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panoramas DE MADAGASCAR

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panoramasDE MADAGASCAR

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Mer du Sud

Falaises battues par les vagues, air chargé d’embruns. Pendant l’hiver austral, les côtes de Fort-Dauphin évoquent davantage la Bretagne que les rivages tropicaux. Il est vrai que la ligne pointillée du Capricorne passe beaucoup plus au nord. La ville principale du Sud-Est ne trône pas moins au milieu de paysages verdoyants, bordés de lagons de cartes postales. Elle a aussi un autre visage, marin et vivifiant, quand les eaux et les vents venus de l’Antarctique font une pointe jusqu’à elle.Au pied des rochers grossissent des huîtres de pleine mer au goût délicieux. On déguste ces coquillages sauvages debout, dans la rue, à toute heure, comme un grignotage ordinaire.La mer sudiste regorge aussi de petites langoustes rouges dont la réputation a dépassé les frontières de la Grande Île. Des pêcheurs audacieux bravent chaque matin les rouleaux pour aller déposer leurs casiers, espérant remplir leur pirogue d’un précieux butin. Mais l’océan a ses pièges et la ruée vers l’or rouge n’est pas sans dangers. Des carcasses de cargos drossés à la côte viennent les rappeler.

L’anse Monseigneur, à Fort-Dauphin.

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Les villages de la foi

Sur les Hautes Terres, une église catholique ou un temple protestant – souvent les deux – se dresse au milieu du moindre village. Les missionnaires européens du XIXe siècle ont trouvé à Madagascar un terreau fertile. La compétition entre catholiques et protestants a contribué à labourer profondément le champ de la spiritualité insulaire.Tolérés avec méfiance par la reine Ranavalona I, parfois massacrés sur ses ordres, les premiers chrétiens ont essaimé à mesure que Madagascar acceptait de s’ouvrir sur l’extérieur. La colonisation par la France annonçait un renforcement des missions catholiques, mais le protestantisme avait déjà conquis bien des esprits. Les Eglises malgaches, faisant taire leurs rivalités au nom de l’œcuménisme, conservent aujourd’hui une forte influence sur la société. Mais elles sont concurrencées, à leur tour, par une multitude de mouvements spirituels puisant librement leurs références dans la Bible. Le christianisme n’a pas achevé sa conquête de la Grande Île, où les croyances traditionnelles restent vivaces.

Le village de Tritriva, à proximité d’Antsirabe.

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Cirque rouge

Au nord de Majunga, les Cirques rouges sont le résultat d’un interminable travail des forces de la nature. Sur les couches alluviales d’anciens deltas, des rivières encaissées ont mis au jour les strates de marnes, de grès, d’argiles accumulées par les millénaires. Toutes les nuances du rouge s’observent sur les flancs de ces chaos minéraux, sculptés par l’érosion, à mesure que le soleil avance dans sa course quotidienne. Dans les dédales des cirques, d’autres teintes affleurent : la terre est blanche, bleu, verte. Les éléments ont créé des cheminées de fée de quelques centimètres, formant au ras du sol un minuscule paysage montagneux. Cette curiosité géologique a fait naître une étonnante spécialité artisanale : les bouteilles emplies de sables de couleurs différentes, formant des motifs d’une grande précision. Le sable est introduit dans la bouteille au moyen d’une paille de raphia, puis réparti au bord de la paroi de verre avec de longues aiguilles métalliques, couche après couche, heure après heure. Un art de la patience !

Cirque rouge près de la baie de la Mahajamba, au nord de Majunga.

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Majestueuse Betsiboka

Dans la région de Majunga, les eaux chargées de latérite de la Betsiboka viennent à la rencontre des flots bleus du canal du Mozambique et y laissent leur empreinte ocre jusqu’à plusieurs kilomètres au large. Le fleuve majestueux charrie tant de limons qu’ils envasent la Bombetoko, nom de son immense embouchure. Les cargos modernes ne peuvent y pénétrer. Majunga est pourtant le deuxième port de commerce de Madagascar, grâce à une noria de chalands qui se met en branle dès qu’un navire est annoncé. Les boutres à voile, eux, sont épargnés par les caprices de la Betsiboka. Pour entrer dans le petit port qui leur est réservé, devant la vieille ville, il leur suffit d’attendre la marée montante. A marée basse, les coques ventrues basculent lentement sur le côté, posées sur la vase. En amont, le fleuve forme un vaste delta, qui s’étend sur plusieurs dizaines de kilomètres à l’intérieur des terres. Ce Nil malgache fertilise un des principaux greniers à riz du pays, dans la région de Marovoay.

Le delta de la Betsiboka, en amont de Majunga, vu du ciel.

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L’ombre des géants

Au nord de Morondava, sur la côte occidentale de Madagascar, l’ « allée des baobabs » attire tous les regards. Cette piste de sable, qui part plein nord en direction de Belo-sur-Tsibihina, est bordée d’Adansonia grandidieri, une des six espèces de baobabs présentes dans le pays.L’Adansonia est la plus majestueuse de toutes, par ses dimensions et la forme élancée de son tronc. Au couchant, cette futaie géante à la carapace grise, se couvre d’or : une ambiance magique s’installe en ces lieux pendant quelques dizaines de minutes, avant que le soleil ne termine son plongeon quotidien dans le canal du Mozambique.Du baobab, les Malgaches tiraient autrefois de l’huile, en pressant ses graines. De son écorce, ils faisaient aussi d’imputrescibles pans de toitures. Aujourd’hui, les grands arbres ont une autre fonction. Ils sont devenus un des principaux emblèmes touristiques de la Grande Île, et une des richesses du patrimoine naturel de la côte Ouest.

L’allée des baobabs de Morondava, sur la piste de Belo-sur-Tsiribina.

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Les facettes cachées du joyau

Les côtes de la péninsule Masoala, tout comme celles situées au sud de la baie d’Antongil et de Mananara-Nord, offrent quelques-uns des plus beaux paysages littoraux de Madagascar. Mais aussi des plus méconnus. Les fonds coralliens de Cap Est, sur l’océan Indien, laissent des souvenirs inoubliables aux rares plongeurs qui les ont explorés. Dans cette région sous-peuplée, le milieu marin est resté à peu près intact et trois des zones les plus remarquables, autour du cap Masoala, sont désormais placées sous protection.Eau turquoise et criques de rêve : plus d’un promoteur hôtelier a rêvé de s’y établir, avant de renoncer en raison de l’enclavement extrême de cette partie du pays.A partir de Mananara-Nord, capitale de l’extraction du quartz — on y bouche les trous, dans les rues, avec les pierres de qualité trop basse pour être commercialisées ! — la piste qui descend vers le sud, à l’arrière de la côte, traverse des paysages granitiques dignes des cartes postales seychelloises. Le joyau malgache est encore loin d’avoir montré toutes ses facettes au monde.

Littoral du parc marin de Tampolo, dans la presqu’île de Masoala.

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Patrimoine mondial

Depuis �007, Madagascar compte une nouvelle richesse naturelle sur la liste du patrimoine mondial, tenue par l’Unesco. Cette année-là, la valeur universelle de ses forêts humides a été internationalement reconnue. Elles s’égrènent le long de ses marges orientales, réparties en six parcs nationaux : Marojejy, Masoala, Zahamena, Ranomafana, Andringitra et Andohahela.Ces zones protégées sont autant de bastions résistant à la déforestation : dans l’est malgache, il reste seulement 8,� % de la forêt originelle. L’abondance des pluies y fait prospérer une végétation exubérante, marquée par un taux d’endémisme exceptionnel. Quatre-vingts à quatre-vingt-dix pour cent des espèces recensées n’ont pas d’équivalent dans le monde.Ces reliques végétales sont également l’habitat d’une faune tout aussi originale. On y rencontre la plupart des lémuriens connus de la Grande Île. L’inscription des forêts pluviales malgaches au patrimoine mondial permettra, espérons-le, de les soustraire définitivement à la hache des bûcherons et aux pièges des chasseurs.

Forêt primaire humide près d’Anosibe An’ Ala, au sud de Moramanga.

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La « ville des mille »

La mauve floraison des jacarandas, autour du lac Anosy, annonce l’arrivée de l’été austral. Tananarive se montre alors sous ses plus beaux jours. La silhouette du palais de la Reine, qui retrouve une âme après l’incendie criminel qui l’avait ravagé en 1���, se détache dans l’azur. La « ville des mille », hommage aux mille guerriers du roi unificateur Andrianampoinimerina, change lentement de siècle, comme à regret. Si des buildings de béton, de verre et d’acier commencent à escalader le ciel dans les quartiers d’affaires, elle conserve le visage d’une capitale d’autrefois, avec ses grands escaliers qui montent à l’assaut des collines, ses taxis d’un autre âge brinquebalant sur le pavé des rues de la Haute ville. Le zoma, grand marché du vendredi, devenu ingérable, a disparu de l’avenue de l’Indépendance. Mais l’hôtel de ville détruit pendant la révolution de 1�7� a fini par y renaître de ses cendres, de nouveaux boulevards ont été construits pour résorber les embouteillages. « Tana » se transforme mora mora, doucement, à la malgache.

Tananarive et le lac Anosy.

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