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Parmentier Anna La peinture numérique

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Parmentier AnnaLa peinture numérique

Anna Parmentier

Mémoire :La peinture numérique

Mémoire de Diplôme National des Arts PlastiquesImprimé à St Etienne, 2011

Peinture numérique : définition

PEINTUREWikipédia fr1

La peinture. Peinture, matière et pratique consistant à appliquer une couleur sur une surface telle que le papier, la toile, le bois, le verre, le béton etc. Dans un sens artistique, le terme peinture signifie la combinaison de cette activité avec le dessin, la composition, c'est à dire qu'il intègre des considérations esthétiques.En ce sens, la peinture est le moyen pour l'artiste peintre de représenter une expression personnelle sur des sujets aussi variés qu'il existe d'artistes, ce peut donc être une forme d'art.La peinture peut être naturaliste et figurative ou abstraite. Elle peut avoir un contenu narratif, symbolique, spirituel ou philosophique.

Petit Larousse Illustré2

Peinture n.f. Art de peindre. Ouvrage de peinture : des peintures sur bois. Revêtement des surfaces par une matière colorée. Cette matière elle même. Fig. description : la peinture des mœurs.

Peinture n.f. 1. Action de peindre, d'appliquer des couleurs sur une surface. 2. a. Art, manière de peindre. b. Ouvrage d'un artiste peintre. c. Loc. fig. fam. "ne pas pouvoir voir qqn en peinture", ne pas le supporter, le détester. d. Litt. Description particulièrement évocatrice "peinture des mœurs". 3. a. Couche de couleur couvrant une surface, un objet. b. Matière servant à peindre. "peinture à l'huile"

1. Wikipedia, Peinture http://fr.wikipedia.org/wiki/Peinture2. PETIT LAROUSSE ILLUSTRÉ 1975. Dépôt légal 1972-2e Nancy

NUMERIQUE (anglais : digital)Wikipédia fr3

Numérique Le terme numérique provient du latin «numerus» (nombre, multitude) et signifie : représentation par nombres. Le terme anglais digital provient de « digit » (du latin « digitus » qui signifie : doigt) qui désigne les dix chiffres arabes (0 à 9). Une information numérique est une information ayant été quantifiée et échantillonnée, par opposition à une information dite analogique qui est une information brute, à priori non quantifiée ni échantillonnée. Le terme numérique est surtout employé en informatique et en électronique, notamment pour le son, la photographie, la vidéo, le cinéma.

Si l'on réfléchi une seconde, dans le terme peinture numérique il y a déjà plusieurs contradictions. On pourrait presque parler d'oxymore. D'une part on parle de matière physique sur une surface, de l'autre de nombres, d'informations informatiques, donc sous forme de cartes perforées ou de signaux électriques.

3. Wikipedia, Numérique http://fr.wikipedia.org/wiki/Num%C3%A9rique

Peinture numérique : matérialité

Matière sur support. Ainsi quand bien même le support est plan, la peinture s'inscrit dans un espace tridimentionnel : le gras de la matière s'entasse, se superpose, on pourrait en faire la topographie.La couleur tache, salit, fait des grumeaux, avale les poils de pinceau, brille, est mate ou satinée, se touche, est un temps humide et collante puis sèche et rugueuse.

La touche de l'outil est réelle, les poils synthétiques ou animals s'accrochent, font des stries plus ou moins visibles à l’œil nu.

La peinture numérique, elle, se crée des des qualités uniquement visuelles. Ces outils sont des copies plus ou moins satisfaisantes. Avec le même curseur nous avons une brosse, crayon, pinceau fin, feutre, aquarelle, gomme, javelle, tampon, aérographe etc. Ces effets sont généralement inspirés de techniques classiques, la peinture numérique est alors une sorte de substitut de la peinture matérielle.

La qualité d'épaisseur, de pâte ne se pose plus que dans un choix de couleur, de transparence, et de largeur du trait, contrôlé par la pression du stylet.

Peinture numérique : représentation des couleurs

Wikipedia4

“Le gamut, ou gamut de couleur est un certain sous-ensemble complet de couleurs. L'usage le plus fréquent fait référence à un sous-ensemble qui, dans certaines circonstances, représente précisément l'étendue de l'espace de couleur qu'un certain type de matériel permet de reproduire.Cette notion traduit le fait qu'un appareil tel qu'un écran d'ordinateur ou une imprimante ne peut reproduire toutes les couleurs visibles par l'œil humain. Elle retient toutes les teintes mais pas toutes les saturations : les couleurs reproduites sont plus ou moins lavées de blanc.”

Les écrans d’ordinateurs ne reproduisent pas toutes les couleurs du spectre visible, mais il y a eu des progrès depuis leur invention. Tout étant mathématiques, le nombre de couleurs affichés est une affaire de puissances de deux. Ainsi, en 2^1 nous n’avons que du noir et du blanc, au milieu des années 90 se répand des écrans affichant 256 couleurs différentes (8bits ou 2^8 couleurs), et actuellement nous utilisons du codage 16bits, dit “couleurs vraies” On peut avec représenter environ 16 millions de couleur.

“Il existe plusieurs modes de codage informatique des couleurs, le plus utilisé pour le maniement des images est l'espace calorimétrique rouge, vert, bleu (RVB ou RGB - red green blue). Cet espace est basé sur une synthèse additive des couleurs, c'est-à-dire que le mélange des trois composantes R, V, et B à leur valeur maximum donne du blanc, à l'instar de la lumière. Le mélange de ces trois couleurs à des proportions diverses permet de reproduire à l'écran

4 Wikipedia, Le Gamut http://fr.wikipedia.org/wiki/Gamut

un part importante du spectre visible, sans avoir à spécifier une multitude de fréquences lumineuses.”

Wikipedia, Image numérique5

Chaque couleur (Rouge, Vert ou Bleu) peut être placé sur une échelle de 0 à 256, soit 256x256x256 possibilités de couleur, soit 16 millions environ.

Cette limitation de la palette peut être à la fois un inconvénient (on ne peut représenter la nature dans son entier) à la fois une sorte d’avantage : les peintures numériques ont du coup une identité graphique différente, une histoire et un ressenti unique. Ce simple principe d’avoir un écran qui émet de la lumière blanche donne un aspect complètement à part à la peinture.

Peinture numérique : perception des couleurs

La couleur est une affaire de perception. Le peintre, en peignant, choisit ses couleurs en fonction de tas de variables, comme son humeur, sa sensibilité, son climat, son environnement, sa culture, son éclairage, le contenu de son dernier repas ... Bref, il crée son propre filtre de perception des couleurs du monde.

Le spectateur, face à l'œuvre finie, encadrée, fera lui aussi son processus mental à l'inverse de lecture de la couleur, en fonction à nouveau d'une symphonie de caractéristiques individuelles.

En numérique des filtres supplémentaires s'ajoutent !

L'écran du peintre - on espère - est calibré dans le

5 Wikipedia, Image Numérique http://fr.wikipedia.org/wiki/Image_num%C3%A9rique

spectre de l'imprimeur, mais celui du regardeur ne l'est pas toujours ! Les contrastes, saturations, luminosité, balance des blancs et des couleurs varient ainsi d'une machine à l'autre.

De même, certains écrans produisent des images plus sensuelles que les autres (mac par exemple) ou certains logiciels (comme photoshop cs5) a l'ouverture de l'image appose par défaut un filtre qui sature l'image !

Il peut sinon choisir d'être seul monstrateur de son image numérique, en choisissant un moyen de monstration et en le maîtrisant : sur un écran, une vidéoprojection, un cadre numérique ?

Au niveau du codage de l'image, l'œuvre est identique mais son interprétation graphique varie.

Et si l'artiste refuse de diffuser son œuvre à l'écran, pour se concentrer sur de l'impression ou de l'édition, les imprimeurs eux même, malgré les normes de calibrage et les appareils de mesure, reconnaissent que d'un employé à l'autre des variations s'immiscent. De plus, l'impression ne restitue pas toutes les couleurs de l'écran, ni sa luminosité (à moins de jouer sur des films rétro éclairés).

L'image originale n'est plus, nous sommes face à une myriade de reproductions-originales.

Peinture numérique : code

Quelle valeur donner à des couleurs codées par des suites binaires ? Le code de la couleur est-il équivalent à la couleur elle même ? Savoir que #ff950e est un orange vif, très saturé, assez lumineux. Ou peut être que c'est cette couleur-ci, « _ » si le tirage est bon.

Du côté computationnel ou logiciel, la nature même du code pourra transformer les effets et la manière de peindre. Chaque langage ayant des caractéristiques sémantiques propres, quand bien même ce n'est pas lui qui est mis en avant, il prend part discrètement à la création.

Cela participe à donner une espèce d’aura scientifique/mathématique à l’œuvre : il y a ce que je vois, du coté de l’écran d’ordinateur, montré via une interface graphique, et il y a les multiples couches de langages des plus complexes jusqu’au plus binaire. L’image traverse tantôt le stade de surface de couleur, tantôt le stade de milliards de milliards de stimuli électriques.

Peinture numérique : les outils

Logiciel, wikipedia6

“En informatique, un logiciel est un ensemble d'informations relatives à des traitements effectués automatiquement par un appareil informatique. Y sont incluses les instructions de traitement, regroupées sous forme de programmes, des données et de la documentation. Le tout est stocké sous forme d'un ensemble de fichiers dans une mémoire.”

En peinture numérique, nous utilisons des logiciels applicatifs.

Logiciel, wikipedia7

“Un logiciel applicatif, le type de logiciel le plus courant, aussi appelé application informatique : un logiciel dont les automatismes sont destinés à assister un utilisateur dans une de ses activités”

Pour rapprocher le logiciel de la peinture traditionnelle, on pourrait dire que sa confection (développement, architecture, graphisme etc) vont influer chaque fois sur l’œuvre de façon plus ou moins discrète, de la même manière qu'un pinceau ou d'une toile : si le pinceau est assez classique, (petit gris n°8 par exemple) sa trace se sera pas très remarquable, par contre si vous choisissez de peindre avec des pommes de terre, le choix sera suffisamment excentrique pour être noté. Il en va de même avec les logiciels, ils sont des outils illimités plus ou moins classiques, libre à vous de les user, détourner, pour produire des images.

Chaque programme a ses outils propres, et ses contraintes. On pourra presque les qualifier de

6 Wikipedia, logiciel http://fr.wikipedia.org/wiki/Logiciel7 idem

medium tant d’un logiciel à l’autre les pratiques diffèrent. On connaît les grands classiques : le logiciel de dessin qui permet de choisir la taille de la feuille et propose des outils variés, copies plus ou moins fidèles des outils du dessin et de la peinture. La peinture s'est ouverte au collage, au photo-montage, a l'intégration de documents autres qu'elle même.

Mais on voit l'émergence d'outils et de pratiques réellement nouveaux et inhérents au numérique :

• L'utilisation de composantes aléatoire ou mécaniques (consécration de la peinture automatique) donnant lieu à des formes originales ou abstraites (peinture fractale, peindre avec du son, avec des formules mathématiques …)

• Les logiciels de 3D. Certains auteurs produisent des décors entiers en 3D avant de choisir d'en "photographier" par screenshot un point de vue ou une partie de la scène.

• Des œuvres collaboratives en temps réel via des plate-formes de dessin sur Internet.

• La retouche ou peinture sur photo numérique• L'ultra réalisme numérique. Des outils

permettent de reproduire des textures de façon très réaliste, de plus le médium numérique est le même pour la peinture et la photo, si bien que beaucoup jouent sur cette ambiguïté par des montages et des inventions.

Peinture numérique : diffusion

A la manière de la photo numérique se pose la question de la reproduction et de la diffusion. On peut voir la peinture numérique comme une forme de gravure moderne : on a le canevas original, la est produite l'œuvre (le fichier numérique est la plaque de gravure), et on produit avec des tirages, reflets de la création originale, nouvelles créations.

Des lors que le travail de base est sous forme numérique donc immatérielle, sa diffusion au plus grand nombre, sa multiplication, ne coûte rien.Certains artistes choisissent de ne diffuser que des réductions du travail numérique et de vendre des productions physiques (impressions) ou des versions numériques de grande qualité pour de la publicité ou de l’édition (comme la plupart des photographes numériques en agence).

La dématérialisation de la création permet également l'émergence de nouveaux modèles économiques basés sur le don. Par exemple, via des licences libres, protégeant le droit d’auteur (paternité) tout en autorisant la diffusion, reproduction, modification, tirage etc

Peinture numérique : taille d'image

Peu importe la taille de l'image, l'écran, lui, garde sa hauteur et sa largeur. La navigation dans l'œuvre se fait par zoom et dézoom, les rapports d'échelle sont complètement bouleversés !

L'échelle ne se vit qu'en terme de quantité d'information, et ne se retrouve qu'au moment de l'impression. Mais les rapports à l'échelle de l'image de l'auteur ne sont pas ceux donnés par l'impression.

Le pixel artDans le pixel art on fait apparaître l'echelle 1

informatique : le pixel. Carré d’échelle toute relative, plus petite unité d'information visuelle numérique; ainsi on définit une résolution d'écran par le nombre de pixel en largeur fois la hauteur.

On peut rapprocher le pixel art du point de croix, chaque croix du canevas ayant une taille définie par le support et une teinte/saturation/contraste dus à la couleur du fil.

En faisant apparaître ces carrés, c'est la nature de l'image numérique que l'on montre, comme si l'on donnait à voir la maille de la toile.

Dessin vectorielPar un système de rapport de points et de

courbure de lignes entre eux se définit un tracé. Contrairement au pixel, le vectoriel peut être agrandi à loisir.

Cela construit un rapport encore différent : une image vectorielle peut être produite pour tout type de format, la décision de ce format peut être prise très tardivement.

Peinture numérique : le poids de l'image

Comme toute donnée numérique, l'image à un poids. Rien de palpable, le poids va grandissant avec la quantité d'informations contenues dans l'image. Le poids augmente ainsi en fonction de :

• La taille en pixels (hauteur x largeur)• La quantité de points et de courbes en vectoriel• Le nombre de couleurs différentes• Le nombre de calques• La faiblesse de la compression (donc le format

de cryptage de l'image)

Ainsi quand bien même le peintre numérique voudrait peindre une image du format d'une fresque géante il de heurterait à des contraintes matérielles :

La taille du disque dur et la puissance matérielle de l'ordinateurEt la taille des imprimantes, des presses et du papier

Donc pour la folie des grandeurs il faudra ruser.

On notera par ailleurs que les formats d'image sont forcément rectangulaires (un carré n'est qu'un rectangle particulier) parallèle aux bords de l'écran. On jouera sur des transparences pour des formats plus excentriques, mais le châssis numérique ne peut être que rectangulaire.

Peinture numérique : l'atelier

Pas besoin de torchons ni de palette dégoulinante, le chevalet est dans un coin, au profit d'un ordinateur avec un écran fonctionnel et une tablette plus ou moins énorme (même si quelques psychopathes font des merveilles avec une souris).Pas de mouvement fou du corps, les yeux rivés sur l'écran, c'est la main qui œuvre en dessous. Avec la tablette ou la souris le geste est dissocié de son effet ; la pointe du stylet est sur le support de la tablette, sur le bureau, l'effet est à l'écran . De ce fait on ne regarde que l'écran, on fait confiance à sa main, elle vit à part.

Pire encore, certains peintres numériques dessinent avec des mathématiques ! Car comme chacun le sait, le langage informatique, une fois retirée la couche logicielle, est de nature algorithmique. En définissant mathématiquement des lignes, des points, des couleurs, des surfaces, on peut produire un visuel, calculé par l’ordinateur.

Peinture numérique : la peinture n'est plus linéaire.

Avec la possibilité de sauvegarder et d'aller et venir dans l'historique, l'œuvre numérique multiplie sont cour d'existence. Le repentir est sans effort, les risques d'erreurs sont moindre, un travail de plusieurs mois ne peut pas, avec un minimum de prudence, être saccagé en l'espace d'un coup de pinceau maladroit. On fait apparaître ou disparaître les traits de construction, les annotations, les essais, des bouts de peinture ... Chaque sauvegarde d'un même travail peut vivre indépendamment, une même idée d’œuvre peut fournir de multiples documents aux statuts variés : série, esquisse, sauvegarde

didactique de la progression, variation de l'œuvre …

De plus, sans temps de séchage entre les couches la peinture numérique est d’un temps d'exécution infiniment plus rapide. L’augmentation rapide de qualité des ordinateurs, des écrans et des tablettes graphiques a permit la propagation d’un courant de peinture nouveau : le speed painting. Le principe du speed painting est de produire une image en peu de temps (1h à 3h grand maximum) très détaillée. L’auteur travaille d’abord par zones de couleurs avant de jouer avec des brush pour les finitions et textures.

Enfin, du fait de l'évolution technique galopante les médiums (écrans, tablettes, ordinateurs, logiciels, interfaces...) l’artiste se retrouve toujours dans un rapport d'obsolescence. L’œuvre elle même vieillit vite, se place et évolue dans le temps. Bien d'immatérielle, on pourrait dire que sa matière se dégrade en comparaison de la nouveauté. Beaucoup d’artistes choisissent d’assumer cet aspect en utilisant la culture numérique à ses débuts, en montrant le pixel par exemple et des séries de couleurs limitées, et ainsi ils rappellent les conditions essentielles du numérique.

Peinture numérique : du réel à l’imaginaire

“Il existe des liens étroits entre les jeux, la magie, les rêves et l’art : ils ont en commun de ne pas appartenir au monde et de se trouver tous séparés par le même genre de fossé.”8

Nous tirons du plaisir en contemplant les imitations, donc nous devons être conscients qu’il s’agit effectivement d’une imitation (par exemple, un vrai cadavre nous dégoûte, mais une représentation d’un cadavre est plaisant au vu du nombre de jeux vidéos gores).

Durant l’enfance nous apprenons à faire la différence entre réel et imaginaire. Le reflet du garçon n’est pas le garçon, le chat en rêve n’est pas un chat. Le rêve, le reflet sont régis par un système d’existence et de physique différents, cela protège le système de croyance traditionnel.

Il y a toujours le risque de se méprendre et de céder à l’illusion, mais le concept même d’œuvre d’art met à distance le réel et empêche la confusion. La mise en retrait est normée, de même que lorsque l’on dit “ce n’est qu’un jeu” ou “ce n’est pas mon intention”. C’est parce qu’il y a art que l’on n’est pas dans le réel, et parce que nous ne sommes pas dans le réel que nous pouvons avoir une distance critique vis à vis de lui.

Dans le cadre de la peinture numérique, il se passe une confrontation entre le réel, le documentaire, le jeu et l’image. L’information côtoie la fiction. De ce fait la, le cadre de présentation des images prend tout son sens : si une photo d’art, ou

8 La transfiguration du banal, Arthur Danto, une philosophie de l’art 1989 Seuil, Poétique (page 54)

une peinture ultra réaliste est présentée sur un site aux allures sérieuses, informationnelles etc le spectateur pourra ne pas être conscient de sa dimension artistique et du coup ne saura pas se placer en retrait vis à vis de ces images. L’image ne saurait alors être lue comme artistique donc avoir le statut d’œuvre.

D’un autre côté, l’outil numérique est également très utilisé pour le jeu. Le jeu est proche du rêve, pour ses propriétés d’évasion du réel, de physique différente, mais aussi proche de l’art. Il est jeu parce que le joueur sait qu’il n’est pas réel. Rapprocher par le médium l’art et le jeu vidéo est aussi une manière de révéler cette propriété commune.

Le numérique questionne avec beaucoup de force le statut des images dans notre société. Il met en lumière les frontières fragiles entre les hiérarchies des images.

Peinture numérique : sujet JE sujet ON

“...les rapports qui s’établissent, dans le domaine des arts visuels, entre les automatismes techniques et la subjectivité. Question clé au moment où le numérique semble, aux yeux de certains, déposséder le créateur de toute singularité et de toute expressivité et réduire l’acte de création à de purs automatismes machiniques.”9

En introduction de son ouvrage, Edmond Couchot place ce qu’il appelle sujet je sujet-on. En s’appuyant sur les travaux de Merleau-Ponty (Phénoménologie de la perception, 1945) il définit ce sujet on, comme

9 La technologie dans l’art, de la photographie à la réalité virtuelle, Edmond Couchot, 1998 Jacqueline Chambou, Rayon Photo

une personnalité dissoute dans la technique, en opposition au je, de l’artiste tout puissant de personnalité propre.

Le phénomène n'est pas nouveau, lorsque les règles de perspective ont été formulées elles ont automatisé la peinture par la géométrie. Se sont posées alors les même questions : les procédés technique font-il que l'œuvre échappe à son auteur ? La technique peut-elle remplacer l'art, le sensible, la création ? A cela Alberti opposa "l'historia" : la cohésion, la composition, l'histoire qui crée le ressenti.

De nos jour le sujet-je prend une grande place dans la production artistique. L'artiste-je doit faire valoir son identité et sa supériorité face aux autres. Cette course à l'inédit force à se faire valoir comme exceptionnel. L'ambition de l'artiste est gigantesque, il n'est plus l'instrument d'un Dieu terrifiant et sublime, mais l'auteur de sa propre divinité. Cet excès d'individualité par l'innovation permanente et la singularisation force à refouler le on-technique.

Avec les outils numériques le sujet-on est puissant, si bien qu'une grande part des artistes voient dans la création numérique qu'un processus technique ne méritant pas du coup le statut d'œuvre d'art. Ils n'y lisent qu'une habileté technique pour l'image, un artisanat.

On pourrait parler sans fin du statut ambigu de l'art vis à vis des sciences et des technologies. Par exemple les impressionnistes, ballottés par le tumulte de l'ère industrielle nourrissaient un rapport amour haine vis à vis de l'innovation, tantôt l'utilisant (les transformations de touche, les nouvelles théorie de perception de la couleur sont directement issues d'innovations techniques et scientifiques) tantôt la haïssant dans un sauvage retour à la nature.

Certains ont fait des sciences un dogme, comme les constructivistes :"A bas l'art, vive la technique ! A bas les traditions de l'art, vive le technicien constructif" RotchenkoD'autres un outil vivant :"La machine n'est pas simplement un outil prolongeant le corps, elle devient une greffe destinée à donner naissance à des organes jamais vus." Jean Clair10

Avec le retrait progressif de l'influence de l'église sur la société se développe une forme de croyance envers la science. La science est emprunte de mystique et de symbolique, les nombres sont des portes, des clefs etc. L'art en s'éloignant du plaisir corporel pour chercher l'idée pure, à perdu d'autant ses instincts de relais mystique / religieux / chamanique. La science donne du coup une profondeur de mystère, de supériorité a l'œuvre. La création touche a l'essence du monde (la science cherchant a comprendre et développer ce qui nous entoure).

Ainsi il y a dans la peinture numérique un aspect supérieur à soi, l'œuvre donne une idée d'insaisissable, de mystique, de supérieur. Le spectateur attrape un moment de la création mais ne peut que rêver le processus machinique sous-jacent.

10 Marcel Duchamp..., Jean Clair p97 ???!???!

[Anna Parmentier, Mémoire : La Peinture Numérique, 2011]

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Illustration de couverture : Judith II, Andres Lozano, zoom

Il est vrai que l'épreuve de test soutenue par un interprète de l'écran est d'un ordre tout à fait unique. En quoi consiste-t-elle ? À dépasser certaine limite qui restreint étroitement la valeur sociale d'épreuves de test. Nous rappellerons qu'il ne s'agit point ici d'épreuve sportive, mais uniquement d'épreuves de tests mécanisés. Le sportsman ne connaît pour ainsi dire que les tests naturels. Il se mesure aux épreuves que la nature lui fixe, non à celles d'un appareil quelconque - à quelques exceptions prés, tel Nurmi qui, dit-on, courait contre la montre. Entre-temps, le processus du travail, surtout depuis sa normalisation par le système de la chaîne, soumet tous les jours d'innombrables ouvriers à d'innombrables épreuves de tests mécanisés. Ces épreuves s'établissent automatiquement : est éliminé qui ne peut les soutenir. Par ailleurs, ces épreuves sont ouvertement pratiquées par les instituts d'orientation professionnelle.

http://the-work-of-art-in-the-age-of-mechanical-reproduction.net/

Parmentier AnnaMémoire : La peinture numérique

Parce que l'image est omniprésente, parce que l’électronique et l'informatique sont dans nos vies à tous, l'artiste a tout intérêt à comprendre et à se saisir de ces médiums.La peinture numérique génère de nouvelles façons de produire, lance de nouveaux courants, aborde de nouvelles esthétiques et pose des questions inédites : quelle place a le virtuel dans le musée ? La matérialité est-elle nécessaire à la peinture ?