Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït...

21
1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire fait de la modernité l’un des ses thèmes majeurs de réflexion. Deux opinions s’affirment avec prédilection : la première consiste à concevoir la modernité dans sa seule dimension chronologique, pour en faire une notion si large que toutes les manifestations du XIX e et du XX e siècle s’y retrouvent sans discrimination; la seconde revient à reconnaître dans cette même modernité l’expression non plus d’un moment caractéristique, mais d’une conscience morale et esthétique, née dans la culture européenne et dont il est possible de tracer certaines constantes au-delà des siècles et des époques. La dimension axiologique de la modernité est donc toujours coexistante à la visée chronologique. Un regard panoramique sur la modernité permettra d’en synthétiser quelques définitions, l’aire conceptuelle et les manifestations concrètes dans le champ littéraire, et de saisir ensuite l’évolution de cette idée dans la démarche culturelle européenne. Nous limiterons ensuite le champ de notre investigation à la première moitié du XX e siècle et surtout à l’époque de l’entre deux guerres, époque où Panaït Istrati et Franz Hellens écrivent et publient une grande partie de leur œuvre. Seront abordés les principaux mouvements littéraires représentés dans cette période et associés de manière évidente à la modernité. Ainsi l’avant-garde, qui a souvent incarné la modernité au XX e siècle en son obsession du nouveau, circonscrira sous cette appellation plusieurs manifestations : une première vague, précédant la première guerre mondiale, qui comprend le futurisme, le cubisme, l’expressionnisme allemand et une deuxième postérieure au conflit, représentée par le dadaïsme, le surréalisme, le constructivisme. Tout en distinguant les deus aspects fondamentaux contradictoires de l’avant-garde, c’est-à-dire une composante esthétique cherchant à créer ou à maintenir des valeurs et une composante anarchique cherchant à les détruire, on retiendra un éléments essentiel qui la rattache à la modernité : sa dynamique, sa force, son mouvement. Outre les avant-gardes dites historiques, c'est l'époque de manifestation du modernisme. Celui-ci possède également une double dimension, historique et esthétique. Répondant à une fonction de périodisation, en gros le

Transcript of Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït...

Page 1: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

1

Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes

L’histoire littéraire fait de la modernité l’un des ses thèmes majeurs de réflexion.

Deux opinions s’affirment avec prédilection : la première consiste à concevoir la

modernité dans sa seule dimension chronologique, pour en faire une notion si large que

toutes les manifestations du XIXe et du XXe siècle s’y retrouvent sans discrimination; la

seconde revient à reconnaître dans cette même modernité l’expression non plus d’un

moment caractéristique, mais d’une conscience morale et esthétique, née dans la culture

européenne et dont il est possible de tracer certaines constantes au-delà des siècles et des

époques. La dimension axiologique de la modernité est donc toujours coexistante à la

visée chronologique.

Un regard panoramique sur la modernité permettra d’en synthétiser quelques

définitions, l’aire conceptuelle et les manifestations concrètes dans le champ littéraire, et

de saisir ensuite l’évolution de cette idée dans la démarche culturelle européenne. Nous

limiterons ensuite le champ de notre investigation à la première moitié du XXe siècle et

surtout à l’époque de l’entre deux guerres, époque où Panaït Istrati et Franz Hellens

écrivent et publient une grande partie de leur œuvre. Seront abordés les principaux

mouvements littéraires représentés dans cette période et associés de manière évidente à la

modernité. Ainsi l’avant-garde, qui a souvent incarné la modernité au XXe siècle en son

obsession du nouveau, circonscrira sous cette appellation plusieurs manifestations : une

première vague, précédant la première guerre mondiale, qui comprend le futurisme, le

cubisme, l’expressionnisme allemand et une deuxième postérieure au conflit, représentée

par le dadaïsme, le surréalisme, le constructivisme. Tout en distinguant les deus aspects

fondamentaux contradictoires de l’avant-garde, c’est-à-dire une composante esthétique

cherchant à créer ou à maintenir des valeurs et une composante anarchique cherchant à

les détruire, on retiendra un éléments essentiel qui la rattache à la modernité : sa

dynamique, sa force, son mouvement. Outre les avant-gardes dites historiques, c'est

l'époque de manifestation du modernisme. Celui-ci possède également une double

dimension, historique et esthétique. Répondant à une fonction de périodisation, en gros le

Page 2: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

2

premier tiers du siècle, le modernisme est en général désigné comme un mélange

d’innovations formelles, d’attaques contre le monde moderne, de visées mythologistes et

d’esprit de rébellion. Somme toute, la double décennie 1918 – 1940 reste, en tant que

champ de la création littéraire, un domaine riche et dense, qui requiert une certaine

perméabilité des grilles d'analyse.

Acceptant comme hypothèse de travail l’existence de nombreuses oeuvres

susceptibles à cristalliser « l'esprit » de l'époque, nous procèderont à une analyse qui

transgresse la dimension monolithique de chaque texte pour faire ressortir des invariants

en rapport avec la modernité européenne. La modernité européenne, voilà par quoi

l'analogie serait introduite dans la littérature des années 20 - 30, rendant possible une

lecture comparatiste de deux auteurs appartenant à des aires culturelles différentes: Panaït

Istrati, auteur roumain francophone et le belge Franz Hellens. Que l'on prenne en compte,

par exemple, tel recueil narratif d'Istrati évoquant le monde féerique des Balkans et tel

roman de Franz Hellens tributaire au surréalisme, établir un lien quelconque entre les

deux semblerait une entreprise périlleuse. Le point de départ de cette lecture comparatiste

repose plutôt sur une réalité artistique: les deux auteurs se rapportent, quoique de façon

différente, à l’intertexte culturel et idéologique moderne. Dans ce sens on s’arrêtera sur

deux types d’investigation: le premier concernera les prises de positions des auteurs

considérés dans l’ensemble de textes programmatiques (manifestes, programmes

esthétiques, articles) et de débats théoriques touchant à la question de la modernité. Le

second s’appliquera aux œuvres de fiction publiés par les deux auteurs au cours de cette

période, qui reflètent implicitement des problèmes d’actualité culturelle. Deux romans,

des oeuvres – somme, seront soumis à l'examen critique: d'un côté Mélusine (1920) avec

sa vocation totalisante, accueillant des traits futuristes, dadaïstes, surréalistes, l'art nègre,

le cinéma, de l'autre Nerrantsoula (1927), célébrant le rythme, le mouvement à touts les

niveaux du texte. Si Hellens est susceptible d'être étudié en tant que témoin et participant

à l'avènement de la littérature européenne moderne, nous soumettrons Istrati à une étude

similaire, car les deux appartiennent à un tout organique. Nous essayerons de donner de

la signification à cet ensemble, non par l'adition de deux études monographiques qui

affirment constamment des points de convergences au niveau thématique et formel, mais

par leur superposition et leur absorption dans l'intertexte moderne.

Page 3: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

3

Autour du concept de Modernité La modernité, en tant que valeur esthétique, axiologique ou sociale, se définit de

façon relative, par rapport à une tradition. Le moderne proclame en général son

appartenance à l’actualité, à la nouveauté, à l’invention. Dans une histoire littéraire faite

de ruptures, être moderne signifie prendre des positions vis-à-vis des valeurs reconnues

par la pensée académique, par une esthétique légitimée par le pouvoir. L’historicisation

de la modernité conduit à son enfermement dans une époque ou dans une dimension

éthique. En effet une lecture panoramique de la littérature fait apparaître un fonds

commun de traits immuables de la modernité. Le discours moderne, essentiellement

polémique, s'articule autour d'une idéologie du progrès en fonction de deux enjeux: l'art

vu comme le reflet du progrès de la pensée ou comme phénomène accompagnant et

suivant le progrès technologique. Le discours moderne se plaît à développer une

thématique de la rupture, s'appuyant sur des couples manichéens de valeurs:

nouveau/ancien, mort/vivant, ennuyeux/plaisant. Dans ce contexte les avant-gardes du

début du XXe siècle, tout en promouvant l’innovation radicale et la rupture brutale avec

le passé, se veulent extrêmement modernes, mais aussi antimodernistes. Le cubisme

français, le futurisme italien et russe, l’expressionnisme allemand, le dadaïsme et le

surréalisme ne se confondent pas avec la modernité, mais avec une exacerbation formelle

de celle-ci, qui rapproche le culturel du progrès technologique et de l’industrialisation.

Antoine Compagnon dissocie le modernisme et l’avant-garde en s’appuyant sur leur

caractère paradoxal : si le paradoxe de la modernité est sa relation équivoque avec la

modernisation, celui de l’avant-garde réside dans la coexistence du destructif et du

constructif, de la négation et de l’affirmation, du nihilisme et du futurisme1.

D’après Matei Calinescu2, le modernisme, l’avant-garde, la décadence, le kitch et

le postmodernisme sont autant de faces de la modernité. Les enjeux esthétiques de la

modernité s’inscrivent dans le concept de crise, qui se manifeste par une triple opposition

dialectique : face à la tradition, face à la modernité de la civilisation bourgeoise avec ses

idéaux de rationalisme, d’utilité, de progrès, et face à soi-même dans la mesure où la

modernité se voit devenir une nouvelle tradition ou une nouvelle forme d’autorité.

1 Antoine COMPAGNON, Les cinq paradoxes de la modernité, Paris : Seuil, 1990. 2 Matei CALINESCU, Faces of Modernity: Avant-Garde, Decadence, Kitsch, Bloomington: Indiana University Press, 1977.

Page 4: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

4

Malgré la diversité des perspectives sur l’origine et sur le contenu de l’idée de

modernité, une opinion s’est généralisée : les œuvres dites modernes rassemblent

quelques indices littéraires tels : le caractère non-achevé, la non-unité de l’ensemble (le

collage, le montage), la crise du sens, la réflexivité ou la circularité, la purification et la

réduction à l’essentiel, la dépersonnalisation, l’autoréférentialité.

Dans un sens large, la notion d’avant-garde peut désigner toute esthétique en

rupture avec la tradition dans le processus d’alternance dynamique qui entraîne l’histoire

de la littérature. Nous nous intéresserons uniquement à ce que la critique appelle l’avant-

garde historique, voire les mouvements, les courants et les écoles, les dits « -ismes », qui

se manifestent dès la fin du XIXe siècle jusqu’après la deuxième guerre, dans un projet

littéraire et politique à la fois. Celle-ci inclut l’expressionnisme allemand, le futurisme, le

dadaïsme, le constructivisme et celui qui est le plus structuré, le surréalisme. Le point

commun de ces manifestations est la tendance de l’art de sortir de son repli sur soi-même

afin de se remettre en accord avec la vie, d’affirmer le primat d’une vie collective et

d’instituer le règne de la vitesse, de la machine, des forces vitales.

Ainsi, le futurisme, qui trouve son initiateur et théoricien en Marinetti et en son

Manifeste de 1909 paru dans « Le Figaro », se construit sur le refus violent de la tradition

littéraire en tant que passé inerte, d'où l’image de brûler les bibliothèques, les musées, les

dépôts de chefs-d’œuvre, momifiés et sans pertinence pour la vie contemporaine.

L’œuvre de déconstruction commencera par le langage et par la syntaxe. Les mots « en

liberté » futuristes font du langage l'expression d’un flux intérieur, expression qui va

jusqu’à l’onomatopée. La consécration de la civilisation machiniste, du culte de la

vitesse, de l’énergie de la ville s’accorde avec l’effacement du sujet individuel derrière

les masses.

Le futurisme russe, tout en s’érigeant en promoteur du primitivisme, entretient

une certaine relation avec la tradition. L’art primitiviste se fonde sur l’étude du folklore

russe et cette interaction se lit dans de nombreuses transpositions des contes populaires

dans les pièces modernes. Certains artistes se font même les promoteurs d’un

nationalisme exacerbé qui s’oppose à l’hégémonie artistique occidentale. L’innovation

verbale se manifeste chez eux par le « zaoum », la langue transmentale, concept flottant

qui repose sur la magie des mots agissant par leur sonorité, en dehors de tout sens. Nous

retiendrons l’accent mis sur le côté sonore du texte, souligné par le biais de la

Page 5: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

5

transcription littérale des déformations de prononciation, du langage enfantin ou même

d’une langue étrangère telle qu’on l’entend.

Se manifestant tant en littérature qu'en peinture et dans le cinéma,

l'expressionnisme se fonde sur une perception extrêmement subjective qui se fait

représentation exacerbée. Deux conceptions artistiques assez divergentes s’affirment par

l’intermédiaire des deux groupes de peintres : « Die Brücke » et « Der Blaue Reiter » et

des deux revues « Der Sturm » et « Die Aktion » : la construction du sens tragique de la

vie versus l’exaltation de la vitalité, la préoccupation pour les drames individuels d’un

côté, et l’intérêt pour l’action sociale et politique de l’autre côté. Il y a d’ailleurs un

certain expressionnisme humanitaire et engagé qui deviendra ensuite littérature de

propagande révolutionnaire. Exprimant leurs angoisses face à la guerre qui s'annonce, les

artistes expressionnistes se plaisent à représenter des individus désabusés, des paysages

écorchés, des souffrances paroxystiques. Ils mettent en scène d'une façon instinctive des

sujets dramatiques: les souffrances et les névroses de l’homme, la vie douloureuse et la

mort. Le texte ne se réduit pourtant pas à une suite d’images et de sensations ; une action

s’ébauche car l’écrivain expressionniste ne néglige ni la narration, ni l’agencement en

histoire ou drame.

Dans un monde chaotique, la fonction du hasard s'affirme comme principe

créateur à partir du Dadaïsme. Fondé par T. Tzara à Zürich (1916-1922), ce mouvement

fait du contraste son unique rapport au passé. Avec le Dadaïsme la construction d’un

poème devient un simple acte aléatoire : découper les lettres de journal, les déposer dans

une boîte, les retirer au hasard et les mettre sur le papier, autant des gestes qui ne laissent

plus de place à l’individualité créatrice. D’ailleurs on proclame hautement l’anonymat du

poète, l’acte artistique impersonnel. L’accent sur le spontané - « la pensée se fait dans la

bouche » - engendre un déplacement de l’écrit vers la parole. Le morcellement du corps

de langage, le découpage, ont pour but de rendre chaotique l’expression, d’aboutir à la

tabula rasa pour recomposer le poème essentiel. Le geste « fondateur » a également une

autre connotation : la démocratisation radicale de l’expression car la poésie peut se faire

dorénavant avec tout langage.

L'autoréférentialité qui se construit consciemment est un attribut du

constructivisme. Né chez les plasticiens, ce courant se propage d’Allemagne (le groupe

de Walter Gropius) en Hollande (le groupe des néoplasticiens De Stÿl) et en Russie. Dans

Page 6: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

6

le prolongement de l’affrontement entre natura naturata et natura naturans, l’art abstrait

refuse le modèle extérieur et dépasse le statut de simple réflexion au profit de la

construction. La littérature se doit de refléter soi-même tout en communicant avec les arts

plastiques dont l’entrecroisement donne naissance à la « picto-poésie ».

Le mouvement d’avant-garde le plus élaboré, qui se détache des autres tant par sa

longévité que par sa portée littéraire, est sans doute le surréalisme. Le groupe composé à

l’origine de Breton, Aragon et Soupault, auxquels s’adjoignent ensuite Péret, Desnos,

Sadoul, Crevel, Eluard, doit son nom à Apollinaire qui l’avait forgé en 1917 pour sa pièce

Les Mamelles de Tirésias, « drame surréaliste ». Le groupe de Breton s’associe avec

Tzara (1920-1923), puis en rompt en radicalisant ses positions. Le premier Manifeste du

surréalisme (1924) tourne autour de deux questions centrales : l’idée freudienne de

l’inconscient et « l’écriture automatique » illustrée en 1919 par Les Champs magnétiques

de Breton et de Soupault. Se révoltant contre le rationalisme et la morale étroite de la

société bourgeoise, le mouvement veut « changer la vie » par le recours à l’imagination,

au merveilleux quotidien, au rêve. Le rêve est une voie d’accès vers l’inconscient et un

réservoir de forces capables de renouveler la perception simpliste de la réalité. L’écriture

automatique convient le mieux à la poésie qui se voit ainsi portée vers l’essentiel, tandis

que le roman est marginalisé vu sa logique rationaliste. Cette attitude débouche sur

l’écriture des textes inclassables, hybrides, tels Nadja (1927), mélange de journal et

d’essai. Son ouverture oriente vers la redécouverte des auteurs marginalisés (Sade,

Lautréamont) et des genres dits populaires : feuilleton, récit gothique, humour noir,

cinéma, publicité. Le surréalisme se manifeste aussi dans la peinture – de Chirico,

Picasso, Magritte, Victor Brauner.

Le Second Manifeste (1928) précise les rapports que le surréalisme établit avec le

communisme et réaffirme l’autonomie de la littérature et la possibilité de servir la cause

de la révolution sans se rallier à l’idéologie politique. D’ailleurs tout le système

surréaliste s’articule autour de deux axes : l’écriture automatique et la fonction sociale et

politique des textes. Le programme de Breton se cristallise dans des paires d’oppositions

telles le rêve et l’action, le littéraire et le politique, dont les termes sont en rapport non

seulement complémentaire, mais de nécessité.

Page 7: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

7

Le problème du texte social, tel qu’il est présenté par Michel Biron1, s’avère être

une préoccupation majeure de l’époque, qui dépasse le cadre de tel ou tel mouvement

artistique. En effet la sphère littéraire se voit sollicitée par des événements qui exigent

d’elle une réponse ou une prise de position. Une enquête de la revue Echantillons de

1928 auprès de différents écrivains démontre leur préoccupation pour la politique. Nous

retiendrons uniquement la réponse de Franz Hellens qui affiche une attitude assez

nuancée : « Je crois qu’il y a certaines époques où l’artiste ou l’écrivain doit se mêler à la

politique. […] C’est par exemple à une époque de révolution. Rester indifférent serait

lâcheté. Il faut choisir ou fuir »2. Le surréalisme belge se rapporte à la sphère politique

différemment, avec moins d'implication, – le point de comparaison étant les œuvres plus

engagées de Breton, Aragon, Eluard. Si Aragon sera impliqué dans un procès à cause de

son engagement politique, Breton sera scandalisé et Nougé mettra l'accent sur la

responsabilité qui pèse sur le mot écrit, la littérature étant en rapport étroit avec la société,

Hellens garde une attitude tempérée qui s’origine dans l’intertexte social et dans la

situation politique particulière de son pays.

Franz Hellens - le rapport aux mouvements modernes de son temps

Franz Hellens est d'ailleurs une personnalité des lettres belges profondément

ancrée dans l’actualité culturelle et particulièrement intéressée de la spécificité du

rapport de la littérature belge à la modernité telle qu’elle est promue par le centre de la

vie artistique européenne, Paris.

Le Disque Vert

Nous nous occuperons d’abord de sa contribution théorique, exprimée dans

certaines enquêtes littéraires et surtout à travers une activité de directeur de revue, en

occurrence le Disque Vert, lequel connaît au cours d’une dizaine d’années de nombreux

changements de titres et des périodicités variables. Ainsi entre 1921 – 1922 la revue

apparaît sous le titre Signaux de France et de Belgique, pour se transformer ensuite en

1 Michel BIRON, La modernité belge. Littérature et société, Bruxelles : Editions Labor, 1994. 2 Franz HELLENS, cité par Michel BIRON, op. cit., p. 228

Page 8: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

8

Disque Vert (1922 – 1925), en Ecrits du Nord et en Nord (1929 – 1930), la première

partie de son existence étant la plus consistante et la plus cohérente. En tant que directeur

et animateur du Disque Vert, Hellens procède à l’investigation permanente de la

littérature de son temps ce qui l’amène à saisir les coordonnées du modernisme en

Belgique. Celui-ci s’exprime par la volonté d’ouverture à « l’esprit nouveau », qui

implique la découverte des territoires littéraires inconnus et qui s’affirme par l’intérêt

porté aux littératures étrangères. Sa modernité se traduit aussi par le choix des sujets

d’actualité tels : « Les rêves », la psychanalyse – « Jung », le cinéma – « Charlot ». La

tradition n’est pourtant pas rejetée à la façon des avant-gardes ; Hellens y reste attaché et

cherche plutôt à réinventer une tradition, revalorisée à la lumière du temps présent. La

critique soutient que par son éclectisme, son internationalisme, par la synthèse de la

tradition et de la nouveauté, la revue est moderniste, structurellement opposée à la

posture d’avant-garde1.

Vu le décalage temporel qui affecte toute littérature périphérique par rapport aux

innovations du centre, les littéraires belges sont influencés par une manière de travail de

rattrapage, par un parcours s’effectuant à marches forcées et visant à « récupérer » le

retard. Dans ce contexte apparaît l’entreprise de liquidation accélérée du symbolisme

pour faire place à « l’esprit nouveau ». Ce dernier s’identifie à la littérature moderniste de

la Belle Epoque : Cocteau, Cendrars, Mac Orlan, André Salmon, Max Jacob, Malraux.

N’ayant pas connu les courants modernistes de la Belle Epoque à cause de la longévité du

symbolisme qui n’a pas permis l’émergence de nouveaux mouvements, la littérature

belge considère le rejet du symbolisme comme étape nécessaire pour la constitution

d’une littérature nationale. Cette démarche s’inscrit d’ailleurs dans une tradition belge qui

va de la Jeune Belgique - « Soyons nous! » au Manifeste du groupe de lundi. La question

du symbolisme semble avoir marqué dans l’histoire de cette revue la seule manifestation

du topos de la table rase. Elle est abordée frontalement par Hellens dans le deuxième

numéro d’Ecrits du Nord :

Il est possible que nous ayons encore un pied en terre de symbolisme, terre

morte, ou tout au moins de cette terre desséchée à nos semelles. La secouer n’est pas

1 Benoît DENIS, « Entre symbolisme et avant-garde : le modernisme de Franz Hellens dans la première série du Disque Vert (1921-1925) » in Textyles, no 20 : « Alternatives modernistes (1919-1939) », Bruxelles : Le Cri, 2001, p. 66-75.

Page 9: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

9

difficile, mais en marcherons-nous mieux sur le terrain nouveau, déblayé et retourné, si

nous y apportons tous nos souvenirs et toute la science qu’on nous a fait avaler ou que

nous avons absorbée de notre propre gré, nous imaginant ainsi dominer, alors que nous ne

nous sommes construit qu’un tertre bien médiocre d’où l’on ne découvre qu’une illusoire

perspective ? Peintres, poètes, musiciens, nous n’avons rien à désapprendre, comme on

dit au sortir de l’Académie. Ce qui est appris est acquis : pourquoi rougir de ce que l’on

possède ? Le mal c’est d’avoir appris faussement […] : nous avons cru trop longtemps

qu’il fallait apprendre à être nous-mêmes, à ne ressembler à personne, je veux dire à nous

créer un type et non pas un style1.

Jules Romain explique dans le numéro suivant « les causes de la désagrégation

du symbolisme » et la fin du même numéro propose une enquête intitulée « Le

symbolisme a-t-il dit son dernier mot ? » Les réponses2 appartiennent à une quarantaine

d’écrivains belges et français et ont la même finalité : liquider ce mouvement en faisant

appel au discours littéraire français.

La revue adopte une logique de rassemblement et de conciliation des factions

littéraires modernistes et avant-gardistes. L’attraction du surréalisme se lit dans des

numéros spéciaux consacrés aux sujets privilégiés par le groupe de Breton : « Hommage

à Max Jacob » (no 2, novembre 1923), « Charlot » (no 4-5, 1924), « Freud et la

psychanalyse » (hors-série, 1924), « Des rêves » (no 2, 1925), « Le cas Lautréamont »

(hors-série, 1925). Une prise de position se dégage du no 1 de 1925 du Disque Vert par la

publication de trois articles : le premier appartient à Franz Hellens qui fait une lecture des

Pas perdus, le deuxième est signé par Michaux et marque son adhésion à ce courant et le

troisième, de Pascal Pia, est une attaque contre Aragon et le surréalisme. L’intérêt ne

devient pas, par conséquent, synonyme d’affiliation.

Le Manifeste du groupe de lundi

Par ses deux thèmes majeurs, la nationalité littéraire et le régionalisme, des fils

conducteurs de l’historiographie des lettres belges, le Manifeste est l’aboutissement des

longues discussions entre les représentants de deux générations, les anciens et les jeunes. 1 Franz HELLENS, « Nous devons réapprendre », in Ecrits du Nord, no 2, nov. 1922, p. 93 (Le Disque Vert. Revue mensuelle de littérature, Bruxelles : Editions Jacques Antoine, 1971, t. II, p. 265). 2 Le Disque Vert, no 4-5-6, février-avril 1923.

Page 10: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

10

Paru le 1er mars 1937 ce texte représente un moment important du débat

identitaire des Lettres Belges. Pour l’histoire littéraire, il marquerait la fin d’une

« littérature belge de langue française » en tant que littérature nationale autonome et

inaugurerait l’ère de la « littérature française de Belgique ».

Les initiateurs du Manifeste font partie du groupe de Lundi, fondé à l’initiative de

Franz Hellens et ayant dès le début deux autres animateurs : l’écrivain Pierre Hubermont

et Robert Poulet qui en deviendra plus tard le théoricien. Son organisation repose moins

sur un programme esthétique que sur des affinités d’âges et d’orientations culturelles et

littéraires et se veut l’incarnation de l’élite littéraire du temps.

Le texte a vingt et un signataires, des écrivains Flamands (Charles Bernard, Marie

Gevers, Arnold de Kerchove, Grégoire Le Roy, Georges Marlow, Camille Poupeye et

Horace Van Offel), Wallons (Hubert Dubois, Pierre Hubermont, Charles Plisnier, Robert

Poulet, Marcel Thiry, René Verboom et Robert Vivier), Bruxellois (Gaston Pulings,

Herman Closon, Michel de Ghelderode, Henri Vandepute, Eric de Haulleville, Franz

Hellens) et Paul Fierens, né à Paris. Ils sont tous des gens de lettres à l’âge mûr, qui se

sont confrontés aux problèmes de la modernité et aux mutations de la littérature belge de

la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle.

La façon dont ce Manifeste répond à certains problèmes considérés essentiels

pour l’évolution des lettres belges dans le contexte de la modernité, s’oppose

partiellement à la politique culturelle du Disque Vert. Ainsi le débat autour de la

nationalité et du régionalisme mène à des conclusions plus nettes et moins conciliantes

que celles qui promouvaient une existence autonome de la littérature belge, autonomie

fondée sur la partie d’originalité, voire de spécifique, de celle-ci par rapport à la France.

La première partie se propose d’éclaircir la question de l’identité : « Qu’est-ce

que les lettres belges ? ». La réponse tranche net le concept de « littérature nationale » qui

serait une « erreur radicale » due à une déformation « particulariste » de la devise

« Soyons nous » de la Jeune Belgique. La seconde partie qui traite le rapport « Littérature

et nationalité » considère absurde une « histoire des lettres belges en dehors du cadre

général des lettres françaises » vu « la communauté de langue ». La troisième section, qui

s’intitule « Les mœurs et l’opinion littéraire » met en discussion les conséquences d’une

conception nationale sur la littérature. Ainsi celle-ci entraînera un manque de valeur sur

le plan du contenu et de la technique d’écriture, mais également sur le plan institutionnel.

Page 11: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

11

« La question du régionalisme » examinée dans la dernière partie distingue entre un

régionalisme au sens large qui peut donner naissance à des œuvres « parfaitement viables

sur le plan universel » et le régionalisme étroit qui n’est qu’un « exercice préparatoire à la

limite de l’art et du folklore »1. Cette volonté de rompre avec une tradition qui a fait son

temps ne se matérialise pas intégralement dans les textes de fiction de Hellens, dont le

parcours rejette ou absorbe la dimension régionaliste.

Panaït Istrati – modernité et tradition En échange, l'inscription de Panaït Istrati dans la modernité n'est pas aussi

manifeste. Il est un autodidacte, un écrivain qui se remarque par son talent de conteur et

par le sens du langage. Dans l’esprit de l’époque, il s’intéresse dès le début de son activité

littéraire aux mouvements politiques contemporains. Son adhésion au communisme

devient la raison d’un voyage qu’il entreprend en URSS entre 1927 – 1928, lequel lui sert

de matériel pour l’ouvrage intitulé Vers l’autre flamme. Confession pour les vaincus2. Ce

livre protestataire, qui lui a valu des critiques acerbes, crée à son auteur une figure

singulière parmi les intellectuels occidentaux. Ses écrits se détachent par la violence avec

laquelle il dénonce l’imposture du régime soviétique. Cette attitude a été interprétée

différemment : par le fait d’avoir entrepris la dernière partie de son voyage seul, sans se

laisser guider par les autorités, par les connaissances de langue qu’il possédait et qui lui

permettraient d’être plus proche du peuple, par son origine prolétaire qui le rendrait plus

sensible à la vie des ouvriers ou même par son incapacité de construire un système

idéologique et par sa maladresse en matière de politique3. Ces motivations extrinsèques

ne doivent pas pour autant occulter la lucidité avec laquelle il rejette un système

idéologique dont il a constaté les carences graves. Si l’idéalisme qui l’a toujours animé

déforme sa compréhension de l’utopie socialiste jusqu’à lui prêter le rôle d’édifier un

monde nouveau, délivré du matérialisme, il reste cependant un observateur acerbe des

faiblesses de la mise en pratique de cette doctrine. 1 Voir Reine MEYLAERTS, « 1er mars 1937 le Manifeste du groupe de Lundi condamne le régionalisme littéraire – Enjeux nationaux et internationaux de la question identitaire », in Jean Pierre BERTRAND, Michel BIRON, Benoît DENIS, Rainer GRUTMAN (sous la dir. de -), Histoire de la littérature belge 1830 – 2000, Paris : Fayard, 2003, pp. 379 – 389. 2 Panaït ISTRATI, Vers l’autre flamme. Confession pour les vaincus, Paris : Rieder, 1929. 3 Voir Karl KROHNKE, « De l’euphorie au mutisme, du mutisme au j’accuse », in Cahiers Panaït Istrati, no 8, Valence : Fondation Panaït Istrati, 1991, p. 211-218.

Page 12: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

12

La préoccupation pour les problèmes d’actualité, pour l’histoire présente de la

Roumanie, se prolonge dans douze articles parus de décembre 1934 à mai 1935 dans La

Croisade du Roumanisme. Ecrits pendant les cinq dernières années de sa vie, ces textes

traitent des sujets très prisés par le public : le fascisme, le communisme, la démocratie, la

nature du pouvoir, la place des minorités dans les nations, l’antisémitisme. D’ailleurs son

esprit révolutionnaire s’affirme dans la presse roumaine bien avant cette période. Huit

reportages sur la grève des mineurs de Lupeni1 reconstituaient l’exploitation des

travailleurs par les sociétés charbonnières des partis bourgeois.

Toutes ces questions se reflètent de façon plus ou moins explicite, discursive,

dans son œuvre romanesque, surtout dans La Maison Thüringer2 (1933) et dans Le

Bureau de placement3 (1933). Le sujet de ce dernier roman, la suite logique du premier,

est circonscrit par l’aventure socialiste d’Adrien Zograffi, personnage exponentiel de P.

Istrati. Le roman esquisse à travers l’évolution de son personnage la radiographie du

mouvement ouvrier d’avant la première guerre mondiale et exploite le rapport des gens

simples aux idées généreuses, mais peu productives.

La Maison Thüringer aborde elle aussi des aspects de la révolte des syndicalistes

contre la mécanisation du travail, mais cet ouvrage contient également une autre sorte

d’implication de l’art dans la vie sociale. L’engagement, la sympathie et le regard

charitable placés sur une humanité en souffrance représentent une attitude commune

parmi les intellectuels de l’entre deux guerres. Un trait actuel, non pas moderne, qui se

rattache à un certain humanitarisme, sans atteindre les proportions du grand attachement

doctrinaire de Malraux ou de Gide. La préface à l’édition roumaine (1934), signée par

l’auteur, explique bien quelques problèmes de l’influence de l’intertexte social et

politique sur la littérature. Dans cette Introduction, très différente de celle que Istrati a

écrite pour l’édition originale parue chez Rieder, l’auteur met en discussion le statut et le

rôle de l’écrivain et de l’éditeur dans une société de consommation. Tout en insistant sur

la présence de l’élément autobiographique dans son œuvre romanesque, Istrati esquisse le

portrait de son personnage indiciel, Adrien Zograffi, qu’il veut imposer par son esprit

d’indépendance. Celui – ci devient « le solitaire » qui n’adhère à aucune des doctrines

1 Ces reportages ont paru dans le quotidien Lupta/La Lutte de Bucarest de 24 septembre au 2 octobre 1929 et ont été publiés dans Les Cahiers Panaït Istrati, no 21, 1981. 2 Panaït ISTRATI, La Maison Thüringer, Paris : Rieder, 1933. 3 Panaït ISTRATI, Le Bureau de placement, Paris : Rieder, 1933.

Page 13: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

13

contemporaines, qui est simplement l’insurgé, le révolté, l’anarchiste, tel que l’auteur se

définit soi-même. La mise en question de la narration, de la place qu'occupe le réalisme

dans ses textes est synthétisée dans le fragment suivant :

Du fait qu’Adrien a parcouru le monde et qu’il a rencontré toute sorte de gens, l’histoire

de sa vie est plutôt un film à épisodes qu’un roman, d’autant que la fameuse

« psychologie » est totalement absente. Je souhaite présenter à mes contemporains une

fresque réaliste, sans recourir au « document illustré », ce qui est à la portée de quiconque

et ne prouve rien1.

L’homme qui court le monde en quête d’espaces et surtout de gens nouveaux

revient à la figure traditionnelle du picaro. Le désir de tout voir et tout connaître est

inhérent au voyageur qui redécouvre en même temps le goût de l’aventure et le plaisir de

raconter son expérience. Le caractère autobiographique, l’insistance sur le vécu, sur

l’authenticité du fait raconté n’est pas sans importance. Elle découvre plus qu’une

préoccupation réaliste: le pacte référentiel qui est censé entretenir l’intérêt et la crédibilité

de l’auditeur devant le conteur. Le découpage en « épisodes » renvoie non

nécessairement au cinéma, mais au mécanisme du conte oriental de Mille et une nuits. En

effet la tradition du conte oral repose sur l’enchaînement des récits qui se continuent par

certaines constantes tout en restant différents. D’ailleurs ce que Romain Rolland et

ensuite toute une série de critiques ont apprécié chez Istrati c’était son génie de conteur

d’Orient, son talent de narrer des histoires, la vivacité d’une écriture qui garde les traces

de l’oralité. La peinture authentique du réel devient une question traditionnelle mise dans

une forme moderne: le retour de l'histoire se fera par l'intermédiaire du fragmentaire, de

la relativisation de la perspective, de la pluralité des voix narratives.

Les enjeux théoriques de cette citation peuvent renvoyer à une interprétation

historico-culturelle des techniques du roman moderne. Adorno caractérisait la situation

du narrateur moderne par un paradoxe: « On ne peut plus narrer, alors que la forme du

roman exige la narration »2. Il est évident que la littérature moderne se détourne de

l'illusion du réel qui reproduit la façade de la société, ne réussissant pas à saisir ce qu’elle

a d’essentiel. Une photographie extérieure, ou un « document illustré », ne peuvent pas

1 Voir l’Introduction à Panaït ISTRATI, La Maison Thüringer, Bucarest, Cartea Romaneasca, 1934. 2Th. W. ADORNO, Notes sur la littérature, Paris : Flammarion, 1984, p. 37.

Page 14: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

14

rendre compte de la réalité contemporaine dans sa complexité. L'authenticité de la

narration assimile alors vérité et facticité et met en question la confiance naïve envers le

récit. La fiction ne prétend plus à la vérité, le narrateur doit « présenter sa fiction soit

comme la restitution d'un événement réel, soit donner au moins l'illusion d'une telle

réalité »1. Le réalisme, en tant que première réponse à la modernisation sociale, suppose

déjà la perte de confiance en la naïveté épique. Le roman adopte alors les techniques du

photomontage, d'« un film à épisodes » afin que la narration soit reconnue comme

authentique.

La citation permet également d’aborder un autre débat: l'attitude de l'auteur vis-à-

vis de son œuvre - la notion d’œuvre artisanale versus œuvre emphatique -, ainsi que sur

la question de la vérité - qui est localisée dans la réalité ou dans le texte. Istrati rejette

constamment l'emphase relative au produit achevé mais non pas au processus de

l'écriture, car s'il veut reconstruire la vérité, il ne renonce pourtant pas au pathos du

travail artistique. En tant que signe caractéristique de la modernité, le refus du concept

emphatique de l’œuvre rattache Istrati à la négation de l’œuvre par les avant-gardistes.

Avec ceux-ci « toute prétention à l’œuvre s'est trouvée escamotée non seulement dans le

happening dadaïste, mais également dans l'écriture automatique, en faveur de

l'immédiateté, que ce soit par l'effet de choc, ou par l'expression du moi »2.

La complexité des rapports sociaux étant devenue débordante pour un regard qui

aspire à être totalisant, le narrateur dispose d'un autre matériau : sa propre expérience.

Istrati rejoint ainsi la tendance du roman moderne à l'autobiographie. L'auteur travaille et

transforme le vécu de façon que le résultat de ce processus d'élaboration puisse prétendre

à restituer l'expérience.

Si l’aventure, assumée dans ce cas par le personnage alter-ego, Adrien Zograffi,

représente dans son sens immédiat l’événement, l’exotique, l’insolite des images et des

rencontres, la psychologie sommaire, la stratégie du conteur, voire autant de composantes

traditionnelles, elle est doublée d’une signification plus profonde. L’aventure devient

auto référentielle, ontologique, gnoséologique, des éléments tout à fait modernes. Le

roman dépasse le stade de simple récit d’événements pour se transformer en aventure

intérieure, en méditation. La réflexion sur la condition du monde et de l’individu, comme

connotation du voyage intérieur, se substitue au déplacement géographique. 1Peter BÜRGER, La Prose de la modernité, Paris : Klincksieck, 1994, p. 344. 2 Ibid., p. 345-346.

Page 15: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

15

La modernité des écrits istratiens est décelable alors par ce retour particulier à la

narrativité dans une époque qui met en question les raisons de la littérature référentielle.

Traditionnel dans ce contexte, Panaït Istrati devient moderne de la perspective actuelle.

Quelques précisions s’imposent. Le processus qui engendre le postmodernisme dès son

instauration, tel qu’il est théorisé par Ihab Hassan, J. F. Lyotard, laisse apparaître le

retour à l’aventure, au type du voyageur, à la littérature picaresque qui refait autrement

l’ancienne tradition, la redécouverte du plaisir de raconter. D’ailleurs ce ne sont pas les

seuls éléments réhabilités par la littérature de la seconde moitié du XXe siècle. Les

composantes de la littérature gothique, surtout la trame, le crescendo, le climax se

retrouvent à différents niveaux dans la littérature actuelle. Si la peinture redécouvre le

figuratif, la narrativité devient un moyen de revitaliser la prose comme le prouve Ernst

Jünger dans les Journaux de guerre1 qui renvoie à Mille et une nuit ou Graham Swift

dans Le Pays des eaux2, roman faulknérien, mais dont les histoires recommencent

toujours par « Il était une fois… ».

La modernité à l’œuvre

L’œuvre littéraire de Franz Hellens est symptomatique pour l’évolution de la

littérature belge au cours du XXe siècle. Le naturalisme et le symbolisme des premiers

textes, le futurisme et le surréalisme de Mélusine (1920), le cubisme des Notes prises

d’une lucarne (1925), le réalisme des Mémoires d’Elseneur (1954) sont autant de

réponses à l’interrogation de l’intertexte culturel et esthétique de l’époque. La vogue de

l’art nègre est illustrée par l’histoire du fétiche noir, Bass-Bassina-Boulou (1922), qui

renferme des considérations animistes, panthéistes et métaphysiques. Si le programme du

Disque Vert insiste sur l’absence du politique et du social dans la littérature, Hellens a

manifesté dès les premiers livres son intérêt pour les humbles, ouvriers ou marginaux:

Les Hors-le-Vent (1909), Le magasin aux poudres (1936). Le goût de l’introspection et

de la psychanalyse, fort accru au début du siècle grâce à la découverte de Freud, l’anime

dans la trilogie de l’enfance : Le naïf (1926), Les filles du désir (1930) et Frédéric (1935).

Plus qu’une simple autobiographie, ces récits dévoilent une plongée dans l’âme enfantine

pour recréer un univers particulier. La veine psychologique et sentimentale se retrouve à 1 Ernst JÜNGER, Journaux de guerre, Paris : Julliard, 1990. 2 Graham SWIFT, Le Pays des eaux, Paris : Gallimard, 2001.

Page 16: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

16

un autre niveau dans En écoutant le bruit de mes talons (1920) et La femme partagée

(1929).

Sans se plier à tout prix aux théories esthétiques à la mode, Hellens témoigne

d’une curiosité des formes d’art nouvelles et sa littérature ne manque pas de refléter le

contexte culturel contemporain, la création littéraire si bien que les arts visuels. Ainsi,

Mélusine, probablement le roman le plus connu de Hellens et en même temps son oeuvre

- somme, celle qui contient in nuce les axes de sa création littéraire, découvre, dans sa

première version (1920), des liens avec l’esthétique futuriste alors que dans sa deuxième

variante (1952) le caractère de précurseur du surréalisme est plus manifeste. Dans les

deux cas, les déclarations de l’auteur, en tant qu’épilogue ou avant-propos, semblent

avoir orienter précisément la lecture critique. Si le texte de 1920 contient assez de

références aux mouvements d’avant-garde, sa réédition concentre notamment des

caractéristiques du mouvement surréaliste. L’auteur avertit que son œuvre est construite

d’une « somme de rêves ». D’ailleurs la critique a souligné fréquemment le fait que

Hellens a pressenti les ressources du rêve, de cette « vie seconde », avant l’apparition de

l’idée de surréalisme. Son statut d’innovateur fait que Mélusine ainsi que Nocturnal

(1919) se nourrissent de l’inspiration onirique et qu’ils transforment même le rêve en un

thème et en un procédé narratif essentiels.

L’influence du futurisme est décelable dans Mélusine à partir du rôle fondamental

que joue la vitesse tant au niveau de la trame narrative, qu’à celui de la construction du

personnage, de l’organisation du roman ou du rythme narratif1. Le machinisme qui

transparaît derrière une suite de voitures, trains, bateaux, ascenseurs, rappelle les

formules de Marinetti telles l’« immobilité passive » ou le « mouvement agressif ».

Mélusine, la femme qui entraîne dans son déplacement tous les autres personnages du

roman, est une incarnation du principe moteur de l’univers : c’est elle qui imprime le

rythme fou au déroulement de leur voyage et, de façon diffuse, à la succession des

épisodes et à l’inspiration romanesque. Le roman entier s’articule rapidement dans un

trajet à ligne droite, opérant des découpages de l’action en une succession de tableaux. Ce

procédé qui rappelle les techniques cinématographiques n’est pas d’ailleurs la seule

référence au septième art. Le personnage du Locarlochi renvoie à Charlot, pour lequel

Hellens a une grande admiration, tandis que plusieurs scènes engendrent du « cinéma à 1 Voir Éric LYSOE, « Mélusine et le futurisme : plaidoyer pour une relecture », in Courant d’ombres, no 3 : « Franz Hellens », printemps 1996, p. 51-66.

Page 17: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

17

rebours » : la scène du casino où il faut se déshabiller avant d’entrer dans la salle de jeu,

alors que d’habitude c’est après le jeu qu’on perd tout ce qu’on possède, même ses

vêtements. Ces traits répondent en outre à la volonté de Marinetti d’introduire le temps

dans les arts de l’espace à partir du modèle cinématographique. Un thème tellement

présent finit, en l’occurrence, par s’imposer comme principe fondateur du roman, ayant

des effets profonds dans son architecture dynamique, musicale fondée sur la succession

de type : exposition, développement, réexposition.

L'origine aquatique de la fée engendre une prolifération soudaine de la métaphore

maritime dans le roman. La foule qu'elle traverse a « cette teinte verte et profonde que

prennent les vagues de la mer »1, tandis que le héros se sent plonger « dans un bain

d'étoiles ». Son corps qui se montre au narrateur après avoir « longuement contemplé une

vague »2 se trouve plusieurs fois confronté à la dissolution dans cette matière liquide qui

l'a engendré. La scène du bain qui fractionne le corps de la femme en une partie

perceptible, le haut du corps, et une autre insaisissable, dissimulée par l'eau, synthétise sa

nature fuyante. Elle s'oppose à un épisode analogue du parc artificiel où une « Suzanne

au bain », une sorte de mannequin en ciment, pétrifié, exclut par son inertie le charme

d'un tel exploit.

Ce rapport est révélateur pour la place qu'occupe le mythe dans ce roman

moderne. La relation entre la tradition et la modernité est synonyme de celle entre la

pétrification du mythe et le mouvement (l'électricité, la vitesse) qui gouverne les temps

modernes. Les éléments empruntés au mythe, tels la rencontre initiale de la fée dans un

lieu désert, subissent le traitement des images typique de la vie moderne : l'Opéra, le

Music-Hall, le Casino, l'Usine, le Parc Artificiel, des lieux de forte socialité3. La mise en

scène moderniste du mythe rappelle le syncrétisme des avant-gardes européennes.

La même importance accordée au mouvement sempiternel se retrouve chez Istrati

dans le récit intitulé Nerrantsoula (1927). Le sous-titre contenant une précise référence

musicale « Le refrain de la fosse » introduit d'emblée la suggestion de rythme et de

1Franz H ELLENS, Mélusine, Bruxelles : Les Eperonniers, 1987, p. 20. 2Ibid., p. 26. 3Voir Paul ARON, « Mélusine: lecture d'une légende surréaliste » in Franz Hellens entre mythe et réalité/ sous la dir. de Vic NACHTERGAELE, Leuven : Leuven University Press, 1990, p. 145-154.

Page 18: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

18

danse. Le paratexte confirme l'intuition initiale par une référence appartenant à Apostolis

Monastirioty. Celle-ci apparaît dans la préface sous la forme d'un souvenir biographique:

Nerrantsoula est née d'une heure de chaude lumière, d'une heure de danse : je peux

dire que Panaït a écrit Nerrantsoula en dansant. [...] Chanson et danse c'est un monde. Et

elles ressuscitent un monde. Le chant est le miracle qui porte en soi d'autres miracles. Et

Nerrantsoula est une chanson miraculeuse comme une source. [...] Tu as été écrite en

dansant. Il faut que tu sois lue en dansant1.

La femme incarne encore une fois le principe dynamique, le mouvement qui

rayonne et qui entraîne les protagonistes dans un périple continuel. La série d'aventures,

mise sous le signe de l'eau, finira tragiquement par l'immersion des amants dans le

Bosphore. A la différence de Mélusine, le rythme n'est pas haletant, mais oscillatoire,

alternant les ralentissements et les accélérations subites. Celui-ci est engendré par le

zigzag initial de la fille qui saute d'un côté à l'autre d'un fossé et se développe en un

éventail de variantes: la marche du groupe d'enfants qui chantent en parcourant les rues

de la ville, illuminées par des étranges lampions-pastèque, la compétition des cerfs-

volants qui déplace le mouvement dans le registre de la verticalité, la traversée du

Danube à la nage et ensuite en barque.

Le mouvement se trouve en permanence associé à l'élément aquatique pour

caractériser simultanément l'héroïne. Son onomastique, tributaire à une chanson

populaire grecque, Nerrantsoula foundoti2, est une façon de la projeter dans le mythe.

Les citations en langue d'origine se rapportent à l'intertexte musical d'extraction populaire

et créent plusieurs niveaux de signification. La vierge qui « rince sa jupe » « au bord de

la mer, sur la grève » trouve son avatar dans « l'intrépide et rebelle Nerrantsoula, dont il

était écrit dans le rythme du destin qu'elle serait chantée par le peuple comme la fille de

la vague, sœur lointaine et symbolique de l'Aphrodite – mais finalement rendue elle aussi

à la mer. Victorieuse et joyeuse elle sortait de l'écume marine pour retourner au royaume

des ondes après avoir connu les mirages de la lumière et pour y emporter la dernière

illusion que le désespoir permette aux mortels »3. Le texte se construit donc en absorbant

1 Apostolis MONASTIRIOTY, « Présentation » in Panaït ISTRATI, Nerrantsoula, Paris : Gallimard, 1970, p. 237-239. 2Nerrantsoula foundoti, « petit oranger amer et touffu » 3Apostolis MONASTIRIOTY, « Présentation » in Panaït ISTRATI, Nerrantsoula, op. cit., pp. 238-239.

Page 19: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

19

et en rejetant en même temps l'intertexte populaire. L'image de la fille se superpose dès le

début à celle d'un poisson et ensuite d'une sirène: la présence de l'intruse surnommée

sacadgitza (la porteuse d'eau) s'accompagnera ponctuellement des attributs tels le fait

qu'elle « se mouvait comme le poisson dans la rivière »1, qu'elle « n'avait affaire qu'avec

l'eau »2, qu'elle éprouvait une fascination morbide pour une énorme fosse (par laquelle

elle sera engloutie lors de sa danse en zigzag) creusée dans la rue et dont les tubes

transporteront «l'eau du Danube qui monte[ra] toute seule dans la chambre »3.

La séduction qu'elle exerce sur les hommes, les réduisant à des automates,

s'origine dans son corps « dur comme pierre » mais qui sait « vibrer comme une corde de

harpe mordue par les doigts »4, par « ses bras fermes comme deux serpents forts, [...]

durcis par [les] lourds seaux »5, par le défi qu'elle leur lance « - Marco! Viens, Marco!

Viens! [...] ... va, va vers celle qui t'appelle! »6.

***

Si représenter le mouvement devient un objectif constant des recherches

artistiques du premier quart du siècle, Istrati et Hellens s’en font les médiateurs.

L'inscription de la modernité dans leurs œuvres se fait différemment. On bascule d'une

modernité manifeste, à une autre, moins transparente et qui s'accommode avec la

tradition. Franz Hellens, en tant qu’agent de la modernité, est pourtant assez conservateur

dans son écriture. Bien que dans Le Manifeste du groupe de Lundi il rejette le

régionalisme, pour s'affirmer comme maître de la nouvelle génération, il le pratique dans

ses récits. De plus l'intertexte mythique est modelé de façon complémentaire à l'intertexte

contemporain.

Sans être un père spirituel, Istrati entre en contact avec la modernité

spontanément, intuitivement. Il ne s'impose pas une modernité forcée, non assumée.

Point soucieux de se rallier à une modernité occidentale, il s'inscrit dans une évolution

1Panaït Istrati, op. cit., p. 250. 2Ibid., p. 251. 3 Ibid., p. 257. 4 Ibid., p. 262. 5 Ibid., p. 259. 6 Ibid., p. 260.

Page 20: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

20

normale de la littérature roumaine. Sa position reste intermédiaire : entre la tradition et la

modernité.

Bibliographie Corpus

Hellens, Franz, Mélusine, Bruxelles : Les Eperonniers, 1987.

Istrati, Panait, Nerrantsoula, Paris : Gallimard, 1970.

Le Manifeste du groupe de Lundi, Bruxelles : Impr. Van Doorslaer, 1937, texte conforme

au Manifeste d’origine, reproduit pour le colloque international « Le Groupe du Lundi,

mythe ou réalité ? », Mulhouse, 23 – 26 octobre, 2003.

Etudes critiques Aron, Paul, « Mélusine: lecture d'une légende surréaliste » in Vic Nachtergaele (sous la

dir. de-), Franz Hellens entre mythe et réalité, Leuven : Leuven University Press, 1990,

p. 145-154.

Kröhnke, Karl, « De l’euphorie au mutisme, du mutisme au j’accuse », in Cahiers Panaït Istrati, no 8, Valence : Fondation Panaït Istrati, 1991, p. 211-218. Lysoe, Eric, « Mélusine et le futurisme : plaidoyer pour une relecture », in Courant d’ombres, no 3 : « Franz Hellens », printemps 1996, p. 51-66. Meylaerts, Reine, “1er mars 1937 le Manifeste du groupe de Lundi condamne le régionalisme littéraire – Enjeux nationaux et internationaux de la question identitaire”, in Jean Pierre Bertrand, Michel Biron, Benoît Denis, Rainer Grutman (sous la dir. de-), Histoire de la littérature belge 1830 – 2000, Paris : Fayard, 2003, p. 379 – 389.

Orientations théoriques Adorno, Theodor W, Notes sur la littérature, Paris : Flammarion, 1984. Alexandrescu, Sorin, La Modernité à l’Est. 13 aperçus sur la littérature roumaine, Pitesti : Editions Paralela 45, 1999.

Page 21: Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements … · 2006-04-21 · 1 Panaït Istrati et Franz Hellens – Le rapport aux mouvements modernes L’histoire littéraire

21

Biron, Michel, La Modernité belge. Littérature et société, Bruxelles : Editions Labor, 1994. Bürger, Peter, La Prose de la modernité, Paris : Klincksieck, 1994. Calinescu, Matei, Faces of Modernity: Avant-Garde, Decadence, Kitsch, Bloomington: Indiana University Press, 1977. Compagnon, Antoine, Les Cinq Paradoxes de la modernité, Paris : Seuil, 1990. Compagnon, Antoine, Les Antimodernes. De Joseph de Maistre à Roland Barthes, Paris : Gallimard, 2005. Dethurens, Pascal, De l'Europe en littérature. Création littéraire et culture européenne au temps de la crise de l'esprit (1918-1939), Genève : Droz, 2002. Fauchereau, Serge, Expressionnisme, dada, surréalisme et autres ismes, Paris : Denoël, 1976. Lyotard, Jean-François, La Condition posmoderne, Paris : Minuit, 1979. Marino, Adrian, Modern, modernism, modernitate/Moderne, modernisme, modernité, Bucarest : Editura pentru Literatura Universala, 1969. Meschonic, Henri, Modernité Modernité, [Paris] : Gallimard, 1993. Pop, Ion, Avangarda in literatura romana/L’Avant-garde dans la littérature roumaine, Bucarest : Editions Minerva, 1990. Schaeffer, Jean-Marie, Pourquoi la fiction ?, Paris : Seuil, 1999.