Parlons Suedois

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La S uède (Sverige) est, par la taille et le nom  br e de ses habitants, le plus gr and pays de Scandinavie (Sk andinavien). Elle for me avec la Norvège une pr esqu’île, r attachée à la Finlande par le nor d et, depuis l’ouvertur e, en juillet 2000, du pont au-dessus de l’Ör esund, au Danemar k par l’extr ême sud. Ce  pendant, dans l’esprit des Suédois, la Suède for me une île et, en dehors de ses voi- sins immédiats, le r este de l’Europe est nommé de manièr e car ac- tér istique kontinenten (le cont inent ). La neutr alité de la Suède contri  bue sans doute à fair e de ce pays une sorte de havr e à l’abri des vicissitudes du monde dans l’esprit de ses habitants. Pourtant, neutr alité ne signifie pas isolement, comme le pr ouvent l’adhésion à l’Europe et le rôle f ondamental que jouent souvent les Suédois dans les gr andes or ganisations inter nationales. La Suède est tr  ès liée à ses voisins nor diques, avec lesquels elle for me géogr a  phiquement le N or d (Norden) et politiquement le Conseil nor dique. La Suède est le r oyaume de la for êt. Si le voyageur y r  edécouvr e la rudesse de la natur e, sa solitude et ses dangers, il r enoue aussi avec l’ivr esse des confins, le bonheur des eaux clair es, des baies sauvages et des gr ands animaux. Dans les villes nonchalantes où les automo  bilistes s’arr êtent pour laisser passer une famille de canar ds, où l’on croise des skieurs lors des pr emièr es neiges et des bam  bins en bonnet, promenés par classes entièr es s l’arrivée d u printemps, la natur e n’est jamais loin non plus. Peuttr e cette omnipr ésence de la for êt contr i  bue-t - elle à donner l’image dun pays neuf . Sa situation aux limites de l’œkoumène f it du nor d de la Suède un f ront pionnier jusqu’au début du XX e scle. Mais son histoir e a sans doute aussi contr i  bué à en f air e un pays jeune. Unifié seulement à  partir du XI e scle, le r oyaume de Suède ne f  ut que tar divement

Transcript of Parlons Suedois

 
La S uède (Sverige) est, par  la taille et le nom br e de ses habitants, le plus gr and pays de Scandinavie (Sk andinavien). Elle for me avec la Norvège une pr esqu’île, r attachée à la Finlande par le nor d et, depuis l’ouvertur e, en juillet 2000, du pont au-dessus de l’Ör esund, au Danemar k  par l’extr ême sud. Ce pendant, dans l’esprit des Suédois, la Suède for me une île et, en dehors de ses voi- sins immédiats, le r este de l’Europe est nommé de manièr e car ac- tér istique kontinenten (le cont inent ). La neutr alité d e la Suède contri bue sans doute à fair e de ce pays une sorte de havr e à l’abri des vicissitudes du monde dans l’esprit de ses habitants. Pourtant, neutr alité ne signifie pas isolement, comme le pr ouvent l’adhésion à l’Europe et le rôle f ondamental que jouent souvent les Suédois dans les gr andes or ganisations inter nationales. La Suède est tr ès liée à ses voisins nor diques, avec lesquels elle for me géogr a phiquement le N or d (Norden) et politiquement le Conseil nor dique.
La Suède est le r oyaume de la for êt. Si le voyageur y r edécouvr e la rudesse de la natur e, sa solitude et ses dangers, il r enoue aussi avec l’ivr esse des confins, le bonheur  des eaux clair es, des baies sauvages et des gr ands animaux. Dans les villes nonchalantes où les automo bilistes s’arr êtent pour laisser passer une famille de canar ds, où l’on croise des skieurs lors des pr emièr es neiges et des bam bins en bonnet, promenés par classes entièr es dès l’arrivée du printemps, la natur e n’est jamais loin non plus. Peut-êtr e cette omnipr ésence de la for êt contr i bue-t-elle à donner l’image d’un pays neuf . Sa situation aux limites de l’œkoumène f it du nor d de la Suède un f ront pionnier jusqu’au début du XX
e siècle. Mais son histoir e a sans doute aussi contr i bué à en f air e un pays jeune. Unifié seulement à  partir  du XI
e siècle, le r oyaume de Suède ne f ut que tar divement
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intégr é au r este de l’Occident : les cultes païens d’U ppsala ne disparur ent qu’à la f in du XI
e siècle. Bien que la Suède soit devenue une gr ande puissance au XVII
e siècle, époque où elle dominait la Baltique et lançait ses armées loin sur le continent, ce n’est qu’à  partir  de la fin du XIX
e siècle qu’elle s’est développée de manièr e s pectaculair e. Les Suédois aiment à r a ppeler que leurs ancêtr es étaient d’hum bles paysans. Au dé but du XX
e siècle encor e, la misèr e o bligeait les plus pauvr es à migr er , pr incipalement vers les États- Unis. Les tr ansfor mations n’ont pas seulement été industrielles et commer ciales : la Suède s’est également tr ouvée, à partir  des années 1960, à l’avant-gar de des r évolutions sociales et mentales qui ont marqué l’Europe. Elle est aujour d’hui un pays riche, ur  bain, souvent cité en exemple pour son modèle social, tr ès ouvert sur  le monde.
La ma jor ité des suécophones1 habite en Suède même. La Suède n’a pas de langue off icielle, mais en dehors des Sames et des  populations finnophones, souvent par f aitement bilingues, au nor d du pays et malgr é les var iations dialectales, le suédois y est par lé  par tous, ce qui en f  ait, avec envir on dix millions de locuteurs, la  pr emièr e des langues scandinaves. Si le suédois contr i bue à la forte identité de la Suède, les suécophones ne sont cependant pas tous suédois. Le suédois est, avec le finnois, une langue officielle en Finlande, qui f ut, du Moyen Âge au dé but du XIX
e siècle, une  province du royaume d e Suède. L’ar chipel de Åland, qui jouit d’une large autonomie par r a pport à la Finlande, est of ficiellement suécophone. Ra ppelons aussi que l’on a par lé suédois en Estonie
 jusqu’en 1944 et qu’à Gustavia sur l’île de Saint-Barthélemy, dans les Car aï bes, quelques noms de rue témoignent encor e que l’île, avant d’êtr e f r ançaise, f ut suédoise de 1784 à 1876. Enfin, la langue suédoise n’a pas été complètement ou bliée par les descendants des migr ants installés dans le Minnesota ou l’Illinois.
Le nom br e de locuteurs suédois est peu élevé au r egar d de ceux des gr andes langues de communication : le suédois se situe au 90e r ang des langues parlées dans le monde. Mais il n’en occupe  pas moins une place à part dans la cultur e eur opéenne, sans doute en r aison de la tr adition politique de la Suède et de l’inf luence de
1. Il est possi ble d’utiliser l’ad jectif et le nom suécophone ou suédophone, tout
comme on emploie indiffér emment l’ad jectif  suéco-f r ançais ou suédo-f r ançais.
Suécophone, qui vient du nom latin de la Suède, S uecia, peut êtr e considér é
comme plus corr ect : c’est la r aison pour laquelle nous avons choisi d’utiliser ici le
nom et l’ad jectif « suécophone ».
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ses écr ivains ou de ses cinéastes, qui, d’August Str ind ber g à Ingmar  Ber gman, ou de Selma Lager löf  à Henning Mankell, ont f ait du suédois une langue qui permet d’accéder  à de tr ès gr andes œuvr es. Aujour d’hui, pr ès de 40 000 personnes dans le monde suivent des cours de suédois au niveau universitair e.
Le suédois est une langue indo-eur opéenne, a ppartenant, comme le danois et le norvégien (r ik  smål ), à la br anche nor dique or ientale des langues germaniques. Si les trois dernièr es lettr es de l’alphabet suédois, å, ä, ö, donnent à la langue écr ite un as pect quelque peu exotique, le vocabulair e suédois a accueilli de nom br eux mots d’origine gr ecque, latine, allemande, anglaise ou f r ançaise. On  pourr a ainsi tr ouver  dans un texte suédois des mots qui sont  par f aitement r econnaissables pour un f r ancophone comme monument, restaurang, idé, bibliotek , biologi, sociologi, socialism, democrati, butik , direk t, poesi, piano, teater, dok trin, et la liste pourr ait êtr e encor e tr ès longue.
Selon les pr incipes de la collection Par lon s ... qui tiennent pour  essentiels les liens entr e une langue et la cultur e où elle s’est développée et dans laquelle elle est utilisée, une attention  particulièr e ser a portée à l’histoir e et aux habitudes suédoises. Le  but de cet ouvr age est à la fois de donner  de solides notions de suédois aux f r ancophones qui aur aient choisi de pr épar er un voyage ou de s’installer  en Suède et de pr oposer  à tous ceux qui s’intér essent à la cultur e suédoise une description détaillée du fonctionnement de la langue.
La pr emièr e partie est une pr ésentation de la Suède, de son terr itoir e, de sa population et de son histoir e. Ce cha pitr e évoque aussi l’histoir e et le statut des suécophones de Åland et des autr es r égions de Finlande.
La deuxième partie, a ppelée La l ang ue suédoi se, est une descr iption de la gr ammair e et du vocabulair e suédois. Elle peut êtr e lue dans l’or dr e : elle est conçue selon un plan évolutif, même si une totale compr éhension des exemples ne pourr a se r évéler qu’à une deuxième lectur e. Nous pensons que les bases données dans ces cha pitr es sont suffisamment solides pour  per mettr e au lecteur  les ayant acquises d’évoluer  de manièr e autonome dans son a ppr entissage de la langue.
La partie nommée E  x pr e ssion s ut ile s n’a pas seulement pour  am bition de donner un petit catalogue de phr ases toutes f aites, mais de pr oposer  des ex pr essions idiomatiques et des mots utilisés de manièr e intensive dans la conversation cour ante.
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La der nièr e partie, Le s mots de l a cul tur e suédoi se, donne des r enseignements sur   la vie suédoise tout en four nissant le vocabulair e s pécifique qui lui est lié. Comme un étudiant en  ja ponais est tout de suite ca pable de par ler  des cer isiers en fleurs et un lusiste débutant, d’utiliser le mot saud ade, toute personne qui s’intér esse à la Suède se r endr a vite compte que des mots a ppar emment compliqués, comme smörgåsbord, allemansrätt ou personnummer lui ser ont tr ès vite indis pensables. Comme la saveur  de certains mots, tels janssonsf restelse, k anelbulle ou lussek att, ne saur ait êtr e sé par ée des r éalités qu’ils r ecouvr ent, nous donnons des descr iptions pr écises, voir e de vér itables r ecettes, lorsque la tr aduction f r ançaise n’est plus d’aucun effet.
 Nous aurons souvent r ecours dans l’ouvr age à des car actèr es en gr as ou en italique. Un mot en gr as est un mot suédois et le mot en italique qui a ppar aît à pr oximité est sa tr ad uct ion f  r ançai se. Un mot en gr as et en italique est un t i tr e en suédoi s. Sa tr aduction est simplement donnée en f r ançais en italique. Les mots en suédois ancien ou dans d’autr es langues a ppar aissent simplement en italique.
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R EMERCIEMENTS
Ce livr e n’aur ait sans doute pas été le même sans les
encour agements, les contr i butions, les corr ections et les conseils avisés de Jocelyne et Maur ice Péneau, Mar ie-Claude, Geor ges et
Olivier  Biaggini, Laur ence et Michel Henry, Olle Fer m, Chr istine Ekholst, Mar ia K ihlstedt, Élisabeth Mor net, Ra phaëlle Schott. J’en ou blie sans doute, à Stockholm et à L jung by.
Je tiens à r emer cier particulièr ement Michel Malher  be d’avoir 
accueilli cet ouvr age dans sa belle collection.
Un enr egistr ement d’exemples cités dans la deuxième et la tr oisième partie est dis poni ble. Il a été r éalisé par  Chr istine Ekholst
en juin 2007.
 
LA SUÈDE
 NOM OFFICIEL : K onungariket Sverige ( Ro yaume de S uède) DEVISE DU ROI : För Sverige i tiden ( P our l a S uède, d an s le t emp s) PAYS LIMITROPHES : la Norvège (Norge, 1619 kilomètr es de f r ontièr es), la Finlande (Finland, 586 kilomètr es de f r ontièr es), le Danemar k  (Danmark , de puis l’ouvertur e du pont sur l’Ör esund, Öresundbro). La Suède possède aussi des f r ontièr es mar itimes avec le Danemar k, l’Allemagne (Tyskland), la R ussie (R yssland, Kaliningr ad), la Pologne (Polen) et les tr ois pays baltes (Estland, Lettland, Litauen). POINT LE PLUS SEPTENTRIONAL : Trerik sröset 69°4’ latitude nor d POINT LE PLUS MÉRIDIONAL : Smygehuk 55°2’ latitude nor d MONNAIE : la cour onne suédoise (svensk a k ronan), dont l’abr éviation
officielle est SEK et l’abr éviation cour ante K r.
CAPITALE : Stockholm (ville fondée vers le milieu du XIII e siècle et
désignée pour  la pr emièr e fois comme « ca pitale » dans un document du
1er  mai 1436).
VILLES DE PLUS DE 100 000 HABITANTS : Stockholmstad (ville de Stockholm) : 795 200 habitants, mais Stockholm et ses envir ons (Storstockholm) compte 1 949 500 habitants
Göteborg : 493 500 habitants
Malmö : 280 800 habitants
Linköping : 140 370 habitants
Västerås : 133 730 habitants
Örebro : 130 430 habitants
Norrköping : 126 680 habitants
Helsingborg : 124 990 habitants
Jönköping : 123 710 habitants
Umeå : 111 770 habitants
Borås : 100 990 habitants
R ÉSIDENCE DU ROI : château de Drottningholm
R ÉSIDENCE D’ÉTÉ DU ROI : Solliden à Öland R ÉSIDENCE DU MINISTRE D’ÉTAT : Sagersk a Palatset à Stockholm. R ÉSIDENCE D’ÉTÉ DU MINISTRE D’ÉTAT : Harpsund dans le Söder manland. PRINCIPAUX AÉROPORTS : Arlanda (45 km au nor d de Stockholm), Sk avsta (aér oport de Nyköping, à 100 kilomètr es au sud de Stockholm), Landvetter (25 km à l’est de Göteborg), Sturup (2 km à l’est de Malmö), Kallax (7 km du centr e de Luleå).
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I - Présentation générale de la Suède
La Suède est le plus gr and pays de Scandinavie et un des États les plus septentr ionaux du monde. La ma jor ité du paysage actuel est
constitué par  le bouclier  fennoscandien, for mé et a plani dès
l’é poque primair e. Ce socle ancien a été plissé pour  donner 
naissance aux montagnes (fjäll), les « Alpes scandinaves » qui marquent aujour d’hui la f rontièr e entr e la Suède et la Norvège, et il a été tr ansfor mé par  les glaciations du quater nair e qui ont cr eusé des vallées glaciair es, laissé des lacs, déposé des ar giles et des
mor aines et qui ont dessiné des drumlins, accumulations de matér iaux f aites dans le sens où les glaciers avançaient. Li bér ée du
 poids des glaciers, la péninsule s’est soulevée d’environ
80 centimètr es par siècle au niveau du golfe de Botnie et d’environ 40 centimètr es au niveau de Stockholm (ce qui a entr aîné la sépar ation du lac Mälar en de la mer au XIII
e siècle). Tr ois gr andes r égions géogr a phiques peuvent êtr e distinguées. Tout
au sud, la Scanie (Sk åne) a ppar aît comme une plaine par fois ondulée. Les terr ains pr imair es et secondair es y sont r ecouverts de dépôts glaciair es. Depuis longtemps mise en valeur , la Scanie est
une vaste campagne où se pr atiquent la cultur e du blé et l’élevage.
Dans le Götaland, les paysages sont souvent contr astés : la différ ence est nette entr e les plaines hautes et r elativement pauvr es du Småland, où les altitudes peuvent êtr e su pér ieur es à 350 mètr es, et les provinces de l’Östergötland et du Västergötland, qui f ur ent  pendant des siècles le gr enier à blé de la Suède.
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 N
Vä. Västmanland B. Bohusland D. Dalsland  N. När ke V. Väster götland Ö. Öster götland
ÉCHELLE : 1 : 17 000 000
Les pr ovince s (landsk aper) pour lesquelles nous donnons, lorsqu’elle existe, la tr aduction f r ançaise, sont tr aditionnellement divisées en tr ois
gr andes r égions : - NORRLAND : La ppland ( La ponie), Norr  botten, Väster  botten,
Jämtland, Ånger manland, Här  jedalen, Medelpad, Gästr ikland - SVEALAND : Dalar na ( Dalécar lie), Vär mland, Västmanland,
U ppland, När ke, Söder manland (souvent pr ononcé, voir e écr it, Sör mland) - GÖTALAND : Dalsland, Bohusland, Väster götland, Öster götland,
Halland, Småland, Öland, Gotland, Sk åne (Scanie) et Blekinge.
 Note : Il est possi ble de trouver  dans d’anciens textes f r ançais le nom des  pr ovinces suédoises f r ancisé comme le Småland (qui signifie pet its pa ys) sous la gr a phie « Smôland » et le Vär mland écr it « Ver mland ». On tr ouve aussi « Botnie du Nor d » pour  le Norr  botten, « Botnie occidentale » pour  le Väster  botten, « La ppie » pour  La ppland, « Suder manie » pour  le Söder manland, « Vestr ogothie » pour  le Väster götland et « Ostr ogothie » pour l’Östergötland. Il
faut toutef ois éviter  d’employer  ces tr anscriptions ar chaïques : en dehors de la  La ponie (Lappland), de la Scanie (Sk åne) et de la Dalécar lie (pour  Dalarna, qui signifie Le s Vallée s), il n’existe pas de tr aduction corr ecte.
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La plus gr ande partie du Götaland et le Svealand constituent une r égion r iche en lacs, par mi lesquels on tr ouve les plus gr ands de Suède. Au nor d de cette r égion, en particulier en Dalécar lie, se situe une zone de tr ansition r iche en tour  bièr es et en miner ais. Les
 pr incipaux miner ais ex ploités en Suède sont le fer  ( järnmalm), le cuivr e (koppar), l’ar  gent  (silver), le plomb (bly), le z inc (zink ) et
l’ur anium (uran). Le Norr land, qui corr es pond aux deux tiers du terr itoir e, est
for mé de plaines côtièr es, souvent hautes, au bor d du Golfe de  Bot nie (Bottnisk a viken), qui laissent place, vers l’ouest, à des
 plateaux, puis à des montagnes dont les sommets a planis peuvent
atteindr e plus de 2 000 mètr es. Peu mis en valeur  en r aison de conditions difficiles, le Norr land est couvert de for êts de conifèr es, qui s’effacent avec l’altitude. Les r égions les plus au nor d sont
 parmi les dernièr es terr es sauvages d’Europe. Les fleuve s (älvar) coulent en ma jor ité du nor d-ouest, où ils
 pr ennent souvent naissance à partir  d’un l ac (s jö), vers le sud-est, où ils se jettent dans l a Bal t ique (Östers jön). Leur  dé bit var ie dans
l’année, avec des périodes de crues qui, sauf  pour les f leuves de Scanie, se situent au moment de la fonte des neiges, au pr intemps. Ce r éseau a per mis à la Suède de développer  dès la fin du
XIX e siècle une éner  gie h yd r og r a phique (vattenk raf t) per for mante,
qui f ournit environ la moitié de l’électricité. Dans le Norr land, les
vallées fluviales constituent souvent les seuls axes de peu plement et de communication.
Comme aiment souvent à le souligner ses habitants, la Suède est
une gr ande for êt for mée en ma jor ité de bouleaux et de conifèr es. Les for êts couvr ent plus de la moitié du terr itoir e, mais elles ont
aujour d’hui per du le rôle de f rontièr es qu’elles ont longtemps joué dans l’espace scandinave. Évoluer dans ces for êts sans chemin tr acé était difficile, surtout à la pér iode de fonte des neiges où la boue  pouvait r endr e la pr ogr ession tr ès lente : en 1177, un gr ou pe de  Norvégiens a mis 71 jours pour  passer  de la Dalécar lie au Jämtland lors d’un par cours de 280 kilomètr es. Avec des r éseaux r outier  et ferr oviair e efficaces, ces pr o blèmes de communications a ppar - tiennent à l’histoir e ancienne. La Scanie, le Väster götland et
l’Östergötland, qui off r aient autr ef ois de vastes f or êts de feuillus, sont aujour d’hui les principales r égions agr icoles du pays, mais
ailleurs, la for êt continue à êtr e ex ploitée et à four nir  du boi s
(timmer) pour  la construction ou pour  la pr oduction de pa pier . La
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LA SUÈDE EN CHIFFRES DONNÉES GÉOGRAPHIQUES
Su per ficie : 410 335 km2
Su per ficie de la sur f ace des eaux : 39 960 km2
Distance maximale nor d-sud : 1 574 km
Distance maximale est-ouest : 499 km
Point le plus haut : le K ebnek aise, 2 111 m Plus gr andes îles : Gotland, 2 994 km2 et Öland, 1 347 km2
Les quatr e plus gr ands lacs : Vänern, 5 490 km2, Vättern, 1 888 km2, Mälaren 1 084 km2, H jälmaren 463 km2. Fleuve le plus long : K larälven et Göta älv, 725 km (dont 520 km en Suède)  Nom br e d’îles et d’îlots : 221 800 dont 98 400 îles maritimes (29 000
 pour l’ar chipel de Stockholm, 14 000 pour l’ar chipel de Göteborg / du
Västr a Götaland et 13 000 pour l’ar chipel de Kalmar). Vänern a 12 285 îles et Vätter n, 858 îles. Longueur des côtes (f açade mar itime) : 11 500 km
Longueur de toutes les côtes (îles compr ises) : 385 000 km
For êts : 52,2 %
Es paces vier ges (montagnes, toundr a) : 8,9 %
Glaciers : 0,1 % Terr es agr icoles : 7,6 %
Terr es habitées, aménagées et es paces envir onnants : 3 %
Moyenne des tempér atur es en janvier  : -4° centigr ades
Moyenne des tempér atur es en juillet : 15,8° centigr ades
Tempér atur es (maxi. et mini.) Pr écipitations (en mm)
 janvier  juillet janvier  juillet
Stockholm - 1°/ - 5° 21°/ 11° 39 72
Malmö 2° / - 3° 20°/ 11° 49 61
Dur ée du jour en janvier  : 6 heur es à Stockholm, 0 heur e à K iruna Dur ée du jour  en juin : 18 heur es à Stockholm, 24 heur es à K iruna (le soleil de minuit y est visi ble du 31 mai au 14 juillet)
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 for êt  pr imit ive (urskog) r este bien différ ente des for êts entr etenues
et r eplantées, mais gr âce à une utilisation r aisonnée des r essour ces, la Suède constitue aujour d’hui avec la Finlande une des r ar es r égions du monde où la couvertur e for estièr e est en pr ogr ession.
Malgr é des latitudes élevées, la Suède jouit d’un climat t empér é
(tempererat klimat). Vers le nor d, le climat devient t empér é f  r oid 
(k alltempererat klimat) à pol air e (polarklimat). L’inf luence des
f lux d’ouest, venus de l ’  At lant ique (Atlanten), a pporte douceur  et
 pr écipit at ion s (nederbörd). Les moyennes des pr écipitations
augmentent vers le sud et vers l’ouest. Dans le Sud, 10 % des
 pr écipitations tom bent sous f orme de neige, mais cette part s’élève à 70 % dans le Nor d.
L’inf luence continentale se fait aussi sentir : les haut e s pr e ssion s
(högtryck ) venues de l’est donnent un temps sec et ensoleillé, f r oid en hiver et chaud en été. L’été, la dur ée du jour permet au Norrland de bénéficier de tempér atur es par fois aussi élevées qu’au sud, gr âce à un ensoleillement qui peut êtr e continu au moment du sol  st ice
d ’ ét é (sommarståndet). Dans nor d de la Suède, dès le milieu du
mois d’août, les tempér atur es baissent r a pidement dès que les jours deviennent visi blement plus courts. Ce sont dans ces r égions que les tempér atur es les plus basses peuvent êtr e o bservées, atteignant
 par fois -40°, voir e dans des cir constances exceptionnelles, -50° centigr ades. L’absence de soleil, qui ne se lève pas au-delà du cer cle pol  air e (polcirkeln) au moment du sol  st ice d  ’ hiver  (vintersolståndet), ex plique ces tempér atur es, qui ne sont toutefois
 pas la nor me. Depuis les années 1990, les tempér atur es ont
augmenté en moyenne de 1° centigr ade. Les ex perts de la SMHI (Sveriges meteologisk a och hydrologisk a institut), l’ I n st itut  mét éor ologique et  h yd r ologique de S uède, pensent que vers 2100, les tempér atur es aur ont augmenté entr e 3 et 5° centigr ades.
Avec une su per ficie proche de celle de l’Espagne, la Suède r assem ble une popul at ion (folkmängd) d’environ 9 millions
d’habitants qui est tr ès inégalement r épartie : 80 % des Suédois vivent au sud d’une ligne passant par  U ppsala. Alors que le centr e géogr a phique d e la Suède se situe à Hogdals bygden dans la commune de Här  jedalen, le centr e démogr a phique du pays se tr ouve beaucou p plus au sud, à H jortk var n dans la r égion (län) d’Ör ebro. Ce centr e se déplace de plus en plus vers le sud et
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LA SUÈDE EN CHIFFRES DONNÉES DÉMOGRAPHIQUES
Population totale : 9 234 200 habitants (août 2008) Densité moyenne : 22,5 hab./km2
Densité dans la r égion de Stockholm : 294 hab./km2
Densité dans le Norr  botten : 3 hab./km 2
Es pér ance de vie à la naissance : hommes 79 ans, femmes 83 ans Mortalité inf antile : 2,49 ‰
R épartition par  âges (pr évision en 2010) : 23 % entr e 0 et 19 ans, 58,4 %
entr e 20 et 64 ans, 18,7 % de plus de 65 ans. Âge moyen de la population : 41 ans
Minor ité finnophone : 30 000 personnes
Minor ité same : 20 000 personnes
Immigr és pr ésents en Suède : envir on 525 000 personnes (pr incipalement
de Finlande, des autr es pays scandinaves, de Pologne, d’Italie, de Gr èce, de l’ancienne Yougoslavie, du Chili, d’Uruguay, d’Ir an, d’Ir ak , mais aussi
K ur des et Palestiniens). Immigr ation en 2007 : 99 485 personnes, par mi lesquels 36 210 r éf ugiés
 politiques (dont 18 560 Ir akiens et 3 360 Somaliens) et 54 % d’hommes.
Émigr ation en 2007 : 45 420 personnes
Part des habitants nés à l’étr anger  : 13,4 %
Part des personnes de nationalité étr angèr e : 5,7 %
Taux de cr oissance de la population en 2007 : 7,6 ‰
Taux de natalité : 11,7 ‰
Taux de mortalité : 10 ‰
Taux d’immigr ation : 10,8 ‰
Sex r atio : à la naissance 106 gar çons pour 100 filles
 Nom br e d’enfant par femme : 1,88
 Nom br e de mar iages (2007) : 47 898
 Nom br e de divor ces (2007) : 20 669
Taux d’alphabétisation : 99 %
Dur ée moyenne des études à partir du pr imair e : 16 ans
Dé penses pour l’éducation : 7,1 % du budget (en 2005). Cette part était de 16 % en 1969.
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atteindr a bientôt l’Östergötland. Les r égions littor ales du sud de la Suède, comme la Scanie qui compte déjà pr ès de deux millions
d’habitants, se r évèlent, en effet, de plus en plus attir antes, alors que le Norr land ne cesse de per dr e des habitants. Dans la pr ovince de La ponie, qui f ait 109 702 km², on tr ouve envir on 100 900
habitants. La commune de Jokkmokk, qui r assem blait 10 750
habitants en 1950, en compte aujour d’hui moins de 5 000. Cette Suède du vide a beaucou p pâti, dès le XIX
e siècle, de l’exode rur al.
Aujour d’hui, les pro blèmes liés à l’isolement et au manque d’inf r astructur es r estent aigus malgr é une r epr ise de l’activité minièr e et l’essor  du tourisme. 90 % des Suédois vivent dans les
localités de plus de 2 000 habitants et les tr ois plus gr andes agglomér ations, celles de Stockholm, de Göte bor g et de Malmö, r assem blent plus du tiers de la population. Les centr es des gr andes
villes r estent attir ants pour  les plus jeunes, mais leur  population tend à r ester stable, voir e à diminuer  légèr ement : dès qu’ils le  peuvent, les Suédois pr éfèr ent vivr e dans une maison (seuls 40 % d’entr e eux vivent en habitat collectif), pr ès de la natur e, ce qui est
 possi ble même en pér iphér ie des gr andes villes. Depuis les années 1970, le taux de fécondité est passé au-
dessous du chiff r e de 2,1 enf ants par  femme qui per met le r enouvellement des génér ations, à l’exce ption du dé but des années
1990 au moment duquel la Suède a connu un baby- boom. Depuis
les années 2000, la natalité augmente r égulièr ement, mais le taux r este aujour d’hui encor e insuff isant et la population vieillit : la part des plus de 80 ans, qui est aujour d’hui de plus de 5 % de la  population, atteindr a 12 % en 2040. La population continue toutefois à augmenter  car  l’immig r at ion (invandring) r este forte. Depuis la Seconde Guerr e mondiale, la Suède est devenu un pays
d’accueil, alors qu’elle avait été pendant longtemps un pays de forte émig r at ion (utvandring). Elle est actuellement le pays eur opéen qui accueille le plus de r éf  u gié s polit ique s (asylsök ande), devant la Fr ance et tr ès loin devant les autr es pays du Nor d. Cependant, la Suède a dur ci les conditions d’o btention du statut de r éf ugié  politique et les chiff r es de 2008 étaient en baisse par r a pport aux
années de forte immigr ation qu’avaient été 2006 et 2007. La Suède attir e également beaucoup d’étr angers pour   des r aisons économiques et f amiliales (adoption ou r egr ou pement avec des
immigr és déjà installés). De plus en plus d’Européens viennent
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Liste des l än
BD : Norr  bottens län
AC : Väster  bottens län
W : Dalar nas län
S : Vär mlands län
U : Västmanlands län
E : Öster götlands län
D : Söder manlands län
H : Kalmar län
I : Gotlands län
K : Blekinge län
Les län (par fois tr aduit par  comt é ou pr éfectur e) sont des cir conscr iptions
administr atives dont le rôle s’a ppar ente à c elui des r égions et des
départements f r ançais. Les lettr e s de s r égion s (länsbok stäver) ont figur é  jusqu’en 1973 sur les pl aque s minér alogique s (registreringssk yltar).
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tr availler  en Suède : la plu part sont or iginair es des pays voisins
comme les Polonais, qui sont, a pr ès les Ir akiens, les immigr és les
 plus nom br eux. Selon un mythe tenace, la Suède aur ait eu une cultur e tr ès
homogène jusque dans les années 1970, début d’une période de forte immigr ation. Dans les f aits, le terr itoir e a longtemps été  partagé par  des cultur es var iées : les Sames au nor d, les Finnois à l’est, avec leur langue différ ente, n’en f ont pas moins partie du
r oyaume de Suède et, dès le Moyen Âge, la cultur e suédoise s’est
f ormée au contact des autr es r égions d’Occident, en partie gr âce à l’accueil de nom br eux étr angers. Cette cultur e, marquée dès le XVI
e siècle par le luthér anisme et une or ganisation sociale fortement
encadr ée par l’État, a longtemps pr ésenté des tr aits unifor mes, mais
elle est r estée ouverte à toutes les évolutions qui ont marqué l’Eur ope. À l’image sa langue, qui accueille depuis longtemps des mots étr angers tout en possédant une mélodie qui lui est pr opr e, la Suède est devenue une nation plur icultur elle tout en sachant bâtir  à

LA SUÈDE EN CHIFFRES DONNÉES ÉCONOMIQUES
PNB (Bruttonationalproduk t, BNP) en 2007 : 331 952 millions d’euros
PNB/habitant : 36 150 euros
Dépenses pu bliques (2007) : 174 683 millions d’euros
R evenus des impôts et des taxes (2007) : 159 762 millions d’euros
Balance des paiements en 2007 : + 8,3 % du PNB Importations : 110 425 millions d’euros en 2007
Ex portations : 123 350 millions d’euros en 2007 (dont 44 % de machines
et d’équipement)
Aides aux pays en voie de développement : 0,7 % du PNB Investissements pour la r echer che et le développement en 2007 :
1000 euros / personne
Part des entr epr ises ayant un site inter net : 84 %
Secteur pr imair e : 2 % des actif s ; 1,4 % du PNB Secteur secondair e : 17 % des actif s ; 29 % du PNB Secteur tertiair e : 76 % des actif s ; 70 % du PNB Part des actif s à leur pr opr e compte dans les services : 4 %
Taux de chômage : 5,9 % (septem br e 2008)
Salair e hor air e (secteur pr ivé) : 133,60 couronnes
Salair e moyen d’un employé (secteur privé) : 31 550 couronnes
R éseau r outier : 212 000 kilomètr es
R éseau ferr é : 11 100 kilomètr es
Consommation d’énergie (en équivalent en tonnes de pétr ole par 
 personne, données de 2006) : 3,7 tonnes / personne dont : Industr ie : 1,4 tonnes / personne Tr ans ports : 0,9 tonnes / personne Particuliers : 1,3 tonnes / personne Pr oduction de g a z à effet de serr e (växthusgaser) :
65 750 000 tonnes / an (2006)
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II  –  H i st oi r e (Historia)
Ce r a pide r ésumé n’a d’autr e am bition que de r é pondr e à quelques questions sur  des as pects pr écis de l’histoir e suédoise : il s’agir a principalement, à tr avers une pr ésentation chr onologique, de suivr e la for mation du terr itoir e et les gr andes évolutions sociales et
 politiques, en particulier la lente organisation d’un système  par lementair e et démocr atique.
 L ES TEMPS ANCIENS (FORNTIDEN) Il sem ble que le terr itoir e de la Suède actuelle ait commencé à
êtr e peu plé, au sud, vers 12 000 avant notr e èr e. A pr ès la der nièr e glaciation, vers 8000 avant notr e èr e, des populations nomades vinr ent s’installer : c’est l ’ âge de la pierr e (stenåldern). Les
 pr emièr es tr aces d’une agricultur e a ppar aissent vers 2500. L’ âge d u br on z e (bronsåldern) commence vers 2000, avec les pr emiers r egroupements d’habitants. Cette é poque est car actérisée par  des tom bes (tumuli) pourvues d’un riche mo bilier  f unér air e et des
 g r avur e s sur  le s r ochers (hällristningar). Les plus célè br es, à Tanum, r epr ésentent des hommes, des navir es et des animaux.
 L’ âge d u fer  ( järnåldern) commence vers 500 avant notr e èr e : il est marqué par un r ef r oidissement du climat. Les histor iens suédois ont a ppelé cette pér iode den f  yndlösa tiden, l ’ é poque san s découvert e. C’est pourtant à cette é poque où, pour survivr e, les
 populations ont dû développer l’agricultur e de manièr e plus intensive, que la sédentar isation des populations se f ait
 progr essivement et qu’émergent des f ormes cultur elles car actér istiques. Entr e 50 et 400 de notr e èr e, pér iode a ppelée l ’ âge
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d u fer r omain (romersk a järnåldern), ces populations su bissent l’inf luence lointaine de l’empir e romain : des monnaies et des o b jets r omains découverts à Gotland ou encor e pr ès de Stockholm montr ent que des contacts commer ciaux ont existé. C’est l’é poque où émer ge tr ès clair ement une ar istocr atie guerr ièr e, comme le montr ent les tom bes r iches en ar mes et en o b jet pr écieux. Cette tendance s’aff irme aux périodes suivantes, l ’ é poque de s mig r at ion s de s peu ple s (folk svandringstiden) entr e 400 et 550 et l ’ é poque de V endel (Vendelstiden) entr e 550 et la fin du VIII
e siècle. Il f aut définitivement abandonner  les théor ies f antaisistes, et
malheur eusement tou jours en vogue, selon lesquelles les Goths ser aient les ancêtr es des Suédois (au choix les habitants du Götaland a ppelés les Göt ar , ou des habitants de l’île de Gotland) qui aur aient migr é vers le sud et aur aient f ini par pr endr e d’assaut l’Empir e romain. La légende f ut pendant longtemps entr etenue en Suède, sous le nom de göticism, mais elle n’a aucun f ondement1. Les découvertes ar chéologiques donnent une image tr ès différ ente des V
e et VI e siècles : on a pu a ppeler  cette pér iode l ’ âge d  ’ or 
(guldåldern) en r aison du nom br e tr ès important d’o b jets en or  découverts, bijoux, torques ou br act ée s (brak teater) qui dénotent, dans leur  décors, une forte influence r omaine (personnages r epr ésentés de f ace comme les emper eurs) et de l’art zoomorphe et géométr ique tr ès en vogue sur  le continent. Le f ait que ces o b jets aient souvent été tr ouvés sous for me de tr ésors enfouis montr e que l’é poque f ut militair ement trou blée, ce que conf irme la découverte de forter esses de for me r onde, dont les tr aces les mieux conservées se tr ouvent sur  Öland. À cette époque, a pparur ent également les  pr emièr es inscr iptions en rune s (runor) et les célè br es tumuli (storhögar) de Gamla U ppsala, qui r enfer maient des sépultur es de r oitelets, f ur ent ér igées.
Les tr ansfor mations sociales sont particulièr ement visi bles dans les nouvelles sortes de tom bes, a ppelées t ombe s-bat eaux (båtgravar), qui car actérisent l’é poque de Vendel. C’est, en effet, à Vendel, au nor d de l’U ppland, que f ut découvert un ensem ble de tom bes dans lesquelles le mort était déposé sur un bateau à r ames d’environ 8 à 12 mètr es de long, entour é de ses armes, d’o b jets de la vie quotidienne et d’off r andes, en particulier  des chevaux. Les o b jets les plus extr aor dinair es découverts dans ces tom bes sont sans
1. Je r envoie sur  ces questions fondamentales à l’ouvr age de P. J. Geary, Quand 
le s nat ion s r efont  l ’ hi st oir e. L’ invent ion de s or igine s médiévale s de l ’  E ur o pe,
Par is, 2004 (pour la tr aduction).
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doute les ca sque s (hjälmar) de fer et d’or décor és de riches motif s. D’autr es découvertes de tom bes qui témoignent de l’essor  d’une nouvelle élite politique ont été faites en U ppland. Comme l’ont montr é une statuette de Bouddha d’Asie centr ale, des o b jets en verr e et des pièces byzantines et ar abes, découvertes f aites sur  l’île (aujour d’hui la pr esqu’île) de Helgö, qui f ut un des pr incipaux comptoirs des bor ds du lac Mälar en, le gr and commer ce avait déjà connu un essor important avant l’é poque viking.
Entr e 400 et 800, f ur ent ér igées les pierr e s fig ur ée s (bildstenar) de Gotland : plusieurs r egistr es de dessins permettent d’avoir  accès à la mythologie et à la vie quotidienne des hommes de cette époque. Sont, en effet, r epr ésentées des scènes mythologiques où sont en  particulier visi bles des dieux comme Thor ou Odin sur son cheval à huit jam bes, des hommes en ar mes et les navir es à voile r ectangulair e qui ont f avor isé l’émergence du phénomène viking.
 L’  ÉPOQUE VIKING (VIKINGATIDEN) Il n’existe pas, à l’au be de l’é poque viking, une entité politique
que l’on puisse dé jà nommer la Suède. Le norrois S vit  jod  désigne à l’origine seulement le nor d du lac Mälar en. C’est autour  du lac Mälar en qu’étaient établis les Svear, qui ont donné leur  nom à la Suède actuelle, Sverige, de svia-r iki, l e « r oyaume des S vear ». Plus au sud, les Götar for maient une autr e entité, non pas ethnique, mais politique et juridique. Il n’existait aucune for me de pouvoir  centr alisé, mais un gr and nom br e de chef s locaux, d e gr ands
 propriétair es étaient ca pables d’imposer leur pouvoir sur une r égion entièr e. La société était alors essentiellement paysanne : les habitants ex ploitaient des fer mes isolées ou r assem blées en petits hameaux. Chaque domaine (gård) se composait de bâtiments d’habitation et d’exploitation disposés autour  d’une cour. Y vivaient le pr opr iétair e et sa f amille ainsi que quelques esclaves. Si l’essentiel de la production agricole, complétée par la chasse, la  pêche et la cueillette des baies et des champignons, servait à l’alimentation et f ournissait peu de sur  plus, un commer ce de peaux et de fourrur es, mais aussi d’am br e, de plumes, d’o b jets en fer ou en ar gent indique que ces populations ne vivaient pas totalement en autar cie. Les a ssemblée s (t hing ou en suédois actuel ting) où étaient r églés les conflits et r écitées les lois per mettaient aux hommes li br es d’une r égion de se r encontr er , d’échanger  des produits et de célé br er  les gr andes fêtes r eligieuses, comme midsommar et jól  –  qui a donné le mot suédois jul, N oël – qui avaient lieu aux solstices.
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Entr e la fin du VIII e et le XI
e siècle, seuls les Svear participent avec les autr es Scandinaves au phénomène de migr ations tempor air es ou de colonisation à l’extérieur  de la Scandinavie. Ra ppelons que les V iking  s (vikingar) sont des commer çants, ca pables, lorsque les échanges deviennent moins intér essants, de se tr ansf ormer  en pillar ds et en guerriers. Le phénomène s’explique  par  l’élargissement des r outes du gr and commer ce inter national vers le nor d. Les Scandinaves, qui, avec le knörr, possèdent, à l’é poque, le navir e le plus per fectionné et le plus r a pide, ont su ex ploiter efficacement ces nouvelles opportunités. Dans une société qui, contr air ement à l’image trop souvent véhiculée, est tr  ès hiér ar chisée, partir  en ex pédition viking était un moyen de s’enrichir  et, pour les mem br es de l’élite exilés o u vaincus, de r etr ouver une influence per due.
Selon le témoignage des pierr e s runique s (runstenar), des habitants de la r égion du lac Mälar en participèr ent à quelques ex péditions vers l’ouest, mais ils partaient surtout vers l’est. Les chr oniques russes du XII
e siècle ont pér ennisé le nom de l’itinér air e emprunté, « la r oute des Var ègues aux Gr ecs », qui de Suède, en tr aversant la Finlande et en descendant le Volkhov, puis le Dnepr  ou la Volga permettait d’accéder , via plusieurs comptoirs commer ciaux, à l’Empir e byzantin et à la Méditerr anée, ou, par une route située plus à l’est, à la Caspienne, voir e au-delà. Pour  désigner ces Vikings qui s’aventur aient vers l’est, f ut utilisé à partir  du milieu du X
e siècle le mot de var ègue (var jag), en norr ois vær ing r , qui vient peut-êtr e de vár , le ser ment, et qui désigne sans doute à l’origine une association de mar chands ou de guerr iers liés entr e eux par un ser ment de fidélité. Le ter me se r etr ouve en gr ec où var angoi désigne plus particulièr ement les guerr iers scandinaves qui servent dans la gar de de l’emper eur  byzantin, phénomène attesté depuis la fin du IX
e siècle. Les commer çants commencèr ent par  f r équenter  le comptoir  de
(Star aïa) Ladoga, qu’ils a ppelaient Aldeigjubor  g  et où ils échangeaient pr incipalement des fourrur es. Dans ces r égions habitées par  des populations finno-ougr iennes, les Svear f ur ent a ppelés Rus, dont l’origine est peut-êtr e le mot scandinave r oðr , qui désigne une expédition de navir es à r ames ou les mem br es d’une telle ex pédition. Le mot donna le nom actuel de la Suède en finnois ( Ruotsi) et en estonien ( Rootsi), mais aussi le nom de la R ussie. En effet, en cr éant des comptoirs, comme Novgor od ( H olmg ar ðr ), et en assur ant la sécur ité sur les r outes commer ciales, les Svear f ur ent à l’origine de l’État russe : la C hr onique de N e st or  r a pporte, au
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XII e siècle, que R ur ik  aur ait été a ppelé pour unifier  et dir iger  les
 populations slaves autour  de K iev en 862, mais cette infor mation n’est pas vérif iable. Ses f ils pr  ésumés, Oleg (Helgi) et Igor  (Ingvarr ) f ur ent à l’origine de la dynastie qui r égna en R ussie, du IX
e siècle jusqu’à Ivan le Terri ble, au XVI e siècle.
Les ex péditions lointaines eur ent aussi des conséquences économiques et politiques en Scandinavie. Le vieux comptoir  de Helgö f ut r emplacé par Bir k a, pr emièr e ville suédoise sur une île du lac Mälar en (l’actuelle B jörkö, l’ Î le aux bouleaux) qui r assem blait sans doute deux mille habitants. Ce comptoir  commer cial connut son a pogée au IX
e siècle, avant de dispar aîtr e et d’êtr e r emplacé à la fin du X
e siècle par  la ville r oyale de Sigtuna, au nor d du lac Mälar en. Vers la f in de l’é poque viking, selon un processus que la documentation laisse largement dans l’om br e, les Svear et les Götar s’unir ent. Au moment où les bénéf ices des expéditions vers l’est diminuaient et que les routes devenaient plus danger euses, les  plus puissants des Svear se tour nèr ent vers des r égions plus pr oches et r ecueillir ent désor mais sous for me de tr i buts imposés à leurs voisins les r evenus qu’ils tir aient au par avant de l’extérieur. Si les assem blées politiques et judiciair es locales, les ting, continuaient à êtr e actives localement et au niveau des pr ovinces, une nouvelle for me de pouvoir  émer gea, le pouvoir royal, dont l’idéologie s’inspir ait à la f ois des monar chies d’Occident et du christianisme. L’é poque viking s’acheva avec la progr essive assimilation de la Suède à l’Occident médiéval.
 L E  M OYEN  Â GE (MEDELTIDEN) DU XI e
AU XIV e
SIÈCLE Ce que l’on nomme Moyen Âge pr opr ement dit en Suède est la
 période qui s’étend de la christianisation, à partir  du XI e siècle, à la
R éfor me des années 1520. Les cadr es politiques du r oyaume sont mal connus avant le XII
e siècle, mais il sem ble que, dès avant 1100, un pouvoir r oyal, influencé par  les modèles occidentaux et soutenu
 par l’Église, commença à se mettr e en place et à assur er  l’unif ication du pays. Les provinces continuèr ent ce pendant à jouer  un r ôle fondamental et les ting pr ovinciaux exer cèr ent la r éalité du
 pouvoir législatif et judiciair e jusqu’à l’émergence d’une législation  pr opr ement r oyale dans la seconde moitié du XIII
e siècle. Il est vr ai que la lutte entr e deux dynasties empêcha l’émergence d’un  pouvoir r oyal cohér ent avant le XIII
e siècle. Les descendants de Sverk er l’Ancien (vers 1130-1156) et de saint Ér ic (vers 1156- 1160 ?) alternèr ent au pouvoir jusqu’en 1222, date où Er ik  Eriksson, connu dans l’historiogr a phie suédoise sous le sur nom
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d’« Er ik le Bègue et le Boiteux » (Erik läspe och halte), devint r oi. Entr e la fin du XII
e siècle et le dé but du siècle suivant, f ur ent intr oduites en Suède l’expr ession « r oi par  la gr âce de Dieu » et des cér émonies de légitimation du pouvoir  comme le cour onnement accompagné d’un sacr e. Les pr emièr es images du roi en ma jesté a pparur ent sur les sceaux et les monnaies.
Des missionnair es venus de diverses r égions diff usèr ent le chr istianisme. La chr istianisation f  ut lente et marquée par  des  phénomènes de syncr étisme avec le paganisme. L’ar chéologie a montr é que les pr emièr es communautés chr étiennes stables s’étaient développées dès la pr emièr e moitié du X
e siècle dans le Väster götland, en particulier  à Var nhem, où f ur ent r etr ouvés un cimetièr e et une église. Cependant, les der niers cultes païens ne dis parur ent qu’à la fin du XI
e siècle. Les structur es diocésaines se mir ent en place dans la pr emièr e moitié du XI
e siècle, avec l’évêché de Sk ar a, et au cours du XII
e siècle, avec la cr éation des sièges épis- copaux de Linköping, lieu de r assem blement du ting de l’Öster - götland ; de Str ängnäs, où se r éunissait le ting du Söder manland ; de Väster ås, dont l’inf luence s’étendait sur le Västmanland et la Dalécar lie ; et d’U ppsala, qui devint, en 1164, ar chevêché. Ce f ut à l’occasion de cette cr éation, qui détachait la Suède de l’influence de l’ar chevêque de Lund, qui gar da ce pendant le titr e de primat, que le  pa pe a ppela, pour  la pr emièr e fois dans les sour ces, le r oi suédois Kar l Sver kersson (1161-1167) « r e x sueorum et  got horum / r oi des Svear  et des Götar ». La cr éation de l’ar chevêché suédois per mit ainsi en Occident la r econnaissance de la Suède comme un r oyaume indé pendant. D’autr es f ondations de diocèses suivir ent à Växjö, en 1170, et en Finlande, r attachée au diocèse d’U ppsala vers la f in du XII
e siècle et dont le siège épiscopal f ut fixé à Åbo (Tur k u) à la fin du XIII
e siècle. Le r oyaume de Suède compr enait, en effet, la Finlande et la Suède actuelle, sans le Jämtland, qui a ppartenait à la
 Norvège, et sans les pr ovinces du Halland, du Blekinge et de Scanie qui dépendaient du Danemar k (en dehors des années 1332 à 1360). Longtemps païens, les Finnois f ur ent pr ogr essivement chr istianisés et des colons suédois s’installèr ent tr ès tôt sur la côte sud-ouest. Dans ces r égions peu peuplées, l’intégr ation f ut r elativement f acile si l’on excepte quelques « cr oisades » qui conduisir ent les Suédois
 jusqu’en Car élie. Le royaume de Suède, plus gr and que la Fr ance actuelle, ne comptait que sept diocèses et sans doute autour  de 800 000 habitants.
Le monachisme cister cien connut aussi un développement r a pide. Les pr emièr es maisons suédoises f ur ent cr éées en 1143 : il
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s’agissait d’Alvastr a (au bor d du lac Vätter n) et de Nydala (dans le Småland), qui étaient des filles de Clairvaux. En tout, quatorze monastèr es cister ciens, dont huit établissements féminins, f ur ent fondés en Suède. Au XIII
e siècle, avec le soutien des r ois et de l’aristocr atie, les f r anciscains et les dominicains installèr ent leurs couvents dans les villes comme Söder köping, Sk ar a, U ppsala, Kalmar , Väster ås, Enköping ou encor e Stockholm, ville fondée au milieu du XIII
e siècle à l’entr ée du lac Mälar en. Pr ofitant de la lente désagr égation du pouvoir  dans la pr emièr e
moitié du XIII e siècle, le jarl Birger , issu d’une vieille famille de
l’Östergötland, qui gr âce à sa char ge de plus haut officier  du r oyaume assur ait la r éalité du pouvoir  depuis plusieurs décennies,  parvint en 1250 à f air e élir e son fils Valdemar r oi de Suède. Cette dynastie dite des « Folk ungar » r égna plus d’un siècle. Valdemar  était le f ils d’Ingeborg, la sœur  du roi Er ik  Er ik sson, der nier r epr é- sentant de la dynastie des Er ik. Il connut un r ègne tr ès court,
 puisque son pèr e assur a la r égence jusqu’à sa mort en 1266 et que son f r èr e cadet Magnus Ladulås (dont l’é pithète signif ie « serrur e de gr ange ») s’empar a par la for ce du pouvoir  en 1275. Mais, sous ces dir igeants am bitieux, un r éseau de forter esses r oyales, sur  lequel r eposa toute l’administr ation du pays jusqu’à la f in du Moyen Âge, commença à se mettr e en place. Lieux destinés à la collecte des impôts et aux r assem blements militair es, ces forte- r esses témoignent de l’émergence d’un système administr atif  centr alisé. Pendant la r égence de Bir ger  Jar l se développèr ent en Suède les lois d’edsöre, qui instaur aient une sorte de Paix du r oi. En r endant le r oi gar ant de la pr otection des pr opr iétés pr ivées, des églises, des femmes et des ting, elles servir ent d’assise au développement de son pouvoir législatif et judiciair e.
La société suédoise se modifia : l’esclavage disparut progr es- sivement et son abolition officielle en 1335 ne vint que confir mer  son eff  acement. Les paysans-pr opr iétair es (bönder), soumis à l’impôt – d’où leur nom de sk attebönder – , possédaient la ma jor ité des terr es et, contr air ement à ce qui se passa dans le r este de l’Occident, leur inf luence politique demeur a r éelle jusqu’à la f in du Moyen Âge. Cependant, leur  poids tendait à diminuer  f ace à l’Église, à la Couronne et surtout à la no blesse. En effet, le r enfor cement du pouvoir r oyal per mit à une vér itable ar istocr atie de se constituer . Par  exemple, de nouvelles char ges f ur ent cr éées, comme, en 1268, celle de marsk , plus haute char ge militair e du r oyaume, et le service du r oi était souvent r émunér é par un län ou
 fief  , forter esse r oyale ou terr e de la Cour onne, dont le bénéficiair e
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r ecevait une part des impôts en guise de r émunér ation. Mais ces fief s ne devinr ent jamais hér éditair es et la Suède ne connut pas de véritable féodalité. Le roi accor da aussi à l’aristocr atie une partici-  pation aux aff air es politiques en établissant le Conseil du r oi comme une institution su pér ieur e aux anciennes assem blées. En 1280, par l’or donnance d’Alsnö, le r oi Magnus Ladulås accor da à tout homme qui f aisait le service ar mé à cheval une f r anchise d’impôt (f rälse). La mesur e ne concer nait donc que les classes sociales les plus r iches, les gr ands pr opr iétair es terr iens et les  paysans enr ichis. Le gr ou pe pr ivilégié ainsi cr éé n’était pas à  pr opr ement par ler une no blesse puisque les pr ivilèges concédés étaient seulement personnels : seuls les plus fortunés les conservaient de génér ation en génér ation. À l’élite de ce gr ou pe, le r oi accor da la dignité d’êtr e fait chevalier  et de se lier  par un serment à la puissance royale. Avec ce titr e, l’idéal chevaler esque
 pénétr a en Suède par l’intermédiair e, entr e autr es, des romans courtois tr aduits en suédois au dé but du XIV
e siècle. L’idéologie féodale pénétr a jusqu’en Suède sous le r ègne du fils
de Magnus Ladulås, le r oi Bir ger  Magnusson. Les ducs Er ik et Valdemar , dont l’ E r ik skönik a, une chr onique r imée r édigée autour  des années 1330, fit des modèles de chevaler ie, se soulevèr ent en 1304 contr e leur  f r èr e Birger , pour r éclamer , en l’absence de r ègle de pr imogénitur e, une part du pouvoir . Cette longue lutte qui en- tr aîna, par le biais des r éseaux de solidarité, toute l’aristocr atie, conduisit, en 1310, à la division du r oyaume. Les ducs o btinr ent l’ouest du pays ainsi que Kalmar  et l’U ppland. En décem br e 1317, les ducs, invités par  le r oi à participer  à un banquet dans la forte- r esse de Nyköping, f ur ent arr êtés sur son or dr e. Ils mourur ent de faim au début de l’année suivante. Cet é pisode, connu de tous les Suédois, est r esté célè br e sous le nom de Nyköpings gästabud, le  Banquet  de N  yköping . Leurs partisans se soulevèr ent, chassèr ent le r oi Bir ger  et élur ent, en juillet 1319, Magnus, le fils du duc Er ik  Magnusson et de la duchesse norvégienne Inge bor g. Magnus Eriksson, qui n’avait alors que trois ans, était dé jà roi de Norvège depuis le mois de mai 1319 : ce r oi r égnait alors sur  les terr es les  plus vastes d’Occident, puisque gr âce à l’union personnelle entr e les deux royaumes, son pouvoir s’étendait du sud du Gr oenland aux f r ontièr es de la R ussie. Suite à des mouvements de colonisation qui commencèr ent au XII
e siècle et à des cr oisades or ganisées pour  chr istianiser  les Finnois ou lutter  contr e les R usses orthodoxes, l’actuelle Finlande f ut intégr ée au royaume de Suède et la f rontièr e
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avec la R épu blique de Novgor od f ut fixée, en 1323, par  le tr aité de  Nöte bor g.
La longue r égence f ut l’occasion pour l’aristocr atie de r enf or cer  ses positions politiques, malgr é la concurr ence entr e le Conseil du r oyaume et la mèr e du r oi, la duchesse Inge bor g. Une des toutes  pr emièr es décisions du Conseil du r oyaume (R ik sråd) f ut de gar antir  les pr ivilèges et de définir  avec pr écision les cas dans lesquels le r oi avait le dr oit de lever  les impôts. Dans les pr emièr es années, le Conseil imposa une sér ie de mesur es dont les plus im-
 portantes f ur ent la f ixation de la loi sur l’élection royale et la limi- tation du pouvoir du r oi par un ser ment, que le r oi Magnus Er ik sson dut pr êter  en 1335. Le roi devait jur er  d’aimer Dieu et l’Église et d’o bserver  son dr oit, de r es pecter  la justice et le dr oit du r oyaume, d’êtr e f idèle envers son peuple, de gouverner  avec des Suédois et non avec des étr angers, de ne pas aliéner  les biens de la Cour onne, de maintenir  les f r ontièr es et les r evenus du r oyaume, de ne pas lever d’impôts sans le consentement de la communauté du royaume en dehors des cas pr évus par  la loi, de maintenir  les pr ivilèges des cler cs et des chevaliers et de ne pas intr oduir e de lois étr angèr es. Le der nier  article r a ppelait également que le r oi devait r es pecter  l’edsöre, c’est-à-dir e les ser ments qui gar antissaient la Paix du r oi.
Trois éta pes marquaient l’accession d’un roi au pouvoir : la  pr emièr e était l’élection pr opr ement dite qui avait lieu pr ès de la  pierr e de Mor a, au sud d’U ppsala. Plus encor e qu’un vote, elle se  pr ésentait comme un r ituel destiné à f air e du candidat, unique et déjà désigné, un r oi. Les acteurs pr incipaux de la cér émonie étaient les lagmän, des spécialistes du droit, mem br es de l’aristocr atie, char gés de dir e le dr oit lors des assem blées de la pr ovince dont ils avaient la char ge. Les lagmän devaient, l’un a pr ès l’autr e, nommer  le roi. Cette parole per f ormative constituait l’acte principal de l’élection, mais le roi devait alors prononcer u n serment qui lui
 permettait d’entr er  en possession de son pouvoir. La deuxième éta pe de l’élection était l’erik sgata, voyage du r oi dans les  pr incipales pr ovinces de son r oyaume au cours duquel les lagmän devaient r éitér er sa nomination. Enfin, la tr oisième était le sacr e qui comportait un cour onnement et une onction. Cette loi élective f ut consignée vers le milieu du XIV
e siècle dans la Loi nat ionale ( Land sl a g ), pr emier  code de loi valable dans tout le r oyaume, à l’exce ption des villes, qui r eçur ent au même moment une législation ur  baine s pécifique ( S t ad sl a g ).
Vers 1332, le r oi Magnus Er ik sson atteignit sa ma jor ité. Mais ce ne f ut que quatr e ans plus tar d, a pr ès son mar iage, en 1336, avec
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Blanche de Namur , une descendante de Saint Louis, fille du comte Jean de Namur  et de Marie d’Artois, et son couronnement, qu’il commença à imposer son autor ité. Les dé buts de ce r ègne, pr épar és  par le Conseil pendant plus de dix ans, f ur ent des années de paix en dehors d’un conflit avec le Danemar k au su jet des pr ovinces du sud. En 1332, les deux pr ovinces danoises de Scanie et du Blekinge, qui avaient été données en gage au comte Jean de Holstein, f ur ent r achetées pour 34 000 mar cs (soit huit tonnes) d’argent. Avec la Scanie, le roi prit le contrôle d’une des r égions mar chandes les plus  pr os pèr es de la Baltique, gr âce, entr e autr es, aux mar chés aux  poissons. Mais, le r oi Valdemar  Atter dag, dont le sur nom signifie « r etour  des jours meilleurs », r epr it en main le Danemar k  à partir  de 1340. Il r econnut, e n 1341, la cession de la Scanie et du Blekinge à la Suède et vendit à Magnus Er ik sson les enclaves danoises qui r estaient à l’ouest de l’Ör esund, ainsi que le Sud du Halland. Ce pendant, la volonté du roi d’acquérir  des terr es en Seeland dé boucha sur une guerr e ouverte entr e Magnus Er ik sson, soutenu par  les Holsteinois, et Valdemar  Atter dag, allié aux villes de la Hanse. Le conf lit s’acheva en juillet 1343. Valdemar  acce pta alors un accor d avec la Suède qui stipulait l’abandon par  Magnus Eriksson des terr es situées à l’ouest de l’Ör esund en échange de la r enonciation par  le Danemar k à tout dr oit sur la Scanie, le Blekinge et le Sud du Halland. Magnus pr ofita de cet accor d pour choisir son successeur en f aisant élir e, en décem br e 1344, son fils Er ik. Håk an, le fils cadet du r oi, f ut désigné r oi de Norvège et commença à r égner  dès sa ma jor ité. L’achat des provinces danoises avait lour dement gr evé des finances déjà mises à mal par  les r écompenses qu’il avait fallu distri buer aux partisans du duc Er ik.
Le r oi Magnus voulut lutter  contr e la R épu blique de Novgor od  pour r epr endr e le contr ôle des r outes commer ciales de la Neva : il a ppela à la cr oisade contr e les « païens de l’est », mêlant sans doute sous ce ter me les Car éliens, qui, pr is entr e les quer elles des Églises catholique et orthodoxe, étaient pour  la plu part r estés païens, et les R usses orthodoxes eux-mêmes. Une ex pédition f ut menée en 1347, avec le soutien de l’aristocr atie suédoise, puis un blocus de la R épu blique f ut or ganisé. Tr ès vite, Magnus Eriksson s’opposa aux intér êts commer ciaux de la Hanse. Les difficultés financièr es et l’opposition gr andissante de l’aristocr atie du Conseil o bligèr ent le r oi à abandonner cette cr oisade qui était déjà un échec.
Des temps diff iciles s’annonçaient : le r ef r oidissement du climat et une suite de mauvaises r écoltes avaient aff ai bli la population. Lorsque la Peste noir e (Diger döden, l a g r o sse mort ) toucha la
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Suède à partir  de 1350, elle fit dis par aîtr e envir on un tiers des habitants. De nom br euses fer mes f ur ent abandonnées et le r oyaume tr aversa une gr ave cr ise.
L’économie était stimulée par les mines, dont l’exploitation avait été encour agée par le pouvoir r oyal, ainsi que par de nouveaux déf r ichements vers le nor d et la Finlande. Mais, pour r égler  les
 principales dé penses, le roi avait été o bligé de s’endetter  aupr ès de l’aristocr atie et des pr êteurs de Lü beck. Il en a ppela au pa pe qui lui octr oya, en 1333, la moitié des dîmes suédoises et, en 1351, un pr êt sur tous les r evenus de l’Église en Suède et en Norvège, pr êt si considér able que le r oi ne parvint pas à le r em bourser . Il f ut pour  cette r aison excommunié pour  cinq ans en 1358. Pour  pouvoir  r égler les dettes envers l’aristocr atie, le roi f ut o bligé de lui donner  en gage les biens de la Cour onne. Les effets de cette mise en gage f ur ent désastr eux : pour r ecouvr er  les sommes pr êtées à la Couronne, l’aristocr atie s’a ppropria des terr es pu bliques. Les r evenus r éguliers du r oi f ur ent ainsi considér ablement r éduits. La solution qui s’off rit alors f ut l’augmentation des impôts et la cr éation de taxes su pplémentair es pesant avant tout sur  la paysan- ner ie, ce qui était tr ès impopulair e.
En 1353, alors que la situation extér ieur e était inquiétante, le r oi choisit de r ompr e avec le Conseil en imposant son f avor i Bengt Algotsson, gr and ar istocr ate suédois mais mem br e d’une famille sans r es ponsabilité au Conseil. Bengt, dont la carr ièr e f ut exceptionnellement r a pide, f ut nommé duc de Finlande, au mépr is de la tr adition qui r éservait ce titr e aux fils de r oi. Il devint le bouc émissair e de l’aristocr atie, qui demanda son r envoi. Face au r ef us du roi, l’aristocr atie, soutenue par  la ma jor ité des évêques et conduite par  le fils du r oi, Er ik, se r évolta contr e Magnus Er ik sson de 1356 à 1359. Elle o btint l’exil de Bengt Algotsson et la division du royaume entr e Magnus et Erik. Magnus Eriksson s’allia avec le r oi danois Valdemar  Atter dag, mais la mort de son fils Er ik  vint mettr e f in au conf lit. En 1359, Magnus r écupér a l’intégr alité de son  pouvoir . Son r ègne s’acheva ce pendant dans le chaos a pr ès la conquête par  Valdemar  de la Scanie, du Blekinge et du Sud du Halland en 1360,