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    Qu'est-ce que le racisme ? Sommes-nous certains que,parlant de racis-me, nous entendions tous la mme

    chose ? Je ne le crois pas. Il subsiste,du moinsen Italie (2), une norme difficult leprendre en compte sous tous ses aspects:levoir tel qu'il est aujourd'hui, voir ses racinesdans le pass.Il parat chapper toute prisede conscience et provoque un phnomnetrs particulier,qui tient la fois de l'amnsie,du dni et de la banalisation.Lorsque se produisent des faits de racisme,ycompris graves,y compris mortels, la premi-

    re raction est de dire "Non, il ne s'agit pas deracisme" et d'chafauder les explications lesplus diverses pour nier l'vidence. Et ce, tous les niveaux: l'homme de la rue, les per-sonnalits,les autorits.Puis petit petit onl'admet. Mais alors on considre ces faitscomme des phnomnes isols qui survien-nent on ne sait comment, des "cas spora-diques" selon l'expression d'un ministre de l'-ducation nationale commentant le nimepisode raciste dans une cole de Gnes.Dslors,ils ne nous concernent pas puisque leursauteurs sont "autres","pas nous",des dfavo-

    riss,des gens violents...Mais la violence, mme "sporadique", a dfondements: "il n'y a pas d'ruption volcaniqusans magma souterrain (3)." Il est impossibde comprendre le racisme si on le rduit ses seuls aspects extrmes, au surgissemebrutal de la violence. Les actes de violencpeuvent tre le fait d'individus ou de petgroupes, mais cette violence repose sur unlongue sdimentation d'ides et de compo

    tements quotidiens, sur un entranement l'indiffrence,au mpris,au dgot, la peet,pour finir, la haine.C'est de cet entranment,de ce "magma" que je veux parler.Ausbien l'histoire que l'actualit dmontreamrement qu' partir d'un terrain prparn'est pas difficile de passer de la violence sporadique aux lynchages, la violence de massaux pogroms.Il ne s'agit donc pas d'intervenir seulemesur les manifestations les plus spectaculaireIl s'agit de comprendre le racisme comme u

    Comme s'ils avaientla peau juste parPaola Tabe

    En t r e 1 9 9 0 e t 1 9 9 7 , P ao la Ta b e t a m e n u n e r ech e r ch e su rl ' idologie rac is te chez les col iers i t a l i ens gs de 6 14a n s ( 1 ) , e n l es fa isa n t n o t a m m e n t d i sse r t e r su r l e t h m e : Simes parent s taient noir s... Le u r s r p on se s cla ir en tcom m e j am a i s t ou t e l a f o r ce des p r j ugs i ncu l qus auxenf an t s .

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    phnomne diffus et familier, interne notresocit,peu ou prou intrioris par chacun denous et de travailler sur le terrain de produc-tion de ce phnomne.Je voudrais montrer ici que ce phnomneprovient de l'histoire culturelle et politique,qu'il est bien plus complexe,construit, tenduet enracin qu'on ne le prsente ordinaire-ment: c'est--dire comme une intolrance

    "naturelle", des ractions "spontanes" lavenue d'habitants d'autres pays ou d'autrescontinents.C'est la perception du monde quela socit italienne, et plus gnralement lasocit occidentale, a labore travers l'in-vention de l'ide de race (4), l'ide de diff-rence "naturelle" entre les groupes humains.Mais si l'ide de race est une construction his-torique,si le racisme n'est ni naturel ni ter-nel, ni une donne instinctuelle ni une formed'agressivit inne face aux "autres",il s'ensuitque l'ide de race s'apprend, que le racismes'apprend,que loin d'tre un fait d'ignorance,

    c'est une idologie que nous absorbons avecnotre propre culture. Et si le racisme s'ap-prend, cela signifie qu'il s'enseigne, que nousl'avons appris parce qu'il nous a t enseign..Le problme devient ds lors: comment leracisme se transmet-il, qui l'enseigne,o l'ap-prenons-nous ? En somme,quel est le proces-sus de reproduction de l'idologie raciste ?C'est l-dessus que j'ai centr ma recherche.Si j'ai choisi de la mener auprs des enfants,c'est parce qu'avec eux on peut saisir cesides racistes l'tat d'bauche,dans le tempsmme de leur formation, comment ellesentrent dans le processus de socialisation etdans la construction du sujet.Avant que nes'tablissent des rigidits,et quand les contra-dictions sont encore clairement visibles.Effectue sur l'ensemble du territoire italien,cette recherche a bnfici de la collabora-tion de centaines d'enseignants. Environ huitmille rdactions ont t recueillies,crites engrande majorit par des lves de l'cole pri-maire gs de 6 10 ans, le reste des copiestant d des enfants de 11 14 ans (secon-daire).Elle s'est rapidement focalise sur la repr-sentation des noirs,qui apparaissent dans les

    textes des enfants comme les "autres" parexcellence,une sorte de cristallisation d'"alt-rit". tel point que les immigrs en prove-nance des pays de l'Europe de l'Est ou duMoyen-Orient sont galement appels Noirsdans les copies,ou "ngres" comme l'criventcertains lves, et parfois mme des ensei-gnants. (Pendant les annes o j'ai rassemblces rdactions d'coliers,le discours sur l'im-migration,ne l'oublions pas,circule constam-ment, quotidiennement, objet de discussionsau caf et de traitement intensif dans les

    mdias).Au cours de la recherche,on a donnaux enfants une srie de sujets de rdaction.La majorit des classes se sont vu proposer lethme: "Si mes parents taient noirs".D'autresthmes envisageaient galement un change-ment de parents:"Si mes parents taient am-ricains" et, pour comprendre quelle incidencepouvait avoir le strotype noirs=misrables,"Si mes parents taient noirs et riches".D'autressujets encore n'voquaient pas l'image desparents: "Ma vie et celle des gens en Afr ique".Enfin, il y avait un thme qui permettait auxenfants d'exprimer des ides en les attribuant des personnages fictifs et radica-lement diffrents d'eux-mmes:"Les extraterrestres arrivent sur laTerre. Imagine comment ils dcri-raient les Noirs et comment ils dcri-raient les Blancs". Des sujets auximplications affectives si diff-rentes devaient permettre d'va-luer, en confrontant les types detextes produits, le poids des lments mo-tionnels personnels et en mme temps la sta-bilit et la rptitivit des reprsentations des

    "autres".Toutes ces consignes se sont rvles trsimpliquantes,elles ont suscit surtout chezles plus jeunes des rponses forte char-ge motionnelle que le conformisme scolairene parvient pas attnuer. On observe unehomognit considrable des rgions ita-liennes quant aux modalits d'expression desprjugs racistes: entre le Nord, le Sud et leCentre,entre les grandes villes et les petiteslocalits, la diffrence est faible, de mmequ'entre les tablissements frquents par

    des enfant de classes sociales diffrentes.Dans les copies, le racisme s'exprime diverses faons: indiffrence, sentiment dsupriorit, paternalisme, peur, dgompris,haine.D'abord il y a la peur. Une peur absoluouvertement dclare. "Moi, si mes parentaient noirs, j'aurais peur tout le temps",tel ele texte intgral d'un enfant de 6 ans (Arezz1re/CP) (5) sur le sujet "Si mes parentaient noirs". Cette peur sans limites, on trouve plus souvent et plus violemment maque dans les textes des petits de 6-8 an

    mais on la trouve aussi,quoique egnral exprime de faon plvoile,chez les ans.C'est commune obsession: le noir envahl'univers, il obscurcit tout, il fadprir la vgtation:"Si moi j'allaen promenade la campagne aveux (les parents noirs) : les mres pourriraient, les fleurs tomberaie

    par terre toutes molles et deviendraient noirelles aussi, les feuilles tomberaient des arbres les feuilles scheraient" (Viterbe, 2me/CE1

    Toutes les catastrophes sont possibles: "maison s'crolerait" (Turin, 3me/CE2). "Mj'ai peur de cette peau si fonce parce qu'elle esi fonce et quand je les vois j'ai peur comme sy avait un incendie" (Cagliari,1re/CP).Cette peur prsente galement d'autreaspects plus circonscrits mais non moins terifiants, qu'ils soient lis la symboliqucatholique o le blanc est associ au Bien,noir au Mal, l'enfer, au diable,ou bien qus'agisse de strotypes rcurrents: "Si mparents taient noirs, moi je serais impression

    Moi j a i

    peur de

    cet t e peau

    si f once

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    et j'aurais l'impression de deux voleurs masqusou alors des mauvais esprits envoys par le diablepour emporter les enfants mchants et menteurset aprs les faire brler dans un feu vif et brlant,et les changer en deux mauvais esprits. J'auraisl'impression aussi que ce sont des ngres qui vontvoler dans les maisons et qui prennent les sacsdes autres" (Gnes, 2me/CE1). Les noirsincarnent la menace:"Moi j'ai un peu peur desngres parce qu'ils pourraient tre drogus doncsi mon pre et ma mre taient des ngres moi jeresterais loin d'eux parce que j'aurais peur qu'ilsme collent la drogue" (Arezzo,4me/CM1) ;"Simes parents taient noirs, moi je ne serais pascontent parce que je crois que les gens noirs tuentles enfants, donc j'aurais peur qu'ils me tuent ouqu'ils m'abandonnent" (Ferrare, 3me/CE2) ;"Peut-tre aussi qu'ils tuent les enfants pour lesmanger" (Cosenza,4me/CM1).La rpulsion n'est pas exprime avec moins deforce:"Si mes parents taient noirset moi blanc il serait dgotant

    d'tre ctd'eux" (Pesaro,3me/CE2) ; "Si mes parentstaient noirs je ne me fais pas fairemanger avec ces mains noires jeme ferais moi-mme le dner et ledjeuner. S'ils taient noirs je ne leslaisserais pas s'asseoir sur mon lit et sur celui dema sur parce qi' il y a les draps qui sont blancs,je ne les ferais pas s'asseoir mme pas sur lecanap" (Ferrare,3me/CE2).On retrouve cesentiment de rpugnance dans des rdactionso l'enfant est moins investi motionnelle-ment,y compris travers les propos attribusaux extraterrestres :"En les voyant, noirs, sales,sauvages comme ils taient, nous nous sommesmis rire dgots" (Ferrare,4me/CM1).D'autres expriment violemment le rejet: "Simes parents taient noirs je les jetterais de lamaison parce qu'ils sont trop moches. Je seraisnoir je me tuerais" (Florence,1re/CP).Comment les enfants apprennent-ils ces sen-timents ? Certes pas seulement par des dis-cours ou des messages explicites.Ces senti-ments se matrialisent dans le comportementquotidien des adultes, deviennent manifesteset se transmettent par le truchement de lavoix, du regard, de tout le langage corporel -

    lequel peut communiquer des messages diff-rents du discours tenu,voire en totale contra-diction avec lui. Autant de signaux qui sontcapts, consciemment ou non. Ds leur plusjeune ge,les enfants acquirent la capacit dedcoder ces signaux de mpris,de supriori-t,de mfiance ou de haine,au-del mme desmessages verbaux explicites du genre "noussommes tous gaux, nous sommes tous frres".En voici quelques exemples rencontrs pen-dant ma recherche.Un tudiant nigrien est envoy dans cinq ta-

    blissements scolaires dela trs dmocratiqueprovince de Sienne poury remettre une lettre dela Scurit sociale. Dansquatre d'entre eux,il n'yparvient pas pour lasimple raison que, dsqu'ils l'aperoivent,

    enseignants et appari-teurs ferment cl laporte de l'cole. Peut-tre les uns et les autresn'ont-ils pas prononcun seul mot mais la rapi-dit avec laquelle ils ontverrouill la porte constitue unecommunication sans quivoque pourles lves.Dans une autre cole, calabraise

    cette fois, lorsqu'il y ades papiers ou des sale-

    ts sur le sol de la classe,l'enseignante s'crie:"Est-ce que nous sommesen Afr ique ici ?" (le proposest rapport dans lesrdactions des lves de

    cette classe). Milan, les matresses d'une colematernelle construisent avec lesenfants un "village africain": des casesdisposes en rond autour du groschaudron o, c'est bien connu, lesngres font bouillir les blancs.Une publicit pour des glaces (diffuse la tl ces derniers ts) montre unnoir,sorte de Vendredi ridicule au sou-rire bat, tentant de dvorer l'apptis-sante glace d'un blanc.Une affiche de supermarch (Toscana,province de Pistoia) annonce la "Foiredu blanc", vente promotionnelle delinge de maison. Image:une tte de sauvage can-nibale,tatoue,la bouchegrande ouverte sur d'im-menses dents blanches,arborant des parures

    d'os et de coquillages.Message: "EHI DU PRO-BRIO DA IPERCOOP ESSE-RE FESTA DI BIANCO,BUUUOONO." (Un qui-valent franais approxi-matif de ces dforma-tions langagires attri-bues aux immigrsnoirs serait: "eh toi l-bas chez Hypercoop ava tre fte de blanc,y a

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    Je seraino i r ,

    j e m e t uer ai

    BD parue en 1936 dans Il Corrierino dei Piccoli

    Dessin paru rcemment dans La sett imana enimistica

    BDparueen1936dansIlCorrierinodei Piccoli

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    boooon !" NDT)Cette icne du cannibale est rpte l'infini.En voici ci-contre une utilisation publicitairedatant de 1936,sous forme de bande dessineet versifie.Elle a t publie par un journalpour enfants,Il Corrierino dei Piccoli,de gran-de diffusion (6). Deux explorateurs enculottes courtes sont capturs par une "gran-de bande de ngres, les pires d'ent re les canni-

    bales". Le premier est rti la broche, lesngres font ripaille mais sont pris d'abomi-nables coliques.Le second enfant leur prpa-re alors un bol fumant du dlicieux PurgatifL'Aigle qui sance tenante gurit les sauvages:ils se prosternent devant le jeune thaumatur-ge et le proclament roi. Stupfiante allianceentre la publicit et les strotypes courants:pour les "autres" la primitivit et la soumis-sion,pour les "nous" la civilisation et la gran-deur.Bien sr,ces cannibales,nous les rencontronsaujourd'hui dans les journaux pour enfants,

    dans diverses publications pour adultes, dontcertaines sont trs diffuses, comme laSettimana Enigmistica (7).Et les revoil dans les rdactions des coliers:"Moi a ne me plairait pas d'avoir des parentsnoirs parce que quand je me rveille j'ai l'impres-sion que je sois entourpar deux cannibales"(Arezzo,2me/CE1).Il y a enfin le discours des mdias et le dis-cours commun qui prsentent les "autres"

    comme des gens violents, des criminels, destrafiquants,des voleurs. l'automne 1997, un jeune Italo-Sngalaisest invit une fte. Un enfant de 4 ans leregarde gentiment. Un moment plus tard, lejeune allume une cigarette avec un briquet et,soudain,le gamin fronce les sourcils et se pr-cipite vers son pre:"Papa, o as-tu mis ton bri-quet ?" -"Je ne sais pas." - "Mais,vas-y,cherche-le !" Le pre fouilleses poches,en tire son briquet,l'enfant est ravi. Le pre estgn.Tous les invits ont com-pris ce qui s'est pass dans la

    tte de l'enfant:"il est noir, il estpauvre, il vole, ce briquet il l'apiqumon papa".Peut-tre leraisonnement tait-il moinsarticul mais l'association noir-

    voleur tait dj inscrite dansson esprit de 4 ans.Association prsentedans tant de textes enfantins que j'airecueillis: "Moi, les personnes ngres mefont peur parce que la majoritdesvoleurs sont de couleur noire" (Cosenza,

    4me/CM1).Car la peur,comme le dgot ou

    la haine,s'apprend,se transmetet s'enseigne de diverses faons,parfois mme sans qu'on s'enaperoive, parfois dlibrment."Attention, traverse, il y a unngre !" : ce sont l des noncsqu'il n'est pas rare d'entendre etque je retrouve dans les rdac-tions des enfants. Il leur suffit designaux minimes: avoir un lgermouvement de recul, serrer sonsac contre soi, changer soudainde trottoir, viter le contact

    dans l'autobus. Signaux capts et aussitdcods.Tous ces fils finissent par constituer une tramtrs dense,extrmement solide,tisse toules niveaux de la perception, qui garantit reproduction de l'idologie raciste. Dans cprocessus de transmission sociale,nous trovons galement,bien entendu,la communic

    tion verbale et une dsinformtion systmatique produiaussi bien par l'absence d'infomation que par les distorsionde celle-ci. Or, la dsinformtion est une des bases fond

    mentales de la reproduction dracisme.Mme les livres pour les toupetits, les bandes dessines les dessins anims peuvent etre porteurs. Preno

    l'exemple d'un petit livre bien connu, appremment inoffensif, destin aux 3-4 ans.raconte sous forme rime l'histoire d'uenfant,Pik Badaluk.C'est le ngrillon de l'icnographie traditionnelle, "bon comme meilleur des chocolats, aussi noir qu'un morceade charbon",qui grimpe aux arbres comme u

    vrai chimpanz et se perd dans la fort orencontre un lion. Le pre et la mre de Pforment un couple-type. Lui, c'est le parfa"indigne" pour enfants,avec ses deux cornde diablotin (cela ne rappelle-t-il pas la pubcit Benetton montrant un enfant blond auboucles angliques et l'autre noir arboradeux petites cornes - mais c'tait un clin d'n'est-ce pas ?). Quant la maman de PBadaluk,elle est grosse,courte de taille et en'est pas demi-nue. Car il n'est pas questiode reprsenter la maman comme une "sauvge" impudique,on recourt un autre clich

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    Pik Badaluk (1935 et 1994)

    publicitBenetton

    Si mes par ents

    t aient noirs,

    j e leu r donner ais

    un bon grosdcapage

    comme a i ls

    seraient blancs

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    celui de l'esclave domestique: elle porte unelarge robe de coton carreaux et un tablierfaon "mammas" d'Autant en emporte le vent.Le pre part la recherche de son fils,accom-pagn d'un petit groupe de "guerriers" ridi-cules.Ainsi une carte postale de propagandemilitaire pendant la guerre d'thiopie montreune grotesque pantomime de guerriers thio-piens. (8) La guerre d'thiopie, rappelons-le,

    s'est droule en 1935, Pik Badaluk a trepubli en 1994. Quelle continuit gra-phique !Voici encore un album colorier et dcou-per de 1997,Pazzipastelli,pour enfants de 3-4ans.Sur la couverture l'on voit une case "afri-caine" et ce texte: "Dcoupe, invente, colorie,dessine... avec Kitui". Les personnages du livresont Kitui et Ahmed, une fille et un garonnoirs. Ils disposent de tout l'quipement quechaque vritable Africain se doit d'avoir.Deuxlances, le bouclier et la calebasse. Instructionau petit lecteur:"Noue une cordelet te la cale-

    basse et donne une lance chacun des deux(Kitui et Ahmed)".Et hop ! les voil arms pourleur vie "typique" de chasseurs-cueilleursd'Afrique ! D'ailleurs,ils possdent le reste del'attirail idoine: "un lphant pour les fairevoyager", une case,un serpent, un zbre, unegirafe, des crocodiles. L'Afrique exotique etprimitive laquelle il convient d'habituer lesenfants.En Afrique on dort parmi les singes,Kitui dort sur une couverture mme le sol,serrant dans ses bras une petite guenon. Laguenon rve d'une banane. "Et Kitui, de quoirve-t-elle ?" D'une banane, videmment.L'Africain ne songe qu'au prsent immdiat,c'est--dire manger.Il n'y a hlas pas de quoi rire.C'est trs exac-tement ainsi que tant d'enfants, la majoritd'entre eux, du Nord au Sud de l'Italie, sereprsentent la vie des Africains: "Ils mangentcomme des sauvages et ils mangent seulementdes bananes" (Trieste,5me/CM2)."Leur vie estcomme des sauvages qui prennent des fruits desarbres" (Cosenza, 4me/CM1). Les enfantsapprennent que l'Afrique,c'est de la prhistoi-re et de la nature. "Les Africains vivent encorecomme les primitifs, c'est--dire qu'ils ont encorebesoin d'aller la chasse pour se nourrir, ils ne

    vivent pas toujours au mme endroit et ils ne sontpas habills" (Cosenza, 4me/CM1). Ils chas-sent ou bien ils collectent des produits natu-rels,par exemple des vers ou des insectes,ilsmangent "des choses dgotantes ou sinon ilsseront en train de manger rien du tout"(Trieste,5me/CM2).Les Africains ne conna-traient pas le tissage, ils se vtent "de la peaud'lphant et avec une jupe de paille" (Trieste,5me/CM2 autre copie) ou encore ils s'ha-billent de feuillages ; ils dorment sur desrameaux et des branchages,ils vivent dans des

    cases faites de paille et de boue.Qu'il y ait enAfrique des villes et mme des mgapoles demillions d'habitants, du Caire Abidjan, deCasablanca Nairobi ou Lagos,c'est une idetotalement absente. "L'Afrique est sale et lesgens sont pauvres (...) ils ne boivent que de l'eausale et ils portent des vtements sales" (Trieste,5me/CM2).Cette vision a une longue tradition.Dans unecarte postale datant elle aussi de la guerre d'-thiopie: des enfants portant l'uniforme despetits fascistes (les balilla) administrent une"douche salutaire" des enfants africains.Regardons cette autre carte postale.Un sol-dat, nettement moins souriant avec son

    masque gaz, agrippe un thiopien par lecheveux et le lave sans mnagements (voir 24). Dans une bande dessine et versifiPeperino nell' Etiopia italiana, le balilPeperino lave et habille les petits thiopien"et ces ngrillons dgotants, il en fait des petbalilla".(9)Mme dsir,dans les copies des coliers d'ajourd'hui,de rcurer et "blanchir" les NoirTel garonnet (Vicenza, 4me/CM1) envisagmme de mettre les parents noirs "dans machine laver avec du Dash, Dash UltrOmo Blanc,Atlas,AX Javel,Ava, Dixan 200Coccolino,Ajax" (voir p.24).Tel autre (Triest3me/CE2) pense lui aussi les triller:"Si m

    Album pour enfants,Pazzipastelli (1997)

    dessin dcolie

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    parents taient noirs, je leur donnerais un bon gros dcapagcomme a ils seraient blancs,comme laine d'une brebis blanchqu'on vient de laver avec le savon."On le voit, les enfants ne sont pas sourds aux leons qleur parviennent de toutes parts. Ils les apprennent. "Voles ngres qui sortent de leurs cavernes":c'est la lgende d'udessin fait par un lve de Viterbe (3me/CE2). D'autredessinent des chasseurs demi-nus, lance en mains, qui trquent des animaux au sein de paysages pleins d'arbres

    bananes.La primitivit qu'imaginent les enfants est telle que dgot prvaut:"Peut-tre qu'ils (les parents noirs) venaient ddsert du Sahara, ou des alentours des forts africaines et mangent des racines, des baies, des feuilles, je les trouveradgotants et je prfrerais des parents au stade moderne pas primit if" (Arezzo, 4me/CM1). Et prhistoriques pouprhistoriques:"Peut-tre au lieu d'tre noirs c'est mieux d'tdinosaures" (Ferrare,1re/CP).Ces visions d'une Afrique primitive, inculte, cavernicole sale viennent toutes se plaquer sur les Africains qui arriveen Italie pour y travailler ou y tudier.Pour ceux-l,en Italiles coliers n'imaginent que des situations de misre abso

    lue:vendeurs ambulants portant des vtements rapics oen loques et d'normes sacs. Cette reprsentation, dmme que celle des noirs comme dlinquants que nouavons dj vue, est mettre au compte des mdias quvrent inlassablement au recyclage des strotypes.Les enfants apprennent la peur (et parfois nous en indquent les sources): "Quand je marche dans la rue avec mmaman et que je passe ctd'un ngre, tout de suite m'carte et je le laisse passer. Je n'aime pas entendre la tquand ils parlent des ngres ou qu'ils font voir des images.Mles ngres me font peur parce qu' ils sont mchants" (Gne4me/CM1).Bien des sentiments ngatifs s'entremlent. "Des fois je voquelques images la tlqui vraiment font venir la chair dpoule et pour a je crois que a comporterait beaucoup de dficults avoir un papa et une maman de race noire. Moi-mmje me sens pas du tout une petite fille raciste, des fois je pasdevant les ngres je les entends baragouiner et devant eux je msens impuissante, j'ai un peu peur il me revient en tte toutes lchoses que j'entends la tl. Ils parlent propos des ngres ils disent qu'ils volent et plein d'autres choses; c'est pour a quj'prouve cette sensation" (Florence,5me/CM2).Nombre d'enfants expriment leur vision d'altrit absolupar une opposition empreinte d'arrogance, souvent leuinsu: d'un ct les "nous",civiliss et gorgs de bien-trsujets part entire, capables de civiliser, d'instruire d'"aider" les "autres" ;de l'autre ct,les "noirs",pauvres,e

    mal d'assistance,primitifs et pas entirement adultes.Aince sont les enfants qui auront instruire les Africainadultes, leur apporter la civilisation. Les rles sont reverss et les enfants servent de parents leurs propreparents: "Si mes parents taient noirs je pleurerais tellemenparce que je devrais leur apprendre tout" (Ferrare,2me/CE1Tout,depuis la langue jusqu' la reconnaissance des signaude la route ; la mre, ils devront enseigner la cuisinl'poussetage,l'ensemble des travaux domestiques ;au ples travaux les plus divers .Les enfants apprennent qu'il existe une diffrence abyssalinfranchissable entre les "nous" et les "autres." L-dessus s

    Carte postale italienne durant la guerre dthiopie

    Peperino nell' Etiopia italiana

    Un enfant envisage mme de mettre les parents noirs "dans la machine laver (dessin)

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    construit et se renforce le sentimentde soi,de sa propre identit de blancet d'Occidental.En voici un lumineuxexemple tir d'une copie de Ferrare(4me/CM1). L'auteur imagine queles extraterrestres ramnent surMars un blanc et un noir des finsd'observation."Le blanc parlait pour lenoir parce que les extraterrestres ne

    comprenaient pas sa langue." Ainsidonc, seul le blanc possde unelangue interplantaire,vraiment "uni-verselle" et peut rpondre aux ques-tions des Martiens.C'est lui seul dereprsenter l'espce humaine dansson volution:"Le blanc leur expliquaque les noirs n'taient pas humanisscomme eux et pour a ils portaient desvtements minimum."Ide qui revient dans d'autrestextes:les noirs "ne sont pas compl-tement humaniss comme nous".Dans

    l'esprit de ces enfants,et sans aucundoute dans la pense commune,il yaurait non seulement un dveloppe-ment ingal mais une humanisationingale et,pour certains, incomplte.De sorte que ce serait au blancqu'incomberait le rle de faire abou-tir cette volution: "Si un noir venaiten bas de chez moi je l'inviterais dansma maison et je lui enseignerais la vie des treshumains" (Arezzo,5me/CM2).Mais, dans cette optique, les "autres" appar-tiendraient-ils une race diffrente,ou carr-ment une espce diffrente ? Serait-ce unhasard si la publicit, quand elle veut repr-senter le rapport entre les "nous" et les"autres", met en scne des espces diff-rentes ? Dans une publicit Benetton,un bongros chien blanc, un husky, lche le museaud'un agnelet noir (voir ci-contre). Ou bien,dans une campagne pour l'adoption distan-ce, une grande chienne allaite un minusculechaton. De plus, les images nous suggrent,dans les deux cas,une identification paterna-liste la bont implicite de l'animal le plus fortqui "aide" et/ou "aime" le plus fragile et le plusdmuni.L'affiche reprsentant la chienne allai-

    tant le chaton a obtenu un prix prestigieux.Selon ses ralisateurs,elle donnerait "l'ide dela solidaritqui peut natre mme entre races trsdiffrentes" (Famiglia Cristiana, 23/10/1996: 40sq,c'est moi qui souligne).De toutes faons, l'ide d'une immense sup-riorit. Cette reprsentation de la diffrencedonne forme et contenu l'ide de race. Ils'agit, en mme temps,d'une construction del'identit de l'homme blanc et occidental etd'une conception de la vie,du monde et de sapropre place dans le monde.

    Les enfants ont intrioris un paradoxe: quele racisme c'est mal, MAIS qu'il existe desraces (des espces ?) diffrentes.C'est ce quel'on continue placidement leur expliquer et leur enseigner. La vieille ide de race est

    encore bien vivace et robuste.Dans plusieurscours que j'ai donns l'Universit,j'ai deman-d aux tudiants leur dfinition de la race ;pour eux, comme pour les coliers de marecherche, c'est quelque chose d'vident, quise voit l'il nu, une diffrence composetout la fois de traits somatiques, culturels,religieux et linguistiques, de coutumes... Ensomme,un salmigondis de prtendus faits bio-logiques et culturels. Les enfants en infrentl'ide de sparation radicale et de non-com-munication:"Si mes parents taient ngres je neles voudrais pas parce que: la couleur de la peau

    est fonce, le caractre est diffrent et pour a ilsne sont pas adapts moi" (Lecce,3me/CE2)."Si mes parents taient noirs moi je pense queje serais trs triste mme si je ne sais pas grand-chose sur cette af faire du racisme.Je pense unechose terrifiante pour moi et pour mes parents,parce que si je suis blanc et mon papa et mamaman noirs la chose serait grave: moi et lesmiens on ne s'entendrait pas.Au djeuner toutesles choses iraient mal parce que moi j'aime unechose et tous les deux une autre et pareil toute lajourne: au dner, au lit, au petit djeuner"

    (Venise,4me/CM1).Dans type de perception, il ne fapas de doute que l'altrit ntient pas seulement la coleur de la peau mais aussides gots, des habitudes,dtraits de caractre, d'o unimpossibilit quasi totad'entente."Si soi-mme on eblanc est-ce qu'on pourrait s'etendre avec un noir ?" (Ferrar5e/CM2).Or l'ide que les trehumains sont diffrents pessence et tout jamais,diffrence irrductible puisqu"naturelle", est au cur dracisme.La vision du mondl'ordre du monde fonds sla race sont grosses de leuconsquences dernir(dont les exemples hist

    riques abondent): la sgrgtion ou l'apartheid,quand n'est pas le gnocide. "Staient d'une autre race, je les voudrais pas dans ma mson" (Ferrare,2me/CE1).ne dormirais pas sous le mmtoit des gens de couleur, mmpas pour de rire. Beuherkkk

    (Arezzo, 5me/CM2). D'autres coliers pesent, pour la mme raison, qu'ils les chassraient de chez eux coups de pied au cul.L'ide d'apartheid n'est pas du tout rare. Faincroyable, elle peut aussi bien tre dfendpar la droite la Le Pen,que se prsenter etoute innocence,si l'on ose dire,sous le covert du "respect des diffrences".Une crivainpour enfants, s'adressant aux lves d'uncole primaire de Milan,leur demande d'imginer l'organisation d'une ville internationadans le futur,de faire un "projet urbanistiqmultiracial" (encore l'ide de race !).Ractiodes enfants: "Faisons un quartier pour chaqrace et, aprs, on les divise par des frontires (une ville avec beaucoup de quartiers,chacun avses habitudes. Un quartier anglais, un amricaun chinois, un italien. Spars mais relis par

    mtro". C'est une vision de sgrgation qsouvent se tapit derrire les ides d'ethnie osimplement de diffrence, mme dans uambiance qui se prtend amicale.Derrire l'ide d'apartheid, se glisse celle dl'limination,symbolique ou pas,des noirs.petit Vnitien qui imaginait que si l'on est dcouleur diffrente tout va mal "au dner,au au petit djeuner",conclut:"Leur vie est empche par le diable et personne ne peut arrtcette chose mauvaise sauf Dieu. Mais il y aurune solution : peindre tous les ngres en blanc

    publicitBenetton

    Campagne de parrainage denfants

  • 7/23/2019 Paola Tabet La Peau Juste

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    26 Pr oChoix n16 / novembre-dcembre 2000

    PaolaTabet est professeur danthropologie lUniversit de Calabre (Italie). Ses travaux sur la divisionsexuelle du travail, la reproduction et la sexualit ont donn lieu la production de plusieurs et textes,certains ont t traduits dans La construction sociale de lingalitdes sexes.Des outils et des corps, dit ionslHarmattan(1998).Notamment: Les mains, les outils, les armes (1979) et Fertilit naturelle, repro-duction force (1985).Sa recherche sur la transmission de lidologie raciste aux coliers italiens de 6 14 ans a donn lieu un livre trs connu en Italie, La pelle giustaparu chez Einaudi en 1997, queProChoix aura le plaisir de publier en franais dici quelques mois.Si vous souhaitez tre tenu au courantde sa publication,nhsitez pas nous communiquer vos coordonnes.

    Autrement dit, tuons symboliquement le noir, ou lenoir dans le ngre.Mais remarquons que les "ngres", ce ne sont passeulement les gens qui ont la peau noire.Ils ne vien-nent pas exclusivement d'Afrique.L'Afrique devientun concept social, et pas seulement gographique.Ainsi peuvent tre des "ngres" les Bosniaques, lesAlbanais, les Kurdes, les Irakiens... "Mais qu'est-cequ'un ngre, interrogeait Jean Gent, et d'abord dequelle couleur est-il ?" Rponse d'un colier: "Lesngres naissent de trois races de peau ngre jaune etblanche" (Crotone, 4me/CM1). Il ne s'agit en riend'une erreur mais d'une intuition sociologique: les"ngres" sont les "autres",ce sont les "immigrs" quenous pouvons expulser ou exploiter, qui nous pou-vons imposer des conditions de vie qu'on ne propo-serait pas aux "nous".Ce qu'ils ont en commun, cequi en fait une seule catgorie, c'est d'tre dans cerapport social de force avec "nous".

    Ma recherche a mis en lumire des ides que lesenfants,chaque enfant avec son histoire individuelle,

    ont mises en forme et exprimes leur manireparticulire.Mais,ces ides, ils ne les ont pas inven-tes, c'est notre culture qui les leur a proposes,voire imposes de mille faons, par le langage, lesimages,les comportements.C'est bien notre socitqui les engendre, elles ne sont pas l'expression depeurs "instinctives" et de ractions "spontanes" faceaux "autres".Si nous ne considrions pas la race comme une don-ne naturelle,ni le racisme comme un fait naturel etanhistorique, si nous considrions qu'il s'apprend,alors il en rsulterait ncessairement qu'il peut aussise dsapprendre.C'est l un fait fondamental. Nousne sommes nullement prisonniers du racisme. Riendans nos chromosomes ne nous cre racistes. Il nes'agit pas de lutter contre des pulsions primordialesauxquelles seule la culture saurait opposer desremdes,qu'elle seule pourrait juguler.Au contraire,il s'agit de dsapprendre ce que notre socit et saculture dominante nous ont enseign et continuent reproduire, des niveaux conscients et incons-cients,par inertie et par des politiques dlibres.Ce n'est pas une tche aise que de combattre cette

    idologie la reproduction de laquelle sont consa-crs un travail minutieux et des efforts extraordi-naires.En acqurir une pleine conscience et dsap-prendre le racisme peut s'avrer,mme au plan indi-viduel, un labeur dur et complexe. Il importe decomprendre comment et par quels canaux il a tappris,par quel processus de dsinformation syst-matique et de conditionnement (y compris mo-tionnel) il a t implant en nous et s'y est enracin

    si solidement: "radiquer un prjugest aussi doulou-reux que d'extraire un nerf" (Primo Lvi).Se confronter au racisme l'uvre dans notre cul-ture, contrecarrer les processus de sa transmission,c'est ncessaire et en mme temps ardu car nousavons tous t immergs dans ce bain. Parmi lesenfants qui ont rpondu mon enqute,il y en avaitqui taient larges d'esprit, disponibles et qu'on nesaurait qualifier de racistes.Mais souvent la disponi-bilit et la bonne volont ne suffisent pas annulerles effets d'une idologie aussi envahissante.Voici letexte d'un petit garon qui, tout content, imagineainsi sa vie en Afrique: "Si mes parents taient noirs

    moi aussi je serais noir mais a ne fait pas de dif frenceje devrais toute la journe manger des bananes et jedevrais grimper aux arbres des palmes et faire tomberles noix de coco par terre, je devrais chasser les gazelleset chevaucher les zbres,mais je devrais faire trs atten-tion aux tigres,aux rhinocros,aux hippopotames et auxindignes" (Ferrare,3me/CE2,texte intgral).Et plusencore en tmoigne un petit Sicilien (Caltanisetta,4me/CM1,texte intgral), vif,sympathique et pleinde bonnes intentions qui montre, avec cette imageimpossible,dchirante,de la "peau juste",combien ilest difficile de s'arracher cette vision du mondefonde sur la race. "Moi je n'aurais pas peur si mesparents taient noirs. C'est une race comme toutes lesautres,et alors je les accueillerais avec amour et je conti-nuerais mener une vie normale. Si les autres enfantsme disaient que j'ai des parents qui sont noirs je ne lescouterais mme pas et je passerais mon chemin.Quandle soir, et le temps libre que je passerais avec eux tout cequ'ils me diront de faire je le ferais et je ne me plaindraispas.Moi je les aimerais beaucoup comme s'ils avaientla peau juste.

    Traduit de l'italien par Jose Contreras

    Paola Tabet

    1.P. Tabet,La Pelle Giusta,TuEinaudi,19

    2.Cette recherche a t faite Italie,mais je ne doute pas que pol'essentiel - hormis certaines mod

    lits spcifiques - le discours svalable dans les autres pays eu

    pe

    3.Je cite ici un article de Nico

    Claude Mathieu ("Relativisme curel, excision et violences contre

    femmes", La Revue du Ceric,Paris Vt. IX,1994) qui se poursuit ainsi: "

    ne peut se contenter, bien quesoit obligatoire,d'tudier les con

    tions prcises qui,runies moment donn,ont favoris l'expsion.Encore faut-il ne pas oublie

    composition du magma (.

    4.Ou l'"invention sociale (d'ucatgorie naturelle",pour reprend

    la dfinition prcise de MarGlean O'Callaghan et Cole

    Guillaumin "Race et race... la mo"naturelle" dans les scienc

    humaines",L'Homme et la Socit,

    32,197

    5.Pour les citations de rdactioj'indiquerai entre parenthses

    province de provenance et la clasfrquente par les auteurs.En Ita

    les enfant entrent 6 ans l'cprimaire (Scuola elementare), qu

    de la 1re la 5m

    6.Cf.La Menzogna della razDocumenti e immagini del razzismdell'antisemitismo fascista.Edit pa

    Centro Furio Jesi.Grafis,Bolog1994 :1

    7.Hedomadaire de mots croischarades,blagues

    8.La Menzogna...op.cit. :1

    9.La Menzogna...op.cit.:172-1