Peau de Lapin

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PEAU de LAPIN

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Catalogue Printemps des Poétes 2015 Exposition "Peau de lapin" Florent Allemand : textes Valentine Gardiennet : peintures Uzès

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PEAU de LAPIN

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Contact : Florent Allemand Chemin du Chêne, route de Saint-Victor

30700 Saint-Quentin-la-PoterieEmail : [email protected]

© Photographies L'Accademia, 2015© Les Editions P.D.L., 2015

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Troisième tirageRevu et corrigé

Exemplaire N°

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Peau de lapin

Peintures de Valentine Gardiennet

Poèmes de Florent Allemand

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à Jean-Marc Noël à Martine Pianta

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Le dessin qui se tisseD’après le banal,Le grillage des chosesEst tressé par nos traitsCoups de crayons, traînées d’encre,Lignes irrégulières : stylo, pinceaux.Le grillage des chosesTissé par la peinture qui gicleLe grillage des chosesAnimé par les mots.

Beau comme un sécateurEmbrassé par le vent.

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Carcasse

La toile est nue par endroitEt tout semble commencer.Dans le déroulement des forêts où les arbres sont quelques survivants, dans le déroulement du saignement des arbres, dans le déroulement d’une terre qui se recommence, s’allonge une femme. Ses yeux regardent dehors. Ses cheveux coulent comme coule le sang de la terre en son recommencement.Cette femme allongée traîne ses chairs et ses graisses lasses sur la terre.C’est la terre elle-même dans son élan vital usé, elle tient ses mamelles nourricières flétries, fermées, elle ne regarde que peu ses enfants survivants.

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Tout meurt, tout se pourrit et sa chair est un recommencement.C’est le magma primaire qui mûrit et fermente.Le monde recommence et de molles tâches vertes…Comme une toile de peinture couverte.C’est une force titanesque, c’est une étrange géante…Ou c’est la femme même, Eve dans son automne.Quand on assiste au délabrement des atomes…Le retour à la terre qui se fond dans son ventre,Et dans la chaleur de ce primaire antreC’est le recommencement en une seconde Eve, En une femme vieille bien, bien plus réelle.C’est un accouchement et un enterrement,C’est un cadavre frais, c’est la chair palpitante,

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C’est une femme vieille, ce n’est pas une géante,C’est la fin et le début : c’est le recommencement.C’est la fin de la chair et c’est son apogéeCar c’est une chaude et adipeuse plongée.Et autour de ce corps qui se crée et palpite on sent la caresse du pinceau et la rudesse de la croûteEt ça recommence : et ce corps, cette forêt et cette toile nouvelle.

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La femme et la vigne

Toujours ce nu de chair palpitante,

L’écorce du sarment devient un voile,Toile d’araignée, cratères légers en forme d’étoile,L’écorce devient un léger voile pour protéger la bacchante endormie,Que Pan cette fois ne soulèvera pas mais verra les seins alourdis,Les seins et puis le ventre aussi au milieu de cette foule-Tête creuseLe ventre avec sa douce houle. Respiration.

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Respiration. Pause. Respiration comme la mer, respiration.Pause et le nombril ce tourbillon. Respiration.Pause. Les deux seins, deux mamelonsAu milieu d’une foule fardée immobileSans se regarder. Regarder.Elle s’est endormie nue. Tendrement voiléePar l’écorce qui la reprend à elle.Dans le cep la foule fixe se balance,Balancement vers les seins, le nombril et le ventre,Balancement comme une mer en tempête. Et les autres restes immobiles,Sommeil d’automne cristallisé,Dans la vigne, les vendanges passéesUne grappe oubliée.

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Ailleurs

Fresque sur un tissu souple comme la merQui gondole.La mer, la vie.La mer qui se déroule comme une vague,Vaste rouleau de tissus torturé.Et vogue la galère.

Néant.Carré blanc sur fond blanc,Infini d’une géométrie sans réflexion.Y avait-il avant moi ?

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L’infini est remuant :Une voiture déboule, sourire et équationstoutes les choses se calculent, il suffit d’en connaître leur fonction,Toutes choses se ressentent, il suffit d’en ignorer la natureEt de plusUn enfant.Quelque chose sans sens ?

Il faut partir du port.

Maison figée,Volume vide,PortraitDu père : brossé au chiffon Père haï ? Francis Bacon.Ou bien se sacrifiant pour autre que lui ?Non loin de là, sur la mer vaste,

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La rêveuse,Cet enfant grandissant.Sa vie comme œuvre d’art ?Et par l’entonnoir de ses rêves elle traverse les barreaux des fenêtres qui sentent la réglisseEt le goudron de cannelle chauffé des routes parcourues.

Et vogue le navigue. Et part la caravelle.

Les laideurs muentau cours des voyages éprouvantsLes choses mutentTout au long des pigmentsLiés à l’œuf, toile froissée.

Ailleurs sur l’océan :Un père pleure son fils, cadavres se décomposant.

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Deux humains nus :L’homme et sa femme.Ils ne sont pas laids,Ils sont réels dans leur vie de douleur,Vieillesse, réalisations et temps perdu.

Ailleurs sur l’océan :Ce carré bleu,Monochrome,Et les vagues se mêlent au jaune.

Recherche inconsciente, étrange, inconstante des papiers collés,Déchirés.

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Ailleurs sur l’océan :Et vogue le radeauSans boussole,Sans nourriture,Sans un baril d’eau !

Cette fille qui repasseSa vie.Nue sans les apparences,Elle-même pour elle seule.

Ailleurs sur l’océan :Le sang d’un cadavre qui se répand dans l’eau…

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Ailleurs sur l’océan :Des hommes maigres, dans des corps qui s’agitent

Les groupes et les villes,Les foules, les regards vides,Fantômes et nos peurs.

Ailleurs sur l’océan,Au milieu des vagues,Un homme qui accroche un morceau de chiffon rouge cœur à la voûte du cielPour être enfin sauvé ;Sauvé après l’horreur,Après ces yeux-folies agrandis par la faim,Après ces larmes noires etCes dents-fourchettes révélées.

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Deux mains qui s’approchent :Un homme et une femme ?L’aimant et l’aimée ?De l’humain à l’humain ?Ou vers Dieu ?

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Série Noire

Ils courent, courent les rhinocéros…

Morceaux de verre sur le papier…

Ils courent, courent les rhinocéros…

Et les pantins. Les discours creux, creux, creux et vains les êtres humains ? Apparences et réseaux, toiles factices, toiles tissées sans un seul fil.

Les ventres crient, les enfants vieux et d’autres dans leurs berceaux. Cris aussi. Crise sûrement.

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Ils courent, courent les rhinocéros.

La bonne odeur du trop sur trop : ils veulent souvent cesser de penser.

Morceaux de verre sur le papier.

Ils courent les rhinocéros.

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Le livre des peintures

Incipit Liber picturarumIci commence le livre des peintures.

1Les murs cicatrisésOnt des écailles d’ocre,Ont des peaux lisses bleues ;Ils ont,Petites falaises,Leurs flores écœurantes,Leurs poussesMoisissuresEt leurs pelures de pommes,Leurs grains épais oranges.Les murs horizontauxSont des tableaux à évolution.

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Les murs ont leur histoireGravés de résidus.Ils connaissent la pluieEt l’écoulement des rouilles.

Ils sont les durs drapés des villesAutour des cours,Ce sont les longues toges des immeubles anciens,Ce sont les grandes blousesEt les murs des cités.

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2Le bois est délavé par le temps qui l’élime,Le papier se décolle, l’affiche glisse du mur.L’épiderme se crève et se plaque au goudron.Les affiches sourient sous les larmes quand il pleut.

Les grandes lettres rouges,Fresques des murs modernes,Disent des mots incompris.Les palissades des fêtes deviennent terre à l’automne.

Ce que nous mangerons en proviendra aussiEt sous la pluie de septembreVaquent de boueux moustiques.

Les pluies contre les murs font des coulures mousseuses ;Le temps rouille et s’élime lui-même ;Le papier se délave et l’affiche se décolle.

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3Au mur est suspendue la fenêtre des rêves.Il y est dessiné par une main invisibleDes lettres-empreintes,Des tâches-regardsEt des hybrides.

La fenêtre nouvelle est pliée, c’est une voile.

Les murs ont des fissures comme les cœurs en possèdent.Les murs portent des messages, nous cachons des mensonges.Les murs sont les supports où s’écrivent les villes,Où se grave l’histoire ;Et les villes des Hommes et les villes des Choses.

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4Le lyrisme tient parfois au bout d’une main mouvanteEt d’un coup de pinceauIl dessine sans doute et place au bon endroitLa grande virgule rouge des plaies,Les mains ouvertes.

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5Dans un recoin où l’ombre elle-même ne peut l’atteindre,Le fragment vertical,Le tableau-sous-la-pluie,Continue quotidiennement de se consumer.Rongé par le tempsSon drapé immobile et son lierre séché.

Et puis,Du chevaletTombeUn cadavre sans tête.

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Corps en commencement.

Avant de tout finir, il vaut mieux commencer,En recommencement les corps se reconstruisent,Tandis que les côtes brisées restent les voûtes des poumons.Les cœurs trop emballés par une course sur une sphèreN’ont pas pu se calmer.Se sont-ils arrêtés ?Le drame, pour la vision, est un instant stoppé.

Qu’est-ce qui gît ainsi,Toutes jambes écartées,Avec, malléables, les peaux grises,Les muscles tendus ou défaits ?Qu’est ce qui gît sans tête et sans un demi-bas ?C’est près de la table froideComme un fragment lapidaire,Comme un gisant brisé,Le cadavre expressif prêt à être disséqué.

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Une main noire crispéeAux doigts roides repliés,Surgit au bout du bras.Les draps des hôpitaux, blancs, encore inesquissés.

Le drame, pour regarder, est un instant stoppé.Puis il recommence à froidement s’étaler, la main semble si sureLe corps s’épand, s’éprend,Et ne cesse de tomberCependant, nénuphars inconstants les formes et les lignes continuent de croîtreL’évolution du drameComme la putréfaction.

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Les bras sont repliésLes coudes à l’extérieur,La main pleine de rudes échardes pend vers le solLa main noire de charbon,La main de cendres pleine,Et le sol se balance au bout d’une perche inconnue,L’imploration des chutesLa toile est parfois traversée par un tibia rigide.Figure au bord de sa vie propre.

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Corps vert comme une nuit où l’absinthe a trop bu,Où les déchets du corps sont bien le corps lui-même,Il ne peut pas rire,La lumière dégoutteComme un drapé gorgé de plâtre,Il n’y a qu’une peau.

Émergence timide et étouffée d'un rouge éteintPuis une lumière de grotte ouverte,Source moussue et masquée,Bassine à nymphes.

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Lumière verte qui prend naissance au milieu des reflets noirsloge de plume.Entre les froissements noirsLe reflet glauque de l'eau qui bouge.Baignoire à nymphes pour Boucher,Grotte éteinte seulement.Dans l'eau, debout et victorieuses deux femmes oubliées.Les trois Grâces de Rubens amputées de lumière.Monumentale, de dos, comme un tronc d'arbre mort.Monumentale, la même ou sa compagne, souche tendre renversée.Enfant monstre, vers carnivore, amour à bourrelets,Angelot aux ailes coupées au couteau de cuisine,Écœurant putti,Qui embrasse ou s'enfuit.Monstrueuses beautés oubliées, surgissantes.Le drame immobile des passions qui se figentComme de la colle froide.

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Les sirènes de la ville

1Les sirènes de la ville ont frisé sur les toits ;Les sirènes de la guerre ont crié à travers moi,Les sirènes et les bombes et les écroulements et la ville en poussière devant toi.

Que fait-on à nouveauTu attends près du fleuve au cours inexorable.Ecroulement de tes heures, Ecroulement de ta ville,Les guerres dans ta vie,Le lourd brasier fait ronces

Tout repartira seules les villes sont meurtriesComme seuls les corps sont blessés dans leur architecture de pierrePour ne plusNe plus pouvoir vivre.

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Les sirènes de la vie hurlent sous le fleuve de tes jours.

Que rêvons-nous ?

Les cœurs qui battentBattentBattentLes tamboursBattentBattentLes piedsContre le ciment ciment lézardé.

Qu’espérons-nous.

Tout n’est pas achevé.

Perdure-t-elle encore notre illusion d’exister.Notre illusoire existence ?

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Disent ceux qui sont pourtant si sûr de leur beautéCar ils ne comprennent rien aux choses qu’ils disentEt aux choses prononcées.Tout coule sans profondeur.Ils ne veulent pas des profondes blessures que font les sirènes quand elles crient pour quelques unsLes sirènes de la folie.Que pensons-nous.

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Que pensons-nous.

Les sirènes perdurent sur les toits et sur toi qui écoutesSans comprendreQue tu l’as toi aussiFait disparaîtreTa raisonTa raison d’avancerTa raison d’existerCar j’écoute sans comprendreSans comprendre vraimentLes crises du néantLes peurs que soulève le tramway quand il passeEn soulevant aussi laPoussière des rues

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2Femmes aux bras de poissonsNe me sauve pas toi-mêmeNe te sauve pas moi-mêmeTous les cris sont égauxEt elles sont aussi douloureuses pour nous-mêmesElles-mêmes

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3Les ampoules électriques éclairent nos volumesDe médecine,Les corps des écorchés en chromolithographiesTâchées.Nos doigts durcis par les travauxSont couverts de cloques rouges et pleines d’eau,Mais il faut faire vite pour soigner les blessuresEt pour lever le chancre des peurs.La terreur de ceux qui attendent hurle et vomi contre les pavés,Il faut faire vite pour eux aussi.C’est pourquoi un peu d’eau dans une bulle de verreEst versée sur la peau.Et les tissus recoususA la lumière jaune et secouée des lampesFont vibrer le cœurEt tressauter l’estomac :On a arraché la tête et la mâchoire avec.

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Métamorphoses

Ecrasement, talons écartés, accouchement malsainDans un monde glauque,Infertiles papiersDévorantEntre les rats affamés,Frustration des morts dans les ruelles infâmes,Victimes involontaires,Prisonniers d’asile sans cellules.Rats géants et immondes, immanente monstruosité,Hommes debout, vaincus, prêts à être dévorés, qui se maintiennent sans leur tête ; piège.Cadavres, vomissures d’encre, dissections à la plumeFaite pour crever les yeux.Empilement et froissement de papier, quadrillé, calque, papier adhésif, collage furtif ;Cabinet de monstruosité,Planches des horreurs,Tracés d’immondices,

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Papier millimétré pour mesurer les os, pour mesurer l’horreur de nos peurs,Griffure sur le papier de nos intimes cauchemars.Fuites d’hommes dans leurs disparitions,Chutes de corps à peines achevés ;Jugement dernier de cadavres ouverts,Corps aux boyaux tordus, aux veines gravées,Au dos recourbé sous le poids,Le ventre plié dans un spasme de rejet ;Dégoût face aux monstruosités- nos monstruosités propres.Encyclopédie de difformes métamorphosesOù l’être s’y montre si vilQue son monde se corrompt, s’écroule sous une vague de poils noirs mal lavés.L’être, figure d’un lieu vague,Fantôme puissant, qui dans son crépuscule,

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Voit ses boyaux et ses peaux se prolongerEn tentant pourtant d’étirer ses doigts autour de lui pour les arracher,Ils dessinent sur lui la silhouette brune de l’envahissante bête. Voilà les trente-quatre vertèbres.

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Ecrasantes, écrasées, lisses et rudes d'aspect, les ParquesTrois Grasses de temps passé.Envoûtement de volutes où la maladie fige le jaune délicieux des steppes fatiguéesDebout, masse tirée vers le sol,Son jour est grisIntact. Son monde est froid, solideSurvie inespérée.Sur leur divan, sur leur lit , dans leurs lieux accolés, partagés,Elles s'emportent dans les coutures du velours noir usé et recouvert par leur peau étalée,Sur lequel elles reposent.Parques comprimées, les fils s'enroulent sur leurs mamelles tombantes,Dans leurs ventres sans vie,S'épuisant à montrer,À rencontrer et à raconterLes marques de leurs vies.Réunies par volume, par teintes et saturation

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Elles s'échappent de la fenêtre noire où elles devraient apparaître.Elles débordent du support,Laissent leurs pieds coupés,Elles ne sont que des coups de brosse et de pinceaux.Elles échappent, mémorielles et hors du temps,Propulsées hors du mythe même,À l'action et aux récits agencés.Elles deviennent roches, dunes, paysage.Nuages qui roulent,Enroulement uniquementDe couleurs, de coups de brosses,Peinture à l'huile.

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La pluie a fait fleurir trois nénuphars d’automneAu bassin des rejetsTrois nénuphars séchésA l’unique pétale, à l’unique saveur,A l’unique prison.Fibres envahissantes, galbes qui sentent le cadavre bouilli.Et comme une large toile d’araignée sauvageonne,Elles étendent leurs ventres tout autour de vos êtresQui se plaquent au plus proche de votre proche reflet,Entre celui qui peintEt celui qui regarde.Fleurs de bleus et de graisse,Lisses comme une fiction, une peinture improbable,Un buste imaginaire, flasque etBeaucoup trop proche,La géante fragmentée, le regard avancé.Une vision fugitive pour être regardée.

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