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FRANÇOIS SIROIS Parcours de la musique classique Pour le plaisir de l’écoute Extrait de la publication

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Après son Parcours de la musique baroque publié en 1995, François Sirois convie les mélomanes à traverser en sa compagnie une autre période effervescente de l’histoire de la musique. À l’époque des Lumières, avec le déclin des monarchies et l’avènement de la bourgeoisie, la musique et le statut social du musicien évoluent. Vienne devient le nouveau foyer des arts et de la culture, là où convergent les influences musicales du nord de l’Europe et de l’Italie. Les salles de concert se multiplient, les musiciens amateurs achètent des partitions tandis que le piano devient leur instrument de prédilection.

À leur manière, les grands maîtres viennois adaptent leur musique à ces changements sociaux. Joseph Haydn, l’artisan autodidacte, père du quatuor à cordes, compose une musique d’une grande originalité, accessible pour l’auditeur, inventive et empreinte de naturel avec l’intégration subtile de thèmes folkloriques ou populaires. Le génie du style classique triomphe dans l’œuvre de Mozart – le maître de l’opéra, le virtuose du piano –, dont la musique synthétise la simplicité formelle et la perfection mélodique. Après la défaitede Napoléon, Beethoven devient l’emblème de la société viennoise, son destin tragique en fait un héros mythique, alors que l’ampleur de son œuvre chevauche déjà le style romantique.

Avec l’acuité du regard et la finesse de l’oreille, François Sirois retrace les origines, discerne les influences, suit l’évolution des formes et des styles, traduit pour l’auditeur l’émotion que suscite une sonate, un concerto ou une symphonie, nuance les jugements péremptoires des critiques, cite les biographes ou les musico-logues, en plus de suggérer des interprétations mémorables. Voici le livre d’un amateur éclairé, qui a beaucoup lu, qui possède une connaissance approfondie et amoureuse de la musique classique, et qui sait communiquer sa passion. Pour parfaire le plaisir de l’écoute, Parcours de la musique classique est un complément idéal.

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FRANÇOIS SIROIS

Parcours de lamusique classique

Pour le plaisir de l’écoute

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PARCOURS DE LA MUSIQUE CLASSIQUE

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Du même auteur :

Les névroses, Le Griffon d’argile, 1991.Parcours de la musique baroque, Le Griffon d’argile, 1995.Le rêve, objet énigmatique, Presses de l’Université Laval, 2004.Le jaune et le bleu, récit, L’ardoise, 2008.

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FRANÇOIS SIROIS

Parcours de la musique classique

Pour le plaisir de l’écoute

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Maquette de la couverture : Anne-Marie JacquesPhotocomposition : CompoMagny enr.

Distribution pour le Québec : Diffusion Dimedia539, boulevard LebeauMontréal (Québec) H4N 1S2

Distribution pour la France : DNM – Distribution du Nouveau Monde

© Les éditions de L’instant même, 2008

L’instant même865, avenue MonctonQuébec (Québec) G1S [email protected]

Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2008

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Sirois, François,

Parcours de la musique classique : pour le plaisir de l’écoute

Comprend des réf. bibliogr.

ISBN 978-2-89502-259-6

1. Musique – 18e siècle – Histoire et critique. 2. Musique – 19e siècle – Histoire et critique. 3. Beethoven, Ludwig van, 1770-1827. 4. Haydn, Joseph, 1732-1809.5. Mozart, Wolfgang Amadeus, 1756-1791. I. Titre.

ML195.S622 2008 780.9’033 C2008-942354-2

L’instant même remercie le Conseil des Arts du Canada, le gouvernement du Canada (Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition), le gouvernement du Québec (Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC), et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec.

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Avant-propos

Ce volume fait suite au Parcours de la musique baroque publié en 1995. Il est dans le même esprit. Destiné au mélomane profane, ce bref survol cherche à cerner ce qui, dans la musique classique au sens restreint, exerce un attrait sur le grand public.

Seuls les grands maîtres viennois de la haute période (1750-1820) sont ici examinés : Haydn, Mozart et Beethoven, l’après-Beethoven étant considéré comme le début de la période romantique. L’ouvrage contient un court résumé de la biographie de chacun des trois compositeurs suivi d’une présentation succincte de l’ensemble de l’œuvre. Peu d’indications discographiques y sont jointes. Philips a déjà publié une édition complète des œuvres de Mozart et Deutsche Grammophon, une édition analogue des œuvres de Beethoven ; la plupart des recensions suivent ces références. La discographie de Haydn reste éclatée : Naxos a gravé l’intégrale des quatuors et des sonates ; London, l’intégrale des symphonies et des messes ; Philips, les opéras ; la musique de chambre est répartie entre diverses étiquettes.

On ne trouvera ici aucune analyse objective de la structure musicale des œuvres. La collection « Les indispensables de la musique » chez Fayard comprend les guides à cet effet pour les divers genres musicaux. Cet ouvrage contient à la fois des éléments d’information et quelques éléments subjectifs sur l’appréciation des œuvres et leur place dans le parcours artistique du compositeur ou le courant de la vie musicale. Il vise à procurer à l’amateur profane une voie d’entrée dans l’univers de la musique classique en lui épargnant le recours laborieux à de trop nombreuses sources.

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Parcours de la musique classique

Une double intention guide cet ouvrage : d’abord, informer succinctement sur l’histoire de la musique, des compositeurs et des œuvres en liant si possible ces trois aspects et en couvrant l’ensemble du corpus ; ensuite, communiquer le goût de cette musique par des commentaires libres sur les compositeurs et certaines de leurs œuvres. C’est un point de vue profane où s’imbriquent à la fois des éléments objectifs et subjectifs. Pour l’amour de la musique, on pardonnera à l’auteur les inexactitudes ou les erreurs que l’œil expert pourra y déceler, sachant qu’il ne cherche qu’à faire partager une passion pour un art accessible au plus grand nombre sans prétendre qu’il faille tout connaître pour l’apprécier. Destiné au public des salles de concert ou à l’amateur discophile, l’ouvrage vise à faire connaître plus intimement la vie et l’œuvre de trois grands compositeurs à partir d’un point de vue non technique, du point de vue de l’amateur plutôt que de celui du musicien ou du connaisseur. Ce volume espère être un outil permettant la fréquentation lente et prolongée de Mozart, Haydn et Beethoven.

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La notion de musique classique

La musique classique est entendue ici dans son sens restreint, comme le haut point de l’art musical, donc distinct à la fois de la musique dite baroque et de la musique dite romantique. La première va de Monteverdi (1576-1643) jusqu’à la mort de Bach en 1750, la seconde débute avec Schubert (1797-1828) et se termine à l’orée du XXe siècle. La grande période de la musique classique couvre les années 1750 à 1830 environ. Elle est représentée par trois grands maîtres, Haydn, Mozart et Beethoven, dans l’ombre de qui quelques musiciens d’importance sont souvent appelés petits maîtres : Hummel, Clementi, Cherubini, Hoffmeister, Boccherini et d’autres.

La notion de classique implique donc ainsi l’idée d’un « standard » d’excellence de ce qui porte au plus haut point les qualités de cette musique, comme on a pu dire que Palestrina est le « classique » de la musique religieuse de la Renaissance ou J. S. Bach, le « classique » de la musique religieuse protestante. Telle qu’elle est employée ici, la notion de musique classique définira plutôt un style que nous essaierons de cerner dans certaines de ses caractéristiques propres, souvent par opposition à la musique qui la précède et à la musique qui la suit.

Pour comparer brièvement les grandes périodes de la musique occidentale, on peut opposer schématiquement les principaux temps de ce développement musical : la Renaissance, le baroque, la période classique, la période romantique. Le foyer de la musique de la Renaissance se situe dans les Flandres entre 1450 et 1600. Son instrument type est le luth. Essentiellement musique d’église, elle sert surtout la

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piété, et la musique vocale prédomine sur la musique instrumentale. La musique profane se traduit par la chanson et le madrigal. Elle est construite sur la polyphonie, mais se libère des influences de la musique médiévale en transformant le rapport de la sonorité au texte. Les grands maîtres flamands sont en contact avec Venise, la grande république, et son empire colonial méditerranéen ; Adriaan Willaert devient maître de chapelle à Saint-Marc en 1527 jusqu’à sa mort en 1562. Les danses, de plus en plus stylisées, façonnent la musique instrumentale. L’ascendant exercé par la position politique et commerciale de Venise, le prestige de la Florence des Médicis et l’importance de la papauté à Rome vont faire de l’Italie le centre de la musique baroque entre 1600 et 1750. Le violon devient son instrument type, tandis que la cour et la noblesse constituent son public. La musique ne servira plus la piété mais la passion. Sous sa forme religieuse, le motet prédomine sur la messe, et sous sa forme profane, l’opéra prend un essor irrésistible. En 1637 s’ouvre à Venise le premier opéra public, le théâtre San Cassiano ; bientôt la ville en comptera dix-sept pour cent quarante mille habitants : c’est le divertissement mondain par excellence. Le genre va proliférer et envahir la vie culturelle de la société, italienne d’abord, européenne ensuite. Auparavant, les fêtes publiques et l’église fournissaient au peuple l’occasion d’un contact avec la musique. À la période baroque, le théâtre public devient le temple de la musique et un lieu de rencontre sociale profane, en dehors des rassemblements d’ordre religieux et politique. De nouvelles formes comme la cantate, la sonate en trio et le concerto vont se développer. Malgré l’essor de la musique instrumentale, la musique vocale demeure au premier plan. La musique est soumise au rythme (on pense à l’ostinato) et la mélodie reste souvent tributaire de l’harmonie. Bach en représentera la synthèse magistrale en menant l’héritage de la polyphonie franco-flamande à son sommet.

La mort de Bach en 1750 marque le passage vers la haute période classique, qui se situe entre 1750 et 1815. Le centre de gravité se déplace vers Vienne où se produisent trois grands musiciens classiques : Haydn, Mozart et Beethoven. Le violon cède la place au piano et la noblesse, à la bourgeoisie. La musique, après avoir servi la piété à la Renaissance, la passion à la période baroque, se met au service du divertissement bourgeois. La messe revient en force dans la musique religieuse et l’opéra poursuit sa formidable progression. L’opéra restera

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le grand divertissement populaire jusqu’à l’arrivée du cinéma, qui le détrônera en faisant de lui un passe-temps de dilettante. Par la suite, entre 1815 et le tournant du XXe siècle, la musique romantique domine, recherchant cette fois la virtuosité. D’abord au service des princes, l’artiste devient le protégé de mécènes privés, puis acquiert le statut de vedette indépendante. La mélodie devient plus importante que le rythme dans la domination progressive de la musique instrumentale sur la musique vocale, spécialement avec le développement de la salle de concert et de l’orchestre, qui donnent naissance à la grande période de la musique symphonique. Si la musique avait initialement une fonction utilitaire, liée à la religion ou au pouvoir politique, elle s’en détache peu à peu pour faire partie de la vie sociale et mondaine.

Pour mieux saisir ces différentes étapes, il faut au préalable tracer une esquisse de l’époque dans ses aspects tant historiques que politiques et sociaux afin de voir comment la conjoncture a pu favoriser l’éclosion du courant classique à ce moment et dans ce lieu précis qu’est l’Autriche de la fin du XVIIIe siècle.

L’époque

Alors que la musique baroque prend naissance à Venise, c’est à Vienne que se situe le foyer de la musique classique. Ce déplacement ne s’est pas fait de façon instantanée. C’est en Autriche que fusionnèrent les influences musicales du nord de l’Europe avec celles de l’Italie. Dans chaque cas, l’efflorescence musicale survient au moment du déclin de la suprématie politique tant de Venise que de Vienne, dans cette phase de lente retombée qui voit surgir la fine fleur des éléments culturels. Voyons d’abord le contexte politique et historique avant de nous pencher sur la mutation sociale de la musique et du statut du musicien.

L’empire autrichien des Habsbourg est l’héritier du Saint Empire romain germanique depuis le couronnement de Rodolphe Ier en 1273 à Aachen. Vienne n’est alors que la marche de l’Est (Ostmark devenu Ostreich) aux mains du roi de Bohême, Ottokar. Rodolphe bat le roi de Bohême en 1278 et confirme la suprématie des Habsbourg sur l’Europe centrale, dont témoignent la fondation de l’Université de Vienne en 1365 et l’érection de la cathédrale. Pendant six cent quarante ans, les Habsbourg vont régner sur l’Autriche. Durant la première

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période, l’Autriche doit se défendre contre la progression des Turcs, qui prennent possession de la Hongrie en 1526 à la bataille de Mohács, jusqu’au dernier siège de Vienne en 1683 – celui qui marque l’arrivée du café à Vienne, lorsque les Turcs laissent leur provision dans la retraite, et l’invention du « croissant » par les boulangeries viennoises pour souligner l’éloignement du péril ottoman. Par la suite, l’Autriche doit se défendre contre les Français jusqu’à la défaite de Napoléon en 1812. La guerre de Trente Ans (1618-1648), qui a démarré en guerre de religion entre les protestants du Nord et les catholiques du Sud, se termine par une lutte pour l’hégémonie de l’Europe entre la France des Bourbons et l’Autriche des Habsbourg.

Après la guerre de Trente Ans, l’Autriche connaît le règne des quatre empereurs baroques : Ferdinand III (1637-1657) ; Léopold Ier (1658-1705) ; Joseph Ier (1705-1711) ; Charles VI (1711-1740). Ils sont tous quatre des musiciens accomplis, et Léopold Ier est aussi compositeur. Durant ces règnes débute la construction du palais de Schönbrunn et se termine celle du Belvédère et de la Karlskirche. À défaut de descendance mâle, Charles VI fait adopter la Pragmatique Sanction (1713), qui permet l’accession au trône de l’impératrice Marie-Thérèse (1740-1780). Le traité d’Aachen, qui met fin à la guerre de succession d’Autriche, confirme le règne de l’impératrice viennoise. Le prestige de Vienne s’accroît considérablement durant cette période. La ville devient un foyer des arts et de la vie culturelle pour toute l’Europe de l’Est. À la mort de Marie-Thérèse s’amorce le lent déclin politique de l’empire des Habsbourg. Mais pour l’heure, la musique classique règne et s’épanouit.

Durant ce temps, la Prusse prend de l’expansion en Europe centrale, et la monarchie autrichienne étend son emprise vers le sud, dans les Balkans, avec le recul des Ottomans, d’une part, et vers l’Italie avec le déclin de la Sérénissime République, d’autre part, extensions déjà esquissées avec la paix de Passarowitz en 1718. Au temps des guerres napoléoniennes, l’Autriche est maîtresse du nord de l’Italie avec la dissolution de la république de Venise par Napoléon en 1797. L’Autriche rassemble ainsi une mosaïque de peuples dans son giron. Elle est de religion catholique comme l’Italie. Elle acquiert suffisamment de prestige politique pour accueillir en 1815 le Congrès de Vienne, qui dessinera la carte de l’Europe de l’après-Napoléon. L’Autriche récupère alors la principauté sécularisée de Salzbourg

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qui s’étend dans le Tyrol du Sud. Après le règne de Marie-Thérèse s’amorce, de 1780 à 1918, le lent déclin de l’empire des Habsbourg. C’est au début de ce déclin politique, peu après son apogée, que s’épanouit la musique classique, entre 1750 et 1830.

Vienne et l’Autriche sont catholiques, en contact étroit avec l’Italie et sa musique. Des maîtres italiens envahissent Vienne à la faveur de l’engouement pour l’opéra italien, qui fait loi dans la plus grande partie de l’Europe. Vivaldi viendra mourir à Vienne en 1741, et il n’est pas improbable que Haydn, alors à la maîtrise de Saint-Étienne, ait chanté à ses funérailles. Vienne et l’Autriche sont germanophones, en étroit contact avec la Prusse, la Saxe et les principautés du Rhin. La musique de Mannheim et celle du nord de l’Allemagne, celle des fils de Bach, entre autres, ont cours à Vienne. Vienne et l’Autriche aiment la musique et les spectacles ; les musiques populaires régionales (tsigane, hongroise, bohémienne, slovaque, serbe, tyrolienne et bavaroise) s’y rencontrent. Le Prater est ouvert en 1766, le Burgtheatre, en 1776. Marie-Thérèse a entendu Haydn à la maîtrise de Saint-Étienne et Mozart au clavier de Schönbrunn.

Dans ce creuset politique et social qu’est devenue Vienne, la notion des « goûts réunis » (Vermischter Geschmak) déjà répandue dans l’univers musical allemand va prendre toute sa signification et favoriser le développement d’un langage musical universel à partir de divers foyers nationaux. Le flûtiste Quantz a le premier exposé cette pensée en 1752, pour discuter des styles nationaux qui parcourent la musique. La musique italienne est tenue pour expressive, chantante, sensuelle, mélodique et inspirée ; la musique française, estimée pour sa vivacité, les qualités de son rythme, sa nature plaisante quoique un peu sèche ; la musique allemande, prisée pour l’art de la composition et l’architecture des œuvres. Quantz ajoute que les Allemands ont cette habileté particulière d’assimiler les goûts des autres styles nationaux, et que le goût allemand est celui des goûts réunis. On sait comment Telemann d’abord, Mozart ensuite (7 février 1778) ont fait montre de leur habileté à composer dans tous les styles. Une illustration éclatante chez Mozart en est celle de sa musique religieuse (réf. : Édition Philips, Complete Mozart Edition, vol. 20, disque 5). Ce caractère germanique prend tout son élan à la faveur de l’épanouissement du creuset viennois pour réaliser le développement d’un langage musical universel qui va durer près de deux siècles.

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L’évolution sociale de la musique et du musicien

Le style de la musique classique s’épanouit dans une période de remous politiques et de profonde mutation sociale : la fin de l’Ancien Régime et l’avènement de la classe bourgeoise moyenne. Les changements politiques découlent de la Révolution française ; le ferment d’idées est déjà dans le livret du Mariage de Figaro sans avoir d’impact immédiat à Vienne avant le tumulte des guerres napoléoniennes ; les armées françaises occupent Vienne en 1805 et 1809. Quant à l’avènement de la bourgeoisie, il entraînera une profonde mutation sociale de la musique et du statut des musiciens.

On constate d’abord que la musique prend une place nouvelle dans la société. À la Renaissance, la musique était d’abord un art monarchique et religieux, ancré dans une fonction utilitaire, au service de la piété et du pouvoir. À la période baroque, elle entre dans les salons de la noblesse, revêtant un caractère social et mondain. Les mécènes tiennent désormais des ensembles de musiciens dans leur domesticité. Au-delà du service du prince et de l’évêque, le concert privé est monopolisé, par exemple, par les grands prélats à Rome, les aristocrates à Londres. L’opéra de cour (opera seria) présentait des sujets héroïques ou mythologiques pour rehausser le prestige du prince ; il est peu à peu détrôné par l’opéra comique destiné à un public de nobles d’abord, à un public bourgeois surtout par la suite. Entre 1700 et 1750, après l’ouverture des premiers établissements au milieu du XVIIe siècle, les théâtres publics et les salles de concert se multiplient, tout comme les sociétés culturelles vouées à la promotion de l’activité musicale, tel le Concert Spirituel à Paris, en 1725. La multiplication des spectacles entraîne l’éclosion des premiers artistes européens itinérants, les prime donne et les primi uomi, qui sillonnent les capitales d’Europe.

Il s’ensuit une évolution du statut de l’artiste. Auparavant, il était titulaire d’une charge ou d’un office auprès d’un prince ou d’une collectivité, comme Bach à Leipzig et Haydn à Esterháza. Il deviendra soit à demi indépendant sous la protection d’un mécène, comme Beethoven, soit artiste libre pigiste, comme Mozart à Vienne, après sa rupture avec son employeur de Salzbourg. La musique était propriété privée du prince qui employait le musicien, et, de ce fait, peu diffusée ; elle n’était souvent jouée qu’une fois pour une occasion spéciale ou

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une fête. Elle sera désormais de plus en plus commercialisée par le passage de la copie privée à l’édition publique. Ce développement est rendu possible grâce à la demande des instrumentistes amateurs de plus en plus nombreux dans les maisons bourgeoises, où l’on fait de la musique en famille ou entre amis. Le piano devient ainsi l’instrument principal des foyers. Ce passage du musicien d’une économie non monétaire (la domesticité) à une économie monétaire (l’artiste indépendant) engendrera la formation de sociétés d’entraide, comme la Tonkünstler-Societät (Société des Artistes Musiciens), fondée à Vienne en 1771 pour soutenir les veuves et les orphelins de musiciens et pour laquelle Haydn compose son premier oratorio, Le retour de Tobie. D’autres musiciens forment des sociétés de concert qui jouent le rôle d’impresario pour soutenir leurs propres productions, comme les Concerts Bach-Abel à Londres.

Au moment où le concert devient public, la position de la musique dans la société se modifie. Auparavant, la musique remplissait une fonction sociale, pour nourrir la piété à l’église ou soutenir l’apparat des princes en agrémentant leurs repas ou leurs soirées. Le concert était donc surtout privé. Le concert public est instauré par la bourgeoisie, qui n’a pas la prétention d’avoir des musiciens à sa charge ; il devient un lieu d’échange social, outre sa fonction de divertissement. À Vienne, il coexiste un certain temps avec le concert privé des aristocrates. La salle de concert engendre la symphonie. Le Concert Spirituel, fondé à Paris par Philidor en 1725, devient l’une des plus célèbres institutions de diffusion de la musique, spirituelle d’abord, profane ensuite à partir de 1750 jusqu’à la Révolution. Dans son sillage, d’autres institutions sont créées, comme le Concert de la Loge Olympique, qui commandera des symphonies à Haydn. Le concert public connaît une importante expansion en Angleterre bien avant qu’il s’établisse fermement à Vienne, et crée ainsi une augmentation de la demande en dehors des sphères strictement locales. Le phénomène se manifeste d’abord dans le domaine de l’opéra où les solistes et virtuoses de la voix sillonnent l’Europe de Naples à Londres, de Lisbonne à Saint-Pétersbourg, puis touche les musiciens eux-mêmes, à tout le moins leur musique.

Ces transformations entraînent l’émergence de la critique musicale dans le but de joindre et d’informer une classe de gens éduqués de plus en plus importante. En 1713, à Hambourg, Mattheson publie son périodique, Le Raisonneur, qui sert aussi à véhiculer l’idéologie

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des Lumières et à diffuser diverses questions d’esthétique. La musique devient ainsi un média autonome au-delà de ses fonctions d’ornement social ou d’instrument du culte. Déjà, du temps de Bach, les concerts d’orgue se sont détachés de leur contexte liturgique. Les partitions ne circulent plus uniquement dans les châteaux et les abbayes.

Cette dilatation de l’univers social de la musique et son passage de l’esthétique baroque à l’esthétique classique occasionnent divers phénomènes : d’abord, une sorte d’affaissement temporaire de la qualité de la musique pour satisfaire la demande croissante de divertissements ; ensuite, un piratage extensif des œuvres par fausses attributions, caviardage des partitions, transcriptions de tous ordres, en l’absence d’un système de droits d’auteur et avant l’établissement de la valeur commerciale des œuvres. Les artistes ont d’abord eu de la difficulté à tirer des revenus de l’édition de leurs œuvres et se sont repliés sur les concerts-bénéfice ou « académies ». Instinctivement, les compositeurs semblent avoir réagi en dressant des catalogues de leurs œuvres, comme l’ont fait Haydn et Mozart.

Le style classique

À la mort de Bach, en 1750, sous l’influence des courants sociaux que nous venons d’esquisser, la musique a déjà commencé à changer, dans sa structure, dans ses formes, dans ses fonctions. Bach a mené au sommet les formes polyphoniques de la musique mises en place depuis la Renaissance et l’école franco-flamande. La mutation sociale pousse la musique vers une simplification de l’écriture et favorise la primauté de la mélodie. À partir de 1750, une période de transition prépare l’apogée du style classique, de 1780 à 1825, où se situe la production de la haute maturité de Mozart et de Haydn ainsi que celle de Beethoven. On assiste à l’épanouissement de la musique galante, du Sturm und Drang musical, de la musique de la sensibilité. Les fils de Bach illustrent toutes ces tendances. L’Empfindsamkeit de Carl Philipp Emanuel Bach (la musique de la sensibilité) influence Haydn et Mozart par ses sonates pour clavier. Jean-Chrétien Bach, le seul des fils du cantor à avoir fait le voyage d’Italie, vient s’installer à Londres où il reçoit le jeune Mozart en 1764. Sa musique galante, élégante, sensuelle et enjouée avec ses allegros chantants a beaucoup d’impact sur l’enfant. L’aphorisme qui lui est attribué exprime bien sa différence

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Introduction

avec son aîné : « Mon frère Carl Philipp Emanuel vit pour composer, moi je compose pour vivre. » Wilhelm Friedemann Bach, quoique continuant la tradition baroque, créé des œuvres plus tourmentées, quasi romantiques, près du Sturm und Drang, ce mouvement littéraire allemand de la sensibilité et de l’émotion, qui influence Haydn autour des années 1770. L’art de Haydn, de Mozart et de Beethoven consistera à décanter ces divers courants et ces formes passagères pour densifier progressivement l’écriture musicale et l’élever au-delà d’une simple musique décorative.

Il n’est pas simple de déterminer rapidement ce qui caractérise la structure musicale du style classique. Pour en faire ressortir les principaux aspects, opposons-la de façon schématique, dans son caractère et dans sa structure, aux formes qui la précèdent et qui la suivent, soit la musique baroque et la musique romantique. On pourrait attribuer à la musique classique la densité, à la musique baroque, la régularité, et à la musique romantique, l’expressivité. Ce ne sont évidemment pas des traits mutuellement exclusifs, quand on connaît la densité et l’expressivité de la musique de Bach. La musique classique est concise, construite et symbolique ; concise dans l’économiedu rapport entre ses éléments constituants, spécialement le rapport durythme et de la mélodie ; construite en raison de sa périodicité, de l’importance de la forme sonate et de sa tension harmonique ; symbolique dans le sens que son effet est le produit de sa forme. Par opposition un peu grossière, on pourrait dire que la musique baroque sera plus facilement représentative, imitative et « fonctionnelle » ; quant à la musique romantique, on pourra la qualifier de musique du coloris, de la virtuosité et du « démonique ». Dans la musique classique, le rythme et la mélodie sont traités en parts égales, alors que le rythme prime la mélodie dans la musique baroque, et que la mélodie prime le rythme dans la musique romantique. Ainsi, la musique classique réalisera l’intégration de thèmes folkloriques de danses et de chansons, ce qu’amorcera à peine la musique baroque et que fera très peu la musique romantique.

L’organisation interne de la musique classique se différencie de celle qui la précède par différents éléments. Le premier aspect concerne le traitement du rythme. Au rythme continu de la musique baroque, dont la basse obstinée est l’exemple le plus représentatif, succède un rythme différencié et périodique. Les danses étaient extrêmement

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Parcours de la musique classique

stylisées à la période baroque dans l’organisation de la suite. Même si elles sont délaissées dans la période de transition vers le style classique, elles sont par la suite reprises et retravaillées. C’est par l’élaboration d’une périodicité à huit mesures qu’on a pu en raffiner l’expression. La musique romantique va pousser l’exploitation des motifs rythmiques au point d’en faire une signature individuelle de l’œuvre, et non plus un élément de composition. Le motif rythmique passera ainsi de l’alphabet à la griffe ; par exemple, la Cinquième Symphonie de Beethoven est tellement signée par son motif qu’il devient en fin de compte non réutilisable dans une autre œuvre, qui risquerait alors de passer pour une imitation. Entre le rythme uniforme du baroque et le rythme individualisé du romantisme, la musique classique exploite des cellules rythmiques en leur gardant une certaine polyvalence au service de l’inspiration du compositeur. Mozart en est un maître insurpassé. Beethoven se situe à mi-chemin entre les styles classique et romantique ; ses sonates exploitent des motifs rythmiques de façon classique, ses symphonies, de façon romantique.

Un deuxième aspect concerne l’harmonie. L’harmonie se rapporte à l’aspect vertical de la musique : la production des accords ou de notes simultanées de différents niveaux, les intervalles. Le Clavier bien tempéré de Bach avait cartographié les possibilités tonales. Bach produisait dans sa musique des harmonies complexes, qui se sont simplifiées dans la musique de transition vers le style classique pour se densifier à nouveau avec Haydn et Mozart. Les contrastes et les modulations deviennent plus élaborés. Les changements et les oppositions de tonalité permettent dès lors de provoquer des tensions harmoniques résolues par le déroulement de l’œuvre. Mozart pousse l’utilisation des dissonances non pas simplement comme Haydn pour créer des effets de surprise mais pour créer des effets d’expressivité plus raffinée. Par contraste, la musique baroque utilise souvent la même tonalité, surtout majeure, ou effectue de simples glissements de l’une à l’autre par proximité. Les musiciens romantiques en seront réduits à exploiter quelques possibilités peu utilisées par les grands classiques, et, pour l’essentiel, s’appuieront sur le même cadastre harmonique, surtout à des fins de coloris musical. Dans la musique classique, la combinaison d’un rythme différencié avec des contrastes de tonalité à l’intérieur de structures périodiques apportera densité et tension dans l’expression musicale, qui ne découlera pas d’une simple

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Introduction

recherche d’expressivité ni d’une imitation sonore ou affective, mais de la structure même de l’œuvre.

Un troisième aspect concerne le traitement de la mélodie et du thème musical. C’est l’aspect essentiel, l’âme de la musique classique. La musique polyphonique est moins préoccupée de mélodie que de l’agencement des voix. La mélodie baroque reste ainsi contrainte et traitée plus en écho qu’en développement, bien que Bach et Haendel aient été de grands mélodistes, spécialement dans leurs cantates. C’est l’opéra italien qui prépare d’abord l’essor de la mélodie, ensuite vient le désir de simplifier la musique et de la rendre accessible, notamment en la rendant perméable au courant folklorique. Ce premier mouvement donnera à la période du début du style classique (1740-1770) des mélodies assez simples, maniérées, à la fois brèves et stéréotypées, telles que nous en a donné la musique galante de caractère superficiel, décoratif et répétitif. À partir de cette base, Haydn et Mozart réalisent la construction mélodique : le mouvement d’une œuvre va se fonder sur un thème, c’est-à-dire un agencement de motifs rythmico-mélodiques, qui sera développé, fragmenté, déplacé, repris, combiné pour donner à l’œuvre sa pulsation, son énergie, son expressivité. Haydn, le premier, ouvre la voie du développement thématique, procédé poussé à son plus haut niveau par Beethoven ; quant à Mozart, il aime lier et contraster les thèmes. Comme l’ensemble de ce travail se délimite à l’intérieur d’un processus périodique, l’équilibre, l’unité et la concision restent présents et perceptibles dans le mouvement. L’art consiste à garder le thème à la fois reconnaissable et métamorphosé, à le relier entre les différents mouvements de l’œuvre, contrairement à la musique baroque, où le thème reste inchangé. Beethoven et Haydn manient souvent des thèmes fort simples, comme celui de la vingt-huitième sonate, par exemple ; Mozart s’avance dans la richesse mélodique. Faire beaucoup avec peu est la marque du style classique, et peut servir de reflet à la fluidité de la psyché et du sentiment.

En maniant ces trois éléments, l’harmonie, le rythme et la mélodie, d’une nouvelle façon, Haydn, Mozart et Beethoven ont établi l’équivalent d’un nouveau contrepoint par opposition au contrepoint « classique » de l’époque baroque, illustré dans la fugue, où les différentes voix suivent des chemins différents et entrecroisés, comme dans le canon Frère Jacques. Dans la musique classique, le contrepoint s’exprime dans l’interchangeabilité des voix. Citons

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in extenso l’exemple donné par les Massin (1985, p. 565) à propos des quatuors à cordes opus 33 de Haydn, annoncés comme « écrits d’une façon tout à fait nouvelle et spéciale » : « On a souvent, mais à tort, réduit cette annonce à une formule commerciale habile. En fait, comme l’a montré Charles Rosen, les premières mesures du quatuor opus 33 no1 sont un véritable manifeste. On y entend deux tonalités, ré majeur et si mineur, lutter l’une contre l’autre, sans qu’on sache tout de suite laquelle est la principale (tonique) du morceau (ce sera le si mineur). À la mesure 3, la mélodie est confiée au violoncelle, les autres instruments, en particulier le premier violon, se limitant à un petit motif d’accompagnement. À la mesure 4, sans quitter pour autant le premier violon, ce motif est devenu voix mélodique principale, le violoncelle étant passé de son côté, sans changer lui non plus de matériau thématique, à un rôle subordonné d’accompagnement. Il est difficile de dire à quel endroit exactement l’inversion a eu lieu, car les mesures 3 et 4, unifiées par un crescendo, forment un tout. Il reste que le premier violon commence la mesure 3 comme accompagnement et termine la mesure 4 comme voix mélodique principale, et que pour le violoncelle c’est l’inverse. Ces deux exemples ne sont autres que l’invention de l’harmonie (tonalités mises en conflit) et du contrepoint (changement de fonction perpétuel des différentes voix) classique. »

Non seulement la structure de la musique change-t-elle avec l’avènement du style classique, mais les formes des œuvres se modifient, certaines deviennent désuètes, de nouvelles apparaissent. Avec le développement de la symphonie, l’ouverture orchestrale et la suite apparaissent rapidement caduques, et, dans leur sillage, le mouvement stylisé des danses (allemandes, courantes, sarabandes, gigues) ; seul le menuet subsiste quelque temps avant de se transformer en scherzo puis laisser place à la valse. Le concerto grosso se transforme en symphonie concertante pour quelques instruments solistes, et la sonate en trio se perpétue de façon dénaturée dans les premières sonates pour clavier avec instrument obligé (flûte ou violon). Le concerto pour instrument soliste continue à prendre de l’expansion, sauf le concerto pour orgue qui disparaît. Le concerto pour piano prend la place prépondérante dans la foulée de l’hégémonie de l’instrument ; les concertos pour instruments à cordes décroissent (les concertos pour violoncelle deviennent quasi inexistants), et ceux pour instruments à vent demeurent épisodiques. Les divertimentos sont transformés peu

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Après son Parcours de la musique baroque publié en 1995, François Sirois convie les mélomanes à traverser en sa compagnie une autre période effervescente de l’histoire de la musique. À l’époque des Lumières, avec le déclin des monarchies et l’avènement de la bourgeoisie, la musique et le statut social du musicien évoluent. Vienne devient le nouveau foyer des arts et de la culture, là où convergent les influences musicales du nord de l’Europe et de l’Italie. Les salles de concert se multiplient, les musiciens amateurs achètent des partitions tandis que le piano devient leur instrument de prédilection.

À leur manière, les grands maîtres viennois adaptent leur musique à ces changements sociaux. Joseph Haydn, l’artisan autodidacte, père du quatuor à cordes, compose une musique d’une grande originalité, accessible pour l’auditeur, inventive et empreinte de naturel avec l’intégration subtile de thèmes folkloriques ou populaires. Le génie du style classique triomphe dans l’œuvre de Mozart – le maître de l’opéra, le virtuose du piano –, dont la musique synthétise la simplicité formelle et la perfection mélodique. Après la défaitede Napoléon, Beethoven devient l’emblème de la société viennoise, son destin tragique en fait un héros mythique, alors que l’ampleur de son œuvre chevauche déjà le style romantique.

Avec l’acuité du regard et la finesse de l’oreille, François Sirois retrace les origines, discerne les influences, suit l’évolution des formes et des styles, traduit pour l’auditeur l’émotion que suscite une sonate, un concerto ou une symphonie, nuance les jugements péremptoires des critiques, cite les biographes ou les musico-logues, en plus de suggérer des interprétations mémorables. Voici le livre d’un amateur éclairé, qui a beaucoup lu, qui possède une connaissance approfondie et amoureuse de la musique classique, et qui sait communiquer sa passion. Pour parfaire le plaisir de l’écoute, Parcours de la musique classique est un complément idéal.

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FRANÇOIS SIROIS

Parcours de lamusique classique

Pour le plaisir de l’écoute

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