PASSAGE ET LANGAGE || La «langue Françoise» dans "À la recherche du temps perdu" de Marcel...

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Armand Colin La «langue Françoise» dans "À la recherche du temps perdu" de Marcel Proust Author(s): Sylvie Pierron Source: Littérature, No. 116, PASSAGE ET LANGAGE (DÉCEMBRE 1999), pp. 47-58 Published by: Armand Colin Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41704743 . Accessed: 15/06/2014 19:50 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Armand Colin is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Littérature. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.77.82 on Sun, 15 Jun 2014 19:50:46 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Armand Colin

La «langue Françoise» dans "À la recherche du temps perdu" de Marcel ProustAuthor(s): Sylvie PierronSource: Littérature, No. 116, PASSAGE ET LANGAGE (DÉCEMBRE 1999), pp. 47-58Published by: Armand ColinStable URL: http://www.jstor.org/stable/41704743 .

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■ SYLVIE PIERRON, UNIVERSITÉ PARIS 8

La «langue Françoise»

dans À la recherche

du temps perdu

de Marcel Proust

Les un Françoise

idiolecte

quelques se composite sont travaux

attachés, jusqu'alors

et pittoresque non sans

consacrés

qui raison,

donnerait à au son

personnage

au langage

personnage (1),

de à Françoise se sont attachés, non sans raison, à son langage (1), à

un idiolecte composite et pittoresque qui donnerait au personnage populaire de premier plan qu'est Françoise, toute sa «saveur». De manière assez évidente, Françoise ne doit son existence et sa forte caractérisation qu'à sa parole. Mais les études, parfois fort détaillées comme celles de Georges Straka, du vocabulaire de Françoise ne ten- dent à notre sens qu'à confirmer, sans l'analyser pour lui-même, l'abon- dant commentaire métalinguistique du narrateur. Ce commentaire semble en effet indissociable de la parole de Françoise en tant qu'il la relève et la révèle (et parfois même il l'invente et la pastiche). Aussi les commentateurs, linguistes pour la plupart, n'ignorent-ils pas cette «sen- sibilité linguistique» même s'ils placent au même plan que leur propre commentaire métalinguistique celui du narrateur, confondant, en un même talent de linguiste amateur, le narrateur et l'auteur.

Ce sont des données vivantes, fournies par l'expérience vécue ou imagi- née [...] ; données cependant accompagnées de commentaires, d'hypo- thèses et d'explications [...] de sorte que psychologues et linguistes professionnels peuvent voir en Proust plus qu'un pourvoyeur d'exemples et de cas, presque un confrère. (2)

Nous avons choisi pour notre part de replacer les avis éclairés du narrateur à leur juste place, dans la fiction, ce qui nous a permis d'inter- roger leurs rapports avec le langage de Françoise et leur rôle - par le biais d'une intertextualité certaine avec les théories de la langue - dans la création de ce que nous appellerons finalement une illusion d'idiolecte .

1 Jacques Chaurand, «Quelques réflexions sur le vocabulaire de Françoise dans l'œuvre de Proust», Cahiers de lexicologie, n° 39, 1981; Georges Straka, «"Allons, aboutonnez voir votre manteau et filons" : commentaire», Cahiers de linguistique de Louvain , 1984, n° IX, p. 247-274 et «La langue de Françoise dans À la recherche du temps perdu de Marcel Proust», in Lorraine vivante : hommage à Jean Lanher, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1993; et pour partie Robert Le Bidois, «Le Langage parlé des personnages de Proust», Le Français moderne , n° 3, juin-juillet 1939; André Ferré «Marcel Proust et la linguistique», Vie et langage, nos 157 et 158. avril et mai 1965. 2 André Ferré, «Marcel Proust et la linguistique», op. cit., n° 157, p. 182.

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■ PASSAGE ET LANGAGE

Autant que les éléments constitutifs du langage de Françoise, sa genèse, sa fonction, c'est la construction de cette illusion qui intéresse notre étude, dont nous livrons ici un élément d'analyse.

Dans À la recherche du temps perdu , la rencontre du moindre per- sonnage permet au héros-narrateur des commentaires linguistiques. Prenons Madame Poussin, objet d'une trentaine de lignes (3) : alors qu'elle salue «de loin» la mère du héros sur la plage de Balbec, le nar- rateur qualifie le personnage en trois anecdotes dont deux concernent son langage («Tu m'en diras des nouvelles»). Ainsi l'on voit se déve- lopper dans l'ensemble de la Recherche et, «rebondissant» d'un person- nage à l'autre, à l'occasion des rencontres les plus insignifiantes que fait le héros, un discours sur la langue, plus particulièrement même sur «la langue française» (4). Françoise, loin d'être un personnage de second plan, est dotée, pour le plus grand plaisir du lecteur, d'une forte caracté- risation langagière, objet pour le narrateur d'un commentaire suivi, qui évolue selon les «âges» du héros. Or ce commentaire s'appuie sur un thème récurrent - au point d'en devenir le «motif» de Françoise - : le «Génie de la langue».

Le génie linguistique à ré tat vivant, l'avenir et le passé du français voilà ce qui eût dû m' intéresser dans les fautes de Françoise (5).

Génie linguistique, génie populaire... qu'il s'agisse de ses fautes ou de sa «vieille langue», le langage de Françoise est toujours lié au «Génie» ou à l'un de ses attributs traditionnels, pureté, clarté, harmo- nie, référence au «grands auteurs» (entendons ceux du XVIIe siècle).

ces lèvres sur lesquelles j'avais vu fleurir le français le plus pur (6).

Nous sommes extrêmement redevable à l'ouvrage d'Henri Meschonnic, De la langue française : essai sur une clarté obscure , dont le but est d'éclairer ce génie là : «Le génie de la langue , la clarté fran- çaise , il s'agit de comprendre de quoi cette histoire est faite, et com- ment, vérité, unité, totalité, et mobilisatrice - l'exacte définition d'un mythe - , s'en défaire» (7). Henri Meschonnic semble bien le premier à s'intéresser, après quatre siècle d'activité du mythe, au génie de la langue de l'extérieur et non comme une vérité établie.

«De la langue française. Vous entendez le mot qui manque : il manque le génie. Ce manque est à entendre. Il emplit tout discours sur

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3 Toutes les références à La Recherche du temps perdu sont données dans l'édition dirigée par J.-Y. Tadié, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 1987-1989. Sodome et Gomorrhe , III, 168. 4 Mme Poussin «faisait subir des adoucissements aux mots et aux noms mêmes de la langue française», ibid. 5 Sodome et Gomorrhe , III, 134. 6 Le Temps retrouvé, IV, 329. 7 Henri Meschonnic, De la langue française : Essai sur une clarté obscure , Hachette, 1996, p. 20.

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LA « LANGUE FRANÇOISE » DE MARCEL PROUST ■

la langue. C'est de lui qu'il s'agit tout au long. Il s'agit de la langue française. C'est justement pourquoi ce mot n'y est pas. Parce qu'il dit tant de choses à la fois, et depuis si longtemps, qu'il empêche d'y voir clair. » (s)

C'est à sa suite que nous avons voulu interroger les commentaires du narrateur sur le langage de Françoise («comme la langue française elle-même»... (9)), sur ses évidences et sur ce qu'elles masquent.

Notre étude a fait apparaître, mais nous n'en traiterons pas ici, une grande parenté de construction entre le mythe du génie et ce que nous appellerons le mythe de Saint-André-des-Champs, par la communauté de leurs attributs, que seule l'illustration - «grand siècle» pour le génie, médiévale pour Saint-André - distingue. Ces deux motifs qui accompagnent le personnage de Françoise, en alternance le plus sou- vent, sont bâtis sur le même «patron» (patron de coupe et Saint patron). L'un n'est pas moins mythique que l'autre mais Saint-André est un mythe proustien, une «expansion mythique» (10) intérieure tandis que le Génie est un mythe existant. Le fort enracinement du second dans la culture française conforte sans doute l'édification proustienne, comme Sarah Bernhardt soutient la Berma et Whistler, Elstir. Le motif du Génie est beaucoup plus diffus que celui de Saint-André. Il n'est pas aussi souvent désigné que l'église champêtre qui contient et résume l'illustration médiévale. S'il n'a pas de «corps», il circule pourtant dans les commentaires du narrateur à travers ses attributs les plus courants et son illustration «Grand Siècle».

Comme la vitrine d'un musée régional l'est par ces curieux ouvrages que les paysannes exécutent et passementent encore dans certaines provinces, notre appartement parisien était décoré par les paroles de Françoise inspi- rées d'un sentiment traditionnel et local et qui obéissaient à des règles très anciennes. (11)

L'insistance de Proust à fonder le personnage de Françoise sur le vrai et le naturel du terroir, sur le génie de la chrétienté et les antiques superstitions, fait résonner la corde mythique mieux que s'il eût construit un langage plus homogène (12) mais sans doute trop archétypal.

Ce qui ressort de la composition du langage de Françoise, ce sont d'abord «les affinités anciennes et mystérieuses entre notre langage

8 Ibid, p. 19. 9 Le Cote de Guermantes /, II, 323. 10 L'expression est d'Anne Henry, à propos d'une théorie d'Émile Mâle que nous reprenons pour la partie de notre étude qui concerne Saint-André-des-ChamDS. 11 Le Côté de Guermantes /, II, 363. 12 Nous nous référons à une étude de Georges Straka (1993), pour ce qui est de l'hétérogénéité lexi- cale. «En créant ce savoureux parler, Proust a très bien saisi le mélange de ces éléments constituant tout français régional».

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■ PASSAGE ET LANGAGE

maternel et notre sensibilité» (13). Invraisemblable, inexplicable mystère en effet que l'association sous le bonnet de domestique et de paysanne, d'une pensée médiévale et d'expressions «grand siècle» conservées sans mélange par la pureté du terroir puis corrompues par le siècle. Le mystère réside dans une alchimie idéologique qui mêle «le bon sauvage» et «l'origine des langues» de Rousseau, passés au tamis des romans champêtres de George Sand avec un soupçon de retour au régio- nalisme de Barrés ; le tout agrémenté de Mélanges de linguistique et de mythologie (14), de «pensée primitive» qui construit selon Bréal des légendes à partir d'un Nom propre et selon Mâle (15) des légendes à partir d'images (et réciproquement); et d'une double plongée vers le passé, imitée de Littré qui d'un côté traduit un passage d'Homère en langue du XIIIe siècle parce qu'elle lui semble mieux correspondre à l'esprit du texte épique, et de l'autre alimente son dictionnaire de cita- tions du XVIIe siècle littéraire, pour la plus grande part.

Le Génie de la langue française est une idée reçue particulière- ment active au XIXe siècle (plus encore après la défaite de Sedan). Les lexicographes, les historiens de la langue, les philologues et jusqu'aux linguistes, contemporains de Proust, comme son cousin Bréal (16), n'ont pas échappé à l'emprise du mythe qui transparaît dans leurs travaux sur le langage ou sur la littérature. En ce siècle des dictionnaires, ces monuments du savoir sont explicitement érigés en l'honneur du Génie français.

nous nous sommes imposé la loi de ne puiser nos citations qu'aux sources les plus pures du génie, du sentiment et de l'esprit français (17).

Celui qui en restera le symbole n'est pas le dictionnaire de Poitevin, non plus que celui de l'Académie Française, mais «le Littré» :

Car Littré a plus fait un dictionnaire de la littérature qu'un dictionnaire de la langue. Mais en élevant ce monument «non à la France politique et à sa puissance, mais à la France littéraire et à son génie » (Préface, p. LVI), il a fondu les deux en un. Il a écrit un dictionnaire du génie de la langue française. (18)

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13 «Contre l'obscurité», Essais et articles, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 1971, p. 390 (publié dans La Revue blanche , le 15 Juillet 1896). 14 De Michel Biéal. 15 Émile Mâle, spécialiste de l'iconographie médiévale auquel Proust s'est beaucoup référé pour «construire» ses églises. 16 Michel Bréal, «Qu'est-ce que la pureté de la langue?», in Mélanges de mythologie et de linguis- tique, Paris, Hachette, 1877. 17 Cité par Michel de Glatigny, «Le rôle de la littérature dans la pratique lexicographique de Littré», in «Dictionnaires et littérature, littérature et dictionnaires», Lexique , n° 12-13, 1995, p. 79. 18 Henri Meschonnic, Des mots et des mondes, Hatier, 1991 (Brèves Littérature).

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LA « LANGUE FRANÇOISE » DE MARCEL PROUST ■

Nous pensons que la mise en scène du Génie de la langue française dans la Recherche doit autant à Littré que les églises doivent à Mâle. Proust prête à son narrateur la méthode du parfait lexicographe : obser- vation, relevés, prononciation, définition, acceptions, exemplification.

«Mais on peut bien dire que c'est un vrai feignant que cet Antoine, et son "Antoinesse" ne vaut pas mieux que lui», ajoutait Françoise qui, pour trouver au nom d'Antoine un féminin qui désignât la femme du maître d'hôtel, avait sans doute dans sa création grammaticale un inconscient ressouvenir de chanoine et chanoinesse. Elle ne parlait pas mal en cela. Il existe encore près de Notre-Dame une rue appelée rue Chanoinesse, nom qui lui avait été donné (parce qu'elle n'était habitée que par des cha- noines) par ces Français de jadis, dont Françoise était, en réalité, la contemporaine. On avait d'ailleurs, immédiatement après, un nouvel exemple de cette manière de former les féminins, car Françoise ajoutait : «Mais sûr et certain que c'est à la duchesse qu'est le château de Guermantes. Et c'est elle dans le pays qu'est madame la mairesse». (19)

Comme le Dictionnaire de la langue française, le fonds citationnel le plus productif de la Recherche est, de manière ostentatoire, le XVIIe siècle, moment que le mythe du Génie considère comme le point de per- fection de la langue française.

Pour le narrateur, Françoise parle comme Saint-Simon, Pascal, La Bruyère, Racine, écrivent. C'est toujours avec l'écrit du «Grand Siècle» que le narrateur met en rapport ses dires. Ils sont associés à des «mémoires», des «pensées», des «caractères» (genres appuyés à la fois sur la conversation et l'écrit, sur le social et le littéraire, sur le «réel» et la fiction). Ce rapprochement est fondé sur la confusion (constitutive du Génie) entre langue et littérature, l'exemple des «grands auteurs» (la création individuelle) fondant la «pureté» lexicale. Les commentaires du narrateur passent, en les confondant, de la théorie linguistique à l'idéalisation du français, de même qu'ils «balancent» entre la référence littéraire (la création consciente) et la tradition populaire (la création spontanée).

La langue de Françoise se situe plutôt du côté de l'idéalisation du français mais non pas de la création spontanée, de part les associations littéraires classiques qu'on a soulignées : «ce beau français un peu indi- viduel». La parole du roman entre donc explicitement dans le champ de l'écrit, tout en gardant le souci de vraisemblance. Et le personnage populaire de premier plan qu'est Françoise, par sa proximité avec le héros, entre dans un champ référentiel savant.

L'attachement au personnage de Françoise du motif du Génie rend moins étonnant les rapprochements constants qu'opère le narrateur entre

19 Le Côté de Guermantes /, II, 323.

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■ PASSAGE ET LANGAGE

son langage et les tournures «grand-siècle» (20). Pour Bloch, comme pour la grand-mère, voire pour les Cambremer, réputés lecteurs, nous pouvons interpréter les emprunts à la littérature classique comme pra- tiques citationnelles. Pour Françoise, il faut un passage par le mythe du Génie de la langue, pour que ces rapprochements paraissent «naturels».

[Le] jeu qui consiste à creuser les écarts (entre le parler de Françoise et l'équivalent chez les classiques [...]) et en même temps à rapprocher les extrêmes (qu'il s'agisse des époques, des classes sociales, des niveaux de culture). Ce jeu ne parait au lecteur nullement gratuit, car il connaît l'en- racinement de Françoise dans une tradition française, très ancienne et très pure, qui se manifeste dans son parler, proche parfois de celui d'une aris- tocratie elle aussi conservatrice dans le domaine langagier. (21)

Comment ne pas voir dans «l'enracinement», «la tradition... très pure» les attributs du Génie :

notre langue, cette vieille langue française si merveilleusement apte aux évolutions et aux rajeunissements. Notre génie national ? (22)

Il faut être bercé dans le Génie, de Mâle, de Littré, de Bréal... pour que cette fiction proustienne d'un parler de servante ancien, pur, presque aristocratique paraisse «au lecteur» vraisemblable. Et c'est toute la fonction du Génie, en tant que croyance partagée, valeur consensuelle, que de laisser agir la puissance interprétative du lecteur.

Je me propose de montrer qu'il est dans la nature du langage d'exprimer nos idées d'une façon très incomplète [...] et qu'en réalité nous suppléons les rapports que nous croyons qu'il exprime. J'ajoute que c'est parce que le langage laisse une part énorme au sous-entendu, qu'il est capable de se prêter au progrès de la pensée humaine. (23)

Eu égard à l'alliance affirmée de Françoise avec le Génie, on est surpris du peu d'exemples d'apparentement de ses expressions avec les grands auteurs classiques, quatre cas en fait :

«Il ne vous fait même pas réponse quand on lui cause», ajoutait Françoise qui disait « faire réponse », comme Mme de Sévigné (24)

(Françoise employait le verbe «plaindre» dans le même sens que fait la Bruyère.) (25)

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20 Un « rapide survol du domaine intertextuel fait apparaître que le fonds le plus productif est consti- tué par les œuvres du XVIIe siècle [...] en la personne de Françoise et de Bloch». Annick Bouillaguet, Marcel Proust : le jeu intertextuel, Paris, Éd. du Titre, 1990, p. 13. 21 Ibid., p. 14. 22 Antoine Albalat, Le mal d'écrire et le roman contemporain, Paris, Flammarion, 1895. 23 Michel Bréal, «Les idées latentes du langage», in Mélanges de mythologie et de linguistique , Pans, Hachette, 1877, p. 300-301. 24 Le Côté de Guermantes /, II, 323. 25 Ibid , p. 326.

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LA « LANGUE FRANÇOISE » DE MARCEL PROUST ■

Elle n'aimait pas cela, elle disait que je «balançais» toujours car elle usait, quand elle ne voulait pas rivaliser avec les modernes, du langage de Saint-Simon. (26)

Françoise [...] en proie à un mal qu'elle appelait elle-même l'ennui, l'en- nui dans ce sens énergique qu'il a chez Corneille. (27)

Pour chaque exemple, l'écart entre la tournure grand-siècle et son contexte d'emploi, comme le souligne Annick Bouillaguet, est toujours important. «Faire réponse» est encadré par «C'est lui qu'aurait pu m'en dire» et «c'est pas un homme courageux», dont les contractions et sup- pressions de négation ne sont pas représentatives du «beau langage» de Françoise. Quant à «balancer», il intervient après : «Françoise [...] disait que j'étais dingo. »

Deux attitudes de Françoise entrent en comparaison avec de grands auteurs, mais il ne s'agit pas de souligner sa «vieille langue».

L'une avec un jeu de scène chez Racine :

«Les personnes flatteuses savent se faire bien venir et ramasser les pépettes; mais patience, le Bon Dieu les punit tout par un beau jour», disait-elle avec le regard latéral et l'insinuation de Joas pensant exclusive- ment à Athalie quand il dit : Le bonheur des méchants comme un torrent s ' écoule . (28)

L'autre avec Pascal :

«C'est une grande famille que les Guermantes!» ajoutait-elle avec res- pect, fondant la grandeur de cette famille à la fois sur le nombre de ses membres et l'éclat de son illustration, comme Pascal, la vérité de la reli- gion sur la raison et l'autorité des Écritures. (29)

On est finalement surpris du peu d'attestations de ce qui paraît pour le narrateur un caractère essentiel du langage de Françoise. C'est sans doute que le Génie infuse et que l'appartenance d'autres tournures à la littérature du XVIIe siècle semble au lecteur aller de soi. Ainsi, Françoise n'aurait pas accepté qu'on nous «manquât» (30), «il aurait mieux valu me la laisser ôter plutôt que non pas la gâter ainsi» (31), «il lui a bien aidé», «si les lapins ne crient pas autant comme les poulets» (32).

Le parfum de «vieille langue» n'induit-il pas la présence cachée d'un grand auteur?

Tendresse dangereuse autant comme importune. (33)

26 Ibid, p. 368. 27 Ibid, p. 3 19. 28 Du côté de chez Swann, I, 107. 29 Le Côté de Guermantes I, II, 323. 30 Ibid, p. 617. 31 Sodome et Gomorrhe , III, 127. Nous soulignons. 32 À l'ombre des jeunes filles en fleurs, I, 475. Nous soulignons. 33 Corneille, cité dans le Complément à la Préface du Dictionnaire de la langue française de Littré, Hachette, 1863.

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■ PASSAGE ET LANGAGE

Ce parfum, il a suffi à Proust pour le suggérer de l'appui de quatre auteurs, de quelques considérations sur la pureté du vocabulaire de Françoise, sur le Génie populaire, sur les sources villageoises. L'imprégnation culturelle du lecteur fait le reste.

De même qu'une allusion suffit souvent pour éveiller en nous un monde de sentiments et de souvenirs, le langage n'a pas toujours besoin de nous détailler les rapports qu'il veut nous faire entendre : la seule pente du dis- cours nous fait arriver où l'intelligence ď autrui veut nous conduire. (34)

La présence du Génie ne se résume pas dans la Recherche à son illustration «Grand Siècle». Le mythe du Génie de la langue française se construit selon deux axes d'opposition, opposition politique (la France et les autres) et opposition sociale (l'élite et les autres). D'emblée et pour de nombreux siècles, le beau français est témoin et garant d'une «distinction» sociale. Partant, le mythe qui lui attribue excellence, perfection, harmonie, pureté, codifie non seulement la manière de s'exprimer mais également les conditions d'usage du «beau langage». Il se manifeste dans la conversation , et dans la littérature officielle, l'une valant par l'autre. Ce sont des qualités littéraires (érudi- tion, génie) que l'on recherche dans la conversation et des qualités mon- daines (grâce, élégance) dans la littérature. Entre ces deux termes s'épanouit le Génie français.

Dans la Recherche , Proust met en scène cette distinction sociale d'une manière particulièrement originale, en faisant se rejoindre dans un même Génie deux extrêmes, la domesticité et l'aristocratie :

on retrouve le vieux langage et la vraie prononciation des mots avec une Mme de Guermantes ou une Françoise. (35)

ou plus exactement, selon 1'« imagination moyenâgeuse» de son narra- teur, la paysanne et la duchesse, issues du creuset commun, Combray. Ainsi, les éléments donnés dans le roman ne contredisent ni à la concep- tion conservatrice de la langue, ni à la conception romantique.

Pour les romantiques, la communauté de qualité n'est pas une élite mais le peuple. Le «génie» de ce peuple est à la mesure du «génie» de sa langue, qui en est 1'« expression». [...] Là où Vaugelas enregistre des usages, débat de «cas», les romantiques s'efforcent de ressaisir les principes caractéristiques d'une totalité organique, son «esprit», son «génie». (36)

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34 Michel Bréal, « Les idées latentes du langage », in Mélanges de mythologie et de linguistique , Paris, Hachette, 1877, p. 312. 35 La Prisonnière, III, 544. 36 Dominique Maingueneau, «Qualité de la langue et littérature», in Jean-Michel Eloy (dir.), La qua- lité de la langue ? : le cas du français , Actes du Symposium, Paris, Sorbonne, 5 et 6 Avril 1993, Paris, Champion, «Politique linguistique», 1995, p. 39.

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LA « LANGUE FRANÇOISE » DE MARCEL PROUST ■

Bien que le narrateur semble surtout «enregistre(r) des usages» (cette attitude envers le langage qui fait admettre Proust comme un amateur éclairé en matière linguistique (37)), il tend aussi en créant des liens fictifs, imaginaires, voire mythiques entre des fragments dissem- blables à «ressaisir» comme les romantiques, un sentiment d'unité, de totalité.

Le «lien» qu'établit le narrateur entre Françoise et les Guermantes passe par l'origine commune : Combray. Mais l'unité n'est qu'origi- nelle : tronc commun qui suppose des branches, des subdivisions. Pour ce qui concerne le langage de Françoise et celui d'Oriane, si le premier n'atteste que du Génie, le second, les conversations mondaines de la duchesse, attestent aussi de «l'esprit français», c'est-à-dire qu'elles conservent le «tour» mais que visant à un «effet» sur leur auditoire, elles sacrifient à la facilité, à la mode. Elles perdent leur naturel , d'au- tant que la duchesse «cultive son terroir» avec un certain snobisme.

Toute la sève locale qu'il y a dans les grandes familles aristocratiques ne suffit pas, il faut qu'il y naisse un esprit assez intelligent pour ne pas la dédaigner, pour ne pas l'effacer sous le vernis mondain. (38)

Les paroles d'Oriane sont des mots d'esprit , sauf si elles retour- nent à la source.

Mme de Guermantes, malheureusement spirituelle et Parisienne et qui, quand je la connus, ne gardait plus de son terroir que l'accent, avait, du moins, quand elle voulait peindre sa vie de jeune fille, trouvé pour son langage (entre ce qui eût semblé trop involontairement provincial ou, au contraire artificiellement lettré) un de ces compromis qui font l'agrément de la Petite Fadette de George Sand. (39)

George Sand (dont Proust a souligné l'importance en plaçant son François le Champi à la fin de deux scènes essentielles de la Recherche : la scène du baiser, première victoire de la sensibilité du héros sur les principes d'éducation de ses parents, et la révélation de la vocation littéraire dans la bibliothèque des Guermantes) est effective- ment l'exemple, dans ses romans champêtres, de la recherche de ce moyen terme entre le rustique et le lettré, le «gros françois» et le «bel françois » (40) qui fait le fond du mythe du Génie depuis le Moyen Âge.

Ce n'est pas le moindre paradoxe pourtant que la valeur «naturelle» attribuée à Françoise repose sur le type littéraire classique tandis que la valeur «cultivée» d'Oriane s'appuie sur le roman cham- pêtre du XIXe siècle. 37 Gérard Genette, par exemple, in «Proust et le langage indirect», Figures II, Seuil, 1969, p. 232, évoque la «sensibilité linguistique» et «un exceptionnel don d'observation et d'imitation verbale». 38 La Prisonnière , III, 544. 39 Ibid, p. 545. 40 Voir les commentaires de Jacques Chaurand sur le poème d'Huon de Méry, in «La qualité de la langue au Moyen Âge», op. cit.

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■ PASSAGE ET LANGAGE

La ramification du Génie en naturel et cultivé, en instinctif et conscient, en populaire et «distingué», est un élément consacré du mythe du Génie autant que de la philosophie du langage. Il s'agit du débat sur la nature du langage et, par glissement, sur son caractère naturel. Le débat «balance» classiquement entre les deux pôles. L'un tient pour l'innéité du beau langage, une sorte d'instinct, de génération spontanée, malgré le manque d'éducation. Sous-embranchement Françoise et Jupien (41).

Et, de même qu'il est quelquefois troublant de rencontrer les raffinements vers lesquels les artistes les plus conscients s'efforcent, dans une chanson populaire, à la façade de quelque maison de paysan qui fait épanouir au- dessus de la porte une rose blanche ou soufrée juste à la place qu'il fallait - de même le nœud de velours, la coque de ruban qui eussent ravi dans un portrait de Chardin ou de Whistler, Françoise les avait placés avec un goût infaillible et naïf sur le chapeau devenu charmant. (42)

L'autre parti tient pour le cultivé. Sous-embranchement Oriane. C'est le naturel «forcé», la richesse consciente d'elle-même.

La confrontation ď Oriane et de Françoise (confrontation qui n'existe d'ailleurs, plusieurs fois reprise, que dans l'esprit du narrateur), est donc non seulement la mise en scène de deux conceptions du Génie, Génie de l'élite et Génie du peuple, mais également la mise en scène de ces deux natures du langage qui se rejoignent, génie cultivé et génie «sauvage» (43), sans que l'un contredise l'autre (même si celui de Françoise garde plus de «force» pour être plus près du «sol» natal - et social), puisqu'ils sont deux rameaux d'une même souche, Combray. Ce Combray qui est pour le narrateur la terre natale, terre d'enfance, la France profonde , où tout détail du roman s'enracine. Ce Combray qui devient le symbole de la terre de France d'où le génie s'exhale.

Une conception «en accent circonflexe» de la «vie» des langues caractérise très fortement la pensée de la langue (et de l'Histoire natio- nale) au XIXe siècle, apogée du mythe du Génie de la langue française. Cette conception suppose un sommet, un point de perfection, et une nostalgie de cette excellence perdue. La nostalgie cherche les points de corruption, pour Françoise la transplantation du milieu «naturel» à Paris (les capitales sont corruptrices par excellence), du milieu paysan à la caste des «domestiques» et de l'oubli des traditions de la jeune généra-

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41 «C'était son simple sens inné, son goût naturel, qui de rares lectures faites au hasard, sans guide, à des moments perdus, lui avaient fait composer ce parler si juste où toutes les symétries du langage se laissaient découvrir et montraient leur beauté», Le Temps retrouvé , IV, 416. 42 À l'ombre des jeunes filles en fleurs , II, 10. 43 «Françoise en un sens était moins domestique que les autres», Le Côté de Guermantes /, II, 363.

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LA « LANGUE FRANÇOISE » DE MARCEL PROUST ■

tion (doublée de l'affectueuse admiration qui pousse Françoise à l'imita- tion de sa fille). La tradition et le changement, ce que Gabriel Tarde appelle la coutume et la mode (44) sont deux forces actives qui régis- sent autant la vie sociale que la vie linguistique, selon l'analyse de l'époque que Proust illustre dans la Recherche.

Proust pousse à sa dernière logique l'emploi du mythe en appli- quant aux langages de Françoise et d'Oriane le thème de la grandeur et de la décadence, de la pureté et de la perversion. Les deux langages se pervertiront. Celui de Françoise surtout pour être juste, car le langage d'Oriane étant un langage social, la suppression de sa «précellence» mondaine suffit à ce que la question de son langage disparaisse. La per- version du langage de Françoise s'opère par imitation de modèle nou- veaux mais surtout par éloignement de la source. Éloignement géographique autant que temporel (puisque Combray est, comme tous les lieux symboliques du roman, un lieu-temps) doublé d'un éloigne- ment moral, d'un oubli des «valeurs». Parallèlement d'ailleurs à cette perte de la vieille langue, par l'imitation de l'usage courant, l'homo- sexualité masculine «entre» dans les conceptions de Françoise pour faire bientôt partie de son paysage moral, parce que l'usage semble faire loi. De même que la légendaire pureté de mœurs d'Oriane est remise en cause par ses proches.

Dans le Temps retrouvé , Françoise «ne parlait plus bien comme autrefois» (45). On assiste donc dans l'espace même du roman à un mouvement d'évolution puis ď involution, de grandeur et de décadence de la langue de Françoise. C'est, conformément au principe de change- ment dont on constate qu'il domine la Recherche , la décadence qui semble l'emporter, comme elle emporte par une pente naturelle ce qui semblait caractériser le mieux les personnages. Sic transit gloria mundi.

Toutefois, malgré la prétendue corruption de sa langue, dont le narrateur ne cite que quelques exemples («et patatipatali, et patatipatala»), le langage de Françoise, fidèle à lui-même, accompagne le héros jusqu'au port, jusqu'aux portes de la création.

Françoise me dirait, en me montrant mes cahiers rongés comme le bois où l'insecte s'est mis : «C'est tout mité, regardez, c'est malheureux, voilà un bout de page qui n'est plus qu'une dentelle» et l'examinant comme un tailleur : «Je ne crois pas que je pourrai la refaire, c'est perdu. C'est dom- mage, c'est peut-être vos plus belles idées. Comme on dit à Combray, il n'y a pas de fourreurs qui s'y connaissent aussi bien comme les mites. Ils se mettent toujours dans les meilleures étoffes. » (46)

44 Les lois de l'imitation : étude sociologique, Paris, F. Alean, 1890. 45 Le Temps retrouvé, IV, 328. 46 Le Temps retrouvé, IV, 339.

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■ PASSAGE ET LANGAGE

Cette persistance laisse apparaître une disjonction entre les besoins d'une «démonstration dogmatique» - en l'occurrence l'application complète du mythe - et la fonction d'exemple linguistique qu'assume Françoise tout au long du roman auprès du futur créateur. Qu'il s'agisse d'assemblages lexicaux, métaphoriques, culinaires ou divinatoires, Françoise représente à bien des égards l'image du processus créateur idéal, pour le narrateur, du fait notamment de son caractère naturel, ins- tinctif, proche de la vie.

Car le motif du Génie de la langue dans le roman proustien n'est pas ornemental : il est profondément lié à la réflexion sur la création lit- téraire, par la question de la clarté. Dès 1896, «Contre l'obscurité» développe la conception proustienne du Génie, en imprimant au modèle commun une accentuation personnelle : l'attention particulière envers 1'« obscure clarté» (47), envers la lumière du verbe incluse dans la pro- fondeur de la pensée (et réciproquement), dont on retrouvera bien des variations métaphoriques dans la Recherche , de la crypte-aux-légendes mérovingiennes à la «momie du jour», jusqu'aux extensions transpa- rentes et fluides des «carafes de la Vivonne», rivière nommée dans les brouillons la Claire, puis la Gracieuse...

Ainsi la «langue Françoise» - langue de Françoise et langue française - nous semble, non pas au terme mais au seuil d'une étude que nous poursuivons, le «centre d'une immense construction» (48), tant son dialogue avec les autres éléments du roman, avec les théories littéraires et les théories de la langue - voire des théories philoso- phiques - est complexe et constant.

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LITTÉRATURE N° 116 - DÉC. 99 47 «Cette obscure clarté qui tombe des étoiles», c'est nous et non Proust qui opérons ce rapproche- ment intertextuel avec Le Cid. 48 Albertine disparue. Cité par Jean-Pierre Richard, Proust et le monde sensible , p. 149.

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