Pdt.qxp:45843p 3/08/10 14:12 Page III 150ans d’appareilsphoto
Transcript of Pdt.qxp:45843p 3/08/10 14:12 Page III 150ans d’appareilsphoto
H I S T O I R E D E L A P H O T O G R A P H I E
D U D A G U E R R É O T Y P E A U N U M É R I Q U E
150 ansd’appareils photo
TODD GUSTAVSON
Adapté de l ’angla is par Dominique Dudouble ( I NG E D)
Pdt.qxp:45843p 3/08/10 14:12 Page III
Le temps desdécouvertes : Niépce,
Daguerre, Talbot
Joseph Nicéphore Niépce, Première photographie permanente à partir de la nature, vers 1826. Voir p. 5.
Helmut Gernsheim, Version renforcée de la première photographie permanente à partir de la nature de Niépce, vers 1952. Voir p. 5.
I
�
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:42 Page 3
Camera obscuraVers 1820
Fabricant inconnu, France. Don de l’Eastman Kodak Company,fonds Gabriel Cromer. 1989:1341:0001.
Le phénomène de la camera obscura – la lumière pénétrant par un
petit trou dans une chambre noire et projetant sur le mur opposé une
image inversée de la scène à l’extérieur – était connu depuis des
milliers d’années. Au XVIe siècle, on découvrit que de simples lentilles
amélioraient la résolution et la netteté de l’image créée par une
camera obscura.
À partir du XVIIe siècle,
les artistes utilisent
des camera obscura
reflex portables pour
mieux restituer la
perspective. Tous les
appareils photo sont
les descendants de
la camera obscura.
4 150 ans d ’ a ppare i l s photo
L’APPAREIL PHOTO N’A PAS ÉTÉ INVENTÉ PAR UN SEUL INDI-VIDU. Comme pour la plupart des inventions, ce que
nous considérons aujourd’hui comme un appareil photo s’estconstruit progressivement au fil du temps. Ceux qui lui don-nèrent naissance étaient une poignée de pionniers quiparvinrent à maîtriser simultanément des phénomènes de phy-sique, de chimie et d’optique, et plus précisément les effetsapparemment sans rapport de la camera obscura et du noircis-sement des sels d’argent.
Le phénomène de la camera obscura était connu depuisplus d’un millier d’années. Depuis bien longtemps, des obser-vateurs attentifs avaient remarqué que la lumière pénétrantpar un petit trou dans une chambre noire projetait, sur le muropposé, une image inversée de la scène à l’extérieur. Etdepuis plusieurs milliers d’années, des gens avaient mis àprofit ce phénomène lumineux pour créer des images.
Au Ve siècle av. J.-C., le philosophe chinois Mo Ti dessinaitles contours de l’image inversée formée par une cameraobscura, et devenait ainsi le premier homme de l’histoire àutiliser ce phénomène, également signalé par le philosophegrec Aristote (384-322 av. J.-C.) et par le savant égyptienAlhazen (965-1040), considéré comme l’inventeur de l’op-tique moderne.
Il fallut attendre plusieurs siècles avant que les artistes necommencent à utiliser la camera obscura comme un acces-soire de dessin, comme le fit l’artiste italien GiovanniBattista Della Porta lorsqu’il créa les images de son ouvrageMagiae Naturalis, publié en 1558. Au XVIIe siècle, les cameraobscura devinrent d’un emploi plus pratique grâce à leursdimensions réduites qui permettaient de les transporter plusfacilement.
On savait également depuis plusieurs siècles que certainssels d’argent noircissaient lorsqu’ils étaient exposés à lalumière. Le rapport entre ce phénomène et la lumière (et nonla chaleur) fut démontré par le savant allemand JohannHeinrich Schulze (1678-1744).
Vers 1790, un Anglais, Thomas Wedgwood (1771-1805)utilisa les découvertes de Schulze pour obtenir des images àpartir de feuilles placées sur des pots en céramique recouvertsde nitrate d’argent. Il rencontra un succès relatif, incapablede stopper le noircissement, mais il évoqua dans ses travauxla possibilité d’utiliser une camera obscura dans ce but.
L’histoire de l’appareil photo commence véritablement lejour où l’un de ces praticiens parvint à utiliser une cameraobscura pour obtenir une image permanente produite par lalumière, et à la fixer durablement sur un support.
����
Illustration montrant un artiste utilisant une camera
obscura reflex portable. Tiré de A. Ganot,
Traité élémentaire de physique (Paris, 1855).
Collections de la George Eastman House.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:42 Page 4
5Le temps des découvertes : N iépce , Daguerre , Talbot
Eureka !
JOSEPH NICÉPHORE NIÉPCE (1765-1833) définissait l’hé-liographie (le fait d’écrire avec la lumière du soleil)
comme « la reproduction spontanée de l’image reçue dans lacamera obscura par l’action de la lumière, avec toutes les gra-dations du noir au blanc ».
On attribue à Niépce la réalisation de la toute premièrephotographie, prise depuis une fenêtre de sa maison à Saint-Loup de Varennes, en France. La date n’est pas certaine.Beaucoup d’historiens la fixent à 1826, mais cela aurait pu sefaire dès 1822, ou plus tard, en 1827.
Le motif formé par le contraste des différents plans pré-sente un certain charme dans sa forme abstraite. L’expositionde huit heures avait été enregistrée sur une plaque d’étainenduite d’une sorte de goudron sensible à la lumière, appelébitume de Judée, en suspension dans de l’huile de lavande.Niépce décrit le procédé comme « presque magique ».
Ce fut un grand moment de révélation. Et, comme bonnombre de ces inventeurs ingénieux de la Révolution indus-trielle, Niépce n’avait pas suivi des procédures rigoureusementdéfinies, mais s’était obstiné pendant plusieurs années derecherche.
Appareil à soufflet(ayant appartenu à Isidore Niépce)Vers 1840
Fabricant inconnu, France. Don de l’EastmanKodak Company, fonds Gabriel Cromer.1974:0037:2113.
Cet appareil quart de plaque, sans doute le
premier à utiliser un soufflet, fut acheté en 1933 par Gabriel Cromer à J. Batenet, ami
d’enfance d’Isidore Niépce. Le père d’Isidore, Joseph Nicéphore Niépce, est considéré comme l’inventeur du soufflet appliqué
à des instruments d’optique (mais pas à des appareils photo). Il avait déjà utilisé un dispositif semblable pour insuffler de l’air
dans le pyréolophore, ancêtre du moteur à explosion que Nicéphore et son frère Claude avaient construit en 1807.
Selon Cromer, Isidore avait fait fabriquer cet appareil « au tout début du daguerréotype », utilisant un soufflet pour la mise au point au lieu
du traditionnel système à tiroir. Autre caractéristique de cet appareil, la base sert de boîte de transport. Le panneau frontal et le soufflet
se démontent et se rangent dans le socle, ce qui permet de transporter l’appareil plus facilement.
Helmut Gernsheim (Suisse, 1913-1995), Version renforcée de la première photographie permanente à partir de la nature de Niépce, vers 1952. Tirage
au gélatino-bromure. Avec l’aimable autorisation
de la collection Gernsheim, Harry Ransom Humanities
Resource Center, Université du Texas, Austin.
����
Joseph Nicéphore Niépce (France, 1765-1833),
Première photographie permanente à partirde la nature, vers 1826. Héliographie. Avec l’aimable
autorisation de la collection Gernsheim, Harry Ransom
Humanities Resource Center, Université du Texas, Austin.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:43 Page 5
6 150 ans d ’ a ppare i l s photo
Les premières expériences de Niépce parvinrent auxoreilles d’un autre ingénieux inventeur, Louis Jacques-MandéDaguerre (1787-1851). Les deux hommes correspondirent etétablirent une relation de confiance. Ils se rencontrèrent pourla première fois en 1827, puis, en 1929, décidèrent de s’asso-cier. Comme dans beaucoup de cas semblables, leur histoiredevint compliquée, d’un point de vue technique et juridique,impliquant notamment le savant et homme politique FrançoisArago (Beaumont Newhall décrit en détail leurs relations dansson ouvrage The History of Photography).
Leur collaboration fut brève. Niépce mourut en 1833.Mais deux ans plus tard, Daguerre exposait une plaque sen-sibilisée à l’iodure d’argent, obtenant ainsi une faible imagequ’il exposa ensuite à des vapeurs de mercure. La réaction setraduisait par une intensification de l’image. Les daguerréo-types présentent une grande richesse de détails sur unemerveilleuse surface argentée. La découverte fut annoncée le13 janvier 1839. Aujourd’hui encore, les daguerréotypesconstituent le procédé photographique présentant la plushaute résolution.
Robert Cornelius (États-Unis, 1809-1893), Autoportrait avec des instruments de laboratoire,
décembre 1843. Daguerréotype. Don de la société 3M, fonds Louis Walton Sipley.
Collections de la Georges Eastman House.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:43 Page 6
7Le temps des découvertes : N iépce , Daguerre , Talbot
Jean-Baptiste Sabatier-Blot (France, 1801-1881), Louis Jacques-Mandé Daguerre, 1844. Daguerréotype.
Don de l’Eastman Kodak Company, fonds Gabriel Cromer. Collections de la Georges Eastman House.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:43 Page 7
8 150 ans d ’ a ppare i l s photo
Appareil à daguerréotype de Giroux1839
Alphonse Giroux, Paris. Don de l’Eastman Kodak Company, fonds Gabriel Cromer. 1978:1371:0008.
L’appareil à daguerréotype de Giroux est le premier appareil dans l’histoire de
la photographie à avoir été fabriqué à de nombreux exemplaires. Le 22 juin 1839,
L.-J. M. Daguerre et Isidore Niépce (fils de Joseph Nicéphore Niépce, associé de
Daguerre, décédé en 1833) signent un contrat avec Alphonse Giroux (considéré
par les historiens comme le beau-frère de Niépce), l’autorisant à vendre
l’équipement et les produits nécessaires à la production de daguerréotypes.
Le 19 août 1839, François Arago, savant et homme politique, présente
le daguerréotype dans un discours à l’Académie des arts et des sciences,
tandis que la Gazette de France publie la première publicité en faveur
de ce nouveau procédé dans son numéro du 21 août.
En à peine trois semaines, Giroux rencontre le succès,
en France comme à l’étranger ; les premières chambres
exportées arrivent à Berlin le 6 septembre 1839.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:43 Page 8
9Le temps des découvertes : N iépce , Daguerre , Talbot
L’appareil de Giroux constitue une version améliorée de l’appareil utilisé par Daguerre
dans ses expériences révolutionnaires, version désormais munie d’un objectif
achromatique pour la photographie de paysages fabriqué par Charles Chevalier,
opticien réputé pour les systèmes optiques qu’il produisait pour des microscopes
et autres appareils d’optique. Cette chambre à tiroir se présente sous la forme
d’un bâti rigide à tiroir (la partie arrière, plus petite, coulissant dans la partie
avant pour la mise au point), munie d’un objectif de 380 mm de focale ouvrant
à f/14. La chambre mesure 30,5 cm x 38 cm x 51 cm et produit des images de
16,5 cm x 21,6 cm, format dit « pleine plaque ». Cette chambre est également
munie d’un miroir incliné à 45° derrière le verre dépoli qui servait à composer
l’image avant de charger et d’exposer une plaque sensible.
L’appareil de Giroux était vendu sous la forme d’un ensemble comprenant la chambre
proprement dite, un objectif, un châssis porte-plaque, une boîte à ioder (pour sensibiliser la
plaque), une boîte à développement par les vapeurs de mercure, ainsi que divers autres accessoires
nécessaires pour réaliser cette image unique sur une surface polie comme un miroir. Précurseur de
l’utilisation de la marque dans cette ère industrielle naissante où la concurrence allait s’exacerber,
Giroux « marque » ses chambres sous la forme d’une plaque portant l’inscription : « Aucun appareil
n’est garanti s’il ne porte la signature de M. Daguerre et le cachet de M. Giroux ».
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:43 Page 9
10 150 ans d ’ a ppare i l s photo
Grand PhotographeVers 1843
Charles Chevalier, Paris. Don de l’Eastman KodakCompany, fonds Gabriel Cromer. 1974:0028:3313.
Vers 1843, Charles Chevalier conçoit une chambre
pleine plaque portative. La chambre est du type
à tiroir, mais les côtés sont munis de charnières.
Une fois que l’on a démonté la face avant portant
l’objectif et le cadre arrière qui reçoit le châssis porte-
plaque, la chambre repliée ne mesure plus que 9 cm
d’épaisseur au lieu de 28 cm. L’appareil présente
également un système de mise au point à crémaillère.
On règle la mise au point en tournant le gros bouton
de cuivre au-dessus de l’appareil, ce qui éloigne ou
rapproche de l’objectif la boîte arrière de la chambre.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:43 Page 10
11Le temps des découvertes : N iépce , Daguerre , Talbot 11
Ensemble pour daguerréotype Richebourg(1/4 de plaque)Vers 1842
A. Richebourg, Paris. Don de l’Eastman Kodak Company, fonds Gabriel Cromer. 1982:0237:0007.
Pierre-Ambroise Richebourg avait travaillé comme apprenti chez Vincent
Chevalier, fabricant d’instruments optiques qui avait fourni à Daguerre
le matériel nécessaire à ses expériences. À la mort de Chevalier en 1841,
Richebourg reprend la fourniture de chambres et d’objectifs et développe
son activité en donnant des cours de daguerréotypie et de réalisation de
portraits. Cette chambre Richebourg quart de plaque se compose d’un bâti
rigide à tiroir. Elle est munie d’un objectif à paysage pouvant recevoir
un miroir de redressement. Elle est présentée ici avec ses boîtes de
sensibilisation et de développement, ainsi qu’un coffret pouvant recevoir
six châssis, l’ensemble prenant place dans une malle en bois comportant
l’étiquette de Vincent Chevalier et de Richebourg à l’intérieur du couvercle.
À cause des limitations propres aux toutes premièresoptiques, la plupart des premières photographies ne repré-sentent que des natures mortes, des scènes de rues et desbâtiments. Mais l’apparition d’objectifs à portrait déclenchaen France un engouement pour les portraits, qui se traduisitpar la production de millions de daguerréotypes.
Leur petit format convenait parfaitement aux petits écrinsde cuir dans lesquels on les conservait ; les temps de pose
longs imposaient une attitude figée, voire franchementguindée. Néanmoins, la surface métallique lisse et brillante,ajoutée à la nécessité de « prendre la pose » conférait souventclasse et élégance aux personnes photographiées.
Vers la fin des années 1840, les photographes daguerriensencouragent le charme. Les clients endossent des costumesde théâtre et adoptent des expressions plus avenantes. Lesvisages expriment le contentement.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:44 Page 11
12 150 ans d ’ a ppare i l s photo
Appareil à daguerréotype pleine plaque (ayant appartenu à S. A. Bemis)1840
Alphonse Giroux (attribué à), Paris. Don de l’Eastman Kodak Company. 1978:1792:0001.
Samuel A. Bemis (1793-1881), dentiste de Boston et daguerréotypiste amateur, avait acheté
l’un des premiers appareils photos vendus aux États-Unis. Par chance, lui-même et ses
héritiers ont conservé non seulement la chambre, mais également sa facture. Et même s’il est
sans doute trop tard pour réclamer un échange standard, la facture constitue probablement
le tout premier document faisant état de la vente d’un équipement de daguerréotypie en
Amérique. Grâce au sens de l’ordre de ce dentiste, nous savons que, le 15 avril 1840,
il a payé 76 $ à François Gouraud, l’agent de Giroux aux États-Unis, pour un « appareil à
daguerréotype », 12 plaques plein format à 2 $ pièce, auxquels venaient s’ajouter
1 $ de frais de transport. Selon la réclame qu’en
faisait Gouraud, cet équipement ne comptait pas
moins de 62 pièces, dont la chambre, l’objectif,
le châssis porte-plaque, la boîte à ioder pour
sensibiliser les plaques, la boîte à mercure
(pour les développer), un coffret pour ranger
les plaques préparées et une grande malle en bois pour contenir le tout. La chambre,
plutôt imposante, pesait environ six kilos et pouvait produire des images « pleine plaque »
de 16,5 cm x 21,6 cm. Bemis réalisa son premier daguerréotype depuis la fenêtre de son bureau
à Boston. Dans les années qui suivirent, il produisit plus de 300 images, la plupart dans les White
Mountains du New Hampshire qu’il aimait tant. La collection de la Georges Eastman House
comprend également un second appareil ayant appartenu à Bemis et 19 de ses images.
Samuel A. Bemis (États-Unis, né vers 1793-1881), Cimetièrede King’s Chapel, Tremont Street, Boston, en hiver,
vers 1840-1841. Daguerréotype, don de l’Eastman Kodak
Company, fonds de la collection photographique historique
Eastman. Collections de la George Eastman House.
camera_chap01.qxp 22/07/10 11:26 Page 12
13Le temps des découvertes : N iépce , Daguerre , Talbot
Appareil à daguerréotype de GaudinVers 1841
N. P. Lerebours, Paris. Don de l’Eastman Kodak Company, fonds Gabriel Cromer. 1974:0028:3543.
L’appareil daguerréotype conçu par Marc-Antoine Gaudin représente
une innovation marquante par rapport aux chambres conçues par
Giroux et utilisées par Daguerre. L’appareil, qui fournissait des images
de 8 cm x 7 cm (1/6e de plaque), se composait de deux tubes de cuivre
coulissant l’un dans l’autre pour effectuer la mise au point. L’appareil
était construit à l’intérieur de son coffret de transport, suffisamment
grand pour recevoir les boîtes à sensibiliser et à développer, ainsi que
le reste du matériel nécessaire à la production de daguerréotypes.
Le haut du coffret comportait un morceau de tissu noir que l’on
abaissait puis relevait devant l’objectif en guise d’obturateur.
L’objectif, un doublet ouvrant à f/4, était plus lumineux que l’objectif
de Giroux, ce qui, associé au petit format de l’image, permettait de
réaliser des portraits. La Georges Eastman House abrite un portrait qui,
selon Gabriel Cromer, a été réalisé avec un appareil Gaudin (ci-contre).
L’avant de l’objectif comportait un disque métallique doté de trois
trous de taille différentes (diaphragme « à vanne ») servant à contrôler
la quantité de lumière exposant la plaque.
Photographe inconnu, Homme à côté d’une table avec des fleurs,
portrait réalisé avec un appareil Gaudin, 1840. Daguerréotype.
Don de l’Eastman Kodak Company, fonds Gabriel Cromer.
Collections de la Georges Eastman House.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:44 Page 13
14 150 ans d ’ a ppare i l s photo
Chambre à tiroir 1/9e de plaqueVers 1850
Fabricant inconnu, France. Don de l’Eastman Kodak Company,fonds Gabriel Cromer. 1995:2625:0001
Il s’agit de la plus petite chambre à tiroir de la collection de
la Georges Eastman House. Munie d’un objectif à paysages
Hermagis, elle fournit des images de 3,8 cm x 5 cm, un format peu
usité. La chambre s’accompagnait d’une boîte à ioder à l’intérieur
en verre, du plus ancien modèle employé pour sensibiliser les
plaques. Un second accessoire consistait en un magasin pour le
chargement des plaques en plein jour, ce qui laisse entendre que
cette chambre fut en service pendant longtemps, peut-être aux
mains d’un amateur. Ce magasin aurait permis d’utiliser cette
chambre avec des plaques à sec, apparues près de quarante ans
après sa fabrication.
Appareil à daguerréotype demi-plaque de ChevalierVers 1841
Charles Chevalier, Paris. Don de l’Eastman Kodak Company, fonds Gabriel Cromer. 1974:0037:2565.
Dès que Daguerre eut rendu public son procédé photographique, d’autres
fabricants se lancèrent dans la production de chambres. Charles Chevalier
(1804-1859), fabricant d’optique parisien qui fournit des optiques pour les
expériences de Niépce et Daguerre et mit les deux hommes en rapport, présenta
une chambre à tiroir dont le bâti était muni de charnières. Avec cette amélioration,
la chambre pouvait se replier derrière la boîte arrière, ce qui réduisait son encombrement et
facilitait son transport, tout comme la poignée articulée en cuivre sur le dessus. Chevalier avait
équipé cette chambre de son objectif à verre combiné « le Photographe », objectif conçu de
manière empirique, qui réduisait le temps de pose de 15 à 3 minutes. L’objectif recevait à l’avant
un miroir redresseur orienté à 45° qui servait à corriger l’inversion latérale propre au daguerréotype.
Appareil BourquinVers 1845
Bourquin, Paris. Don de l’Eastman Kodak Company, fonds Gabriel Cromer. 1977:0850:0007.
Si l’on en juge par la façon dont le dépoli et le porte-plaque sont
montés sur la chambre, cet appareil a été fabriqué vers 1845. C’est
une chambre monobloc munie d’un objectif à portrait type Petzval.
La mise au point s’effectue uniquement par l’action de la molette
sur la crémaillère de l’objectif. Deux dragons figurent de part et
d’autre de l’objectif qu’ils semblent soutenir, mais ils servaient
plus vraisemblablement à capter l’attention du sujet dans une
version daguerrienne de : « Attention, le petit oiseau va sortir… ».
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:44 Page 14
15Le temps des découvertes : N iépce , Daguerre , Talbot
Appareil à triple boîte, quart de plaqueVers 1845
Fabricant inconnu. France. Don de l’Eastman Kodak Company,fonds Gabriel Cromer. 1974:0037:2916.
Cette chambre à daguerréotype quart de plaque à bâti rigide de
fabrication française fait appel à une construction peu courante en
trois boîtes au lieu de deux. Le compartiment intermédiaire permet
d’augmenter le tirage, comme le ferait un soufflet, même si cette
option ne semble pas présenter d’avantage technique par rapport
à la construction habituelle. L’objectif à paysage comporte un volet
escamotable qui servait à contrôler l’exposition.
Appareil à daguerréotype PlumbeVers 1842
John Plumbe Jr., Boston, Massachusetts. Don de l’Eastman Kodak Company. 1974:0037:0093.
Fabriqué au début des années 1840, l’appareil à daguerréotype Plumbe est le plus ancien
appareil photo de fabrication américaine de la collection de la Georges Eastman House.
Cette chambre à tiroir ressemble à celle de Giroux, mais elle produit des images de plus
petit format, 8,25 cm x 7 cm ou 1/6e de plaque. À la différence de l’appareil de Giroux,
la chambre de Plumbe est destinée au portrait. Une étiquette au dos de la chambre
l’identifie comme provenant du Plumbe’s Daguerreotype Depot, United States
Photographic Institute, Boston. John Plumbe Jr. (1809-1857) fut ingénieur, l’un des premiers
promoteurs d’une liaison ferroviaire à travers le continent, auteur, daguerréotypiste et
éditeur. Peut-être a-t-il appris la technique du daguerréotype auprès de François Gouraud
à Boston, Massachusetts, en mars 1840 ; toujours est-il qu’il ouvre un studio dans cette ville
à la fin de l’automne. L’année suivante, toujours à Boston, il fonde l’Institut photographique
des États-Unis, et ouvre le premier d’une série de studios qu’il appelle « dépôts
photographiques ». Plumbe continue à ouvrir de nouveaux studios. En 1843 il ouvre celui
de Broadway à New York, ville qui devient alors le centre de ses activités. Il fut le premier
à créer et à franchiser une chaîne de studios de daguerréotypie. Lors de sa faillite, en 1848,
il en avait ouvert dans plus de 25 villes. En plus de ses activités de daguerréotypiste,
de professeur enseignant cette technique et de franchiseur, Plumbe distribuait également
sous son propre nom de l’équipement et des produits pour la daguerréotypie.
John Plumbe Jr. (États-Unis, 1809-1857), Homme portantdes lunettes, vers 1850. Daguerréotype. Acquisition
du musée, fonds Zelda P. Mackay. Collections
de la Georges Eastman House.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:44 Page 15
16 150 ans d ’ a ppare i l s photo
Appareil à daguerréotype Lewis (quart de plaque)Vers 1851
W. & W.H. Lewis, New York. Don de Robert Henry Head. 1974:0037:2887.
En 1851, W & W.H. Lewis de New York commercialisent une chambre à bâti rigide et
soufflet qui allait devenir l’un des appareils les plus répandus dans les studios de
daguerréotypie. Semblable en apparence à la chambre à daguerréotype américaine
chanfreinée qui l’avait précédée, celle-ci s’en distinguait par un soufflet inséré au
milieu de l’appareil, destiné à faciliter la copie des daguerréotypes. Ceux-ci étant
des épreuves uniques, le seul moyen de les dupliquer consistait à les
rephotographier.
La société Lewis avait été le fruit d’une association de William et William H. Lewis,
père et fils. La société changea plusieurs fois de propriétaire, mais ce modèle de
chambre ne connut pratiquement aucun changement et fut également construit
par Gardner, Harrison & Co., Palmer & Longking, H.J. Lewis, ainsi que par d’autres
fabricants. Ce modèle-ci est au format quart de plaque, mais l’appareil existait
également en version demi-plaque et pleine plaque.
Photographe inconnu, Portrait de la grand-mère de WallisWarfield Simpson lorsqu’elle était une jeune femme, vers 1850.
Daguerréotype rehaussé. Acquisition du musée, fonds Zelda
P. Mackay. Collections de la Georges Eastman House.
Appareil à daguerréotypeaméricainVers 1848
Fabricant inconnu. États-Unis. Don de la Fondation 3M, fondsLouis Walton Sipley. 1977:0085:0004.
Ce type de chambre monobloc, produit par de
nombreux fabricants à l’apogée du daguerréotype,
de 1845 à 1850, est généralement désigné par
le terme de chambre à daguerréotype américaine.
Les chambres existaient en trois formats : pleine
plaque, demi-plaque et quart de plaque. Le modèle
représenté ci-contre est le quart de plaque.
Les trappes sur le dessus donnent accès au dépoli
de mise au point et au cadre porte-plaque. La mise
au point s’effectue par le système de pignon et de
crémaillère monté sur l’objectif, car cette chambre
ne comporte aucun dispositif pour modifier
la distance entre l’objectif et la plaque.
Ces chambres américaines servaient habituellement
au portrait grâce à leur objectif de type Petzval.
Commercialisés à partir de 1841, les objectifs
Petzval étaient environ vingt fois plus lumineux que
les objectifs à paysage qui équipaient les chambres
Giroux. Ces objectifs, associés à des plaques plus
sensibles, rendaient possibles la réalisation
de portraits.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:44 Page 16
17Le temps des découvertes : N iépce , Daguerre , Talbot
Portrait d’un artiste, Louis-Jacques-Mandé Daguerre (France, 1787-1851)
vers 1843. Daguerréotype. Don de l’Eastman Kodak Company,
fonds Gabriel Cromer. Collections de la Georges Eastman House.
De petits portraits pleins de vie
A UJOURD’HUI ENCORE, les tout premiers portraits de per-sonnalités saisissent le spectateur. On peut ainsi voir la
reine Victoria, les militants pour l’abolition de l’esclavage JohnBrown et Harriet Beecher Stowe, un géant de la littératurecomme Edgar Allan Poe, mais également des chefs indiens, dessénateurs américains et des députés britanniques. Les daguer-réotypes les plus réussis donnent l’impression d’avoir été prishier.
Il est difficile d’imaginer ce qu’ont pu ressentir ces gens quin’avaient jamais vu une photo auparavant, en se retrouvantnez-à-nez avec de telles personnalités rendues humaines, mor-
telles, réelles. Les studios de daguerréotypie apparurent danstoutes les villes des États-Unis. En 1850, on en dénombraitpresque 80 pour la seule ville de New York. Des chariots iti-nérants apportaient l’appareil photo dans les villes et lesvillages. La demande était poussée par la perspective de ne paslaisser qu’un simple souvenir, mais une image, même après lamort. Le daguerréotype fixait à jamais un sourire mélanco-lique, une posture arrogante, ou l’allure d’un guerrier.
Les thèmes photographiés n’étaient pas très différents deceux d’aujourd’hui. On possède des daguerréotypes d’incen-dies d’usines, de salles de contrôle, de champs de bataille, deschutes du Niagara, du Crystal Palace de Londres, des quaisde Cincinnati, de monuments égyptiens, et quelques photosde nus. Ils reflétaient la nature humaine.
����
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:44 Page 17
18 150 ans d ’ a ppare i l s photo
Southworth & Hawes (États-Unis, en activité vers 1845-
1861), Femme inconnue, vers 1850. Daguerréotype.
Collections de la Georges Eastman House.
Théodore Maurisset (France, 1803-1860), La daguerréotypomanie, décembre 1839. Lithographie rehaussée.
Collections de la Georges Eastman House.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:44 Page 18
19Le temps des découvertes : N iépce , Daguerre , Talbot
Platt D. Babbitt (États-Unis, décédé en 1879), Touristes regardant les chutes du Niagara depuis Prospect Point, vers 1855. Daguerréotype rehaussé.
Don de l’Eastman Kodak Company, fonds Gabriel Cromer. Collections de la Georges Eastman House.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:45 Page 19
20 150 ans d ’ a ppare i l s photo
William Henry Fox Talbot (Angleterre, 1800-1877), Dentelle, vers 1845. Tirage sur papier salé. Don du Dr Walter Clark.
Collections de la Georges Eastman House.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:45 Page 20
21Le temps des découvertes : N iépce , Daguerre , Talbot
Comme ce serait charmant…
UN ANGLAIS, HENRY FOX TALBOT (1800-1877) découvritun nouveau moyen de réaliser une photographie. Dans
les années 1830, les expériences de Talbot pour reproduire desimages débouchent sur un procédé de gravure qui allaitévoluer pour devenir l’héliogravure. Tout commence par lafrustration qu’il ressent devant les tracés obtenus avec unecamera obscura. « Comme se serait charmant, pensa-t-il, s’ilétait possible d’amener ces images naturelles à se graver dura-blement afin qu’elles restent fixées sur le papier ! »
Talbot finit par résoudre le problème1, mais découvrit à sagrande peine que Daguerre l’avait devancé (sans réaliser qu’ils’agissait de deux inventions différentes). Le 31 janvier 1839,Talbot décrit devant la Royal Institution de Grande-Bretagne
son procédé de « dessins photogéniques ». Il en résultera unebrochure intitulée Some Account of the Art of PhotogenicDrawing, première description écrite de la photographie. En1841, Talbot découvre le phénomène de l’image latente, cequi marque la naissance du calotype (tiré du grec kalo, beau),également appelé talbotype.
Le calotype est l’opposé du daguerréotype. Il commencepar un négatif – un document qui paraît inutilisable, car ilinverse toutes les valeurs de la scène : les blancs apparaissenten noir, et les noirs en blanc, et les personnes ont des alluresde fantômes. On place ensuite le négatif d’origine en contactavec un autre papier sensibilisé. Une fois exposé à la lumière,le négatif originel produit un tirage positif. C’est ce principequi a donné naissance au procédé utilisant des négatifs, surplaques de verre ou sur film.
����John Moffat (Écosse, 1819-1894), William Henry Fox Talbot, 1848.
Tirage au charbon par Harold White à partir du négatif original de 1865.
Don d’Alden Scott Boyer. Collections de la George Eastman House.
1. Il avait néanmoins été précédé par Hercules Florence qui, dès 1833, obtenait des images sur du papier sensibilisé aux sels d’argent. Par ailleurs, en mai 1839,Hippolyte Bayard présentait lui aussi des « dessins photogéniques » sur une feuille sensibilisée avec du chlorure d’argent et de l’iodure de potassium, inven-tion occultée par celle de Daguerre qui bénéficiait de soutiens officiels (NdT).
«»
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:45 Page 21
22 150 ans d ’ a ppare i l s photo
La popularité des calotypes n’égala jamais celle des daguer-réotypes. Au début des années 1850, le nombre total desnégatifs papier produits dans le monde était probablementinférieur au nombre de daguerréotypes produits durant uneseule année. Les négatifs n’étaient pas aussi nets ni aussi sen-sibles. Les fibres du papier atténuaient le contraste,brouillaient l’image et formaient des motifs parasites. Onaméliora la transparence du papier et un peu la netteté encirant le papier, soit avant de le sensibiliser, soit après le fixage.L’utilisation du verre contribua à améliorer le procédé, maisTalbot avait du mal à l’enduire. Enfin, le fait de devoir verserdes royalties à Talbot pour une utilisation commerciale dis-suada bon nombre d’utilisateurs potentiels.
Pourtant, le calotype était bon marché. On le sensibilisaitfacilement, et on l’exposait plus facilement encore. Etsurtout, on pouvait réaliser des tirages de manière plus simpleet plus rapide. Talbot mit en lumière cet avantage en éditanten 1844 et 1845 The Pencil of Nature, premier livre illustré pardes photographies. Publié en six volumes, il contenait
24 tirages. Les photographies étaient collées à la main (lestechniques modernes d’impression en simili n’avaient pasencore été inventées), mais en produisant presque 300 exem-plaires de son livre, Talbot laissait présager ce qu’allaitdevenir la distribution en masse d’images grâce à des procé-dés de reproduction mécanique.
Afin de produire des tirages pour son livre et d’autrespublications, Talbot mit sur pied ce qui fut en fait le premierlaboratoire commercial de l’histoire. La réalisation destirages se faisait en extérieur. Un assistant glissait le négatifpapier dans un châssis-presse, par-dessus une feuille de papiersensibilisée au chlorure d’argent, et exposait le tout au soleil.Lorsque le tirage paraissait suffisamment exposé (après 10 à30 minutes) on le plaçait dans un bain de fixateur à base d’hy-posulfite de sodium afin d’arrêter le noircissement. Par tempsensoleillé en Angleterre, on pouvait réaliser plusieursdizaines de tirages à partir du même négatif. En revanche, partemps couvert, chaque tirage pouvait nécessiter une heured’exposition.
William Henry Fox Talbot (Grande-Bretagne, 1800-1877), Couverture de The Pencil of Nature, 1844. Lithographie. Acquisition du musée, fonds Alden Scott Boyer.
Collection de la bibliothèque Richard et Ronay Menschel.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:45 Page 22
23Le temps des découvertes : N iépce , Daguerre , Talbot
William Henry Fox Talbot (Grande-Bretagne, 1800-1877), Le cloître de Lacock, 1844. Tirage sur papier salé à partir d’un négatif calotype.
Don du Dr Walter Clark. Collections de la Georges Eastman House.
camera_chap01.qxp 22/07/10 9:45 Page 23