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    MINISTRE DE LCOLOGIE, DU DVELOPPEMENT DURABLE ET DE LNERGIE

    & STRUCTURES vGTALES PAYSAGELE RLE DES STRUCTURES VGTALES DANS LE PAYSAGE

    Il faut demble admettre que les structures vgtales constituent un des traits marquants des paysages. Mais comment les dfinir ? Tout dabord par le terme structure qui renvoie lorganisation du paysage. En effet, le paysage est associ le plus souvent la vgtation et aux manires dont celle-ci, plus ou moins organise en massifs, bois, bosquets, haies, etc., structure le paysage. Mais aussi par leur adjectif, cest--dire llment vgtal, que lon associe le plus souvent aux plantes vertes ralisant leur photosynthse (bien que le monde vgtal ne se rduise pas ces types de vgtaux). Mme rduit aux vgtaux photosynthtiques, ladjectif recouvre une grande varit de situations : des vgtaux ligneux (arbres, arbustes ou buissons) gnralement longue dure de vie, de hauteur et dpaisseur variable, les plantes herbaces prennes, comme celles constituant lessentiel de la vgtation des pelouses, des prairies, des espces annuelles rapparaissant chaque anne la belle saison ou plantes pour des cultures; ce qui structure le paysage nest donc pas uniquement la vgtation arbore ou arbustive mais aussi la vgtation herbace qui a une grande importance dans le paysage et dans ses significations comme les prairies qui expriment le pastoralisme et laspect bucolique du paysage. Outre que les dures de vies, les hauteurs et les biomasses des vgtaux ont un effet ingal en termes de structuration paysagre, on peut aussi sinterroger sur le degr de naturalit des vgtaux qui composent ces structures. Certes, il sagit dtres vivants autotrophes, et ce titre leur fonctionnement est "naturel" (utilisation de la lumire pour la photosynthse, absorption et transpiration deau, rle dans le cycle des nutriments du sol). Mais ils ne sont pas tous prsents dans les structures vgtales pour les mmes raisons : certains ont t conservs ou choisis parmi la flore indigne par les socits locales, dautres ont t introduits depuis dautres rgions ou pays, dautres obtenus par cration varitale, dautres poussent spontanment. Certains sont rgulirement taills, coups ou fauchs, dautres non. Certains ont besoin de la faune ou de leau pour assurer leur reproduction sexue, alors que pour dautres le vent ou la gravit font laffaire ; si les premiers sont significativement prsents dans ces structures, on peut alors considrer quils sont associs la prsence de la faune qui assure leur pollinisation ou la dispersion de leurs graines. Si la majorit des espces sont des plantes exotiques, leur pollinisation ou leur dispersion est assure par des animaux assez courants, "gnralistes" ou "domestiques" (cas de labeille domestique favorise par la prsence despces fleuries introduites). Au bord dun cours deau, la prsence despces dpendant de leau pour leur reproduction montre le rle cologique du flux hydrique. En fonction de ces caractres, les vgtaux contribuant aux structures paysagres ont un rle cologique diffrent, et elles sont associes une biodiversit vgtale et animale variable.

    Le programme de recherche Paysage et dveloppement durable, conduit par le ministre en charge de l'cologie, soutient la rflexion sur la durabilit des processus dvolution des paysages, pour clairer l'action publique. partir des rsultats des projets de recherche achevs en 2011, un tat des connaissances a t ralis sous la forme de huit fiches thmatiques destines aux acteurs oprationnels. La prsente fiche est consacre au thme des structures vgtales.

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  • LVOLUTION DES STRUCTURES VGTALES DANS LE PAYSAGE Les structures vgtales construisent une des lignes de force des paysages et contribuent leur lisibilit pour lobservateur, mais ne sont pas des formes immuables lchelle humaine (contrairement aux lignes du relief dont lvolution est plus lente). Bien au contraire, elles peuvent avoir connu des modifications profondes au cours des dernires dcennies dans les paysages franais et plus largement europens, du fait dun certain nombre de processus bien connus. Certains de ces processus ont eu pour effet de faire rgresser ces structures, comme lintensification de lagriculture, qui a pu entrainer la destruction et la disparition dun certain nombre de motifs vgtaux qui pouvaient constituer une gne pour des pratiques agricoles de mcanisation et dexigence de traitement de grandes surfaces dun seul tenant. La spcialisation agricole a aussi eu pour consquences de faire reculer des structures darbres hors forts ou des cultures herbaces (ex. crales dans les montagnes mditerranennes) correspondant des productions agricoles abandonnes au profit de cultures plus rentables (ex. loliculture en Espagne). Dautres processus, comme lurbanisation, ont eu des impacts variables sur ces structures, selon quelle sest produite en doigts de gants le long daxes routiers, par front continu, ou par dispersion de nouvelles formes dhabitat rsidentiel dans une matrice agricole. Cette expansion ne sest pas toujours accompagne dune destruction de ces structures, lorsque certains arbres la constituant ne constituaient pas une gne et pouvaient tre intgrs dans la nouvelle trame urbaine publique ou prive. Cest le cas de certaines structures bocagres dans louest qui ont pu tre prserves lors de lamnagement rcent de quartiers priphriques (Angers ou Rennes). Dans le Midi de la France, la valeur culturelle trs forte attache lolivier lui a permis de se maintenir dans les jardins privs des urbains, voire dtre utilis comme lment vgtal urbain de lespace public ou remis en valeur par des actions associatives ou municipales. Dautres processus ont pu aboutir non pas un recul de ces structures, mais au contraire leur densification et leur perte de lisibilit. Cest le cas du processus de dprise agricole, qui a touch en France et en Europe de vastes espaces dont lentretien ne prsentait plus dintrt conomique, voire de rgions entires o le dpart des agriculteurs ou le changement de leurs pratiques agricoles a abouti un abandon relatif ou total des ressources vgtales. Le paysage ordonn par le parcellaire, par les murettes de pierre, les terrasses, o la place dvolue aux espces herbaces et ligneuses tait bien circonscrite, sest peu peu brouill. Dans les espaces de pelouses ou de prairies, larrt du pturage ou de la fauche a permis de nouvelles espces sociales de sinstaller, puis des espces ligneuses de venir coloniser peu peu ces espaces partir des noyaux boiss ou des haies laisses labandon. Alors quauparavant, les ligneux taient prsents dans lespace agricole ("arbres hors forts") dans des structures en semis (ex. paysages agro-forestiers comme les mlzins pturs en montagne, bosquets isols, vergers, etc.), ou en lignes (plantations ou lignes de peupliers, haies arbores ou arbustives), plus massivement dans lespace forestier quil fut vou la production de bois duvre, de bois de chauffe, de charbon, ils sont prsent prsents partout, se rapprochent des villages et contribuent un sentiment de perte de contrle de la nature par les habitants, voire une crainte de lincendie. Paralllement, ce retour en force de processus naturels non contrls par lhomme, cette nature qui reprend ses droits ne saccompagne pas forcment dune amlioration de ltat cologique des paysages. Ceux-ci shomognisent, les espces qui sont favorises par ce processus de reconqute sont des espces pionnires qui nont pas forcment un grand intrt cologique et/ou esthtique, voire accroissent la sensibilit de la vgtation au risque dincendie (cas du pin sylvestre par exemple). Certaines espces infodes aux milieux ouverts, largement prsentes dans les paysages autrefois grs par lhomme, se retrouvent aujourdhui en rgression, du fait de la disparition de leurs habitats. Une prise

    de conscience a eu lieu sur ces questions depuis les annes 90, en France et lchelle europenne : la biodiversit nest pas la nature, et la nature nest pas la biodiversit. Cest ainsi qu ct des figures institutionnelles traditionnellement

    associes la conservation de la nature (parcs nationaux), dautres formes sont apparues pour grer et protger la biodiversit lie aux pratiques agricoles traditionnelles (parcs rgionaux, mesures agri-environnementales).

    Cest aussi dans ce mouvement et suite au Sommet de la Terre de Rio en 1992 que des institutions telles la Direction de la Nature et des Paysages ont t remplaces par la Direction de lEau et de la

    Biodiversit, alors que les paysages sont prsent traits par la Direction de lHabitat, de lUrbanisme et des Paysages (exemple du

    MEDDE en France).

    Reste aussi dfinir ce que lon appelle "structure vgtale". Sagit-il uniquement de formes linaires, telles les haies dun bocage dlimitant des parcelles agricoles, ou une ripisylve marquant pour lobservateur

    lointain le passage dun cours deau ? Cette dfinition est trop restrictive. Les vgtaux peuvent contribuer la structuration des paysages par une grande varit de motifs, quil sagisse de lignes, de tches, de semis de

    points, eux-mmes caractriss par la densit et la hauteur des vgtaux et les espces qui les composent. Ces motifs peuvent leur tour tre organiss une chelle kilomtrique, celle du paysage, en arrangements gomtriques

    ou alatoires, discontinus ou graduels le long de gradients. Ils peuvent tre fragments en de multiples units loignes, dconnectes les unes des autres, ou au contraire tre plus ou moins proches voire connexes. Ils peuvent ainsi former des ensembles paysagers massifs et compacts, des archipels, des lignes de contact entre deux grands ensembles paysagers. Les structures vgtales jouent aussi un rle minent dans les rythmes de vie des paysages avec les diffrences de densits de feuillages et de couleurs changeantes selon les saisons. Ces structures constituent des lignes de lecture du paysage et sont des lments forts de leur perception par les populations. Cest le cas en particulier lorsquelles sont reconnues par leur dimension culturelle (certaines espces darbres sont des marqueurs de lidentit locale, ont une valeur symbolique forte), sociale (espces ou espaces associs des formes dorganisation sociale, prsentes dans la mmoire ou dans les pratiques actuelles) et conomique (pratiques dexploitation de ressources ligneuses et non ligneuses plus ou moins valorises sur les marchs). La contribution des structures vgtales au paysage va au-del dun simple dcor, du pittoresque, pour constituer un lment esthtique au sens fort : pas seulement de par leur beaut, mais galement de par leur contribution au bien-tre des individus et des groupes sociaux. Ces structures ont donc de multiples fonctions : conomiques, sociales et cologiques. Toutefois les dimensions sociales et cologiques sont variablement prises en compte par les secteurs professionnels intervenant directement ou indirectement (comme prescripteurs) dans la gestion de ces structures vgtales (ex. paysagistes, secteur dappui technique lagriculture, forestiers).

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  • 3Observatoire du Paysage, 2006. La claire Douve (France)

    Les reboisements de terrain en montagne, une politique effet paysager : un exemple dans les montagnes mditerranennes Une des premires politiques publiques ayant repos sur le vgtal, plus prcisment sur larbre, est la politique fores-tire. Cette politique a eu des effets paysagers spectaculaires lorsquelle a t applique des territoires qui ntaient pas forestiers, afin de lutter contre lrosion. Ces territoires taient exploits par les socits locales qui avaient dvelopp des systmes agricoles associant gnralement agriculture, levage et exploitation du bois ou du charbon de bois (notamment do-mestique). Au 19e sicle, certains versants de montagne mditerranenne recouverts dune vgtation trs parse et rase ont t diagnostiqus comme "dgrads", pouvant gnrer une rosion qui irait affecter les territoires situs en aval, situation identifie comme la "crise torrentielle" par Surrell. Ce diagnostic a justifi la mise en uvre dune politique forestire de grande enver-gure, la restauration des terrains en montagne (RTM), qui a consist planter de vastes surfaces domaniales avec des essences rsineuses (sauf exception), et corriger le profil de certains cours deau. Le terme de reboisement a t gnralement employ pour dsigner ces actions, sous-entendant que lon rtablissait ainsi une situation initialement boise et qui avait t altre par la socit locale. Toutefois, mme si ce dboisement est un fait historique peu contestable par exemple dans les Alpes du Sud franaises et dans dautres montagnes mditerranennes europennes, les forts rsultant de ces plantations de rsineux taient bien diffrentes des forts mditerranennes. Cette politique a t poursuivie en France au-del du 19e sicle, mme si son envergure a diminu. La France nest pas le seul pays avoir mis en uvre cette politique, lEspagne a ainsi dvelopp une politique dacquisition et de plantation en rsineux de terrains communaux ou privs, les Montes Publicos ou lItalie avec les programmes de reboisements des beni inculti (outre les programmes de recherches du programme PDD, le lecteur de cette fiche pourra consulter la synthse de Grove & Rackham sur lhistoire cologique de lEurope mditerranenne, parue en 2001). Aujourdhui, avec le recul du temps, le bilan que lon peut faire dans les montagnes mditerranennes de ces politiques forestires est mitig. Certes, il a t dmontr que les pertes en sdiments sont bien plus faibles lexutoire dun bassin rebois qu celui dun bassin non rebois. Mais le vieillissement sur pied de ces peuplements, leur contribution modre la biodiversit et lamlioration des sols, et leur impact paysager, en grandes masses sombres contrastant avec le paysage, sont des lments moins favorables de ce bilan. De plus, ces peuplements peuvent prsenter une sensibilit importante au risque dincendie. Cer-tains de ceux qui ont t raliss proximit de noyaux urbains pour prvenir des glissements de terrain se trouvent aujourdhui au contact avec le tissu urbain en expansion, et cette interface peut reprsenter un danger vis--vis du risque dincendie.

    Structures vgtales et volution de lactivit agricole Dans les moyennes montagnes, les ptures herbaces ou ponctues de ligneux utiles (litire de feuilles, fourrage de feuilles ou de glands, fruits, bois de chauffe, charbon de bois) ont t envahies par des bois et des broussailles dsordonns. Les "arbres hors forts" ont connu semblable volution. Ces processus, li labandon de lentretien de certains espaces ruraux au cours des 19e et 20e sicles a t identifi comme un problme denvironnement, car il tait symptomatique dune crise socio-conomique affectant ces territoires, ou risquait de laggraver en gnant les dernires activits productives ou le tourisme rural mergent. Les enjeux cologiques associs cette dprise, risque dincendie et/ou menace de rgression des espces vgtales et animales infodes aux milieux ouverts, ont constitu des arguments importants pour mettre en place de nouvelles politiques publiques (ex. les mesures agri-environnementales de la Politique Agricole Commune, et leurs avatars depuis les annes 90). A linverse de cette situation, on peut citer le bocage comme exemple de structure vgtale ayant cristallis tudes scientifiques et laboration de politiques publiques. Inverse du cas prcdent, car ces structures existaient dans le paysage traditionnel de certaines rgions, et ont rgress avec la modernisation de lagriculture, le mouvement de remembrement et de reconversion des prairies en cultures fourragres et cralires qui saccommodaient mal de lombre des haies. Bien des recherches ont montr les fonctionnalits sociales et environnementales remplies par ces structures vgtales, et comme lembroussaillement, des politiques publiques analogues ont t mises en uvre pour protger ce qui restait encore de ce bocage, ou pour le recrer, sous la forme dun nobocage.

    Dans les deux cas, il y a eu un renversement du diagnostic paysager dans le contexte de lmergence des proccupations environnementales, port par une inversion des valeurs associes ces structures vgtales. Les paysages de moyenne montagne ou mditerranens ddis llevage et lagriculture extensive taient perus comme des formes de dgradation de la fort, voire comme des dangers potentiels pour les territoires et les populations situes en aval, susceptibles dtre inondes ou de recevoir des sdiments, faute dune couverture forestire suffisante en amont dclenchant lrosion. Cette vision tait notamment porte par le corps des forestiers. De rares exploitations agricoles ont pu suivre le mouvement de modernisation de lagriculture conu selon un modle adapt des territoires faibles contraintes, grce quelques dispositifs compensatoires.

    LES DIFFRENTES QUESTION ABORDES :STRUCTURES VGTALES, PAYSAGE ET POLITIQUES PUBLIQUES

    Tant dans les recherches scientifiques portant sur le paysage, que dans les politiques publiques intgrant les problmatiques paysagres, les structures vgtales ont longtemps constitu un descripteur de premier plan (voire le seul, ex. Ecole physionomiste dUppsala), et un lment de diagnostic justifiant des politiques publiques. La visibilit de ces structures, leur connaissance et reconnaissance par les acteurs locaux, leur prise en compte par une large gamme de travaux scientifiques, allant de lcologie, la gographie et aux sciences du paysage, a favoris la place donne ces structures. Plusieurs exemples illustrent leffet emblmatique de ces structures vgtales par rapport aux paysages et aux politiques publiques intgrant la dimension paysagre et spatiale.

  • 4Diaporama Pierre Frileux In Baudry 2009

    A partir des annes 90, le renversement de vue sopre. Les paysages ouverts sont reconnus comme des habitats pour des espces animales et vgtales en danger, en mme temps quune figure dun modle agricole moins intensif, alternatif lagriculture industrielle, et producteur de produits de qualit. Pourtant, cest cette mme poque, quen raison de la relative lenteur des dynamiques de reconqute (en particulier dans les montagnes mditerranennes), la dissmination des arbres et des arbustes apparait comme irrmdiable et incontrlable, alors que la main duvre disponible et lintrt conomique de lentretien des paysages disparaissent. Les structures vgtales, telles quelles existaient dans le paysage agricole (arbres hors fort, haies du bocage, etc.), taient devenues illisibles, illustrant un processus de dconstruction sociale du paysage. Omniprsentes, elles devenaient gnantes, voire dangereuses, la sauvegarde de la fort mditerranenne ntant mme plus un argument compte-tenu de la vulnrabilit des accrus forestiers au risque dincendie. Un semblable mouvement de renversement des valeurs associes aux structures vgtales avec lmergence des enjeux environnementaux sest produit dans le cas du bocage, passant dune stigmatisation une rhabilitation. Lvolution du point de vue est ainsi sensible la lecture de deux numros de la revue Penn Ar Bed (1965, 1994) consacrs aux talus. En 1965, lpoque du remembrement et de la dstructuration du bocage, on ne justifie le maintien du bocage que pour sa compatibilit, voire son intrt pour le dveloppement dune agriculture en recherche de productivit (rle de brise-vent, consquences sur lvapotranspiration potentielle et relle). En 1994, le renversement dattitude est complet : lattention est porte aux pratiques anciennes ou rcentes (bocage pavillonnaire) autour du bocage, on souligne le lien pdagogique pour rapprendre faire des talus et des haies ; lenracinement historique et protohistorique du bocage est affirm. La fonction de filtre chimique du bocage est elle aussi souligne. Ces structures vgtales sont ainsi reconnues comme contribuant la multifonctionnalit des paysages et leur durabilit, alors quelles taient peine tolres par les scientifiques, voire limines par les politiques publiques de remembrement. Toutefois, cette rhabilitation sopre alors que les fonctions sociales et conomiques de ces structures vgtales bocagres ont perdu de leur importance, du fait de la transformation irrmdiable des systmes agricoles dvelopps sur ces mmes territoires, et de labsence denjeu conomique motivant leur entretien.Les trames vertes et bleues, une politique publique sappuyant sur certaines structures vgtales Plus rcemment, avec le lancement du Grenelle de lenvironnement, certaines structures vgtales sont devenues elles-mmes un outil de requalification de lamnagement du territoire intgrant les enjeux cologiques, travers linjonction de mise en place dune trame verte et bleue (TVB) lchelle de la France, voire de lEurope. Ces TVB nont pas vocation sarrter aux frontires du pays. Elles sinsrent dans une stratgie visant mettre en place un Rseau cologique Paneuropen (REP), concernant 55 tats (continent europen, Asie septentrionale et centrale). Cest donc la continuit terrestre davantage que la logique politique (les 27 pays de la communaut europenne) qui a dict cette stratgie. La TVB constitue lune des mesures phare du Grenelle de lEnvironnement lanc en 2007, visant inflchir la politique de lamnagement du territoire de faon prendre en compte les enjeux de prservation de la biodiversit. Elle se situe dans la continuit de la proposition de rseau cologique avance dans la stratgie nationale de la biodiversit en 2004.

    La TVB correspond lensemble des corridors cologiques terrestres, fleuves et milieux humides, permettant une circulation des animaux et des vgtaux lintrieur dun paysage. Lon voit ainsi que lattention est porte sur les structures vgtales linaires pouvant constituer des connexions entre les espaces naturels prservs sur le territoire national par des politiques de conservation. Lassociation entre structures vgtales et paysage est ici limite ces figures linaires, et laisse en suspens le fond, la matrice de ce paysage ( lexception des espaces protgs). Paradoxalement, ce nest pas en tant que structure que les structures vgtales ont acquis ce nouveau statut, mais en tant qulment fonctionnel dun paysage, permettant la circulation de la biodiversit. En effet, la politique dite des TVB sappuie sur le champ scientifique de lcologie du paysage qui, depuis la fin des annes 80, thorise et modlise les effets de la configuration des paysages, de la fragmentation des habitats ou au contraire de lexistence de structures permettant une circulation des espces et des flux de gnes sur la conservation de la biodiversit. La politique des TVB est une application de la notion de continuit cologique y compris les "corridors"), qui correspond ce nouveau courant de lcologie qui procde dune approche spatiale et multiscalaire, et intresse aujourdhui les amnageurs. Il ne sagit donc pas de sintresser seulement la prsence dune fort, de haies ou autres structures vgtales linaires, ou darbres isols, leur matrialit dans le paysage telle que nous le donne voir par exemple une photographie arienne ou une carte. Cette structures vgtale na pas ncessairement de fonction cologique. Pour remplir une fonction cologique, elle doit obir un certain nombre dexigences, en termes de qualit cologique, de morphologie, de distance, etc. Le paysage est vu ici travers sa dimension spatiale, dobjet il est devenu outil, le vgtal est instrumentalis pour favoriser la circulation des animaux, qui sont le centre principal dintrt en cologie du paysage.

  • Carte du plan vert parisien comprenant : la trame verte dagglomration, la couronne rurale la ceinture, les valles et

    liaisons vertes (SDRIF 1994)

    La dissociation de la structure et de la fonction, cest--dire la relativit des fonctionnalits cologiques des structures vgtales au regard des espces que lon souhaite prserver constitue un verrou la fois

    scientifique (les tudes dcologie du paysage exigeant des dispositifs complexes de terrain) et politique. La mise en uvre des politiques paysagres sappuyant sur les structures vgtales ne va pas de soi pour les

    acteurs locaux et les amnageurs. Leurs outils habituels, le diagnostic territorial, leurs sources de donnes, la carte doccupation du sol, deviennent insuffisants, de mme que leur analyse visuelle, voire leur familiarit avec les structures

    vgtales ne constituent plus ncessairement la base dun diagnostic partag avec les scientifiques. La dconnection entre les surfaces paysagres et les lments linaires, au bnfice de ces derniers, peut contribuer ces difficults, alors que les diagnostics paysagers et cologiques traditionnels ne les dissociaient pas. De plus, mettre en uvre ces nouvelles politiques suppose davoir dtermin quelles sont les espces dont on souhaite favoriser la conservation (espces sympathiques ? emblmatiques ? clef-de-vote ?, cible ?), et ce alors que les TVB peuvent tout aussi bien favoriser la circulation despces indsirables (pathognes des forts, espces invasives).

    La politique des TVB est aussi une politique du paysage ordinaire, incluant dans ses objectifs les paysages amnags ou fortement anthropiss comme les villes. En ce sens, elle redonne une grande importance aux structures vgtales pour redfinir une politique de dveloppement durable lchelle du territoire national voire europen. La remise en cause des politiques de protection absolue, inapplicables sur une grande partie du territoire, modrment efficaces dans des zones dintrt exceptionnel protges et isoles est alle de pair avec la requalification du rle des structures vgtales linaires. La biodiversit ne peut tre prserve en enfermant des populations despces, quelles soient rares ou ordinaires, dans un espace clos, en particulier si celui-ci est exigu et isol des autres tches dhabitat dans lesquelles vivent dautres sous-populations. De l limportance des structures vgtales fonctionnant en corridors cologiques, qui permettent aux espces animales et vgtales de circuler entre les tches dhabitat afin de pouvoir accomplir toutes leurs fonctions biologiques : se nourrir, se reproduire, etc., ceci sans que soit affaiblie leur diversit gntique, gage de leur adaptation future aux changements globaux. Mais condition que les structures paysagres ne soient pas limites aux formes linaires et que soit reconnue la fonction de continuit spatiale du paysage.

    Or le territoire franais, comme ce que lon observe dans dautres pays europens, nest pas trs propice cette circulation du vivant. On pense aux effets de barrire, par exemple aux infrastructures linaires de transport (autoroutes, voies de chemin de fer, etc.) et aux ncessaires amnagements pour que les animaux puissent les traverser. Mais la matrice paysagre, cest--dire llment prdominant du paysage, peut galement tre hostile certaines espces. Les structures vgtales ny ont pas t forcment bien prserves, et constituent des ensembles peu cohrents spatialement. Cest le cas du bti en ville, des champs dagriculture intensive en milieu rural, ou des forts de reconqute dans les territoires ruraux en proie la dprise. Ces espaces, trs homognes, sont peu accueillants pour certaines espces sauvages, qui se concentrent dans des "tches" dhabitat, comme les friches urbaines, les bois ou les fragments de haies dans les plaines de cultures, ou les paysages ouverts au sein des matrices forestires. Ces tches sont de plus en plus fragmentes dans le territoire et les trames vertes ont pour objectif de les connecter nouveau. La trame bleue est quant elle constitue du rseau hydrographique et des zones humides, et elle permet non seulement la circulation des espces mais aussi des flux et des sdiments au sein des bassins versant. Cette permabilit biologique et hydrologique de lespace pourrait galement permettre une redistribution des espces dans un contexte de changement climatique. Elle est bien souvent associe la trame verte, car les cours deau peuvent tre bords dune fort riveraine, ou ripisylve.

    EN GUISE DE CONCLUSION... Les TVB constituent aujourdhui en France lune des politiques publiques majeures concernant les structures vgtales dans le paysage. Le lien entre trames vertes et paysage est dailleurs inscrit dans la loi (Loi dite Grenelle II Art L.371-1-I 6). A lchelle du Rseau cologique Paneuropen, il sagit dun des volets de la politique de prservation de la biodiversit. Outre leur intrt cologique, ces trames peuvent galement apporter des services cologiques la socit. Elles constituent des infrastructures agrmentant le cadre de vie des habitants des territoires, en contribuant des modes de dplacement alternatifs, guider et ombrager les chemins, diminuer la pollution et amliorer la sant par la pratique du vlo ou de la marche pied, reconstituer des paysages culturels tel que le bocage ou les terrasses olicoles et favoriser la qualit esthtique par le maintien ou le rtablissement dune diversit paysagre. Ces enjeux sociaux lis aux nouvelles fonctions des structures vgtales sont toutefois peu ports par la politique des TVB, telle quelle est explicite lchelon national. Sa mise en uvre lchelle locale pourra toutefois tre assez diffrente, certaines municipalits urbaines ou rurales privilgiant cette fonction sociale et culturelle, et prenant moins en considration la dimension cologique. Concilier les fonctions paysagres et sociales des structures vgtales avec leur intrt pour la prservation de la biodiversit se situe bien dans la continuit des objectifs de la Convention Europenne du Paysage atteindre ; il se situe de plus dans la continuit de la Convention Europenne du Paysage.

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  • POUR ALLER PLUS LOIN...

    Baudry J., 2009. Trames vertes. Rapport de recherche "Paysage et Dveloppement durable", INRA SAD-Paysage Rennes, 159 p. En ligne : http://www.paysage-developpement-durable.fr/IMG/pdf/baudry_rapport_final.pdf

    Cohen M., 2009. Dynamiques des paysages, rosion et dveloppement durable dans les montagnes mditerranennes. Rapport de recherche "Paysage et Dveloppement durable", UMR Ladyss, Univ. Paris 7, 74 p. En ligne : http://www.paysage-developpement-durable.fr/IMG/pdf/rf_cohen.pdf

    Grove A.T., Rackham O., 2000. The nature of mediterranean europe : an ecological history, New Haven Londres Yale Univ Press, 384 p.

    Guillerme S. (Ss la dir.), 2009. Les paysages darbres hors-fort : multi-valorisation dans le cadre dun dveloppement local durable en Europe du Sud. Rapport de recherche "Paysage et Dveloppement durable", CNRS Geode Toulouse, Universit degli studi di Genova, 283 p. En ligne : http://www.paysage-developpement-durable.fr/IMG/pdf/rf_guillerme.pdf

    Le Du-Blayo L. (Ss la dir.), 2010. Les chemins du paysage et le paysage des chemins. Rapport de recherche "Paysage et Dveloppement durable" COSTEL UMR CNRS LETG, INRA SAD-Paysage Rennes, Univ. Rennes 2, 188 p. En ligne : http://www.paysage-developpement-durable.fr/IMG/pdf/rf_ledu.pdf

    Luginbhl Y., Terrasson D., coord., 2013. Paysage et dveloppement durable, collection Update Sciences et technologies, Quae, Versailles, 328 p.

    Marty P. (Ss la dir.), 2009. Paysage et biodiversit : volution participative de la durabilit des stratgies de gestion. Rapport de recherche "Paysage et Dveloppement durable", CNRS-UMR 5175, SupAgro UMR LAMETA, CIRAD ER-Tetis / UMR Espace, Imperial College London, 123 p. En ligne : http://www.paysage-developpement-durable.fr/IMG/pdf/rf_marty.pdf

    Site internet du programme de recherche PDD : http://www.paysage-developpement-durable.fr/

    Pour citer ce document : Cohen M. (Ss la dir.), 2013. Fiche technique Structures vgtales et Paysage du programme de recherche Paysage et Dveloppement durable, MEDDE, IRSTEA, 6 p.

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    CONTACTS

    Responsable du programmeGrard Guillaumin ([email protected]) jusqu'au 1er juillet 2013, puis Laurent Blanger ([email protected]), direction de la recherche et de l'innovation du ministre Prsident du conseil scientifiqueYves Luginbhl ([email protected]), Ladyss-Cnrs Animation du programmeIrstea (de 2005 2011), puis Provaltis (depuis 2012), Stphane Ruellan ([email protected])

    ROGRAMME DE ECHERCHEAYSAGE ET VELOPPEMENT URABLE

    Vous pouvez consulter la srie complte des 8 fiches (conomie, participation, olien, reprsentations sociales, structures vgtales, dveloppement local, chemins, patrimoine), ainsi que d'autres rfrences sur le site internet du programme http://www.paysage-developpement-durable.fr