Partie Bibliographique I_Structure et propriétés des phyllosilicates

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Les nanocomposites polymère/argile connaissent un très fort développement depuis une vingtaine d’années. La recherche sur ce sujet a pris une ampleur particulière depuis que Okada et al. [OKA90] ont obtenu des propriétés très intéressantes en dispersant la montmorillonite dans le polyamide 6. Depuis, les études sur le sujet se sont multipliées aussi bien avec des matrices thermoplastiques que thermodurcissables. Lorsque l’on s’intéresse aux nanocomposites, on n’est donc pas confronté à un manque de littérature, mais au contraire à une littérature à la fois dense, très diversifiée et en perpétuel renouvellement.

Nous présentons dans cette synthèse bibliographique les étapes clés nécessaires à la fabrication des nanocomposites. Ce suivi de l'élaboration des nanocomposites se fera depuis la modification organophile de l’argile jusqu'aux propriétés généralement attendues pour ces matériaux, en passant par les procédés de mise en œuvre utilisés et les études sur la dispersion des argiles organophiles en milieu organique.

Cependant, il nous a paru nécessaire, dans un premier temps, de nous intéresser au matériau de départ, à savoir la montmorillonite. Nous allons présenter la structure et les propriétés des phyllosilicates en général, afin de mieux distinguer les spécificités de la montmorillonite au sein de cette famille de minéraux. La connaissance des caractéristiques intrinsèques de la montmorillonite et de ses propriétés en milieu aqueux doit nous aider à appréhender son comportement lors de sa modification organophile et lors de sa dispersion dans les mélanges réactifs.

I Structure et propriétés des phyllosilicates Les phyllosilicates sont des silicates dans lesquels les tétraèdres de SiO4 forment

des feuillets infinis bi-dimensionnels. Ces feuillets tétraédriques sont condensés avec des octaèdres d'oxydes métalliques dans un rapport 2:1 ou 1:1. Les phyllosilicates sont également appelés plus simplement silicates lamellaires. Nous présentons dans l'Annexe D, un petit lexique des termes de géologie employés dans ce chapitre afin d'en faciliter la compréhension. Les smectites appartiennent au groupe des phyllosilicates 2:1 ou TOT (une couche d'octaèdres entre deux couches de tétraèdres). Des substitutions isomorphes dans leur structure cristalline permettent d'obtenir différentes argiles smectiques, parmi lesquelles la montmorillonite.

Nous allons dans cette partie présenter la structure et les propriétés de cette famille de minéraux ainsi que leur comportement en suspension dans l’eau.

A Structure cristallographique Les phyllosilicates forment une grande famille minérale au sein de laquelle se

côtoient des argiles de structure, de texture et de morphologies variées. Ainsi, la montmorillonite se présente sous la forme de particules souples, anisotropes, et de grande taille (quelques centaines de nanomètres). Par contre l'hectorite, qui appartient également à la famille des smectites, est constituée de lattes avec une dimension latérale allant de 300 nanomètres à un micron. Son homologue synthétique, la laponite, se présente sous la forme de monofeuillets de quelques dizaines de nanomètres de longueur.

La structure cristalline de la montmorillonite est basée sur celle de la pyrophyllite depuis que le modèle structural proposé par Hofmann [HOF33], Marshall [MAR35] et Hendricks [HEN42] a été retenu. La formule de la pyrophyllite est [Si4Al2O10(OH)2]. Dans le cas de la montmorillonite cette formule devient [Si4O10Al3+

(2-x)Mg2+x (OH)2], du fait de

substitutions isomorphes dans la couche d'oxyde d'aluminium. Ces substitutions entraînent un déficit de charge au sein du feuillet. Cette charge négative est contrebalancée par la présence de cations dits "compensateurs" entre les feuillets.

La demi-maille cristalline à la base des feuillets bi-dimensionnels des smectites est constituée de sept couches atomiques superposées. Le terme de demi maille est employé car la répétition du motif dans la direction (001) nécessite la prise en compte de deux feuillets. Or la distance interfoliaire est plus liée à la texture qu'à la structure

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cristallographique. La demi-maille se décompose en une couche d’octaèdres comprise entre deux couches de tétraèdres. On peut également la décomposer en une couche médiane d’oxyde métallique comprise entre deux couches de silice. La structure cristallographique de la pyrophyllite est présentée sur la Figure I-A_1.

Figure I-A_1 : Structure cristallographique de la pyrophyllite. Un feuillet est constitué d’un enchaînement de demi-mailles dans les directions x

et y. Les périodes de la demi-maille élémentaire proposées par Hofmann et al. [HOF33] sont a = 5,10 Angströms et b = 8,83 Angströms. Didier [DID72] donne pour la montmorillonite des valeurs légèrement plus élevées de ces paramètres de maille : a = 5,19 Angströms et b = 8,98 Angströms.

La distance entre feuillets que nous appellerons distance interfoliaire (notée d001), varie selon le type de phyllosilicate. Elle correspond à la dimension de la maille cristalline dans la direction (001). Elle est fonction du type de cation compensateur et de l'état d'hydratation du silicate. Dans le cas d’une montmorillonite anhydre, elle vaut environ 9,6 Å [DID72].

Comme nous l'avons évoqué, les phyllosilicates TOT présentent des substitutions

isomorphes. Ainsi, les atomes de silicium des couches tétraédriques peuvent être remplacés par des ions Al3+. De même, les atomes métalliques de la couche octaédrique peuvent être remplacés par des ions de valence inférieure. Il en résulte un déficit de charge, compensé par la présence, entre les feuillets, de cations (Li+, Na+, Ca2+, K+, Mg2+) qui permettent de contrebalancer la charge négative des feuillets. Ces cations compensateurs se situent aux endroits stériquement les moins encombrés et les plus proches des centres déficitaires [DID72]. La charge globale de ces minéraux varie de 0.4 à 1.2 électron par maille.

Les différentes argiles appartenant à la famille des phyllosilicates se distinguent

par le taux d’occupation des sites octaédriques, le lieu des substitutions isomorphes, le caractère ordonné ou désordonné de ces susbstitutions, la charge de la maille, et le type de cation compensateur. C’est cette classification, et la place occupée par la montmorillonite au sein de cette classification, que nous exposons dans la partie suivante.

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B Classification Différents modèles de classification des phyllosilicates existent. Le Tableau I-A_1

présente une synthèse de deux classifications. La première, établie par le comité international de Classification et de Nomenclature des Minéraux argileux en 1966 est basée uniquement sur la charge du feuillet et sur le nombre d'atomes métalliques en couche octaédrique. La deuxième, celle établie par J.MERING et G. PEDRO [MER69], prend en compte la localisation des substitutions, leur distribution et le type de cations compensateurs. Cette classification ne prend pas en compte les silicates synthétiques, parfois utilisés dans l'élaboration de nanocomposites que sont la fluorohectorite, le fluoromica ou la laponite.

Cette classification met bien en évidence que les smectites se répartissent en

plusieurs catégories. Les smectites sont dioctaédriques, comme la montmorillonite, lorsque deux des trois sites octaédriques de la demi-maille sont occupés par des atomes d'Aluminium. Elles sont trioctaédriques, comme l'hectorite, lorsque les trois cavités octaédriques sont occupées par des atomes de magnésium. Elles se différencient également par le lieu de leurs substitutions isomorphes. Les atomes de silicium des sites tétraédriques sont remplacés par des atomes d'aluminium dans le cas de la beidellite. Pour l'hectorite et la montmorillonite des atomes de lithium et de magnésium se substituent respectivement au magnésium et à l'aluminium dans les sites octaédriques. Les ions compensateurs des smectites possédant leurs substitutions isomorphes dans la couche octaédrique sont moins fortement liés aux feuillets et plus facilement hydratables. L’effet du déficit de charges est écranté par la couche tétraédrique, ce qui confère à ces smectites des interactions interfoliaires plus faibles. De plus, elles développent une surface spécifique élevée (800 m2.g-1 pour la montmorillonite et 760 m2.g-1 pour l'hectorite) ce qui les rend facilement dispersables dans un solvant organique après modification organophile [GHE98].

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C Les montmorillonites Les phyllosilicates présentent des similitudes de structure et de propriétés, mais

nous allons maintenant restreindre notre champ d’investigation à la montmorillonite car c’est cette smectite que nous avons utilisée pour la réalisation des nanocomposites polymère/argile.

Les montmorillonites possèdent, en plus de leur facteur de forme exceptionnel (L/e généralement compris entre 100 et 1000), les propriétés de gonflement les plus intéressantes de tous les minéraux de la famille des phyllosilicates. Cette aptitude au gonflement permet leur emploi pour la réalisation de composites. En effet, leur gonflement en milieu aqueux facilite énormément leur modification en matériaux inorganiques organophiles. L’obtention d’un gonflement similaire en milieu organique doit permettre l’amélioration des propriétés des matériaux polymères, mais nous reviendrons sur ce point dans la Partie Bibliographique II.

Nous nous attachons dans cette partie à décrire leur structure à différentes échelles et leurs propriétés spécifiques.

1 Microstructure Les montmorillonites ont la particularité de présenter différents niveaux

d’organisation selon l’échelle d’observation [MER46]. Nous présentons dans cette partie les différents "objets" caractéristiques de cette structure multi-échelle. Ces différentes unités structurales sont représentées schématiquement sur la Figure I-C_1.

100 à 1000 nm

e = 1 nm

Le feuillet La particule primaire L’agrégat

8 à 10 nm 0,1 à 10 µm100 à 1000 nm

e = 1 nm

Le feuillet La particule primaire L’agrégat

8 à 10 nm 0,1 à 10 µm

Figure I-C_1 : Structure multi-échelle de la montmorillonite.

i Le feuillet : C’est la répétition horizontale de la demi-maille dans les directions x et y. Il est

assimilable à un disque ou à une plaquette, possédant des dimensions latérales de l’ordre du micron, et faisant à peu près un nanomètre d’épaisseur. Ces plaquettes sont considérées comme souples et relativement déformables. L'anisotropie des feuillets est très importante. Dans la famille des smectites, la charge d’un feuillet varie de 0,2 à 0,6 électron par maille, selon la localisation des substitutions, et le taux d’occupation des couches octaédriques. La montmorillonite possède environ 0,3 à 0,4 électron par maille. Les cations compensateurs à la surface des feuillets de montmorillonite sont généralement des ions calcium ou sodium. On emploie généralement les termes de montmorillonite "calcique" et de montmorillonite "sodique" pour faire référence à la nature de ces cations.

ii La particule primaire [MAT51] :

Elle est constituée de cinq à dix feuillets empilés, maintenus par les forces

électrostatiques attractives entres les ions compensateurs et les feuillets. Elle fait généralement 8 à 10 nanomètres d’épaisseur. La taille des particules est à peu près constante, c’est à dire que lorsqu’une montmorillonite est gonflée, l’espace interfoliaire

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est augmenté et il y a moins de feuillets dans une particule. La montmorillonite présente des substitutions isomorphes de type dioctaédrique. Ce type de localisation des charges empêche les cavités hexagonales de deux feuillets adjacents de se superposer. L’arrangement global des feuillets, au sein d'une particule primaire de montmorillonite, est donc turbostratique. Ils présentent un désordre dans le plan (x;y) mais sont tous perpendiculaires à la direction z [DID72].

iii L’agrégat [MER46] :

C’est un ensemble de particules primaires orientées dans toutes les directions. Les

agrégats ont une taille qui varie de 0,1 à 10 microns. Cette structure multi-échelle développe différents niveaux de porosité, qui

expliquent l'aptitude de la montmorillonite au gonflement. L'absorption d'eau se fait à plusieurs niveaux : par l'hydratation des cations compensateurs mais aussi par capillarité au sein des galeries et des porosités interparticulaires et interagrégats [MER46].

2 Caractéristiques physiques des montmorillonites Pour définir une smectite de la façon la plus complète possible, il faut connaître

plusieurs propriétés essentielles.

i La capacité d’échange cationique La capacité d’échange cationique (CEC) correspond au nombre de cations

monovalents qu’il est possible de substituer aux cations compensateurs pour compenser la charge négative de 100 grammes d’argile. Elle s’exprime généralement en milliéquivalents pour 100 grammes (meq/100g). 1 meq vaut 96.5 Coulomb. Il existe différentes méthodes de mesure de la CEC. En général, on introduit une montmorillonite naturelle dans une solution contenant un excès de cations, puis on réalise une analyse élémentaire afin d’évaluer la quantité de cations échangés entre l’argile et la solution. Cette mesure se fait généralement avec NH4

+, ou Ba2+. Le dosage par microanalyse élémentaire des ions présents dans l’argile après substitution permet de déterminer la CEC.

Il existe également une méthode utilisant la cobaltihexamine [THO99]. Cette méthode est basée sur une mesure de colorimétrie. Au moyen d’un spectromètre UV-visible, on mesure la diminution de la concentration en cobaltihexamine d'une solution dans laquelle on a dispersé la montmorillonite.

La CEC de la montmorillonite oscille généralement entre 70 et 120 meq/100g.

ii La surface spécifique Les méthodes de détermination de la surface spécifique des phyllosilicates les plus

couramment utilisées reposent sur l'introduction progressive d'un réactif dans une suspension aqueuse jusqu'à saturation. Le volume introduit à la saturation est lié à la surface spécifique du phyllosilicate. Il est nécessaire que le réactif utilisé développe des interactions spécifiques avec le silicate étudié afin de couvrir toute sa surface, et en particulier ses surfaces interfoliaires. Le bleu de méthylène, dont nous présentons la formule chimique sur la Figure I-C_2, est un cation fréquemment utilisé. Les interactions électrostatiques entre les électrons π de ses cycles aromatiques et le feuillet chargé négativement lui permettent de recouvrir totalement la surface. L'éthylène glycol est également utilisé. Dans ce cas, des liaisons hydrogène sont développées entre le réactif et les atomes d'oxygène de surface [GHE98].

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N+S

N

N

Cl-

N+S

N

N

Cl-

Figure I-C_2 : Formule chimique du bleu de méthylène. Kahr et al. [KAH95] ont démontré que la méthode utilisant le bleu de méthylène

était plus précise pour la montmorillonite que pour d'autres phyllosilicates. En effet, dans le cas de la montmorillonite, la surface de feuillet par charge déficitaire est du même ordre de grandeur que la surface couverte par un ion bleu de méthylène. La validité de cette méthode de détermination pour les autres phyllosilicates est remise en cause. Dans le même ordre d'idées, Helmy et al. [HEL99] ont récemment mis en évidence que la valeur de la surface mesurée est dépendante du réactif chimique utilisé pour la mesure. Dans le cas où le produit développe des interactions spécifiques, les valeurs mesurées sont du même ordre de grandeur, mais ne doivent pas être considérées comme des valeurs absolues.

La méthode BET, utilisant l’adsorption d’azote, ne met pas en jeu d’interactions spécifiques. Elle conduit à des valeurs de surface spécifiques beaucoup plus faibles, qui ne sont représentatives que de la surface externe des phyllosilicates [GHE98]. Ainsi, la surface spécifique des montmorillonites est de l’ordre de 600 à 800 m2/g alors qu’une mesure BET donne des valeurs de l’ordre de 40 m2/g [GAB91, MED98].

Les montmorillonites possèdent une surface spécifique très importante couplée à une très grande anisotropie. Ce sont ces deux principales propriétés qui rendent leur utilisation dans la réalisation de nanocomposites très intéressante. Pour réaliser des nanocomposites performants, il est nécessaire de disperser la charge uniformément jusqu'à l'échelle du feuillet pour profiter de l'effet du facteur de forme. Ceci implique la modification chimique de la montmorillonite afin de changer son caractère hydrophile en caractère organophile. Cette modification est facilitée par l’aptitude au gonflement des montmorillonites. Nous allons maintenant exposer en détail ces propriétés et les facteurs pouvant les modifier.

3 Propriétés de gonflement, rôle du cation compensateur Le gonflement consiste en une séparation des feuillets jusqu’à une distance

interfoliaire d’équilibre sous une pression donnée. Cette distance peut atteindre 100 Angströms pour certaines montmorillonites sodiques sous pression atmosphérique. Les propriétés de gonflement des montmorillonites sont dues au caractère hydrophile de toute sa surface, en raison de la présence de cations hydratables dans les galeries interfoliaires. Cependant, cette condition n’est pas suffisante car ces propriétés de gonflement vont être gouvernées par le type et le nombre de cations inorganiques présents dans les galeries. Tous les phyllosilicates ne possèdent pas cette aptitude au gonflement.

Dans le cas des micas, la localisation des substitutions isomorphes dans la couche tétraédrique, ainsi que le fort déficit de charges créent des liaisons très fortes entre les ions compensateurs et les feuillets, qui empêchent l'hydratation des cations. Dans le cas des vermiculites, le plus faible déficit de charge permet l'hydratation des cations compensateurs mais les forces électrostatiques attractives, développées entre la couche ionique et deux feuillets maintenus face à face, ne peuvent pas être surpassées par l’adsorption d’eau libre dans la galerie interfoliaire. Les substitutions octaédriques favorisent le gonflement car l’interaction que les feuillets développent alors avec les cations compensateurs est réduite par un effet d’écran de la couche tétraédrique [LUC99]. C’est pour cette raison que les montmorillonites et les hectorites sont les phyllosilicates possédant les meilleures propriétés de gonflement.

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Plus les cations compensateurs sont petits et faiblement chargés, plus le gonflement de l’argile sera important. Ces ions facilement hydratables permettent grâce à leur complexion avec des molécules d'eau la diminution des forces attractives entre feuillets [SPO99]. Le gonflement est décroissant selon le type de cation compensateur suivant : Li+> Na+> Ca2+> Fe2+>K+. Le cas du potassium est un cas spécifique car cet ion possède exactement la dimension des cavités en surface du feuillet et s’y retrouve piégé, devenant ainsi moins hydratable et moins facilement échangeable.

L’organisation des feuillets aux différentes échelles influe également sur le

gonflement. L’importante surface spécifique développée par les feuillets de montmorillonite permet une forte adsorption d’eau et leur flexibilité permet de créer des pores au sein des particules. D’autre part, les feuillets d’une particule peuvent se délaminer par translation ou rotation dans leur plan (x,y). Ces effets de déformation et de délamination permettent de créer des pores au sein des particules primaires. On distinguera donc l’eau liée aux feuillets, par l’hydratation des cations ou par des liaisons hydrogène avec les atomes d'oxygène du cristal, de l’eau libre contenue dans les pores aux différentes échelles (eau interfoliaire, eau interparticulaire et eau interagrégat) [MER46].

Le gonflement d’une montmorillonite peut être décomposé en deux phases [NOR54, DID72] :

i Le gonflement cristallin :

Il est également appelé gonflement en présence d’eau vapeur. Il permet

d’augmenter la distance interfoliaire de 9.6 à 20 Angströms. Ce gonflement est directement lié au nombre de couches d’eau adsorbées entre les feuillets. Il est intéressant de noter qu’une montmorillonite, même séchée à 105°C, présente généralement une distance interfoliaire d’environ 12 Angström témoignant de la présence d’eau liée entre ses feuillets. L'amplitude du gonflement cristallin est liée à l'énergie d'hydratation des cations compensateurs [NOR54, SPO99].

ii Le gonflement osmotique :

Il est également appelé gonflement "macroscopique" ou gonflement "libre". Il se

produit lorsque l’énergie d’hydratation est suffisante pour franchir la barrière de potentiel due aux forces électrostatiques attractives entre feuillets. Au-delà de la deuxième couche d'eau adsorbée à la surface d'un feuillet, l'eau perd ses propriétés d'eau liée et devient de l'eau libre.

Pour des teneurs en eau plus importantes, on parle plus souvent de dispersion ou

de suspension de montmorillonite dans l'eau que de gonflement aqueux de la montmorillonite. Nous exposons les propriétés de ces suspensions dans la partie suivante.

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D Comportement en solution aqueuse Pour bien comprendre le comportement des montmorillonites en suspension, il est

nécessaire de modéliser les interactions entre feuillets et de cerner les différents paramètres influant sur la stabilité des colloïdes. Le modèle de la double couche électrique et la théorie de DLVO sont les plus utilisés pour décrire la stabilité colloïdale des particules chargées. Ces modèles sont nécessaires à la compréhension des interactions entre feuillets et vont permettre l’établissement de diagrammes de phases et la compréhension de la rhéologie des suspensions aqueuses de montmorillonite.

1 modèle de la double couche électrique Le caractère stable ou instable des suspensions aqueuses de montmorillonite est

lié aux dimensions et aux interactions entre les doubles couches électriques existant autour de chaque particule.

Les feuillets de montmorillonite sont chargés négativement du fait des substitutions isomorphes inhérentes à leur structure cristalline. Les cations compensateurs, bien qu'hydratés, sont attirés par la surface négative des feuillets. D'après Israelachvili [ISR91], la population des cations attirés par la surface pour rétablir l'électroneutralité au voisinage de celle-ci peut être séparée en deux couches. Une couche de cations immobiles liés à la surface, appelée couche de Stern, et une couche de cations mobiles au voisinage de la surface appelée couche diffuse. La limite entre la couche de Stern et la couche diffuse est appelée plan d'Helmotz ou plan de cisaillement. L'ensemble de ces deux couches constitue la double couche électrique de la particule en suspension. La concentration en ions positifs est donc importante au voisinage de la surface et décroît progressivement lorsqu’on s’éloigne de la particule. Au voisinage de la surface, il y a également un déficit en anions, repoussés de la surface par les forces électrostatiques. Cette différence de concentration entre anions et cations crée un potentiel électrique. Nous avons représenté schématiquement l'évolution de la concentration en ions, et celle du potentiel électrique, en fonction de la distance à la surface de la particule sur la Figure I-D_1. L'existence de la couche de Stern (ions immobiles à la surface du feuillet) est cependant controversée [SPO99].

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Couche diffuse

Surface de la particule

Figure I-D_1 : Représentation schématique de la double couche électrique et de

l'évolution du potentiel électrique en fonction de la distance à la particule.

Le potentiel électrique vaut Ψ0 à la surface de la particule et décroît linéairement dans la couche de Stern. La valeur du potentiel au plan d'Helmotz est le potentiel ζ (potentiel Zêta). C'est la seule valeur accessible expérimentalement. Au-delà du plan

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d'Helmotz, le potentiel électrique décroît exponentiellement selon la théorie de Gouy-Chapman (cf. Equation I-D_1). A une distance infinie du feuillet, le potentiel s'annule puisque l'électroneutralité est respectée dans la solution.

L’épaisseur de la double couche électrique est régie principalement par la concentration en électrolyte de la solution et par la valence des ions présents. Plus la force ionique est élevée, plus la double couche sera comprimée. Cette double couche offre aux particules argileuses leur stabilité en dégageant un effet répulsif lorsque deux particules s'approchent l'une de l'autre. On comprend donc que l’augmentation de la concentration en électrolyte aura tendance à précipiter la floculation de la suspension en réduisant l'épaisseur de la double couche électrique garante de la stabilité des particules. Ce phénomène est schématisé sur la Figure I-D_2.

)]x(exp[x κ−ζ=Ψ

avec : Ψx : valeur du potentiel à une distance x du plan d'Helmotz ζ : potentiel Zêta, valeur du potentiel au plan d'Helmotz κ−1 : Epaisseur de la double couche électrique ou longueur de Debye. Equation I-D_1 : Variation du potentiel électrique en fonction de la distance à la

surface de la particule selon la théorie de Gouy-Chapman.

Figure I-D_2 : Représentation schématique de la chute du potentiel de surface

Ψ0 et de la contraction de la double couche électrique, dues à une augmentation de la force ionique, d'après Luckham et al. [LUC99].

2 théorie DLVO Une analyse théorique des interactions entre particules colloïdales a été

développée par Derjaguin, Landau, Verwey et Overbeek. Cette théorie DLVO décrit les interactions entre colloïdes comme une compétition des forces répulsives développées par les doubles couches électriques et les forces attractives de Van der Waals.

Le potentiel répulsif (Vr) est créé par les interactions entre les doubles couches diffuses de deux particules s'approchant l'une de l'autre. Ce potentiel répulsif décroît exponentiellement lorsqu’on augmente la distance entre particules et l’amplitude de la répulsion est réduite lorsque la concentration en électrolyte augmente. Cette théorie considère que les particules ne sont pas hydratées et qu’il n’y a donc pas de force répulsive additionnelle quand deux particules s’approchent en milieu aqueux. Il semble cependant que pour des montmorillonites sodiques par exemple, l'expression de l’interaction totale entre les plaquettes doive prendre en compte une force de répulsion à faible distance due aux cations hydratés partiellement liés et une force répulsive à plus grande distance due aux ions hydratés de la double couche.

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Le potentiel attractif (Va) est dû aux forces de Van der Waals. Dans les systèmes colloïdaux, les forces de dispersion de London (forces attractives dues à des dipôles instantanés que créent les fluctuations des nuages électroniques des atomes) représentent la quasi-totalité des forces attractives de Van der Waals.

La somme de ces potentiels attractifs et répulsifs peut présenter différents profils en fonction de la concentration en électrolyte et de la température de la suspension. Ces deux paramètres vont conditionner la stabilité de la suspension et son mode de floculation ou de coagulation. L’évolution du potentiel d’interaction en fonction de la distance interparticulaire est schématisée sur la Figure I-D_3. La hauteur de la barrière énergétique Ψmax détermine la stabilité de la suspension. Sur cette figure, a représente le rayon d'une particule et r la distance au centre de la particule.

Pour de faibles forces ioniques (cas A sur la Figure I-D_3) et pour un potentiel de surface élevé, le potentiel répulsif est supérieur au potentiel attractif. Les particules se repoussent mutuellement et la suspension est dans un état de dispersion stable. Plus le maximum primaire Ψmax est élevé, plus la suspension est stable.

Figure I-D_3 : Potentiel d'interaction en fonction de la distance entre particules

d'après Yang et al. [YAN97]. Pour des forces ioniques modérées (cas B sur la Figure I-D_3), la courbe présente

un maximum primaire Ψmax et un minimum secondaire Ψsec. Lorsque les particules sont localisées dans ce minimum secondaire, elles sont en équilibre et sont floculées. L'état de floculation est réversible lorsque le minimum secondaire n'est pas très profond (-Ψsec//kT≈1). Par contre, si (-Ψsec//kT) > 20, le minimum secondaire est beaucoup plus profond et la suspension est fortement floculée.

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Pour des forces ioniques élevées (cas C sur la Figure I-D_3), La courbe ne présente plus de maximum. Les particules floculent très rapidement et de façon irréversible. La distance entre particules correspond alors au minimum primaire Ψmin. La suspension est dans un état de coagulation.

Nous allons maintenant détailler les différents modes d’association de ces particules colloïdales lors de l'agrégation et de la floculation.

3 Modes d’association des particules Une charge en suspension se trouve généralement soit sous forme agglomérée

soit sous forme d'une dispersion stable. Le cas des montmorillonites est plus complexe. Si la concentration en montmorillonite est suffisamment importante (à partir de

3% en masse environ pour une montmorillonite sodique), la floculation des particules d’argile peut entraîner la formation d’un gel tridimensionnel. De nombreux auteurs se sont intéressés à ce phénomène. Ils ont essayé de mettre en évidence expérimentalement, et de comprendre à travers la théorie de DLVO, la nature des interactions entre particules et la structure de la suspension lors du gel. Cependant, aucune théorie ne semble encore unanimement acceptée.

Les particules de montmorillonite s'organisent toujours dans une structure correspondant à un minimum d'énergie libre.

La dispersion stable de la montmorillonite sous forme de feuillets individuels ou de très fines particules primaires est liée à l'absence d'interaction entre les différentes entités, dont les doubles couches électriques se repoussent mutuellement [CAL74]. On obtient cette dispersion pour des suspensions très diluées.

Pour de plus fortes concentrations en montmorillonite, trois différentes formes d’association des particules pouvant prendre place lors de la floculation de la suspension ont été décrites par Van Olphen [VAN64]. Ces différentes organisations sont décrites ici et représentées schématiquement sur la Figure I-D_4.

A B C DA B C D Figure I-D_4 : Modes d’associations supposés des feuillets de montmorillonite en

suspension : A) dispersion, B) agrégation face à face, C) association bord/face, D) association bord/bord.

i L’organisation face à face

Elle est due aux interactions des doubles couches électriques de deux feuillets.

Elle peut entraîner l’agrégation des feuillets lorsque les deux doubles couches coalescent et que les feuillets ne sont plus séparés que par une couche médiane de cations positifs. Ce type d’association peut conduire à l’obtention d’agrégats de feuillets parallèles distants de moins de 20 Angströms. Dans ce cas, les unités structurales pouvant s’associer pour former un gel sont moins nombreuses et la surface d'interaction entre la montmorillonite et la solution diminue.

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ii Les organisations bord/face et bord/bord Les bords des feuillets de montmorillonite sont des liaisons rompues de silice et

d'alumine. Ils présentent un caractère amphotère, c'est à dire que selon le pH de la solution, ils peuvent être chargés positivement ou négativement. Sous certaines conditions de pH, les bords des feuillets et les faces présentent des polarités opposées et développent des forces électrostatiques attractives. Elles permettraient la construction d’organisations de type "château de cartes". Cette organisation, initialement proposée par Hofmann [cité par Lagaly dans LAG89], permet de piéger beaucoup plus d’eau que l'agrégation et conduit à une structure continue similaire à un gel.

iii Autres modes d'organisation

L'organisation en "château de cartes" d'Hofmann, avancée pour expliquer le gel

des suspensions de smectites, ne fait pas l’unanimité. D’autres théories sur les modes d’association des particules conduisant au gel ont été développées. La théorie du château de cartes présente deux principales limites, liées à l'existence controversée des interactions bords/face.

La première de ces limites est la faible probabilité de la prédominance d'une interaction bord/face sur la répulsion face/face étant donné la faible surface des bords par rapport aux faces dans le cas de la montmorillonite [CAL74]. Il faut noter ici que ces interactions ont été mises en évidence dans le cas de la kaolinite, qui possède un facteur de forme plus faible. L'autre limite de cette théorie est liée au fait qu'elle décrive le gel à des valeurs élevées de pH, valeurs pour lesquelles les charges portées par les bords et les faces des feuillets ne sont pas de signes opposés. La structure conduisant au gel a donc été expliquée par d'autres interactions que les interactions bord/face.

Ainsi, Rand et Perkens [RAN80], n'ont pas observé d'association bord/face pour des gels formés à des valeurs de pH supérieures à 4. Ils attribuent, tout comme Callaghan et Ottewill [CAL74], la formation du gel à des interactions répulsives à grandes distances entre les doubles couches électriques. Ils ne remettent cependant pas en question l'existence des interactions bord/bord. Les bords des feuillets ont été proposés par Norrish [NOR54] comme étant des zones où le potentiel électrostatique a une valeur minimale, favorisant ainsi la floculation. M'Ewen et Pratt [MEW57] utilisent cette hypothèse pour proposer une structure en trois dimensions, à base d'interactions bord/bord, sous forme de rubans de feuillets, représentée sur la Figure I-D_5, qui permet d'immobiliser de grandes quantités d'eau et qui selon eux satisfait tous les résultats expérimentaux observés.

Figure I-D-5 : Organisation en rubans proposée par M'Ewen et Pratt [MEW57].

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D'autres auteurs, tels Vali et Bachmann [VAL88], défendent le modèle de bandes initialement proposé par Weiss et Franck [WEI61]. A partir d'observations en microscopie électronique et de caractérisations rhéologiques, l'existence d'un réseau tridimensionnel d'agrégats en forme de feuilles a été mise en évidence. Ces agrégats seraient composés de feuillets agglomérés par des interactions face/face mais avec un recouvrement partiel de leurs surfaces respectives. La flexibilité des feuillets permet dans ce cas, d'obtenir un réseau tridimensionnel. Ce type d'organisation est représenté schématiquement sur la Figure I-D_6.

Brandenburg [BRA88] confirme la probabilité de l'existence d'une telle structure pour des pH alcalins, mais ne condamnent pas l'existence de la structure en château de cartes pour des valeurs de pH acides. Lagaly [LAG89] et Khandal et Tadros [KHA88] confirment également cette interprétation.

Figure I-D_6 : Représentation schématique en deux dimensions du "modèle de

bandes" proposé par Weiss et Frank [WEI61]. Keren et al. [KER88] proposent encore une autre structure basée sur des

interactions face/face pour représenter les gels à des pH ne permettant pas les interactions bord/face. Tout comme dans le modèle de bandes, la flexibilité des feuillets y joue un rôle important. Au lieu de proposer un recouvrement partiel des feuillets, ils proposent à partir de l'hétérogénéité de répartition des charges à la surface des feuillets, un modèle postulant l'existence de zones ponctuelles non chargées à la surface du feuillet, où les forces de répulsion entre feuillets ne s'exerceraient pas. La structure engendrée par de telles hypothèses est représentée sur la Figure I-D_7.

Figure I-D_7 : Modèle d'association face à face des particules de montmorillonite sodique, proposé par Keren et al. [KER88]

De Kretser et al. [DEK98] ont récemment présenté le gel comme le résultat d'une

floculation aléatoire. L'évolution du potentiel d'interaction de la théorie DLVO est en adéquation avec l'évolution de la contrainte à rupture de ces gels en fonction de la force ionique de la solution de dispersion. D'après eux, le gel n'est pas dû à des orientations préférentielles. La floculation se produit aléatoirement en orientation face/face ou bord/bord et l'agrégation en orientation face/face. Ces deux états (floculé et agrégé)

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conduisent à la mesure d'une contrainte seuil en rhéologie. Ils réfutent eux aussi l'existence d'interactions préférentielles bords/face.

Finalement, bien qu'elle soit controversée, la théorie d'Hofmann d'une structure en château de cartes basée sur des interactions bord/face est encore retenue par de nombreux auteurs pour expliquer les propriétés des gels formés en milieu acide. Ces mêmes auteurs élaborent également diverses théories pour décrire le gel à des pH alcalins. L'influence du pH, comme de tous les facteurs affectant la double couche électrique, est cruciale dans les interactions développées et dans la structure formée.

En résumé, les modes d'associations des feuillets et des particules déterminant la structure des suspensions ne sont pas clairement définis. Les concentrations en électrolyte, en montmorillonite et le pH affectent les propriétés de ces suspensions et notamment leurs propriétés rhéologiques [RAM00]. La structure des suspensions de montmorillonite va conditionner leurs propriétés rhéologiques. Nous allons maintenant exposer ces propriétés ainsi que les facteurs les affectant, car nous en aurons besoin pour mieux comprendre le comportement des dispersions de montmorillonite organophile en milieu organique.

4 La rhéologie des suspensions aqueuses de montmorillonite

L’organisation de la montmorillonite en suspension étant comme nous l’avons vu

très complexe et facilement affectée par de nombreux paramètres, leur comportement rhéologique est également difficile à décrypter. De nombreux travaux ont été conduits sur le comportement de ces suspensions lors de l'écoulement. Le tracé de l'évolution de la contrainte de cisaillement en fonction du taux de cisaillement est la courbe d'écoulement du fluide.

Pour des suspensions très diluées de montmorillonite sodique ou calcique, la dispersion est stable et il n'y a pas de contact entre feuillets ou entre les très fines particules primaires formées. Ces suspensions présentent un comportement newtonien [BRA88, LAG89]. Leur courbe d'écoulement est une droite passant par l'origine dont la pente est la viscosité du fluide (cf. Figure I-D_9). L'écoulement newtonien est modélisé par l'Equation I-D_1 :

γ⋅η⋅=⋅τ

avec : τ : contrainte de cisaillement en Pa. : taux de cisaillement en sγ -1 η : Viscosité newtonienne en Pa.s Equation I-D_1 : Modèle de Newton. Les suspensions très concentrées en montmorillonite sodique présentent un

comportement de liquide à seuil de type Bingham [LUC99]. Ce modèle considère qu’une contrainte minimale doit être appliquée pour engendrer l’écoulement du fluide. Le fluide se comporte ensuite comme un liquide newtonien, la contrainte étant proportionnelle au taux de cisaillement. La pente de la partie linéaire de la courbe est appelée viscosité plastique. Ce type de comportement lors de l’écoulement est représenté sur la Figure I-D_9 et est modélisé par l’Equation I-D_2, caractéristique du modèle de Bingham.

γη⋅+τ⋅=⋅τ ⋅⋅ plb

avec : τb : Contrainte à seuil de Bingham. ηpl : Viscosité plastique. Equation I-D_2 : Modèle de Bingham.

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Pour des concentrations intermédiaires, des comportements rhéofluidifiants et rhéofluidifiants à seuil [LAG89, RAN80] ont été observés. Les comportements rhéofluidifiants sont généralement décrits par une loi puissance. Lorsque le fluide possède en outre un seuil d’écoulement, son écoulement est généralement modélisé par une loi de type Casson, mais d'après Luckham et al. [LUC99] l’équation d’Herschel-Bulkley (Equation I-D_3) est plus souvent retenue dans le cas des suspensions de montmorillonite.

γ⋅⋅+⋅τ⋅=⋅τn

Ky

avec : τy ; Contrainte à seuil K : consistance du fluide. n : indice d'écoulement. Equation I-D_3 : Modèle d’Herschel-Bulkley. Cependant, il est parfois difficile de savoir si la suspension présente un véritable

seuil, avant lequel elle ne s'écoule absolument pas, ou un écoulement faible aux faibles taux de cisaillement régi par une très haute viscosité apparente [LAG89].

A ce changement de comportement en fonction de la concentration, s’ajoute une variation de comportement rhéologique en fonction du temps. En général, ce phénomène est mis en évidence par l'apparition d'une boucle d'hystérésis lors du tracé de la courbe d'écoulement en chargement puis en déchargement. On parle de comportement thixotrope lorsque la contrainte mesurée lors du déchargement est plus faible que celle mesurée lors du chargement pour un même taux de cisaillement. Inversement, si elle est plus grande lors du déchargement que lors du chargement, on parle de comportement antithixotrope. Ces deux phénomènes ont été observés dans le cas de suspensions de montmorillonite.

Co

ntr

ain

te d

e c

isail

lem

en

t τ

τb

τy

Taux de cisaillement

Fluide Newtonien

Fluide de Bingham

Fluide rhéofluidifiant

γ

Fluide rhéofluidifiant à seuil

τ = τy + K.

γn

τ = τb + ηplγ

τ = K.

γn

τ = η γ

Co

ntr

ain

te d

e c

isail

lem

en

t τ

τb

τy

Taux de cisaillement

Fluide Newtonien

Fluide de Bingham

Fluide rhéofluidifiant

γ

Fluide rhéofluidifiant à seuil

τ = τy + K.

γn

τ = τb + ηplγ

τ = K.

γn

τ = η γ

Figure I-D_9 : Comportements rhéologiques observables lors de l'écoulement de

suspensions aqueuses de montmorillonite.

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Le comportement rhéofluidifiant, est généralement attribué à la rupture progressive de la structure établie par la montmorillonite aux taux de cisaillement croissants. La rupture d'un réseau physique tridimensionnel en entités de plus en plus petites diminue progressivement la quantité d'eau piégée par le réseau, le pourcentage volumique apparent de charges, et donc la viscosité apparente de la suspension. La reconstruction de ce réseau, c'est à dire le retour des particules à des positions de minimum d'énergie libre, se fait progressivement au cours du temps sous l'action du mouvement brownien. Lors du déchargement progressif, les contraintes mesurées sont plus faibles si les interactions détruites n'ont pas eu le temps de se rétablir [CAL74]. La courbe d'écoulement décrit alors une boucle d'hystérésis caractéristique d'un comportement thixotrope.

Lagaly [LAG89] observe également un comportement antithixotrope à de faibles taux de cisaillement. Il l'explique en considérant que les faibles taux de cisaillements aident à la restructuration du réseau de charges sans toutefois présenter de mécanisme responsable de cette restructuration.

Le comportement rhéologique des suspensions aqueuses de montmorillonite est très complexe. En effet, tous les paramètres clés permettant de le définir précisément, à savoir la valeur de la contrainte seuil, l’amplitude de la thixotropie et la viscosité apparente, sont dépendants des interactions entre les particules de montmorillonite aux différentes échelles dans la suspension. Les propriétés rhéologiques seront donc affectées par tous les paramètres pouvant modifier cet équilibre, c’est à dire le pH de la suspension, la concentration en électrolyte, la concentration en montmorillonite, la structure de la montmorillonite (charge, surface spécifique, granulométrie, capacité d’échange cationique), la nature des cations compensateurs, la température, etc., etc.…

Toutes les études menées sur la rhéologie de suspensions de montmorillonites sodiques se basent sur les modes de floculation des particules de montmorillonite exposés dans la partie précédente.

La valeur de la contrainte à seuil de ces suspensions est corrélée à la solidité du gel formé. Un module élastique aux faibles taux de cisaillement peut même être évalué [TAD90, RAM00]. La contrainte seuil présente un minimum quand on la mesure en fonction du pH de la solution. Ce minimum est attribué par Lagaly [LAG89] au passage d'une structure de type château de cartes à une structure de type modèle de bandes. Le gel dû aux interactions bord/face est renforcé par la diminution du pH qui accentue la différence de potentiel entre les bords et les faces des feuillets [KHA88]. De Kretser et al. [DEK98] qui réfutent l'existence d'organisations préférentielles bord/face, observent des variations de la contrainte seuil en faisant varier la force ionique de la solution (cf. Figure I-D_10). Ils attribuent l'augmentation progressive de la contrainte seuil à force ionique croissante, à la diminution de l'épaisseur de la double couche électrique. Ceci entraîne la floculation de la suspension pour des distances interparticulaires de plus en plus faibles (correspondant au minimum secondaire du potentiel d'interaction décrit par la théorie DLVO). Ces observations sont en accord avec les conclusions de Vali et al. [VAL88] pour qui le gel dû aux interactions face à face est renforcé par tous les paramètres favorisant la contraction des doubles couches électriques, augmentant ainsi l'épaisseur des particules et ce tant que le nombre d'unités structurales est suffisant pour obtenir un réseau tridimensionnel. Pour des forces ioniques plus importantes, De Kretser et al. observent une diminution de la contrainte seuil qu'ils attribuent à la coagulation de la suspension (due à la disparition du maximum primaire) qui entraîne une diminution du nombre de liens entre particules.

La thixotropie est corrélée généralement au temps mis par les particules pour retrouver une position de minimum d'énergie libre après l'application d'un fort cisaillement [BRA88]. Le caractère thixotrope de ces suspensions est également mis en évidence par De Kretser et al. [DEK98] comme l'illustre la Figure I-D_10. En effet, les valeurs de seuil d'écoulement τy0 et τy24 (mesurées respectivement 0 et 24 heures après avoir déstructuré la suspension par un cisaillement intense) sont très différentes. On peut noter que les propriétés thixotropes de la suspension sont également affectées par la force ionique du milieu de dispersion.

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Figure I-D_10 : Evolution du potentiel d'interaction entre deux particules, et de

la contrainte seuil τy de suspensions de montmorillonite dans l'eau (0 et 24 heures après leur déstructuration par un cisaillement intense) en fonction de la force ionique du milieu de dispersion, d'après De Kretser et al. [DEK98].

De manière générale, la viscosité de suspensions aux forts taux de cisaillement

est reliée à la fraction volumique de charges. De nombreuses théories ont été élaborées sur l'écoulement des systèmes chargés, et l'on sait que le facteur de forme des charges, leur surface spécifique, ou leur polydispersité de taille, peuvent avoir une influence sur la viscosité des suspensions. De plus, la quantité de fluide piégée au sein des interstices des structures agrégées ne participe plus à l'écoulement, ce qui conduit à une augmentation apparente de la fraction volumique de charges. Dans le cas des montmorillonites, le degré et le mode d'agrégation vont donc également influer sur la mesure de la viscosité plastique.

La forte sensibilité de ces suspensions au taux de cisaillement, et la dépendance par rapport au temps de leurs propriétés rhéologiques, imposent le respect de protocoles minutieux de préparation d’échantillon, de conservation et de caractérisation très précis, si l’on veut pouvoir comparer leur comportement rhéologique [LAG89, ROS02].

En conclusion, les suspensions aqueuses de montmorillonite présentent un

comportement rhéologique atypique. Du fait de son facteur de forme exceptionnel et des interactions spécifiques entre ses particules en suspension, la montmorillonite forme des gels physiques dans l'eau à de très faibles pourcentages volumiques. La stabilité des gels dans l'eau et leur rigidité sont affectées par le pourcentage introduit, le pH, la force ionique et la température. Néanmoins, la relation entre les propriétés rhéologiques mesurées et la structure supposée des suspensions n'a pas été clairement établie à l'heure actuelle.