoir pris les traits de l'ange de l'Annonciation et même du seigneur donateur. Les figures féminines se reproduisent avec des variantes minimes qui demanderaient une étude plus approfondie, en particulier sur la madone de la Nativité. En fait, il semble difficile de voir, dans cet ensemble, le résultat de campagnes différentes, étalées sur quelques décennies.

Mais leur datation, si elle n'est pas indispensable pour les admirer, reste un problème auquel on aimerait pouvoir apporter une réponse.

Les premières hypothèses, fondées, il est vrai, seulement sur l'observation, en 1963, de la Nativité, avaient conclu à une fourchette 1320-134075. Il faut avouer que cette hypothèse est confortable, dans la mesure où elle coïncide parfaitement avec la manière des panneaux et,

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aussi, il faut le souligner, les données de l'architecture. Elle pourrait correspondre alors avec l'épiscopat de Raynaud de Thouars, second évêque de Luçon, frère de Miles : l'église (de dono episcopi) dépendant alors du premier, le château, du second. Mais rien ne vient étayer, dans l'observation des peintures, une date aussi tardive76.

On peut d'abord se demander pourquoi les armes des Thouars, d'azur semées de fleurs de lis, seigneurs de la Barotière tout le long du XIVe siècle, n'apparaissent nulle part dans l'église, pas plus que celles des seigneurs postérieurs77.

Seconde interrogation, alors que l'on peut attribuer, le plus souvent avec certitude, les armes présentes dans le chœur, on ne peut repérer en revanche les motifs de leurs alliances. Aucune de ces associations ne correspond à un mariage attesté. Or ces mariages sont souvent connus pour la période qui commence au début du XIVe siècle. Leur répertoire reste lacunaire pour le siècle antérieur : cela retient d'autant plus de s'aventurer après 1300 que, nous l'avons vu, le nom des Lusignan, dont les armes sont peintes dans le chœur, s'éteint à cette époque.

Enfin, il faut se rappeler que plusieurs détails, en particuliers, le port de la cale ou la coiffure pour les personnages masculins, le touret à mentonnière, présent sur trois niveaux, pour les personnages féminins, sont peu courants après 1300.

Nous pouvons supposer, avec bien sûr toute la prudence qui s'impose78, que les peintures murales du chœur de la vieille église de Mesnard-la-Barotière, auraient été offertes par un Goyas, le donateur aux armes inconnues du mur nord, dans le dernier quart du XIII e79. Le seigneur en question aurait alors demandé que sa sépulture soit prévue et respectée, même en cas de cession de la seigneurie. Le fait que la peinture le représentant avec sa femme et son fils ait constitué un ex-voto expliquerait que ses armes ont été recopiées, en compagnie des nouvelles sur le panneau de donation superposé au XVIe siècle Cette hypothèse d'une sépulture pourrait d'ailleurs se concilier avec une date aux environs de 1310, en imaginant qu'un délai de plusieurs années a pu s'écouler entre le vœu du donateur et sa réalisation.

Pour en finir avec ces conjectures érudites, que rien ne viendra peut être jamais ni confirmer ni contester, il faut insister sur l'intérêt du chœur de l'église Saint-Christophe de la Barotière. Avec son homogénéité chromatique et graphique, il impose une vision évidente: l'artiste anonyme, qui nous a laissé ce décor, témoigne d'une époque gothique somme toute heureuse, en pleine possession de ses modestes moyens, encore en plein accord avec ses codes issus de la tradition romane. Ce programme peint n'a pas le réalisme pessimiste qui apparaît vers 133080, et qui ne prendra fin que bien plus tard en inspiration religieuse. Le maître d'œuvre penche plutôt pour l'idéalisme souriant, popularisé par l'ange de Reims. Le sourire des figures, sous des orbites étonnamment vides à la manière des statues, peut, certes, être décrit comme un rictus maladroit, mais on remarquera que l'ensemble ne comporte ni crucifixion, ni descente de croix : aucune image de la passion, aucune mater dolorosa, aucun de ces triptyques du jugement dernier qui feront la grande peinture religieuse du XVe siècle.

Ainsi, le don de Mesnard-la-Barotière au patrimoine de son département, de sa région et de son pays, s'impose comme original, riche de questions diverses, et invite à poursuivre, au seuil d'un nouveau millénaire, de pareilles opérations de sauvetage pour le plus grand intérêt de nos descendants.

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Jean-Michel Cauneau,

Angers-La Roche sur Yon - Sept. 1993- juin 1995

NOTES

1 Par arrêté du 1-03-1951.

2 M. Louis Cousseau.

3 par M. Brice Moulinier . cf son Rapport sur la restauration des peintures murales de l'ancienne église de Mesnard-la-Barotière 1990 - 3 vol. chez l'auteur 111, Av. de Verdun - 41000 Blois.

4 par Mme Marie-Pasquine Subbes-Picot.

5 Abel COUGNAUD, Chartes de l'abbaye N.D. de la Grainetière thèse dactyl. Univ. de Poitiers - Arch.Dép.Vendée. (A.D.V.) J606 - p. 14, pièce n° 7

6 MARCHEGAY - Cartulaires du Bas-Poitou - prieurés dépendants de l'abbaye de Marmoutiers de Tours - Ed. Les Roches-Baritaud, 1877 - chap. XI, pièces 1 et 5.

7 Voir, à ce sujet, le récent article de Nadine TRICOIRE : "La baronnie de Pouzauges, du X e au XIIe siècle. Le château, le peuplement." in Recherches vendéennes, n°1, 1994, S.E.V., La Roche -S/Yon, p.135-153, . L'auteur montre que le château de la Barotière protégeait la frontière nord de la baronnie de Pouzauges et est à l'origine d'un bourg castral (cf. p 151). Cependant, on doit tenir compte du fait qu'une famille Baroteau est attestée comme seigneurs du château, au XIV e siècle, leur château est désigné comme maison aux Barroteaux (A.D. Deux-Sèvres, E, 1617)

8 E.AILLERY, Pouillé de l'évêché de Luçon Fontenay-Robuchon, 1860 p.70, 71.

9 Archives Vaticanes - Registre d'Avignon 249, f° 299.

10 A.D.Vendée., 1 G 38 - f° 156.

11 Nous avons transcrits les pièces antérieures au XIXe siècle. Une copie est disponible à la mairie de la commune.

12 Environ 12,5 x 6,5 m. à l'intérieur. Nous comptons le pied pour 33 cm, sans affirmer, bien sûr, que c'était là la mesure exacte utilisée. De toute façon, les mesures de l'édifice sont plutôt irrégulières, comme cela arrive souvent pour ces vieux édifices.

13 Pour tout ce qui concerne l'architecture, on peut se reporter à: Marcel DILLANGE, Eglises et abbayes romanes en Vendée, CNRS - Ed. J. Laffitte, Marseille, 1983 - p. 131-132. Cet ouvrage est le premier à avoir étudié systématiquement l'église de Mesnard-l-B., ignorée dans le livre qu'avait publié le Dr. H.Rousseau, en 1974, aux Ed. Cercle d'or : Vieilles églises de Vendée .

14 Soit environ 8,9 m.

15 Soit environ 8,3 m.

16 Myriam Pineau, responsable de fouilles archéologiques, conduites en 1988, propose la période du XV e siècle. cf. M. PINEAU, Rapport sur les fouilles effectuées à l'ancienne église de Mesnard-la-Barotière, 1988 . Dactyl. Un exemplaire est en dépôt à la mairie.

17 M. Dillange (op. cit.) nous a fait part, dans un courrier et des entretiens, de ses réticences à dater le sommet de la voûte antérieurement à 1450, période d'une possible reconstruction après la guerre de Cent ans.

18 Une salle du donjon de Touffou, à Bonnes (Vienne), alterne ainsi deux blasons de format rectangulaire, sur toute la surface d'un mur. cf. P. DESCHAMPS et M. THIBOUT, La peinture murale en France au début de l'époque gothique, C.N.R.S., Paris, 1963, pl. CXXXVII. Cet ouvrage fut le premier à mentionner la découverte des peintures murales de Mesnard-la-Barotière (p. 164).

19 Nous reparlerons de trois de ces décors : une donation, un saint Christophe et un ciel étoilé.

20 cf. : B. MOULINIER, Rapport sur la restauration... op. cit. Ce décor étoilé peut être un peu plus ancien.

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21 Voir, en particulier, la décollation de Jean-Baptiste.

22 cf. P. DESCHAMPS et M. THIBOUT, La peinture murale ...op. cit., p. 20.

23 A ce niveau, le mur du levant est occupé par l'autel.

24 La robe de la femme est "partie". On connaît d'autres exemples d'orants accompagnés d'écussons (Ham-en-Artois, St-Philbert-de-Tournus, on trouve aussi des gisants en robes armoriées à St-Pierre-du-Lorouer (Sarthe), du déb. XIVe.

25 La première période proposée était 1320-1340. Cette conjecture ne se fondait que sur l'observation de la Nativité, alors seule dégagée. cf. P. DESCHAMPS... La peinture murale... op. cit. (p. 164).

26 Joinville, le chroniqueur du roi Saint Louis est représenté avec une cale sur une miniature du début XIV e siècle. Sur la cale et les questions de sa datation, voir : E. VIOLLET-LE-DUC (d'après), Encyclopédie médiévale (Refonte du Dictionnaire du même auteur), 1978, Ed. Heimdal, t. II, article "coiffe", fig. 1. p. 493.

27 Les orants de Mesnard-la-Barotière peuvent être rapprochés des donateurs en robes armoriées représentés dans un enfeu de l'église de Neuvillette-en-Charnie (Sarthe), datable fin XIIIe-début XIVe siècle. Des orants, mais sans armoiries, se voient à Plazac (Dordogne). Voir : P. DESCHAMPS... La peinture murale... op. cit., p. 167.

28 C'est Charlemagne qui figure au Loroux-Bottereau. On trouve un saint Gilles accueillant la biche à Civray (Vienne), ill. dans P. DESCHAMPS, La peinture murale...p. 131, fig 47.

29 Dans l'église Saint-André-de-Grenoble, le martyr est sur une croix latine (peinture déb. XIIIe siècle). C'est également le cas (env. 1340) à la cathédrale de Langres (Hte-Marne) : cf. P. DESCHAMPS, La peinture murale...op. cit. p. 185, fig. 67.

30 Retable du maître d'Estopinyan (Museo de Arte de Catalunya, Barcelone).

31 Sous le personnage, on lit : Alain de...

32 F. GARNIER, Le langage de l'image au Moyen Age, signification et symbolique,, Le léopard d'or, Paris 1982, ill. n° 101.

33 B.M. de Besançon.

34 XIVe siècle

35 F. GARNIER, Le langage..., op. cit. p. 73, 201.

36 Parfois même, celui qu'on désigne traditionnellement comme saint Laurent, se révèle comme un saint Vincent. cf. R. DURSEL, Bourgogne romane, Ed. du Zodiaque, 7e éd., p. 149. Sur cette question de l'identification de saint Vincent, voir : G. DUCHET-SUCHAUX , "Autour de saint Vincent", in Iconographie médiévale. Image, texte, contexte. C.N.R.S., Paris, 1993, p. 138-154, Bibl. p. 154.

37 Voir, au sujet de cette question des pagi bas-poitevins : J.P. BRUNTERC'H, L'extension du ressort politique et religieux du nantais au sud de la Loire..., Thèse dactyl., 1980, note 91.

38 Prudence, Peristephanon, II.

39 saint Augustin, Sermons, 303-306.

40 Un bas-relief de la cathédrale de Bâle comporte cette scène, avec ce code; il est parfois daté du VI e siècle, mais c'est très discuté. cf. Suisse romane, Ed. du Zodiaque, p. 306.

41 Au sujet du médaillon de Saint-Denis, voir : L. GRODECKI, Vitraux de Saint-Denis, tome I, Paris 1976. cf. note 3715.

42 Le motif de la main divine se retrouve au baptistère de St-Jean-du-Désert, sur un panneau consacré à saint Barthélémy de l'église de Vezot (Sarthe) et à la cathédrale de Langres, au-dessus d'un saint André. cf. note supra . Voir : P. DESCHAMPS, La peinture murale...op. cit. , p. 162, 185, et h.t. p. 107.

43 cf. F. GARNIER, le langage de l'image... op. cit., p.137

44 Il y a lieu de remarquer que la scène de Mesnard-la-Barotière est, par sa sérénité, plus proche de la naïveté de Vaux-S/C. que du réalisme torturé de Conlie, où la peinture est datée des années 1350.

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45 Pour tout ce qui concerne le tétramorphe, voir : G. DE CHAMPEAUX & Dom S. STERCKX, Le monde des symboles, éd. du Zodiaque ; O. BEIGDEBER, Lexique des symboles, id.

46 Les formes des mandorles deviennent plus complexes aux XIVe et XVe siècle. cf. P. DESCHAMPS, La peinture murale... op. cit.

47 Signalons Pontigné et Champteussé-sur-Baconne (Maine-et-loire).

48 On trouve au Louvre un Mathieu écrivant sous la dictée de l'ange, (bas-relief de Chartres, de 1250 env.). Les évangélistes de Mesnard-la-Barotière peuvent être rapprochés du jeune scribe à l'écritoire de la chapelle de Ravel (Puy -de-Dome), daté de 1300, ou du saint Jean-de-Sacy (Yonne), du début XIVe siècle. cf. P. DESCHAMPS, La peinture murale...op. cit. pl. LXXXIX & CXVI.

49 On remarque, dans la chapelle de la Grange, à Durance (Lot-et-Garonne), un saint Christophe, également placé à gauche de la fenêtre axiale du chevet.

50 On rapprochera cette scène de celle de Thoré (Loir-et-Cher) et de la chartreuse de Vauclair en Monpont (Dordogne), cette dernière sans doute plus tardive (règne de Charles V).

51 La Nativité du baptistère Saint-Jean de Poitiers, plus ancienne, ne comporte pas encore ces animaux.

52 Comme à Lugaut-Retjons (Landes).

53 Cette photographie a été publiée dans un inventaire, L'art sacré au pays du Puy-du-fou.

54 On le rapprochera du Jean-Baptiste du fameux tympan de Rouen qui fit rêver Gustave Flaubert. La tête du Christ couronnant la Vierge de Vernais (Cher), du dernier quart du XIIIe siècle, est assez semblable. La chapelle de la grange, à Durance (L.&G.) comporte une scène comparable, inscrite dans un tympan.

55 cf. F. GARNIER, le langage de l'image... op. cit. p. 78.

56 Le graphisme de ce panneau, avec l'arbre en S et la courbe du corps du saint et la position de ses mains, est très comparable au saint François aux oiseaux, de St- Genest-de-Lavardin (L. & Cher). P. DESCHAMPS, La peinture murale... p. 159.

57 cf. F. GARNIER, le langage de l'image... op. cit. Voici quelques autres exemples de cette trangression du cadre : la lance d'une allégorie de la Luxure à Tavant (Vienne), du XIe siècle, (ill. in GRD. LAROUSSE ENCYCL. , Paris, 1982, art. "Tavant", p. 10069. On remarquera aussi le prieuré d'Aubeterre, à Broût-Vernet (Allier), avec le fouet de la flagellation , ou encore Couddes (L. & Cher), avec le vase de la Passion. (P. DESCHAMPS, La peinture murale...op. cit. , p. 75, 160).

58 cf. F. GARNIER, le langage de l'image... op. cit., p. 137

59 cf. E. VIOLLET-LE-DUC, Encyclopédie.... op. cit., p. 498

60 On pourra rattacher au motif des chevrons, la frise de grecques, sous les donateurs.

61 voir, au sujet de cette opposition carré/cercle : G. DE CHAMPEAUX & Dom S. STERCKX, Le monde des symboles, éd. du Zodiaque ; O. BEIGDEBER, Lexique des symboles, id.

62 Un exemple est daté du début du XIIIe siècle, à Rampillon (S.-et-Marne).

63 On pourra rapprocher la situation de ces dix "vierges", de ce que l'on peut observer à l'église Saint-Sauveur de St Macaire (Gironde). Le graphisme des visages est assez semblable à celui observable à St-Amant-de-Boixe (Charente), daté du début XIV e siècle. Sur St-Amant-de-Boixe et sa "crypte de la Visitation", voir, outre P. DESCHAMPS, op. cit, qui comprend de nombreuses planches, l'ouvrage d'Y. BONNEFOIS, sur la peinture murale gothique en France.

64 Charroux, musée de l'abbatiale. cf. Y BLOMME, Poitou gothique, ed. Picard, Paris, 1993, ill. p. 108 a.

65 cf. E. VIOLLET-LE-DUC, Encyclopédie.... op. cit., p. 523.

66 Cette voûte pourra être comparée à celle de Ste Marie-aux-Anglais (Calvados).

67 voir, au sujet des systèmes de voûte : G. DE CHAMPEAUX & Dom S. STERCKX, Le monde des symboles, éd. du Zodiaque ; O. BEIGDEBER, Lexique des symboles, id.

68 Cette silhouette, aux bras levés, se rapproche d'un dessin visible au tympan de Rampillon (S.-&-Marne).

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69 cf. E. VIOLLET-LE-DUC, Encyclopédie.... op. cit., article "coiffure", fig. 9, 15., p. 497. Le visage de Mesnard-la Barotière pourra être comparé à celui de St-Martin d'Etigny (Yonne), daté du milieu XIIIe siècle.

70 cf. : P. DESCHAMPS... La peinture murale... op. cit., p.

71 Les motifs héraldiques ont pris leur importance dans la décoration à partir du XIII e siècle. Mais le cas de Mesnard-la Barotière, où l'héraldique "envahit" ainsi le chœur paraît pour le moins exceptionnel. Les autres cas observables en France, de grand programme armorial, sont différents : Le chœur de Plainsourault en Mérigny (Indre) est dans une chapelle de l'Ordre de l'Hôpital (cf : P. DESCHAMPS... La peinture murale... op. cit., p. 218). Un autre cas connu est un local civil : une salle du château de Ravel (Puy-de-Dôme), programme daté du tout début XIVe siècle, ibid. p. 211. Une salle, aujourd'hui détruite, du château de Langoiran (Gironde) devait ressembler, par ses écussons sur nervures, à Mesnard-la-Barotière, ibid. p. 241.

72 cf. F. EYGUN, La sigillographie du Poitou, S.A.O., Poitiers, 1938, articles n° 664 et sq. Les couleurs des différentes armes qui suivent sont consignées dans : R. PETIET, Armorial poitevin, Niort, 1911.

73 Une possibilité pour cette alliance serait indiquée par le mariage de Jean Larchevêque avec Marguerite de Thouars-Pouzauges, dans le dernier quart du XIIIe siècle.

74 Sur l'histoire de la baronnie de Pouzauges, voir : N. TRICOIRE, "La baronnie de Pouzauges..." op. cit.

75 cf. : P. DESCHAMPS... La peinture murale... op. cit., p. 164 et note.

76 Nous avons déjà signalé que Marcel Dillange, dont les ouvrages sur l'art roman dans la région, font autorité, et qui a eu l'amabilité de nous faire confier cet article, penchait pour la thèse d'une réfection de la voûte et de la partie supérieure des peintures après les destructions de la guerre de Cent ans. Il est vrai que le chartrier de Thouars et le cartulaire de l'abbaye de la Grainetière confirment bien des destructions dans cette région âprement disputée entre Anglais et Français, mais nous maintenons qu'il est très difficile de voir, dans le programme iconographique de l'église St-Christophe de la Barotière, différentes époques. Cela a d'ailleurs toujours été l'opinion de Brice Moulinier, le responsable du décapage, qui a, souvenons-nous-en, passé des milliers d'heures à gratter, ou à faire gratter chaque centimètre carré de cet ensemble. Brice Moulinier nous a dit, à plusieurs reprises, être rassuré par tous les verrous que nous mettons à une date trop avancée dans le XIVe siècle. Son hypothèse personnelle est le dernier quart du XIIIe siècle.

77 Si l'on excepte, évidemment, les Mesnard qui ont acquis la terre au XVIIe siècle !

78 Nous sommes ainsi particulièrement conscients des difficultés qui se présentent dans la datation architecturale du chœur lui-même.

79 La seigneurie a été acquise par Hugues de Thouars-Pouzauges en 1298 (A.D.Dx-Sèvres, E. 1617).

80 C'est la date, par exemple du terrible Campo santo de Pise, c'est celle aussi que proposent Paul DESCHAMPS et Marc THIBOUT, pour le début de la multiplication des scènes douloureuses dans la peinture gothique en France, et distinguant par là "deux Moyen Ages" cf. : P. DESCHAMPS... La peinture murale... op. cit., p. p. 34, 172, 244-246.