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  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? Un tat de la recherche

    par

    Clermont GAUTHIER, Mhammed MELLOUKI, Denis SIMARD,Steve BISSONNETTE et Mario RICHARD

    Les Cahiers du dbat

    FONDATION POUR LINNOVATION POLITIQUEJanvier 2005

  • Ce texte est un rapport prpar par les chercheurs de la Chaire de recherche du Canada en formation lenseignement (Universit Laval, Qubec, Canada), sous la direction de Clermont Gauthier, lintention du FondsQubcois de Recherche sur la Socit et la Culture et du Ministre de lducation du Qubec, qui ont financ lesrecherches. Sous son titre original Interventions pdagogiques efficaces et russite scolaire des lves provenant demilieux dfavoriss. Une revue de littrature, il a t rendu public en avril 2004.

    Une tude plus longue en a t tire : Clermont Gauthier, Steve Bissonnette et Mario Richard, chec scolaireet rforme ducative. Quand les solutions proposes deviennent la source du problme, paratre aux Presses delUniversit Laval en janvier 2005 (diffusion pour la France : Sodis).

    Sommaire

    Le politique, le thoricien et le parent dlveAvant-propos de Marie-Christine Bellosta . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

    Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

    Premire partie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

    1. La russite scolaire : un point de vue sociologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61.1. Lanalyse sociologique de Marcel Crahay 81.2. Le principe de lgalit des chances 81.3. Le principe de lgalit de traitement 81.4. Le principe de lgalit des acquis 9

    2. Une classification des recherches en ducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

    3. Leffet enseignant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133.1. Bilan des mta-analyses 133.2. La valeur ajoute de lenseignant 14

    4. Les pratiques pdagogiques efficaces et le projet Follow Through . . . . . 184.1. Lexprience Follow Through 184.2. Efficacit de la pdagogie de Direct Instruction

    (ou Enseignement direct) 204.3. Lexprience rcente de City Springs (Baltimore) 224.4. Les rsultats ngatifs des approches centres sur llve 234.5. Lexprience du Wisconsin 24

    5. La dmarche denseignement explicite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285.1. Les trois temps de lenseignement explicite 295.2. Enseignement explicite, et non enseignement magistral 30

    6. Lefficacit de lenseignement explicite auprs des lve en difficultdapprentissage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

    7. La priorit scolaire : le savoir-lire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

    8. Rsum de la premire partie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

    Deuxime partie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

    1. La rforme de lducation qubcoise : un changement de paradigme . . . 39

    2. Les moyens pdagogiques proposs par le paradigme dapprentissage . . 40

    3. Conclusion et orientations privilgier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

    Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

    Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 3

    Le politique, le thoricien et le parent dlveAvant-propos de Marie-Christine BellostaMatre de confrences lcole normale suprieure

    Directrice scientifique du programme ducation de la Fondation pour linnovation politique

    En matire dducation, les dcideurs politiquescroient oprer des choix en leur me et conscience,mais ceux-ci leur sont suggrs par des profession-nels de lducation qui ont en tte des thoriespdagogiques prcises.

    En 1989, quand les lus ont vot ces lignesdu rapport annex la loi : Llve au centre dusystme ducatif. Lcole doit permettre llvedacqurir un savoir et de construire sa personnalitpar sa propre activit , la plupart ignorait sans douteque les mots au centre et sa propre activit serfraient une thorie pdagogique dj en appli-cation ici ou l dans les pays anglo-saxons ( child-centered activity-based learning ) et que voterces lignes, ctait dcider que la France ferait du constructivisme sa doctrine dtat.

    Cette doctrine sest immdiatement traduite enmots dordre ministriels : il ne fallait plus trans-mettre des savoirs mais aider llve devenirlacteur de sa propre formation , lui apprendre apprendre , lenfant tant cens construire sespropres savoirs . Puis, ces mots dordre ont priscorps dans les programmes et accompagnements .Ds ceux de lcole primaire (1990), il ne fut plusquestion que de la construction des savoirs parllve : lui de construire les catgories qui ras-semblent ou diffrencient les objets , de construire leprincipe alphabtique , etc..

    En mathmatiques, llve ne doit plus rece-voir un enseignement explicite : on lui soumet des situations-problmes , on le laisse ttonner et nelui fournit un savoir quaprs que les lves ontmis en commun les rsultats de leurs recherches : la rsolution des problmes est organise parlenseignant pour, partir des solutions personnelleslabores par les lves, dboucher sur une nouvelleconnaissance (notion ou procdure).

    Autre exemple, on ne donne plus de leonsde grammaire. Les lves doivent se livrer lob-servation rflchie de la langue franaise , qui les conduit examiner des productions critescomme des objets quon peut dcrire, et dont on

    peut dfinir les caractristiques. Ils comparent deslments linguistiques divers (textes, phrases, mots,sons, graphies...) pour en dgager de faon prciseles ressemblances et les diffrences.

    Ainsi, en toute matire, il est interdit au profes-seur dcole de partir de lnonc dun savoir pourdescendre ses exemples, ses applications ou samise en uvre ; il est interdit lenfant de partir dusimple pour aller au complexe, il faut quil parte ducomplexe pour construire le simple. Et les corpsdinspection veillent ce que cette pdagogie soitapplique, en stigmatisant comme si ctait un coursmagistral tout enseignement systmatique o loncommence par noncer de faon simple, directe etexplicite la chose savoir.

    Inspire des travaux du psychologue Jean Piaget(1896-1980), cette thorie de llve au centre postule quil en est des apprentissages scolairescomme des apprentissages naturels : de mme que savoirmarcher ne se transmet pas mais est construit parlenfant par essai et erreur, ou de mme que letemps passe est une connaissance qui ne sacquiertquen tant prouve, de mme, llve est censne savoir vraiment que ce quil a dcouvert et construit lui-mme.

    Le politique et le thoricien se retrouvent en2005 dans la mme rpartition des rles.

    Quand on voit que la recommandation majeuredu Rapport Thlot et lengagement principal delactuel projet de loi sont damener tous les lves matriser un socle commun des indispensables ,on y reconnat le mot-clef dune thorie bienconnue : la pdagogie de matrise (ou MasteryLearning). Ce concept, labor par Benjamin S.Bloom (1913-1999) la lumire de la psychologiede John B. Carroll, a t rcemment clbr, parexemple, par Marcel Crahay, professeur belge depsychologie de lducation, dans Lcole peut-elletre juste et efficace ? (voir plus loin, pp. 7-9).

    La pdagogie de matrise vise essentiellement lutter contre lchec scolaire. Elle repose elleaussi sur un postulat : il nexiste pas daptitudes

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ?

    limites , tout est affaire de vitesse dapprentis-sage et de conditions de lenseignement : la plupartdes lves sont capables de raliser des apprentis-sages de niveau lev, si lenseignement est adquatet si les lves sont aids quand et l o ils rencon-trent des difficults, si on leur donne suffisammentde temps pour atteindre la matrise (B. Bloom).

    Dans ce type de configuration, les politiquesapprouvent des notions techniques dont ils neconnaissent pas prcisment les implications, nepouvant deviner quel systme pdagogique (program-mes, instructions et formation des matres formantun tout) les technocrates de lducation prmditentden tirer.

    Quant aux parents dlves, ils sont nombreux en rester la surface affective des slogans. Ils ontapplaudi llve au centre , qui paraissaitmettre leur progniture au centre du monde, sansregarder de prs les pratiques pdagogiques qui entaient dduites, et sans se demander si elles faci-litaient vraiment les apprentissages. Ils applaudirontsans doute la matrise du socle , qui promet chaque enfant la russite.

    Le plus singulier, cest quen matire dducation,il arrive aux politiques de dcider de mettre en uvredes doctrines qui, exprimentes dans dautres pays,y ont dj prouv leur nocivit. Ainsi, quand lapdagogie de llve au centre a dbarqu enFrance, une autre approche child-centered ,lOpen Education, avait dj eu le temps de fairedes dgts en Grande-Bretagne et allait bientt ytre jete aux orties.

    Dans le texte quon va lire, des chercheurs qu-bcois expliquent quelles sont les pdagogies qui marchent . Ils ne se fondent pas sur des raison-nements idologiques : ils comparent les rsultats (le rendement ) des mthodes pdagogiques qui ontt mises en uvre une chelle significative sur lecontinent nord-amricain. Ils sappuient, entre autres,sur la plus vaste exprimentation de lhistoire delducation : lexprience Follow Through. Lanceen 1967 par le prsident Johnson dans le cadre desa Guerre la Pauvret, elle a consist en ce que70.000 lves, rpartis en plusieurs groupes, ont tforms, pendant plusieurs annes, selon des pdago-gies diffrentes ; lissue de quoi, on a compar lesperformances des diverses populations dlves.

    Ces chercheurs ne nous disent rien du rende-ment de la pdagogie de matrise : cette thorie

    nest pas en soi (sans autre prcision de mthode)du ressort de lexprimentation. Mais toutes lesperformances chiffres quils analysent concourentau mme constat : les enseignements explicite ou direct sont plus efficaces, notamment en milieudfavoris, que les pdagogies qui se veulent centressur llve . Ces enseignements ne constituent pas unretour lenseignement dautrefois dans la mesure oils portent la plus grande attention llve, sacomprhension et ses difficults. Mais ce nen sontpas moins des dmarches systmatiques et centressur le savoir ou la comptence acqurir.

    Quen conclure ?

    1. Quon nest pas victime dune illusion quand,en labsence de tout bilan officiel, on avance lopinionque la pdagogie mise en uvre depuis 1989 donnede bien mauvais rsultats, quand on la juge large-ment responsable du dveloppement de lillettrismeet de linculture, quand on estime quelle a ralentiles apprentissages, ou quelle a entrav plus quejamais laccs au savoir des enfants des milieux lesplus dfavoriss.

    2. Pour rendre plus efficace le systme ducatiffranais, il ne servira rien de voter une loi quipromet dassurer tous la matrise des connais-sances et des comptences indispensables , si on nevote pas, en corollaire, quon mettra fin au rgneofficiel de la pdagogie de llve au centre , quinuit lacquisition de cette matrise . Ds le dbatlgislatif, il conviendrait de sengager redfinir lespratiques pdagogiques cautionnes par ltat ettout ce qui fait systme avec elles (contenus etaccompagnements des programmes, mission de laformation des matres).

    3. Si la reprsentation nationale ne prenait pasdores et dj le parti de mettre fin la dominationde la pdagogie constructiviste, il faudrait au moinsfaire en sorte que la libert pdagogique proclamepar la loi ne demeure pas lettre morte. Pour cela, il estindispensable de sengager rcrire les program-mes et accompagnements (qui sont pour linstantmarqus du sceau constructiviste), et de prciserla forme administrative quon compte donner lexercice de la libert pdagogique : va-t-on ouvrirdes classes ou des tablissements alternatifs ?leurs pratiques pdagogiques seront-elles prdfiniespar ltat, ou seulement autorises par lui ? ceslieux denseignement seront-ils habilits par ltat,par la rgion, la commune ? laisss au libre choixdes parents ?

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  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 5

    Plusieurs tudes rvlent que les lves issusde milieux socio-conomiquement faibles prouventplus de difficult lcole et accusent un retardscolaire plus marqu que ceux provenant de milieuxmieux nantis (Coleman, 1966 ; Forquin, 1982 ;Svigny, 2003). Les consquences qui en dcoulentsont que les lves venant de milieux dfavorissrisquent dabandonner davantage lcole avantlobtention de leur diplme dtudes secondaires.Plusieurs recherches confirment dailleurs que ceslves maintiennent un taux de diplomation inf-rieur (Svigny, 2003). Cest pourquoi cette clientlemrite quon lui accorde une attention particuliresi lon veut contrer le dcrochage scolaire. Cela futfait, entre autres, par ltablissement de programmesde prvention du dcrochage scolaire.

    Or, ces programmes de prvention mis enplace dans les coles secondaires qubcoisesnont, jusqu maintenant, produit que peu ou pasdeffets positifs sur le taux de diplomation deslves risque. cet gard, la recherche de Janoszet Deniger rvle que :

    Les programmes sont assez efficaces pourmaintenir temporairement les lves trs risque lcole et pour accrotre leur motivation et leurrendement scolaire. Les interventions paraissentcependant moins efficaces pour les rintgrer ausecteur rgulier (mandat officiel de plusieurs desprogrammes valus) ou pour les conduire unequelconque forme de diplomation. (Janosz etDeniger, 2001, p. 71.)

    Cependant, il a t tabli que 80 % des dcro-cheurs ont dj pris du retard au moment o ilsabandonnent lcole (MEQ, 1991). En fait, il estpossible de distinguer dans ce groupe dlvesune premire tranche denviron 30 % qui na prisdu retard qu partir du secondaire et une seconde

    tranche, dapproximativement 50 %, qui a djcommenc cumuler un retard ds les tudesprimaires (Montmarquette et Meunier, 2001).Puisque les retards scolaires llmentaire sem-blent avoir un impact important sur le dcrochageau niveau secondaire, il devient alors essentielde privilgier des interventions prcoces dans lascolarit des lves.

    De plus, dans la mesure o la provenancesocio-conomique des lves influe sur les retardset les abandons scolaires, il importe didentifierles pratiques pdagogiques les plus susceptiblesdamliorer la performance scolaire de ceux dontles risques de dcrocher sont les plus levs, soitles lves de milieux moins nantis. Cest lobjectifque poursuit la prsente tude. Plus prcisment,le but de cette recherche est didentifier, laidedtudes empiriques, les interventions pdagogiquesefficaces favorisant la russite scolaire des lvesprovenant de milieux dfavoriss.

    Notre tude est divise en deux parties. Dansla premire, nous analysons la russite scolaire partir denqutes sociologiques. Nous prsentonsensuite la grille danalyse que nous avons utiliseafin de slectionner les meilleures recherches dansle domaine. Puis, laide des tudes choisies, nousprsentons les rsultats des tudes dcrivant leffetde diverses pratiques pdagogiques sur la per-formance scolaire. Finalement, sur la base de cestravaux, nous discutons des actions prioritaires privilgier auprs des lves de milieux dfavoriss,notamment en ce qui concerne le savoir scolaire etles stratgies pdagogiques favorisant lapprentis-sage. Dans la seconde partie, nous comparons lesinterventions prioritaires proposes celles misesen avant dans le cadre de la rforme de lducationqubcoise.

    Introduction

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 6

    La majorit des enqutes sociologiques rali-ses en ducation partir des annes 60, dont leclbre rapport Coleman qui a fait poque lors desa publication en 1966, confirme que, lorsquonles compare ceux qui proviennent de milieuxplus aiss, les lves originaires de milieux dfa-voriss risquent davantage de rencontrer des dif-ficults scolaires. Les rsultats du rapport Colemanont t corrobors par ltude de Forquin (1982) quia recens plus dune quinzaine denqutes ralisesdans divers pays (Belgique, Canada, tats-Unis,France, Grande-Bretagne, Suisse, Sude). Forquin afait une synthse de ces diffrentes enqutes et amis en vidence trois faits saillants :

    1. Les enfants de milieux modestes sont plussouvent en retard sur le plan des apprentissagesscolaires que leurs compagnons des classes socialessuprieures.

    2. Les ingalits observes entre les groupesde diffrentes classes sociales savrent nettementplus leves dans le cas des notes scolaires quloccasion de tests de connaissances normalisset surtout des tests daptitudes.

    3. russite scolaire gale, les chances depoursuivre des tudes varient selon lorigine sociale.

    Plus rcemment, Svigny (2003) a analys larelation existant entre la diplomation et le niveaude dfavorisation socio-conomique des lves dusecondaire, en milieu montralais. Cette tude,ralise pour le Comit de gestion de la taxescolaire de lle de Montral, est base sur lana-lyse de donnes administratives et dmographiquesdenviron 35 500 lves. Il ressort que :

    Les rsultats obtenus montrent que linci-dence du retard scolaire et la probabilit dobtenirle diplme dtudes secondaires varient en fonctiondu niveau de dfavorisation socio-conomique dulieu de rsidence des lves.

    De fait, plus le secteur de rsidence est dfa-voris, moins les chances dobtenir le diplmedtudes secondaires sont leves. La relation esttrs troite et inversement proportionnelle. De plus,

    elle sapplique tant aux garons quaux filles etaux lves dorigine qubcoise comme ceuxdorigine trangre. Le niveau de dfavorisationsocio-conomique du lieu de rsidence des lvesaccuse aussi un lien vident avec le parcours sco-laire des lves au-del du secondaire. La poursuitedes tudes au niveau collgial ou universitaire estnettement moins frquente chez les lves issus demilieux dfavoriss. (Svigny, 2003, p. 39.)

    La convergence, ainsi que la prgnance desconclusions de ces diffrentes tudes, ont contribu alimenter la croyance que lcole et le personnelenseignant nont que trs peu dimpact sur larussite scolaire des lves provenant de milieuxdfavoriss (Fallon, 2003). Pourtant, tout en consta-tant la correspondance leve entre milieux dfa-voriss et difficults scolaires, Coleman a galementnot dans son rapport que cette situation ntait pasirrversible et que lcole elle-mme pouvait venircontrebalancer le poids de lorigine socio-cono-mique des lves.

    cet gard, le chercheur amricain a pu mettreen vidence que la variable enseignant produitun effet plus marqu sur la russite scolaire pourdes lves dorigine modeste et dethnie minoritaire.En effet, il indique que les bons enseignants 1 ap-portent plus aux lves appartenant des minoritsaux prises avec des dficiences ducatives. Colemansouligne aussi que, peu importe le groupe ethniquede llve, les bons enseignants ont une influenceplus grande sur la russite dlves issus de milieuxsocio-culturellement faibles (Crahay, 2000). Rcem-ment, dautres auteurs comme Jenck et Phillips(1998) ont rvis leur position en ce qui concernelimpact des facteurs socio-conomiques sur le ren-dement scolaire. Ainsi, alors que ceux-ci affirmaienten 1972, linstar de Coleman, que leffet de lco-le tait ngligeable auprs des lves de milieuxdfavoriss, ils concluent maintenant, sur la basede donnes plus rcentes, que le facteur-cole estle meilleur prdicteur du rendement scolaire, sp-cialement pour les lves de milieux dfavoriss.

    Premire partie

    La russite scolaire : un point de vue sociologique1.

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 7

    Lenqute de Svigny (2003) met en lumiredes conclusions similaires :

    Ainsi, le pourcentage dlves sans DES[diplme dtudes secondaires] ou avec diplomationtardive est toujours plus lev du ct de ceuxinscrits dans une cole dfavorise que du ctdes lves inscrits dans une cole non dfavoriseet ce, pour chacun des dix dciles ou niveaux dedfavorisation socio-conomique du lieu de prove-nance des lves. Mme les lves rsidant dansles UPS 2 les plus favorises (8e, 9e et 10e dciles)sont dsavantags au plan de la diplomation lorsquilssont inscrits dans une cole dfavorise. On constateaussi que, chez les lves frquentant une coledfavorise, le pourcentage de ceux qui sont sansdiplme ou dont la diplomation a t tardive nevarie pas en fonction du niveau de dfavorisationde leur lieu de rsidence. On peut tenter dexpliquerce fait en invoquant la forte influence du milieuscolaire qui se manifesterait, dans ce cas-ci, parune fragilisation des lves issus des milieux plusaiss au plan de leur performance et de leur che-minement scolaire. De mme, la probabilit quellve entreprenne des tudes post-secondairesest lie non seulement au niveau de dfavorisationsocio-conomique de son lieu de rsidence maisaussi la catgorie dcoles quil frquente. Il estalors question dun effet du contexte scolaire surle parcours des lves au-del du secondaire. (Svigny, 2003, pp. 39-40.)

    Il importe galement de souligner les travauxde Heyneman (1986). Passant en revue les recherchesmenes grande chelle sur lefficacit des systmesducatifs, celui-ci montre que, par exemple, dansles pays en dveloppement :

    Les lves issus de milieux dfavoriss nob-tiennent pas ncessairement de moins bons rsul-tats aux tests standardiss que ceux issus de milieuxfavoriss. Linfluence de la qualit de lenseignementnest pas ncessairement moindre que linfluencefamiliale. Au contraire, le facteur le plus dterminantpour lapprentissage est la qualit des coles et desprofesseurs. (Heyneman, 1986, pp. 304-305.)

    Ainsi, selon Heyneman, plus le pays est pauvre,plus la qualit du milieu scolaire dtermine lerendement.

    Depuis les quinze dernires annes, desrecherches empiriques utilisant la technique de lamta-analyse 3 (Fraser et al., 1987 ; Waxman et Wal-berg, 1991 ; Wang et al., 1993 ; Walberg et Haertel,1997 ; Walberg et Lai, 1999) ainsi que dautres

    tudes mesurant la valeur ajoute de lenseignant(Sanders et Rivers, 1996 ; Webster et Mendro,1997 ; Wright et al., 1997 ; Sanders et Horn, 1998 ;Sanders, 2000 ; Babu et Mendro, 2003), ont russi comparer et mesurer de manire plus fine lim-pact de diffrents facteurs sur la performance sco-laire des lves, ce que les enqutes sociologiquesdu type de celle de Coleman ne permettaient pasde faire. Ces recherches ont confirm que le milieuscolaire, et plus particulirement lenseignant,jouent un rle important pour favoriser lapprentis-sage des lves, et ce, au-del des considrationsfamiliales ou motivationnelles.

    Par exemple, Wang, Haertel et Walberg af-firmaient, au dbut des annes 90 :

    Notre bilan sinscrit en faux contre lidecommunment admise que la qualit de lenviron-nement scolaire est de faible importance compa-rativement aux facteurs extra-scolaires. Notresynthse montre que, du jardin denfants lanneterminale du secondaire, la qualit et la quantitdenseignement sont au moins aussi dterminantesque les caractristiques individuelles des lves etleur environnement familial. Ce constat se vrifiepour une large diversit de contenus acadmiqueset de contextes ducatifs. (Crahay, 2000, p. 97.)

    Ainsi, ces tudes tendent confirmer que,contrairement ce que lon avait longtemps laissentendre, le milieu scolaire disposerait dun pou-voir important quant lapprentissage des lves.En fait, il pourrait mme faire la diffrence entrerussir ou chouer ses tudes, et ce, avec toutesles consquences qui sy rattachent.

    Certains chercheurs, dont Crahay, vont encoreplus loin en affirmant que, non seulement lcolepeut favoriser la russite scolaire des lves, maisquelle peut galement engendrer lchec. En effet,dans son ouvrage intitul : Lcole peut-elle trejuste et efficace ? (2000), Crahay postule que laresponsabilit de lcole dans la production dchecsscolaires est dsormais largement reconnue (Crahay, 2000, p. 21). Si une telle affirmation vientbranler des croyances populaires bien ancres, leffet que le milieu familial est la source centralede lducation des enfants, elle souligne aussi lancessit de conduire des analyses afin didentifierles moyens privilgier en vue dassurer la russitede tous les lves qui frquentent lcole.

    Sappuyant sur des recherches empiriques,Crahay effectue une analyse sociologique de lins-

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 8

    titution scolaire et, plus particulirement, desprincipes qui lont guide jusqu nos jours. travers lhistoire du dveloppement de lcolequil trace dans son ouvrage, son analyse permetde comprendre comment, paradoxalement, celle-cicontribue maintenir le phnomne dchec scolairequelle cherche pourtant endiguer. Fait noter,une tude qubcoise (Roy et Deniger, 2003)confirme les diffrentes hypothses avances parlenqute de Crahay.

    1.1. Lanalyse sociologique de Marcel Crahay

    Quoique cela puisse apparatre surprenantlorsquon considre les taux de scolarisation levsdes pays occidentaux 4 en ce dbut de XXIe sicle,lcole est demeure longtemps une institutionrserve une minorit de privilgis. Or, ce ne seraqu la fin du XIXe, et mme au dbut du XXe sicle,que lon pourra voir la promulgation des lois enmatire de frquentation scolaire se gnraliserdans la majorit de ces pays. Au cours du XXe

    sicle, lcole a ainsi connu une massificationimportante de ses effectifs, particulirement aprsla Seconde Guerre mondiale la suite de la miseen application de ces lois obligeant la frquentationscolaire. La scolarisation des lves, rserveautrefois aux nobles et bourgeois, devenait ainsiaccessible tous, indpendamment de leur pro-venance sociale, et ce, travers un rseau dcolespubliques gr par ltat. Au moment o lobligationscolaire commence produire de plus en plusdeffets merge alors, chez les intellectuels delpoque, un mouvement revendiquant la mise enplace de mesures assurant une justice en matiredducation.

    Crahay (2000) identifie deux principes traverslesquels ce mouvement sest traduit dans les dif-frents systmes dducation :

    1. lgalit des chances ; 2. lgalit de traitement. Or, malgr leur fondement de justice, ces prin-

    cipes, largement accepts et rpandus dans lemonde de lducation, ont contribu provoqueret maintenir lchec scolaire chez les lves pro-venant de milieux dfavoriss. Pour rendre lcoleplus juste et plus efficace, Crahay propose de lesremplacer par un troisime principe, celui de lga-lit des acquis.

    1.2. Le principe de lgalit des chances

    Guide par un souci de justice, lcole veutoffrir tous les lves la frquentant une galitdes chances. Cela signifie que chaque lve peut,du moins en thorie, recevoir lducation quil mriteselon ses capacits : aptitudes gales, chancesde formation ou daccs la formation gales. Ceprincipe a contribu crer une cole sur mesureo lon retrouve un systme doptions varies et desfilires denseignement adaptes aux capacitsdes lves. Lgalit des chances a engendr unevritable diffrenciation pdagogique permettantaux lves jugs plus talentueux de poursuivre destudes suprieures, alors quon offrait aux plusfaibles un parcours de formation beaucoup pluscourt. Sappuyant fondamentalement sur la mise envaleur des talents naturels , lidologie de lga-lit des chances engendre ce que Walberg et Tsai(1983) ont dsign sous le nom de leffet Mathieu :

    Ceux que la nature, lorigine sociale ou, pluslargement, les conditions de dveloppement ontdot de talents plus affts que les autres, reoiventdavantage du systme ducatif. Bref, dans cetteconception pdagogique, on ne prte quaux richesqui, par le fait mme, senrichissent davantage.On contribue ainsi lamplification des carts. (Crahay, 2000, p. 60.)

    1.3. Le principe de lgalit de traitement

    En raction leffet ngatif sur les clientlesscolaires provenant de milieux dfavoriss engendrpar le principe dgalit des chances, la majorit dessystmes scolaires des pays occidentaux ont par lasuite opt pour le principe dgalit de traitement.Ce second principe postule que tous les lvesdoivent bnficier dune gale qualit denseigne-ment travers une cole unique sans diffrenciationpdagogique : formation gale ou quivalente pourtous, indpendamment des diffrences individuelles.Alors que le principe dgalit des chances taitorient en fonction du dveloppement des aptitudesnaturelles des lves, celui de lgalit de traitementsen dissocie compltement en mettant de ct lesdiffrences individuelles de ces derniers.

    Cependant, en visant le principe moral nobledune galit de traitement pour tous, lcole quise veut neutre et impartiale reproduit pourtant lastratification sociale quelle cherche modifier. En

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 9

    effet, en ignorant les ingalits de dpart prsenteschez les lves quil reoit, le milieu scolaire nerussit, en dfinitive, qu lgitimer les capacitsingales construites antrieurement dans le milieufamilial. Bref, lgalit de traitement est une mys-tification (Crahay, 2000, p. 64).

    1.4. Le principe de lgalit des acquis

    Cest ainsi que les principes dgalit deschances et de traitement, qui ont longtemps guidlcole et se retrouvent encore trs prsents dansle milieu de lducation, tendent paradoxalement perptuer ou accentuer les ingalits sociales dedpart des lves et les transformer, en cours decheminement, en ingalits scolaires.

    Dans la mme perspective, lanalyse sociolo-gique qubcoise 5 de Roy et Deniger (2003) montregalement une tension historique entre deuxconceptions de la relation entre lcole et les milieuxdfavoriss. La premire se fonde sur une approchecompensatoire des carences ou dficits individuelset vise ladaptation de lenfant aux normes, attenteset mode de fonctionnement de linstitution scolai-re. La seconde prconise plutt ladaptation delinstitution scolaire, de ses normes et pratiques,aux milieux dfavoriss. Cependant, lorsquilsposent un regard densemble sur limpact desdiverses politiques et mesures issues de ces deuxconceptions, Roy et Deniger tablissent un bilanrelativement ngatif. ce propos, ils indiquent :

    Les valuations existantes en particulier lesvaluations externes savrent assez svres etnattribuent que peu dimpacts substantiels auxprogrammes analyss. De faon globale, les rsultatsdensemble, trs similaires ceux que lon retrouvedans les recherches conduites sur le continentnord-amricain, sont mitigs et font preuve de lapersistance du poids associ la dfavorisation(Brais, 1998). (Roy et Deniger, 2003, p. 125.)

    Cest pourquoi, selon Crahay (2000), si lcoleveut tre juste, quitable et efficace pour tous les

    lves qui la frquentent, elle devrait adopter leprincipe dgalit des acquis 6 selon lequel lensei-gnement devrait tre organis en fonction dobjec-tifs atteindre ou de comptences essentielles matriser un niveau lev pour tous. Il y auraiten effet des comptences essentielles dont tousles lves devraient tre dtenteurs un niveau dematrise lev, afin de leur permettre de prendreplace dans la socit moderne en tant que citoyens part entire. Il convient de prciser cependant quecette orientation nest pas incompatible avec lerespect des diffrences, du moins de certaines. cet gard, il existerait galement des comptencessecondaires pour lesquelles un tel niveau de ma-trise ne devrait pas ncessairement tre lobjectifvis. Par exemple, si tous les lves nont pasbesoin de matriser la programmation informatique,ceux qui terminent un cheminement scolaire debase devraient, en revanche, savoir lire, crire etcompter avec aisance et efficience, ainsi qutreen mesure dutiliser les fonctions de base dunordinateur (MEQ, 1994).

    Deux constats ressortent des travaux de Crahay.Dabord, les principes dgalit des chances et detraitement engendrent des changements de typestructurel tels que la cration ou labolition de filiresdenseignement. Ces changements structurels nontpas donn les rsultats escompts. Le principedgalit des acquis entrane plutt un changementdans lacte denseigner. Pour agir en conformitavec ce principe, il apparat essentiel de mieuxconnatre limpact de lenseignant sur la perfor-mance scolaire des lves provenant de milieuxdfavoriss et, plus prcisment, quelles sont lespratiques pdagogiques les plus efficaces mettreen place auprs de cette clientle.

    Pour rpondre cette question, nous dcrivonsdabord la grille danalyse que nous avons utilisepour slectionner les recherches tudier. Par lasuite, nous prsenterons les rsultats de nosanalyses.

    La question pose dans cette revue de litt-rature prsuppose quil existe certaines interventionspdagogiques considres plus efficaces que

    dautres pour favoriser la russite des lves demilieux dfavoriss. Ceci soulve alors la questiondu choix des critres permettant lidentification de

    Une classification des recherches en ducation2.

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 10

    ces dites interventions. Comment faire pour yarriver ? Crahay indique que :

    Instruits des apports des recherches empi-riques en ducation, nous sommes convaincus quilconvient ncessairement duvrer simultanment auniveau du systme denseignement et de celui despratiques pdagogiques mises en place dans lescoles et les classes. (Crahay, 2000, pp. 395-396.)

    La grille danalyse que nous allons privilgierdans le cadre de cette recherche est celle qui nousest fournie par les recherches empiriques.

    Pour effectuer une analyse rigoureuse des dif-frentes recherches ralises en ducation sur lethme de lenseignement efficace auprs dlvesissus de milieux dfavoriss, nous utiliserons le sys-tme de classification labor par Ellis et Fouts en1993. Ce systme de classification a ensuite t repriset utilis par dautres chercheurs (Grossen, 1998a et1998b ; Gersten, 1999-2002). Afin dvaluer la validitou la robustesse des donnes, ces auteurs ont pro-pos de classer les tudes effectues en ducationselon les trois niveaux hirarchiques suivants :

    Niveau 1 Recherches de base

    Niveau 2 Mise lpreuve de la thorie en classe

    Niveau 3 valuation du programme dans une coleou dans lensemble dune commissionscolaire

    Figure 1

    Le niveau 1 correspond des recherches debase en ducation. Gnralement, ces recherchessont de type descriptif (qualitatif, quantitatif oucorrlationnel) et se traduisent sous forme den-qutes, dtudes de cas ou de recherches ralisesen laboratoire. Ce premier niveau de recherche estutile pour dcrire un phnomne, observer unecorrlation entre deux variables ou prsenter unethorie. Il ne permet en aucun cas dtablir de liensde cause effet ou de vrifier des hypothses. Fait noter, aucune thorie recommandant des inter-ventions pdagogiques particulires ne peut tremise lpreuve scientifiquement laide dtudesstrictement descriptives. Doyle (1986) prcise propos des recherches faites en laboratoire :

    quelles restent trop loignes des ralits scolairesquotidiennes pour pouvoir dboucher directementsur des recommandations pratiques. Leur validit

    cologique est douteuse. Il y a plus dune dcen-nie dj que McKeachie (1974) et Cronbach (1975)ont rappel fermement le danger de gnraliserdes dcouvertes faites en laboratoire aux situa-tions ducatives en milieu naturel. (Doyle, W.,1986, pp.304-305.)

    La thorie dveloppementale de Jean Piaget etla thorie de Howard Gardner sur les intelligencesmultiples reprsentent de bons exemples derecherche de niveau 1. Les recherches de niveau 1ont tout de mme le mrite dintroduire des tho-ries et de formuler des hypothses en ducation.Cependant, pour tre valides, celles-ci ncessitentla mise en place de protocoles exprimentaux deniveau 2.

    Comme le souligne E.D. Hirsch (1996) dansson volume : The Schools We Need, and Why WeDont Have Them, les recherches de niveau 1 peuventtre utilises pour questionner la validit dunethorie lorsquil ny a pas de corrlation entre lesvariables ltude ou lorsque la corrlation savrengative. En effet, il serait hasardeux de soutenirune thorie qui na pas russi dmontrer de lienscorrlationnels entre les variables tudies ou, pisencore, quand les liens tablis viennent rfutercette dernire.

    Pour leur part, les recherches de niveau 2 sontexprimentales ou quasi exprimentales. Ce genredtudes implique quun modle, une thorie ou unehypothse, labors par des recherches descriptives(niveau 1), fassent lobjet dune mise lpreuve ensalle de classe laide de groupes exprimentauxet tmoins (contrles). Ainsi, diffrentes stratgiespdagogiques peuvent tre appliques avec desgroupes classes similaires afin de comparer et demesurer statistiquement leurs effets sur la perfor-mance scolaire des lves. Par exemple, plusieursrecherches de niveau 2 ont t ralises sur lap-prentissage coopratif et la pdagogie de la matrise(Mastery Learning).

    Les recherches de niveau 2 permettent dta-blir une relation de cause effet entre deux ou plu-sieurs variables. Afin dillustrer les diffrences entreles tudes des niveaux 1 et 2, prenons lexemplesuivant. Depuis longtemps, des recherches deniveau 1 ont permis dtablir une corrlation posi-tive entre la performance scolaire dun lve etson niveau destime de soi. Ces recherches ontdmontr qu une performance scolaire levecorrespond une estime de soi leve, et vice versa.

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 11

    Au niveau 1, en observant le lien existant entreces deux variables, on a pos lhypothse quenrehaussant lestime de soi dun lve on obtiendraune amlioration de sa performance scolaire. Or, laralisation de recherches de niveau 2 a permis dedmontrer leffet contraire : cest par laugmentationde ses rsultats lcole quun lve rehausse sonestime de lui-mme (Baumeister et al., 2003 ; Elbaumet Vaughn, 2001 ; Ellis et Worthington, 1994).

    Les recherches de niveau 2 offrent donc undegr de validit scientifique plus lev que cellesde niveau 1. Elles sont toutefois encore peu utili-ses en ducation comme en tmoigne lanalysefaite par lAmerican Association of School Admi-nistrators :

    An Educators Guide to Schoolwide Reform,a nearly 300-pages report on 24 schoolwide reformmodels analyzed by the Washington-based AmericanInstitute for Research. Of the 24 programs, Successfor All, Direct Instruction and High Schools ThatWork were the only three school programs that showstrong positive effects on student achievement. (American Association of School Administrators,1999, p. 4.)

    [Un guide de la rforme pdagogique globale lusagedes enseignants, rapport denviron 300 pages tabli partir de24 modles de rforme globale analyss par lInstitut de RechercheAmricain de Washington. Parmi les 24 programmes, Succspour tous, Enseignement direct et Les coles secondairesperformantes ont t les trois seuls programmes produire uneffet positif notable sur les performances des lves. trad. delditeur]

    De leur ct, les recherches de niveau 3 seproccupent dvaluer les effets des interventionspdagogiques recommandes partir des rsul-tats obtenus par des tudes de niveau 2, lorsquonles implante systmatiquement et large chelledans des projets pilotes, par exemple. Les recherchesde niveau 3 ont un degr de validit interne moinslev que celles de niveau 2, et ce, cause des dif-ficults inhrentes au contrle des variables. Cepen-dant, leur degr de validit externe ou cologiqueest largement suprieur, compte tenu de leur chan-tillonnage et des contextes lintrieur desquels detelles tudes sont ralises. Les recherches deniveau 3 sont de loin les plus fiables sur le planscientifique, car plusieurs interventions pdago-giques peuvent tre compares et testes simul-tanment en classe, et ce, dans lensemble dunecole ou dun conseil scolaire. De plus, les effetsmesurs par ce type de recherches sont multiples

    puisquils couvrent plusieurs dimensions de lap-prentissage (ex. : lecture, criture, mathmatiques,comportements, estime de soi, raisonnement,rsolution de problme, etc.). Ils refltent donc,plus largement et ralistement, lensemble desapprentissages raliss en classe.

    Par exemple, une recherche de niveau 3 peutdmontrer que lutilisation de lapprentissage coop-ratif en lecture, quoique permettant une augmen-tation du niveau de comprhension des lves(dmontr par une tude de niveau 2), occupe tel-lement de temps en classe quelle compromet lap-prentissage des mathmatiques et se traduit parune baisse des rsultats. Les recherches des niveaux2 et 3 offrent le plus de rigueur sur le plan mtho-dologique puisquelles sefforcent de respecter lestrois principes de qualit en mesure et valuation,soit lobjectivit, la validit et la fidlit (Sguin et al.,2001). Par consquent, ce sont elles qui dmontrentle plus haut seuil de qualit scientifique en ducation(Grossen, 1998b).

    Quoique leur ralisation se rvle trs co-teuse en raison de leur caractre systmique, lerecours des recherches de niveau 3 apparatsouhaitable pour viter le pige toujours prsentde la gnralisation abusive. En effet, combien defois limplantation dune nouvelle stratgie pda-gogique non valide par la recherche a-t-elledonn lieu au lancement dune mode qui sesttraduite par un mouvement de balancier entranantla mise au rancart des anciens outils , tou-jours ncessaires pour accomplir adquatement latche de lenseignement.

    Cela ne veut pas dire que les thories qui sesituent au niveau 1 nont aucune valeur et ne fonc-tionneront jamais. Au contraire, cela signifie seu-lement quil est essentiel, pour sassurer que tousles lves bnficient dun enseignement de qua-lit, de faire preuve, sur le plan thique, dunegrande prudence avant de recommander des inter-ventions pdagogiques qui nont pas encore dpas-s ce premier niveau de recherche. Les milieuxscolaires doivent agir avec prcaution avant den-gager dimportantes sommes dargent pour faire lapromotion dinterventions pdagogiques qui nontpas encore t valides empiriquement par desrecherches des niveaux 2 et 3.

    Grossen (1998b) indique que le systme declassification labor par Ellis et Fouts partage de

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 12

    nombreuses similitudes avec le dveloppementdes connaissances tel que propos par la mthodescientifique utilise en mdecine, par exemple (voirfigure 2). Le dveloppement des connaissancesscientifiques seffectue galement travers un pro-cessus en trois niveaux. Au niveau 1, les rechercheseffectues sont descriptives et permettent seulementde formuler des hypothses. Ces hypothses sont

    ensuite testes au niveau 2, laide dtudes exp-rimentales ralises avec des groupes restreints, afindtre valides ou rfutes. Finalement, les hypo-thses valides au niveau 2 seront exprimentes plus large chelle au niveau 3, par lentremise deprotocoles exprimentaux mettant en place unchantillonnage plus nombreux et schelonnantsur une priode plus longue.

    Ainsi, le recours la classification desrecherches en ducation labore par Ellis et Fouts,de mme que lutilisation dtudes de niveaux 2 et3 nous ont permis de formuler des recommanda-tions offrant un degr de rigueur rpondant auxnormes scientifiques, ce qui se traduit par despossibilits de gnralisation plus large chellepour les clientles concernes.

    Pour raliser notre tude, nous avons utilisune combinaison de recherches quantitatives etqualitatives, comme Gage la propos en 1986.Selon ce chercheur, ds que les objectifs dunetude deviennent la comprhension dun phno-mne et la recherche de gnralisations, une com-binaison entre recherches qualitatives et recherchesquantitatives est concevable, et mme tout faitsouhaitable. Les tudes quantitatives font ressortirdes tendances centrales ou des gnralisations,mme si ces dernires ont un caractre limit,

    comme cest le cas parfois dans la recherche exp-rimentale Ces gnralisations, comme toutes lestendances centrales, constituent une base derflexion sur les orientations et les probabilits lesplus larges.

    Il est cependant essentiel de rester conscientquautour des moyennes, les sujets varient. Dslors, lutilisation judicieuse dtudes qualitativesavec leurs descriptions critiques et minutieuses dece qui est observ en classe apporte une plusgrande profondeur des phnomnes analyss. Ainsi,la combinaison de recherches qualitatives et quan-titatives contribue, dune part, une descriptionplus subtile des processus denseignement tu-dis et, dautre part, lanalyse des liens existantentre les processus observs et des mesures aussifines que possible du produit obtenu dans lesclasses : rendement, attitudes et comportementsdes lves.

    Utilisation de la mthode scientifique pour construire de nouveaux savoirs

    Traduit de Grossen, 1998b.

    Figure 2

    Mthode scientifique Action mene

    Niveau 1laboration dune hypothse par observation Construction dune thorieinformelle

    Niveau 2Vrification exprimentale de lhypothse. Vrification de la thorie petite chelleAnalyse des donnes afin de dterminer la validit de lhypothse.

    Niveau 3Rvision par les pairs, reproduction Validation des rsultats dans des tudes de lexprimentation, tudes grande chelle, grande chelle et implantation dans lensemble long terme ou les deux dune commission scolaire.

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 13

    Par consquent, la dmarche mthodologiqueutilise dans le cadre de la prsente tude estaxe sur la recherche dvidences empiriques, quisont compltes par des donnes qualitatives, envue dvaluer limpact de lenseignant et de ses pra-tiques pdagogiques sur la russite scolaire deslves risque. Ainsi, la recension des crits sur lesujet fait appel lutilisation des principaux moteursde recherche en ducation, plus particulirementERIC (Educational Resources Information Center). Deplus, une attention particulire est accorde auxrecherches exprimentales qui ont t publiesdans des revues spcialises avec comit de lecture.

    Il est noter que la majorit des recherchesretenues pour les besoins de notre tude provientde la littrature anglo-saxonne, principalement am-ricaine 7. De fait, alors que les Amricains ont dve-lopp une longue tradition dtudes exprimentales,les crits francophones, pour leur part, prsententsurtout des recherches thoriques souffrant mal-heureusement souvent dune insuffisance de bases

    empiriques (Gauthier et al., 1997). Quoiquil y aitdes diffrences importantes entre les systmesducatifs canadien et amricain, les recherchespublies de part et dautre de la frontire partagentde nombreuses similitudes quant aux conclusionsauxquelles elles arrivent. titre dexemple, un rap-port canadien publi en 2001 sur le thme descoles efficaces indique que :

    The practices in the successful schools inthis canadian sample generally affirm the principlesof school effectiveness found in the body of inter-national research literature. (Henchey et al., p. II.)

    [Dans cet chantillon canadien, les pratiques des coles fort taux de russite confirment gnralement les principes def-ficacit scolaire quon trouve dans la littrature scientifique inter-nationale. trad. de lditeur]

    Dans la partie qui suit, nous prsentons plu-sieurs recherches ayant dmontr que lenseignanta un impact dterminant sur la russite scolaire deslves en gnral et, plus particulirement, auprsdlves risque.

    Le dfi qui se pose ceux qui veulent mettreen place des mesures visant favoriser la russitescolaire chez les lves provenant de milieuxdfavoriss consiste justement identifier le typedinterventions qui sera le plus efficace pour cetteclientle. Compte tenu de la problmatique parti-culire de ces lves et de leurs immenses besoins,il importe dtablir en priorit des axes dinter-ventions qui se situent dans la zone dinfluenceoptimale du milieu scolaire sur lapprentissage.Or, quest-ce qui aide le plus llve apprendre ?Si lon suppose que le milieu familial constitue lefacteur dterminant, les possibilits daugmenter letaux de russite dlves provenant majoritairementde familles dfavorises ou dysfonctionnelles devien-nent alors pratiquement inexistantes, compte tenu dupeu de pouvoir dont lcole dispose sur la famille.

    Cependant, procder lidentification de pro-cds pdagogiques efficaces, ce qui est le but denotre recherche, prsuppose ncessairement quelenseignant dispose dun pouvoir dinfluence surlapprentissage des lves. Mais quen est-il pr-cisment de cette suppose influence ? Est-elle

    plus ou moins importante que dautres facteurscomme le milieu familial, la motivation de llve,son potentiel intellectuel, etc. ? Si leffet de len-seignement noccupe pas une position prpond-rante dans lensemble des facteurs qui influent surlapprentissage des lves, il serait alors sans doutecoteux et inefficace de miser sur la modificationdes pratiques pdagogiques pour contribuer au suc-cs scolaire. Do limportance daller consulter lesrecherches scientifiques ralises sur laide lap-prentissage. Les travaux de Wang, Heartel et Walbergpermettent de rpondre cette interrogation.

    3.1. Bilan des mta-analyses

    Ces trois chercheurs amricains ont effectuune importante tude recouvrant 50 ans de recherchesen ducation. Cette mta-analyse, publie en 1993sous le titre What Helps Students Learn ? 8 leur apermis de relever les facteurs les plus susceptiblesdaider llve apprendre. Pour effectuer cette tude,ils ont analys 179 comptes rendus et chapitres demanuels, compil 91 synthses de recherche, enqut

    Leffet enseignant (recherches de niveau 2)3.

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 14

    auprs de 61 chercheurs en ducation de faon constituer une base de 11 000 rsultats statistiques.Cette mta-analyse de grande envergure les a ame-ns identifier 28 facteurs influenant lapprentissagepour ensuite les classer par ordre de priorit.

    Cette mta-analyse identifie lenseignantcomme tant le facteur ayant le plus dinfluence surlapprentissage des lves. Leffet de lenseignantdevance ainsi celui de la famille qui ne vient quauquatrime rang. Par ailleurs, les deux facteurs quise situent en tte de liste sont la gestion de classeet les processus mtacognitifs. Dune part, la ges-tion de classe constitue la responsabilit premirede tout enseignant qui fait face un groupedlves ; dautre part, les recherches en psycho-logie cognitive indiquent quil est possible pourcelui-ci dintervenir directement en classe sur ledveloppement des processus mtacognitifs deses lves (Ellis et Worthington, 1994).

    Comme le signalait Coleman dans son rapporten 1966, quoiquil possde un ascendant importantsur la russite dun lve, le milieu duquel ce der-nier provient ne constitue pas une barrire infran-chissable. De fait, une synthse de 134 mta-analysespublie en 1992 par Hattie tablit que leffet dam-pleur gnral (overall effect-size) sur la performancescolaire des facteurs relis au milieu familial etsocial se situe 0,38 alors quil atteint 0,53 pourles facteurs relis lenseignant et lcole. Il fautsavoir quun rsultat est considr comme tantsignificatif partir dun effet dampleur de 0,25(Adams et Engelmann, 1996). Ltude qubcoise deSvigny abonde dans le mme sens :

    la probabilit que llve entreprenne des tudespost-secondaires est lie non seulement au niveaude dfavorisation socio-conomique de son lieu dersidence mais aussi la catgorie dcoles quil fr-quente. Il est alors question dun effet du contextescolaire sur le parcours des lves au-del du secon-daire. Cette tude fait aussi ressortir lexistencedun effet classe sur la diplomation. Cet effet estdistinct de celui de ltablissement et de leffet dumilieu rsidentiel. Le pourcentage dlves qui nontpas obtenu leur diplme dtudes secondaires ouqui lont obtenu avec retard varie selon le niveaude dfavorisation de la classe et ce, indpendammentdu niveau de dfavorisation de ltablissement etde celui de llve (au regard de son lieu de rsidence).Cette relation se manifeste peu importe le sexe deslves, leur origine ethnique ou le secteur linguistiquedans lequel ils sont scolariss. (Svigny, 2003, p. 40.)

    Bref, au-del des limitations que peut produirele milieu duquel il origine, cest lenseignant qui aidele plus llve apprendre.

    Linfluence de lenseignant sur lapprentissagedes lves avait dj t dmontre dans lesannes 70 par les recherches de type processus-pro-duit de Barak Rosenshine (1971) et ceux de Ben-jamin Bloom (1979) sur le Mastery Learning. Cestudes mettaient en relation les comportementsde lenseignant (processus) avec lapprentissagede llve (produit). Par la suite, des synthses derecherches plus rcentes (Brophy et Good, 1986 ;Rosenshine et Stevens, 1986 ; ONeill, 1988 ;Gauthier, 1997) sont venues confirmer que lensei-gnant, par le biais de la gestion de la classe et delenseignement, affecte directement lapprentissagedes lves 9.

    Cependant, les recherches cites prcdem-ment ont t ralises auprs denseignantsuvrant avec des clientles dlves varies, sansgard la variable lie la provenance de cesderniers. Les conclusions obtenues sont-elles appli-cables une clientle dlves de milieux dfavo-riss ? Existe-t-il des tudes scientifiques qui ontdmontr plus particulirement linfluence de len-seignant sur lapprentissage des lves provenantde milieux socio-conomiques faibles ?

    3.2. La valeur ajoute de lenseignement(recherches de niveau 2)

    Les valuations traditionnelles de type stan-dardis permettent difficilement dtablir une rela-tion directe entre la qualit de lenseignementdispens et les rsultats scolaires des lves. Lesperformances observes par cette forme dvaluationsont influences par plusieurs autres facteurs, dontles acquis antrieurs des lves, leurs habilets, laqualit de lenseignement reu antrieurement, leniveau socio-conomique, etc. Une telle formedvaluation ne permet pas disoler limpact delenseignant des autres facteurs scolaires ou nonscolaires qui ont une influence sur la performancescolaire des lves (Meyer, 1997). On peut toutefoiscompenser les limites des valuations tradition-nelles en ayant recours aux mesures de la valeurajoute de lenseignant (Drury et Doran, 2003).

    Lorsque les lves sont valus annuellement laide dpreuves standardises, alignes et

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 15

    congruentes en fonction des programmes prvus,il devient possible de mesurer la valeur ajoute delenseignant. Les rsultats obtenus par tous leslves sont alors compils dune anne lautre etreports sur une chelle commune, afin de comparerleur volution. La valeur ajoute est obtenue pardiffrents calculs statistiques qui sefforcent diso-ler ou dajuster significativement leffet des facteursautres que lenseignant (le niveau socio-cono-mique, lorigine ethnique, les expriences scolairesantrieures, etc.) sur les gains de performance ra-liss par chaque lve sur une priode annuelle(Drury et Doran, 2003). La mesure ainsi obtenue estplus objective car elle value directement limpactde lenseignement sur les apprentissages des lves(Meyer, 1997).

    Cependant, les travaux sur la valeur ajoutesont relativement rcents. titre dexemple, uneanalyse de la littrature laide du moteur derecherche en ducation E.R.I.C. (Educational ResourcesInformation Center) sur le thme de la valeur ajoutervle que 50 % des tudes rpertories (26 sur untotal de 52) ont t publies de 1996 nos jourset que lauteur le plus prolifique sur le sujet estSanders (1996, 1997, 1998 et 2000). Au milieu desannes 90, la demande du Ministre de lducationde ltat du Tennessee, Sanders a implant unsystme dimputabilit mesurant la valeur ajoutede lenseignant nomm The Tennessee Value-AddedAssessment System (T.V.A.A.S.).

    Dans une tude ralise en 1996, Sanders admontr, partir dun recoupement de donnesstatistiques que, lorsquon confie des lves endifficult aux enseignants identifis comme les plusperformants de ltat pendant une anne scolaire,ils obtiennent une performance scolaire les situanten moyenne au 53e rang centile 10. Cest trente-neufpoints de plus que la performance obtenue (14e rangcentile) lorsque ce mme type dlves se retrouvedans les classes denseignants identifis comme lesmoins performants (voir figure 3). Les mmes rsul-tats ont t observs chez les lves moyens et leslves forts. Les gains de performance annuelsprovoqus par des enseignants efficaces (ceuxayant une valeur ajoute leve) auprs dlvesmoyens et dlves forts sont denviron 25 rangscentiles de plus que les rsultats que ces lvesobtiennent sils sont confis des enseignantsmoins efficaces.

    Traduit de Sanders, W. L. and Rivers, J. C., Cumulative and Residual Effectsof Teachers on Future Student Academic Achievement (1996), p. 9.

    Figure 3

    Traduit de Sanders, W. L. and Rivers, J. C., Cumulative and Residual Effectsof Teachers on Future Student Academic Achievement (1996), p. 12.

    Figure 4

    Les effets cumuls dune suite denseignants

    sur les rsultats en mathmatiques de 5e anne au Tennessee

    L'effet de diffrents enseignantssur le rendement scolaire

    des lves les moins performants(au Tennessee)

    60 -

    50 -

    40 -

    30 -

    20 -

    10 -

    0 -

    Enseignants les moins efficaces (Q1)

    Enseignants les plus efficaces (Q5)

    lves les moins performants

    Ren

    dem

    ent

    scol

    aire

    moy

    en a

    ps

    un a

    n

    14

    53

    80 -

    60 -

    40 -

    20 -

    0 -

    lves ayant eu trois enseignants trs inefficaces

    lves ayant eu trois enseignants trs efficaces

    Ren

    dem

    ent

    scol

    aire

    moy

    en a

    ps

    troi

    s an

    29

    83

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 16

    De plus, les gains de performance obtenusannuellement sont cumulatifs. Sanders (1996) admontr que des lves moyens assigns desenseignants performants de la 3e anne jusqu la5e anne du primaire, inclusivement, obtiennentune performance aux preuves de mathmatiquesles situant au 83e rang centile comparativementau 29e rang centile lorsquils sont confis desenseignants moins efficaces (voir figure 4). Il sagitdonc dune variation de 50 rangs centiles, ce quiest, pour le moins, impressionnant.

    Les recherches de cet auteur dmontrent queleffet enseignant, cest--dire la valeur ajoute,affecte indniablement la performance scolaire detous les lves et que, parmi ceux-ci, ce sont leslves en difficult qui sont les plus grands bn-ficiaires. Les conclusions de ces recherches sersument comme suit :

    Despite ongoing debates about whether,and how much teachers make a difference in studentlearning relative to a host of other factors assumedlyaffecting student learning (Wang, Haertel et Walberg,1993), and whether particular elements of teachingcan be systematically and causally linked to studentachievement (Scriven, 1990), the results of thisstudy well document that the most important factoraffecting student learning is the teacher. In addition,the results show wide variation in effectivenessamong teachers. The immediate and clear implicationof this ending is that seemingly more can be doneto improve education by improving the effectivenessof teachers than by any other single factor. Effec-tive teachers appear to be effective with studentsof all achievement levels, regardless of the level ofheterogeneity in their classrooms. If the teacher isineffective, students under that teachers tutelagewill achieve inadequate progress academically. (Wright et al. 1997, p. 63.)

    [Mme si lon discute aujourdhui pour savoir si, et dansquelle proportion les enseignants sont susceptibles dinflchirlapprentissage des lves par comparaison avec dautres facteursconsidrs comme dterminant cet apprentissage (Wang, Haertelet Walberg, 1993), et si des lments particuliers de lenseigne-ment peuvent tre lis de faon systmatique et causale larussite des lves (Scriven, 1990), les rsultats de cette tudeillustrent bien que lenseignant est le facteur dcisif de lappren-tissage. De plus, ces tudes dmontrent quil existe une grandevariation defficacit entre les enseignants. La consquence imm-diate et vidente de ce rsultat est quune amlioration de lef-ficacit des enseignants peut faire bien plus pour amliorerlducation que tout autre facteur pris isolment. Il en ressort queles enseignants efficaces sont efficaces auprs des lves quel quesoit le niveau de comptence de ceux-ci, et quel que soit leniveau dhtrognit des classes. Si lenseignant est inefficace,le parcours scolaire des lves placs sous sa responsabilit serainadquat. trad. de lditeur]

    Toujours selon Sanders (1998), les recherchesqui ont t menes partir des donnes recueilliespar le Tennessee Value-Added Assessment System(T.V.A.A.S.) dmontrent que lorigine ethnique, leniveau socio-conomique, le ratio matre-lve etlhtrognit de la classe ne permettent pas deprdire le rendement scolaire des lves. Lefficacitde lenseignant reprsente plutt le facteur dter-minant des progrs scolaires raliss. Leffet delenseignant sur le rendement des lves se rvleadditif et cumulatif. De fait, les donnes recueilliesjusqu maintenant laissent prsager quil sembletrs douteux quun enseignant efficace puisse venircontrebalancer subsquemment limpact ngatifcaus par un enseignant inefficace sur la performancedun lve.

    Des travaux plus rcents (Babu et Mendro,2003 ; Rivkin et al., 2002) confirment ceux ralisspar Sanders. Le District de Dallas, dans ltat du Texas,a implant, au cours des anne 90, un systmedimputabilit mesurant la valeur ajoute des ensei-gnants. Babu et Mendro ont analys la performancescolaire des lves du primaire de la 4e la 7e

    anne aux preuves de mathmatiques utilisespar le District de Dallas, pour mesurer en partie lavaleur ajoute des enseignants. Pour les besoinsde ltude, les chercheurs ont constitu deuxgroupes dlves. Un premier groupe assign exclu-sivement pendant trois annes conscutives, dela 5e la 7e anne, des enseignants dont la valeurajoute est positive, et un second groupe dlvesconfi uniquement des enseignants dont la valeurajoute est ngative. Les rsultats de ltude indiquentque 90 % des lves en difficult (low performance)du premier groupe [enseignants dont la valeurajoute est positive] ont russi lpreuve en math-matique la fin de la 7e anne, comparativement seulement 42 % des lves en difficult du secondgroupe [enseignants dont la valeur ajoute estngative]. Ainsi, lcart observ entre les tauxde russite des deux groupes est spectaculaire(voir figure 5).

    De plus, Rivkin et al. (2002) ont analys lesrsultats scolaires denviron un demi-million dlvesprovenant de 3000 coles primaires du Texas afinde mesurer la valeur ajoute des enseignants. Ceschercheurs concluent que :

    The results show large differences amongteachers in their impacts on achievement. Ourestimates, which are based on just the within school

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 17

    variations in teacher quality, reveal the effects ofteacher quality to be substantial even ignoring anyvariations across schools. They indicate that havinga high quality teacher throughout elementaryschool can substantially offset or even eliminate thedisadvantage of low socioeconomic background. (Rivkin, Hanushek et Kain, 2002, p. 3.)

    [Les rsultats montrent quil existe entre les enseignants desvariations considrables de leur effet sur la russite des lves.Nos estimations, bases uniquement sur les variations de la qua-lit de lenseignement lintrieur dune mme cole, rvlent queles effets de la qualit de lenseignant sont considrables, mmesans prendre en compte des variations entre coles. Elles indiquentque le fait davoir un enseignant de qualit pendant toute lcoleprimaire peut contrebalancer substantiellement ou mme liminer lehandicap que constitue une origine socio-conomique dfavorise. trad. de lditeur]

    Les recherches cites prcdemment permettentdonc de confirmer leffet majeur et dterminant delenseignant sur lapprentissage des lves, parlentremise de la valeur ajoute. Mais, au-del dela valeur ajoute que peut produire un enseignantsur le rendement scolaire de ses lves pendant uneanne, a-t-on identifi un effet cole qui pourraitprolonger leffet enseignant sur plusieurs annesscolaires ? Plus spcifiquement, existe-t-il des colesefficaces situes dans des quartiers dfavoriss oles performances scolaires des lves atteignent

    ou surpassent celles obtenues par des coles demilieux mieux nantis ?

    Au dbut des annes 2000, le Dpartementdducation des tats-Unis (U.S. Department ofducation) a confi lorganisme Education Trustle mandat de constituer une base de donnesrpertoriant les performances scolaires et les carac-tristiques dmographiques des coles provenantdune quarantaine dtats amricains. Leur rapport,publi en 2002, a identifi plus de 2700 colesperformantes localises dans des quartiers dfa-voriss rpartis dans lensemble des tats-Unis,dont au moins 50 % de la population tudiante estdorigine multiethnique (africaine et latino-amri-caine) et qui profite de programmes daide lali-mentation. La performance scolaire de ces colesles situe dans le premier tiers des coles les plusperformantes de leurs tats respectifs.

    Lexemple du Texas vient appuyer ces donnes(Haycock, 1998). Trois districts scolaires de cet tat(El Paso, Ysleta et Sacorro), o 90 % des lves pro-viennent de familles dfavorises, dont plusieurssont multiethniques, ont mis sur pied, en 1992, leprojet El Paso Collaborative, avec le soutien delUniversit du Texas. Ce projet avait pour but daug-menter la russite scolaire du plus grand nombre

    L'effet des enseignants s'additionne

    Traduit de Sitha Babu and Robert Mendro, Teacher Accountability : HLM-Based Teacher Effectiveness Indices in the Investigation of Teacher Effects onStudent Achievement in a State Assessment Program, AERA Annual meeting, 2003.

    Figure 5

    Quel quait t leur niveau dhabilet en fin de 4e anne, les lves russiront le test de mathmatiques de 7e anne aprs avoir eu trois enseignants efficaces de suite.

    100 -

    80 -

    60 -

    40 -

    20 -

    0 -Pou

    rcen

    tage

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    rus

    site

    lves ayant eu trois enseignants efficaces

    Niveau dhabilet des lves la fin de la 4e anne

    Faible Moyen Fort Tous

    lves ayant eu trois enseignants inefficaces

    90100 100 98

    42

    89 90

    63

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 18

    dlves possibles, de la maternelle jusquau collge.Pour ce faire, au cours des cinq annes qui ont suivi,les enseignants concerns ont reu, selon diff-rentes modalits, plusieurs formations visant lam-lioration de la qualit de leur enseignement. En1997-1998, aprs six annes dexprimentation,89 % des lves de 3e 8e et de 10e anne ontrussi les examens de ltat du Texas, comparati-vement 44 % en 1992-1993.

    En somme, un nombre de plus en plus imposantdtudes converge vers les conclusions suivantes :

    lcole, et plus particulirement lenseignant, depar la gestion de sa classe et de son enseignement,influence lapprentissage des lves ; par cons-quent, en amliorant les pratiques pdagogiques,on peut amliorer le rendement scolaire des lves.Les pratiques enseignantes possdent donc unpouvoir dinfluence important sur la russite sco-laire des lves, particulirement auprs de ceuxprovenant de milieux socio-conomiques faibles.Mais quelles sont plus prcisment les pratiquespdagogiques estimes les plus efficaces ?

    Les recherches de niveau 2 sont plus courantesen ducation que celles de niveau 3. Cependant,aussi inusit que cela puisse paratre, il en existeune de niveau 3, trop peu connue 11, qui permetdidentifier les pratiques pdagogiques les plusefficaces auprs dlves de milieux dfavoriss :il sagit du projet Follow Through. Cette tude est laplus vaste exprimentation grande chelle jamaiseffectue dans le domaine de lducation en Occident(Slavin, 2002). Elle avait pour but de comparer etdanalyser lefficacit dune vingtaine dapprochespdagogiques appliques auprs dlves provenantde milieux socio-conomiques dfavoriss 12.

    4.1. Lexprience Follow Through

    Cette exprimentation a t ralise avec desenfants de la maternelle et des trois premiresannes du primaire 13. Il sagit dune tude longi-tudinale effectue sur une priode dune dizainedannes et impliquant 70 000 lves provenant de180 coles. Les donnes denviron 10 000 lvesont t recueillies annuellement et analyses pourles besoins de ltude14. Les concepteurs et promoteursdes diverses approches pdagogiques retenuespour lvaluation finale bnficiaient dune subven-tion afin dimplanter leur mthode dans au moinstrois coles de milieux diffrents pour lesquels il exis-tait une cole contrle comparable dans la mmecommunaut. En retour, ceux-ci sengageaient fournir le matriel pdagogique, la formation, len-cadrement et le support ncessaire aux interve-

    nants des coles concernes : parents, enseignants,directions, etc. (Adams, 1996).

    Les neuf approches ou modles pdagogiquesles plus populaires utiliss aux fins danalyse finaledans le cadre du projet Follow Through se divisaienten deux grandes catgories : des approches centressur lenseignement et des approches centres surllve. Les approches pdagogiques centres surlenseignement taient qualifies de modlesacadmiques (Basics skills model), car elles taientparticulirement orientes vers un enseignementsystmatique des apprentissages de base tels quela lecture, lcriture et les mathmatiques. Pour leurpart, les approches pdagogiques centres sur ll-ve taient regroupes sous lappellation de modles cognitivistes (Cognitive skills model) oude modles affectifs (Affective skills model).

    Les modles cognitivistes taient axs priori-tairement sur le dveloppement cognitif de llve travers le respect de son niveau de maturationet de son style dapprentissage. Ils prconisaientla stimulation des habilets intellectuelles sup-rieures juges essentielles la ralisation desapprentissages scolaires et au dveloppement dela capacit d apprendre apprendre . De leurct, les modles affectifs taient orients princi-palement vers le respect du rythme, des besoins etdes intrts des lves. Dans ce cadre, les appren-tissages viss taient raliss en fonction des choixde ces derniers, et ce, partir de centres dactivitsriches en stimulations de toutes sortes. Ces stra-

    Les pratiques pdagogiques efficaces et le projet Follow Through(recherche de niveau 3)

    4.

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 19

    tgies avaient pour but de permettre un dvelop-pement affectif optimal qui, selon les promoteursde ce type de modles, est ncessaire aux appren-tissages scolaires 15.

    Lvaluation finale des lves, qui se faisait la fin de la troisime anne, mesurait les trois grandesdimensions de lapprentissage rparties en troistypes dhabilets : les habilets de base (Basicsskills) telles que la lecture, lcriture, les math-matiques et le vocabulaire ; les habilets intellec-tuelles (Cognitive skills), comme le raisonnement nonverbal et la rsolution de problmes ; et finale-ment, les habilets affectives (Affective skills), soitlestime et limage de soi. Pour ce faire, cinq testsstandardiss 16, slectionns la suite dune ententeentre les promoteurs des diffrentes approchesvalues, ont t administrs environ 15 000 lves.

    Les rsultats obtenus ces diffrents testspar les lves des groupes exprimentant les neufapproches ont ensuite t compars ceux des

    groupes tmoins qui recevaient seulement unenseignement traditionnel 17. Les rsultats de cettevaluation ont t rassembls et analyss par deuxagences impartiales et indpendantes, dont lunesest charge plus particulirement de la collecte desdonnes, et lautre, de leur analyse. Les scoresobtenus par les neuf modles sont illustrs dansles graphiques des figures 6 et 7.

    Les donnes reprsentes sur la figure 6 indi-quent clairement que les modles acadmiques,tous trois centrs sur lenseignement, obtiennent,en gnral, des performances plus leves sur laplupart des mesures que les approches pdagogiquescentres sur llve, soit les modles cognitivisteset affectifs. Cest donc dire que pour cinq des sixmodles mettant en avant une approche pdago-gique centre sur llve, les rsultats ont t net-tement plus faibles que ceux obtenus avec unenseignement typiquement traditionnel (reprsentpar la cote O sur la figure 6).

    Comparaison des rsultats scolaires de neuf modles pdagogiques utiliss dans le cadre du Projet Follow Through

    Traduit dEducational Achievement Systems.

    Figure 6

    40

    30

    20

    10

    0

    -10

    -20

    -30

    -40

    -50

    Direct Parent Behavior Southwest Bank Street Responsive TEEM Cognitive OpenInstruction Education Analysis Lab Education Curriculum Education

    Habilets de base Habilets cognitives Habilets affectives

    Modles centrs sur Modles centrs sur Modles centrs sur les apprentissages de base : le dveloppement cognitif : le dveloppement affectif : Direct Instruction Parent Education Bank Street Behavior Analysis TEEM Responsive Education Southwest Lab Cognitively oriented curriculum Open Education

    NB. La ligne 0 reprsente la moyenne des groupes tmoins.

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 20

    Fait noter, le Direct Instruction, une mthodedenseignement trs structure et particulirementoriente vers lacquisition des matires de base, repr-sente la seule approche pdagogique qui, compa-rativement aux groupes tmoins qui recevaient unenseignement traditionnel, a obtenu des rsultatspositifs pour les trois volets valus : acadmique,

    cognitif et affectif (voir figure 6). De plus, les rsul-tats scolaires obtenus (voir figure 7) par les lvesayant expriment le modle du Direct Instructionsituent en gnral leurs performances 18 tout prs oudans la moyenne sur le plan national (Adam etEngelmann, 1996 ; Kameenui et Gersten, 1997).

    4.2. Efficacit de la pdagogie de Direct Instruction(ou Enseignement direct)

    Deux autres tudes de niveau 3 portant sur lesmthodes denseignement de la lecture au primaire(Evans et Carr, 1985 ; Stalling et al., 1978) indiquentquun enseignement structur, systmatique etexplicite de lacte de lire, tel que celui prconis enDirect Instruction, produit des rsultats suprieursaux mthodes denseignement implicites et moinsstructures 19.

    Il est noter que les chercheurs qui ont rdigle rapport produit par la firme indpendante chargede lanalyse des rsultats du projet Follow Throughont rvl avoir t particulirement tonns deconstater lincidence des approches pdagogiquescentres sur llve sur les dimensions affective et

    cognitive des lves tests. Alors quun des objectifspremiers de ces modles tait de respecter lerythme et les besoins des lves afin de favoriser,plus particulirement, le dveloppement de leurshabilets affectives et cognitives, ceux-ci ont obtenudes effets ngatifs sur leur estime et leur imagedeux-mmes ainsi que sur leurs habilets cognitives.

    Pour sa part, le modle du Direct Instruction,dont lobjet consistait enseigner explicitementaux lves une dmarche dapprentissage rigoureusequils devaient ensuite appliquer de faon syst-matique dans lacquisition des matires de base,a eu, en plus des effets positifs sur cet aspect par-ticulier, une incidence importante sur les habiletsaffectives et cognitives des lves tests. De fait,les connaissances que les lves acquirent lcolecontribuent au dveloppement de leurs habilets

    Rangs centiles de neuf modles pdagogiques utiliss dans le cadre du Projet Follow Through

    Traduit dEducational Achievement Systems.

    Figure 7

    55

    50

    45

    40

    35

    30

    25

    20

    15

    10

    5

    Direct Parent Behavior Southwest Bank Street Responsive TEEM Cognitive OpenInstruction Education Analysis Lab Education Curriculum Education

    Lecture Mathmatiqes Orthographe Vocabulaire

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 21

    cognitives, tandis que les succs quils vivent enclasse augmentent leur estime deux-mmes quiconstitue le pivot autour duquel se construisent leshabilets affectives (Adams et Engelmann, 1996).Ces rsultats sont corrobors par Fraser (1987) quiindique, dans une synthse de 92 mta-analysesportant sur les dimensions affectives de lappren-tissage, que le Mastery Learning ou pdagogie dela matrise, principe directeur employ dans lemodle du Direct Instruction, est, parmi les facteursmesurs, celui ayant la corrlation la plus leveavec les dimensions affectives de lapprentissage.Il importe de garder en tte que le succs est levritable moteur de la motivation intrinsque 20 etquil constitue la pierre angulaire dune estime etdune image de soi positives (Adam et Engelmann,1996 ; Ellis et Worthington, 1994).

    Aprs sa publication, le projet Follow Through,compte tenu des remises en question quil soule-vait, a fait lobjet de recherches plus pousses(House et Glass, 1979 ; Bereiter, 1981 ; Becker etCarnine, 1981). Toutefois, ces nouvelles analyses, quiont fait appel une dmarche mthodologiqueencore plus sophistique que celle qui avait t uti-lise initialement, sont venues re-confirmer leffi-cacit suprieure de lapproche pdagogique DirectInstruction comparativement aux autres approchesutilises dans le cadre du projet Follow Through(Watkins,1995-1996).

    De plus, une tude de suivi (Follow up) effectuepar Gersten et Keating en 1987 auprs des lvesqui participaient la ralisation du projet FollowThrough a rvl que ceux qui avaient bnfici desenseignements selon le modle du Direct Instructionobtenaient des rsultats scolaires suprieurs, untaux de diplomation plus lev et un niveau deredoublement infrieur aux lves des groupestmoins ayant reu seulement un enseignementtraditionnel. Une mta-analyse publie par Lipseyet Wilson en 1993 confirme galement que le DirectInstruction donne des rsultats nettement sup-rieurs au Whole Language et lOpen Education ence qui a trait au rendement scolaire.

    En mars 2001, le Wisconsin Policy ResearchInstitute, un organisme neutre but non lucratifcharg dtudier les orientations ducatives etpdagogiques de cet tat, a produit un rapportexhaustif de recherches (utilisant la taxonomiedEllis et Fouts, niveaux 1-2-3) intitul : Direct

    Instruction and the Teaching of Early Reading :Wisconsins Teacher Led Insurgency . Aprs avoiranalys les recherches publies propos du DirectInstruction sur une priode de vingt-cinq ans etvisit six coles exprimentant cette approche, cetorganisme est venu confirmer lefficacit remar-quable de ce modle auprs de toutes les clientlesdlves confondues (y compris les lves de milieuxdfavoriss) et a conclu son rapport en recom-mandant son utilisation. De plus, une tude ralisepar Herman et al. (1999) comparant lefficacitdune vingtaine dapproches pdagogiques a rvlque cest le modle du Direct Instruction qui obtientle plus dimpact sur la performance scolaire des lves.

    Plus rcemment, lefficacit du Direct Instructiona t re-confirme par la mta-analyse de Bormanet al. (2002 et 2003). Cette tude avait pour butde mesurer et de comparer limpact dune srie demodles pdagogiques lorsque ceux-ci sont implan-ts dans lensemble dune cole. Plus prcisment,cette mta-analyse a calcul leffet dampleur 21 de29 modles utiliss sur lensemble du territoireamricain. Pour raliser ce projet, Borman et al.(2002 et 2003) ont slectionn 232 recherchesimpliquant 145 296 lves frquentant des colesayant implant lun des 29 modles prconus.De ces recherches, ils ont tir 1 111 mesures. Lesmodles tudis taient implants depuis environtrois ans dans les coles admissibles au Compre-hensive Schoolwide Reform Demonstration Program(C.S.R.D.). Borman et al. concluent que :

    The overall effects of CSR, though, appearpromising and the combined quantity, quality, andstatistical significance of evidence from three of themodels, in particular, set them apart from the rest [1st

    Direct Instruction, 2nd Success for All, 3rd SchoolDevelopment Program]. (Borman et al., 2002, p. v.)

    [Les effets densemble de la rforme CSR, cependant,semblent prometteurs, et trois de ces modles, en particulier[1er : Enseignement direct, 2e : Succs pour tous, 3e : Programmepour le dveloppement des coles], se distinguent des autrespar la quantit, la qualit et le poids statistique des rsultatsobtenus. trad. de lditeur]

    De plus, trois mta-analyses (voir figure 8)dmontrent que les effets dampleur produits parle Direct Instruction sont trs levs (0,82 0,93)22,tant en lecture quen mathmatiques, et ce, autantauprs des lves en difficult dapprentissage quepour ceux en classe rgulire.

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 22

    4.3. Lexprience rcente de City Springs (Baltimore)

    Lefficacit remarquable de ce modle pda-gogique a t dmontre de nouveau, en juin 2003,lorsque les lves de 1re anne de lcole CitySprings, une des coles primaires les plus dfa-vorises du District scolaire de Baltimore aux tats-Unis, ont obtenu un rsultat moyen situant leursperformances au 99e rang centile aux preuvesstandardises en lecture et en mathmatiques.Cette cole, qui a implant le modle du DirectInstruction en 1998 dans toutes ses classes et tousles niveaux, a vu les performances de ses lvesen 1re anne samliorer de 71 rangs centiles enlecture et de 91 rangs centiles en mathmatiques,et ce, en six annes seulement. Les gains observspour les lves de 5e anne sont semblables : aug-

    mentation de 73 rangs centiles en lecture et 70 rangscentiles en mathmatiques (voir figures 9 12).Lcole de City Springs reprsente lune des colesstant amliore le plus rapidement dans toutelhistoire de lducation amricaine :

    Take a school in a high-poverty area of alarge U.S. city a school that has experienced yearsof utter failure and implement the full-immersionmodel of Direct Instruction faithfully for more than6 years, and what are the results ? Possibly themost dramatic turn-around of a school from failureto success in the history of the United States. (Engelmann, 2003, p. 12.)

    [Prenez une cole dans une zone dfavorise dune grandeville amricaine une cole qui a connu des annes dchectotal et appliquez strictement le modle dimmersion totaledEnseignement direct pendant plus de 6 ans, quels seront lesrsultats ? Potentiellement, pour cette cole, le changement de caple plus spectaculaire de lhistoire des tats-Unis, de lchec larussite. trad. de lditeur]

    Figure 8

    Figure 9

    MMttaa--aannaallyyssee PPooppuullaattiioonn vviissee EEffffeett ddaammpplleeuurr mmooyyeennLLeeccttuurree eett mmaatthhss

    White (1988) lves en difficult dapprentissage 0,8425 recherches

    Adam & Engelmann (1996) lves en difficult dapprentissage 0,90 34 recherches lves en classe rgulire 0,82

    Adam & Carnine (2003) lves en difficult dapprentissage 0,9317 recherches

    cole City SpringsRsultats en lecture

    des lves de 1re anne1998-2003

    100 -

    80 -

    60 -

    40 -

    20 -

    0 -1998 1999 2000 2001 2002 2003Ran

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    3728

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    Figure 10

    cole City SpringsRsultats en mathmatiques

    des lves de 1re anne1998-2003

    100 -

    80 -

    60 -

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    0 -1998 1999 2000 2001 2002 2003R

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    188

    7161

    79

    99

  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 23

    4.4. Les rsultats ngatifs des approches centressur llve

    Paradoxalement, comme le souligne Carnine(1998 et 2000), bien que le Direct Instruction obtiennetoujours actuellement daussi bons rsultats, sinonmeilleurs que ceux quil avait raliss dans le ProjetFollow Through entre 1970 et 1980, deux desmodles pdagogiques les plus populaires de nosjours sont des drivs des approches qui avaientpourtant donn les pires rsultats, vingt ansauparavant. En effet, Carnine 23 prcise que cesdeux approches sont encore utilises de nos joursmais sous dautres appellations. Il sagit dap-proches centres sur lenfant :

    1. un modle cognitif trs en vogue prsentement,soit le Whole Language driv du Tucson EarlyEducation Model (TEEM),

    2. un modle affectif, le Constructivism/DiscoveryLearning qui correspond au Responsive EducationModel.

    Il est remarquer que, selon les donnesapparaissant la figure 6, ces deux approches centressur llve avaient affich, lpoque, des rsultatsngatifs sur toutes les dimensions mesures. Deplus, une recherche rcente (Horn et Ramey, 2003)

    ayant rpertori diffrentes tudes ralises sur lemodle cognitif Cognitively Oriented Curriculum,mieux connu actuellement sous lappellation Deve-lopmentally Appropriate Practices, conclut que cemodle est inefficace pour amliorer la performancescolaire des lves :

    This study also contributes to the researchliterature by evaluating the effects of three differentaspects of DAP [Developmentally AppropriatePractices] : Integrated Curriculum, Social/EmotionalEmphasis, and Child-Centered Approaches. The findingthat none of these three aspects of DAP is consis-tently related to improved students outcomes pro-vides evidence that these aspects of classroompractices whether in combination or alone, do notrelate to student academic performance... The mostimmediate implication of the results is that thewidespread implementation of DAP is unlikely toresult in increases in student achievement, especiallyas mesured by standardized achievement tests. (Horn et Ramey, 2003, pp. 965-966.)

    [Une des contributions de cette tude la littrature scien-tifique est lvaluation des effets de trois aspects diffrents des DAP(Pratiques centres sur le dveloppement) : Cursus intgr, Accentsur les dimensions sociales et motionnelles, et Approches cen-tres sur lenfant. Aucun de ces trois aspects des DAP ntant sys-tmatiquement corrl une amlioration des performances onconclut que ces pratiques scolaires, prises seules ou en combinaison,

    Figure 11

    cole City SpringsRsultats en lecture

    des lves de 5e anne1998-2003

    Figure 12

    cole City SpringsRsultats en mathmatiques

    des lves de 5e anne1998-2003

    NB. CTBS : Comprehensive Test of Basic SkillsTraduit de City Springs Elementary Fifth Year Comparison CTBS/TerraNova Scores, 1998 and 2003, National Institute for Direct Instruction, http://www.nifdi.org/

    100 -

    80 -

    60 -

    40 -

    20 -

    0 -1998 1999 2000 2001 2002 2003R

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  • Quelles sont les pdagogies efficaces ? 24

    ne sont pas corrles aux performances scolaires des lves Laconsquence la plus immdiate de ces rsultats est quune appli-cation gnralise des DAP a peu de chances de provoquer uneamlioration des performances des lves, surtout telles quellesapparaissent travers les tests standard. trad. de lditeur]

    Malheureusement, les dcideurs politiques nese proccupent pas toujours de consulter lesrecherches scientifiques, et ce, mme lorsquellessont de niveau 3, comme en tmoignent lesexemples de lAngleterre et de la Californie. Ltatde la Californie a implant dans lensemble de sescoles primaires, dans les annes 90, un programmede lecture bas sur le Whole Language ainsi queplusieurs programmes de mathmatiques au niveausecondaire inspirs du Constructivism/DiscoveryLearning. Les donnes recueillies montrent queces programmes ont eu un impact trs ngatif surles performances scolaires, autant en lecture quenmathmatiques. Ceci a t dmontr dans lespreuves nationales en lecture de 1994 24 et dansles examens dadmission en mathmatiques auniveau universitaire 25. De son ct, lAngleterre aexpriment le modle pdagogique de lOpenEducation pendant plus de vingt ans, soit de 1967 1991, pour finir par le mettre au rancart en 1992.Ainsi, en 1991, au moment o ses lves partici-paient aux preuves internationales de sciencespour la premire fois de son histoire, lAngleterrea fait le constat que 61 % de ses coles obtenaientune performance infrieure la pire cole japonaiseteste (Grossen, 1993). Ce pays, tout comme ltatde la Californie, a alors rvis ses programmesscolaires pour adopter des modles pdagogiquescentrs sur lenseignement.

    4.5. Lexprience du Wisconsin

    De plus, la supriorit des modles pdagogiquescentrs sur lenseignement a t reconfirme par larforme de lducation entreprise au Wisconsin aumilieu des annes 90. Cette rforme visait am-liorer la qualit de lenseignement et avait adoptla stratgie de diminuer le ratio un maximum de15 lves par classe de la maternelle jusquen3e anne du primaire. Lexprimentation, qui sestdroule progressivement de 1995 2001, a permisde constater, comme le projet S.T.A.R. (TennesseesStudent Teacher Achievement Ratios, 1985-1989)lavait dmontr antrieurement, que les classes eff