Peintres portugais de Paris - WordPress.com · 2014. 2. 27. · pellent Bibliothèque. Celle de...

9
17 n° 13 - décembre 2001 LATITUDES et Severini, Futuristes. Walter Patch l’invite à participer à une exposi- tion aux États-Unis. Cette exposition, l’Armory Show, aura lieu en 1913, à New York, et sera ensuite présentée à Chicago et Boston. Il vend trois tra- vaux au critique d’art A. J. Eddy. Cette même année il participe, avec la Galerie Der Sturm, au Salon d’Automne de Berlin. Curieusement, dans une lettre, il dit : “Mes manières de sentir et de comprendre n’ont rien à voir avec les futuristes ou les cubistes.” En 1914 il aura des oeuvres reproduites dans le livre de A. J. Eddy Cubism and Post- Impressionism. Pendant l’été, de retour au Portugal, il passe par Barcelone, où il ren- contre Gaudi. La guerre arrive, et il restera au Portugal, à Manhufe, près d’Amarante. Très peu connu en France, ce n’est qu’après la Deuxième Guerre mondiale que Jean Cassou achète deux de ses toiles pour le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Mais, à partir de 1913, il fait déjà partie des grands peintres parisiens. Sa participation à l’Armory Show en est l’exemple flagrant. Il ne faut pas oublier que, sur l’affiche de cette exposition, il sera le seul peintre étranger cité. Il connaît ou se lie d’amitié avec Juan Gris, Max Jacob, Robert et Sonia Delaunay, Brancusi, Archipenko, Otto Freundlich. Francis Smith s’installe à Paris en 1907, et y vécut jusqu’en 1961, En 1908 il prend un atelier à la Cité Falguière. Mais c’est en 1909 que son avenir commence à se dessi- ner. Il habitera alors un studio contigu à celui de Gertrude Stein, rue de Fleurus. Elle reçoit beau- coup d’artistes et de gens liés aux arts. Il fait la connaissance de Modigliani, dont il deviendra l’ami l’année suivante. En 1910 il s’intéresse aux primi- tifs, et passe trois mois à Bruxelles. En 1911 il présente six travaux au Salon des Indépendants. Il prend un atelier au Quai d’Orsay, où il expose avec Modigliani. Il fait la connaissance de Walter Patch, un Américain dont la vie est consacrée aux arts. En 1912 il publie un album de XX dessins, et illustre La Légende de St Julien l’Hospitalier, de Flaubert. Il rencontre Boccioni L’ impact réel de la peinture portugaise en France a éé très variable tout au long du XX e siècle. La première génération, celle des années 10/20 connut un cer- tain succès, grâce, surtout, à Amadeo de Sousa Cardoso et Francis Smith. La génération sui- vante, celle des années 40/50, a vu la consécration interna- tionale de Maria Helena Vieira da Silva. La géné- ration des années 60/70 fut la plus présente sur la scène artistique pari- sienne. Le Groupe KWY, Júlio Pomar, Eduardo Luiz, Augusto Barros, Manuel Cargaleiro, Jorge Martins, exposèrent régulièrement dans les cimaises parisiennes, et certains furent très appréciés. La génération actuel- le, mis à part Da Rocha, est plus discrète. Peu d’expositions dans les galeries, pas d’articles dans les revues spéciali- sées. La Caixa Geral de Depósitos et, surtout, le Nouveau Centre Culturel Portugais, l’Institut Camões, oeuvrent dans le bon sens, mais, hélas, leur public est essentiel- lemnt portugais et mon- dain, ce qui restreint considérablement la projection parisienne des artistes. Ajoutons à cela la crise actuelle de l’art, le marasme de la créativité. Amadeo de Sousa Cardoso part pour Paris en 1906, en compagnie de Francis Smith. Il s’installe à Montparnasse et fréquente les ate- liers pour entrer à l’École des Beaux Arts en architecture. En 1907 il visi- te la Bretagne, avec Eduardo Viana. Peintres portugais de Paris Egídio Álvaro Helena Vieira da Silva, “La fenêtre du jardinier”, 1976

Transcript of Peintres portugais de Paris - WordPress.com · 2014. 2. 27. · pellent Bibliothèque. Celle de...

Page 1: Peintres portugais de Paris - WordPress.com · 2014. 2. 27. · pellent Bibliothèque. Celle de 1949 appartient au Musée d’Art Moderne de Paris. Dans la gouache Bibliothèque Humoristique,

17n° 13 - décembre 2001LLAATTIITTUUDDEESS

et Severini, Futuristes. Walter Patchl’invite à participer à une exposi-tion aux États-Unis.

Cette exposition, l’ArmoryShow, aura lieu en 1913, à NewYork, et sera ensuite présentée àChicago et Boston. Il vend trois tra-vaux au critique d’art A. J. Eddy.

Cette même année il participe,avec la Galerie Der Sturm, au Salon

d’Automne de Berlin.Curieusement, dans unelettre, il dit : “Mesmanières de sentir et decomprendre n’ont rien àvoir avec les futuristes oules cubistes.”

En 1914 il aura desoeuvres reproduites dansle livre de A. J. EddyCubism and Post-Impressionism. Pendantl’été, de retour auPortugal, il passe parBarcelone, où il ren-contre Gaudi. La guerrearrive, et il restera auPortugal, à Manhufe,près d’Amarante.

Très peu connu enFrance, ce n’est qu’aprèsla Deuxième Guerremondiale que JeanCassou achète deux deses toiles pour le Muséed’Art Moderne de la Villede Paris.

Mais, à partir de 1913,il fait déjà partie desgrands peintres parisiens.

Sa participation à l’Armory Showen est l’exemple flagrant. Il ne fautpas oublier que, sur l’affiche decette exposition, il sera le seulpeintre étranger cité.

Il connaît ou se lie d’amitié avecJuan Gris, Max Jacob, Robert et SoniaDelaunay, Brancusi, Archipenko,Otto Freundlich.

Francis Smith s’installe à Parisen 1907, et y vécut jusqu’en 1961,

En 1908 il prend un atelier à la CitéFalguière. Mais c’est en 1909 queson avenir commence à se dessi-ner. Il habitera alors un studiocontigu à celui de Gertrude Stein,rue de Fleurus. Elle reçoit beau-coup d’artistes et de gens liés auxarts. Il fait la connaissance deModigliani, dont il deviendra l’amil’année suivante.

En 1910 il s’intéresse aux primi-tifs, et passe trois mois à Bruxelles.En 1911 il présente six travaux auSalon des Indépendants. Il prendun atelier au Quai d’Orsay, où ilexpose avec Modigliani. Il fait laconnaissance de Walter Patch, unAméricain dont la vie est consacréeaux arts. En 1912 il publie un albumde XX dessins, et illustre LaLégende de St Julien l’Hospitalier,de Flaubert. Il rencontre Boccioni

L’ impact réel de la peintureportugaise en France a éétrès variable tout au long

du XXe siècle.La première génération, celle

des années 10/20 connut un cer-tain succès, grâce, surtout, àAmadeo de Sousa Cardoso etFrancis Smith. La génération sui-vante, celle des années 40/50, a vula consécration interna-tionale de Maria HelenaVieira da Silva. La géné-ration des années 60/70fut la plus présente surla scène artistique pari-sienne. Le Groupe KWY,Júlio Pomar, EduardoLuiz, Augusto Barros,Manuel Cargaleiro, JorgeMartins, exposèrentrégulièrement dans lescimaises parisiennes, etcertains furent trèsappréciés.

La génération actuel-le, mis à part Da Rocha,est plus discrète. Peud’expositions dans lesgaleries, pas d’articlesdans les revues spéciali-sées. La Caixa Geral deDepósitos et, surtout, leNouveau Centre CulturelPortugais, l’InstitutCamões, oeuvrent dansle bon sens, mais, hélas,leur public est essentiel-lemnt portugais et mon-dain, ce qui restreintconsidérablement la projectionparisienne des artistes. Ajoutons àcela la crise actuelle de l’art, lemarasme de la créativité.

Amadeo de Sousa Cardoso partpour Paris en 1906, en compagniede Francis Smith. Il s’installe àMontparnasse et fréquente les ate-liers pour entrer à l’École des BeauxArts en architecture. En 1907 il visi-te la Bretagne, avec Eduardo Viana.

Peintres portugais de Paris

Egídio Álvaro

Helena Vieira da Silva, “La fenêtre du jardinier”, 1976

Page 2: Peintres portugais de Paris - WordPress.com · 2014. 2. 27. · pellent Bibliothèque. Celle de 1949 appartient au Musée d’Art Moderne de Paris. Dans la gouache Bibliothèque Humoristique,

18 n° 13 - décembre 2001LLAATTIITTUUDDEESS

Nadir Afonso, “Gibraltar”, 1969

Eduardo Luiz, “Nu au navet”, 1987Júlio Pomar, “Auto-retrato”

Page 3: Peintres portugais de Paris - WordPress.com · 2014. 2. 27. · pellent Bibliothèque. Celle de 1949 appartient au Musée d’Art Moderne de Paris. Dans la gouache Bibliothèque Humoristique,

19n° 13 - décembre 2001LLAATTIITTUUDDEESS

comme un des principaux peintreseuropéens qui, grâce à l’abstrac-tion, essayent d’accèder à la pure-té, à la communication intemporel-le, à la structure parfaite. C’est dansla nature (molécules, cristaux,formes de fleurs et de fruits) queNadir recherche et trouve la justifi-cation pour l’emploi des formesgéométriques (cercle, triangle,carré) et pour le passage consé-quent à une peinture de rythmes,équilibres et répétitions harmo-nieux de signes, avec lesquels ilobtient l’illusion de continuité illi-mitée.

Il inscrit ainsi sa peinture dansle champ d’une abstraction géomé-trique définie par l’épurement desformes, par l’invention de rythmeschromoformels, et par la recherched’une harmonie numérique etmathématique. Il est curieux devérifier comment, dans une premiè-re phase, prédominent les formescourbes, tandis que les formesbasées sur les fragments de droitess’imposent ensuite. Nous sommesen présence, au début, de formesqui se cherchent et s’affirment enrythmes plus fermés, en circonvo-lutions et labyrinthes qui, possible-ment, aspirent à une libération et àune respiration plus amples. Avecles formes angulaires, la possiblitéde répétition, de modulation et decontinuité va se concrétiser, et c’estdonc naturellement que Nadir arri-vera à la conceptualisation d’unepeinture théoriquement sanslimites.

Ainsi, à partir de 1954, il propo-se une théorie de la peinture qu’ilconcrétise dans les Espacillimités etavec laquelle il prétend fondamen-talement accéder à une réalité plas-tique grâce à laquelle il sera pos-sible de “communiquer entre leshommes de différentes époques,de différents lieux et milieuxsociaux”. Au travers de “simplesrapports de proportion d’espaceset d’intensité de couleur”, Nadiressaye de se libérer du facteurtemps ou moment, et de construireun univers plastique irréductibledans lequel la forme géométriquenaturelle, atemporelle et rigoureusefonctionnera comme un détonateurd’harmonie.

nent. Ils n’ont pas le droit de s’ar-rêter. Je ne les vois plus, j’essayede voir le rouage qui les meut. Ilme semble que cela est peut-êtreun peu ce que je tâche de peindre”.C’est le mouvement, mais aussi ladiversité des mouvements qui sem-blent être perçus par l’artiste, rete-nir son attention. »

C’est donc dans ce monde-làque Vieira da Silva entreprit devoyager. Il ne s’agissait pas pourelle de découvrir seulement desimages surprenantes pour le simpleplaisir d’étonner, il s’agissait d’allertout au bout, au moins le plus loinpossible de ses investigations. “

Dans le catalogue de l’exposi-tion de 1977 au Musée d’ArtModerne de Paris, Jean-Pierre Fayeécrit : “Une gouache de 1943 nousdonne un état rétrospectif de latoile terrible, Le Désastre, peinte àRio en 1942 : toile de figure, commetraversée par les lances et les che-vaux d’Uccello, comme précédéedans son dense dispositif par legrand polyptique de NunoGonçalves”. Et plus loin : “Commentles structures mouvantes et super-posées (...) désignent ces grandesabsences d’objet et de regard quipeuvent revêtir successivement desnoms - Dièdre, Le Courant, Port deLisbonne, Paris 1962, Rome 1969,Le Grand Blanc (1961 et 1963),Stèle, Conseil du Nombre, CitéObscure, Le Sommeil, L’Écho ou,désignation qui les reprend toutes,Conséquences Contradictoires(1967) - comment elles interrogentd’avance la peinture et le graphis-me maintenant les plus proches,voilà qui me presse de question.”

Nadir Afonso, boursier du gou-vernement français, a fait l’Écoledes Beaux Arts de Paris et, de 48 à51, a collaboré avec Le Corbusier.Il exposera à la Galerie DeniseRené et, plus tard, dans une petitegalerie près de Beaubourg.

La phase des années 40, mar-quée par une expérimentation -plus fébrile et curieuse que ressen-tie en profondeur - oscillant entrel’abstraction et le surréalisme, serasuivie, au début des années 50, parune activité extraordinaire, à tra-vers laquelle l’artiste s’affirmera

date de sa mort. Il fut l’ami de nom-breux artistes, tels que Kisling,Foujita, Severini, Zadkine etModigliani. Il est l’artiste portugaisdont l’État français a acheté le plusde toiles et dessins, environ qua-rante. Il fut nommé Chevalier de laLégion d’Honneur en 1933. Il expo-sa dans les plus grandes galeries.

Son oeuvre peinte reste endehors des courants dominants. Ilse plaît à peindre des places et desrues de Lisbonne, des villages, par-fois des paysages. Les personnagesqui habitent ses toiles sont simpleset souriants, du petit peuple à labourgeoisie. Ses villages, les placeset les rues de Lisbonne, ont presquetoujours une apparence théâtrale,bâtis en amphithéâtre. Il reste assezpeu connu.

Maria Helena Vieira da Silva estle seul peintre portugais universel-lement connu. Elle reçut les plusgrandes distinctions de l’État français.

Agustina Bessa-Luís (expositionde 1977 à la Fondation Gulbenkian)parle d’une Vieira très tôt touchéepar le théâtre. “Vieira da Silvaraconte combien l’a impressionnée,quand elle avait cinq ans, unereprésentation du Songe d’Une Nuitd’Eté. La pantomime des princes etdes sylphes était sans doute ce quijustifiait la présence d’une si jeunespectatrice au théâtre de Shakespeare(...) Et quand elle entendit : ‘OHéléna, déesse, nymphe, perfec-tion divine ! ‘, comme a dû frémirson coeur de petite fille déjà ouvertaux imaginations qui s’épanouirentplus tard dans l’artiste.”

Plusieurs de ses tableaux s’ap-pellent Bibliothèque. Celle de 1949appartient au Musée d’Art Modernede Paris. Dans la gouacheBibliothèque Humoristique, de1952, on peut lire les noms de Char,d’Ovide, d’Aristote et de Mallarmé.Il existe, clairement, un lien entrele travail de Vieira da Silva et lapoésie.

Mais l’oeuvre de Vieira da Silvaest très variée. Guy Weelen a écritsur elle, en 1973 : « N’a-t-elle pointécrit : “Je regarde la rue, les gensmarchent à pied et sur différentsappareils, à différentes vitesses, jesonge aux fils invisibles qui les tien-

Page 4: Peintres portugais de Paris - WordPress.com · 2014. 2. 27. · pellent Bibliothèque. Celle de 1949 appartient au Musée d’Art Moderne de Paris. Dans la gouache Bibliothèque Humoristique,

20 n° 13 - décembre 2001LLAATTIITTUUDDEESS

René Bertholo, “L’idéal”, 1966

José Escada, “Sem título”, 1965.

Page 5: Peintres portugais de Paris - WordPress.com · 2014. 2. 27. · pellent Bibliothèque. Celle de 1949 appartient au Musée d’Art Moderne de Paris. Dans la gouache Bibliothèque Humoristique,

21n° 13 - décembre 2001LLAATTIITTUUDDEESS

lise des dessins et des peinturespour le film de Pierre Kast et ChrisMarker, La Brûlure de Mille Soleils,qui obtint quatre prix internatio-naux.

On dit que la première victoired’Eduardo Luiz se situe en 1953,quand il a gagné l’éphémère prixde la Jeune Peinture de la Galeriede Mars, à Lisbonne. Mais on ne ditpas que ce fut une victoire au for-

ceps, puisque le prixétait promis à un autrepeintre, et seule laferme attitude d’AlmadaNegreiros, en désac-cord total avec ledirecteur de la galerie,lui a permis de gagner.Lire le bilan, publié dixans plus tard, dans larevue officielle, estrévélateur, puisqu’il yest classé comme“peintre laborieux”.Manière pseudo-élé-gante de le discréditer.

Mais Eduardo Luizest tenace. Il va déve-lopper avec une abso-lue assurance son uni-vers extérieur auxmodes. Un universdans lequel l’ironie, lecorps de la femme etle sexe, symbolisés parles fruits et les légumes,prendront une impor-tance chaque fois plusgrande. J’ai vu dansson atelier de la rueDu Cange des corps etdes bras écorchés,témoins d’une agonievécue par le peintre.Celle d’un homme

solitaire, face au monde hostile, quise battra jusqu’au bout pour sesidées.

Les “ardoises”, légèrement anté-rieures, représentent une voie plas-tique plus liée à l’ironie et à undésir avoué d’embrouiller le jeu.Les petites ardoises scolaires, utili-sées aussi par les marchands pourannoncer les prix des produits, sontde petits chefs-d’oeuvre d’un réalis-me à double face. Elles représen-tent, d’un côté, sans ambiguité, unesituation. Mais, très rapidement, le

l’énergie qu’elles libèrent, les forcesque l’on déchaîne. Le corps vivantde ce que le tableau, résultat final,est le masque mortuaire, presque.(...) Au fond, je pense que ce quim’attire dans un portrait, c’est lebesoin d’une grande synthèse, etsa difficulté. (...) Les portraits. Dansles derniers, il y a comme une mul-tiplication-démultiplication de lafigure centrale. Opérations qui font

le passage vers les histoires ditesérotiques, qui débutent en 76/77.(...) Je n’ai pas la vocation de nar-rateur, et la peinture ne m’intéressepas comme un art du reportage.(...) Les bêtes (os bichos) ont étégénérées plus proches d’une statueque du travail traditionnel dupeintre, à partir des quatre bordsdu tableau.”

Eduardo Luiz s’installe à Parisen 1958, comme boursier de laFondation Gulbenkian. En 64 il réa-

Cette double préoccupationd’échapper à la limite et de structu-rer géométriquement pour s’inscri-re dans le plan de l’inaltérable, del’éternel, de l’immuable, placeNadir en position d’originalité parrapport au groupe parisien aveclequel il expose chez Denise René.

Le caractère visionnaire de cettepeinture est inégal. Sans atteindreson désir de bâtir une utopie, nousne sommes pas très loinde la vérité en disantqu’il essaye de trouverun système dans lequell’interprétation et larécupération du visibleimmédiat s’intègrentsans sursaut dans unethéorie accessible danslaquelle la créationserait un acte “naturel”.

Júlio Pomar s’instal-le à Paris en 1963. AuPortugal il avait d’abordproduit une peinturenéo-réaliste, et ensuitela série des Tauromachies.À Porto, où il avaitconnu Fernando Lanhas,animateur des ExpositionsIndépendantes, il peintune fresque pour lecinéma Batalha, viterecouverte par la poli-ce politique. Auparavant,à Lisbonne, avec desamis, il avait exposédans une chambrelouée. Il n’y avait pasde galeries. L’expo-sition fut très visitée, etAlmada Negreiros luiacheta sa premièretoile.

À Paris, il entamera d’abord lasérie des “Courses”, et ensuite lesPortraits, le Bain Turc, les Tigres etune série érotique. La commandede cinq sérigraphies de grand for-mat par les Éditions d’Art Modernede Paris fut un moment important.

De l’entretien avec Helena Vazda Silva, publié en 1980, nousavons sélectionné un certainnombre d’éclairages sur son oeuvre,que nous citons : “Ce qui m’inté-resse, quand je peins, c’est la pro-duction de formes, les interactions,

Lourdes Castro, “Sombra projectada de Christo”, 1964.

Page 6: Peintres portugais de Paris - WordPress.com · 2014. 2. 27. · pellent Bibliothèque. Celle de 1949 appartient au Musée d’Art Moderne de Paris. Dans la gouache Bibliothèque Humoristique,

22 n° 13 - décembre 2001LLAATTIITTUUDDEESS

arrivé presque en même temps deBulgarie, ils créent la revue KWY,tirée en sérigraphie. S’associent parla suite à l’élaboration de la revueGonçalo Duarte, Escada, João Vieiraet Jan Voss. Douze numéros paraî-tront entre 1958 et 1963.

Les trois lettres, KWY, n’existentpas dans l’alphabet portugais.

Phonétiquement, cela veut direaussi “que vi”, que j’ai vu. LourdesCastro dira plus tard que la revuen’était pas portugaise, ni française,mais ouverte, quelque chosed’autre. Elle a pris une grandeimportance dans le panorama artis-tique de l’époque. Ont fait des séri-graphies incluses dans les différentsnuméros : Lourdes Castro, RenéBertholo, Gonçalo Duarte, Jan Voss,José Escada, Vieira da Silva, Christo,Manuel Cargaleiro, João Vieira,Jorge Martins, António Saura, JoãoLopes Vidal, G. Bertini, Arpad

pellent des sexes féminins transfor-més en bouches prêtes à mordre.

Dans les toiles de 87/88 le corpsféminin disparaît pour céder laplace à des paysages inédits (AvionArc-en-Ciel), avec des avions, desbateaux en papier et quelques Arc-en-Ciel. Ou alors des miroirs danslesquels apparaissent, comme desfantômes, des têtes recouvertes demouchoirs, de draperies. Fin d’unefroideur douce mais féroce qui estpeut-être symbolisée dans la Pietàde 88, qui représente la fin d’unebataille d’échecs, avec des piècestombées, un drapeau et une seuletour dominant l’ensemble.

René Bertholo arrive à Paris en58, avec Lourdes Castro, venus deMunich, où ils étaient restésquelques mois. C’est ici que sonoeuvre va s’épanouir. Avec CostaPinheiro, resté à Munich, et Christo,

réel est transformé en représenta-tion “théâtralisée” d’une situationqui est celle du pouvoir de la pein-ture, un pouvoir essentiellementmétaphysique, de l’ordre de l’ima-ginaire. L’artichaut breton peut êtreaussi bien la révélation de l’exté-rieur, du coeur des choses, qu’unhommage d’adieu au surréalisme età son chantre, André Breton. Detoute façon, la plongée dans l’in-conscient, pour toucher lesoeuvres, est fondamentale. Écritu-re, prix, équation, plans et projec-tions, font partie de cette peinturequi est presque un exercice dejouissance sur le fonctionnementdu contenu, de l’explicite.

Viendront ensuite les toiles quiaborderont le champ du réel et duvirtuel. Infini jeu de miroirs. Lapeinture, qui est déjà une réalitévirtualisée, annonce des situationsdans lesquelles la frontière desreprésentations devient fluide.Exemple/clé, La femme invisible,de 1970. La femme et le loup, de1971, ou une toile sans titre, de1979, où nous voyons, dans ledouble paysage inversé, un tableaureprésentant une femme-robot enfuite, et un loup qui bondit du pay-sage pour y rentrer. Dans ces toiles,le virtuel occupe une dimension de“vérité”. Comme si le peintre vou-lait indiquer la force et la présencede tout ce qui se trouve au-delà duvoile de la mémoire.

Un autre vecteur de sa peintureinsiste également sur l’idée d’illu-sion. Beaucoup de ses toiles repré-sentent des étagères/fenêtres à l’in-térieur ou au-delà desquelles sedéveloppe une réalité morcelée quimène à un jeu mental d’associa-tions d’images, pour accéder à l’in-visible, au non-dit. Dans les douzeboîtes des Variations d’un Citron,apparaissent un sein féminin et unruban vert qui se déroule dans l’es-pace. Formes qui se complètent,énigmatiquement, dans un espacesans points de repère. Une peintu-re du mental.

Dans un tableau, au premierplan, un navet et, sur le mur, unetoile représentant deux corps/seinscollés l’un à l’autre. De 78, la sériedes fruits découpés, comme, parexemple, Les Carnivores, qui rap-

Luis Lemos, “Adonis”, 1997.

Page 7: Peintres portugais de Paris - WordPress.com · 2014. 2. 27. · pellent Bibliothèque. Celle de 1949 appartient au Musée d’Art Moderne de Paris. Dans la gouache Bibliothèque Humoristique,

23n° 13 - décembre 2001LLAATTIITTUUDDEESS

peintes. Il représente des nuages,de l’eau, des mouettes et desbateaux. Le tout animé par de petitsmoteurs qu’il façonnait. Palmier,Coucher de Soleil, Jour et Nuit, Lamer, Bateau à Quai, Nuage àSurface Variable. Son travail est trèsvarié.

Lourdes Castro commence ses“ombres portées” en 63. Elle lesdécoupe dans du plexiglas. Ellechoisit comme modèles sa mère,ses amis, des valises. Plus tard elleutilisera le même type d’ombres,dont elle brodera les contours surdes draps. Récemment elle a tra-vaillé avec des fleurs naturelles, enaccumulations.

José Escada arrive à Paris en1959, boursier de la FondationGulbenkian. Il pratique encore pen-dant quelque temps l’aquarelle,mais se tourne vite vers des com-positions d’aspect labyrinthique,avec de belles couleurs. Il travailleensuite les pliages en papier etvient finalement à la pièce tridi-mensionnelle, vers 1965. Il décou-pe l’acrylique et la feuille deFlandres. Il est fasciné par la symé-trie. Ses formes sont parfois vague-ment humaines, mais aussi indéter-minées. Son oeuvre est originale,loin de toute tendance ou mode.

Jorge Martins s’installe à Parisen 1961, où il vit jusqu’en 1991. Sapremière peinture est une figura-tion très libre, où la lumière, lesobjets et les personnages jouent unrôle essentiel. Ses couleurs sontdouces. Il pratique d’abord unepeinture compartimentée, pour pas-ser ensuite à des toiles pleines, oùle personnage féminin se joue desfantasmes de chacun. Paysagesintérieurs ou extérieurs témoignentd’un désir de tendresse et d’intimi-té. Tout reste au niveau du non-dit.

Henrique Silva s’installe dans labanlieue parisienne, dans le mêmevillage que Vieira da Silva et ArpadSzenes, avec qui il travaillera, en1957. Il y a dans son travail cettesimplicité tour à tour tranquille etcrispée, cette vision poétique desobjets de tous les jours, le regard

en 1962. J’ai d’abord cherché ceque j’appelais le mauvais goût.” “Cequi est important, pour moi, ce sontles images, la couleur est secondai-re. Mes tableaux n’offrent pas unevision unitaire. Je veux faire untableau qui ne soit pas visible aupremier regard.” “J’ai besoin de‘l’imaginaire’, c’est-à-dire de l’ambi-guité inhérente à chaque image ensoi.” “Je ne copie jamais une formeà partir de l’original : j’écris demémoire.” “J’essaye toujours d’illus-trer un seul thème, les manifesta-tions d’un élément naturel.” “J’airêvé (...) de faire un art qui futaccessible à tout le monde, ouvrierou intellectuel, enfant ou adulte.”“Quand je peins, je parle de moi,de mon univers quotidien.” (entre-tien avec Pierre Restany).

À partir de 66 il construit desmachines/paysages à partir deplaques de métal découpées et

Szenes, Frédéric Benrath, GailSinger, Costa Pinheiro, Guido Biasi,Manolo Millares, Peter Klasen,Pfahler, Gresheim, George Noël,Paul Wunderlich, Peter Saul,Corneille, Yves Klein, Nikki de StPhalle, Jean Tinguely, FrançoisDufrêne, Martial Raysse, et collagesde Robert Filliou et Jean RafaelSoto. Et, dans le numéro 12, 54 car-tons postaux en sérigraphie de dif-férents artistes.

À partir de 63/64, René Bertholova commencer, parallèlement à JanVoss, une peinture d’accumulationd’images. Il s’agit d’une “expres-sion de l’imagination et du rêve,avec une pluralité de lectures”. Ildésire “passer à travers la mémoirepour décrire la réalité”. “Je ne suispas un narratif. Mon traitement del’image est entièrement instinctif etspontané” (dans le texte d’AlexandrePomar). “J’ai commencé à peindre

Luis Rodrigues, “Métamorphose”, 1992.

Page 8: Peintres portugais de Paris - WordPress.com · 2014. 2. 27. · pellent Bibliothèque. Celle de 1949 appartient au Musée d’Art Moderne de Paris. Dans la gouache Bibliothèque Humoristique,

perçant et synthétique sur le décorquotidien qui en dit long sur ledésir d’inscrire le périssable et lepassager dans le plan de l’éternel.

Sa peinture de plus en plusdépouillée cherche à donner lepoids et l’épaisseur du long silencequi enveloppe notre histoire per-sonnelle, et à retenir provisoire-ment le glissement inexorable duvécu vers le souvenir glacial oul’oubli définitif.

J’ai toujours vu dans la peintured’Henrique Silva la recherche d’unsecret plaisir. Intimiste, subtile,diluée en atmosphères sombres etsilencieuses, parlant de livres, bou-teilles, étagères, paysages, visions,et de tout ce que cela peut cacher.Peinture sobre, sensuelle, sensible,vivant d’allusions et de vibrations.

Il a peint souvent des biblio-thèques, bien que son intérêt pourla littérature m’ait toujours sembléminime. Il s’agissait, peut-être, del’attrait d’un savoir caché, ou alorsd’un regard purement plastique surson environnement. Ses toiles, par-fois très grandes, dans les tons mar-

ron foncé, vert, bleu, terre de sien-ne pâle, témoignent d’un espritcalme, secret, solitaire.

Manuel Cargaleiro vit à Parisdepuis 1957. Dans un premiertemps, les carreaux de faïence (lesazulejos), le guident jusqu’aubaroque. Le baroque le renvoie àla nature. De la nature il retient lecaractère lyrique, l’agencement nonlogique des détails, la lumièreomniprésente, la couleur organisa-trice.

Il peint, donc, des paysageslyriques stylisés, des paysagesinventés de toutes pièces. Il créeun espace ambivalent, tantôt infini,tantôt fleur, un espace-couleur-matière, une couleur-matière-natu-re, une nature-réelle-imaginaire quientretiennent entre eux des rap-ports d’une ambiguité parfaitementcohérente. Insistons sur les qualitésde l’espace dans l’oeuvre deCargaleiro. Il est d’abord ambiva-lent, contenant et contenu. Il estensuite un espace dense, pourvude qualités matérielles, d’un poids,

d’une couleur, d’un rythme, d’uneharmonie.

Dans les toiles présentées à laFondation Gulbenkian, à Paris, en1970, une lumière tamisée baignedes formes dont on pressent lesaffinités avec les algues. La couleurs’étale souvent en larges bandeshorizontales jaunes, vertes, bleues.Un mouvement tournoyant vientposséder la Forme. L’autre côté dela nostalgie dévoile ses charmes.

La séduction de la matière/cou-leur apparaît dans toute sa splen-deur dans le travail d’AugustoBarros. Sensuelle dans la vibrationde certains plans, dans l’épaisseurdu pigment, dans la lacération dupapier et dans la douce pulsationdes taches chromatiques, renduesfortes en contraste avec les cendreset les bleus estompés. En essayantde donner corps à la nostalgie d’unpays du soleil occulté par la gri-saille des cheminées et des mursparisiens, Barros se libère dans unlyrisme profond qui va trouver sonplus fidèle allié dans l’attraction tac-

24 n° 13 - décembre 2001LLAATTIITTUUDDEESS

Jacinto Luis, “Margens do Douro”, 1989.

Page 9: Peintres portugais de Paris - WordPress.com · 2014. 2. 27. · pellent Bibliothèque. Celle de 1949 appartient au Musée d’Art Moderne de Paris. Dans la gouache Bibliothèque Humoristique,

tile et visuelle exercée par le graindu papier et par la trame vibratiledévoilée par la superposition descouleurs.

Da Rocha disait en 1975 : “Je neveux pas représenter une penséefrançaise, parce que, géographique-ment, elle n’a jamais comporté d’ex-cès. Le Portugal, avec la mer et levin, est un paradoxe qui passion-ne.” “Je ne peux pas dire que je suisun émigré, je suis un déphasé avecle Portugal.” Ses cycles sont de véri-tables fables, ou légendes, liantl’imaginaire et le trivial.

La Muraille de Chine, Les Gentilsdu Non Lieu, L’Archipel de la VoieLactée, Les Jardins Habités,Turbulences, Cézanne, Ouvre-Toi,Aîtres, Comètes, Ruisseaux, Étangs,Le Songeur Exquis, Le Chemin desSaumons, Les Tableaux d’AndréLouyz, Karnag, Navigare NecesseEst, Vivere non est Necesse,Protéiformes, Fables, sont les uni-vers où il plonge en toute plénitu-de.

Bertino s’installe à Paris en 59.Dans un premier temps il récoltetoutes sortes d’objets dont il fait desassemblages qu’il peint. Ensuite, ilpasse à la peinture de la musiqueclassique et à la peinture d’histoire.Il s’est également essayé à la sculp-ture.

Costa Camelo est le plus ancienrésident à Paris, puisqu’il s’y instal-le en 1950. En 55/56 il s’avouesemi-abstrait. Mais il commencedéjà à utiliser un geste large et maî-trisé, une construction ample quidonne à ses toiles ou papiers,presque tous de moyen ou petit for-mat, une force et une dimensioninégalables. Dans ses dernièresexpositions, à Paris et Amadora, ilnous a montré un autre aspect desa peinture. Une peinture vibrante,condensée, réalisée d’un geste largeet fluide. La couleur est ici plus vio-lente, plus claire. Chaque toile estcomme une tempête en attente. Lestoiles sont des poèmes parfaits, deshymnes à l’harmonie.

Les peintres de l’actuelle géné-ration n’ont pas connu le succès dela précédente, et leur oeuvre estbeaucoup plus conventionnelle.

Citons-en quelques-uns. JoãoMoniz a longtemps peint du blancsur du blanc. Plus récemment ils’est mis à utiliser la couleur et lamatière.

La peinture de Luís Lemos, unesorte de bad painting, très sauvage,sera la source de quelques scan-dales, puisqu’il aborde des sujetsdifficiles comme l’homosexualité.Son travail s’organise autour del’érotisme, du corps humain, del’animal et de l’objet monumentali-sé.

Les tableaux monochromes etdélavés de Manuel Amorim présen-tent une figure humaine en attente,en dehors du temps, entourée d’unpaysage presque abstrait. Tout estréduit au minimum.

Ferreira-Rocha aborde desthèmes liés à la situation généralede la planète. Pas de pamphlets,néanmoins. Plutôt, dans Espace deFaim, des corps et des regards per-dus dans le vide, témoignage desgrandes détresses et des amèressituations sans issue. Dans cet uni-vers bleu-gris, très loin de la terre,la lune et, très près, des cornets deglace rutilants. Dans une toile,étrangement, cohabitent la moitiéd’un corps et la navette spatiale.Comme si les misérables, les déra-cinés, étaient, eux aussi, envoyésdans un quelconque espace sidé-ral, écartés à jamais de nos soucis.

Face à la peinture récente deLuis Rodrigues, nous nous trouvonsconfrontés à un souffle puissant quinous invite à plonger dans un uni-vers de rythmes, de couleurs et defrémissements, annonçant uneémotion profonde et retenue.

Ni figuratif ni totalement abs-trait, son travail se trouve plutôtmieux défini par le concept de non-figuration. C’est une dimension trèsparticulière où tout fonctionnnegrâce aux signes. Des signes quisont aussi des couleurs, des vibra-tions subtiles qui nous entraînent àla découverte progressive d’un sensimmanent qui finira par nous fasci-ner. C’est une peinture qui exprimedes événements, des moments déci-

sifs de la vision du monde qui nousentoure.

En regardant la peinture dePaula Liberato, nous pourrions direqu’il s’agit d’une peinture purementabstraite, avec de larges places decouleurs mélangées et un rythmesouvent vertical, auquel viennents’ajouter quelques horizontales.

“Je peins toujours les mêmeschoses, toujours différentes. L’in-conscient joue un rôle important.L’imprécision est décisive. Il estimpossible de tout contrôler. Mapeinture est une série de continui-tés, de séquences, comme s’il yavait une toile unique, gigantesque.Continuité, dépassement, fragmen-tation.”

Jacinto Luís a longtemps peintdes personnages populaires, desétagères de tavernes, des paysageslointains, des fenêtres. Plus récem-ment il a montré des tramways deLisbonne, des fruits, des quais, deskiosques. Il produit une peinturetrès terre à terre, très réaliste.

Jorge Galego a commencé en1992 une remarquable série deFeuilles en forme de coeur. D’abordsur papier de soie froissé, ensuitesur de l’altuglas, les feuilles devien-nent symboliques. Elles rappellentla nature, la forêt, la pluie, des ani-maux, des signes écologiques. Il ya aussi une vision poétique de lacouleur.

Actuellement il peint toute unesérie de Petites histoires extraordi-naires peuplées d’étranges person-nages �

Paris, octobre 2001

25n° 13 - décembre 2001LLAATTIITTUUDDEESS