Paty,M 1994f HistPbTPhen

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in Klein, Etienne et Spiro, Michel (éds.), Le temps et sa flèche , Editions Frontières, Gif-sur-Yvette, 1994, p. 21-58˚; éd., 1995˚; Collection Champs, Flammarion, Paris, 1996, p. 21-58. Sur l'histoire du problème du temps. Le temps physique et les phénomènes * par Michel PATY ** SOMMAIRE Introduction L'idée de temps, le temps de l'histoire et le temps physique Géométrisation du temps et construction du temps instantané De l'assimilation du temps différentiel à la critique du temps absolu Le temps dans la dépendance des lois générales des phénomènes et l'espace-temps de la Relativité restreinte Le temps et la dynamique des phénomènes: l'espace-temps matériel de la Relativité générale et l'échelle physique du temps de la cosmologie Remarques sur le temps en thermodynamique, sur la flèche et sur le cours du temps Références bibliographiques * Conférence à la Journée Le temps et sa flèche . Société Française de Physique, division "Champs et particules", Colloques sur les questions fondamentales de la physique. Sous le patronage du Ministère de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur, de Libération, La Recherche, Ciel et espace, 8.12.1993. ** Directeur de re cherche au CNRS. Auteur, en particulier, de La matière dérobée (Archives contemporaines, Paris, 1988), L'analyse critique des sciences (L'Harmattan, Paris, 1990), Einstein philosophe (Presses Universitaires de France, Paris, 1993). Adresse professionnelle: Equipe REHSEIS (UPR 318, CNRS) et Formation doctorale en Epistémologie et Histoire des Sciences, Université Paris-7-Denis-Diderot- 2, Place Jussieu - F-75251 PARIS -Cedex-05, FRANCE.

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Paty,M 1994f HistPbTPhen

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  • in Klein, Etienne et Spiro, Michel (ds.), Le temps et sa flche, EditionsFrontires, Gif-sur-Yvette, 1994, p. 21-58 ; 2 d., 1995 ; Collection Champs,Flammarion, Paris, 1996, p. 21-58.

    Sur l'histoire du problme du temps.Le temps physique et les phnomnes *

    par

    Michel PATY **

    SOMMAIRE

    IntroductionL'ide de temps, le temps de l'histoire et le temps physiqueGomtrisation du temps et construction du temps instantanDe l'assimilation du temps diffrentiel la critique du temps absoluLe temps dans la dpendance des lois gnrales des phnomnes et

    l'espace-temps de la Relativit restreinteLe temps et la dynamique des phnomnes: l'espace-temps matrielde la Relativit gnrale et l'chelle physique du temps de la

    cosmologieRemarques sur le temps en thermodynamique, sur la flche et sur le

    cours du tempsRfrences bibliographiques

    * Confrence la Journe Le temps et sa flche. Socit Franaise de Physique, division "Champs

    et particules", Colloques sur les questions fondamentales de la physique. Sous le patronage duMinistre de la Recherche et de l'Enseignement Suprieur, de Libration, La Recherche, Ciel etespace, 8.12.1993.**

    Directeur de recherche au CNRS. Auteur, en particulier, de La matire drobe (Archivescontemporaines, Paris, 1988), L'analyse critique des sciences (L'Harmattan, Paris, 1990), Einsteinphilosophe (Presses Universitaires de France, Paris, 1993). Adresse professionnelle: EquipeREHSEIS (UPR 318, CNRS) et Formation doctorale en Epistmologie et Histoire des Sciences,Universit Paris-7-Denis-Diderot- 2, Place Jussieu - F-75251 PARIS -Cedex-05, FRANCE.

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 2

    INTRODUCTION

    Je voudrais m'interroger avant tout sur la nature du concept de temps enphysique, c'est--dire le temps tel que la physique le dcrit, suivant le cours del'volution de ses thories. Je ne remonterai pas au-del des dbuts de la mcaniqueclassique, car ce serait vraiment une tche trop grande que de parcourir, mme grands traits, toute l'"histoire du temps", suivant le titre qui m'avait t initialementpropos. Bien que cette expression, en elle-mme, soit intressante et stimulante -elle intrigue -, elle n'est pas sans risque, comme des entreprises rcentes l'ontmontr. L'ambition de proposer une "histoire du temps", mme "brve", a pu faireconfondre ce qui ne pourrait tre, en vrit, qu'une histoire des reprsentations dutemps, avec la description "naturelle" des caractres d'un temps de l'univers, et destats de l'univers au cours du temps, c'est--dire avec l'objet de la cosmologie1.Quant vouloir brosser une histoire des reprsentations du temps, ce serait unprojet encyclopdique qu'une intelligence mme boulimique - ft-elle conseillredes princes - ne parviendrait pas accomplir seule2. Aussi bien me limiterai-je l'volution du concept de temps dans la physique "moderne et contemporaine",comme on dit de l'histoire, et mme en ne considrant qu'un seul thme, qui selaisse rsumer sous le titre "le temps et les phnomnes".

    L'ide essentielle de cet expos est la suivante: par-del la notioncommune de temps qui rsulte de l'exprience quotidienne - et dont le contenud'ailleurs diffre suivant les poques et les civilisations -, la physique a labor unconcept de temps pens au dbut comme tant le cadre "naturel" (avec l'espace)dans lequel les phnomnes se produisent, mais qui est en ralit construit, enfonction des ncessit de la physique (pour l'expression des lois du mouvement), etc'est le temps instantan et diffrentiel de la mcanique et de la physique classiques.Plus tard, ces ncessits amneront, avec la thorie de la relativit, la cosmologie etla thermodynamique, une sorte de renversement de point de vue, en faisant voirque le temps et l'espace ne sont pas le contenant ou la forme des phnomnes,indpendamment de ces derniers et condition de leur reprsentation, mais que cesont au contraire les phnomnes physiques qui les dfinissent et les dterminent.

    1 Hawking [1988].

    2 Attali [1982].

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 3

    L'IDEE DE TEMPS,LE TEMPS DE L'HISTOIRE ET LE TEMPS PHYSIQUE

    L'expression "histoire du temps", employe pour faire court la placede "histoire de la notion (ou du concept) de temps", invite penser l'expressionrciproque, qui serait "le temps de l'histoire", ou "le temps comme histoire". Cen'est pas l un jeu de mot : la notion de temps a partie troitement lie l'histoire,du moins entendue dans le sens du cours des vnements humains, mme avantl'criture - et sans doute l'histoire qui nait avec l'criture lui confra-t-elle un sensassez proche de celui de l'acception courante, en relation l'exprience des hommeset des socits, qui perdure jusqu' nous.

    L'astronomie elle-mme, laquelle les premires conceptualisations dutemps sont gnralement associes, tait aux dbuts - et resta longtemps - lie l'histoire, dans la geste des civilisations3 : elle prsidait l'histoire des dynastiescomme celle des destines individuelles. Jusqu' Kpler4, les positions des objetsclestes restent des vnements uniques et particuliers, dats et historiques, enrelation une conception ontologique et aristotlicienne de la causalit. En ce sens,les observations improbables, quelques annes de distance, de supernovae parTycho Brahe5 et par Kpler reoivent une signification toute spciale qui nedevait tre retrouve qu'au vingtime sicle, quand on ralisa, avec l'astrophysiquecontemporaine, que chaque corps cleste est caractris par une volution proprequi constitue un processus singulier. (La rationalisation newtonienne prvalanteentretemps ne porta son attention que sur les objets aux mouvements rguliers, etque l'on sut d'ailleurs relativement voisins, du Systme solaire, penss commepermanents, voire ternels, l'instar des points matriels supposs les constituer.)L'quivalence ontologique - post-coperniciennne - des corps clestes et sublunaires,la connaissance des trois lois du mouvement des plantes telles que Kpler lesnona, la thorie de la gravitation de Newton6, qui exprime des lois locales etdiffrentielles et non plus seulement globales comme les lois de Kpler ou comme laloi de Galile7 de la chute des corps sur lesquelles elle se base, en rattachant lesmouvements des corps clestes des lois gnrales, universelles et prvisibles,toutes ces circonstances firent se rompre le lien mystrieux suppos entre le ciel auxsignes inscrits et l'histoire des destines humaines.

    3 Sur l'astronomie dans les civilisations anciennes, on consultera avec profit les premiers chapitres

    de Andrillat [1993].4 Johannes Kpler (1571-1630).

    5 Tycho Brahe (1546-1601).

    6 Isaac Newton (1642-1727).

    7 Galileo Galilei (1564-1642).

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 4

    Les comtes gardrent encore, vrai dire, leur puissance vocatricejusqu'au dix-huitime sicle, comme en tmoigne le retour, en 1759, de celle deHalley8, prdit un mois prs par les calculs de Clairaut9 selon sa thorie desinteractions de systmes de trois corps, dans le cadre du systme de Newton, entenant compte des influences sur la trajectoire de Jupiter et de Saturne. Lafascination qui accompagna dans le public la constatation de ce retour annonc avecune prcision extraordinaire pour lpoque tenait autant, assurment, lapersistance d'une croyance mythique qu' la rvlation du pouvoir ingal de lanouvelle pense thorique. Quoiqu'il en soit, lexacte prdiction qui garantissait lasoumission des comtes au calcul les dpouilla de leur aura de mystre et marqual'effacement dfinitif de la superstition lie leur apparition10.

    A partir de Newton, la trajectoire reprsente sous la forme condensede l'quation diffrentielle est comme un "temps embouti"11 dans une immdiatetd'instant. Le temps construit et mathmatis par les fluxions et les diffrentiellesefface l'histoire singulire du vcu - ft-ce un vcu-observ -, attache chaqueinstant, chaque lment de dure, cette "paisseur du temps vcu" dont parleWhitehead12. La physique - en premier, la mcanique - se constitue en chappant l'histoire : la mmoire des vnements qui ont eu lieu s'abolit dans la relationinstantane qui lie l'tat du mouvement un instant donn celui pour l'instantimmdiatement suivant, et qui fait de chaque instant pass ou venir - aussi bienque prsent - une entit abstraite. Le cours du temps se reconstruit ensuite l'aidede l'quation diffrentielle et des conditions initiales donnes ou supposes, maisc'est un temps neutre, sans qualit, sans "odeur", sans accident, sans vcucirconstanci ou subjectif, que signale l'quivalence de tous les instants du temps,comme de tous les points des trajectoires. Ce caractre semble bien acquis par lamathmatisation du temps, du temps pens d'abord - par Newton - comme"mathmatique", tout en tant le temps du monde physique. (Plus tard, le tempsphysique mathmatis gardera ce caractre d'tre homogne, auquel la thoriemathmatique des symtries associera une proprit d'invariance physiquefondamentale, la conservation de l'nergie)13.

    Le temps abstrait fonctionne ds lors comme un cadre absolu pour lesvnements, "absolu et mathmatique" (entendons: d'expression mathmatique),

    8 Edmund Halley (1656-1742).

    9 Alexis Claude Clairaut (1713-1765).

    10 La mme comte de Halley figure au Moyen-ge sur la tapisserie de la reine Mathilde,

    conserve Bayeux, qui rappelle son apparition dans le ciel l'poque de la bataille de Hastings.On sait que l'apparition des comtes tait traditionnellement lie, dans limaginaire collectif, auxgrandes catastrophes, aux pidmies de peste, etc.11

    J'emprunte cette expression trs suggestive Michel Debrun, voir Debrun [1993].12

    Le philosophe Alfred North Whitehead (1861-1947) estimait qu'une dure a une "paisseurtemporelle" et "retient en elle le passage de la nature": Whitehead [1919].13

    C'est l'un des aspects du thorme de Noether, qui tablit aussi que l'homognit de l'espaceentrane la conservation de la quantit de mouvement, et l'isotropie de l'espace la conservation dumoment angulaire (Emmy Noether, 1882-1935).

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 5

    bien que physique, sans influence sur lui des objets et des phnomnes quis'inscrivent dans son cours. Les objets et les vnements sont penss "dans letemps". La mcanique au dix-huitime sicle, puis, au long du dix-neuvime, lesautres branches de la physique, se constituent ainsi, en se thorisant l'aide del'analyse, en dehors de toute ontologie du temps et de l'histoire. Ce trait de notreconnaissance des phnomnes de la nature semblait inexorable, jusqu' ce que -scandale ! -, la physique contemporaine en vienne retrouver, sinon l'histoire, dumoins une certaine consistance du temps. Celle-ci se marque dans la nature mmedes phnomnes qu'elle tudie, selon trois modes diffrents: celui du cours dutemps, li la causalit et la propagation vitesse finie des interactions, celui dutemps irrversible de la thermodynamique, enfin et surtout celui du temps del'Univers et de la flche cosmologique. Ce dernier, en effet, parat bienrintroduire, dans notre conception du temps physique, quelque chose de celui del'histoire - non celle de lhumanit, bien entendu, mais celle de lUnivers. Nous yreviendrons en conclusion.

    L'"histoire du temps" que je me propose de vous conter - ou, plusexactement, d'voquer -, en vue d'en tirer une indication fondamentale sur sanature, se limite la constitution du concept de temps par la physique en dehors del'histoire. Elle commence avec les premiers essais de gomtrisation du temps, auquatorzime sicle.

    GEOMETRISATION DU TEMPSET CONSTRUCTION DU TEMPS INSTANTANE

    Tout en dfinissant le temps comme un "nombre", mesurant l'avant, lependant et l'aprs, Aristote14 le considrait comme une qualit : il fallut attendre lequatorzime sicle pour le voir passer de la qualit la quantit, en mme tempsqu'il se gomtrisait, comme paramtre du mouvement. L'impulsion semble dslors donne dans la direction d'une emprise progressive de la pense rationnelle surle concept de temps, en vue d'en lucider la signification, comme pour opposer uneapproche positive aux doutes de Saint Augustin, qui disait peu prs, propos dutemps: "si l'on ne me demande pas ce qu'il est, je le vois clairement, mais si l'onm'interroge, je ne sais plus"15.

    Robert Grosseteste16 et les philosophes de la nature d'Oxfordestimaient que la succession des instants dans son rapport la dure pose le mme

    14 Aristote (384-322 avant J.C.).

    15 Saint Augustin (Aurelius Augustinus, 354-430). Voir les Confessions, XI, 14.

    16 Robert Grosseteste (1170-1253). Cf. Crombie [1952].

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 6

    problme que, dans son rapport une longueur, la suite continue et infinie despoints sans extension, dont ils considraient qu'une ligne est constitue.Grosseteste mettait aussi l'ide qu'il n'existe pas de mesure primaire et naturelledes longueurs, et qu'il revient l'homme d'introduire une unit, par une dcisionou opration de notre part, par un choix (que nous dirions de convention). De fait,les heures, les jours et les mois divisaient l'anne en fonction de l'expriencehumaine des saisons et des travaux, et les clepsydres et les horloges pendulesfournissaient les valeurs du temps mesur dans ces units. Newton voquera, poursa part, dans les Principia (Principes mathmatiques de la philosophie naturelle), lecaractre arbitraire au regard de la nature, et d'ailleurs relativement imprcis, desdterminations humaines du temps. Il les verra cependant corriges par l'quationastronomique, ce qui les rapproche ses yeux du temps rel et absolu)17.

    Les matres des coles de Paris et d'Oxford tudiaient le mouvement enconsidrant l'accroissement et la dcroissance des quantits (ou grandeurs)cinmatiques, et faisaient l'hypothse que le mouvement uniformment vari estquivalent un mouvement uniforme dont la vitesse est la vitesse moyenne dumouvement vari : telle est la "rgle de Merton"18. Elle fut dmontregomtriquement par Jean Buridan19 et par son disciple Nicole Oresme20, l'aided'une reprsentation des diffrents moments du temps en succession par les points(abscisses) d'une ligne droite horizontale, dnomme "longitude", la vitessecorrespondante d'un mouvement donn tant porte sur la verticale en ce point (etdsigne par le terme de "latitude" : terminologie videmment emprunte l'astronomie). La somme des latitudes, selon Oresme, tait la distance parcourue; lemouvement uniforme tait donc reprsent par des rectangles, les mouvementsuniformment varis par des triangles ou des trapzes.

    REPRESENTATION DU TEMPS (ABSCISSES, OU LONGITUDES) ETDES VITESSES (ORDONNEES OU LATITUDES) SELON ORESME.

    17 Newton, Prface de 1887 aux Principia, Newton [1887].

    18 Elle tient son nom du Merton College Oxford.

    19 Jean Buridan (1300-1358) enseigna l'Universit de Paris.

    20 Nicole Oresme (1325-1382), d'origine allemande, enseigna aux Universits de Navarre et de

    Paris.

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 7

    Cette description de la variation d'intensit de la "qualit demouvement" (c'est--dire la vitesse) est une vritable paramtrisation gomtriquedu mouvement en fonction du temps : elle constitue un premier essai degomtrisation du temps et revient, sinon substituer la qualit aristotlicienneune quantit, du moins exprimer la qualit par une quantit. Le temps est quantifien tant qu'il est le paramtre de la variation des grandeurs et des phnomnes :mesure de la dure des choses dans leur tre, il est la fois ontologique etmathmatique.

    Les ides de temps et d'espace, telles qu'elles sont utilises enmcanique, avant mme Newton, sont en fait relies une pense des objetsphysiques et de leurs mouvements. S'intressant aux trajectoires des corps enmouvement, Lonard de Vinci21 tablit que la trajectoire d'un corps lanc l'oblique est une courbe continue22, et tudie la variation avec l'angle d'inclinaisondes temps de chutes d'un corps sur un plan inclin23. Quant Galile24, mettantl'ide, dcisive, que "le livre de la nature est crit dans la langue mathmatique", ildonne la loi du mouvement uniforme (principe d'inertie)25 ainsi que celle de lachute des corps et des mouvement uniformment acclrs26 : il tablit parl'exprience et par le raisonnement la loi qui exprime les hauteurs de chutes et lesespaces parcourus en fonction des intervalles de temps finis considrs et desvitesses moyennes27.

    D'Aristote Descartes en passant par les philosophes d'Oxford et deParis, le temps est conu par la mesure des dures perues. Si Galile et Descartesle prennent comme paramtre dans l'tude du mouvement, c'est toujours comme leseul temps sensible et relatif, dont la connaissance est directement lie celle descorps. Pour Descartes28, l'on se fait de la dure d'une chose une ide claire etdistincte condition d'oublier en elle la qualit, "l'ide de la substance", et de n'yvoir qu'"un mode ou une faon dont nous considrons cette chose en tant qu'ellecontinue d'tre". Mais avec Barrow et Newton, il est question de dissocier la durecomme persvrance dans l'tre et ses mesures sensibles, imparfaites et (dj pour

    21 Lonard de Vinci (1452-1519).

    22 Et non un ensemble de deux segments de droites raccords par un arc de cercle comme les

    spcialistes de balistique le croyaient communment. Niccolo Tartaglia (1499-1557) le montreragalement, en 1546.23

    Il trouva qu'elle est en raison inverse du sinus de l'angle d'inclinaison.24

    Cf. Galilei [1638], Koyr [1939], Geymonat [1957], Clavelin [1968], Drake [1970].25

    La formulation de Galile est encore tributaire de l'ide aristotlicienne que la pesanteur est unequalit des corps. Le principe d'inertie fut ensuite exprim de manire plus gnrale par Descartes,puis par Newton.26

    Le principe d'inertie et la loi de composition des mouvements entranent le principe derelativit, dont il faudrait retracer ici l'histoire, pour la mcanique, de Galile Gassendi et Huygens, qui le formule explicitement. Sur ce dernier point, voir Vilain [1993].27

    Les espaces parcourus sont comme les carrs des temps, etc.28

    Ren Descartes (1596-1650).

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 8

    l'cole d'Oxford) dtermines par nous. Et, de fait, la mcanique newtonienne nousfait voir le temps, devenu objet de mesure et mathmatis, sous deux espcesdistinctes : le temps relatif (celui de la dure sensible et de la mesure) et le tempsabsolu (celui de la persvrance dans l'tre, "vrai et mathmatique", selon uneconception imprgne du no-platonisme de l'cole de Cambridge). C'est cedernier que sont rapportes les lois du mouvement.

    On trouve chez Isaac Barrow29, qui exera une certaine influence surNewton, l'ide que le temps, considr de manire abstraite, tant la persvranced'une chose, quelle qu'elle soit, dans son tre, dans son tat, et dans sonmouvement, il ne peut tre ou plus long, ou plus court, et doit donc tre absolu.Plus profondment encore, certaines rflexions de Barrow sur l'instant et la dure etsur la difficult de les concevoir ensemble, annoncent, d'une certaine faon, larsolution qu'en donnera Newton30. Il considre, dans ses Leons de gomtrie, leflux du temps en analogie la continuit d'une ligne droite engendre partir depoints, et laisse entendre que lon peut concevoir des instants, ou "moments" dutemps, bien que ce dernier soit pens fondamentalement comme une dure en fluxcontinu - conception que l'on trouve galement chez Newton.-, de mme que lonse reprsente des points sur une droite. Le temps instantan, dont la dfinition secherche ici, pose les mmes problmes que la nature du point et la divisibilit de laligne et de l'espace, objet depuis Znon d'Ele de controverses classiques. On voit,en tout cas, la manire dont Barrow formule sa conception du temps, de la dure l'instant, comment ce qui manque encore la mcanique (la conceptualisation d'uninstant de temps) est exactement connaturel ces grandeurs infinitsimales de lagomtrie dont l'approche est encore ttonnante, des indivisibles de Cavalieri31 auxmaxima et minima de Fermat.

    C'est Isaac Newton32 que devait revenir la construction du tempsinstantan partir du temps conu comme dure, en corrlation l'invention dunouveau calcul, cr en grande partie pour les besoins de la cause, bien que lesPrincipia ne fassent pratiquement pas explicitement appel sa thorie ou mthodedes fluxions. Je n'entrerai pas ici dans le dtail de ces questions33, pour m'en tenir l'essentiel de ce qui nous occupe ici : la nature du concept de temps qui est en jeudans la mcanique de Newton. On en a retenu surtout la dfinition du temps absolu,et le fait que, comme l'espace, le temps newtonien constitue le cadre desvnements, indpendant d'eux. Mais on n'a pas assez pris garde que le tempsnewtonien n'est pas tant donn que construit, mme s'il n'est pas prsent comme

    29 Isaac Barrow (1634-1677).

    30 Il semble que l'on ne doive pas, par contre, chercher chez Barrow la prfiguration du calcul

    infinitsimal, dont les vritables anctres, avant Newton et Leibniz, sont Pierre de Fermat (1601-1665], Blaise Pascal (1623-1662), John Wallis (1616-1703), Christiaan Huygens (1629-1695)Cf. p. ex., Itard [1984].31

    Bonaventura Cavalieri (1598-1647).32

    Isaac Newton (1642-1727). Cf. Newton [1787] et [1967-1981] Sur Newton, cf., p. ex. Koyr[1968].33

    Voir Paty [1994] et [ paratre].

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 9

    tel, et que la spcification du "temps absolu, vrai et mathmatique" a, en ralit,surtout pour rle de prparer la condition d'une reformulation plus radicale duconcept de temps, sous les espces d'une grandeur mathmatise, singulire et variation continue, c'est--dire diffrentielle. La pleine conscience de la nature et dela signification de cette construction ne devait tre acquise que progressivement,avec l'assimilation, en mcanique et en physique, du contenu effectif de cettegrandeur et de son caractre opratoire. Elle ne serait acheve que lorsque le tempset sa diffrentielle seraient conus indpendamment de traductions gomtriques,c'est--dire avec la Mcanique analytique de Lagrange34.

    Newton propose sa conception du temps dans le scholie (commentaire)du Livre I des Principia qui suit les dfinitions des grandeurs moins courantesconstitutives de sa mcanique (quantit de mouvement, force, etc.). Il s'agit sesyeux, plutt que d'une dfinition, d'une explication ou clarification concernant unegrandeur existant par elle-mme, antrieure toutes nos laborations. "Bien que letemps, l'espace, le lieu et le mouvement soient trs connus de tous", crit-il, "on neles conoit communment qu'en relation des choses sensibles", ce qui entranedes confusions. Pour viter ces dernires, "il convient de distinguer ces quantits enabsolues et relatives, vraies et apparentes, mathmatiques et vulgaires".

    C'est ainsi qu'il caractrise le temps de la manire que l'on connat: "Letemps absolu, vrai et mathmatique, qui est sans relation quoi que ce soitd'extrieur, en lui-mme et de par sa nature, coule uniformment ; on l'appelle aussidure". Remarquons que c'est la dure qui dfinit d'abord le temps, c'est--direson flux continuel, et non les instants, qui ne sont pas mentionns. (De fait, ilsseront constitus, mathmatiquement, partir de la dure et du mouvement). Le"temps relatif, apparent et vulgaire", est celui dont nous avons connaissance partirdes impressions sensibles et des mesures, par exemple astronomiques. Il faut alorscorriger, par l'"quation astronomique", cette dure mesure pour connatre letemps absolu, caractris selon sa dfinition naturelle par une rgularit du cours dutemps que peut-tre aucun mouvement effectif ne possde.

    Notons que le temps (la dure) ainsi obtenu, qui s'identifie au "tempsvrai", est dtermin par une loi (l'quation astronomique), qui porte sur lesmouvements clestes: c'est, en retour, par cet intermdiaire que pourront tredtermins les phnomnes et les lois temporelles qui les rgissent, aussi bien lemouvements des horloges pendules35 que les clipses des satellites de Jupiter36.On mesure ce que le temps ainsi conu a de construit: sa connaissance suppose celled'une rgularit des lois astronomiques (que Newton rapporte, pour sa part, lavrit mathmatique du monde).

    La relation du temps absolu telle que Newton la conoit a lieu dans unseul sens : le temps dtermine les phnomnes, non l'inverse, car il existe par lui-mme, et son ordre est immuable. Par ailleurs, sa conceptualisation d'un temps et

    34 Joseph Louis Lagrange (1736-1813). Cf. Lagrange [1788].

    35 L'isochronisme des oscillations du pendule a t tudi de Galile Huygens.

    36 Newton mentionne expressment ces phnomnes dans son scholie.

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 10

    d'un espace supposs naturels est, en vrit, une construction. Le statut absolu del'espace et du temps est li leur caractre mathmatique, qui en fait aussi desgrandeurs continues. Mais il y a, chez Newton, quelque chose de plus, qui rattachedirectement les concepts d'espace et de temps, tels qu'ils sont mathmatiss dans samcanique, aux lois fondamentales du mouvement des corps. Le point matriel enmouvement et le temps instantan sont construits, en mme temps que le langagemathmatique qui les exprime, en fonction de cette loi - qu'il s'agit d'tablir - dumouvement des corps que nous appelons aujourd'hui loi de causalit.

    Ce qui assure, en fait, en le rendant effectif, le caractre physique dutemps et de l'espace, c'est leur inscription dans l'quation du mouvement. Tout entant pris dans le corset de leur dfinition gnrale, ces concepts sont constitus demanire plus prcise en vue de leur mise en oeuvre pour l'obtention des lois dumouvement, c'est--dire d'un certain type de phnomnes. En d'autres termes, ilssont constitus en fonction, sinon des phnomnes, du moins d'une vue sur lesphnomnes. C'est de cette manire que l'on voit, dans la thorie du mouvementdes corps expose par Newton dans ses Principia, se construire mathmatiquementle temps instantan pour exprimer la loi qui relie entre elles les grandeurscaractristiques du mouvement en un point et en un temps donns. Le temps"absolu, vrai et mathmatique" de la mcanique newtonienne est donc en ralitconstitu par la pense du calcul diffrentiel, pour assurer la formulationmathmatique des lois fondamentales du mouvement.

    L'introduction, dans les Principia, de cette nouveaut conceptuellefondamentale pour la physique, le temps instantan, qui fixe les relations decausalit, n'est nulle part explicite, et c'est d'abord rtrospectivement qu'elleapparat lie au calcul diffrentiel. Mais elle est indniablement contenue dans lesPrincipia, dans la manire opratoire qui conduit aux rsultats, bien que celle-ci soitd'apparence purement gomtrique, sans utilisation directe des fluxions37.

    La conception du temps instantan et diffrentiel est prsente, sans laterminologie et sans la symbolisation, dans la formulation gomtrique particulirepar laquelle Newton prsente ses raisonnements, et qui correspond en fait auxconcepts de ce calcul. Les considrations sur les "premires et dernires raisons"qui ouvrent le livre I, "Le mouvement des corps", sont assez semblables celles deses recherches mathmatiques sur les fluxions. La "mthode des premires etdernires raisons des grandeurs" fait intervenir l'ide de convergence continue dequantits qui sont aussi bien des grandeurs gomtriques que des rapports de cesgrandeurs, et de limite l'infini de ces rapports (ou dernires raisons), qui permetde substituer l'un l'autre les segments de ligne tels que larc, la corde ou latangente, figurant dans les rapports. Comme le verront justement aussi bien und'Alembert qu'un Lagrange, la mthode des infiniments petits, des limites ou des

    37 Du moins en rgle gnrale, car les fluxions sont invoques en quelques endroits (dans le

    deuxime livre, sur "Le mouvement des corps dans des milieux rsistants", appeles par laformulation des problmes, o la rsistance des milieux est exprime selon des fonctions diversesde la vitesse.)

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 11

    fluxions n'est pas autre chose que la mthode des "dernires raisons des quantitsvanouissantes", dont elle est la traduction algbrique38.

    La manire dont Newton tente d'clairer ce qu'il entend par ses "raisons[ou rapports] de grandeurs vanescentes", trs voisine de celle qu'il emploie parailleurs quand il dfinit les fluentes et les fluxions dans ses textes sur ces dernires,prsente en outre lintrt extrme de nous mettre sur la voie de son innovationfondamentale. "Par dernire raison [ultimate ratio] de grandeurs vanescentes,crit-il, il faut entendre la raison [le rapport] des grandeurs non pas avant qu'elless'vanouissent, ni aprs, mais avec laquelle [with which] elles s'vanouissent"39.Lexpression employe permet de situer exactement l'apparition, par construction,du temps instantan et de son rle - sans le terme, ni aucun symbole - : elle dsigne,en effet, en mme temps que la limite, le temps instantan qui la fixe, commemoment de l'vanouissement, l'instant sans extension o ces rapports relatifs aumouvement ont la valeur considre. Le calcul des fluxions est de faitconceptuellement prsent - sans le symbolisme - dans cet tablissement des lois desmouvements des corps pour un instant donn.qui se prsente sous les dehors deraisonnements gomtriques. L'emploi des quantits finies que sont les limites derapports est appropri, par construction, l'tude de problmes locaux etinstantans, c'est--dire du mouvement en un point d'une trajectoire un instantdonn.

    C'est ainsi que, avec l'laboration de cette gomtrie des limites et desmouvements instantans, la causalit faisait son entre en physique, du moins telleque nous la connaissons depuis lors, diffrente de ses formes archaques et limite ce qu'en prescrivent les "rgles du raisonnement en philosophie" qui ouvrent lelivre I, savoir l'explication (mathmatique) des phnomnes : la causalit dans lesens diffrentiel, relative au rapport entre les tats de mouvement d'un corps deuxinstants successifs40.

    Il ne m'est pas possible de m'tendre ici sur les raisons pour lesquelleson ne trouve pas, dans les Principia, les quations du mouvement critesalgbriquement, en termes de fluxions, Newton n'ayant d'ailleurs trsprobablement pas eu recours, dans la grande majorit de ses dmonstrations, cecalcul, dont il n'avait pas matris toute la puissance, et dailleurs dapplicationdifficile (le calcul des fluxions est de maniement bien plus lourd que le calculdiffrentiel)41. Par ailleurs, sa conception des rapports entre la synthsegomtrique et l'analyse algbrique suffit sans doute rendre compte du privilgedonn au mode gomtrique de dmonstration choisi pour les Principia. Mais c'estune gomtrie "dynamique", imprgne par son concept de limite qui porte le tempsinstantan : cela suffit - par les rsultats acquis - en faire l'extrme nouveaut.

    38 D'Alembert [1743], ed. 1758, p. 50. Voir aussi ses articles "Diffrentiel" et "Fluxions" de

    l'Enclopdie. Lagrange [1797].39

    Newton [1687], ibid., p. 39 (soulign par moi, M.P.). 40

    Voir les riches rflexions d'Einstein sur ce sujet: Einstein [1927]. Cf. Paty [1987].41

    Voir Paty [1994].

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    Nouveaut qui comporte ses difficults conceptuelles propres : dans les Principiacomme dans le Trait des fluxions , Newton ne fait pas de diffrence entre les"moments" des grandeurs fluentes, c'est--dire leur accroissement ou diminutionabsolue (ce que nous dsignons par la diffrentielle, dA , suivant la notationleibnizienne) et les vitesses de ces changements, c'est--dire dA

    dt, prcisment parce

    qu'il ne dispose pas d'une conceptualisation relle de la diffrentielle de ce tempsinstantan (dt ): souvenons-nous, que, pour lui, le temps vrai est dure, fluxcontinu.

    Nous concluerons donc que le temps newtonien est la condition de lamathmatisation de la mcanique: celle-ci n'a t rendue possible que par la crationd'une grandeur temps adquate au problme de la loi du mouvement des corps et,de mme, d'une grandeur espace : la thorie du mouvement des corps de Newton apour notions lmentaires celles de point matriel et de temps instantan, qui neseront vraiment matrises qu'avec les concepts du calcul diffrentiel et intgral. Letemps et l'espace, qui sont lis dans cette conceptualisation du mouvement et danscette construction de sa loi, demeurent compltement spars l'un de l'autre. Ilsrestent aussi indpendants des phnomnes, dont ils constituent le cadre, commenous l'avons vu. Quoiqu'impensables sans les corps, ils ne sont pas affects pareux, comme le diagnostiquera d'Alembert42. Poussant, aprs Locke, la dissociationentre le cadre et les objets et phnomnes qui sy droulent, Kant y verra les formesa priori de la sensibilit qui conditionnent la possibilit de la connaissance de cesderniers43.

    Par ailleurs, il fallut un certain temps avant que le nouveau calculmathmatique ne soit appliqu de manire effective et systmatique la mcanique,et que les concepts physiques quil permettait dexprimer soient compltementmatriss - et explicits : le temps au moins de l'assimilation, c'est--dire de lacration des conditions intellectuelles et des habitudes mentales ncessaires.L'vidence ultrieure fait oublier les difficults et les ttonnements initiaux, quitmoignent pourtant combien cela n'tait pas acquis au dpart. En particulier, lareprsentation gomtrique des grandeurs de la mcanique, encore prsente commesupport de l'intuition chez un Euler ou chez un d'Alembert, saccompagnait duneimprcison sur le contenu exact des notions fondamentales telles que linstant,conduisant dailleurs certaines difficults ou ambiguts. Ce nest, en ralit,quavec la reprsentation totalement analytique, cest--dire algbrique, de laMcanique analytique de Lagrange, sans lappui de figures, que ladquationcomplte de la reprsentation des grandeurs fondamentales leur contenu physiqueet opratoire - pour le temps instantan, les t et dt du calcul diffrentiel - est obtenu :nous pensons, depuis lors, en physique, le temps instantan de cette seule manire.

    La physique se constitue ensuite thoriquement dans ses diversesbranches partir de la conceptualisation diffrentielle de l'espace et du temps, lie

    42 D'Alembert [1758, 1768].

    43 Kant [1786] et [1787].

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    par naissance aux problmes et aux grandeurs de la mcanique. Cest dailleurspourquoi les notions fondamentales que sont lespace et le temps se trouveront aucentre des questions poses la mcanique partir des dveloppements de laphysique, surtout la fin du dix-neuvime sicle et au dbut du vingtime,aboutissant la remise en chantier quen propose la thorie de la relativit.

    LE TEMPS DANS LA DEPENDANCEDES LOIS GENERALES DES PHENOMENES

    ET L'ESPACE-TEMPS DE LA RELATIVITE RESTREINTE

    La thorie de la relativit restreinte reprsente une nouvelle tape de laconceptualisation du temps, dont nous considrerons deux aspects importants. Lepremier touche aux circonstances de la reformulation, et la ncessit de cettedernire par-del toute contingence telle que le cheminement particulier de la pensed'un chercheur : les lments objectifs qui rendaient ncessaire une nouvelleconception du temps sont lisibles dans le travail de pense qui parvient l'tablir(celui d'Einstein dans sa contribution de 1905 "Sur l'lectrodynamique des corps enmouvement"44). Or ils correspondent une soumission du temps, dans la mesureo il est physique, et en jonction avec l'espace, certaines contraintes poses parles phnomnes, savoir, les deux principes de relativit et de constance de lavitesse de la lumire, caractristiques respectivement de l'ensemble des phnomnesde la mcanique et de l'lectromagntisme.

    Le second aspect qui nous retiendra concerne les particularits du tempsainsi reformul, qui comprennent la relativit de la simultanit, la transformationdu temps dans les rfrentiels en mouvement relatif, la dilatation du temps (et lesparadoxes du temps relativiste comme celui du voyageur de Langevin), le lienstructurel du temps et de l'espace (la vitesse de la lumire acqurant dsormais lasignification de constante de structure de l'espace-temps), la reprsentation dansl'espace-temps du cne de lumire et la causalit relativiste.

    Il est possible d'exprimer en quelques mots l'un des traits les plusfrappants du temps relatif l'espace ou encore du temps de l'espace-temps de larelativit restreinte : c'est, tout en gardant encore quelque chose d'un contenant(comme en mcanique newtonienne), mais travers la relation de structure del'espace-temps, d'tre construit en dpendance des lois gnrales des phnomnes,et de n'tre plus pensable comme simplement "mathmatique" et existant en soi.C'est ce que l'analyse des deux aspects que nous avons retenus va nous montrerclairement.

    On a souvent considr la reformulation de l'espace et du temps des

    44 Albert Einstein (1879-1955). Cf. Einstein [1905].

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 14

    thories de la relativit (restreinte et gnrale) - et surtout de la premire - comme sicette rforme avait t pense ab initio en examinant ces concepts en eux-mmes : lacritique de leur acception en mcanique et dans la physique classique aurait tmotive par une conception "positiviste" de la dfinition des grandeurs en physique,qui les soumet aux conditions de l'observation et de la mesure. Selon cetteinterprtation, l'espace et le temps einsteiniens seraient physiques parce qu'ilspeuvent tre mesurs. Au contraire, l'espace et le temps de la physique classique(rapports des grandeurs "absolues") serait idal et non physique. Mais c'est lune manire trs troite de caractriser ce qui est physique en gnral, comme deconcevoir la nature de l'espace et du temps en physique, aussi bien classique quecontemporaine.

    Si nous examinons les conditions effectives, du point de vuehistorique, de l'laboration de la thorie de la relativit (restreinte et gnrale), noussommes amens constater que le temps et l'espace, et leur intgration structuraleen forme d'espace-temps, ont t construits en relation aux phnomnes physiqueset en fonction de ceux-ci, mme si l'on peut encore les considrer jusqu' un certainpoint comme le cadre de la reprsentation de ces phnomnes (selon des modalitsdiffrentes pour les deux thories : nous y reviendrons). Ce qui se propose enpremier, ce sont les phnomnes - et non la mesure - : le temps et l'espace en termesdesquels nous reprsentons ces phnomnes sont construits de manire permettreune reprsentation adquate de ces derniers.

    Dans l'laboration par Einstein de la thorie de la relativit restreinte, lareformulation des concepts de temps et d'espace n'intervient qu' titre de solution,trouve en fin de parcours - et tardivement -, d'un problme physique sur lequel sarflexion s'tait exere depuis longtemps, savoir : la conciliation del'lectrodynamique de Maxwell et Lorentz45 avec le principe de relativit de lamcanique (qui concerne les mouvements d'inertie, c'est--dire uniformes etrectilignes). Le temps et l'espace sont premire vue absents de la formulation duproblme tel qu'Einstein le posait, et qui est en gros la suivante: la thorielectrodynamique de Maxwell et Lorentz doit tre modifie pour tre adapte auprincipe de relativit, puisque les phnomnes lectromagntiques et optiquesparaissent obir exactement ce principe.

    Cette exigence, Einstein la pensait, d'une certaine faon, dans lestermes d'une confrontation entre deux thories physiques, la mcanique etl'lectromagntisme. Au lieu de penser les rduire l'une l'autre (dans l'une oul'autre des directions penses alors, soit une rduction la mcanique, soit unerduction llectromagntisme), Einstein imagina de les reformuler l'une parl'autre, en prenant de chacune un caractre fondamental et universel dont la validitdevait transcender les dtails particuliers de ces thories et leurs limitations.

    De la mcanique, il retint le principe de relativit (vrifi par lesphnomnes, et formul explicitement au dix-septime sicle par Huygens) et en fitune proposition gnrale, dont la validit simpose au-del de la seule mcanique,

    45 James Clerk Maxwell (1831-1879), Hendrik-Antoon Lorentz [1853-1928).

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    ds lors que lon considre des mouvements. De l'lectromagntisme, il gardacomme une proprit thorique fondamentale la constance de la lumireindpendamment du mouvement de sa source, pilier de la thorie de Maxwell-Lorentz. Or ces deux principes, admis comme vrais chacun pour sa thoried'origine, apparaissaient incompatibles si on les considrait ensemble, et ceci bienque les phnomnes lectromagntiques respectent toujours la relativit desmouvement d'inertie (induction de Faraday pour un aimant et un conducteur enmouvement, absence d'anisotropie de la vitesse de la lumire en fonction dumouvement de la Terre). La raison de leur incompatibilit tait la prsence, dans laconception de la thorie lectromagntique, du rfrentiel privilgi de l'ther - li l'espace absolu -, support des champs lectrique et magntique et substratum desvibrations dans la propagation de la lumire et des ondes lectromantiques. Lesecond principe considr par Einstein (la constance de c) tait, selon la thorie deMaxwell-Lorentz, valide dans le seul systme de l'ther, ce qui tait contraire l'quivalence des systmes d'inertie, c'est--dire au principe de relativit.

    L'analyse de l'incompatibilit entre ces deux principes amena Einstein considrer la prsence implicite d'une troisime proposition: celle de l'additiongalilenne des vitesses (dans le cas considr, il sagit de la vitesse de la lumire etde celle du mouvement dentranement). Si on l'abandonnait, pour la remplacer parune addition ou composition des vitesses diffrente et qui soit conforme aux deuxprincipes choisis, ces derniers ne seraient plus, ds lors, incompatibles. Einsteintrouva la solution dans une redfinition de l'espace et du temps, et par consquentdes vitesses, telle que ces deux grandeurs respectent les deux principes. Cettereformulation se fondait sur les critiques de l'espace absolu faites par Ernst Mach etsur les remarques contre le caractre absolu du temps proposes par Mach, ainsique par Henri Poincar46. Mach et Poincar demandaient de considrer que cesconcepts nous sont connus par les proprits des corps et des phnomnesphysiques et ne doivent rien comporter qui chappe cette considration, moinsd'tre arbitraires.

    Einstein ne se contenta pas de la critique et formula une reconstructionde ces concepts en termes de leur signification physique, c'est--dire en termes decertaines proprits fondamentales des phnomnes physiques auxquels ils sontpotentiellement ou effectivement lis, du moins de celles dont leur dfinition mmeest directement tributaire, cest--dire les deux principes mentionns. La construction du temps physique et de l'espace en Relativit restreinteest essentiellement caractrise par la soumission de ces grandeurs, ds leurdfinition, au principe de relativit (expression des lois de la mcanique, et desphnomnes optiques, et lectromagntiques des corps en mouvement) et auprincipe de constance de la vitesse de la lumire (proprit fondamentale de lathorie lectromagntique de la lumire). Je ne reviendrai pas ici de maaniredtaille sur cette construction o intervient la considration des significationsphysiques (cest--dire des contenus, en termes de traits de phnomnes physiques)

    46 Ernst Mach (1838-1916), Henri Poincar [1854-1912).

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 16

    des grandeurs temps et espace, dabord considres pour un point et un instantdonns puis, dans un mme rfrentiel, en des lieux diffrents, ce qui oblige prendre en compte, pour lestimation des dures, la synchronisation des horloges,et enfin dans des rfrentiels en mouvement relatif.

    Deux traits caractrisent cette reconstruction : dune part, la significationphysique des coordonnes d'espace, des distances, est donne en termes de corpsrigides (qui constituent la base des conceptions de la gomtrie euclidienne) et celledu temps et de la dure, en termes d'horloges ; dautre part, ces grandeurs sontsoumises aux deux principes choisis, ds lors que l'on considre un mouvementrelatif des systmes de rfrence.

    Ces conditions de dfinition et de relations entre les coordonnesdespace et les temps ont pour consquence directe la critique de la simultanit,cest--dire que les jugements de simultanit entre des vnements ne sont pasabsolus mais relatifs au mouvement dentranement du systme de rfrence parrapport auquel ils sont ports. Plus gnralement, les formules de transformation(de Lorentz) pour les coordonnes despace et le temps dans des rfrentiels enmouvement (inertial) relatif peuvent tre directement dduites de la seuleformulation de ces conditions, et le caractre physique des grandeurs telles qu'ellesont t dfinies a pour corollaire le caractre physique des grandeurs transformes etdes relations obtenues qui les caractrisent, qui font apparatre des propritsindites comme la contraction des longueurs et la dilatation des dures. Cesproprits physiques de l'espace et du temps sont en vrit aussi bien lexpressiondes proprits spatio-temporelles des objets et des vnements physiques,impliques par linvariance des lois de la mcanique et de llectromagntisme sousles transformations de Lorentz, qui rsultent de cette nouvelle conception. En effet,si l'espace et le temps demeurent le cadre de la reprsentation des phnomnesphysiques, il s'agit dsormais d'un cadre construit sur mesure, c'est--dire enconformit certains caractres gnraux de ces phnomnes (rsums par les deuxprincipes mentionns).

    A ce stade de la rforme du temps et de l'espace par la thorie de larelativit restreinte, le temps et l'espace ont perdu leur caractre absolu, et en mmetemps leur indpendance mutuelle : ils sont relis entre eux travers l'espace-temps(formul par Minkowski sur la base des rsultats dEinstein et des travaux dePoincar47). Mais ce dernier reprend son compte, pour ainsi dire, le caractre decadre absolu pour les phnomnes quavaient auparavant lespace et le tempsspars. Le temps et l'espace sont encore le cadre des phnomnes sous les espcesde l'espace-temps. En effet, les objets physiques qui sont conus dans ce cadre etles phnomnes qui sy droulent ne l'affectent pas : la dynamique particulire(mcanique ou lectromagntique) des phnomnes et des proprits des corps oud'autres entits matrielles (comme les champs) le laisse indpendant delle, sans yinduire de modifications.

    47 Pour une tude comparativee entre les approches respectives dEinstein et de Poincar sur la

    relativit, voir Paty [1993].

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 17

    Si l'espace-temps de la Relativit restreinte, en tant que cadre, estindpendant de la dynamique particulire des phnomnes et des proprits descorps matriels, il reste que, par la manire dont il a t construit, il dpend decertaines proprits gnrales des phnomnes (le principe de relativit pour lessystmes d'inertie et de la constance de la vitesse de la lumire). Ce trait constitueda fait une rupture trs importante, et mme radicale, par rapport au temps et l'espace de la mcanique classique, dans la mesure o ces derniers n'taient pasdfinis en fonction de proprits - mme gnrales - de phnomnes : commeespace et temps absolus, ils taient dfinis en eux-mmes, sans rfrence aux corps,comme cadre suppos et ncessaire des phnomnes mcaniques48.

    Mais, ct de cette rupture, l'espace-temps de la Relativit restreintereprend certains caractres de la dfinition newtonienne de l'espace et du temps.Tout dabord, la continuit. Que ces grandeurs soient continues, cela tient ce que,mme si elles sont troitement mles, elles sont penses partir de l'espace et dutemps des corps, reprsents par des grandeurs diffrentielles. Dans ce sens, ellesse rattachent directement la construction mathmatise de la mcanique classique,et la forme de leur mathmatisation, celle du calcul diffrentiel, informe la maniredont leur contenu est pens, c'est--dire leur signification. Par ailleurs, la forme dela mtrique quatre dimensions est analogue celle de lespace de la gomtrieeuclidienne : lespace-temps de la Relativit restreinte est quasi-euclidien, etimplique une certaine rigidit, mme si celle-ci nest pas rapporte linvariancedes distances de la gomtrie euclidienne. Car la signification de la mtrique spatio-temporelle quatre dimensions49) est diffrente de la mtrique spatiale troisdimensions : elle est non-dfinie positive, et la signification des distances nestpas simplement gomtrique, mais spatio-temporelle.

    Toutes ces considrations amnent naturellement se poser la questionde la nature et des limites de cette rupture. Cette question renvoie l'tapeprcdente, de la construction du temps en physique classique, telle que nouslavons voque, ainsi qu l'tape suivante, celle du temps selon la relativitgnrale, qui accentue considrablement la soumission du temps aux phnomnes,comme nous allons le voir.

    48 Aux remarques prs que nous avons faites prcdemment sur la construction [mathmatique] du

    temps instantan et du point matriel par le calcul diffrentiel.49

    Indiquons que cest Henri Poincar que lon doit la formalisation du temps comme quatrimecoordonne imaginaire : cf. Poincar [1905], Paty [1993].

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 18

    LE TEMPS ET LA DYNAMIQUE DES PHENOMENES:L'ESPACE-TEMPS MATERIEL DE LA RELATIVITE GENERALE

    ET L'ECHELLE PHYSIQUE DU TEMPS DE LA COSMOLOGIE

    Abordons maintenant la construction de l'espace-temps de la Relativitgnrale et sa signification physique. Comme on le sait, la modification que larelativit gnrale fait subir aux concepts despace et de temps est encore plusradicale que la prcdente, puisque, cette fois-ci, lespace-temps nest plusconsidr comme indpendant des corps matriels quil contient. Sa structure nestplus immuable et elle est donne par la distribution de la masse-nergie des corps,cest--dire des champs de gravitation dont ces corps sont la source. Avec l'espace-temps matriel de la Relativit gnrale la dissociation entre le contenant et lecontenu se voit abolie, les proprits et la structure du premier se trouvant dpendredu second, cest--dire des objets matriels et des phnomnes physiques auxquelsils donnent lieu. Les phnomnes lis la gravitation ainsi quaux mouvementsacclrs de toutes sortes dterminent les proprits de lespace-temps, dont lastructure est donne en chaque point par la mtrique : celle-ci nest plus quasieuclidienne sauf, localement, dans le cas dun champ nul ou trs faible. Laquestion se pose mme de savoir ce que signifierait un espace-temps vide de toutchamp : rien, sans doute, ne permettrait de le dfinir. Je men tiendrai voquerrapidement quelques traits de la nouvelle conception, dabord dans lordre de lagense historique des ides - et des motivations qui y ont conduit -, ensuite enreprenant la question des significations et du contenu physique de ces grandeurs.

    Ici encore, comme avec la Relativit restreinte, ce ne sont pas enpremier lieu les concepts despace et de temps qui ont fait lobjet de la rflexiondEinstein, et leur nouvelle reconstruction nest apparue que comme la consquencencessaire - et, galement, comme la condition de la solution - dun problmephysique plus gnral : celui de la nature du champ de gravitation, pos ds 1907,deux ans aprs la Relativit restreinte. Pour le dire en quelques mots, ce problmeprsente un double aspect, directement issu dune rflexion sur les caractres et leslimites de la thorie de la relativit restreinte. Il se rapporte dune part uneinterrogation sur la nature de la masse dinertie des corps et sur la constatation deson galit avec la masse gravitationnelle (mI = mG )50, qui lamne noncer unprincipe d'quivalence entre un champ de gravitation homogne et un mouvementuniformment acclr (dont une image bien connue est lexprience de pense dunascenseur en chute libre, et quEinstein a lui-mme rsume par une remarquefrappante : si quelquun tombe en chute libre, il ne s'aperoit plus de son proprepoids"). (Cette quivalence est seulement locale, en un point despace-temps donn,et non pas globale, mais il ne le ralisera que plus tard). Lautre aspect concerne la

    50 Cette galit, constate par Newton, remonte en fait la loi de la chute des corps de Galile.

  • SUR L'HISTOIRE DU PROBLEME DU TEMPS : LE TEMPS PHYSIQUE ET LES PHENOMENES 19

    gnralisation du principe de relativit tous les mouvements et non plus celuidinertie seulement. Lexigence en est fonde sur une critique du privilge dessystmes d'inertie, dont la dfinition est tout prendre de caractre subjectif car ilsnexistent pas dans la nature : pourquoi, demande Einstein, la natureprivilgierait-elle les systmes dinertie, qui ne sont tels quen fonction dun choixde notre part ?

    Le problme de la Relativit gnrale, qui est donc en mme temps celuide la thorie du champ de gravitation, ne commence vraiment d'tre rsolu demanire thorique - dpassant les intuitions initiales - qu' partir de la critique, faitepar Einstein en 1912, de la signification physique des grandeurs d'espace et detemps telles que les considrent la mcanique et la Relativit restreinte. Ce n'est pasd'abord l'indpendance de l'espace-temps par rapport aux corps qui est questionne(elle sera la consquence de la rforme), mais un aspect de l'espace et du tempsclassiques que lespace-temps de la Relativit restreinte avait laiss sansmodification : leur signification physique directe partir de l'exprience des corps.Les coordonnes spatiales indiquent les positions dans lespace rapportes descorps rigides (des rgles units) et le temps est rapport des horloges invariables,cette rigidit et cette invariabilit ayant lieu quelle que soit la localisation.

    Or, cette conception de la signification physique des coordonnesdespace-temps devait tre abandonne si lon voulait rsoudre le problme duchamp de gravitation et de la relativit gnrale des mouvements, cest--dire deslois physiques pour les mouvements acclrs. Einstein fut amen ce nouveaustade de sa critique par la conjonction de plusieurs considrations dcisives, quifont suite celles constituant le programme raliser et formulant le problme rsoudre - la gnralisation du principe de relativit aux mouvements acclrsquelconques et le principe dquivalence.

    Lune delles fut un nouveau pas dans sa rflexion sur la nature del'inertie, qui le conduisit formuler un

    principe de la relativit de l'inertie, dont iltrouva linspiration dans la critique de lespace absolu newtonien effectue par ErnstMach51 (il le qualifia dailleurs galement de principe de Mach). Selon Mach,linertie ne peut tre dfinie par rapport l'espace absolu, mais seulement parrapport aux corps : elle est relative aux masses d'inertie des corps. Constatant par lecalcul que la masse d'un corps d'preuve situ au sein d'une sphre massivetournante varie (ce phnomne gravitationnel prsente un analogie avec l'inductionlectromagntique), Einstein y trouva matire raviver son intrt pour le principede Mach, quil transcrivit son usage en termes de champs, obtenant par l uneprise sur la signification physique de l'ide de covariance gnrale : l'invariance duchamp ne peut tre pose qu'en fonction des autres champs, et non en termes d'unrfrentiel spatial. Le problme fondamental lui apparut alors clairement commetant celui de la formulation de la covariance sous les transformations gnrales descoordonnes (un problme, ds lors, de nature essentiellement .mathmatique)

    Une autre considration importante pour le mettre sur la voie de la

    51 Cf. Mach [1883].

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    solution fut occasionne par la question, souleve en termes de paradoxe parEhrenfest52, et portant sur les proprits dune barre rigide situe sur un disquetournant. Le mouvement de rotation du disque peut tre reprsent chaque instantet en chaque point par un mouvement dinertie infinitsimal dans la direction de latangente : lapplication la barre dune srie de transformations de Lorentzamnerait conclure la dformation de celle-ci ds lors quelle est considredepuis le rfrentiel au repos. Certains y voyaient la preuve que les transformationsde Lorentz de la Relativit restreinte ne sont quapparentes et non relles ; dautresconsidraient que, puisquelles sont relles, il fallait en rendre compte par lesproprits dynamiques de la barre tournante. Einstein rsolut le problme en 1912,en reprenant sa conception de l'espace de rfrence, telle quil lavait mise enoeuvre dans son laboration de la thorie de la Relativit restreinte: les distancesconsidres pour le corps en mouvement sont bien modifies physiquement quandon lobserve depuis le rfrentiel au repos, mais les distances correspondantes deson espace de rfrence sont modifies en mme temps. La proprit estcinmatique et non dynamique : il en va de mme pour la barre en rotation, dontlespace de rfrence nest plus rigide, c'est--dire euclidien. Dailleurs, si lonapplique le raisonnement au disque lui-mme, la transformation entrane que lerapport de sa circonfrence son diamtre nest plus pi : le cercle nest pluseuclidien.

    A sa proccupation pour la question de la nature de linertie et sonsouci de la signification physique des distances (et des dures) li sa conceptionpropre dune gomtrie pratique ou physique, dont les grandeurs dsignentlespace physique des corps, Einstein ajouta dsormais, motiv par cesconsidrations, un intrt neuf pour laspect mathmatique de la formulation duproblme de la Relativit. Il saperut que la formalisation de lespace-temps quatre dimensions faite quelques annes plus tt par Minkowski pour la Relativitrestreinte et lutilisation du calcul diffrentiel absolu de Ricci et Levi-Civitta53,taient immdiatement adapts l'expression de la covariance gnrale, cest--dire la rsolution de son problme.

    Il lui fallait, dans un premier temps, admettre que les coordonnesd'espace et de temps perdent leur signification physique habituelle (en termes dedistances solides et de dunits de dure invariables), pour ntre que de simplesparamtres mathmatiques - pouvant tre aussi bien les coordonnes que desfonctions de celles-ci - servant reprsenter les mouvements et exprimer les loisde transformation. (Il est intressant de se souvenir, ici, de la dfinition quePoincar donnait de lobjet de la gomtrie : non pas lespace, mais les propritsdes groupes de dplacement des corps dans lespace). En quelque sorte, lescoordonnes d'espace-temps se voyaient ramenes, ce stade de la formulation duproblme, tre des varits au sens de Riemann. La suppression de tout lien lagomtrie euclidienne et l'ide de corps rigides les vouait exprimer une

    52 Paul Ehrenfest (1880-1933).

    53 Tullio Levi-Civitta (1873-1941) ; Gregorio Ricci-Curbacastro (1853-1925).

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    gomtrie quelconque. Cest ainsi que le problme physique de la covariancegnrale et du champ de gravitation se trouvait momentanment transform en unproblme de mathmatique. Le calcul diffrentiel absolu permettait de trouver leslois de transformation de covariance gnrale en termes de la structure mtrique delespace-temps, cest--dire des lments de distance invariants ds2 = gdx dx v .

    Les coefficients mtriques g , fonction des coordonnes despace-temps, donnaient le champ de gravitation en chaque point par lquation dEinstein,R 12 g R = T 54 laquelle ce dernier parvint la fin de lanne 1915, ds lorsen possession de la solution complte du problme de la Relativit gnrale. Enchaque point despace-temps, les grandeurs spatiales et temporelle, donnes par lavaleur du champ de gravitation - cest--dire de la mtrique en ce point - retrouventdsormais une signification physique, fournie par la thorie (la thorie relativiste duchamp de gravitation ainsi construite) : celle de distances et de dures soumises auchamp de gravitation en ce point. Deux des trois premires consquences physiquesdirectement testables de cette nouvelle conception du temps et de lespace issue de lathorie de la Relativit gnrale concernent directement les proprits physiques dutemps: lavance sculaire du prihlie de la plante Mercure (qui a trait sa priode)et le retard des horloges (dilatation des dures) dans un champ de gravitation, latroisime tant la courbure des rayons lumineux, qui exprime immdiatement uneproprit de lespace. (Mais cette distinction na rien dabsolu, puisque la grandeurfondamentale est lespace-temps). De nombreuses autres consquences les ontsuivies plus tard, comme lon sait.

    On voit comment le temps physique ainsi construit travers la thoriede la relativit gnrale est dtermin par les phnomnes (en loccurence, ceux lisau champ de gravitation), qui, pour ainsi dire, le dissuadent de couleruniformment, et comment ce contenant est marqu dans sa forme mme par soncontenu.

    Cet aboutissement dune volution de nos conceptions sur le temps, quirend de plus en plus explicite son caractre construit en rfrence aux phnomnesdu monde physique et la soumission de son contenu physique aux proprits de cesphnomnes, connat des prolongements plus marqus encore avec la cosmologiecontemporaine. Dans la phase de lhistoire de lUnivers o la matire se trouve dansdes tats qui relvent de la physique des particules lmentaires et des champsquantifis, les chelles de temps sont directement structures par les lois quigouvernent les champs dinteraction en jeu55. (Et lon ne sait plus, en de dutemps de Planck56, ce que le temps signifie physiquement, puisquon ignore tout

    54 Voir, p. ex., Einstein [1921]. R est le tenseur de Ricci, R la courbure scalaire, T le

    tenseur lnergie impulsion, une constante lie la constante de gravitation.55

    Sur la cosmologie contemporaine, voir, en particulier, Merleau-Ponty [1965], Andrillat [1993],Audouze, Musset, Paty [1990].56

    tP = 1043

    sec La distance correspondante est dP = 1019

    cm , et lnergie, ou masse dePlanck, mP = 10

    19GeV .

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    de la thorie qui correspond ce domaine de dimensions spatiales extrmementpetites et dnergies immenses, o la gravitation doit tre quantifie. A plus forteraison peut-on douter que la notion de temps zro de lUnivers ait un sens. Letemps nous est donn par les phnomnes physiques et par les thories qui lesreprsentent, et lon peut fort bien imaginer que, dans certaines conditionsphysiques comme celles des poques de lUnivers qui nous chappent, il ne soitmme plus une grandeur physique pertinente.)

    REMARQUES SUR LE TEMPS EN THERMODYNAMIQUE,SUR LA FLECHE ET SUR LE COURS DU TEMPS

    Nous navons pas abord, dans ce qui prcde, les problmes relis lathermodynamique et lirrversibilit, ni dailleurs ceux qui se rattachent laphysique quantique, notre propos stant limit montrer comment le temps enphysique, dans les domaines o il tait traditionnellement considr comme uncadre donn avant les phnomnes, par rapport auquel ces derniers se dfinissent etse dterminent, est en ralit conditionn par la pense de ces phnomnes. Cecisest effectu sous des formes diffrentes, au cours de lvolution de la physiquetelle que nous lavons suivie de la mcanique classique la Relativit restreinte etgnrale, dune pense dun temps universel et uniforme mais cependant formulphysiquement en fonction de la ncessit dexprimer la loi des phnomnes (tempsinstantan et diffrentiel) une pense du temps structur par les phnomnesphysiques eux-mmes.

    Dans cette volution, nous voyons le temps prendre une certaineconsistance matrielle, dont il semblait dpourvu avec la conception du tempsabsolu et mathmatique de Newton. Le fait que ce soient les phnomnes quigouvernent les proprits du temps et non linverse amne donc retrouver dans letemps physique une certaine paisseur ou consistance - mais qui nest quand mmepas celle de lhistoire vcue dont nous parlions en commenant, sinon, et dans uncertain sens, le temps de la cosmologie.

    Cette consistance se marque dune manire gnrale dans la naturemme des phnomnes que la physique tudie, si lon considre le temps commeune grandeur une dimension57, selon trois modes diffrents : celui du cours dutemps, li la causalit et la propagation vitesse finie des interactions, celui dutemps irrversible de la thermodynamique, enfin et peut-tre surtout celui du tempsde l'Univers et de la flche cosmologique.

    Le cours du temps, du pass vers le futur, avait t postul au dpart,par exemple quand Aristote dfinissait le temps comme "le nombre du mouvement

    57 Tout en tant li lespace et la matire, le temps garde sa spcificit en tant que grandeur.

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    en rapport l'avant et l'aprs". Mais luniformit du temps et la parfaite symtrieentre le pass et le futur supposes par la mcanique classique impliquaient larversibilit des lois du mouvement : cet tat de chose demeure dailleurs encoreavec la Relativit gnrale. La rversibilit nentrane aucune consquence sur lecours du temps, qui est conu par dfinition du pass vers le futur. Toutefois, si lesprocessus physiques sont rversibles, il est possible en principe de concevoir dessquences de processus inverses de celles ordinairement considres, tout en tantdue une mme loi de causalit : il suffit dinverser les conditions initiales etfinales. Lexprience vcue de tels phnomnes, si elle tait possible, donneraitlimpression de remonter en arrire dans le temps (prouvant lexprience dunesquence inverse des phnomnes).

    Cette exprience est impossible, et on lattribue en gnral lentremisede la thermodynamique et de lirrversibilit qui en rsulte : les phnomnes quelon peut exprimenter sont toujours des phnomnes macroscopiques et fontintervenir invitablement lirrversibilit de la physique statistique, rsultant du rleque jouent les distributions de probabilits.

    La notion de cours du temps reste cependant distincte de celledirrversibilit. Il existe, en effet, dans la physique des processus rversibles, quine font pas intervenir la physique statistique et la thermodynamique, desphnomnes o le cours du temps semble se manifester de manire objective, au-del du seul choix de sa dfinition. Les phnomnes lectromagntiques, tels que lathorie de Maxwell les reprsente et les explique, ne font connatre que des ondesretardes, et non des ondes avances, qui seraient pourtant mathmatiquementpossibles, de mme qu'en mcanique les trajectoires pourraient tre remontes contre-courant du temps pour une mme quation. Les phnomnes semblent doncimposer ici comme naturel ce qui ne dpendait jusqu'alors que d'un choix dedfinition. Cette diffrence entre la mcanique et l'lectromagntisme, o le secondimpose d'un point de vue phnomnal ce que la premire admettait seulement pourrester cohrente avec ses dfinitions, tient au facteur dsormais essentiel queconstitue la valeur finie de la vitesse de propagation des interactionslectromagntiques, celle de la lumire. La relativit restreinte le justifie par lastructure de l'espace-temps et les proprits du cne de lumire, rendant ainsicompte, par une conception plus prcise de la causalit, du sens unique du cours dutemps. La direction du cours du temps est immuable, mais la succession desphnomnes de la mcanique et de la relativit ainsi que, jusqu' nouvel ordre, de laphysique quantique58, est rversible.

    Quant lirrversibilit elle-mme, qui est une irrversibilit dephnomnes (macroscopiques) - bien quelle soit gnralement appeleirrversibilit du temps -, elle pose dautres problmes fondamentaux quil nestpas possible daborder ici. Notons cependant que lexpression mme est

    58 Il existe une violation de la symtrie temporelle dans certains processus dinteraction faible, qui

    semble dailleurs jouer un grand rle pour la constitution primordiale de la matire de lunivers(suppression de lantimatire).

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    significative de ce que lon rapporte implicitement le temps aux phnomnes, mmesi la conception affirme par ailleurs est celle dun temps considr en lui-mme.Quand on dit que la thermodynamique montre le temps comme irrversible, il fautlentendre de la manire suivante : au niveau macroscopique, l'on ne voit pas, aucours du temps, s'inverser les chanes d'vnements successifs (le cours du temps,paramtre du droulement de ces processus restant par ailleurs, selon sa dfinition,le mme). En d'autres termes, le film de la ralit ne se droule pas en marchearrire : nous ne rajeunissons pas en droulant le cours du temps.

    Quant l'tude de l'volution de l'Univers, elle semble justifier uneflche cosmique du temps, dtermine par la dynamique de la matire du cosmos etpar l'unicit des conditions initiales. Pour conclure, nous dirons que la physique nous oblige remettre enquestion lide que le temps et l'espace seraient le contenant ou la forme desphnomnes. Quant au contenant, elle abolit sa sparation davec le contenu, dansla mesure o l'un interagit sur l'autre : le temps et l'espace sont indissociables de lamatire, la cinmatique est indissociable de la dynamique. Quant la forme, elleinverse, pour ainsi dire, lordre de la relation : ce qui dfinit, conditionne etdtermine le temps et l'espace, ce sont les phnomnes physiques.

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