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Chapitre III/IV 1/88 La fragmentation du droit international public et le contrôle des activités étatiques (Cours de M. Coulibaly, professeur : 2013) PARTIE II – Le contrôle fondé sur une lex specialis : l’exemple de la responsabilité régie par le droit de l’OMC CHAPITRE I – Le fondement de la responsabilité : un régime dominé par le consentement générique de l’État Nota bene : Vous n’êtes nullement obligé(e) de retenir les nombreuses citations et références jurisprudentielles ou textuelles qui figurent dans ce cours ; elles ont pour seule finalité

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Chapitre III/IV 1/52

La fragmentation du droit international public et le contrôle des activités étatiques

(Cours de M. Coulibaly, professeur : 2013)

PARTIE II – Le contrôle fondé sur une lex specialis : l’exemple de la responsabilité régie par le droit de l’OMC

CHAPITRE I – Le fondement de la responsabilité : un régime dominé par le consentement générique de l’État

Nota bene  : Vous n’êtes nullement obligé(e) de retenir les nombreuses citations et références jurisprudentielles ou textuelles qui figurent dans ce cours ; elles ont pour seule finalité de clarifier et de raffermir le pro-pos.

Le CHAPITRE II de la seconde partie du cours sera mis à votre dispo-sition d’ici au plus tard le 17 février 2013 sur :

www.lex-publica.com

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Chapitre III/IV 2/52

Sommaire(interactif à l’écran)

PARTIE II – Le contrôle fondé sur une lex specialis : l’exemple de la responsabilité régie par le droit de l’OMC..............................................................................................................4

CHAPITRE I – Le fondement de la responsabilité : un régime dominé par le consentement générique de l’État.................................................................................................................5

Section I – L’acceptation négociée d’un cadre institutionnel et normatif sui generis5

I – Les dérogations au droit commun des organisations internationales.......................5

A – Les organes..........................................................................................................5

1 – Le principe de la non-délégation des pouvoirs.............................................5

2 – La pratique des alliances et des réunions informelles...................................7

B – Le processus décisionnel.....................................................................................8

1 – Le principe du consensus positif ou négatif..................................................8

2 – L’exigence ponctuelle d’une majorité simple ou qualifiée.........................10

II – La consécration non exclusive d’un droit spécifique............................................10

A – Les sources des normes primaires spécifiques de l’OMC.................................10

1 – Les accords commerciaux multilatéraux.....................................................11

a – Les accords multilatéraux sur le commerce des marchandises..................11

b – L’Accord général sur le commerce des services........................................12

c – L’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce....................................................................................................13

2 – Les accords commerciaux plurilatéraux.....................................................13

B – Les références sélectives au droit international général....................................14

1 – La place centrale des principes d’interprétation de la convention de Vienne sur le droit des traités........................................................................................14

2 – L’importance relative des autres emprunts au droit international général..21

Section II – L’acceptation de plein droit des grands principes du système commer-cial multilatéral...............................................................................................................25

I – L’interdiction des faits constitutifs d’une discrimination commerciale.................25

A – Le principe du traitement de la nation la plus favorisée (NPF).........................25

1 – Le principe NPF dans le commerce des marchandises : l’article 1:1 du GATT................................................................................................................26

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Chapitre III/IV 3/52

2 – Le principe NPF dans le commerce des services : l’article II:1 du GATS (AGCS).............................................................................................................28

3 – Le principe NPF dans le commerce relatif aux droits de propriété intel-lectuelle : l’article 4 de l’Accord sur les ADPIC (TRIPS)................................29

B – Le principe du traitement national.....................................................................31

1 – Le principe du traitement national dans le commerce des marchandises : l’article III du GATT.........................................................................................31

2 – Le principe du traitement national dans le commerce des services : l’article XVII du GATS (AGCS)...................................................................................34

3 – Le principe du traitement national dans le commerce relatif aux droits de propriété intellectuelle : l’article 3 de l’Accord sur les ADPIC (TRIPS).........36

II – L’interdiction ou la condamnation des faits constitutifs d’une concurrence déloyale........................................................................................................................37

A – Le dumping.......................................................................................................37

1 – Une définition voulue précise.....................................................................37

2 – La réaction au dumping : l’imposition de droits antidumping....................41

B – Les subventions.................................................................................................43

1 – Les définitions et les distinctions téléologiques..........................................43

a – Des subventions en général........................................................................43

b – Les subventions prohibées.........................................................................45

c – Les subventions pouvant donner lieu à une action.....................................47

d – Les subventions ne pouvant pas donner lieu à une action.........................48

2 – La réaction au subventionnement : l’imposition de droits compensateurs. 49

***

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Chapitre III/IV 4/52

PARTIE II – Le contrôle fondé sur une lex specialis : l’exemple de la responsabilité régie par le droit de l’OMC

1945. L’Humanité émerge à peine des affres de la Seconde guerre mondiale.► Dans le préambule de la nouvelle organisation internationale qu’ils s’apprêtaient à porter

sur les fonts baptismaux, les « peuples des Nations Unies » déclarent qu’ils sont résolus no-tamment

« - à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances,- à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande,

et à ces fins

- à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples […] » 

► L’idée qu’un commerce social pacifique entre les peuples passe par un commerce des marchandises libéré de toutes entraves injustifiées apparaît à nombre d’États comme une évi-dence.

À l’initiative des États-Unis, le Conseil économique et social des Nations Unies adopte en février 1946 une résolution appelant à la tenue d’une conférence en vue de de la création d’une organisation internationale du commerce.

Parallèlement, toujours à l’instigation des États-Unis, 15 puis 23 États engagent des pourparlers pour réduire et consolider leurs tarifs douaniers. Leurs efforts aboutissent à la si-gnature, le 30 octobre 1947, et à l’entrée en vigueur, le 30 juin 1948, du GATT (General agreement on tariffs and trade : Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce).

Quant à la conférence pour la création de l’Organisation internationale du commerce (OIC), elle débute à La Havane le 21 novembre 1947, soit moins d'un mois après la signature du GATT. La charte de l’OIC est finalement adoptée à La Havane en mars 1948, mais de nombreux parlements nationaux (dont le Congrès des États-Unis), s’opposent à sa ratifica-tion.

L’OIC étant mort-née, c’est le GATT, en tant que traité et organisation internationale de fait, qui va régir, de 1948 à 1995, date de la création de l’OMC, l’essentiel du commerce international. Ses principes et ses règles ont lentement évolué au travers de cycles de négocia-tions dénommés « rounds » en anglais : Kennedy Round, Tokyo Round…

► Le Cycle d’Uruguay (ou Uruguay Round) débute à Punta Del Este en 1986, pour s’ache-ver à Marrakech avec la signature le 15 avril 1994 de l’Accord instituant l’Organisation mon-diale du commerce (OMC). Entré en vigueur le 1er janvier 1995, cet accord aux multiples annexes gouverne actuellement un système commercial multilatéral intégré qui se démarque assez nettement du droit interna-tional général tant du point de vue du régime auquel il soumet le fondement de la responsabi-lité de ses membres (CHAPITRE I) que du point de vue des règles par lesquelles il encadre la mise en jeu de cette responsabilité (CHAPITRE II).

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CHAPITRE I – Le fondement de la responsabilité : un régime dominé par le consentement générique de l’État

SECTION I – L’acceptation négociée d’un cadre institutionnel et normatif sui generis

► Aux termes de l’article II de l’Accord instituant l’OMC, l’Organisation, qui a son siège à Genève, sert « de cadre institutionnel commun pour la conduite des relations commerciales entre ses Membres ».À cette fin, elle se voit- doter de la personnalité juridique et - accorder par chacun de ses Membres la capacité juridique ainsi que les privilèges et immu-nités nécessaires à l’exercice de ses fonctions – article VII.L’article VII:4 précise :

« Les privilèges et immunités qui seront accordés par un Membre à l'OMC, à ses fonctionnaires et aux représentants de ses Membres seront analogues aux privi-lèges et immunités qui figurent dans la Convention sur les privilèges et immuni-tés  des   institutions  spécialisées,  approuvée par   l'Assemblée  générale  des  Na-tions Unies le 21 novembre 1947. »

► Cet hommage appuyé rendu à l’ONU ne masque pas le caractère original, voire sui gene-ris, de l’appareil institutionnel et du droit de l’OMC. Une originalité qui repose entièrement sur le consentement négocié des Membres.

I – Les dérogations au droit commun des organisations internationales

L’OMC se démarque de la grande majorité des organisations internationales aussi bien par la nature et les attributions de ses organes (A) que par son processus décisionnel (B).

A – Les organes

1 – Le principe de la non-délégation des pouvoirs

► « Délibérer est le fait de plusieurs. Agir est le fait d'un seul. » La formule du général de Gaulle pourrait être gravée au frontispice du siège de nombre d’organisations internationales qui ont en commun un visage institutionnel devenu classique :

- un organe délibérant où sont représentés tous les membres et- un ou plusieurs organes exécutifs de composition plus retreinte auxquels les

membres délèguent le soin d’agir.

► Les fondateurs de l’OMC ont opté pour un autre schéma : délibérer  et  agir  sont ou peuvent être le fait de tous. Pour s’en convaincre, il n’est nullement besoin de violenter les

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Chapitre III/IV 6/52

termes de l’article IV de l’Accord instituant l’Organisation. L’aménagement organique de l’OMC se laisse décrire ainsi :

Premier niveau de décision : la Conférence ministérielle. Autorité suprême, elle est « composée de représentants de tous les Membres ». Elle se réunit au moins une fois tous les deux ans. Elle exerce les fonctions de l'OMC, et prend les mesures nécessaires à cet effet. En particulier, la Conférence ministérielle est « habilitée à prendre des décisions sur toutes les questions relevant de tout Accord commercial multilatéral, si un Membre en fait la de-mande ».

Deuxième niveau de décision : le Conseil général. « Composé de représentants de tous les Membres », il se réunit chaque fois qu’il juge « approprié » de le faire. Il remplit les fonctions de trois organes distincts et peut se doter d’un président ou d’un règlement intérieur différents pour l’exercice de chacune de ces fonctions :

La suppléance de la Conférence ministérielle. Dans l'intervalle de deux réunions de la Conférence ministérielle, les fonctions de celle-ci seront exercées par le Conseil général ;

Le règlement des différends. Le Conseil général se réunit, en tant que de besoin, pour s'acquitter des fonctions de l'Organe de règlement des différends prévu dans le Mémorandum d'accord sur le règlement des différends ;

L’examen des politiques commerciales. Le Conseil général se réunit, le cas échéant, pour remplir les fonctions de l'Organe d'examen des politiques commer-ciales.

Troisième niveau de décision. Il est établi un conseil pour chaque grand domaine de commerce :

un Conseil du commerce des marchandises, un Conseil du commerce des services  et un Conseil des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au com-merce (ci-après dénommé le « Conseil des ADPIC »), placés sous l’autorité du Conseil général.

Les représentants de tous les Membres peuvent participer à ces Conseils, qui se réunissent « selon qu'il est nécessaire pour s'acquitter de leurs fonctions ».

Quatrième niveau de décision : les organes subsidiaires. Aux termes de l’article IV de l’Accord instituant l’OMC, « le Conseil du commerce des marchandises, le Conseil du com-merce des services et le Conseil des ADPIC établiront des organes subsidiaires selon les be-soins ». À ce niveau aussi, on apprend sans surprise que le principe de la non-délégation ne faiblit pas : « Les représentants de tous les Membres pourront participer » à ces organes subsidiaires dénommés le plus souvent « comités ».

Autre originalité, le Secrétariat de l’Organisation est dirigé par un… directeur général nom-mé par la Conférence ministérielle. À l’heure où nous rédigeons ces lignes, le poste est occu-pé par M. Pascal Lamy.

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2 – La pratique des alliances et des réunions informelles

Ce serait faire bon marché de la diversité et de l’antagonisme des intérêts nationaux que de vouloir fonder l’efficience de l’Organisation et de ses normes sur la délibération et l’action commune de ses 158 membres (nombre officiel au 2 février 2013).

► Deux usages permettent d’éviter que le concert des nations ne dégénère en une cacopho-nie paralysante : les réunions informelles et les alliances.

En marge des réunions officielles des conseils et comités, les chefs de délégations tiennent des réunions informelles restreintes à quelques membres. Les négociations qui s’y déroulent débouchent souvent sur des compromis qui seront entérinés lors des réunions offi-cielles.

La quête de compromis au travers d’une capacité de négociation accrue, telle est égale-ment la raison d’être des alliances que nouent les membres de l’organisation :

La « Quadrilatérale » ou « Quad »: Canada, États-Unis, Japon et Union européenne ; le G-20 qui comprend, notamment, l'Afrique du Sud, l'Argentine, le Brésil, la Chine,

l'Égypte, l'Inde, la Thaïlande ; le « Coton-4 », alliance de pays subsahariens qui préconisent une réforme commer-

ciale dans le secteur du même du coton ; Le Groupe de Cairns : il est hétérogène du fait tant des origines géographiques de ses

19 membres (ils appartiennent à quatre continents) que des niveaux de développement de ceux-ci (certains font partie de l’OCDE, tandis que d’autres comptent parmi les pays les moins avancés). Fondé en août 1986 à Cairns (Australie), ce groupe ambitionne de libéraliser le commerce agricole pour faire échec au protectionnisme de l’Union européenne et des États-Unis ;

Les « alliances de droit » : l’Union européenne ; l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) — Brunéi Darussalam, Cambodge, Indonésie, Malaisie, Myanmar, Phi-lippines, Singapour, Thaïlande et le Viet Nam ; Le MERCOSUR (Mercado Común del Sur, le Marché commun sud-américain : Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et Venezuela, avec la Bolivie, le Chili, la Colombie, l'Équateur et le Pérou comme membres associés) ; l’Accord de libre-échange nord-américain, ALENA (Canada, États-Unis et Mexique) ; le Groupe afri-cain, les pays les moins avancés, le Groupe des États d'Afrique, des Caraïbes, et du Pacifique (ACP) et le Système économique latino-américain (SELA).

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Chapitre III/IV 8/52

B – Le processus décisionnel

1 – Le principe du consensus positif ou négatif

► En vertu de l’article IX de l’Accord instituant l’OMC, l’Organisation conserve « la pra-tique de prise de décisions par consensus suivie en vertu du GATT de 1947 ».

L'organe concerné sera réputé avoir pris une décision par consensus (donc sans vote) sur une question dont il a été saisi si aucun Membre, présent à la réunion au cours de laquelle la décision est prise, ne s'oppose formellement à la décision proposée.Cette définition, à laquelle se rallient tous les juristes, correspond très exactement à celle du consensus positif.

L’épithète « positif », que l’on omet d’ordinaire, revêt ici une grande importance car l’OMC pratique deux formes de consensus pour ses prises de décision : le consensus positif et le consensus négatif ou inverse.

Voici ce qui distingue les deux formes de consensus : en vertu de la règle du consensus positif, une décision donnée n’est considérée

comme adoptée que si aucun Membre ne s’oppose formellement à cette décision. Un Membre agissant seul peut donc empêcher que la décision soit prise ;

en revanche, selon la règle du consensus négatif ou inverse, une décision donnée est automatiquement prise à moins que tous les Membres ne s’opposent formellement à cette dé-cision. Par conséquent, un Membre agissant seul ne peut empêcher que la décision soit prise, il lui faut rallier tous les autres à ses vues.

Le consensus négatif ou inverse facilite la prise de décision, celle-ci étant automatique.

Le consensus positif la complique, des négociations et des compromis se révélant né-cessaires.

En principe, les décisions sont prises au sein de l’OMC par consensus positif.

Le consensus négatif ou inverse fait figure d’exception. Une exception à laquelle on doit l’originalité et l’efficacité inédites du système de règlement des différends au sein de l’OMC. En effet, nombre de dispositions du Mémorandum d'accord sur les règles et procé-dures régissant le règlement des différends prévoient une prise de décision fondée sur la règle du consensus positif.

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Étant donné que nous développerons plus loin le processus de règlement des différends, nous nous bornons ici à citer les dispositions pertinentes du Mémorandum aux fins d’attirer l’attention du lecteur (qui n’a pas l’obligation de les retenir) sur la formulation juridique (en gras en italique dans le texte) de la règle du consensus inverse ou négatif :

Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends

Article 6Établissement de groupes spéciaux

1. Si la partie plaignante le demande, un groupe spécial sera établi au plus tard à la réunion de l'ORD qui suivra celle  à laquelle la demande aura été inscrite pour la première fois à l'ordre du jour de l'ORD, à moins qu'à ladite réunion l'ORD ne décide par consensus de ne pas établir de groupe spécial.

Article 16

Adoption des rapports des groupes spéciaux

4. Dans les 60 jours suivant la date de distribution du rapport d'un groupe spécial aux Membres, ce rapport sera adopté à une réunion de l'ORD, à moins qu'une partie au différend ne notifie formellement à l'ORD sa décision de faire appel ou que l'ORD ne décide par consensus de ne pas adopter le rapport.  

Article 17

Examen en appel

Adoption des rapports de l'Organe d'appel

14. Un rapport de l'Organe d'appel sera adopté par l'ORD et accepté sans condi-tion par les parties au différend, à moins que l'ORD ne décide par consensus de ne pas adopter le rapport de l'Organe d'appel, dans les 30 jours suivant sa distri-bution aux Membres.  Cette procédure d'adoption est sans préjudice du droit des Membres d'exprimer leurs vues sur un rapport de l'Organe d'appel.

Article 22

Compensation et suspension de concessions

6. Lorsque la situation décrite au paragraphe 2 se produira, l'ORD accordera, sur demande, l'autorisation de suspendre des concessions ou d'autres obligations dans un dé lai de 30 jours à compter de l'expiration du délai raisonnable, à moins qu'il ne décide par consensus de rejeter la demande.  

7. […] L'ORD sera informé dans les moindres délais de cette décision et accorde-ra, sur demande, l'autorisation de suspendre des concessions ou d'autres obliga-tions dans les cas où la demande sera compatible avec la décision de l'arbitre, à moins que l'ORD ne décide par consensus de rejeter la demande.

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Chapitre III/IV 10/52

2 – L’exigence ponctuelle d’une majorité simple ou qualifiée

► Par exception au principe du consensus (essentiellement positif, accessoirement négatif ou inverse), certaines décisions sont mises aux voix et requièrent, selon les cas, une majorité simple ou qualifiée.

Il en est ainsi : « dans les cas où il ne sera pas possible d'arriver à une décision par consensus » posi-

tif (article IX de l’Accord instituant l’OMC) ; lorsque la Conférence ministérielle ou le Conseil général exercent leur pouvoir ex-

clusif d'adopter des interprétations de l’Accord instituant l’OMC ou des Accords commer-ciaux multilatéraux. La décision d'adopter une interprétation sera prise à une majorité des trois quarts des Membres ;

quand, dans des circonstances exceptionnelles, la Conférence ministérielle décide d'accorder à un Membre une dérogation à une des obligations qui lui incombent. Une telle dé-cision sera prise par les trois quarts des Membres.

II – La consécration non exclusive d’un droit spécifique

A – Les sources des normes primaires spécifiques de l’OMC

Il est pratique et justifié de se représenter tous les accords de l’OMC sous la forme d’un seul document comportant plus de 500 pages et ayant la structure suivante :

► Titre de couverture : Acte final de l’Uruguay Round

Chapitre unique : Accord instituant l'OMC

ANNEXES À CE CHAPITRE UNIQUE :

ANNEXE 1 :

Annexe 1A : Accords multilatéraux sur le commerce des marchan-dises :

- Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994, - Accord sur l'agriculture, etc.

Annexe 1B : Accord général sur le commerce des services Annexe 1C : Accord sur les aspects des droits de propriété intellec-

tuelle qui touchent au commerce ANNEXE 2 : Mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le

règlement des différends

ANNEXE 3 : Mécanisme d'examen des politiques commerciales

ANNEXE 4 : Accords commerciaux plurilatéraux

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Chapitre III/IV 11/52

► L’article I de l’Accord instituant l’OMC indique le critère et l’intérêt juridiques de la dis-tinction entre les Accords commerciaux multilatéraux et les Accords commerciaux plurilaté-raux :

Les accords commerciaux multilatéraux sont les accords et instruments juridiques fi-gurant dans les Annexes 1, 2 et 3 de l’Accord instituant l’OMC (voir ci-dessus) ; ils sont contraignants pour tous les Membres de l’OMC.

Les accords commerciaux plurilatéraux correspondent aux accords et instruments juri-diques repris dans l'Annexe 4 de l’Accord instituant l’OMC (voir ci-dessus) ; ils ne sont contraignants que pour les Membres de l’OMC qui les ont acceptés. Autrement dit, les ac-cords commerciaux plurilatéraux ne créent ni obligations ni droits pour les Membres qui ne les ont pas acceptés.

1 – Les accords commerciaux multilatéraux

Les accords commerciaux multilatéraux, qui sont des instruments juridiques contraignants pour tous les membres de l’OMC, régissent les trois grands domaines d’échange comme l’in-diquent leurs intitulés.

a – Les accords multilatéraux sur le commerce des marchandises

► Au sein de la quinzaine d’accords relatifs au commerce des marchandises, le GATT (Ge-neral Agreement on Tariffs and Trade : Accord général sur les tarifs douaniers et le com-merce) occupe une place centrale.

Mais de quel GATT s’agit-il ? Celui qui a été signé le 30 octobre 1947 dans les condi-tions que nous avons décrites plus haut ? Ou celui sur lequel les négociateurs de l’Uruguay Round se sont mis d’accord le 15 avril 1994 ? Le GATT de 1947 ou le GATT de 1994 ?

L’article II de l’Accord instituant l’OMC stipule :« L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 tel qu'il est spécifié à l'Annexe 1A (ci-après dénommé le “GATT de 1994”) est juridiquement distinct de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, en date du 30 octobre 1947, annexé à l'Acte final adopté à la clôture de la deuxième session de la Commission préparatoire de la Conférence des Nations Unies sur le com-merce et l'emploi, tel qu'il a été rectifié, amendé ou modifié par la suite (ci-après dénommé le “GATT de 1947”). »

Cette distinction entre les deux GATT doit être relativisée. Le GATT de 1947 survit à travers le GATT de 1994. En effet, dans la première des deux seules pages que compte le GATT de 1994, on lit:

« L'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (le "GATT de 1994") comprendra:a) les dispositions de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, en date du 30 octobre 1947, annexé à l'Acte final adopté à la clôture de la deuxième session de la Commission préparatoire de la Conférence des Nations Unies sur le 

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Chapitre III/IV 12/52

commerce et  l'emploi (à   l'exclusion du Protocole d'application provisoire), tel qu'il a été rectifié, amendé ou modifié par les dispositions des instruments juri-diques qui sont entrés en vigueur avant la date d'entrée en vigueur de l'Accord sur l'OMC […] ».

Le GATT de 1994 doit donc être lu en conjonction avec le GATT amendé de 1947, ce-lui-ci étant incorporé dans celui-là. C’est cette conjonction que l’on doit avoir à l’esprit lorsque référence est faite au GATT sans autre précision.

De même, il ne faut pas perdre de vue qu’en plus du GATT une quinzaine d’autres ac-cords régissent le commerce des marchandises. Entre leurs dispositions et celles du GATT, il peut y avoir un conflit. C’est cette éventualité qui a incité les Parties contractante à joindre une note interprétative générale à l’Annexe 1A :

« En cas de conflit entre une disposition de l'Accord général sur les tarifs doua-niers et  le commerce de 1994 et une disposition d'un autre accord figurant à l'Annexe 1A de  l'Accord   instituant   l'Organisation  mondiale  du  commerce   (dé-nommé dans les accords figurant à l'Annexe 1A l'"Accord sur l'OMC"), la disposi-tion de l'autre accord prévaudra dans la limite du conflit. » 

► Tous ces accords sur le commerce des marchandises ont été conclus dans le même des-sein : « la réduction substantielle [sur une base de réciprocité et d'avantages mutuels] des ta-rifs douaniers et des autres obstacles au commerce et […] l'élimination des discriminations en matière de commerce international »1.

b – L’Accord général sur le commerce des services

Innovation majeure des négociations de l’Uruguay Round (1986-1994), l’Accord général sur le commerce des services (AGCS ou GATS : General Agreement on Trade in Services) constitue une réponse à l’extraordinaire essor que l’économie des services a connu durant ces trois dernières décennies.

► Selon les termes de son préambule, l’AGCS (ou GATS) vise à « établir un cadre multila-téral de principes et de règles pour le commerce des services, en vue de l'expansion de ce commerce dans des conditions de transparence et de libéralisation progressive et comme moyen de promouvoir la croissance économique de tous les partenaires commerciaux et le développement des pays en développement ».

Aux termes de l’article I:2 de l’AGCS, par « commerce des services », il faut en-tendre :

     « la fourniture d'un service :a) en provenance du territoire d'un Membre et à destination du territoire de 

tout autre  Membre ;b) sur  le territoire d'un Membre à l'intention d'un consommateur de ser-

vices de tout autre  Membre ;

1 Préambule de l’Accord du 15 avril 1994 instituant l’OMC.

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c) par un fournisseur de services d'un Membre, grâce à une présence com-merciale sur le territoire de tout autre Membre ;

d) par un fournisseur de services d'un Membre, grâce à la présence de per-sonnes physiques d'un Membre sur le territoire de tout autre Membre. »

L’exégèse que l’on retient à l’OMC de ces dispositions distingue quatre façons d’échanger des services :

fourniture de services d’un pays à un autre (par exemple les appels téléphoniques internationaux), dénommée officiellement « fourniture transfrontière » (ou mode 1 dans le jargon de l'OMC)

utilisation d’un service par des consommateurs ou entreprises dans un autre pays (par exemple le tourisme), dénommée « consommation à l’étranger » (mode 2)

établissement de filiales ou de succursales par une entreprise étrangère en vue de la fourniture de services dans un autre pays (par exemple les opérations de banques étrangères dans un pays), dénommé « présence commerciale » (mode 3)

déplacement de particuliers quittant leur pays pour fournir des services dans un autre (par exemple les mannequins ou les consultants), dénommé « présence de personnes physiques » (mode 4).

c – L’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce

► Quiconque s’est montré attentif aux différends nationaux sur la propriété intellectuelle ne sera guère surpris d’apprendre que l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellec-tuelle qui touchent au commerce (ADPIC ou TRIPS : Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights) poursuit deux objectifs apparemment contradictoires :

« promouvoir une protection efficace et suffisante des droits de propriété intellec-tuelle » et

« faire en sorte que les mesures et les procédures visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle ne deviennent pas elles-mêmes des obstacles au commerce légitime. »

Concrètement, l’Accord sur les ADPIC vise à atténuer les différences dans la manière dont les droits de propriété intellectuelle sont protégés de par le monde et à les soumettre à des règles internationales communes. Il fixe des niveaux minimums de protection de la pro-priété intellectuelle que chaque gouvernement doit assurer aux autres membres de l'OMC.

2 – Les accords commerciaux plurilatéraux

► La définition même des accords commerciaux plurilatéraux tend à accréditer l’idée que les membres de l’OMC ne sont pas soumis à des règles identiques.

En effet, au contraire des accords commerciaux multilatéraux, qui lient tous les membres de l’OMC, les accords commerciaux plurilatéraux ne sont contraignants que pour les membres qui les ont expressément acceptés.

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Il n’y a là aucun paradoxe ; pour s’en convaincre, il suffit de remonter aux origines de l’OMC.

À la conclusion de l’Uruguay Round, il subsistait quatre accords, initialement négociés lors du Tokyo Round, qui s’appliquaient à un groupe plus restreint de signataires.

Ces accords n’ont pu emporter l’adhésion des autres avaient donc une portée ratione personae moins large que les autres.

Comme ils ont continué à lier un groupe réduit de membres et que l’épithète « plurila-téral » est supposée exprimer une portée plus restreinte que l’épithète « multilatéral », ces ac-cords ont été qualifiés d’accords plurilatéraux.

Initialement, les accords commerciaux plurilatéraux portaient sur les quatre questions suivantes :

commerce des aéronefs civils, marchés publics produits laitiers et viande bovine

Les accords correspondant aux deux derniers domaines de cette liste ont été abrogés en 1997.

B – Les références sélectives au droit international général

1 – La place centrale des principes d’interprétation de la convention de Vienne sur le droit des traités

► Que la signification et la portée exacte des droits et obligations énoncés dans un instru-ment juridique ne ressortent pas avec clarté de la simple lecture du texte, c’est là une évi-dence qui force l’adhésion, et ce pour au moins deux raisons :

le caractère abstrait des normes juridiques. Les dispositions juridiques sont sou-vent rédigées en termes généraux pour être d’application générale et englober une multitude de cas individuels, qui ne peuvent pas tous être expressément réglementés ;

le caractère transactionnel des textes juridiques. Les stipulations des accords inter-nationaux correspondent souvent à des formules de compromis résultant de négociations mul-tilatérales. Les divers négociateurs rapprochent leurs positions divergentes en convenant d’un texte susceptible d’être compris de plus d’une façon afin de satisfaire aux différentes exi-gences nationales. Ainsi, une disposition donnée peut-elle se prêter des lectures nationales différentes, voire contradictoires.

► C’est à la lumière de ces considérations qu’il faut lire l’article 3:2 du Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (ou, plus simple-ment « Mémorandum d’accord sur le règlement des différends ») : 

« Le système de règlement  des différends de  l'OMC est  un élément essentiel pour assurer  la sécurité et  la prévisibilité du système commercial multilatéral. Les Membres reconnaissent qu'il a pour objet de préserver les droits et les obli-gations résultant pour les Membres des accords visés, et de clarifier les disposi-

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tions existantes de ces accords conformément aux règles coutumières d'interpré-tation du droit international public. »

Comme nous l’exposerons plus loin en détail, les différends qui surviennent entre les Membres au sujet de l’application ou de l’interprétation des accords de l’OMC ressortissent à la compétence d’instances quasi juridictionnelles : l’Organe d’appel et des groupes spéciaux (panels en anglais).

Il incombe donc à ces instances d’interpréter, à l’occasion des affaires dont elles sont saisies, d’interpréter les dispositions des accords de l’OMC, à commencer par l’article 3:2, précité, du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends. Rappelons qu’aux termes de cet article, les dispositions des accords doivent être interprétées « conformément aux règles coutumières d'interprétation du droit international public ».

Que faut-il entendre par « règles coutumières d'interprétation du droit international public » ?

La réponse de l’Organe d’appel de l’OMC n’a jamais varié. Voici, par exemple, celle qu’il donne dans l’affaire États-Unis — Acier au carbone, paragraphes, 61-62 :

« […]  nous rappelons que l’article 3:2 du Mémorandum d’accord reconnaît que les questions d’interprétation qui se posent dans le cadre du règlement des diffé-rends de l’OMC doivent être résolues par l’application des règles coutumières d’interprétation du droit international public. Il est bien établi dans la jurispru-dence de l’OMC que les principes codifiés dans les articles 31 et 32 de la Conven-tion de Vienne sur le droit des traités (la “Convention de Vienne”) constituent de telles règles coutumières […] »

Les articles 31 à 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 19691, qui, selon l’Organe d’appel de l’OMC, constituent la codification des règles coutumières d'in-terprétation du droit international public sur la base desquelles les accords de l’OMC doivent être clarifiés, sont reproduits ci-après à la seule fin de… clarifier la suite de ce cours.

Le lecteur n’est donc pas tenu de les mémoriser littéralement, pas plus qu’il n’a l’obligation de retenir les nombreuses références jurisprudentielles et citations tex-tuelles qui figurent dans ce cours.

Voici donc les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne :

« Article 31Règle générale d’interprétation1.  Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.2.  Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus :a) Tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les par-

ties à l’occasion de la conclusion du traité ;

1 Entrée en vigueur le 27 janvier 1980 (Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1155, p. 331).

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b) Tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclu-sion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité.

3.  Il sera tenu compte, en même temps que du contexte :a) De tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interpréta-

tion du traité ou de l’application de ses dispositions ;b) De toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par la-

quelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité ;c) De toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations 

entre les parties.4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties.

Article 32Moyens complémentaires d’interprétationIl peut être fait appel à des moyens complémentaires d’interprétation, et notam-ment aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu, en vue, soit de confirmer le sens résultant de l’application de l’article 31, soit de déterminer le sens lorsque l’interprétation donnée conformément à l’article 31 :a) Laisse le sens ambigu ou obscur ; oub) Conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable.

Article 33Interprétation de traités authentifiés en deux ou plusieurs langues1.  Lorsqu’un traité a été authentifié en deux ou plusieurs langues, son texte fait foi dans chacune de ces langues, à moins que le traité ne dispose ou que les par-ties ne conviennent qu’en cas de divergence un texte déterminé l’emportera.2.   Une version du traité dans une langue autre que l’une de celles dans les-quelles le texte a été authentifié ne sera considérée comme texte authentique que si le traité le prévoit ou si les parties en sont convenues3.   Les termes d’un traité sont présumés avoir   le même sens dans  les divers textes authentiques.4.  Sauf le cas où un texte déterminé l’emporte conformément au paragraphe 1, lorsque la comparaison des textes authentiques fait apparaître une différence de sens que l’application des articles 31 et 32 ne permet pas d’éliminer, on adoptera le sens qui, compte tenu de  l’objet et du but du traité,  concilie  le mieux ces textes. »

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► Ces règles d’interprétation n’étant pas elles-mêmes d’une clarté telle que l’on puisse se dispenser de les interpréter, l’Organe d’appel de l’OMC a précisé leur contenu et leur portée, au fil des affaires qui lui ont été soumises.

► Nous rendrons compte de ces précisions (que le lecteur n’est absolument pas obligé de retenir littéralement) par le biais de rubriques correspondant précisément à l’économie des ar-ticles 31 à 33 de la convention de Vienne sur le droit des traités :

1.1 L’esprit du processus interprétatif

Il a été affirmé par l’Organe d’appel dans l’affaire Japon — Boissons alcooliques II :

« Les règles de l’OMC sont fiables, compréhensibles et applicables. Elles ne sont pas rigides ou inflexibles au point d’interdire tout jugement motivé face aux flux et reflux incessants et toujours changeants de faits réels concernant des af-faires réelles dans le monde réel. Elles seront plus utiles au système commercial multilatéral si nous les interprétons en gardant cela présent à l’esprit. De cette manière, nous instaurerons la “sécurité et la prévisibilité” que les Membres de l’OMC souhaitaient donner au système commercial multilatéral en établissant le système de règlement des différends. »

1.2 Le texte de la disposition du traité à interpréterDans ses rapports sur les affaires qui suivent, l’Organe d’appel souligne l’importance du texte en tant que point de départ du processus interprétatif.

Japon — Boissons alcooliques II :« L’article 31 de la Convention de Vienne dispose que les termes du traité constituent le fondement du processus interprétatif: l’interprétation doit être fondée avant tout sur le texte du traité lui-même. »

États-Unis — Crevettes, paragraphe 114 :

« Celui qui interprète un traité doit commencer par fixer son attention sur le texte de la disposition particulière à interpréter. »

CE — Hormones, paragraphe 181 :

« En matière d’interprétation des traités, la règle fondamentale veut que l’interprète du traité lise et interprète les mots qui ont été effectivement utilisés dans l’accord à l’exa-men et non les mots qui auraient dû être utilisés à son avis. »

Inde — Brevets (États-Unis), paragraphe 45 :

« Le devoir de celui qui interprète un traité est d’examiner les termes du traité pour dé-terminer  les intentions des parties. Cela devrait  se faire conformément aux principes d’interprétation des traités énoncés à l’article 31 de la Convention de Vienne. Mais ces principes d’interprétation ne signifient pas qu’il soit nécessaire ni justifiable d’imputer à un traité des termes qu’il ne contient pas ou d’inclure dans un traité des concepts qui n’y étaient pas prévus. »

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1.3 Le sens des motsL’article 31 précité de la Convention de Vienne prescrit d’attribuer aux mots du texte à inter-préter leur sens ordinaire.

États-Unis — Bois de construction résineux IV, paragraphes 58-59 :

« Le sens d’une disposition d’un traité, dûment interprétée, se trouve dans le sens ordi-naire des termes utilisés. »

États-Unis — Jeux, paragraphe 164 et la note de bas de page 191

« Pour mettre en évidence le sens ordinaire, un groupe spécial peut commencer par les définitions  que  donnent   les  dictionnaires  des   termes  à   interpréter. Mais   les  diction-naires, à eux seuls, ne permettent pas nécessairement de résoudre des questions com-plexes   d’interprétation,   car   ils   visent   habituellement   à   cataloguer tous les   sens   des termes — que ceux-ci soient courants ou rares, universels ou spécialisés. »

États-Unis — Loi sur la compensation (Amendement Byrd), paragraphe 248

« Il faudrait se rappeler que les dictionnaires donnent des indications importantes, mais non des avis déterminants, pour la définition des termes qui apparaissent dans les ac-cords et les documents juridiques. »

1.4 Le contexte de la disposition du traité à interpréter

États-Unis — Article 301, Loi sur le commerce extérieur :

« L'examen du texte, du contexte ainsi que de l'objet et du but fait appel à des mé-thodes textuelles, systémiques et téléologiques bien établies qui sont utilisées pour in-terpréter les traités et qui entrent toutes en jeu habituellement lorsqu'il s'agit d'inter-préter des dispositions complexes dans des traités multilatéraux.  Pour des raisons pra-tiques, l'usage normal – et celui que nous suivrons en l'occurrence – consiste à commen-cer par interpréter le sens ordinaire du texte "brut" des dispositions conventionnelles pertinentes et à chercher ensuite à l'interpréter dans son contexte et à la lumière de l'objet et du but du traité.   Cependant, les éléments mentionnés à l'article 31 – texte, contexte  ainsi   que  objet  et  but  de  même que  bonne   foi –  doivent  être   considérés comme une seule règle holistique d'interprétation plutôt que comme une série de cri-tères distincts qui  devraient être appliqués selon un ordre hiérarchique.    Souvent,  le contexte ainsi que l'objet et le but peuvent sembler simplement confirmer une interpré-tation apparemment tirée du texte "brut".    En réalité,  il  existe toujours un contexte, même s'il est sous-entendu, qui détermine le sens qu'il faut considérer comme "ordi-naire" et souvent, il est impossible de trouver un sens, pas même un "sens ordinaire", sans examiner également l'objet et le but. » 

1.5 Les attentes légitimes Inde — Brevets (États-Unis), paragraphe 45 :

« Les attentes légitimes des parties à un traité ressortent de l’énoncé du traité lui-même. Le devoir de celui qui interprète un traité est d’examiner les termes du traité pour déterminer les intentions des parties. Cela devrait se faire conformé-ment aux principes d’interprétation des traités énoncés à l’article 31 de la Convention de Vienne. »

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CE — Matériels informatiques, paragraphe 84 :

« Le but de l’interprétation des traités conformément à l’article 31 de la Convention de Vienne est d’établir  les intentions communes des parties. Ces intentions communes ne peuvent pas être établies sur la base des “attentes” subjectives et déterminées de ma-nière unilatérale d’une des parties à un traité. »

1.6 Le principe de l’effet utile ou principe ut res magis valeat quam pereat

Japon — Boissons alcooliques II, page 14 :

« Un principe fondamental de l’interprétation des traités découlant de la règle générale d’interprétation énoncée à l’article 31 est celui de l’effet utile (ut res magis valeat quam pereat). »

États-Unis — Vêtements de dessous, pages 16-17 :

« Selon leur acception habituelle, ces termes signifient pour nous clairement que la limi-tation doit être appliquée à l’avenir, après les consultations, si celles-ci ne donnent pas de résultat et que la mesure envisagée n’est pas retirée. Le principe de l’effet utile dans l’interprétation des traités le confirme. »

Canada — Produits laitiers, paragraphe 133 :

« […] la tâche de celui qui interprète le traité est d’établir un sens juridiquement valable pour les termes du traité et de lui donner effet. Le principe fondamental applicable de l’effet utile est que celui qui interprète un traité n’est pas libre d’adopter un sens qui au-rait pour résultat de rendre redondantes ou inutiles des parties du traité. »

Corée — Produits laitiers, paragraphe 81 :

« Compte tenu du principe d’interprétation de l’effet utile, celui qui interprète un traité a le devoir de “lire toutes les dispositions applicables du traité de façon à donner un sens à toutes, harmonieusement”. Un corollaire important de ce principe est qu’il faut inter-préter un traité dans son ensemble et, en particulier, lire ses sections et parties dans leur ensemble. »

1.7 Le principe in dubio mitius

CE — Hormones, note de bas de page 154 :

« La règle d'interprétation in dubio mitius, largement considérée en droit international comme un "moyen supplémentaire d'interprétation", a été définie dans les termes suivants : La règle in dubio mitius est utilisée dans l'interprétation des traités par égard à la souveraineté des États.  Si le sens d'un terme est ambigu, il faut privilégier le sens qui est le moins contraignant pour la partie qui assume une obligation, ou qui porte le moins atteinte à la souveraineté territo-riale et personnelle d'une partie ou encore qui impose aux parties des restrictions de nature moins générale. »

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1.8 La pratique ultérieure des parties

États-Unis — Jeux, paragraphes 192-193 :

« […] pour que la “pratique” au sens de l’article 31 3) b) soit établie: i) il faut que l’on puisse discerner des actes ou déclarations communs et d’une certaine constance; et ii) ces actes ou déclarations doivent supposer un accord sur l’interprétation de la disposi-tion pertinente. »

CE — Matériels informatiques, paragraphe 93 :

« Le but de l’interprétation d’un traité est d’établir l’intention commune des parties au traité. Pour établir cette intention, la pratique antérieure d’une des parties seulement peut être pertinente, mais elle présente manifestement un intérêt plus limité que la pra-tique de toutes les parties. »

1.9 Les moyens complémentaires d’interprétation

Japon — Boissons alcooliques II, page 12 :

« Il ne fait aucun doute que l’article 32 de la Convention de Vienne, qui traite du rôle des moyens complémentaires d’interprétation … est également devenu [une règle du droit international coutumier ou général]. »

CE — Matériels informatiques, paragraphe 86 :

« L’application de ces règles énoncées à l’article 31 de la Convention de Vienne permet-tra généralement à celui qui interprète un traité d’établir le sens d’un terme. Toutefois, si après avoir appliqué l’article 31, le sens du terme reste ambigu ou obscur, ou conduit à un résultat qui est manifestement absurde ou déraisonnable, l’article 32 permet à ce-lui qui interprète un traité de recourir :[…] à des moyens complémentaires d’interprétation, et notamment aux travaux prépa-ratoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu.S’agissant des “circonstances dans lesquelles le traité a été conclu”, cela permet, dans les cas appropriés, d’examiner l’environnement historique dans lequel le traité a été né-gocié. »

1.10 La pluralité des langues faisant foi

Les accords de l’OMC ont été authentifiés en trois langues qui font également foi : l’anglais, le français et l’espagnol.

Chili — Système de fourchettes de prix, paragraphe 271 :

« En effet, le Groupe spécial est arrivé à cette conclusion en interprétant les versions française   et   espagnole   de   l’expression   “ordinary   customs   duty”   comme   signifiant quelque chose de différent du sens ordinaire de la version anglaise de cette expression. Il est difficile de voir comment, ce faisant, le Groupe spécial a tenu compte de la règle d’interprétation   codifiée   à   l’article   33(4)   de   la Convention de Vienne selon   laquelle “lorsque la comparaison des textes authentiques fait apparaître une différence de sens …, on adoptera le sens qui …concilie le mieux ces textes”. (pas d’italique dans l’origi-nal) »

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Chapitre III/IV 21/52

CE — Linge de lit (article 21:5 — Inde), la note de bas de page 153 du paragraphe 123 :

« Conformément au paragraphe 3 de l’article 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités,   lorsqu’un   traité  a  été  authentifié  dans  deux  ou  plusieurs   langues   “[l]es termes du traité sont présumés avoir le même sens dans les divers textes authentiques”. Les   termes  espagnols   (“se han cumplido”  et   “hayan limitado”),  employés  aux  para-graphes 1 et 4 de l’article 9, ont la même acception temporelle que les termes anglais “have been fulfilled” et “have limited”). Dans la version française, les termes (“sont rem-plies” et “auront limité”) peuvent aussi avoir cette acception temporelle. »

États-Unis — Bois de construction résineux IV, paragraphe 59 et la note de bas de page 50 :

« […] conformément à la règle coutumière d’interprétation des traités énoncée à l’ar-ticle 33 3) de la Convention de Vienne sur le droit des traités (la “Convention de Vienne”), les   termes   d’un   traité   authentifié   dans   plus   d’une   langue  —   comme   l’Accord sur l’OMC — sont présumés avoir le même sens dans les divers textes authentiques. Il s’en-suit que celui qui interprète le traité devrait chercher le sens qui donne effet, simultané-ment, à tous les termes du traité, tels qu’ils sont utilisés dans les diverses langues au-thentiques. »

2 – L’importance relative des autres emprunts au droit international général

► Pour spécial qu’il soit, le droit de l’OMC ne prospère pas dans un splendide isolement.

Il prescrit, nous l’avons vu, que ses normes soient interprétées conformément aux règles coutumières d'interprétation du droit international public.

Non contente de déterminer la substance de cette prescription (voir supra), la jurispru-dence de l’Organe d’appel et des groupes spéciaux puise dans le droit international des prin-cipes d’importance et de statut plutôt variables.

1.1 Le principe de la bonne foi et ses corollaires

► L’importance juridique du principe de la bonne foi n’est plus à démontrer. À preuve, ce dictum de la Cour internationale de Justice, une juridiction que n’hésitent

point à citer l’Organe d’appel et les groupes spéciaux de l’OMC :

« 38. La Cour observera que le principe de la bonne foi est un principe bien établi du droit international. Il est énoncé au paragraphe 2 de l'article 2 de la Charte des Nations Unies ; il a aussi été incorporé à l'article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969. Il a été mentionné dès le début de ce siècle dans la sentence ar-bitrale du 7 septembre 1910 rendue en l'affaire des Pêcheries de la côte septentrionale de l'Atlantique (Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XI, p. 188). » - Fron-tière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), Excep-tions préliminaires, arrêt du 11 juin 1998 : C.I.J. Recueil 1998,  p. 275.

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Chapitre III/IV 22/52

Il était donc logique que la jurisprudence incorpore le principe de la bonne foi dans le droit de l’OMC.

L’Organe d’appel estime que la notion de bonne foi « s’applique à tous les Membres de l’OMC de la même 

manière » - États-Unis — Crevettes (article 21:5 — Malaisie), note de bas de page 97 du paragraphe 134),

et que, de manière plus spécifique, « dans  le cadre du règlement des différends, chaque Membre de l’OMC doit supposer la bonne foi de tous les autres Membres » - CE — Sardines, paragraphe 278.

► Quelle est la portée juridique du principe de la bonne foi ?

La Cour internationale de Justice souligne avec pertinence :« [Le principe de la bonne foi] n'est pas en soi une source d'obligation quand il n'en exis-terait pas autrement […] » - Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigé-ria (Cameroun c. Nigéria), Exceptions préliminaires, arrêt du 11 juin 1998: C.I.J. Recueil 1998,  p. 275.

En fait, « le principe de la bonne foi est l'un des principes de base qui président à la création et à l'exécution d'obligations juridiques » - ibid.Autrement dit, les obligations doivent être créées et exécutées de bonne foi.

Ainsi considéré, le principe de la bonne foi a, notamment, deux corollaires que l’Or-gane d’appel de l’OMC met régulièrement en exergue.

1.1.1 L’interdiction de l’abus de droit :« Le texte introductif de l’article XX n’est en fait qu’une façon d’exprimer le principe de la bonne foi. Celui-ci, qui est en même temps un principe juridique général et un prin-cipe général du droit international, régit l’exercice des droits que possèdent les États. L’une de ses applications, communément dénommée la doctrine de l’abus de droit, in-terdit l’exercice abusif de ces droits et prescrit que, dès lors que la revendication d’un droit “empiète sur le domaine couvert par une obligation conventionnelle, le droit soit exercé de bonne foi, c’est-à-dire de façon raisonnable”. L’exercice abusif par un Membre de son propre droit conventionnel se traduit donc par une violation des droits conven-tionnels des autres Membres ainsi que par un manquement du Membre en question à son obligation conventionnelle. » - États-Unis — Crevettes, paragraphe 158 ;

1.1.2 Le principe pacta sunt servanda :« Nous devons supposer que les Membres de l’OMC se conformeront à leurs obligations conventionnelles de bonne foi, comme le prescrit le principe pacta sunt servanda énon-cé à l’article 26 de la Convention de Vienne. Et, toujours dans le cadre du règlement des différends,  chaque Membre de   l’OMC doit  supposer   la  bonne foi  de  tous  les autres Membres. » - CE — Sardines, paragraphe 278.

Signalons qu’un troisième corollaire du principe de la bonne foi n’a pas été admis par l’Organe d’appel de l’OMC : l’estoppel.

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Chapitre III/IV 23/52

L’estoppel est moyen de défense juridique, une objection péremptoire qui s’oppose à ce qu’une partie à un procès prenne une position qui contredit ce qu’elle a antérieurement admis de manière expresse ou tacite.

Le procédé se laisse décrire ainsi : un État a adopté une conduite qui a incité un autre État à prendre une certaine posi-

tion ; le second État risque de subir un préjudice en raison du revirement du premier ; le recours à l’argument tiré de l’estoppel permet alors au second État de s’opposer à

ce que soit juridiquement pris en considération le revirement du premier État.

Le principe de l’estoppel n’a jamais été appliqué par l’Organe d’appel. Ce dernier ex-plique son abstention

d’une manière peu crédible, par l’ignorance : « Nous reconnaissons, comme le Groupe spécial,  qu’on ne sait  pas très bien,  loin s’en faut, si   le principe de l’estoppel s’applique dans le contexte du système de règlement des différends de l’OMC […] » - CE — Subventions à l’exportation de sucre, paragraphe 310 ;

d’une manière plus convaincante, par la prudence : « [L]e concept de l’estoppel, tel qu’il est présenté par les Communautés européennes, semblerait restreindre la capacité des Membres de l’OMC d’engager une procédure de règlement des différends à l’OMC. Nous voyons peu d’éléments dans le Mémorandum d’accord qui limitent explicitement le droit des Membres de l’OMC d’engager une action […] » - CE — Subventions à l’exportation de sucre, paragraphe 312.

1.2 Le principe de la non-rétroactivité des traités Il est également affirmé avec constance et fermeté par l’Organe d’appel :  « L’article 28 [de la Convention de Vienne sur le droit des traités] énonce le principe gé-néral selon lequel un traité ne doit pas être appliqué rétroactivement, “à moins qu’une intention différente ne ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie”. S’il n’y a pas d’intention contraire, un traité ne peut pas s’appliquer à des actes ou faits antérieurs à la date d’entrée en vigueur de ce traité ni à des situations qui avaient cessé d’exister à cette date […] » - Brésil — Noix de coco desséchée, page 16.

1.3 Le principe de proportionnalité :

« Nous appelons aussi l’attention sur les règles du droit international coutumier concer-nant la responsabilité des États, auxquelles nous nous sommes également référés dans l’affaire États-Unis — Fils de coton. Nous avons rappelé dans cette affaire que les règles du droit international général sur la responsabilité des États exigent que les contre-me-sures  prises  à   la   suite  du manquement  des  États  à   leurs  obligations   internationales soient proportionnelles à ces manquements. » -  États-Unis — Tuyaux de canalisation, paragraphe 259.

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1.4 Le principe de précaution : Son statut étant des plus incertains. La jurisprudence de l’OMC hésite à l’admettre clairement en tant que principe général :« Le statut du principe de précaution dans le droit international continue de faire l’objet de débats parmi les universitaires, les professionnels du droit, les hommes de loi et les juges. Certains considèrent que le principe de précaution est devenu un principe général du droit international coutumier de l’environnement. La question de savoir s’il est large-ment admis par les Membres comme principe de droit international coutumier ou géné-ral est moins claire. Nous estimons, toutefois, qu’il est superflu, et probablement impru-dent, que l’Organe d’appel prenne position dans le présent appel au sujet de cette ques-tion importante, mais abstraite. Nous relevons que le Groupe spécial lui-même n’a pas établi de constatation définitive concernant le statut du principe de précaution dans le droit international et que le principe de précaution, du moins en dehors du droit inter-national de l’environnement, n’a pas encore fait l’objet d’une formulation faisant autori-té. » - CE — Hormones, paragraphes 123-124.

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SECTION II – L’acceptation de plein droit des grands principes du système commercial multilatéral

► Même si ses nombreux détracteurs peuvent en sourire, l’OMC se donne des objectifs plutôt consensuels que l’on découvre dans le préambule de l’Accord de Marrakech du 15 avril 1994 instituant l’Organisation :

le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi et d'un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel

et de la demande effective, l'accroissement de la production et du commerce de marchandises et de services,

« tout en permettant l'utilisation optimale des ressources mondiales conformément à l'ob-jectif de développement durable, en vue à la fois de protéger et préserver l'environnement et de renforcer les moyens d'y parvenir d'une manière qui soit compatible avec les besoins et soucis respectifs des Membres à différents niveaux de développement économique ».

► Pour réaliser ces objectifs, l’OMC mise sur « la conclusion d'accords visant, sur une base de réciprocité et d'avantages mutuels, à la réduction substantielle des tarifs douaniers et des autres obstacles au commerce et à l'élimination des discriminations dans les relations commerciales internationales ».

I – L’interdiction des faits constitutifs d’une discrimination commerciale

A – Le principe du traitement de la nation la plus favorisée (NPF)

► Le principe du traitement de la nation la plus favorisée (NPF), que l’Organe d’appel pré-sente comme « l’un des piliers du système commercial de l’OMC » (CE — Préférences tari-faires, paragraphe 101), peut être défini positivement ou négativement.

Positivement, il signifie qu’un membre de l’OMC doit traiter de la même manière, pour autant qu’ils soient similaires,

en premier lieu, entre eux, les marchandises, les services et autres produits origi-naires ou à destination du marché de tout autre membre de l’OMC,

en second lieu, d’une part, les marchandises, les services et autres produits origi-naires ou à destination du marché de tout autre membre de l’OMC et, d’autre part, ceux qui sont originaires ou à destination de tout pays non membre de l’OMC.

Négativement, le principe NPF interdit à un membre de pratiquer une discrimination commerciale entre les autres membres de l’OMC ou une discrimination commerciale entre les membres et les non-membres au détriment des premiers.

Une des exceptions prévues est la possibilité, pour un groupe d’États, de constituer une zone de libre-échange en vue, notamment, de s’accorder mutuellement des avantages qui ne bénéficient pas aux autres États.

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► Il importe d’aller au-delà de ces définitions génériques parce que les trois grands accords commerciaux multilatéraux de l’OMC énoncent différemment le principe, et que chacune des trois formulations fonde des modalités d’application spécifiques.

1 – Le principe NPF dans le commerce des marchandises : l’article 1:1 du GATT

► GATT (General Agreement on Tariffs and Trade, Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce : commerce des marchandises) :

« Article premierTraitement général de la nation la plus favorisée

1.  Tous  avantages,   faveurs,  privilèges  ou   immunités  accordés  par  une  partie contractante à un produit originaire ou à destination de tout autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus à tout produit similaire originaire ou à destination du territoire de toutes les autres parties contractantes.   Cette dis-position concerne les droits de douane et les impositions de toute nature perçus à l'importation ou à l'exportation ou à l'occasion de l'importation ou de l'exporta-tion, ainsi que ceux qui frappent les transferts internationaux de fonds effectués en règlement des importations ou des exportations, le mode de perception de ces droits et impositions, l'ensemble de la réglementation et des formalités affé-rentes aux importations ou aux exportations ainsi que toutes les questions qui font l'objet des paragraphes 2 et 4 de l'article III. »

► Signification et commentaire :

Ces dispositions exigent que si un membre de l’OMC accorde à un pays (membre ou non de l’OMC) un avantage particulier consistant, par exemple, dans l’abaissement des droits de douane perçus sur un de ses produits, il doit consentir le même avantage à tous les autres membres de l’OMC.

Pour déterminer, dans le cadre du GATT, si, dans sa manière de traiter un produit X originaire ou à destination du territoire d’un membre M2 de l’OMC, un membre M1 a agi conformément au principe du traitement de la nation la plus favorisée, il convient de se poser, dans l’ordre, trois questions :

1. Le membre M1 a-t-il accordé à un produit Y originaire ou à destination d’un pays P, qu’il soit ou non membre de l’OMC, des avantages de la nature de ceux visés à l’article 1:1 précité du GATT ?

2. Les produits X et Y sont-ils similaires ?3. Le membre M1 a-t-il accordé immédiatement et sans condition les mêmes avantages

au produit X ? En cas de réponse positive aux deux premières questions, une réponse négative à la

troisième question signifie que le membre M1 a violé le principe du traitement de la nation la plus favorisée.

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L’Organe d’appel de l’OMC a eu l’occasion de préciser dans l’affaire Canada - Auto-mobiles, en ce qui concerne

la question n°  1 :« Nous notons dans un deuxième temps que l’article I:1 exige que “tous avan-tages,   faveurs,   privilèges   ou   immunités   accordés   par   un  Membre   à un pro-duit originaire ou à destination de tout autre pays s[oie]nt  immédiatement et sans condition, étendus à tout produit similaire originaire ou à destination du territoire de tous les autres Membres”. (pas d’italique dans l’original) Les termes de l’article I:1 ne désignent pas des avantages accordés en ce qui “concerne” les sujets qui entrent dans le champ d’application de l’article, tel qu’il a été défini, mais  “tous avantages”;  accordés  non pas  à des produits,  mais  à “un produit”, c’est-à-dire à n’importe quel produit; et non pas aux produits similaires en prove-nance d’autres Membres, mais aux produits similaires originaires ou à destina-tion de “tous les autres” Membres. »

la question n°  3 :« Ainsi, aussi bien suivant le texte de la mesure que d’après les conclusions du Groupe spécial sur les modalités d’application de la mesure, il est évident pour nous qu’en ce qui “concerne les droits de douane … perçus à l’importation ou à l’occasion de l’importation …”, le Canada a conféré un “avantage” à des produits en provenance de Membres qu’il n’a pas “étendu immédiatement et sans condi-tion” aux produits “similaire[s] originaire[s] ou à destination du territoire de tous les autres Membres”. […] Et nous concluons que cela n’est pas compatible avec les obligations du Canada au titre de l’article I:1 du GATT de 1994. »

Il reste la question n°  2 : les produits concernés sont-ils similaires ? La réponse à cette question est donnée suivant une méthodologie fondée sur la réponse à deux questions préliminaires :

Quelles caractéristiques de deux produits donnés sont pertinentes pour que l’on puisse juger que ces produits sont similaires ?

Jusqu’à quel point deux produits doivent-ils être proches l’un de l’autre au regard de ces caractéristiques pour qu’ils puissent être jugés comme étant des produits similaires ?

Il résulte de la jurisprudence des instances juridictionnelles de l’OMC (groupes spé-ciaux et Organe d’appel)

que la similitude s’apprécie au cas par cas et qu’il faut prendre en considération, en plus des caractéristiques des produits,

leur utilisation finale ainsi que leur régime douanier.

Cela dit, parfois le doute n’est guère permis :« L'aspect essentiel des obligations de non-discrimination est que des produits si-milaires doivent être traités de la même manière, quelle que soit leur origine. Étant donné qu'aucun participant ne conteste que toutes les bananes sont des produits   similaires,   les   dispositions   en   matière   de   non-discrimination   s'ap-

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pliquent à toutes les importations de bananes, qu'un Membre compartimente ou subdivise ou non ces importations pour des raisons administratives ou autres et quelle que soit la façon dont il le fait. » - CE – Bananes III, paragraphe 190.

2 – Le principe NPF dans le commerce des services : l’article II:1 du GATS (AGCS)

► GATS (General Agreement on Trade in Services : Accord général sur le commerce des services)

« Article II

Traitement de la nation la plus favorisée

1. En ce qui concerne toutes les mesures couvertes par le présent accord, chaque Membre accordera   immédiatement  et   sans  condition aux services  et   fournis-seurs de services de tout autre Membre un traitement non moins favorable que celui qu'il accorde aux services similaires et fournisseurs de services similaires de tout autre pays.

3. Les dispositions du présent accord ne seront pas interprétées comme empê-chant  un  Membre de  conférer  ou  d'accorder  des  avantages  à  des  pays   limi-trophes pour faciliter les échanges, limités aux zones frontières contiguës, de ser-vices qui sont produits et consommés localement. »

► Signification et commentaire :

En vertu de ces dispositions, chaque membre M1 de l’OMC est tenu d’accor-der aux services et fournisseurs d’un autre pays membre M2 un traitement au moins aussi favorable que celui qu’il accorde aux services et fournisseurs de ser-vices similaires d’un pays P, que celui-ci soit ou non membre de l’OMC.

Selon l’Organe d’appel de l’OMC, il s’agit aussi bien d’un traitement de droit (de jure) que d’un traitement de fait (de facto) :

« L’obligation imposée par l’article II est absolue. Le sens ordinaire de cette dis-position n’exclut pas la discrimination de facto. De plus, si l’article II n’était pas applicable à la discrimination de facto, il ne serait pas difficile — et, de fait, il se-rait beaucoup plus facile dans le cas du commerce des services que dans le cas du commerce des marchandises — d’imaginer des mesures discriminatoires vi-sant à contourner le but fondamental de cet article.Pour ces raisons, nous concluons que l’expression “traitement non moins favo-rable” contenue à l’article II:1 de l’AGCS doit être interprétée comme incluant la discrimination de facto aussi  bien que de jure […] »   -  CE — Bananes III, para-graphes 233-234.

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Chapitre III/IV 29/52

L’Organe d’appel de l’OMC a également indiqué, dans l’affaire Canada — Automo-biles, la démarche à suivre pour juger si un membre respecte ses obligations en la matière :

« Le libellé de cette disposition indique que l’examen de la compatibilité d’une mesure  avec   l’article   II:1  devrait  être  effectué en plusieurs  étapes.  Première-ment, comme nous l’avons vu, il faut une détermination initiale au titre de l’ar-ticle I:1 établissant que la mesure est couverte par l’AGCS. Cette détermination doit établir qu’il s’agit de “commerce des services” selon l’un des quatre modes de fourniture et qu’il s’agit aussi d’une mesure qui “affecte” le commerce des services. Nous avons déjà dit que le Groupe spécial avait négligé d’effectuer cette analyse.

Si la détermination initiale établit que la mesure est couverte par l’AGCS, l’étape suivante consiste à apprécier la compatibilité de la mesure avec les exigences de l’article II:1. Le texte de l’article II:1 nous oblige, essentiellement, à comparer le traitement accordé par un Membre aux “services et fournisseurs de services” de tout autre Membre à celui qu’il accorde aux services “similaires” et fournisseurs de services “similaires” de “tout autre pays”. » 

La démarche se résume donc comme suit :

1. s’assurer que l’on a affaire à un service ou fournisseur de services au sens du GATS ;

2. vérifier si le traitement accordé par le membre M1 de l’OMC au service ou fournisseur de services d’un membre M2 de l’OMC est au moins aussi favorable que le traitement consenti par M1 au service ou fournisseur de services similaires d’un pays P (membre ou non de l’OMC) ;

3. conclure à la violation ou au respect du principe du traitement de la nation la plus favorisée (NPF), selon le résultat de la vérification ci-dessus décrite.

3 – Le principe NPF dans le commerce relatif aux droits de propriété intellec-tuelle : l’article 4 de l’Accord sur les ADPIC (TRIPS)

► ADPIC ou TRIPS (Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights : Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce)

« Article 4

Traitement de la nation la plus favorisée

En ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, tous avantages, fa-veurs, privilèges ou immunités accordés par un Membre aux ressortissants de tout autre pays seront, immédiatement et sans condition, étendus aux ressortis-sants de tous les autres Membres […] »

► Signification et commentaire :

Cette formulation du principe NPF est nettement inspirée de celle du GATT – cf. su-pra.

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Chapitre III/IV 30/52

Toutefois, à la différence du GATT (commerce des marchandises) et du GATS (com-merce des services), l’ADPIC ne subordonne pas l’application du principe du traitement de la nation la plus favorisée (NPF) au caractère similaire des droits de propriété.

On peut donc considérer que le principe NPF a une portée plus large dans le cadre de l’ADPIC (pour mémoire : Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce).

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Chapitre III/IV 31/52

B – Le principe du traitement national

► À l’instar du principe du traitement de la nation la plus favorisé (NPF), le principe du traitement national peut donner lieu à une définition positive et à une définition négative.

Positivement, il signifie qu’un membre de l’OMC doit traiter, les marchandises, les services et autres produits originaires ou à destination du marché de tout autre membre de l’OMC de la même manière qu’il traite les marchandises, services et autres produits origi-naires de son territoire, sous réserve, en principe, que les uns et les autres soient similaires.

Négativement, il interdit à un membre de pratiquer une discrimination commerciale entre ses propres marchandises, services et autres produits et ceux des autres membres de l’OMC, pour autant que les uns et les autres soient similaires.

► La raison d’être du principe du traitement national est exposée par l’Organe d’appel (de l’OMC, bien sûr) en ces termes :

« L’objectif  fondamental  de  l’article  III  est d’éviter  le protectionnisme  lorsque des taxes et des mesures de réglementation  intérieures sont appliquées. Plus précisément, l’objet de l’article III “est de veiller à ce que les mesures intérieures ne soient pas appliquées aux produits importés ou nationaux de manière à pro-téger la production nationale”. Pour ce faire, il oblige les Membres de l’OMC à garantir l’égalité des conditions de concurrence entre les produits importés et les produits nationaux. … l’argument selon lequel “les effets sur le commerce” de l’écart entre la taxe perçue sur les produits importés et celle qui frappe les pro-duits nationaux sont, d’après le volume des importations, négligeables ou même inexistants, est dénué de pertinence; l’article III ne vise pas à protéger les antici-pations concernant un volume d’échanges donné, mais plutôt les anticipations relatives à l’égalité du rapport compétitif entre les produits importés et les pro-duits nationaux. » - WT/DS8/AB/R, Japon — Boissons alcooliques II, page 19.

► Il convient, encore une fois, d’aller au-delà de ces considérations génériques parce que les trois grands accords commerciaux multilatéraux de l’OMC énoncent différemment le principe, et que chacune des trois formulations justifie des modalités d’application spéci-fiques.

1 – Le principe du traitement national dans le commerce des marchandises : l’article III du GATT

« Article IIITraitement national en matière d'impositions et de réglementation intérieures1. Les parties contractantes reconnaissent que les taxes et autres impositions intérieures, ainsi que les lois, règlements et prescriptions affectant la vente, la mise en vente, l'achat, le   transport,   la  distribution  ou   l'utilisation  de  produits   sur   le  marché   intérieur  et   les réglementations quantitatives  intérieures prescrivant  le mélange,  la  transformation ou l'utilisation en quantités ou en proportions déterminées de certains produits ne devront pas   être   appliqués   aux   produits   importés   ou   nationaux   de   manière   à   protéger   la production nationale.

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Chapitre III/IV 32/52

2. Les produits du territoire de toute partie contractante importés sur le territoire de toute autre partie contractante ne seront pas frappés, directement ou indirectement, de taxes ou autres impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent, directement ou indirectement, les produits nationaux similaires.   En outre, aucune partie contractante n'appliquera, d'autre façon, de taxes ou autres impositions intérieures aux produits   importés ou nationaux d'une manière contraire aux principes énoncés au paragraphe premier.4. Les produits du territoire de toute partie contractante importés sur le territoire de toute autre partie contractante ne seront pas soumis à un traitement moins favorable que le traitement accordé aux produits similaires d'origine nationale en ce qui concerne toutes lois, tous règlements ou toutes prescriptions affectant la vente, la mise en vente, l'achat, le transport,   la  distribution  et   l'utilisation  de  ces  produits   sur   le  marché   intérieur.     Les dispositions du présent paragraphe n'interdiront pas l'application de tarifs différents pour les transports intérieurs, fondés exclusivement sur l'utilisation économique des moyens de transport et non sur l'origine du produit. »

► Signification et commentaire :

Dans le domaine du commerce des marchandises, cet article III du GATT rappelle dans son paragraphe 1 rappelle la raison d’être de la règle du traitement, à savoir la lutte contre le protectionnisme.

Selon l’Organe d’appel, « le principe général énoncé à l’article III:1 commande le reste de l’article III et constitue un guide pour comprendre et interpréter les obligations spécifiques énoncées dans les autres paragraphes de l’article » - CE — Amiante, paragraphe 93.

Justement, les autres paragraphes de l’article III interdisent de manière précise des faits constitutifs d’une discrimination entre produits nationaux et produits importés. L’interdiction ne s’applique que dans les cas où

soit les produits nationaux et les produits importés sont similaires, soit les produits nationaux et les produits importés sont « directement concurrents ou

directement substituables ».

Le contenu effectif de l’interdiction n’est pas le même dans les deux cas.

1.1 L’interdiction de la discrimination entre produits nationaux et produits importés similaires

Elle est énoncée par deux dispositions de l’article III précité du GATT. D’abord, la première phrase du paragraphe 2 prescrit que les Membres de l’OMC

doivent s’abstenir de soumettre les produits importés à des taxes ou autres impositions « supérieures à celles qui frappent, directement ou indirectement, les produits nationaux similaires ».

Ensuite, le paragraphe 4 fait défense aux Membres de soumettre les produits importés à un traitement moins favorable que le traitement accordé aux produits d’origine nationale « en ce qui concerne toutes lois, tous règlements ou toutes prescriptions affectant la vente, la mise en vente, l'achat, le transport, la distribution et l'utilisation de ces produits sur le marché intérieur ».

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Chapitre III/IV 33/52

Il résulte de ces deux paragraphes qu’une mesure prise par un Membre constitue une violation du principe du traitement national si les produits importés et les produits nationaux en cause sont des produits similaires et si les produits importés font l’objet

soit d’impositions supérieures à celles appliquées aux produits nationaux1,

soit d’un traitement moins favorable que celui qui est accordé aux produits natio-naux.

1.2 L’interdiction de la discrimination entre produits nationaux et produits importés lorsqu’ils sont « directement concurrents ou directement substituables ».

La seconde phrase du paragraphe 2 de l’article III oblige les Membres à ne pas appliquer « de taxes ou autres impositions intérieures aux produits importés ou nationaux d'une manière contraire aux principes énoncés au paragraphe premier », c’est-à-dire d’une manière qui équivaut à une protection de la production nationale.

On aura noté que si les deux phrases du paragraphe 2 de l’article III visent les taxes et autres impositions, elles diffèrent sur un point : la première phrase met en exergue un critère quantitatif (taxes et autres impositions supérieures), tandis que la seconde phrase avance un critère téléologique ou finaliste (but : protéger la protection nationale).

► L’article III ne répond pas à deux questions essentielles que soulève sa mise en œuvre et qui ont trait à la signification,

l’une, de l’expression « produits similaires », l’autre, de la formule « produits directement concurrents ou directement substituables ».

S’agissant de l’expression « produits similaires » (que nous avons déjà rencontrée à l’occasion de l’étude du principe NPF ; voir supra), l’Organe d’appel considère : 

« Aucune approche unique pour exercer un jugement ne sera appropriée pour tous les cas. […] il ne peut pas exister de définition précise et absolue de ce qui est “similaire”. Le concept de la “similarité” a un caractère relatif qui évoque l’image d’un accordéon. L’accordéon de la “similarité” s’étire et se resserre en des points différents   au   gré   des   différentes   dispositions   de   l’Accord   sur   l’OMC qui   sont appliquées. » - Japon — Boissons alcooliques II, page 24.

Dans l’affaire Canada — Périodiques (page   23), l’Organe d’appel se veut plus pragmatique :« […] le critère approprié est qu’une détermination de l’existence de “produits si-milaires” aux fins des dispositions de la première phrase de l’article III:2 doit être établie de façon étroite, au cas par cas, en examinant notamment les éléments pertinents suivants :i) les utilisations finales du produit sur un marché donné;ii) les goûts et habitudes des consommateurs; etiii) les propriétés, la nature et la qualité du produit. »

1 « Même le plus petit dépassement est de trop. » - WT/DS8/AB/R, Japon — Boissons alcooliques II, page 26,

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Chapitre III/IV 34/52

En ce qui concerne la formule « produits directement concurrents ou directement substi-tuables », la démarche est à peu près la même :

« Tout comme pour les “produits similaires” mentionnés à la première phrase, la gamme  voulue  de   “produits   directement   concurrents   ou   directement   substi-tuables” dont il est question dans la deuxième phrase ne peut être établie qu’au cas par cas.En l’espèce, le Groupe spécial a souligné la nécessité d’examiner non seulement des questions comme les caractéristiques physiques, les utilisations finales com-munes  et   la  classification  tarifaire,  mais  aussi   le  “marché”.  Cela   semble  judi-cieux. » - Japon — Boissons alcooliques II, pages 28-29.

Bien sûr, on ne peut manquer de s’interroger sur le rapport qui existe entre les deux for-mules :

« Les   produits   “similaires”   sont   un   sous-ensemble   des   produits   directement concurrents ou directement substituables: tous sont par définition directement concurrents  ou  directement   substituables  alors  que   les  produits   directement concurrents ou directement substituables ne sont pas tous “similaires”. Il  faut donner un sens étroit à la notion de produits similaires mais la catégorie des pro-duits directement concurrents ou directement substituables est plus vaste. Alors que les produits parfaitement substituables relèvent de la première phrase de l’article   III.2,   des  produits   imparfaitement  substituables   peuvent   faire   l’objet d’une évaluation au titre de la deuxième phrase de l’article III:2. » - Corée — Bois-sons alcooliques, paragraphe 118.

2 – Le principe du traitement national dans le commerce des services : l’ar-ticle XVII du GATS (AGCS)

« Article XVII

Traitement national

1. Dans les secteurs inscrits dans sa Liste, et compte tenu des conditions et res-trictions qui y sont indiquées, chaque Membre accordera aux services et fournis-seurs de services de tout autre Membre, en ce qui concerne toutes les mesures affectant la fourniture de services, un traitement non moins favorable que celui qu'il accorde à ses propres services similaires et à ses propres fournisseurs de services similaires.

2. Un Membre pourra satisfaire à la prescription du paragraphe 1 en accordant aux services et fournisseurs de services de tout autre Membre soit un traitement formellement identique à celui qu'il accorde à ses propres services similaires et à ses propres fournisseurs de services similaires, soit un traitement formellement différent.

3. Un traitement formellement identique ou formellement différent sera consi-déré comme étant moins favorable s'il modifie les conditions de concurrence en faveur des services ou fournisseurs de services du Membre par rapport aux ser-

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Chapitre III/IV 35/52

vices   similaires   ou   aux   fournisseurs   de   services   similaires   de   tout   autre Membre. »

► Signification et commentaire :

L’inévitable comparaison entre, d’une part, cet article XVII du GATS (ou AGCS), qui ré-git le commerce des services, et, d’autre part, l’article III susanalysé du GATT, qui concerne le commerce des marchandises, débouche sur des enseignements d’inégale valeur : des simili-tudes attendues et des différences frappantes.

Les similitudes : comme l’article III du GATT, l’article XVII du GATS (ou AGCS) oblige chaque Membre de l’OMC à accorder aux services et fournisseurs de services de tout autres Membre un traitement au moins aussi favorable que celui qu’il consent à ses propres services similaires et à ses propres fournisseurs de services similaires. On aura relevé qu’au cœur des deux articles se trouve la notion de similarité – sur cette notion, voir, supra, les dé-veloppements consacrés à l’article III du GATT.

Les différences : contrairement à son équivalent du GATT, l’article XVII du GATS permet à un Membre d’accorder aux services et fournisseurs de services de tout autre Membre soit un traitement formellement identique à celui qu'il accorde à ses propres services similaires et à ses propres fournisseurs de services similaires, soit un traitement formellement différent.

Toutefois, ni le traitement différent, ni le traitement identique ne doivent être défavorables aux services et fournisseurs « étrangers » : ils seraient contraires au principe du traitement na-tional s'ils modifiaient « les conditions de concurrence en faveur des services ou fournisseurs de services du Membre par rapport aux services similaires ou aux fournisseurs de services si-milaires de tout autre Membre ».

Lorsqu’il s’agit d’apprécier la conformité d’une mesure prise par un Membre avec le principe du traitement national, une autre différence entre le GATT et le GATS (ou AGCS) a été notée par l’Organe d’appel de l’OMC dans l’affaire CE — Bananes III :

« Nous ne voyons, ni dans l’article II ni dans l’article XVII de l’AGCS, rien qui per-mette expressément d’affirmer que les “buts et effets” d’une mesure soient per-tinents, de quelque manière que ce soit,  lorsqu’il  s’agit de déterminer si cette mesure est incompatible avec lesdites dispositions. Dans le contexte du GATT, la théorie des “buts et effets” tire son origine du principe énoncé à l’article III:1 se-lon lequel les taxes ou impositions ou autres réglementations intérieures “ne de-vront pas être appliquées aux produits importés ou nationaux de manière à pro-téger   la   production  nationale”.   Il   n’y   a   pas   de   disposition   comparable   dans l’AGCS. » - WT/DS27/AB/R, CE — Bananes III, paragraphe 241.

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Chapitre III/IV 36/52

3 – Le principe du traitement national dans le commerce relatif aux droits de propriété intellectuelle : l’article 3 de l’Accord sur les ADPIC (TRIPS)

« Article 3

Traitement national

1. Chaque Membre accordera aux ressortissants des autres Membres un traite-ment non moins favorable que celui qu'il accorde à ses propres ressortissants en ce qui concerne la protection de la propriété intellectuelle, sous réserve des ex-ceptions déjà  prévues dans,  respectivement,   la Convention de Paris (1967),   la Convention de Berne (1971), la Convention de Rome ou le Traité sur la propriété intellectuelle en matière de circuits intégrés.[…] »

► Signification et commentaire :

Dans l’affaire États-Unis — Article 211, Loi portant ouverture de crédits, l’Organe d’appel de l’OMC a commenté cet article dans les termes suivants :

« Selon nous, l’obligation de traitement national est un principe fondamental qui sous-tend l’Accord sur les ADPIC, tout comme il sous-tend ce qui est maintenant le GATT de 1994. Le Groupe spécial a conclu à juste titre que, comme le libellé de l’article 3:1 de l’Accord sur les ADPIC, en particulier, est analogue à celui de l’ar-ticle III:4 du GATT de 1994, la jurisprudence relative à l’article III:4 du GATT de 1994 peut être utile pour interpréter l’obligation de traitement national énoncée dans l’Accord sur les ADPIC.Le principe du traitement national, tel qu’il est énoncé à l’article 3:1 de l’Accord sur les ADPIC, fait obligation à chaque Membre de l’OMC d’accorder aux ressor-tissants des autres Membres un traitement non moins favorable que celui qu’il accorde à ses propres ressortissants en ce qui concerne la “protection” des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. La note de bas de page re-lative à cet article précise que cette “protection” s’étend aux “questions concer-nant l’existence, l’acquisition, la portée, le maintien des droits de propriété intel-lectuelle et les moyens de les faire respecter [ainsi qu’aux] questions concernant l’exercice  des droits  de propriété  intellectuelle  dont  […]  traite  expressément” l’Accord sur les ADPIC. » - WT/DS176/AB/R : États-Unis — Article 211, Loi portant ou-verture de crédits, paragraphes 242-243.

Le renvoi ci-dessus fait par l’Organe d’appel à des conventions extérieures à l’OMC, pour ce qui concerne les exceptions au principe du traitement national, constitue la différence majeure qui sépare cet article 3:1 de l’Accord sur les ADPIC des articles pertinents du GATT et du GATS. Sont visés :

la convention de Paris du 28 mars 1883 pour la protection de la propriété indus-trielle, telle qu’elle a été révisée à Stockholm le 14 juillet 1967 ;

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Chapitre III/IV 37/52

la convention de Berne du 9 septembre 1886 pour la protection des œuvres litté-raires et artistiques, telle que révisée à Paris le 24 juillet 1971 ; et

le traité sur la propriété intellectuelle en matière de circuits intégrés signé à Wa-shington le 26 mai 1989.

Les exceptions au principe du traitement national prévues par ces accords internatio-naux concernent, pour l’essentiel, les procédures judiciaires ou administratives.

II – L’interdiction ou la condamnation des faits constitutifs d’une concur-rence déloyale

► Les formules employées dans les textes pertinents de l’OMC peuvent difficilement se passer d’une exégèse minutieuse.

Le dumping est « condamnable » si certaines circonstances sont réunies (A).

Quant aux subventions, elles sont de trois sortes : celles qui sont « prohibées », celles qui peuvent « donner lieu à une action » et celles qui ne donnent pas lieu à une action (B).

A – Le dumping

1 – Une définition voulue précise

► L’article VI du GATT donne du dumping une définition que complète et précise l’article 2.1 de l’Accord sur la mise en œuvre de l'article VI de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (ci-après dénommé « Accord antidumping »).

GATT« Article VIDroits antidumping et droits compensateurs1.   Les   parties   contractantes   reconnaissent   que   le   dumping,   qui   permet l'introduction des  produits  d'un  pays  sur   le  marché d'un autre  pays  à  un prix inférieur à leur valeur normale, est condamnable s'il cause ou menace de causer un   dommage   important   à   une   branche   de   production   établie   d'une   partie contractante ou s'il   retarde de façon  importante  la création d'une branche de production nationale. »

► Signification et commentaire :

Les éléments constitutifs du dumping sont donc les suivants : l’importation ou l’exportation (selon le point de vue auquel on se place) d’un

produit ; il doit y avoir franchissement d’une frontière douanière par un produit, son passage d’un marché intérieur à un autre ;

la vente, sur le marché de destination, de ce produit à un prix inférieur à sa valeur normale.

C’est le second des deux éléments constitutifs du dumping qui suscite souvent des interrogations propres à engendrer les divergences de vues les plus vives.

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Chapitre III/IV 38/52

Qu’est-ce que la valeur normale d’un produit ? Comment la calcule-t-on ? Le prix dont il est question diffère-t-il du coût de production ? …

La suite de l’article VI précité du GATT apporte quelques éléments de réponse :

« Aux fins d'application du présent article, un produit exporté d'un pays vers un autre   doit   être   considéré   comme   étant   introduit   sur   le   marché   d'un   pays importateur à un prix inférieur à sa valeur normale, si le prix de ce produit esta) inférieur  au  prix   comparable  pratiqué  au  cours  d'opérations  commerciales normales pour un produit similaire, destiné à la consommation dans le pays exportateur ;

b) ou, en l'absence d'un tel prix sur le marché intérieur de ce dernier pays, si le prix du produit exporté esti) inférieur au prix comparable le plus élevé pour l'exportation d'un produit similaire vers un pays tiers au cours d'opérations commerciales normales,

ii) ou inférieur au coût de production de ce produit dans le pays d'origine, plus un supplément raisonnable pour les frais de vente et le bénéfice. »

Par « valeur normale » d’un produit, il convient donc d’entendre soit a), soit b) i ou b) ii.

Autrement dit, pour indiquer la valeur normale d’un produit, il y a un principe et des exceptions.

Le principe : la valeur normale d’un produit X exporté par un pays membre M1, c’est le prix auquel est vendu, au cours d'opérations commerciales normales, un produit similaire destiné à la consommation dans le pays exportateur M1.

Les exceptions : il se peut qu’un pays membre M1 exporte un produit X vers un autre pays membre M2 alors que ni ce produit X, ni même un produit similaire ne sont vendus normalement dans ce pays exportateur M1. Dans ce cas, la valeur normale du produit X correspond

soit au plus élevé des prix auxquels M1 exporte un produit similaire au produit X vers un pays autre que M2,

soit au coût de production du produit X ou d’un produit similaire écoulé dans son pays d’origine M1, coût majoré d’un supplément raisonnable correspondant aux frais de vente et au bénéfice.

Par « produit similaire », il faut entendre

en principe, « un   produit   identique,   c'est-à-dire   semblable   à   tous   égards » au produit X,

ou, « en l'absence d'un tel produit », un « autre produit qui, bien qu'il ne lui soit pas semblable à tous égards, présente des caractéristiques ressemblant étroitement » à celles du produit X - article 2.6 de l’Accord antidumping.

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Chapitre III/IV 39/52

► Au vu des éléments qui précèdent, il est possible et opportun de modifier la définition du dumping. Celle-ci gagnera en clarté et en précision ce qu’elle perdra en concision.

Il y a dumping lorsqu’un produit X est exporté d’un pays M1 vers un pays M2 à un prix inférieur 

soit,  en principe, au prix auquel est vendu, au cours d'opérations  commerciales normales, un produit  similaire  au produit X et destiné à la consommation dans le pays exportateur M1, soit, par exception, o au plus élevé des prix auxquels M1 exporte un produit similaire au produit X vers un pays autre que M2o ou au coût de production du produit X dans son pays d’origine M1, coût majoré d’un supplément raisonnable correspondant aux frais de vente et au bénéfice.

On appelle marge de dumping la différence constatée entre le prix auquel le produit X est exporté de M1 vers M2 et sa « valeur normale », c’est-à-dire l’un quelconque des prix auxquels nous l’avons comparé ci-dessus.

► En vertu de l’Accord antidumping conclu par les Membres de l’OMC, il n’y a pas de dumping pouvant justifier une réaction dans l’un ou l’autre des deux cas de figure suivants :

la marge de dumping, « exprimée en pourcentage du prix à l'exportation » du produit X, est inférieure à 2 pour cent. On dit dans ce cas que la marge de dumping est « considérée comme étant de minimis » ;

Le volume des importations de l'objet X faisant l’objet d'un dumping représente moins de 3 pour cent des importations de produits similaires dans le pays importateur M2. On considère dans ce cas que le volume des importations est négligeable.

En somme, il n’y a pas de dumping au sens des dispositions de l’Accord antidumping si la marge de dumping est de minimis ou si le volume des importations du produit en cause est négligeable.

► Cette double précision commande de réviser une fois de plus la définition du dumping.

Que le lecteur se rassure, c’est l’ultime définition :

Il y a dumping au sens du doit de l’OMC lorsqu’un produit X est exporté d’un pays M1 vers un autre pays M2, d’une part de manière à représenter au moins 3% du volume des importations de produits similaires dans le pays importateur M2, et, d’autre part, à un prix qui est inférieur d’au moins 2%

soit,  en principe, au prix auquel est vendu, au cours d'opérations commerciales normales, un produit  similaire  au produit X et destiné à la consommation dans le pays exportateur M1, soit, par exception, o au plus élevé des prix auxquels M1 exporte un produit  similaire au produit X vers un pays autre que M2o ou au coût de production du produit X dans son pays d’origine M1, coût majoré d’un supplément raisonnable correspondant aux frais de vente et au bénéfice.

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Chapitre III/IV 40/52

► Le dumping, ainsi défini, n’est pas prohibé, et il ne saurait l’être, et ce, pour les raisons suivantes :

dans une économie de marché mondialisée (ou globalisée), les exportations et, donc, le dumping, sont le fait, non des gouvernements, mais de personnes privées (morales ou physiques),

or, les accords de l’OMC, de par leur caractère interétatique, régissent le comportement des gouvernements et non celui des personnes privées.

Voilà pourquoi on lit dans l’article VI du GATT une appréciation vague et peu juridique :              « le dumping […] est condamnable […] »

Cela dit, le dumping n’est pas inconditionnellement condamnable. Selon l’article VI du GATT, il ne mérite condamnation que dans deux cas :

« s'il   cause   ou   menace   de   causer   un   dommage   important   à   une   branche   de production établie d'une partie contractante »

ou « s'il   retarde   de   façon   importante   la   création   d'une   branche   de   production nationale ».

Que faut-il entendre par « branche de production nationale » et par « dommage important » ? 

En vertu de l’article 4 de l’Accord antidumping, l'expression « branche de production nationale » s'entend de « l'ensemble   des   producteurs   nationaux   de   produits similaires   [au   produit   X   faisant   l’objet   d’un   dumping]   ou   de   ceux   d'entre   eux   dont   les productions additionnées constituent  une proportion majeure  de   la  production nationale totale de ces produits ».

S’agissant du dommage susceptible d’être causé par le dumping, l’article cite, sans viser à l’exhaustivité : diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du retour sur investissement, ou de l'utilisation des capacités ; effets négatifs sur le flux de liquidités, les stocks, l'emploi, les salaires, la croissance, la capacité de se procurer des capitaux ou l'investissement.

► Bien évidemment, des questions subsistent. Par exemple, qu’est-ce qu’une opération commerciale « normale » ?

L’Organe d’appel de l’OMC observe à ce sujet :« Les   autorités   chargées   de   l’enquête   doivent   exclure   du   calcul   de   la   valeur normale toutes les ventes qui n’ont pas lieu “au cours d’opérations commerciales normales”. Inclure de telles ventes dans le calcul, que le prix soit élevé ou bas, fausserait ce qui est défini comme “valeur normale”. » - WT/DS184/AB/R : États-Unis — Acier laminé à chaud, paragraphe 145.

L’identité des autorités mentionnées dans cette troublante citation sera dévoilée dans la sous-partie qui suit.

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Chapitre III/IV 41/52

2 – La réaction au dumping : l’imposition de droits antidumping

► Nous l’avons déjà souligné : si le GATT se borne à condamner (moralement) le dumping préjudiciable à la production nationale, c’est parce que cet accord commercial interétatique ne réglemente pas le comportement des personnes privées et que ce sont essentiellement ces dernières qui pratiquent le dumping.

► En revanche, le GATT et, surtout, l’Accord antidumping réglementent d’une manière très détaillée la réaction que sont en droit d’avoir face au dumping les autorités publiques d’un pays membre de l’OMC.

La réaction d’un pays importateur M2 à une pratique de dumping au sujet d’un produit X en provenance d’un pays exportateur M1 prend la forme d’une enquête au cours et au terme de laquelle diverses mesures peuvent intervenir.

La procédure débute par une décision, celle, précisément, d’ouvrir une enquête antidumping.

Cette décision est prise par les autorités antidumping du pays importateur M2 soit, et c’est le principe, sur demande présentée par écrit par la branche de

production nationale concernée, c’est-à-dire qui produit un produit similaire au produit X faisant l’objet d’un dumping (Exemple : demande d’enquête antidumping présentée au gouvernement français par les fabricants de jouets français) ;

soit, et c’est l’exception, de leur propre initiative, en cas de « circonstances spéciales ».

L’enquête antidumping vise à déterminer (c’est le terme officiel en usage à l’OMC)

l'existence et le degré du dumping ainsi que l’existence du dommage résultant du dumping.

Principe du contradictoire oblige, toutes les parties intéressées, dûment avisées, se voient ménager d'amples possibilités pour présenter par écrit tous les éléments de preuve qu'elles jugent pertinents pour les besoins de l'enquête en question :

exportateur ou producteur du produit X, gouvernement du pays exportateur M1, importateur du produit X faisant l'objet de l’enquête (Exemple : la grande surface

française qui a importé les jouets en cause), producteurs d’un produit similaire au produit X dans le pays importateur M2 qui a

ouvert l’enquête (Exemple fabricant français de jouets).

Avant la fin de l’enquête, les autorités du pays importateur M2 ont le droit de prendre des mesures à caractère provisoire et conservatoire, à condition toutefois

qu’il ait été établi « une   détermination  préliminaire   positive   de   l'existence   d'un dumping et d'un dommage en résultant pour une branche de production nationale » - article 7.1 de l’Accord antidumping - et

que de telles mesures soient nécessaires pour empêcher qu'un autre dommage ne soit causé pendant la durée de l'enquête.

Les mesures provisoires pourront prendre la forme d'un droit (taxe) perçu sur le produit X faisant l’objet d’un dumping, ou, de préférence, d'une garantie - dépôt en espèces ou cautionnement.

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Chapitre III/IV 42/52

Le droit ou la garantie ne doit pas dépasser la marge de dumping provisoirement estimée. Rappelons que la marge de dumping est la différence entre la valeur normale du produit X et le prix auquel ce produit est exporté de M1 vers M2.

L’enquête antidumping peut être suspendue ou close si l'exportateur du pays M1 s’engage volontairement et de manière satisfaisante à réviser ses prix ou à ne plus exporter vers le pays M2 à des prix de dumping, de façon que les autorités de M2 soient convaincues que l'effet dommageable du dumping est supprimé.

Lorsqu’elle est menée jusqu’à son terme, l’enquête antidumping peut déboucher sur la conclusion (on dit « détermination » à l’OMC)

que le produit X fait effectivement l’objet d’un dumping et que ce dumping soit cause ou menace de causer un dommage important à une branche

de production établie du pays M2, soit retarde de façon importante la création d'une branche de production nationale de M2. Les autorités publiques de M2 ont alors la faculté d’imposer au produit X des « droits 

antidumping » dont le montant ne doit pas excéder le montant de la marge de dumping, c’est-à-dire la différence entre la valeur normale du produit X et le prix auquel ce produit est exporté de M1 vers M2.

Les droits antidumping ainsi imposés au produit X, en principe sans effet rétroactif, feront l’objet d’un réexamen périodique de la part des autorités publiques de M2. À cet égard, l’article 11.1 de l’Accord antidumping stipule :

« Les droits antidumping ne resteront en vigueur que le temps et dans la mesure nécessaires pour contrebalancer le dumping qui cause un dommage. »

L’article 11.3 du même accord renforce le caractère exceptionnel des droits antidumping :

« […]   tout   droit   antidumping   définitif   sera   supprimé   cinq   ans   au   plus   tard   à compter de la date à   laquelle il aura été imposé (ou à compter de la date du réexamen le plus récent […]) ».

Les droits et autres mesures antidumping décidés par un Membre seront portés à la connaissance d’un organe subsidiaire de l’OMC : le Comité des pratiques antidumping.

Dûment informés, notamment par ce biais, les autres Membres contestent parfois ces droits et mesures antidumping.

Un différend survient alors et nécessite un recours au mécanisme original de règlement des différends mis en place au sein de l’OMC. Un mécanisme auquel est dédiée la totalité du Chapitre II de la seconde partie de ce cours – Voir infra, Chapitre II.

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Chapitre III/IV 43/52

B – Les subventions

1 – Les définitions et les distinctions téléologiquesAu contraire des pratiques de dumping, qui sont essentiellement le fait de personnes privées, les subventions émanent exclusivement des gouvernements.

a – Des subventions en général

► Qu’est-ce qu’une subvention au sens du droit de l’OMC ? Nous répondrons à cette question en nous conformant à la ligne de conduite que nous

avons adoptée dès le début de ce cours. Autrement dit, nous exposerons successivement les dispositions pertinentes de l’accord commercial multilatéral idoine (que, faut-il le

rappeler, le lecteur n’est pas obligé de retenir par cœur) et le commentaire que ces dispositions appellent.

► L’article 1er de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (dénommé ci-après « l’Accord SMC ») donne une définition générique de la subvention :

 « Aux fins du présent accord, une subvention sera réputée exister:

a) 1) s'il y a une contribution financière des pouvoirs publics ou de tout organisme pu-blic du ressort territorial d'un Membre (dénommés dans le présent accord les "pouvoirs publics"), c'est-à- dire dans les cas où :

i) une pratique des pouvoirs publics comporte un transfert direct de fonds (par exemple, sous la forme de dons, prêts et participation au capital  social)  ou des transferts directs potentiels de fonds ou de passif (par exemple, des garanties de prêt) ;

ii) des recettes publiques normalement exigibles sont abandonnées ou ne sont pas perçues (par exemple, dans le cas des incitations fis-cales telles que les crédits d'impôt) ;

iii) les  pouvoirs  publics  fournissent  des  biens ou des  services  autres qu'une infrastructure générale, ou achètent des biens ;

iv) les pouvoirs publics font des versements à un mécanisme de finan-cement,  ou chargent  un organisme privé  d'exécuter  une ou plu-sieurs  fonctions des types énumérés aux alinéas i)  à   iii)  qui  sont normalement de leur ressort, ou lui ordonnent de le faire, la pra-tique suivie ne différant pas véritablement de la pratique normale des pouvoirs publics ;

oua) 2) s'il y a une forme quelconque de soutien des revenus ou des prix au sens de l'ar-

ticle XVI du GATT de 1994 ;et

b) si un avantage est ainsi conféré. »1 

► Signification et commentaire : 1 Gras et italique absents de l’original.

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Chapitre III/IV 44/52

Parmi les éléments constitutifs de la subvention telle qu’elle vient d’être définie, on re-lève

des critères alternatifs et un critère unique, des critères protéiformes et un critère uniforme.

Pour que l’on puisse parler de subvention, il faut1. d’abord, qu’il y ait (critères alternatifs)

soit une contribution financière émanant des pouvoirs publics ou de tout orga-nisme public d'un Membre de l’OMC,

soit une forme quelconque de soutien des revenus ou des prix au sens de l'article XVI du GATT de 1994 ;

2. ensuite, (critère unique et uniforme), qu’un avantage soit conféré, selon les cas, par cette contribution financière ou par cette forme de soutien des revenus ou des prix.

Le premier critère alternatif, la contribution financière émanant des pouvoirs publics ou d’un organisme public, peut prendre l’une des formes décrites aux paragraphes i) à iv) de l’article 1er précité de l’Accord SMC1 :

transfert direct de fonds, abandon ou non-perception de recettes publiques normalement exigibles (exemple :

crédit d’impôts), fourniture de biens et de services autres que ceux qui sont fournis à tous ceux qui

vivent dans le pays, etc.

Quant au second critère alternatif, le soutien des revenus ou des prix, l’article XVI du GATT nous apprend qu’il « a directement ou indirectement pour effet d'accroître les expor-tations d'un produit du territoire » du Membre en cause ou « de réduire les importations de ce produit sur son territoire ».

► Si nous prenons en considération toutes ces explications, nous parvenons à la définition qui suit :

Une subvention est un avantage conféré par les pouvoirs publics ou par un or-ganisme public au moyen soit d’une contribution financière (transfert direct de fonds, abandon de recettes, etc.), soit d’un soutien des prix ayant pour effet d’accroître des exportations d’un produit déterminé ou d’en réduire les impor-tations.

Une subvention n’est pas nécessairement assujettie aux normes de l’OMC. Elle ne l’est que si elle peut être considérée comme spécifique à une entreprise (ou à un groupe d'entre-prises) ou à une branche de production (ou à un groupe de branches de production).

Aux termes de l’article 2 de l’Accord SMC, une subvention est spécifique à une entre-prise, à une branche de production, etc. «  dans les cas où l'autorité qui accorde la subven-

1 Accord sur les subventions et les mesures compensatoires.

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Chapitre III/IV 45/52

tion, ou la législation en vertu de laquelle ladite autorité agit, limite expressément à cer-taines entreprises la possibilité de bénéficier de la subvention […] ».

► Avec cette dernière précision, nous sommes à même de définir la subvention spécifique, celle qui est assujettie aux normes de l’OMC :

Une subvention au sens des normes de l’OMC est  un avantage conféré exclu-sivement à certaines entreprises par les pouvoirs publics ou par un organisme public au moyen soit d’une contribution financière (transfert direct de fonds, abandon de recettes,  etc.),  soit  d’un soutien des prix  ayant pour effet d’ac-croître des exportations d’un produit déterminé ou d’en réduire les importa-tions.

Les subventions assujetties aux normes de l’OMC se répartissent entre trois catégories : les subventions prohibées (b), les subventions pouvant donner lieu à une action (c) et les subventions ne pouvant pas donner lieu à une action (d)

b – Les subventions prohibées

► Dans l’affaire Canada — Aéronefs (article 21:5 — Brésil), l’Organe d’appel de l’OMC observe :

« Il convient de rappeler que l’octroi d’une subvention n’est pas prohibé en soi par l’Accord SMC, pas plus que l’octroi d’une "subvention", sans plus, ne consti-tue une  incompatibilité  avec  cet  accord.   L’univers  des  subventions  est  vaste. Celles-ci ne sont pas toutes incompatibles avec l’Accord SMC. » - Canada — Aé-ronefs (article 21:5 — Brésil), paragraphe 47.

L’Accord SMC (Accord sur les Subventions et les Mesures Compensatoires) indique, en son article 3 la (très) courte liste des subventions prohibées :

« Article 3

Prohibition

3.1 Exception faite de ce qui est prévu dans l'Accord sur l'agriculture, les subven-tions définies à l'article premier dont la liste suit seront prohibées ;

a) subventions subordonnées, en droit ou en fait1, soit exclusivement, soit par-mi plusieurs autres conditions, aux résultats à l'exportation, y compris celles qui sont énumérées à titre d'exemple dans l'Annexe I2 ;

1 Cette condition est remplie lorsque les faits démontrent que l'octroi d'une subvention, sans avoir été juridiquement su-bordonné aux résultats à l'exportation, est en fait lié aux exportations ou recettes d'exportation effectives ou prévues.  Le simple fait qu'une subvention est accordée à des entreprises qui exportent ne sera pas pour cette seule raison considéré comme une subvention à l'exportation au sens de cette disposition.2 Les mesures désignées dans l'Annexe I comme ne constituant pas des subventions à  l'exportation ne seront pas prohibées en vertu de cette disposition, ni d'aucune autre disposition du présent accord.

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Chapitre III/IV 46/52

b) subventions subordonnées, soit exclusivement, soit parmi plusieurs autres conditions, à l'utilisation de produits nationaux de préférence à des produits importés.

3.2 Un Membre n'accordera ni ne maintiendra les subventions visées au para-graphe 1. »

Les seules subventions prohibées sont celles que visent le a) et le b) de l’article 3.1. Le mot-clé « subordonnées » doit, selon l’Organe d’appel, être entendu de la manière suivante :

« Nous avons dit précédemment qu’une subvention est prohibée au titre de l’ar-ticle 3.1 a) si elle est "conditionnée" par les résultats à l’exportation, c’est-à-dire si elle "dépend, pour exister, des" résultats à l’exportation". Nous avons égale-ment souligné qu’un "rapport de conditionnalité ou de dépendance" — à savoir que l’octroi d’une subvention devrait être "lié aux" résultats à l’exportation — est au "cœur même" du critère juridique énoncé à l’article 3.1 a) de l’Accord SMC. » - Canada — Aéronefs (article 21:5 — Brésil), paragraphe 47.

En combinant cette interprétation avec les dispositions précitées de l’article 3.1, on ob-tient une définition plus précise :

Une subvention est prohibée par les normes de l’OMC lorsqu’elle dépend, pour exister,

soit, en droit ou en fait, des résultats à l’exportation, soit, en droit ou en fait1,  de l'utilisation de produits nationaux de préfé-rence à des produits importés.

Il est possible et, sans doute souhaitable, d’être plus concret :

Une subvention est prohibée dès lors que sa contrepartie consiste dans l’obli-gation pour son bénéficiaire soit de réaliser des exportations, soit d’utiliser des produits nationaux de préférence à des produits impor-tés.

1 Précisions données par l’Organe d’appel  dans l’affaire  Canada — Automobiles  : « Le fait que les mots "en droit ou en fait" sont employés à l’article 3.1 a) alors qu’ils ne le sont pas à l’article 3.1 b) ne signifie pas néces-sairement que l’article 3.1 b) ne vise que la subordination de jure […]Enfin, nous estimons que constater que l’article 3.1 b) ne vise que la subordination "en droit" à l’utilisation de produits nationaux de préférence à des produits importés serait contraire à l’objet et au but de l’Accord SMC parce qu’il serait ainsi trop facile pour les Membres de se soustraire à leurs obligations […]Pour toutes les raisons qui précèdent, nous estimons que le Groupe spécial a eu tort de constater que l’article 3.1 b) ne s’applique pas aux subventions qui sont subordonnées "en fait" à l’utilisation de produits nationaux de préférence à des produits importés. Par conséquent, nous infirmons la constatation générale du Groupe spécial selon laquelle "l’article 3.1 b) s’applique uniquement à la subordination en droit". » - Canada — Auto-mobiles, paragraphes 139-143.

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Chapitre III/IV 47/52

c – Les subventions pouvant donner lieu à une action

► Les « subventions pouvant donner lieu à une action » sont visées principalement par les articles 5 et 6 de l’Accord SMC.

« Article 5

Effets défavorables

Aucun Membre ne devrait causer, en recourant à l'une quelconque des subven-tions visées  aux paragraphes 1 et  2 de   l'article  premier,  d'effets  défavorables pour les intérêts d'autres Membres, c'est-à- dire :

a) causer   un   dommage   à   une   branche   de   production   nationale   d'un   autre Membre ;

b) annuler ou compromettre des avantages résultant directement ou indirecte-ment du GATT de 1994 pour d'autres Membres, en particulier les avantages résultant de concessions consolidées en vertu de l'article II dudit accord ;

c) causer un préjudice grave aux intérêts d’un autre Membre. »

L’article 6 de l’Accord SMC

énumère les cas où le préjudice grave, mentionné ci-dessus, est présumé exister : subventions destinées à couvrir les pertes d'exploitation subies par une branche de production, subventionnement ad valorem total d'un produit dépassant 5 pour cent, etc.

puis donne des exemples de préjudices graves : détournement des importations d'un produit similaire d'un autre Membre du marché du Membre qui accorde la subven-tion, sous-cotation notable du prix du produit subventionné par rapport au prix d'un produit similaire d'un autre Membre sur le même marché, etc.

► Une définition adéquate des « subventions pouvant donner lieu à une action » doit avoir pour point de départ l’observation suivante :

Au contraire des subventions prohibées, il ne s’agit pas de subventions intrin-sèquement incompatibles avec les normes de l’OMC. L’incompatibilité résulte de leurs éventuels effets défavorables visés aux a), b) et c) de l’article 5 précité de l’Accord SMC : dommage causé à une branche de production nationale d'un autre Membre, annulation ou réduction d’avantages ou préjudice grave aux inté-rêts d’un autre Membre.

Dans la formule « subvention pouvant donner lieu à une action », le mot action désigne une plainte présentée dans le cadre du système de règlement juridictionnel des différends de l’OMC - mécanisme qui sera exposé dans le chapitre II de ce cours.

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Chapitre III/IV 48/52

► Il résulte de toutes ces précisions une définition opérationnelle de la subvention pouvant donner lieu à une action :

Une subvention pouvant donner lieu à une action, c’est-à-dire à une plainte dans le cadre du système de règlement juridictionnel de l’OMC, est une sub-vention qui, bien n’étant pas prohibée en tant que telle, peut se révéler incom-patible avec les normes pertinentes de l’OM, et ce, en raison de ses effets défa-vorables pour les intérêts d’un autre Membre : dommage causé à une branche de production nationale d'un autre Membre, annulation ou réduction d’avan-tages ou préjudice grave aux intérêts d’un autre Membre.

d – Les subventions ne pouvant pas donner lieu à une action

À la lumière du sens qui a été reconnu ci-dessus au mot « action », une sub-vention ne pouvant pas donner lieu à une action est une subvention qui ne peut pas servir de fondement juridique à une plainte dans le cadre du système de règlement juridictionnel de l’OMC.

► L’article 8 de l’Accord SMC donne indirectement de cette catégorie de subventions une définition en forme d’alternative :

Une subvention ne pouvant pas donner lieu à une action, c’est-à-dire à une plainte dans le cadre du système de règlement juridictionnel des différends de l’OMC, est 

soit une subvention non spécifique (au sens indiqué plus haut : non exclusi-vement réservée à une entreprise ou à un groupe d’entreprises),

soit une subvention dont l’objet est d’apporter une aide

o à des activités de recherche menées par des entreprises ou par des éta-blissements d'enseignement supérieur ou de recherche ayant passé des contrats avec des entreprises,

o ou à des régions défavorisées sur le territoire d'un Membre.

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Chapitre III/IV 49/52

2 – La réaction au subventionnement : l’imposition de droits compensateurs

Nous avons montré qu’il y avait trois catégories de subventions : les subventions prohibées, les subventions pouvant donner lieu à une action et les subventions ne pouvant pas donner lieu à une action.

► Il arrive qu’une subvention accordée par un Membre M1 de l’OMC, quelle que soit la catégorie à laquelle elle se rattache, suscite une réaction de la part d’un autre Membre M2.

L’Accord SMC indique le fondement de cette réaction en fonction du type de subven-tion en cause :

Subvention prohibée. Le fondement de la réaction du Membre M2 victime de la subvention réside dans le fait même que la subvention est prohibée. En effet, selon l’article 4.1. de l’Accord SMC, une réaction est permise « [c]haque fois qu'un Membre aura des rai-sons   de   croire   qu'une   subvention   prohibée   est   accordée   ou  maintenue   par   un   autre Membre » ;

Subvention pouvant donner lieu à une action. Le fondement juridique de la réac-tion du Membre M2 victime de la subvention est décrit en ces termes par l’article 7.1 de l’Ac-cord SMC : « […] chaque fois qu'un Membre aura des raisons de croire qu'une subvention, visée à l'article premier, accordée ou maintenue par un autre Membre, cause un dommage à une branche de sa production nationale, annule ou compromet certains de ses avantages ou cause un préjudice grave […] » ;

Subvention ne pouvant pas donner lieu à une action. Étrangement, aux termes de l’article 9.1 de l’Accord SMC, le fondement juridique de la réaction de M2 réside dans le fait que la subvention « a eu des effets défavorables graves pour sa branche de production na-tionale, au point de causer un tort qui serait difficilement réparable ».

► Quelles sont les formes que peut revêtir la réaction du Membre M2 victime d’une sub-vention ? Elles sont variées et dépendent largement du type de subvention en cause :

La tenue de consultations. Quelle que soit la subvention qu’il conteste, M2 peut demander à tenir des consultations avec le Membre M1 qui accorde ou maintient la subven-tion. Les deux Membres s’efforceront alors (pas d’obligation de résultat) de parvenir, selon les termes de l’Accord SMC, à « une solution mutuellement convenue » ;

Le dépôt d’une plainte dans le cadre du système de règlement juridictionnel des différends de l’OMC. Une telle plainte n’est recevable que si la subvention en cause est une subvention prohibée ou une subvention pouvant donner lieu à une action - rappelons que le mot action désigne justement ce type de plainte ;

La saisine du Comité des subventions et des mesures compensatoires (organe non juridictionnel) aux fins d’obtenir l’autorisation de prendre « des contre-mesures appro-priées proportionnelles à la nature et au degré des effets dont l'existence aura été détermi-

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Chapitre III/IV 50/52

née » par cet organe. Cette voie n’est ouverte que dans l’hypothèse d’une subvention ne pou-vant pas donner lieu à une action – au sens rappelé ci-dessus ;

L’imposition de droits compensateurs. Possible quelle que soit la catégorie à la-quelle appartient la subvention contestée, cette réaction a une importance qui justifie l’atten-tion que nous allons lui porter.

► La principale réaction au subventionnement d’un produit, c’est-à-dire l’imposition de droits compensateurs, intervient dans le cours ou au terme d’une enquête comparable à celle qui précède l’imposition de droits antidumping – Voir supra, page 41.

Indications liminaires destinées à éclairer la description de la procédure :

Produit X : produit dont on prétend qu’il fait l’objet d’un subventionnement,

M1 : pays exportateur ; le produit X est fabriqué dans ce pays M1 et subventionné par les pouvoirs publics de ce dernier,

M2 : pays importateur ; le produit X est exporté de M1 vers M2 ou, si l’on préfère, importé par M2 de M1,

Branche de production nationale : du point de M2, l'ensemble de ses produc-teurs nationaux de produits similaires au produit X.

L’enquête est ouverte et conduite par les autorités de M2, pays importateur du produit X. Les autorités de M2 décident d’engager la procédure d’enquête

soit, et c’est le principe, sur demande présentée par écrit par la branche de produc-tion nationale concernée,

soit de leur propre initiative, ce qui n’est possible que dans des « circonstances spé-ciales » selon l’article 11.6 de l’Accord SMC.

L’enquête vise à « déterminer » (c’est le terme officiel à l’OMC) d’une part, l’existence visant à déterminer l'existence et le degré de la subvention

alléguée, et d’autre part, l’existence d’un dommage causé par le subventionnement s’il est avé-

ré.

Une enquête en cours sera close dans les moindres délais dès que les autorités concer-nées seront convaincues que les éléments de preuve relatifs soit au subventionnement soit au dommage ne sont pas suffisants pour justifier la poursuite de la procédure.

La clôture de l'enquête sera immédiate si l’un des cas de figure suivants se présente : le montant de la subvention est de minimis (c’est-à-dire si le montant de la subven-

tion est inférieur à 1 pour cent ad valorem) ; le volume des importations subventionnées, effectives ou potentielles, est « négli-

geable » ; le dommage est « négligeable ».

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Chapitre III/IV 51/52

L’Accord SMC ne donne aucune indication au sujet de la signification de « négli-geable ».

Aux fins de parvenir à la « détermination » (c’est aussi le terme officiel en usage à l’OMC), les autorités du pays importateur M2 conduisent leur enquête dans le respect de règles de procédures très strictes, au nombre desquelles figure le principe du contradictoire.

Toutes les parties intéressées (importateurs, exportateurs, pays M1) sont avisées des renseignements que les autorités exigent et se verront ménager d'amples possibilités de pré-senter par écrit ou oralement tous les éléments de preuve qu'elles jugeront pertinents pour les besoins de l'enquête en cours.

Les autorités du pays importateur M1 ont la faculté d’imposer des droits (taxes) com-pensateurs au produit X, au cours comme au terme de l’enquête.

Ces droits compensateurs, qui sont notifiés au Comité des subventions et des mesures compensatoires (organe subsidiaire de l’OMC), ont pour objet de contrebalancer le subven-tionnement ; leur montant ne doit donc pas excéder celui de la subvention accordée par le pays exportateur M1 au produit X.

Les droits compensateurs décidés en cours d’enquête ont un caractère conservatoire et donc provisoire ; ils ne peuvent intervenir que si deux conditions sont réunies :

1. Les autorités enquêtrices de M2 sont parvenues à une conclusion préliminaire posi-tive, ou comme on dit à l‘OMC, à « une détermination » préliminaire positive de l'existence d'une subvention et d'un dommage causé à une branche de production nationale par les im-portations subventionnées du produit X ;

2. Ces autorités jugent de telles mesures nécessaires pour empêcher qu'un dommage ne soit causé pendant la durée de l'enquête.

La régularité des droits compensateurs imposés en fin d’enquête est également su-bordonnée à deux conditions cumulatives :

1. Les autorités du pays importateur M2 ont établi, « déterminé » l'existence et le montant de la subvention dont fait l’objet le produit X ;

2. Elles ont également « déterminé » que, par les effets de cette subvention, les im-portations du produit X causent un dommage à la branche de production nationale concernée de M2.

Les droits compensateurs ainsi décidés ne resteront en vigueur que le temps et dans la mesure nécessaires pour contrebalancer le subventionnement qui cause un dommage.

Au demeurant, la nécessité de les maintenir fera l’objet d’un réexamen périodique de la part des autorités de M2, et ils seront supprimés cinq ans au plus tard à compter de la date à laquelle ils auront été imposés (ou à compter de la date du réexamen le plus récent) – Article 21 de l’Accord SMC.

Bien évidemment, le pays exportateur M1 peut contester la conformité de ces droits compensateurs aux accords de l’OMC.

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Chapitre III/IV 52/52

Un différend surgit alors entre les Membres M1 et M2 ; il sera réglé conformément aux règles qui seront exposées dans le chapitre II qui suit. [Suite (CHAPITRE II) à venir…]

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