Pascal et M Anatole France

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  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    1/24

    G.

    Legros

    PASCAL

    ET

    M.

    ANATOLE

    FRAN

    -

    PQ

    1876

    P3

    Z715

    1913

    U

    dVof

    OTTAWA

    3900300226916-1

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    2/24

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    LEGROS

    ASCAL

    ET

    I ANATOLE

    FRICE

    -J^O-ri

    A. ROUZAUD

    41,

    RUE

    DBS

    COLES

    PARIS

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

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  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

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    PASCAL

    ET

    M.

    ANATOLE FRANCE

    ttav'.ens\*

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    6/24

    fa.

    /m

    I3

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    7/24

    PASCAL

    ET

    M.

    ANATOLE

    FRANCE

    M.

    A.

    France,

    qui

    fut l'auteur

    des

    Noces

    Corinthiennes

    et

    celui

    de Vers les temps

    meilleurs, M.

    A.

    France

    qu'ont

    ins-

    pir

    tout

    tour l'Athn

    casque

    d'or,

    souriante

    et

    belle

    que

    connut

    Platon,

    la

    nymphe

    harmonieuse,

    drape

    de

    mille

    plis

    frmissants

    que copia Phidias et (depuis qu'ont

    fui

    les

    desses)

    la

    Marianne

    coiffe

    phrygienne qui

    nous semblait

    si

    bien

    sous

    l'Empire, M.

    A.

    France,

    que

    l'on

    sait

    impec-

    cable,

    incontest

    et

    capable

    de tout

    comprendre, Anatole

    France

    enfin

    a

    crit ceci

    :

    Blaise

    Pascal

    et M.

    Joseph

    Bertrand.

    (Les

    premires pages sont consacres

    M.

    J.

    Bertrand

    et

    son livre

    sur

    Pascal.

    M.

    A. France

    se contente

    de

    citer

    ce qui a

    trait

    au

    go-

    mtre et

    au

    physicien, puis

    parle

    des

    Provinciales

    et enfin

    de

    Pascal

    lui-mme.)

    ...Et

    si

    l'on songe que

    ce

    malade

    tait

    le fils d'un homme

    qui

    croyait aux

    sorciers et en

    qui le

    sentiment

    religieux

    tait

    trs

    exalt,

    on

    ne

    sera pas surpris du caractre profond et

    sombre

    de

    sa foi.

    Elle tait

    lugubre,

    elle

    lui inspirait l'horreur de

    la

    nature

    et

    en

    fit

    l'ennemi

    de

    lui-mme et

    du

    genre

    humain.

    Il vivait dans l'ordure

    et

    s'opposait

    ce qu'on

    balayt

    sa

    chambre.

    Il

    se

    reprochait

    niaisement

    le

    plaisir

    qu'il

    pouvait

    trou-

    ver

    manger

    d'un

    plat et,

    n'tant

    point

    indulgent, il

    ne

    pardon-

    nait

    pas

    aux

    autres

    ce

    qu'il ne

    se

    pardonnait

    point

    lui-mme.

    L'excs

    de

    sa

    puret le

    conduisait

    des

    ides

    horribles.

    Si

    madame Prier, sa

    sur, lui

    disait

    :

    J'ai

    vu

    une

    belle femme

    ,

    il

    se

    fchait

    et

    l'avertissait

    de

    retenir

    un

    tel

    propos devant des

    laquais et

    des jeunes

    gens

    de

    peur

    de

    leur

    faire

    venir

    des pen-

    ses coupables

    (').

    (1)

    Ces

    mots veillent

    en

    nous

    des

    souvenirs

    classiques.

    Les

    termes

    intentionnellement

    choisis sont

    d'ailleurs

    de

    M.

    A.

    France

    qui

    prpare

    et

    aiguise

    le

    trait

    final.

    II

    reculera

    cependant

    devant

    le

    mot

    et

    emploiera

    la

    priphrase.

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    4

    Il

    ne

    tmoignait

    que

    de

    l'loignement

    ses

    deux

    surs

    Jac-

    queline

    et

    Gilberte

    afin de

    ne point occuper

    un

    cur

    qui devait

    tre

    Dieu

    seul.

    Certes,

    Pascal tait

    sincre. Il

    pensait

    comme il

    parlait. Il

    observait

    les leons

    qu'il

    donnait,

    mais

    ces leons

    ne

    sont-elles

    pas littralement

    celles

    que

    recevait Orgon du

    dvot

    retir

    dans

    sa maison ?

    Je

    pense

    que

    pour

    beaucoup

    de

    raisons

    Molire

    n'a

    pas song

    peindre

    les

    Jsuites

    dans son

    Tartufe.

    La

    meilleure est qu'il

    et

    fch le

    roi

    qui

    il tait

    trs

    empress de

    plaire.

    Mais

    qu'il

    ait

    song

    aux

    jansnistes

    (')

    en

    faisant

    sa

    comdie,

    c'est

    ce

    que

    je

    suis

    bien tent

    de

    croire

    et

    chaque jour

    davantage

    La stupeur

    passe,

    il

    faut

    essayer

    de

    comprendre

    ce

    cu-

    rieux

    dbut;

    trois

    suppositions

    peuvent tre faites,

    les

    voici

    selon

    la

    progression

    d'une invraisemblance

    crois-

    sante

    : M.

    A. France

    ne connat

    pas

    Pascal, M.

    A.

    France

    ne

    connat

    pas Tartufe,

    M.

    A.

    France

    ne juge

    pas avec

    une

    entire

    bonne

    foi.

    Envisageons

    successivement

    ces

    trois

    inadmissibles

    hypothses.

    Les

    Penses ne

    sont

    certainement

    pas

    au

    nombre des

    vingt

    livres

    prfrs

    de M.

    A.

    France,

    peut-on

    d'ailleurs

    ne

    prfrer

    que

    vingt livres

    (

    2

    ).

    Mais

    il

    serait aussi impertinent

    qu'absurde

    de supposer

    qu'il les

    ignore

    et

    avec elles

    les Pro-

    vinciales,

    les

    Opuscules et les

    Lettres.

    N'a-t-il

    pas

    d'ailleurs

    tout

    lu,

    tout

    reflt

    ? Nous

    n'aurons

    pas

    chercher

    bien

    loin

    : le

    Jardin

    a Epicure,

    ce

    jardin

    un

    peu

    imprcis,

    mal

    clos

    peut-tre,

    nous offre,

    chose

    bien

    curieuse,

    et

    ce,

    chaque

    pas,

    des penses

    inspires,

    si

    l'on

    peut

    dire,

    de

    Pascal.

    Je

    ne

    rsiste

    pas

    au

    plaisir

    d'en citer

    quelques-unes,

    on

    y

    remar-

    quera

    des

    similitudes

    piquantes,

    des oppositions

    curieuses,

    Pascal

    dit

    :

    S'il

    y

    a

    un Dieu,

    M.

    A. France n'en

    doute

    pas.

    (1)

    Le

    dveloppement

    logique

    du

    raisonnement

    demanderait

    :

    mais

    qu'il

    ait songe Biaise

    Pascal

    ....

    (2)

    Voir

    ce

    sujet

    J.

    Lemaitiit.

    :

    Les

    conlempomins.\

    e

    srie.

    Billets

    du

    matin.

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

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    Penses

    de

    Pascal.

    Le

    Jardin d'Epicure.

    L'immortalit

    de

    l'me est

    une

    chose

    qui

    nous

    importe

    si

    fort,

    qui

    nous touche

    si pro-

    fondment qu'il

    faut

    avoir

    perdu

    tout sentiment

    pour

    tre

    dans l'indiffrence de

    sa-

    voir

    ce

    qui

    en

    est.

    *

    Cette ngligence

    en

    une

    af-

    faire

    o

    il

    s'agit

    d'eux-mmes,

    de

    leur

    ternit,

    de

    leur

    tout,

    m'irrite

    plus qu'elle

    ne

    m'at-

    tendrit

    ;

    elle m'tonne

    et

    m'pouvante

    L'homme ne

    sait

    quel

    rang

    se

    mettre, il

    est

    visible-

    ment

    gar

    et

    tomb

    de son

    vrai

    lieu

    sans le pouvoir

    re-

    trouver.

    Il

    le

    cherche

    partout

    avec

    inquitude

    et sans succs

    dans

    des

    tnbres

    impn-

    trables.

    (sur

    les

    pratiques religieuses

    :)

    Naturellement

    mme

    cela

    vous fera

    croire

    et vous

    ab-

    tira.

    Mais

    c'est

    ce

    que

    je

    crains.

    Et pourquoi,

    qu'a-

    vez-vous perdre ....

    Qu'est-ce

    que

    la pense

    ?

    Qu'elle

    est sotte.

    S'il

    y

    a

    un

    Dieu,

    il

    est

    in-

    finiment

    incomprhensible...

    Nous brlons

    du

    dsir

    de

    trouver

    une

    assiette

    ferme

    et

    une

    dernire base

    constante

    pour

    y

    lever

    une

    tour

    qui

    Un

    esprit

    qui

    n'est

    point

    anxieux m'irrite

    et

    m'ennuie.

    Cette

    angoisse fconde

    nous

    la

    sentons

    crotre

    en

    nous

    ;

    elle

    nous

    fait

    marcher

    vers

    un

    but

    invitable et

    divin.

    (sur la vie

    monastique

    :)

    On

    y

    perd la pense, c'est

    un

    grand

    dbarras.

    Si possdant

    comme

    Dieu

    la

    vrit,

    l'unique

    vrit,

    un

    homme

    la

    laissait tomber

    de

    ses

    mains, le

    monde

    en

    serait

    ananti

    sur

    le

    coup

    et

    l'univers

    se

    dissiperait

    aussitt

    comme

    une

    ombre

    La

    vrit

    divine ainsi

    qu'un

    jugement

    dernier

    le

    rduirait

    en

    poudre.

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

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    -

    6

    -

    s'lve

    l'infini.

    Mais tout

    notre fondement

    craque

    et

    la

    terre s'ouvre

    jusqu'aux ab-

    mes.

    Le

    silence ternel

    de ces

    es-

    paces

    infinis

    m'effraie.

    La grandeur

    de l'homme est

    grande en

    ce

    qu'il

    se

    connat

    misrable.

    La

    terre n'est

    qu'un

    grain

    de

    sable dans

    le

    dsert

    infini

    des mondes,

    mais si l'on

    ne

    souffre

    que

    sur

    la

    terre,

    elle

    est

    plus

    grande

    que

    tout

    le

    reste

    du

    monde.

    Ce

    qui

    est

    admirable,

    ce

    n'est

    pas

    que le

    champ

    des

    toiles

    soit si

    vaste,

    c'est que

    l'homme

    l'ait

    mesur.

    Il

    se

    peut

    aussi

    que

    Ces

    millions

    de

    soleils,

    joints

    des

    milliards

    que nous

    ne

    voyons

    pas,

    ne

    forment tous

    ensemble

    qu'un

    globule

    de

    sang

    ou

    de

    lymphe

    dans

    le

    corps

    d'un

    animal,

    d'un

    insecte

    impercep-

    tible

    Mais

    quand

    l'uni-

    vers

    l'craserait,

    l'homme

    se-

    rait

    encore plus

    noble

    que

    ce

    qui

    le

    tue,

    parce qu'il sait

    qu'il

    meurt

    et

    l'avantage

    que

    l'Uni-

    vers

    a sur

    lui,

    l'Univers

    n'en

    sait rien.

    Qu'un

    ciron lui

    offre

    (

    l'homme)

    dans la

    petitesse de

    son

    corps

    des

    parties

    incom-

    parablement

    plus

    petites

    du

    sang

    dans

    ces veines,

    des

    humeurs dans

    ce sang, des

    gouttes

    dans

    ces

    humeurs

    ....

    Je

    lui

    veux

    peindre,

    non

    seu-

    lement

    l'univers

    visible,

    mais

    l'immensit

    qu'on

    peut

    con-

    cevoir

    de

    la

    nature,

    dans

    l'en-

    ceinte

    de ce raccourci

    d'atome.

    Qu'il

    y

    voie

    une

    infinit

    d'uni-

    vers,

    dont chacune

    a

    son

    fir-

    mament,

    ses

    plantes

    Humiliez-vous,

    raison im-

    Dans

    la nuit

    o

    nous

    som-

    puissante.

    mes tous,

    le

    savant

    se

    cogne

    aux murs

    tandis

    que l'igno-

    rant

    reste tranquillement

    au

    milieu

    de

    la

    chambre

    (').

    (1)

    M. A.

    France

    ne

    semble-t-il

    pas

    par cette

    pense

    prendre

    contre

    Diderot la

    dfense

    de la

    foi et

    rpondre

    cette

    critique :

    Egar

    dans

    une

    fort Immense

    pendant

    la

    nuit,

    je n'ai

    qu'une

    petite

    lumire

    pour

    me

    conduire.

    Survient

    un

    inconnu

    qui

    me

    dit

    :

    Mon

    ami

    souffle

    la

    bougie

    pour

    mieux

    trouver

    ton

    chemin.

    Cet

    inconnu

    est

    un

    tho-

    logien.

    Diderot.

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    11/24

    Xous

    n'estimons

    pas

    que

    La

    mtaphysique

    a

    cela

    toute

    la

    philosophie

    vaille

    une

    d'admirable

    qu'elle

    te au

    heure

    de

    peine.

    monde

    tout

    ce

    qu'il

    a

    et

    qu'elle

    lui

    donne

    ce

    qu'il

    n'a-

    vait pas.

    travail

    merveilleux

    sans doute, et

    jeu

    plus

    beau,

    plus illustre

    incomparable-

    ment

    que les

    dames

    et

    les

    checs,

    mais,

    tout

    prendre,

    de

    mme

    nature.

    Sans doute (je n'en

    suis pas

    trs

    sr), sans doute

    elles

    n'ont

    rien de commun,

    l'inquitude

    que

    demande

    Pascal,

    l'anxit

    qu'exige

    M.

    A.

    France,

    mais

    qui

    ne

    voit

    ici

    quel

    point la

    forme

    littraire rpute

    la

    plus

    neuve

    ou

    la

    plus

    hardie

    peut

    garder

    l'empreinte d'une

    ide,

    d'un

    mot

    inou-

    bliable

    jet

    la hte

    il

    y

    a

    des

    sicles

    sur

    quelque

    fragment

    de

    papier

    :

    a

    Les

    ides, crit M. A.

    France,

    sont

    tout

    le

    monde

    et personne

    ne

    peut

    dire

    :

    celle-ci

    est

    mienne,

    comme

    les pauvres

    enfants dont

    parle Pascal

    disaient

    :

    Ce

    chien

    est

    moi

    Donner

    une

    forme

    nouvelle

    une

    vieille

    ide,

    c'est tout

    l'art et

    la seule

    cration

    possible

    l'humanit

    (*).

    Admettons-le,

    mais n'y

    a-t-il

    pas

    de

    vieil-

    les ides dont

    la

    forme

    premire

    reste

    intangible

    parce

    qu'elle

    a

    ralis d'emble

    l'expression la

    plus forte

    et la

    plus

    indestructible,

    et

    n'est-ce

    point cela

    qui

    caractrise

    les penses

    sublimes

    qu'on

    ne

    peut

    sans

    danger

    recrer ou

    refondre.

    Qui tenterait,

    par

    exemple,

    de

    donner

    une

    forme

    nou-

    velle

    celle-ci,

    dont

    on

    a

    pu

    dire

    justement

    qu'elle

    atteignait

    la

    fois

    aux

    sommets

    de

    Bossuet

    et de

    Shakspeare

    :

    Le

    dernier

    acte

    est sanglant

    quelque

    belle

    que

    soit

    la

    com-

    die

    en

    tout

    le

    reste. On

    jette

    enfin de

    la

    terre

    sur la

    tte, et

    en

    voil

    pour

    jamais.

    Serait-ce

    cause

    de

    penses

    comme

    celle-l,

    terrible il

    est

    vrai pour

    l'optimisme

    d'un

    picurien

    bat,

    que

    M.

    Anatole

    France

    tombe

    dans

    cette

    erreur et

    cette

    banalit

    :

    l'amer-

    tume,

    la

    tristesse

    de

    la foi

    chez

    Pascal ?

    On

    pouvait

    croire

    (1)

    La

    Vie

    Littraire,

    t.

    IV.

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    12/24

    8

    que

    Sainte-Beuve,

    dans son admirable

    Port-Royal

    si

    pn-

    trant,

    si

    impartial,

    en

    avait une bonne fois fait

    justice

    :

    Molire,

    dit Sainte-Beuve, tait

    plus

    triste

    que

    Pascal,

    il

    n'avait pas, dans sa

    mlancolie, ces joies

    de

    la

    pnitence

    qui

    saisissaient,

    nous

    l'avons vu,

    Pascal

    au

    seuil

    de Port-Royal

    et

    dj

    sous lecilice,qui lui

    inspiraient

    en certaines

    pages

    de

    com-

    menter

    le

    Soyez

    joyeux

    de

    l'Aptre

    de

    manire

    faire

    plir

    elle-mme cette

    dlicieuse

    sagesse

    de Montaigne.

    L'amertume

    de

    Pascal

    serait

    dans

    son

    renoncement

    sans

    la

    foi, ce qui

    est

    absurde et

    inconcevable.

    Il

    en est

    de mme

    de

    la misanthropie

    de Pascal,

    ennemi

    des

    hommes, tranger aux

    siens,

    qu'en

    reste-t-il

    aprs ces

    lignes

    :

    J'aime

    la

    pauvret

    parce

    qu'il

    l'a aime

    J'essaie

    d'tre juste,

    vritable,

    sincre

    et fidle

    tous les

    hommes et

    j'ai

    une

    tendresse

    de

    cur

    pour

    ceux

    qui

    Dieu

    m'a

    uni

    plus

    troitement

    L'exprience

    nous fait

    voir

    une

    diffrence

    norme

    entre

    la d-

    votion et

    la

    bont

    '

    Tous

    les corps

    ensemble

    et tous les

    esprits

    ensemble

    et

    toutes

    leurs productions

    ne valent pas le

    moindre

    mouvement

    de

    cha-

    rit

    (*).

    ,

    Enfin

    peut-on,

    sans

    la

    plus trange

    incomprhension, m-

    connatre

    la

    profonde, la

    poignante piti

    du

    mot

    clbre

    ces

    pauvres

    enfants

    cit,

    nous

    l'avons

    vu

    tout

    l'heure,

    par

    M.

    A.

    France lui-mme.

    Pascal

    a

    dit, il est

    vrai

    :

    Il

    est injuste

    qu'on s'attache

    moi, quoiqu'on

    le

    fasse

    avec

    plaisir

    et

    volontairement.

    Je tromperais

    ceux

    qui

    j'en

    ferais

    na-

    (1)

    Je n'ignore pas que

    charit

    , d'aprs

    Havet, serait

    pris

    ici

    dans

    le

    sens

    thologique

    :

    l'Amour

    de

    Dieu

    pur

    de toute

    pense

    terrestre

    .

    Mais

    ce n'est

    pas

    l'interprtation

    de

    Sainte-Beuve;

    Hamon,

    Du

    Guet,

    ont

    souvent employ

    le

    mot

    dans le

    sens

    o

    nous le prenons

    actuel-

    lement

    et

    Nicole

    prcise

    mieux

    encore

    :

    L'amour

    du

    prochain

    n'est

    qu'une suite,

    une extension

    de

    l'Amour

    de

    Dieu

    et c'en

    est

    une

    suite

    ncessaire.

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    13/24

    9

    trc le dsir,

    car

    je

    ne

    suis

    la fin

    de

    personne

    et

    n'ai

    pas

    de

    quoi

    les

    satisfaire.

    Ne suis-je

    pas prt

    mourir

    ? Et

    ainsi

    l'objet

    de

    leur

    attachement

    mourra

    donc.

    Comme

    je

    serais

    coupable

    Cette

    ide est

    du

    dogme

    le

    plus purement

    chrtien,

    elle

    trouverait

    d'ailleurs,

    s'il

    en

    tait besoin,

    une

    approbation,

    dirai-je

    inattendue

    en

    M.

    A.

    France :

    C'est

    la force et la

    bont

    des

    religions

    d'enseigner

    l'homme

    sa

    raison

    d'tre

    et

    ses

    fins

    dernires

    (').

    Il faut

    d'ailleurs

    le

    reconnatre,

    tout

    n'est

    pas

    ddaigner

    dans

    les

    attaques

    de

    M.

    A.

    France

    ;

    n'a-t-il

    pas

    un

    savoir-

    faire

    admirable pour

    mettre

    en

    vidence

    les

    faiblesses

    de

    Pascal

    et

    les

    pratiques

    excessives

    de

    sa foi.

    Les

    ides

    horribles

    ,

    la niaiserie

    ,

    la

    cuisina,

    les

    balais,

    l'or-

    dure

    ,

    aucun critique

    n'avait

    ramass

    ces

    arguments-l

    ;

    M.

    A.

    France les

    recherche, les

    runit

    en

    faisceau,

    les

    bran-

    dit

    ;

    patiemment, peu

    lgamment,

    il

    les

    a

    recueillis

    dans les

    nafs

    tmoignages

    de celles

    que

    liait

    Pascal

    l'affection

    la

    plus sincre

    et

    la

    plus

    tendre,

    dans

    la

    Vie de

    Biaise

    Pascal,

    de

    Mme

    Prier

    et

    dans

    cette

    si

    curieuse

    lettre

    qu'crivait

    son frre

    Jacqueline Pascal.

    Cette lettre,

    Victor

    Cousin

    n'a-

    vait

    pas

    daign

    s'en

    servir,

    il

    en

    explique,

    il

    en

    attnue

    mme

    les

    termes par

    ces lignes

    :

    Aprs

    quelques mois

    d'une

    pit

    vive

    mais

    raisonnable,

    Pascal avait

    succomb

    son humeur

    bouillante

    et

    sa

    premire

    modration avait

    fait

    place

    une

    dvotion

    extrme

    et

    des

    exagrations

    que

    sa

    sur

    elle-mme lui

    reproche

    dans le

    bil-

    let

    suivant

    :

    Suit la

    lettre

    de

    sur

    Jacqueline

    de

    Sainte-Euphmie

    :

    (1)

    On

    pourrait

    multiplier

    les exemples

    de

    ces

    inquitantes

    l-

    grets.

    M.

    A.

    France

    reproche

    encore

    Pascal

    d'avoir

    aim

    les

    pau-

    vres

    comme

    les

    libertins

    aiment

    les

    femmes,

    pour

    l'avantage

    qu'il

    esprait

    en

    tirer

    ( )....

    il

    trouvait

    la pauvret

    trop

    bonne

    pour

    vou-

    loir la supprimer.

    Il

    l'aimait du

    mme amour dont

    il

    aimait

    la ver-

    mine et

    les

    ulcres

    ( )

    Et

    M.

    A.

    France

    crit

    d'autre

    part

    ceci

    : Le

    mal est ncessaire....

    le

    mal

    est l'unique

    raison

    d'tre

    du bien,

    que

    se-

    rait

    le

    courage loin du

    pril et la

    piti sans la

    douleur...

    C'est

    grce

    au

    mal

    et

    la

    souffrance

    que

    la

    terre

    peut

    tre

    habite

    et

    que

    la

    vie

    vaut

    la peine

    d'tre

    vcue...

    Et

    c'est

    dans

    le

    Jardin

    d'Epicure....

    *Slu-

    pete

    gnies

    ,

    comme

    a

    dit

    le pote

    Santeuil.

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    14/24

    10

    On

    m'a fort

    congratule

    pour

    la

    grande

    ferveur

    qui vous

    lve

    si

    fort

    au-dessus

    de

    toutes

    les

    manires

    communes,

    que

    vous

    mettez

    les balets

    au

    rang

    des

    meubles

    superflus

    (').

    Mais

    ce

    que

    M.

    A.

    France

    oublie,

    ce

    sont les

    annes

    d'in-

    supportables

    souffrances,

    les

    mois

    d'insomnie

    que

    vcut

    Pascal,

    c'est

    ce

    spasme

    ou

    cette

    paralysie

    qui

    ne

    lui

    per-

    mettait

    de

    prendre

    les

    mdecines

    les plus

    rpugnantes

    que

    chaudes

    et

    goutte

    goutte,

    c'est

    enfin

    cette

    admirable

    abngation,

    cette

    douceur,

    cette

    simplicit,

    avec

    lesquelles

    il

    poursuivit

    jusqu'au

    terme

    son

    but

    divin.

    Tout

    cela

    on

    le

    trouve

    aussi

    mentionn

    par

    cette

    douce

    et

    bonne

    Mme

    Prier

    qui

    a

    crit

    avec

    de

    si

    belles

    et

    si

    dis-

    crtes

    faons

    la

    vie

    de son frre

    Biaise

    (

    2

    ),

    mais

    pourquoi

    s'y

    arrter,

    ce

    n'est

    que

    du

    fanatisme

    chrtien.

    M.

    A.

    France

    ne

    nous parait

    pas

    plus

    heureux

    quand,

    haussant

    un

    peu le

    ton, il

    cherche

    opposer

    chez

    Pascal

    la

    raison

    et

    la foi

    :

    En

    dfinitive,

    ce

    ne

    sont pas les

    moins

    bien

    aviss,

    ces

    fidles

    qui,

    comme

    Pascal,

    n'appellent jamais

    leur

    raison

    au

    secours

    de

    leur

    foi.

    Une telle

    aide

    est

    toujours prilleuse.

    Chez

    Pascal, la

    raison,

    qui

    tait

    formidable, et,

    d'un

    seul

    coup, tout

    dtruit

    dans

    le

    sanctuaire

    ;

    mais

    elle n'y

    entra

    jamais.

    Comme c'est facile

    et

    comme c'est

    simple,

    cette

    concep-

    tion d'une

    raison

    formidable

    et,

    quand

    il le faut,

    si discrte.

    L'exemple

    des

    amoureux

    (

    3

    ),

    et

    l'tude

    du

    mysticisme,

    parat-il,

    clairciraient

    assez ces

    difficults

    psychologiques

    .

    Il

    faut nous

    contenter

    de

    cette

    esprance

    vague

    ;

    qui ne re-

    grettera

    pourtant

    les

    pages

    que

    M.

    A.

    France

    et

    pu

    nous

    donner

    sous

    ce

    titre

    : La

    critique

    de

    la Raison

    Pure

    chez

    Sainte

    Thrse

    d'Avila

    .

    Pascal

    n'a

    jamais

    spar

    la

    raison

    de la

    foi

    ;

    pour

    mieux

    (1)

    Victor

    Cousin

    : Jacqueline

    Pascal,

    p.

    197.

    (2)

    A.

    France:

    Ibid.

    Dans ce

    jugement sur Madame

    Pcrier,

    fai-

    sons

    ici

    la part

    de

    l'ironie,

    par

    prudence,

    mais remarquons

    que

    les

    surs de Pascal

    ont,

    malgr

    la

    communion

    d'ides qui

    les

    unissaient

    lui,

    rencontr

    des

    critiques

    singulirement

    plus

    indulgents.

    Ainsi,

    Jacqueline

    Pascal,

    V.

    Cousin,

    et

    Gilberte

    Pascal,

    M.

    France.

    (3)

    Pourquoi ne

    pas

    citer

    ici

    :

    le

    cur

    a ses

    raisons

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    15/24

    11

    dire,

    toutes

    deux,

    pour

    lui, peuvent

    et doivent mener

    la

    dmonstration de

    la

    vrit du

    christianisme.

    Il

    est

    facile

    de multiplier

    ici

    les

    citations

    :

    Il

    faut

    savoir

    douter

    o

    il

    faut,

    assurer

    o

    il

    faut,

    en

    se sou-

    mettant

    o

    il

    faut.

    Qui

    ne

    fait

    ainsi n'entend

    pas

    la

    force

    de

    la

    raison (').

    Il

    y

    a

    deux

    manires

    de

    persuader

    les

    vrits

    de

    notre

    religion,

    l'une

    par

    la

    force

    de

    la

    raison, l'autre

    par

    l'autorit

    de

    celui

    qui

    parle. On ne se

    sert pas

    de

    la

    dernire,

    mais

    de

    la

    premire.

    Il

    y

    a

    trois

    moyens

    de

    croire

    :

    la

    raison, la coutume, l'inspira-

    tion

    Ceux

    que nous voyons chrtiens

    sans

    la

    connaissance des pro-

    phties

    et

    des

    preuves

    ne

    laissent

    pas

    d'en

    juger

    aussi

    bien

    que

    ceux

    qui ont cette

    connaissance.

    Ils

    en jugent

    par le

    cur,

    comme

    les

    autres

    en

    jugent par

    l'esprit.

    Enfin

    fit-on

    jamais de la

    raison

    un

    plus violent

    usage,

    suivant l'expression

    de

    M.

    A.

    France

    que

    dans

    le fameux

    chapitre

    Oui, mais

    il

    faut

    parier

    ,

    auquel

    se sont

    arrts

    Locke,

    Condorcet et

    Laplace.

    Mais alors, c'est encore

    E.

    Havet

    qui

    reproche

    Pascal

    de

    parler

    de

    pari

    et

    de

    croix ou

    pile

    propos

    de

    Dieu

    et

    de

    sa-

    lut ternel. Il

    l'admoneste de faon

    bien

    curieuse :

    L'Ecri-

    ture

    dit

    que Dieu

    a

    livr

    la

    nature

    aux

    disputes

    des hommes

    (Eccl.

    III,

    11)

    mais

    non

    pas que

    lui-mme ait

    voulu

    tre

    pour

    les

    savants

    une

    difficult

    de

    mathmatiques, et

    se soit

    cach

    au

    fond d'un

    calcul.

    En

    rsum il

    ne nous

    parat pas

    vident

    que M.

    A.

    France

    connaisse

    bien Pascal ou

    l'ait

    vraiment

    compris.

    Comment

    connat-il

    donc

    Tartufe

    pour

    le croire

    jansniste

    ?

    Les

    j-

    suites

    ont soutenu

    cette

    opinion-l,

    personne ne

    s'y est

    tromp,

    ni les contemporains,

    ni

    la

    postrit,

    ni la

    critique

    moderne..

    Les

    tmoignages

    contemporains

    sont

    prcis,

    on

    nous

    (1)

    Mais

    alors

    Pascal,

    pour E.

    Havet, raisonne

    trop, il

    raisonne,

    et

    M. Havet

    en est tout

    scandalis,

    contre

    l'autorit du

    Pape,

    des

    vques

    et

    de

    la

    Sorbonne

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    16/24

    12

    permettra d'en

    choisir

    un frivole

    en

    raison

    de

    son origina-

    lit

    mme.

    La

    Direction de

    l'Intention,

    chanson galante

    sur

    l'air

    de

    Rveillez-vous, belle

    endormie

    ,

    fut

    en vogue

    au

    XVII

    e

    sicle

    et

    est ne

    du

    succs prodigieux

    des

    Provin-

    ciales.

    Elle explique

    et commente

    s'il en

    est

    besoin maint passage

    de

    Tartufe,

    le

    rapprochement

    est

    frappant

    (*),

    la prcision

    quittez, quittez

    le

    Jansnisme

    indiscutable. Il

    faudrait

    d'ailleurs ici

    encore

    citer

    des pages

    entires

    de Port-Royal

    que

    vraiment

    M.

    Anatole France

    connat

    trop

    peu,

    elles

    d-

    montrent

    jusqu' l'vidence que

    Tartufe

    achve

    Escobar,

    qu'il assaille

    de

    nouveau

    le

    Jsuitisme,

    et

    les perscuteurs

    des

    Provinciales

    ne

    s'y

    trompent

    d'ailleurs

    pas, ils s'acharnent

    sur

    Tartufe. Villemain enfin, pour

    citer

    ce

    seul nom,

    ne

    dit-il

    pas

    :

    J'estimerais moins les Lettres

    provinciales

    si elles

    n'taient

    pas

    crites

    avant

    Molire

    .

    Il

    semble inutile

    d'insister

    sur ces

    erreurs

    choquan-

    tes,

    leur

    accumulation

    irrite

    et

    tonne.

    M. A.

    France

    pour-

    (1)

    Tartufe.

    4

    e

    acte

    : Tartufe,

    Elmire.

    Je

    puis

    vous dissiper

    ces craintes

    ridicules,

    Madame, et je sais l'art de

    lever

    les

    scrupules.

    Le ciel

    dfend

    de

    vrai

    certains

    contentements

    :

    Mais

    on trouve

    avec

    lui des

    accommodements.

    Selon divers

    besoins,

    il

    est une

    science

    D'tendre les

    liens

    de

    notre

    conscience

    Et

    de rectifier

    le mal

    de l'action

    Avec

    la puret

    de

    notre

    intention.

    Sur

    la

    Direction

    d'Intention.

    Quittez,

    quittez

    le

    Jansnisme

    Forcez votre

    inclination

    Pour

    apprendre du molinisme

    A diriger

    l'Intention.

    Le

    pch

    n'est

    plus qu'une

    fable

    Escobar

    en

    est caution

    ;

    Et l'on prend pour

    dupe

    le

    diaDle

    En

    dirigeant l'Intention.

    Philis,

    si l'amour vous enflamme

    Contentez

    votre passion

    Et

    ne

    craignez

    rien

    pour

    votre

    me

    En

    dirigeant l'Intention.

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    17/24

    13

    rait-il

    donc

    tre

    de

    mauvaise foi

    ? C'est

    impossible,

    il

    nous

    l'atteste

    lui-mme,

    une fois

    pour toutes,

    dans

    les

    pram-

    bules

    d'un

    jugement

    bien

    connu sur

    M.

    Georges

    Ohnet :

    J'ai

    l'esprit

    indulgent

    et

    modr. Je

    me

    fais

    un

    agrable

    devoir

    d'exprimer

    toujours l'opinion

    la plus

    large

    sous

    la

    forme

    la plus

    douce.

    Il

    est

    vrai qu'il

    n'tait

    pas

    question

    ce

    jour-l

    de

    litt-

    rature, suivant

    le

    mot clbre

    de Jules Lematre,

    et qu'il

    s'agit,

    pour

    Pascal,

    de beaucoup plus.

    Il s'agit

    du

    grand

    conflit

    d'ides

    qui

    dressa

    les

    Penses

    en

    face

    du

    rationa-

    lisme

    et

    qui les

    oppose encore

    aujourd'hui,

    toujours

    aussi

    grandes,

    l'anticlricalisme,

    ou

    pour

    mieux

    dire

    l'anti-

    christianisme contemporain,

    car voil le

    grand

    mot

    lch.

    Sans doute M. A. France

    ne

    pouvait

    tre

    avec

    Pascal

    ni

    de

    cur ni

    d'esprit.

    Nous

    ne

    sommes

    pas,

    disait

    Jaurs dans

    une

    dclaration demeure

    fameuse, nous

    ne sommes

    pas

    des

    asctes.

    Ce nous

    englobait

    videmment

    M.

    A.

    France.

    M.

    Jaurs et

    lui

    ignorent, c'est

    certain, ce

    vallon

    du

    silence,

    ce

    Port-

    Royal

    des

    Champs,

    si

    prs

    de

    nous

    et

    pourtant

    si

    cach,

    l'entre

    duquel les bruits

    du

    monde

    paraissent

    s'teindre,

    o

    l'air

    semble

    plus

    limpide et

    plus calme,

    la

    lu-

    mire

    du

    jour plus subtile,

    o

    quelques

    pierres mutiles,

    quelques reliques parses

    donnent encore aujourd'hui

    la

    plus pntrante

    leon de

    fidlit,

    de

    renoncement et

    de

    foi.

    Mais

    s'il est lgitime

    de

    n'tre

    pas

    des asctes

    ,

    si

    c'est

    un

    droit de professer

    le

    scepticisme le

    plus

    dcevant,

    d'os-

    ciller

    mme entre

    le nihilisme

    le

    plus strile et

    les

    concep-

    tions sociales

    les

    plus brumeuses,

    du

    moins devrait-on

    s'in-

    terdire,

    de par

    cette

    incertitude

    et

    ces

    nbulosits

    mmes,

    la

    critique

    ngligente

    de

    certains

    hommes,

    de

    certains

    livres

    beaucoup au-dessus

    de

    tout

    cela.

    Et

    l'abstention

    serait

    prudence

    quand on

    reconnat

    l'ennemi comme

    formi-

    dable

    .

    Devant

    Pascal,

    son uvre et sa

    foi, Voltaire

    sut

    voir

    ce

    que

    valait

    l'adversaire et donna

    de

    toute

    l'pret

    mordante

    de

    son gnie.

    Enfant

    terrible et

    orthodoxe

    rageur, Joseph

    de

    Maistre, plus

    tard, flairant

    le

    schisme

    et

    le

    danger,visa

    plus

    juste

    et

    mordit

    mieux.

    Mais

    M.

    A.

    France

    marche

    Pascal

    arm du

    fusil

    de

    paille

    du

    subjectivisme

    absolu

    et

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    18/24

    -

    14

    -

    du

    sabre

    de

    bois

    du

    pyrrhonisme

    relatif,

    il

    semble croire,

    qu'il

    le

    supprime

    en

    quinze

    pages.

    L'a-t-il

    vraiment

    egra-

    tign

    et sort-il intact

    de

    la

    rencontre

    ?

    Il devait, il

    est

    vrai,

    plus

    tard,

    prfacer

    victorieusement

    une campagne laque

    ( )

    cela

    compense,

    explique

    et

    console.

    Tous

    les

    ans, l'un

    des

    premiers

    dimanches

    du

    mois

    d'aot,

    autour

    de

    la

    statue

    d'Etienne

    Dolet,

    qui

    fut

    un

    honnte

    homme

    et

    un

    martyr,

    des

    groupes de

    citoyens

    libres

    et

    conscients

    font retentir

    du

    cri

    de

    bas la calotte

    les

    tri

    -

    tes

    cieux

    de

    la place Maubert.

    Ce

    ne

    sont

    pas,

    comme on

    pourrait

    le

    croire,

    des impri-

    meurs

    ou des

    philosophes

    que

    M. Fallires

    perscuta,

    ils

    ne

    reprsentent en

    majeure

    partie

    que

    le

    ngoce

    en

    denres

    coloniales

    ;il

    n'est pas

    du

    tout certain qu'ils

    aient

    d'Etienne

    Dolet

    et

    de

    Platon

    mme, une

    ide mme

    imprcise,

    mais

    ils

    crient

    avec d'autant

    plus d'imptuosit,

    ils

    s'agitent

    avec

    d'autant

    plus

    de

    juvnile ardeur

    qu'ils

    ont

    moins

    d'ides prconues.

    M.

    A. France

    a

    des

    ides prconues,

    beaucoup

    sont

    mme,

    comme

    il

    sied, contradictoires.

    Il

    ne

    peut

    pas,

    de

    par son atticisme et l'lgance

    de

    la

    forme

    que

    revt

    tou-

    jours sa pense,

    adopter ce

    cri

    naf

    et trop

    concret.

    Il

    ne

    peut

    pas conduire

    les phalanges

    laques

    devant

    le

    che-

    valier

    de

    la

    Barre,

    ni

    autour

    de

    la Vierge

    questre

    et

    dore

    de

    la

    place

    des Pyramides, ni

    devant celle

    qui,

    plus

    gamine, chevauche

    sur

    la

    place Saint-

    Augustin.

    D'ailleurs,

    Jeanne

    vint

    de

    par

    Dieu,

    elle

    fut

    brle,

    mais

    pria

    quand

    mme, elle est

    de

    ces

    martyrs qui

    ont

    le

    dfaut

    impar-

    donnable

    de

    manquer

    d'ironie, et

    l'impertinence

    de se

    faire

    brler

    pour une

    opinion

    (

    2

    )

    ;

    au

    point

    de vue

    de

    la

    libre-

    pense

    j'ose

    dire

    qu'elle

    ne

    rendrait

    pas.

    C'est ainsi

    que

    M.

    A.

    France,

    faute d'un

    beau

    cri,

    a

    dit

    Pascal

    son

    fait sous

    forme de

    critique

    littraire,

    on

    a

    vu

    comment.

    (1)

    Combes (Emile),

    1902-1903

    (2)

    La

    Vit

    liltrairc

    t.

    III,

    p.

    31.

    Voir

    sur

    c:

    passage

    G.

    MicilAUT,

    Anatole

    France, prface,

    p.

    XXII.

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    19/24

    15

    Mais,

    le

    croirait-on,

    Proudhon,

    en

    une

    ligne

    prophtique,

    a,

    sur

    un

    point,

    veng Pascal.

    Les

    bourgeois, dit-il, confon-

    dent

    souvent

    les

    Jsuites

    et

    les

    Jansnistes.

    Bourgeois

    est

    dur,

    mais,

    vraiment,

    M.

    A.

    France

    ne

    confond-il

    pas cela

    et

    bien

    d'autres

    choses

    encore

    ?

    Et

    voici qu'aujourd'hui

    M.

    G.

    Michaut

    dans

    le

    livre

    le

    plus

    remarquable,

    le

    plus

    pr-

    cis

    ( ),

    nous

    montre

    la

    sensualit

    dominant, dirigeant

    toute

    l'uvre

    de M.

    A. France.

    C'est elle

    qui

    lui

    fit

    rejeter le

    sto-

    cisme,

    doctrine

    sombre,

    et

    dclarer

    la

    guerre

    la

    religion

    chrtienne

    mille

    fois

    plus

    sombre

    :

    le

    christianisme

    ne

    mprise-t-il

    pas

    le corps

    en

    proscrivant

    la

    volupt

    ;

    ne

    triomphe-t-il

    pas

    dans

    la

    mort

    en

    aggravant

    sa

    cruaut

    par la

    frayeur

    de

    l'au-del

    ?

    Et

    les

    circonstances amenant

    M.

    A.

    France

    suivre

    sa

    ligne

    jusqu'au

    bout

    (

    2

    ),

    c'est

    ainsi

    qu'il

    descendit

    jusqu'au

    fanatisme

    sectaire

    (

    3

    ).

    Est-il

    donc,

    Sagesse, si

    pnible

    et si

    rude le

    sentier

    qui

    conduit ta

    colline

    sacre

    (

    4

    ).

    Desse

    aux yeux

    bleus qui

    L'ac-

    cueillis

    sur

    l'Acropole, viens

    nous,

    guide-nous.

    Toi

    seule

    es

    juste,

    Pacifique

    ;

    toi

    seule

    es pure,

    Vierge

    ;

    toi seule

    es

    sereine,

    Victoire.

    Si

    tu savais

    combien il est

    devenu

    dif-

    (1)

    Anatole

    France,

    p.

    281 et suivantes.

    (2).

    Ibid.

    Prface.

    (3)

    Il

    approuva toutes

    les violences,

    il

    applaudit

    toutes

    les

    rc-

    prsailles,

    il

    dfendit,

    il rclama

    toutes

    les

    mesures

    de vengeance

    et

    de

    proscription, et sous

    prtexte

    d'instaurer

    la

    vraie libert,

    celle

    qui ne

    reconnat

    pas de libert contre elle

    (oh

    la

    belle

    formule

    et

    qu'il

    sied

    bien

    celui

    qui

    l'a

    imagine

    de

    se

    dclarer

    partisan

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    20/24

    16

    ~

    cite de

    te

    servir

    Toute

    noblesse

    a disparu

    ;

    mme

    ceux

    qui

    t'honorent,

    qu'ils

    doivent

    te

    faire

    piti

    Mais

    tes

    lvres

    divines

    restent

    closes,

    ton

    regard

    lointain

    nous

    ignore

    ;

    Vrit,

    la

    dchiffrerons-nous

    jamais,

    l'nig-

    me

    ardue

    de

    ton

    sourire.

    Clermont (Oise).

    Imprimerie

    Daix

    et

    Thiron.

    .

    rs.r-

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    21/24

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    22/24

    La

    Bibliothque

    Universit

    d'Ottawa

    Echance

    The

    Library

    University

    of

    Ottawa

    Date

    Due

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    23/24

    a

    3 9

    3

    00226916

  • 7/23/2019 Pascal et M Anatole France

    24/24