Paysages - école supérieure d'arts & médias de Caen ... En questionnant les notions de nature et...

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Paysages PALAVASSON Alexandra

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Paysages

PALAVASSON Alexandra

SOMMAIRE

INTRODUCTION 5 LE PAYSAGE ET LE REGARD 8

UN PAYSAGE... ...MENTAL 13

...INSULAIRE, extrait d’un journal personnel 14

...VOLCANIQUE 16

LA NATURE ET SES CHANGEMENTS EPHEMERES 19

UNE « PEINTURE VOLCANIQUE » 39

LE PAYSAGE ET L’ESPACE PICTURAL 42

LE « PAYSAGE-CATASTROPHE » ET LA QUESTION DU SUBLIME 46

CONCLUSION 51

BIBLIOGRAPHIE 53

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INTRODUCTION

Je m’inscris dans une démarche qui met en avant une peinture qu’on pourrait qualifier d’«abstraite», parce qu’elle est «non-figurative» et «non-réaliste», elle questionne, entre autre, l’espace et le corps, autant dans le processus de création, que dans le rapport qu’entretient la peinture avec le spectateur. Je suis très attachée à l’idée de créer un espace au-delà de l’espace même de la toile, un espace intime entre la peinture et le spectateur. Je considère la peinture comme une matière sensible et indépendante qui doit se dé-velopper sur la toile et se créer elle-même sa propre image.

Mon attachement à l’île de la Réunion, et en particulier au Volcan, alimente ma pra-tique de la peinture avec la notion de paysage qui devient très présente. Elle est da-vantage de l’ordre du ressentie, dans le sens où je ne cherche en aucun cas à imiter la nature ou à peindre le réel, mais je suis fortement influencée par la puissance, l’énergie, les formes et les couleurs qui habite la nature et ses paysages. La violence et la terreur qui émanent de catastrophes naturelles, tel un cyclone ou une éruption volcanique, ont quelque chose de sublime qui m’attire et que j’ai envie de traduire sur la toile.

Le volcan, dynamique créative du paysage en fusion, habite mes peintures. Je tente à travers lui d’explorer la notion du paysage et notamment celle du «paysage-catas-trophe».

Je suis fortement influencée par les dernières œuvres de Claude Monet qui esquisse une peinture qu’on a qualifié par la suite d’abstraite. Je me sens proche de la pensée de Kandinsky qui a « découvert » que la couleur avait une réalité intérieure qui la caractérise de manière autonome, indépendamment d’une quelconque figuration extérieure, et que les couleurs entrent en contact avec l’âme.

Je suis aussi intéressée par la peinture d’après-guerre des années 1950 aux Etats-Unis, qui a vu émerger des mouvements tels que l’Ecole de New-York, avec notamment l’ap-parition de la peinture gestuelle ou « Action Painting ». Je suis sensible également à la peinture de Mark Rothko et partage sa vision concer-nant l’art et la peinture.

La couleur tient une place importante dans ma peinture. Elle est le véhicule de senti-ments, de sensations, et d’interrogations. La signification et la symbolique des couleurs me semblent importantes dans toute l’histoire de l’art, aussi je tente, à mon échelle, d’établir une symbolique propre à mon histoire et à ma pratique de la peinture.Dans mon approche du paysage la couleur est essentielle, elle traduit « ma réalité ».

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En questionnant les notions de nature et de paysage, des interprétations et des ma-nipulations dont ils ont fait l’objet, je tenterai de définir la posture que j’ai face au paysage, et notamment celle face au «paysage-catastrophe», dans ma pratique de la peinture. Il s’agira de comprendre comment la catastrophe, les éléments naturels au paroxysme de leurs forces, l’effroi, la terreur, le saisissement, l’expérience physique du paysage deviennent un moteur essentiel dans mes recherches.

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LE PAYSAGE ET LE REGARD

Il me semble que le paysage n’est jamais naturel, il est toujours un agencement hu-main, il n’existe qu’au travers de la vision humaine : c’est le regard qui fait le paysage. Tous les paysages sont construits par les mains et le regard de l’homme. D’une cer-taine manière le paysage est le visage que l’homme donne à la nature selon des traits et un code relatifs à une époque.

Le paysage ne parle pas de lui-même, il parle de celui qui le regarde. Il découle d’une construction et d’une interprétation humaine.

Le spectateur du tableau, ou de la portion de paysage découpée par le regard, trouve ou pose une grille de lecture nourrie par la littérature, la peinture, les cartes et l’ima-ginaire. Le paysage se trouve enfermé dans des significations qui le quadrillent et dans lesquelles le spectateur se reconnaît.

Sous son apparente objectivité le paysage, peint ou construit dans le parc, s’organise en faite selon des découpages, une perspective raisonnée, une logique, qui ne vont pas de soi mais qui résultent de la cristallisation des désirs de puissance qui habitent l’homme.

Le paysage est un espace domestiqué, colonisé selon les lois humaines, tel un objet en face de soi, un objet à connaître et à manipuler.

En exaltant la subjectivité, en affirmant la supériorité de l’esprit sur les productions de la nature, les romantiques, à leur tour, interprètent la nature. Le paysage des roman-tiques n’est plus « objectivité » mais « subjectivité » en ce qu’il devient écho de notre âme.

En peignant la beauté naturelle du paysage, la peinture suscite en chacun des états d’âme qui révèlent son intériorité. La démarche du peintre consisterait donc à chercher la tension des formes et des couleurs pour créer un jeu d’apparence révélateur de cette intimité.

Le paysage est certainement le genre qui permet d’embrasser tout un horizon de pos-sibilités, on peut me semble-t-il, tout y mettre.

Les « peintres du dimanche » peignent volontiers des couchers de soleil magnifique, avec une multitude de couleurs, même si elles ne sont pas présentes réellement. Ce qui m’intéresse dans un coucher de soleil ce sont bien sûr les couleurs et le sentiment qui se dégage d’un tel évènement, une beauté incontestable et éphémère, mais c’est surtout l’image que je me fais de cet évènement, qui m’intéresse. La forme d’un nuage m’intéressera moins que sa couleur. J’interprète l’image et quelque part la déformation prend le pas sur les formes « naturelles ».

Le levé du soleil dans les montagnes et le coucher du soleil sur la mer, quand j’étais à la Réunion, participait de mon engouement toujours grandissant pour la beauté de la nature, une beauté très accessible et présente immédiatement qui construisait petit à petit mon imaginaire. Je suis très sensible aux manifestations de la nature et à la nature elle-même, qu’il s’agisse d’une rivière, des vagues qui s’échoue sur le sable, de la pluie qui tombe, du vent qui balai les feuilles, ce sont les choses les plus authen-tiques de la vie.

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En arrivant en Métropole j’ai découvert les grands espaces, mes yeux ont opéré un zoom fois dix. Les grands ensembles architecturaux de Paris, de la Défense, les grands jardins, les centres commerciaux qui m’avaient l’air de faire la superficie d’une ville de la Réunion, j’étais vraiment impressionnée par l’immensité de ces espaces.

Déjà à la Réunion je m’étais rendu compte de cette importance du grand. C’est une nécessité pour moi que le format me domine physiquement, il doit y avoir un lien entre le format et mon corps. La peinture est avant tout une expérience, et en ce qui me concerne c’est une expérience physique qu’on ne peut qualifier, c’est un moment où le corps et la peinture se confrontent, et dans cette expérience la peinture nous dépasse complètement.

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Série Autoportraits, 2007acrylique sur bois, 244 x 244cm

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Actuellement le « grand » est présent partout, les grands écrans dans les villes, les panneaux publicitaires, les grands espaces, les grands « buildings », plus c’est grand plus c’est efficace. Inconsciemment j’ai adopté cette espèce de « doctrine » du grand, du spectaculaire.

Aussi ma peinture tente d’envahir l’espace, peut-être pour imposer et affirmer une présence, la mienne et celle de la peinture. Le paysage est venu à moi logiquement, les grands espaces naturels qui s’étendent à des kilomètres, ce sont ces images qui m’intéressent. Il y a aussi cette sensation d’être minuscule, d’être dominé par la nature, qui se retrouve dans mon rapport avec la peinture.

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UN PAYSAGE... ...MENTAL

Comment la peinture art de l’espace imaginaire par excellence saurait-elle échapper aux contraintes de l’espace mental de son créateur? Au contraire elle ne peut en être que le reflet fidèle.

On engendre toute notre vie des millions d’images, il y a des images qui sont pré-sentes d’une manière plus vivante que d’autres. Notre cerveau sélectionne les images en fonction des évènements, de cette manière un ciel gris me renvoie inévitablement à la Réunion.

Je me souviens des pluies diluviennes, lorsque tout le monde reste chez soi et ne sort plus. On restait à la fenêtre, au sec, et on regardait la pluie, on a tous des souvenirs de pluie.

J’aime le sentiment réconfortant que rappel parfois le gris du ciel et de la pluie, une neutralité qui remet tout à zéro. Je suis très sensible à la nature, aux évènements naturels du quotidien, j’y attache beaucoup d’attention et y prête beaucoup de signifi-cations.

La pluie est souvent associée à la nostalgie, à la tristesse et au souvenir. La nostalgie est un sentiment que j’ai côtoyé de manière constante en m’installant en Métropole, mais je ne pense pas qu’il faille la confondre avec la tristesse, la nostalgie n’est pas forcément triste.

On complète volontiers nos souvenirs par notre imagination, des souvenirs heureux seront embellis par l’imagination. De cette manière la mémoire est pour moi un moteur de l’imagination, qui me permet de déformer, d’enlaidir ou d’embellir les images que je garde de la Réunion. Ces images glissent progressivement vers des sensations du monde réel, sans se soucier du réel proprement dit.

L’imagination comme l’inconscient est un élément important, je pense que les pulsions de l’inconscient jouent un grand rôle dans l’approche de la peinture. Il exprime un monde intérieur, il exprime l’énergie, le mouvement et d’autres forces intérieures.

Chaque individu développe un paysage mental différent, selon ses croyances, sa culture, son pays, sa ville, ses goûts. Mon paysage mental s’est construit sur un bout de terre. Et du fait de son éloignement et de sa superficie, grandir sur cette île, l’île de la Réunion, intensifie les croyances, les sentiments et le rapport qu’on peut entrete-nir avec la nature. Tout est a proximité, tout est facilement vérifiable…

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...INSULAIRE, extrait d’un journal personnel

Voici la définition des îles que donne la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 : « Une île est une étendue naturelle de terre entourée d’eau qui reste découverte à marée haute », qui reprenait la définition qu’en donnait, dans son article 10, la Convention sur la mer territoriale et la zone contiguë, signée à Genève en 1958.

Vivre sur une île c’est particulier, on naît sur une île comme si on naissait en même temps dans les montagnes et dans la mer, il y a un lien presque ombilical avec ces éléments. La proximité des éléments font qu’ils participent chaque jour de notre éducation et de notre paysage «mental ».

La baie de Saint-Paul est un endroit es-sentiel pour moi, à dix minutes en voiture de chez moi, à la Réunion, c’est un lieu très accessible. La ville de Saint-Paul est considérée comme l’une des villes les plus chaudes de l’île (avec la ville du Port et de Saint Gilles). Elle abrite la « baie du meilleur ancrage » de l’île, c’est donc par celle-ci que les premiers Français ont dé-barqué pour la première fois le 29 juin 1642 à l’occasion de la seconde prise de possession des Mascareignes par la France. Le 10 novembre 1663, le Saint-Charles mouille à Saint-Paul et l’île Bour-bon devient cette fois une colonie et la première base française de l’océan Indien.

Ancienne capitale de l’île, Saint-Paul est la commune de l’île la plus ancienne. En 1738, Saint-Denis devient chef-lieu de l’île à son détriment. Le 21 septembre 1809, Saint-Paul est conquise par les Britan-niques, qui se retirent immédiatement. D’après les services communaux, la com-mune a passé le cap des 100 000 ha-bitants en novembre 2006, et la population totale de l’île au 1er jan-vier 2010 a atteint les 833 000 habitants.

J’ai donc grandit à Saint-Paul. Le sable de la mer est noir, seuls quelques tou-ristes de passage s’hasardent à s’y baigner.

Les gens du coin vous diront : « non i fo pa bègn ter la domoune i fé sacrifice la dan » (« il ne faut pas s’y baigner, des sacrifices (hindous) sont déposés dans l’eau »). Bien sûr cela vous fera sourire, il y a tellement de choses qu’il ne faut pas faire, pour ne pas contrarier les Dieux à la Réunion. C’est une île qui reste très croyante, et c’est dans ce climat que j’ai commencé à me bâtir mes propres croyances, parfois très liés à l’hindouisme et aux rites familiaux.

Saint-Paul est aussi très connu pour son extraordinaire marché du vendredi après-midi et du samedi matin. On a l’impression que tout Saint-Paul se donne rendez-vous là. L’espace est envahit par les odeurs et les couleurs, c’est un endroit vraiment cha-leureux et poétique en mon sens. Un lieu convivial, où les gens de passage décou-vrent la population locale, le chant de la langue créole, les couleurs sont présentes partout, les paniers tressés par les mal-gaches, le piment rouge en bocal, le jaune de l’ananas qui sera coupé sur place pour les impatients. La nature est la première à vous enseigner les couleurs. J’avais plaisir à y aller pour régaler mes yeux de toutes ces formes et de toutes ces couleurs.

Une île par définition est entourée par la mer, à moins que d’habiter dans les cirques de l’île, à l’intérieur même de son « ventre », on voit la mer partout.

La mer a quelque chose d’infini. Peut être est-il facile ici de faire une analogie avec la peinture, je suis particulièrement attachée à l’idée que la peinture n’est jamais finie, elle est en mouvement permanent, on dé-cide juste à un moment donné de prendre une décision et de s’arrêter, parce qu’on a atteint les objectifs qu’on avait à ce mo-ment là, aussi a-t-elle cette dimension d’un possible infini, d’un mouvement perpétuel.

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J’assimile volontiers le fluide de l’eau à la fluidité de la peinture, qui se solidifie, comme une lave chaude se fige lorsqu’elle rencontre l’eau. Ce sont des sensations et des images présentes de manière ré-currente dans mon travail, je vois beau-coup de résonnance entre les images qui habitent mon esprit et les actes et images que je reproduis dans ma peinture.

Le paysage rocheux de la Réunion nous rappelle sans cesse la présence du Vol-can, il a laissé des traces de son passage partout. Les falaises qui surplombent tout le littoral nous informent sans arrêt du risque que l’on court lorsqu’on parcourt la route en voiture. Le risque que des blocs rocheux se détachent et s’effondrent sur le bitume. La route du Littoral, appelée aussi route en Corniche, est une section de treize kilomètres de long de la route nationale 1 reliant Saint-Denis et La Pos-session. Cette 2x2 voies a la particularité d’être située au pied d’une falaise géo-logiquement instable d’où tombent ré-gulièrement de très gros blocs rocheux, spécialement après un épisode pluvieux.

Ces falaises impressionnantes qui menacent de s’effriter sont pourtant magnifiques. On peut observer plusieurs couches de roche qui se sont accumulés siècles après siècles, et également plusieurs couleurs de ces ro-chers. Effleurant leurs surfaces la végéta-tion semble toujours naissante et fragile.

Le marché de Saint-Paul La route du littoral

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...VOLCANIQUE

Le Piton de la Fournaise est le volcan actif de l’île de la Réunion. Il culmine à 2 632m d’altitude.

Fatalement, ce n’est que lorsque l’on quitte son île, qu’on s’y attache davantage, et qu’on la découvre. C’était comme si j’avais eu besoin de prendre du recul pour mieux la voir, la comprendre, l’apprivoiser, la connaitre.

A la Réunion quand le volcan se réveille la population n’est pas très inquiète. Je n’ai jamais fait partie de ces foules de gens, lorsqu’il y a une éruption, qui restent coin-cées dans leur voiture sur les routes pour cheminer jusqu’au volcan. Je l’ai toujours vécu chez moi, à la télévision le volcan pouvait monopoliser les trente minutes du journal.

Devant ce genre d’évènement nous sommes toujours fascinés, la nature peut, en peu de temps, reprendre ses droits et tout engloutir. Il y a quelque chose d’étrange devant ce sublime qui peut tout détruire.

Récemment je suis allée à la Réunion, et je suis allée au Volcan. Bien des artistes ont adopté le voyage ou la marche comme processus de création, quand j’ai fait la route en voiture pour aller au Volcan tout un mécanisme s’est mit en place, j’ai commencé à penser des peintures, j’ai prit des centaines de photos. La route est très longue pour parvenir au sommet du cratère, tout autour, de part et d’autre de la seule et unique route pour y aller, la nature est à l’état vierge, aucune présence humaine, des cou-leurs uniques, des montagnes de roches impressionnantes que le volcan a créé année après année. C’est une expérience unique et révélatrice, révélatrice de la puissance de la nature et de la beauté qu’elle créée.

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Le volcan est très mystérieux et imprévisible, ces montagnes étranges nous attirent par leurs crises difficilement prévisibles et leurs sommeils sournois. Cette traversée vers le volcan et aussi d’une certaine manière une recherche des Origines, du Commencement de la Terre. Le volcan est incandescent et pétrifié à la fois. Le côtoyer c’est avant tout comprendre cette métamorphose qui nous concerne.

Lorsque l’on se retrouve au sommet du cratère on prend conscience qu’il s’est passé quelque chose de troublant ici. Le mystère commence, mais il reste à distance. Le volcan fait communiquer deux mondes complémentaires, l’intérieur de la Terre et l’exté-rieur du Ciel réunis pour une fois dans une même menace.

En croisant des promeneurs ou plutôt des randonneurs avertis, certains d’entre eux m’ont confié que descendre dans le cratère est une aventure exquise, réduits à la dimension de nains ils ont vécu une sorte de rétrécissement magique, les dimensions et les reliefs sont transposés, et ce fond dont on ne sait s’il va exploser d’un moment à l’autre…

Du haut du cratère on imagine l’empilement des rejets éruptifs, les formes qui construi-sent cette croute terrestre sont absolument envoutantes. Les mouvements d’érosion œuvrent à la transformation du paysage.

Une partie du mystère porte sur sa temporalité cyclique du sommeil et de son activité. L’autre partie provient semble-t-il, de la facilité avec laquelle on humanise le phéno-mène volcanique, pourtant si lointain du calme, de la sérénité et de l’harmonie.

Le langage du paysage est métaphorique. En décrivant des formes animales et hu-maines dans les nuages, les montagnes, les mers et le ciel on humanise un cosmos laissé trop longtemps à l’unique possession des Dieux. Cette appropriation profane permet de domestiquer les forces incontrôlables de la nature et aussi de projeter sur elles des intentions à notre égard.

D’un point de vue plastique il me semble que la matière est un magma pulsionnel puisé dans les profondeurs de l’être. Le volcan reste pour moi une source inépuisable de possibilités plastiques. Il n’est pas essentiel, je pense, de fréquenter des volcans ac-tifs, l’imaginaire compense en partie le manque d’activités éruptives. Cependant j’aimerai un jour céder à la chaleur de la Terre et rejoindre la dynamique créative du paysage en fusion.

Le volcan est un corps qui ne peut être saisi que par le corps, toute cette dynamique se retrouve dans mon approche de la peinture et du paysage.

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LA NATURE ET SES CHANGEMENTS EPHEMERES

J’ai commencé à peindre des paysages de nature sauvage (fig.13, page 24 et 25). J’ai utilisé des photographies des hauteurs de l’île de la Réunion. Je me suis très vite ins-tallée dans le mécanisme de la série, et expérimenté la peinture comme matière, en y ajoutant du papier pour créer du volume. Je ne cherchais pas à représenter la nature ni à être fidèle à la photographie, aux couleurs, à la lumière et aux mouvements qui se dessinaient dans le ciel. Les formes qui se jouaient sur la photographie retenaient mon attention.

De la même manière je ne souhaitais pas être fidèle aux couleurs, elles devenaient du noir et blanc, du bleu du jaune, sur les peintures. J’étais davantage dans la retrans-cription de l’atmosphère de la photographie, et de la beauté du paysage, une beauté brute où l’homme était absent et où la nature existait à l’état vierge.

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fig.13Série Paysages, 2005acrylique sur papier, 50 x 65cm

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J’étais captivée par les paysages de William Turner. Le personnage aussi bien que le peintre me semblait fascinant.

Turner disait que son ambition dans la vie était de « conférer la dignité la plus grande à la peinture ». Admirative j’étais fortement intéressée par sa vision de la pein-ture. L’art pour lui, ne se construit jamais sur la base de l’ignorance, mais parfois sur celle d’un oubli volontaire. Et pour oublier il faut commencer à apprendre. Il envisageait l’art comme une navigation entre deux pôles, où le mouvement, l’oscillation permanente de l’un à l’autre est la création, et la fixité serait la mort. Il avait cette volonté de fonder du nouveau sans rompre avec la doctrine classique. Il croyait en une vérité ca-chée dans la nature et voulait inscrire son travail dans l’histoire, son expérience dans l’histoire (la vraie) pas celle transmise dans les livres : l’histoire vécue, l’expérience.

Pour Turner la représentation de paysages-catastrophes est un des moyens majeurs mis au service de son entreprise de valorisation du paysage : ainsi, parce que ce qui a lieu là est de l’ordre du tragique, il est en mesure d’affirmer que le paysage aussi est le lieu de l’Histoire, et, en cela, digne de rivaliser avec le grand genre.

S’il ne faut pas négliger la part de mythe, voire d’autopromotion que comportent les récits de l’artiste défiant les éléments et mettant sa vie en jeu comme condition de sa création, il n’en demeure pas moins que Turner, semble rechercher les conditions atmosphériques les plus limites à la fois comme sujet, mais aussi, si l’on peut dire, comme « atelier ».1

J’étais particulièrement séduite par ses paysages-catastrophes (fig.14), où les éléments se déchainent. Ces paysages de tempête en pleine mer attiraient mon attention, j’y voyais le sublime de la terreur, cette espèce de beauté qu’il met en exergue, d’une tempête, qui d’ordinaire n’est qu’une manifestation violente de la nature. Mon regard se portait sur les mouvements du ciel et de l’eau, sur les couleurs, le dramatique de la situation qui s’embellit sous la puissance de la peinture.

fig.14Joseph Mallord William Turner, Tempête en mer

1 Pierre Wat, Turner, menteur magnifique, éditions Hazan.

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Je pensais aux éruptions volcaniques, notamment celles de l’île de la Réunion. C’est un évènement extrêmement dangereux, et pourtant qui attire une foule de personnes, curieuses de voir la beauté de ces coulées de lave qui détruisent tout sur leur pas-sage.

Il me semble que la nature est la première forme de la création, et elle est elle-même créatrice. Créatrice de formes, de couleurs, d’objets, d’espaces et surtout de sensa-tions. Quoi de plus ordinaire qu’un coucher de soleil? Et pourtant ce moment de la journée reste un moment extrêmement poétique et quelque peu magique. C’est un mo-ment où toutes les couleurs semblent défiler les unes après les autres, où les nuages se déforment inlassablement, où la lumière s’intensifie pour disparaître paisiblement et laisser place à la nuit.

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Bon nombres d’artistes on essayait de capter ces différents moments de la journée, on pourrait certainement parler des impressionnistes.

Les peintres rattachés à l’impressionnisme avaient une manière particulière de percevoir la nature, non pas en essayant de rendre parfaitement ce qui est vu par l’œil tel un appareil photo, mais en mettant en exergue la surprise qu’elle suscite et son rayonne-ment. Les couleurs revêtaient quant à elles aussi une importance toute particulière, le peintre cherchant à les rendre aussi riches et vibrantes que possible en les appliquant par couches juxtaposées. Les impressionnistes mettaient de côté les ombres tradition-nelles, ils peignaient à l’extérieur, face aux couleurs vives et chatoyantes des paysages qui s’offraient à leur vue. On assista ainsi à des colorations inconnues jusqu’alors dans la peinture, rendant la nature d’une manière que l’on n’était pas habitué à la perce-voir, s’attachant à l’impression que produisaient les éléments, le vent, la lumière, le brouillard, la neige,…

Le calme d’un fleuve qui reflète le paysage comme un miroir, les arbres immenses sous lesquels on se sent insignifiant, sont pour moi des moments d’immersion et de contemplation de la nature. Ce sont ces moments que je tente de retranscrire dans ma peinture. Ces moments où on se laisse aspirer par la beauté et la puissance de la nature, cette sensation qui n’a pas de nom, ces émotions que chacun vit différemment.

Dans cette approche de la nature qui rencontre la peinture, il me parait intéressant de parler davantage d’un peintre impressionniste en particulier; Monet.

Il est intéressant d’observer la façon dont sa volonté de capter le monde au plus près –tel que ses yeux le percevaient- l’a peu à peu conduit à accorder une place de plus en plus grande à l’essence même de la création picturale, à considérer la matière dont sont faites les œuvres comme un moyen de « représenter » la nature non plus seulement telle qu’elle est, mais comme ayant sa propre vie.

Dans ses dernières œuvres, la représentation figurative s’estompe de plus en plus pour faire place à une traduction par la peinture de sensations visuelles et mémorielles.

Monet, qui, après avoir été l’un des principaux chefs de file de l’impressionnisme, contribua, dans les premières décennies du XXe siècle, à la naissance d’une nouvelle manière de peindre, se dégageant peu à peu de la notion de représentativité qui, jusqu’alors, sous-tendait cet art.

« Je sais seulement que je fais ce que je peux pour rendre ce que j’éprouve devant la nature et que le plus souvent, pour arriver à rendre ce que je ressens, j’en oublie tota-lement les règles les plus élémentaires de la peinture, s’il en existe toutefois » Claude Monet.

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Claude Monet, Charing cross bridge, 1899huile sur toile, 64,8 x 80,6 cm

Claude Monet, Fumées dans le brouillard, 1899-1901huile sur toile, 73 x 92 cm

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La série « les grandes décorations », qui est pour moi une véritable révélation, inaugu-rées en 1927, un an après sa mort, est restée plongée pendant plus de deux dé-cennies dans l’oubli le plus complet. Il a fallut plusieurs années avant que l’œuvre de Monet ne devienne l’objet d’attention pour les nouveaux courants abstraits surgis après la Seconde Guerre mondiale.

L’idée artistique fondamentale au centre de cette fin du XIXe siècle fut l’autonomie de l’œuvre d’art, sa capacité à transmettre les sensations du monde réel à travers la liberté créative, sans avoir à se soumettre à la véracité des apparences.

Au milieu du XIXe siècle, à la question : « Qu’est-ce que l’art pur selon la concep-tion moderne ? », l’influent Charles Baudelaire, auteur indispensable pour comprendre l’esprit de la modernité, répondait : « C’est créer une magie suggestive contenant à la fois l’objet et le sujet, le monde extérieur à l’artiste lui-même »

En parvenant à se libérer de la stricte représentation figurative, la peinture de Monet ouvrit la voie d’une expression formelle qui supposait une attitude nouvelle face à l’art.

Vers 1890, mais surtout à partir de 1910, Monet développa une peinture en série, une technique libre et fluide qui remplit toute la surface de la toile et devient un monde en soi, un monde presque abstrait.2

2 Monet et l’abstraction, Musée Marmottan, éditions Hazan.

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Claude Monet, Les grandes décorations,91m de long sur 2m de hauteur

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Claude Monet, Leicester square, 1900-01huile sur toile, 80x64cm

Claude Monet, Nymphéas, 1907huile sur toile, 100x73cm

Claude Monet, Nymphéas, 1914-1917huile sur toile, 180x200cm

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Claude Monet, Nymphéas, vers 1916huile sur toile, 150x197cm

Claude Monet, Nymphéas, 1916-1919huile sur toile, 200x180cm

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Joan Mitchell, Sunflowers, 1972

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Plus tard j’étais intriguée par l’œuvre de Joan Mitchell, qui réunissait pour moi, une liberté absolue dans le geste et la couleur et un travail remarquable du format et no-tamment de l’utilisation des polyptyques.

Joan Mitchell est l’un des plus grands peintres abstraits du XXe siècle. La peinture abstraite qu’elle met au point, immense, lumineuse, dynamique, fait profondément réfé-rence à la nature (comme en témoigne les séries de La Grande Vallée, Les Tournesols, ou encore Les Champs), nature qui entourait de toute part son atelier de Vétheuil, à quelques kilomètres seulement de Giverny, avec ses larges points du vue sur la Seine.

Bien qu’elle ait toujours refusé que l’on compare ses peintures avec l’œuvre tardive de Claude Monet à Giverny, les deux artistes ont en commun plusieurs préoccupations artistiques : l’ancrage de leur pratique dans une incessante observation de la nature, leur intérêt optique pour la couleur et la lumière, sans oublier la mise au point d’une surface picturale monumentale et sans point de fuite, à la fois frontale et transparente.

En 1967, les polyptyques apparaissent puis se multiplient dans son œuvre. Ce dispo-sitif, fréquent dans la peinture américaine des années soixante, est tout d’abord une manière pour l’artiste établie en France de rester en contact avec son pays d’origine.

Le polyptyque, par ailleurs, met en scène la rupture et empêche une lecture immédiate de l’œuvre, phénomène accentué par le caractère monumental des toiles.3

Je me suis déjà retrouvée devant des peintures de Joan Mitchell, d’abord surprise par ces coups de pinceaux très énergiques voire très violents, je me suis laissé emportée par le mouvement de sa peinture et de ses couleurs, c’est certainement ce qui m’a davantage plu, ses couleurs. Des couleurs inattendues, tourbillonnantes qui ne fixent pas d’images, l’œil est sollicité tout le temps et c’est quand on s’éloigne de la toile que le regard semble se poser finalement.

« Si tu dis « sky », ça signifie ciel. Moi je vois d’abord S-K-Y. S est plutôt blanc, K est rouge, Y est ocre jaune. Le ciel pour moi est le mélange de ces couleurs. A est vert, B est bleu-gris, C est jaune et ainsi de suite. C’est la manière dont je l’ai imaginé quand j’ai appris, enfant, l’alphabet. J’imaginais tout en couleurs. Voilà pourquoi je n’aime pas tellement le français. Le CIEL ne ressemble certainement à aucun de mes SKY avec leur rouge, gris bleu et jaune »4 Joan Mitchell

3 Joan Mitchell, Peintures, Musée des impressionnistes de Giverny, 2009.4 Joan Mitchell, citée dans Yves Michaud, Entretien, 7août 1989, dans cat. Joan Mitchell, Nantes, musée des Beaux-arts, Paris, Galerie nationale de Jeu de Paume, 1994

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Joan Mitchell, La grande vallée XIV, 1983280 x 600cm

Joan Mitchell, La grande vallée II Amaryllis, 1983218 x 191cm

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Joan Mitchell, Les champs, 1990

Joan Mitchell, Sunflowers, 1990-91

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Peter Doig, Echo lake, 1998

Peter Doig, Gasthof zur muldentalsperre, 2000-02

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Plus proche de nous, l’écossais Peter Doig montre un intérêt marqué pour la beauté du paysage. Les sujets de ses tableaux ne révèlent rien de particulier, sinon un amour du paysage avec des arbres exotiques sous le ciel étoilé, une baie illuminée, un lac encombré de branchages, des montagnes enneigées avec des skieurs minuscules. L’ar-tiste cultive une peinture sans âge, insensible à l’air du temps.

Fasciné par les espaces immenses où le rapport de l’homme à la nature est constam-ment en jeu, il peint souvent des lieux sauvages, indéfinis, abandonnés, que l’homme traverse, laissant un signe de sa présence : canoës vides, maisons de travailleurs sai-sonniers, silhouettes solitaires devant des brumes flottantes.

Peter Doig ne peint jamais en plein air, pour composer ses toiles il exploite des sources photographiques variées : photos de famille, films d’horreur, journaux, cartes postales, dépliants touristiques, pochettes de disques…

S’appuyant sur un travail de la matière -jeu de textures, teintes pures et mélangées, effets de solarisation, halo, mises au point vagabondes-, ses œuvres échappent à une lecture univoque. Elles préconisent toujours une distance face au sujet. Les paysages sont noyés dans la nuit ou dans des halos de lumière et de brume, papillonnement des flocons ou des étoiles, labyrinthe des branches, reflets dans l’eau : il n’y a aucun rendu descriptif dans ces vues, il peint des atmosphères, des contextes marqués par le malaise de l’homme réduit à l’étonnement et le trouble face à une nature idyllique où sa place ne va plus complètement de soi.

Doig reste le peintre des intempéries, des coups de pinceaux intempestifs, du filtre coloré qui fait rideau entre deux mondes et place entre deux eaux, la figure du guet-teur : sous la forme de ces deux personnages costumés qui veillent au portillon d’un chemin, Gasthof zur Muldentalsperre, ou bien encore cette silhouette dans Echo lake, 1998, qui, les mains en porte-voix, semble vous héler depuis l’autre rive. Le tableau n’est plus une fenêtre, mais plutôt une embrasure où le peintre s’engouffre en éclai-reur.5

Les peintures de Peter Doig me rappellent cette magie qui se crée lorsqu’on est face à un paysage qui nous coupe le souffle.

Nietzsche dans Humain trop humain, nous parle de cette sensation : La nature notre double : « Dans bien des sites naturels nous nous redécouvrons nous-mêmes avec un agréable frisson ; c’est le plus beau cas de double qui soit. Qu’il doit pouvoir être heureux […] celui qui peut dire : « Il y a sûrement des aspects beaucoup plus grands et plus beaux de la nature, mais celui-ci m’est intime et familier, il est de mon sang, et plus encore ».

5 Qu’est-ce que la peinture aujourd’hui, éditions Beaux-arts magazine.

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Ce frisson je l’ai eu devant l’œuvre tardive de Monet, celle de Joan Mitchell et j’espère un jour l’avoir devant celle de Peter Doig. Plus qu’un frisson, un véritable saisissement s’est emparé de moi devant l’Abstraktes Bild, See, (Peinture abstraite, lac) de Gerhard Richter, alors que je visitais l’exposition de Claude Monet. Figée devant cette toile, je ne me suis posée aucune question relative à l’histoire de la peinture, j’ai juste regardé et vécu la peinture.

La peinture de Gerhard Richter est fondamentale, je partage avec lui ce questionne-ment incessant sur la peinture elle-même, qui habite toute son œuvre.

Né en Allemagne de l’Est, Gerhard Richter s’établit en 1961 à Düsseldorf où il dé-couvre l’Expressionnisme abstrait américain, Duchamp, le Pop art, par rapport auxquels sa peinture prend position. Réagissant aux affirmations sur la mort de l’art, il décline tous les modes de la peinture, de l’abstraction au réalisme photographique, remet-tant toujours en cause les moyens de la peinture qui ne montre plus le visible mais cherche à l’interroger.

« L’art est un moyen d’aborder ce qui nous est fermé, l’inabordable », écrit-il.

Ne s’attachant pas à un style particulier, son art vise une interrogation sur la peinture et sur ses possibilités. Ainsi, du monochrome à la peinture abstraite en passant par une série d’immenses panneaux où les différentes couleurs sont montrées comme des échantillons, le peintre revoit aussi les genres les plus classiques : paysages, portraits, natures mortes, les soumettant à l’épreuve du temps et du nouveau médium qu’est la photographie.

Gerhard Richter compte parmi les artistes les plus importants et les plus influents de notre époque.

Depuis les années 60, il présente son univers dans différentes variations, suites et séries. Son thème central: la peinture elle-même. L’artiste est guidé par une grande méfiance contre l’ordre établi, contre l’attachement à une langue artistique achevée.

« Je ne suis aucun plan, aucun système aucune direction, je n’ai ni programme, ni style, ni souhait. » explique-t-il.

Photo-peintures, Peintures abstraites, Échantillons de couleurs, Monochromes gris, paysages, marines, portraits, natures mortes, etc., l’art de Gerhard Richter a de quoi dérouter tant il est hétérogène. Il entretient avec la peinture une relation expressément conceptuelle et il la considère comme le lieu idéal d’un discours sur la représentation.

Abstraktes Bild, See est un magnifique exemple de la façon dont des effets sublimes sont saisis grâce aux empâtements de couleur. Avec la superposition de couches, manipulées à l’aide de différentes spatules et effacées systématiquement avant d’être repeintes, Richter obtient une surprenante richesse de textures et de modulations de la couleur.

Comme le déclarait l’artiste lors d’une interview en 1990, il introduit en même temps une part de hasard en combinant inspiration et destruction, choix arbitraire et travail méthodique : « Je veux terminer avec un tableau que je n’avais pas prévu. »

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Gerhard Richter, Abstraktes bild, see, 1997huile sur toile, 200 x 180cm

Le hasard, la spontanéité mais aussi l’imaginaire sont des éléments à prendre en considération. Les images qu’on ne peut pas avoir, mais qui sont gravés dans notre mémoire, sont souvent complétées par notre imagination.

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UNE «PEINTURE VOLCANIQUE»

Je suis très attentive aux manifestations spectaculaires, et quelque fois dramatiques de la nature. On se souvient tous du Tsunami qui a frappé l’Indonésie, les côtes du Sri Lanka et du sud de l’Inde, ainsi que l’ouest de la Thaïlande, en 2004. A la Réunion, on se souvient également des nombreux cyclones, d’une force impressionnante, qui ont détruit partiellement des bouts de paysage. Je garde en mémoire les dégâts du cy-clone Gamède en 2007, qui a détruit entièrement les 520m du pont de la rivière Saint-Etienne (fig.15), dans le sud de l’île.

Au-delà du dramatique de ces situations, on ne peut être qu’admiratif devant la force et la puissance de la nature, ce sublime qui brouille totalement nos repères et les notions de bien et de mal.

A la Réunion, j’observais les montagnes (fig.16), ils semblaient s’entrelacer et se parler, et j’imaginais comment ils étaient arrivés là, comment le volcan avait pu modeler ces formes. Le paysage est figuré et poétique à la Réunion, et ces montagnes sont sem-blables à des pattes d’éléphant qui viennent se poser sur le sol et créer des ondula-tions sur la croûte terrestre. La nature est propice à la projection, dans son espace, de notre monde intérieur. Un monde où notre imagination inverse l’ordre établie des choses, et qui tend la peinture vers un paysage fantasmatique.J’appréhende la peinture de paysage de la même manière que j’appréhende la nature. La posture contemplative face à la nature doit se retrouver dans la peinture, notam-ment au niveau de la perception du spectateur. J’aimerai que celui-ci soit à son tour dans une situation de déambulation et de contemplation, qu’il puisse être en immer-sion totale dans la peinture.

De la même manière, je pense que le volcan exige d’être gravi dans l’animalité corpo-relle, il est un corps qui ne peut être saisi que par notre propre corps, et c’est exacte-ment de cette manière que je l’envisage sur la toile.

Pour se faire le format de la toile devient monumental, pour que la confrontation se fasse. On pourrait alors parler d’une équation, une équation entre le corps et la pein-ture, la peinture et le paysage, et le corps et le paysage.

Yan Pei-Ming disait: « Quand on me demande comment je peins, je réponds « comme si je faisais la guerre ».6 Et lorsque l’on se retrouve face à une de ces peintures on comprend le rapport insécable qu’il y a entre l’art et la vie. Je ne peux envisager la peinture autrement que dans l’acte physique, une confrontation frontale avec la toile. Comme Ming, l’impact, la percussion et l’efficacité de l’image peinte sont primordiales pour moi.

6 Christian Besson, Yan Pei Ming, Paris, 2000

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Fig.16a, 16bDeux vues de montagnes

de la Réunion

Page de droite:

Fig.15Le pont de la rivière Saint-Etienne

après le passage du cyclone Gamède

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Fig.15

Fig.16a

Fig.16b

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LE PAYSAGE ET L’ESPACE PICTURAL

J’entretiens donc une relation singulière avec la peinture et avec son espace, l’espace de la toile que je veux monumental, que je veux en relation avec mon corps. L’impli-cation du corps dans l’acte de peindre me parait primordial et nécessaire. C’est une condition première dans mon appréhension de la peinture. L’espace de la toile est pour moi l’espace du paysage, un espace qui me domine et qui m’effraie, cette falaise qui me menace et que je dois escalader. C’est ce même sentiment du sublime qui m’envahit devant la vaste étendue volcanique du Piton de la Fournaise.

C’est un espace qu’il faut envahir et domestiquer.

Dans ce sens Jackson Pollock est une figure importante pour moi, son positionnement dans l’histoire de la peinture fut, me semble-t-il, essentiel dans l’évolution de celle-ci, le dripping donnait à la peinture une dimension de liberté ; la liberté du geste de l’artiste, la liberté de la peinture.

Jackson Pollock exposera en 1947 au Moma à New York, après plusieurs années de recherche, il trouvera enfin son identité artistique que l’on qualifiera d’« Expres-sionnisme abstrait ». Les artistes que l’on a regroupés dans ce courant artistique, également qualifié d’« Action painting » ont en commun le désir de s’émanciper des conceptions artistiques traditionnelles et de traduire leurs propres émotions, leurs propres personnalités sur la toile.

Je me sens proche de cette manière d’appréhender la peinture, l’acte pictural est le sujet concret de cette peinture. Le tempérament de l’artiste, son bonheur, ses émotions et son désespoir s’y expriment d’une façon tout à fait directe sans la perturbation d’autres motifs. C’est là une des conditions premières dans la construction de mes peintures ; l’acte pictural est aussi important que les images que je déforme. Il y a, dans les premiers instants de la création d’une nouvelle peinture, une liberté du geste, une explosion de sentiments et de couleurs. Vient ensuite l’appréhension de l’espace de la toile, le format proprement dit.

La peinture a considérablement évolué, elle s’inscrit maintenant dans l’espace et plus seulement dans les limites du cadre d’un tableau. Aussi on peut parler du Wall-pain-ting ou peinture murale, œuvre souvent éphémère, qui peut recouvrir toute une façade d’immeuble, à l’image de celle que réalisa Lily van der Stokker à Hanovre lors de l’ex-position universelle en 2000 et titrée The Pink Building.

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Lily van der Stokker, The Pink building, 2000

Jackson Pollock, Autumn rythmn number 30, 1950

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La peinture n’a plus de limite, elle envahit l’espace, Katharina Grosse est l’exemple, pour moi, le plus édifiant.

Katharina Grosse injecte au sein des architectures géantes du capitalisme triomphant une part de sauvagerie urbaine et des couleurs séduisantes. Sa peinture est une hy-perbole. Elle amplifie les proportions de l’espace.

Les angles se ramollissent sous l’effet du spray et de ses traits flous. Le sol semble se dématérialiser avec les couleurs fluorescentes, aveuglantes. Les murs prennent la consistance artificielle d’un décor de carton-pâte. Parfois même, de gros ballons de baudruche bariolés ou des monticules de terre recouverts d’une pellicule de couleurs brillantes achèvent de transformer l’espace en zone de marécage pictural. On nage de-dans sans en voir le bout. Car l’artiste cherche aussi le hors-champ ou le hors-cadre. Dès que l’architecture le permet, sa peinture vient buter sur les grandes baies vitrées et s’échappe même vers l’extérieur par un monticule de terre.

Avec son installation « Constructions à cru », elle transforma les volumes du Palais de Tokyo en un gigantesque tableau en 2005. Spécialement imaginée pour le Palais de Tokyo, « Construction à cru » a été l’un des plus ambitieux projets de Katharina Grosse. En 2003, elle a transformé les murs extérieurs de la Berlinische Galerie en une gigantesque peinture abstraite.

Visiter l’une de ses expositions c’est littéralement rentrer dans l’espace pictural, un es-pace englobant, le lieu d’une expérience comme elle le dit elle même «La peinture est le seul médium qui autorise une structure panoptique quant au regard et une structure synoptique quant au temps. La peinture au pistolet intensifie ces expériences physiolo-giques.»7

Rentrer dans l’espace pictural c’est l’un des objectifs de ma peinture.

J’aime l’idée de créer un espace au-delà de l’espace de la toile, un espace intime qui confronte le spectateur à la peinture.

7 Extrait de l’entretien «Painting in the Expanded Field by Louise Neri» in ‘Antipodes: Inside the White Cute’, London: White Cube, 2003. Ed. Louise Neri.

Katharina Grosse, Constructions à cru, 2005

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Je pense que le spectateur doit se donner aussi les moyens de comprendre et de vivre la peinture, comme on doit le faire lorsque l’on se trouve face aux œuvres abs-traites de l’Ecole de New-York. Je pense ici aux œuvres de Mark Rothko devant les-quelles le spectateur doit se donner des temps de réflexions et s’ouvrir à l’expérience physique qu’offre ses abstractions.

Mark Rothko est l’une des figures emblématiques de la peinture d’abstraction d’après-guerre. Ses expériences de la couleur sont pour moi fondatrices. Il était dans une recherche constante de la lumière qui émane de la couleur.

De la même manière il donnait une place importance au format.

Il peignait des grands formats pour être « très intime et humain : si vous faites un pe-tit tableau, vous vous placez en dehors de votre expérience, vous la regardez à travers un verre réducteur. Lorsque vous peignez un tableau large, vous êtes dedans. Ce n’est pas quelque chose que vous dominez et commandez ». Le spectateur se trouve dans la même position, entouré physiquement par la lumière qui émane du tableau. Et « il doit sentir la présence de la peinture, comme pour le soleil : même lorsqu’il lui tourne le dos. »8

Je me sens très proche de cette importance qu’accorde Rothko au grand format, le format prend une place importante dans ma peinture, il est l’un des éléments primor-dial et essentiel au rapport qui s’installe, qui doit s’installer, entre la peinture et le spectateur.

J’aime l’idée que le spectateur se tienne devant la toile de la même manière qu’il se tiendrait devant un vrai paysage, debout, qu’il vive frontalement et brutalement ce pay-sage qui fait falaise devant lui.

8 Rothko, une absence d’image: lumière de la couleur, Youssef Ishaghpour, éditions Léo Scheer,2003.

Mark Rothko, Orange and Tan, 1954No.4, 1964

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LE «PAYSAGE-CATASTROPHE» ET LA QUESTION DU SUBLIME

Pour aborder la notion du sublime et de l’esthétique du sublime, je me suis intéressée à un article de Baldine Saint Girons, dans le catalogue d’exposition « Le paysage et la question du sublime ». Loin de maîtriser encore bien ce sujet, j’ai donc relevé ce qui m’intéressé afin de continuer d’appréhender cette notion du sublime.

Comment le sublime parvient-il à « s’esquisser » et comment il se transforme en ques-tion. Est-il possible d’établir un concept critique du sublime ?

Le paysage ne se réduit pas à un décor extérieur au sujet : il est d’une certaine ma-nière le prolongement du corps, l’enveloppe et l’atmosphère de l’esprit. Point du su-blime sans corps, point de sublime sans lieu.

La renaissance du sublime à la fin du XVIIe siècle a intimement parti lié avec l’inven-tion de nouveaux paysages : la découverte de la haute montagne et du littoral comme sources d’intenses émotions esthétiques constitue un fait absolument nouveau.

Le sublime longtemps présent dans les domaines de la rhétorique et de la poétique, se déplace alors dans la sphère du visuel et l’investit totalement. On ressent la néces-sité de comprendre la multiplicité des espaces possibles et réels qui engendrent nos différents types de rapport au monde.

Le paysagiste semble restituer l’acte même de l’esprit pénétrant le monde. Le tableau devient moins important que le travail dont il témoigne et il provoque chez le specta-teur une intense incitation à reconstituer les processus psychiques qui président à sa construction.

A la différence du Beau dont on peut admirer la plénitude et l’autosuffisance dans un paradis objectif et immobile, le sublime semble, en effet, toujours à l’état naissant. Il advient, engendrant à lui seul un univers, mais il demeure étroitement lié au sentiment et à la pensée qu’il suscite. Son ambiguïté provient de ce qu’il désigne à la fois un processus et un résultat, le sublime engendre l’expérience qui se déroule et le résultat qui en découle.

Toute la difficulté est alors d’articuler une expérience à un objet ou, encore, un évène-ment à une structure de la pensée.

Avec le sublime surgit une « je ne sais quoi » qui nous met en cause en nous éblouissant : nous sommes frappés dans nos ressorts vitaux et sollicités dans nos fa-cultés les plus diverses. Mais ce choc et cette stimulation ne sauraient suffire à carac-tériser le sublime.

Il faut que le sublime ne se dissolve pas dans une expérience incommunicable et my-thique : il doit pouvoir résister à l’examen théorique et indiquer ses propres raisons.

Immédiateté, instantanéité, subjectivité, irrationalité, tels sont les traits attribués au sublime dans une certaine « esthétique » du sublime, dont le destin se trouve lié à la thématique du terrible, vision semble-t-il un peu caricaturale. Il faudrait plutôt essayer de comprendre par l’examen de ses objectifs certaines difficultés essentielles à l’appré-hension du sublime.

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Au fond de lui-même, chacun se donne le droit de poser ce qui est pour lui « le sublime ». Le sublime et le sentiment ne sont pas régis par une logique bivalente : seule, une logique « d’ordre probabilitaire » permettra de les appréhender. Et toute la difficulté sera de mettre en évidence non seulement les différents types de relations possibles à une structure donnée qui permettent l’avènement du sublime, mais les dif-férents types d’évolutions possible de ces relations.

D’une part, le sentiment d’immédiateté possède la structure d’une illusion et, d’autre part, il se découvre des « degrés ». Mais, une fois admise cette double réserve, il est vrai que le sublime s’impose de manière beaucoup plus immédiate que le beau.

Lorsque le sublime nous empoigne, c’est, semble-t-il, sur l’instant. « Quand le sublime vient à éclater où il faut, c’est comme la foudre : il disperse tout sur son passage et tout d’abord montre les forces de l’orateur concentrées ensemble », écrivait Longin au début de notre ère.

Faut-il pour autant penser que le sublime se donne du premier coup d’œil ?

Les tableaux pour les « voir » vraiment, il faut parfois les rêver, en oublier certains aspects, en majorer d’autres. Nos points de vue sur les tableaux évoluent ; et, au fur et à mesure que nous avançons dans la connaissance de la peinture et dans la quête du sublime, la simple appréciation « J’aime » ou « Je n’aime pas » nous intéresse de moins en moins, elle semble traduire qu’un mouvement d’humeur.

Aussi bien est-il un préjugé qu’il faut absolument combattre : celui suivant lequel la magie d’un tableau se livrerait nécessairement du premier coup d’œil à un spectateur prétendument averti.

Quand nous parlons d’instantanéité, l’instant lui-même possède un caractère mythique et il est reconstitué par une mémoire amplifiant l’effet global de choc.

Le sublime s’éprouve dans le tréfonds de l’intimité. Aussi bien, à titre de sentiment entaché de singularité, éveille-t-il la suspicion de la raison théorique. Mais, d’une part, il serait inexact de soutenir que chacun ne fait pas le départ entre ce qui vaut pour lui et ce qui vaut également en droit pour autrui. D’autre part, il nous semble qu’on n’a pas suffisamment médité l’importance de la découverte kantienne, selon laquelle un sentiment peut servir de prédicat au jugement.

Sentiment et jugement s’intriquent si étroitement qu’on ne saurait dire que l’un est la cause ou l’effet de l’autre. Sentir, c’est déjà juger. Et juger, c’est parfois encore sentir. L’important est alors de comprendre que le repli sur la subjectivité peut commander une intersubjectivité plus haute que celle qui provient de l’objectivité.

La subjectivité s’universalise, tel est le fait essentiel. Quand je m’interroge pour savoir ce qu’il y a ou pourrait y avoir de sublime dans un tableau, en quoi il me concerne, me fait penser et m’émeut, ce moi est aussi « nous ».

Des questions aussi simples ne sont pas purement subjectives. Elles touchent à ce qui constitue le for intérieur de l’humanité.

Le sublime constitue incontestablement un principe de débordement. Mais ce qui se situe au-dessus de la raison défie nos différentes facultés, suscite notre désir et nous révèle une finalité supérieure.

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Sans doute le sublime résiste-t-il à toute détermination univoque. Dès qu’il s’agit de définir ce qui nous déborde, nous met en cause, nous fait penser et remodèle plus ou moins le sentiment de notre être au monde, nous sommes contraints à entrer dans une typologie du sublime, tout en reconnaissant qu’aucun des types invoqués n’épuise ce que serait le sublime pour nous.

Mais si l’irrationalité caractérisait le sublime, il n’y aurait plus qu’à céder à son appel irrésistible, entrer dans une extase strictement individuelle, s’enfermer dans l’autisme et renoncer à toute détermination conceptuelle.

Or, la quête du sublime peut devenir une tâche commune ; et s’il serait contradictoire de vouloir donner a priori un contenu au sublime, nous pouvons néanmoins tenter de définir ses véhicules et ses effets et remonter des effets aux principes.

Dans l’imagerie populaire du sublime, une place de choix est accordée aux orages, aux tempêtes, aux inondations, aux incendies, etc. : le sublime dynamique d’une na-ture qui menace de son infernale puissance la fragile créature humaine frappe si bien qu’on aurait tendance à confondre l’idée du sublime avec celle d’un supplice infligé par la nature. Mais, pour peu qu’on y réfléchisse, d’autres images beaucoup moins immé-diatement terribles s’imposent également : les vastes étendues, le soleil couchant, les ruines, etc.

L’iconographie du sublime entraîne dans des directions multiples ; ce que Kant avait bien vu dès 1764 en opposant au sublime terrible un sublime noble et un sublime ma-gnifique. Si le sublime n’est pas toujours terrible, il ne suffit pas, non plus, d’un évène-ment terrible ou de sa représentation pour que le sublime advienne.

Mais il faut distinguer deux cas : quand la nature dans sa violence reste inoffensive, elle permet un regard esthétique ; quand, au contraire, elle nous menace effectivement, il nous faut mobiliser, comme le veut Kant, « une force qui est en nous (mais qui n’est point nature), laquelle nous permet de regarder tout ce dont nous nous soucions (les biens, la santé, la vie) comme de petites choses. » (Kant 1965, §28)

En fait, les moyens du peintre sont d’un tout autre ordre que ceux de la nature et, finalement, il n’y a pas de rapport entre un orage qui peut tuer et un tableau qui joue avec l’idée d’orage.

Loin d’avoir encore comprit et approfondit davantage la notion du sublime dans mon travail plastique, je reste néanmoins attachée à la beauté qui émane du paysage en fusion, et il me semble que je suis effectivement terrassée devant cette situation, l’éruption volcanique, mais l’appréhension de cette terreur sur la toile et l’effet qu’elle produira sur le spectateur reste encore énigmatique. Je serai à la fois dans une pein-ture de paysage qui aurait pour vocation d’éblouir, d’une manière ou d’une autre, le spectateur, mais aussi dans une peinture conséquente d’un choc. Choc résultant de la terreur et du sublime qui habite la nature.

Je partage volontiers l’analyse de Baldine Saint Girons qui insiste sur la possibilité d’appréhender le sublime d’une manière théorique, en analysant ses véhicules et ses effets, et d’établir une espèce de grille de lecture pour identifier ce qui relève du su-blime et pourquoi. Cependant je pense que le sublime est à la portée de tout spec-tateur, même de celui qui se retrouve devant une peinture sans avoir aucune affinité avec ce médium et son histoire. Il incombe au peintre de saisir le sublime qui l’envahit

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(à titre individuel, le sublime a des degrés et interpelle de manière différente chaque individu) et de le retranscrire sur la toile. De la même manière je partage l’idée que le sublime résulte de la terreur mais aussi du beau et de la plénitude qui habite des images tel un couché de soleil. Je ne pense pas qu’il faille forcement l’assimiler à la terreur.

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CONCLUSION

En abordant le genre du paysage et la notion du sublime, j’ai été amené à com-prendre l’histoire du paysage en peinture et à me positionner par rapport à elle.

Longtemps assujetti à la peinture d’histoire, cadre et décor de scènes religieuses et pastorales, la peinture de paysage a connu son apogée au XVIIe siècle. La nature a longtemps habité les préoccupations des artistes, des impressionnistes aux courants abstraits d’après-guerre, elle est toujours présente dans le domaine de la peinture d’aujourd’hui.

La notion du sublime engendre des peintures de paysage qui évoquent aussi bien la terreur que la plénitude, présentes dans les différentes images de la nature. Aussi l’évocation du Piton de la Fournaise, volcan de l’île de la Réunion, dans mes préoccu-pations plastiques tente de manipuler cette notion du sublime. Le paysage intervient dans ma peinture d’une manière très personnelle dû à mon attachement aux paysages volcaniques de l’île de la Réunion, aussi on parlera de « paysages-catastrophes ». Mais d’une manière générale « le paysage-catastrophe » n’est pas l’unique intention de ma peinture, le paysage dans tout son ensemble habite ma peinture. Aussi le sublime interviendrait autant dans le « paysage-catastrophe » que dans un paysage « normal ». L’unique vocation qui pourrait rassembler ces deux thèmes serait celui d’évoquer la notion du sublime et de faire vivre au spectateur la même émotion que je vis face au paysage et face à la peinture. Une peinture influen-cée par les courants abstraits d’après-guerre et par l’œuvre tardive de Claude Monet, par des peintres contemporains comme Yan Pei-Ming et Katharina Grosse qui envahis-sent l’espace pictural, ou encore par la peinture de Peter Doig emprunt de magie et d’un amour certain pour la nature.

Il sera question, dans l’avancement de mon travail, de définir davantage à quel point la notion du sublime y est importante autant que la notion de paysage. La peinture est pour moi le seul médium qui permet d’approcher au plus près notre sensation et notre être au monde.

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