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p ACTUALITÉ le snesu MENSUEL DU SYNDICAT NATIONAL DE L ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR - N ˚659 NOVEMBRE 2017 ENTRETIEN VOIX DES ÉTABLISSEMENTS ACTUALITÉ PLF 2018 : une nouvelle déception Sauvons la bibliothèque Marguerite-Durand ! Christine Gangloff-Ziegler L’UFR STAPS de Rennes en colère DOSSIER La contribution économique et sociale de l’Université

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pACTUALITÉ

le snesuM E N S U E L D U S Y N D I C A T N A T I O N A L D E L ’ E N S E I G N E M E N T S U P É R I E U R - N ˚ 6 5 9 N O V E M B R E 2 0 1 7

ENTRETIEN VOIX DES ÉTABLISSEMENTSACTUALITÉ

PLF 2018 :une nouvelle déception

Sauvons la bibliothèqueMarguerite-Durand !

Christine Gangloff-Ziegler

L’UFR STAPS de Rennes en colère

D O S S I E R

La contributionéconomique et sociale de l’Université

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ACTUALITÉ 5• Généralisation de

la sélection en 1er cycle :modification duCode de l’éducation

• PLF 2018 : une nouvelle déception

• Les missions égalitéentre les femmes etles hommes ne peuventfonctionner !

• Féminisme et genre :sauvons la bibliothèqueMarguerite-Durand !

VOIX DES ÉTABLISSEMENTS 8

MÉTIER 17• CTMESR : insuffisance

des moyens et échec dela politique « sociale »

• PEDR : la CP-CNU obtientle contingentementdes avis par corps(PU et MC)

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n’échouent pas massivement. Ils sontplus de 80 % à obtenir un diplôme.Les lycéens ne sont pas désorientés,

mais le nombre de places dans lesfilières en tension est insuffisant.La communication gouvernementale

veut convaincre nos concitoyens qu’il

faut imposer l’autonomie, la concur-

rence entre les établissements, la sélection

et à terme augmenter les frais de scola-

rité, car l’État n’aurait pas les moyens de

financer l’enseignement supérieur pour tous alors

qu’il réduit massivement les impôts des plus riches.

Le 10 novembre, le budget 2018 de l’enseignement

supérieur et de la recherche sera soumis au vote du

Parlement : il est très insuffisant. Le 22 novembre,

le projet de loi qui introduit la sélection à l’uni-

versité sera présenté au Conseil des ministres.

Il nous faut résister. Les attaques contre les fonc-

tionnaires, les universitaires, les étudiants et les

lycéens nécessitent des mobilisations massives et

majoritaires. Le 16 novembre 2018, soyons aurendez-vous, manifestons-nous !

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LRésistons à la stratégie du choc !

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MONDES UNIVERSITAIRES 19• Entretien avec

Muriel Salle :sexisme dansles études médicales

• SRESRI : uninstrument centraldes politiquesrégionales

INTERNATIONAL 21• Discours de haine

sur un campuscanadien :l’université de Torontoet les « nationalistesblancs »

• Point de vue surla crise catalane :reprise en mainde l’État espagnol

ENTRETIEN 22• Christine

Gangloff-Ziegler

DOSSIER 9La contribution économique et socialede l’UniversitéComment détruire un service public ? « Com-mencez par baisser son financement, analyseNoam Chomsky dans Requiem pour le rêveaméricain. Il ne fonctionnera plus. Les genss’énerveront puis ils voudront autre chose.C’est la technique de base. » Et c’est bien, consi-dère-t-il, ce qui arrive au service public del’éducation, de la maternelle à l’université. Pour-tant, aux États-Unis comme en France, commentcroire que le droit à l’éducation, affirmé à uneépoque où nos sociétés étaient bien moinsriches, ne puisse plus être pleinement financéaujourd’hui ? Les questions relatives à sa renta-bilité (qui n’a à proprement parler aucun sens),à son coût ou aux difficultés que nous aurionsà présent à le financer, ne tiennent pas. L’idéo-logie du marché, avec ce qu’elle porte ici de vio-lence contre le principe de solidarité sur lequelse sont construits nombre de services publics,ne suffit pas. Ce dossier le montre : l’Universitéest loin d’avoir à rougir de ses résultats ou de sacontribution économique et sociale.

Il nous faut combattre la communica-tion gouvernementale ! Sous couvert de

rigueur budgétaire, le gouvernement

déprécie les fonctionnaires qui seraient

trop nombreux et coûteraient trop cher.

Sous couvert de revalo risation de quel -

ques-uns, il intensifie le travail de tous les

universitaires qui seraient des fainéants.

Sous couvert d’augmentation de la réus-

site des étudiants qui abandonneraient

en masse leurs études, il généralise la

sélection. Sous couvert d’orientation, il réduit les

possibilités d’accès des lycéens à l’enseignement

supérieur.

Non, les fonctionnaires ne sont pas un coût maisune richesse. Ces professionnels sous statut sont

compétents, intègres et engagés, ils garantissent l’ef-

fectivité des services publics qui sont le plus impor-

tant outil de redistribution pour tous les citoyens.

Les universitaires ne sont pas des fainéants, ils tra-vaillent durement pour assurer le fonctionnement

du système d’enseignement supérieur et construire

de nouvelles connaissances. Les étudiants

Hervé Christofol,secrétaire général

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4ÉPHÉMÉRIDE CONSEIL NATIONAL DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE

Le Cneser n’a pas eu lieu…L’ordre du jour du Cneser du 16 octobre ne mentionnait en aucun point la « concertation

premier cycle », qui aurait dû logiquement faire l’objet d’un débat avec la ministrede l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, à l’issue des 55 réunionsde cette concertation.Comme le SNESUP-FSU avait dénoncé l’opération de communication mise à l’œuvrepar la ministre, qui présentait ses arbitrages aux journalistes plutôt qu’au Cneser et àl’ensemble des organisations ayant participé à la concertation, il a choisi d’être àl’initiative d’une déclaration signée par un large arc intersyndical, dans le but deprovoquer le boycott du Cneser du 16 octobre. Le quorum n’ayant pas été atteint, leCneser a donc été reporté au 23 octobre pour permettre à la ministre de présenter lesrésultats qu’elle tire de la « concertation premier cycle ».Les élu.e.s Cneser ont pu ainsi débattre sur le modèle d’enseignement supérieur qu’ellepropose, au regard de l’objectif qui doit être une plus grande réussite des étudiant.e.set un meilleur fonctionnement de l’enseignement supérieur français, avec les moyensà mettre en œuvre pour y parvenir. l

Pierre Chantelot, secrétaire national, responsable du secteur Formations

DROITS HUMAINS

Pinar Selek obtient la nationalité françaiseAprès en avoir fait la demande il y a plus d’un an, Pinar Selek vient de se voir

accorder la nationalité française par voie de naturalisation. Cette excellente nouvelleconstitue un élément majeur de la sécurisation de sa situation. L’écrivaine et sociologue,bénéficiant d’un soutien continu du SNESUP-FSU et de nombreux acteurs de la com-munauté universitaire et de la société civile, est aujourd’hui maîtresse de conférencesassociée à l’université de Nice-Sophia Antipolis.Cependant, les réquisitions du procureur de la Cour suprême de Turquie n’ont pasdisparu. Pinar Selek risque toujours d’être condamnée à la prison à perpétuité. Notrecombat continue, pour Pinar mais aussi pour nos nombreux collègues de Turquie quisubissent la répression du pouvoir dictatorial d’Erdogan. l

Pascal Maillard, secrétaire national, responsable du secteur Communication

DISCRIMINATION

Accompagnement d’un collègue victime dediscrimination par l’âge à un concours de MCF Dans le cadre d’un concours de maître de conférences organisé en 2016, un collègue

s’est tourné vers notre secteur Situation des personnels après un refus d’auditionque les rapporteurs du comité de sélection ont eu l’imprudence de justifier en invoquantexplicitement l’âge du candidat et l’obstacle que celui-ci constituerait notamment dansl’exercice de ses missions d’enseignement. Âgé de 62 ans au moment de sa candidature, il faut préciser que ce collègue certifiéhors classe était non seulement doté d’une expérience professionnelle de trente ansen milieu universitaire, mais également titulaire de deux doctorats et d’une habilitationà diriger des recherches. Au demeurant, sa candidature a été considérée commeadéquate au profil du poste et son dossier scientifique a été évalué comme « excellent »par les deux rapports du jury. En contradiction avec leurs appréciations très favorablesdes mérites scientifiques du candidat, les rapporteurs ont donc fait prévaloir des spé-culations arbitraires sur l’énergie nécessaire pour enseigner et travailler en équipe,ainsi que sur la perspective d’un départ à la retraite, considérations relevant d’unservice des ressources humaines, non d’un jury de concours.Compte tenu des éléments, ce collègue a été orienté par les soins du secteur Situationdes personnels vers le défenseur des droits, puisque la notion de discriminationaffleurait de façon flagrante. Il faut en effet rappeler que le critère d’âge ne peutlégalement intervenir pour fonder une décision en vue d’un recrutement par concours.Après enquête, le défenseur des droits a jugé que la discrimination était constituée etque des préjudices en découlaient, recommandant alors à l’université d’indemniser lavictime. Cette décision a été transmise à la ministre de l’ESRI pour qu’elle en tire toutesles conclusions utiles, selon la formule consacrée. Une note de service permettant deprévenir les discriminations sera adressée aux personnels appelés à siéger dans lesjurys. Enfin, le « guide ministériel du fonctionnement des comités de sélection » vaintégrer l’effet de cette décision remarquable rappelant incidemment les droits fonda-mentaux des citoyens devant les concours. l Isabelle de Mecquenem

M E N S U E L D U S Y N D I C A TN A T I O N A L D EL ’ E N S E I G N E M E N TS U P É R I E U RSNESUP-FSU78, rue du Faubourg-Saint-Denis,75010 Paris - Tél. : 01 44 79 96 10Internet : www.snesup.frDirecteur de la publication : Hervé ChristofolCoordination des publications : Pascal MaillardRédaction exécutive :Laurence Favier, Claudine Kahane, Michel Maric,Isabelle de Mecquenem, Marc Neveu, Christophe Pébarthe, Christophe VoilliotSecrétariat de rédaction :Catherine MaupuTél. : 01 44 79 96 24CPPAP : 0121 S 07698ISSN : 0245 9663Conception et réalisation : C.A.G., ParisImpression :R.A.S., 6, av. de Tissonvilliers, 95400 Villiers-le-BelRégie publicitaire :Com d’habitude publicité,Clotilde Poitevin. Tél. : 05 55 24 14 [email protected]ément à ce numéro : 16 pages FDMPrix au numéro : 3,50 € • Abonnement : 33 €/anlesn

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Illustration de couverture : © COR-17

13 NOVEMBRE

• CNESER plénier exceptionnel (accès en licence).14 NOVEMBRE

• Secrétariat national SNESUP-FSU.• Stage élu.e.s CT et CA dans les universités.15 NOVEMBRE

• Réunion du secteur Vie syndicale. • Réunion du collectif FDE élargi.• Réunion du secteur Communication.15 AU 19 NOVEMBRE

• Salon de l’éducation.16 NOVEMBRE

• Mobilisation interprofessionnelle, étudiante et lycéennecontre la régression sociale.

• Commission administrative du SNESUP-FSU.16 ET 17 NOVEMBRE

• Stage FSU – Réforme des retraites.20 NOVEMBRE

• Stage FSU – SFRN/CDCA (1).21 ET 22 NOVEMBRE

• Conseil délibératif fédéral national (CDFN) de la FSU.23 NOVEMBRE

• Conseil supérieur de l’éducation (CSE).• Secrétariat national SNESUP-FSU. • Réunion du secteur Formations.24 NOVEMBRE

• Réunion du secteur Situation des personnels.25 NOVEMBRE

• Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.28 NOVEMBRE

• CNESER – Commission permanente.• Bureau national du SNESUP-FSU. • Comité de rédaction élargi.29 NOVEMBRE

• CNESER accréditation.29 ET 30 NOVEMBRE

• Journées d’automne FSU.29 NOVEMBRE AU 1ER DÉCEMBRE

• Congrès du SNCS.30 NOVEMBRE

• AG nationale Second Degré. • Réunion du secteur Recherche.4 DÉCEMBRE

• Bureau délibératif fédéral national (BDFN) de la FSU.• Secrétariat national SNESUP-FSU.4 ET 5 DÉCEMBRE

• Stage FSU – Femmes.6 DÉCEMBRE

• Réunion du secteur Service public.6 ET 7 DÉCEMBRE

• Stage FSU – Promouvoir, défendre et faire évoluer le statut de la FP.7 DÉCEMBRE

• Réunion du secteur Vie syndicale. • Réunion du secteur Formations.• Journée des élu.e.s SNESUP-FSU en CHSCT.12 DÉCEMBRE

• Secrétariat national SNESUP-FSU.• Stage FSU – SFRN/CDCA (2).13 DÉCEMBRE

• Réunion du collectif F-H.13 ET 14 DÉCEMBRE

• Stage FSU – Le CHSCT dans la fonction publique (niveau 1).14 DÉCEMBRE

• Commission administrative du SNESUP-FSU.• CNESER – Formation plénière. • Conseil supérieur de l’éducation (CSE).15 DÉCEMBRE

• CNESER accréditation Reims-Amiens-UTT.

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Le projet de loi relatif à l’orientation età la réussite des étudiants (NOR :

ESRX1730554L), rédigé par le ministère del’Enseignement supérieur, de laRecherche et de l’Innovation (MESRI),modifie l’article L. 612-3 pour permettrela mise en œuvre de la réforme de l’ac-cès en 1er cycle et par là même légaliserla procédure nationale de préinscription(APB nouvelle version), pour généraliserles capacités d’accueilpour les formations de1er cycle et par là mêmela possibilité de sélection-ner les bacheliers ou desubordonner, à l’inscrip-tion, l’accès à une forma-tion ou à un parcours spé-cifiques ou encore à undispositif d’accompagne-ment pédagogique.Pour les formations d’oreset déjà sélectives, les sections de techni-ciens supérieurs (STS), les instituts uni-versitaires de technologie (IUT), lesgrands établissements, les classes prépa-ratoires aux grandes écoles (CPGE) ou« les établissements où l’admission estsubordonnée à un concours national ouà un concours de recrutement de la fonc-tion publique », rien ne change. Ils pour-ront toujours sélectionner les bacheliers,et pour les STS et les IUT, les rectoratscontinueront à fixer un pourcentage mini-mal de bacheliers professionnels et debacheliers technologiques, ainsi que des« critères appropriés de vérification deleurs aptitudes ».Les formations en tension, c’est-à-dire toutescelles dont le nombre de vœux dépasserales capacités d’accueil, pourront sélection-ner les bacheliers qu’elles souhaiteront ins-crire après « vérification de la cohérenceentre, d’une part, le projet de formation ducandidat, les acquis de sa formation initialeou ses compétences et, d’autre part, lescaractéristiques de la formation ». Ainsitoutes les formations de 1er cycle dont lescapacités d’accueil seront inférieures auxdemandes seront autorisées à sélectionner.Aucune restriction disciplinaire n’est évo-quée, aucun dispositif de croissance de

ces capacités n’est envisagé et compte tenude la croissance du nombre d’étudiants aucours des dix prochaines années, ce projetde loi ouvre la boîte de Pandore de lasélection potentiellement généralisable àtoutes les licences ! C’en serait fini de la pos-sibilité de réorientation, de rebond ou d’ac-cès pour les lycéens qui auraient été orien-tés précocement dans un bac non conformeà leur ambition ou qui n’auraient pas brillé

au cours de leurs étudessecondaires ! Le pacte sociald’accès de droit pour toutbachelier à la licence de sonchoix serait remplacé par lasélection qui accentuerait lahiérarchie des filières du bac-calauréat et reproduirait lesinégalités socioculturelles del’enseignement secondaire.Enfin, pour toutes les for-mations, l’inscription d’un

bachelier pourrait être « subordonnée àl’acceptation, par le candidat, du béné-fice des dispositifs d’accompagnementpédagogique ou du parcours de forma-tion personnalisé proposés par l’établis-sement pour favoriser sa réussite ». Cesdispositifs étaient déjà prévus dans leseptième alinéa du premier article dela loi de 2013. Le projet de loi 2017 pré-voit de les présenter dès le premier ali-néa. Cela pour dire que, depuis 2013, denombreux dispositifs ont été proposéspar les établissements pour mieuxaccompagner la réussite des bacheliersdans leur diversité. Mais, faute de finan-cements pérennes, ils ont pour la plupartété abandonnés. Le projet de loi definances 2018-2020 ne prévoit que100 millions d’euros (M€) par an pouraccueillir 40 000 nouveaux étudiants,ouvrir de nouvelles places et mettre enœuvre ces dispositifs pédagogiques.Seuls dix-sept candidats au PIA3 pour-ront compter sur les 150 M€ des « nou-veaux cursus universitaires (NCU) » aucours des dix prochaines années (soit15 M€/an). Comment les licences pour-ront-elles mettre en place ces dispositifs« personnalisés » dès la rentrée 2018 etles maintenir dans ces conditions ? Ces

dispositifs pourront-ils être systémati-quement ouverts quel que soit lenombre d’étudiants concernés ? Ces dis-positifs se limiteront-ils à des MOOC oudes cours en ligne (avec le taux de suc-cès que l’on connaît avec ces outils) ?Quand ces dispositifs ne seront pasouverts, les étudiants pourront-ils s’ins-crire ou seront-ils refusés ?Cette réforme, nous le constatons avec ceprojet de loi, n’est pas à la hauteur desenjeux de la démocratisation de l’ensei-gnement supérieur. Derrière l’affichage dela volonté du gouvernement d’améliorerla réussite des étudiants en licence, c’estun changement complet de la politiqued’accès des bacheliers à l’enseignementsupérieur qui est organisé. C’est unegénéralisation du droit à la sélection parsubstitution du droit d’accès en licenceouvert par le baccalauréat. La sélection, cen’est pas la méritocratie, c’est la repro-duction des inégalités socioculturellesdéjà prégnantes au lycée ; c’est le ren-forcement de la hiérarchie des filières debaccalauréat et la consécration de l’orien-tation précoce qui enferme les enfants desclasses populaires dans des étudescourtes et surreprésente les enfants decadres dans les études longues, commeen témoigne la composition sociale desclasses préparatoires aux grandes écoleset des sections de techniciens supérieurs.La méritocratie, c’est la réussite aux exa-mens et la reconnaissance des diplômes.Cette réforme, c’est le choix d’un inves-tissement limité de l’État dans l’enseigne-ment supérieur au cours des dix pro-chaines années alors que 350 000 étudiantssupplémentaires sont attendus. l

tCe projet de loi ouvrela boîte de Pandore

de la sélectionpotentiellementgénéralisable à

toutes les licences !

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GÉNÉRALISATION DE LA SÉLECTION EN 1E R CYCLE

Modification du Code de l’éducation

Pour l’accès au 1er cycle, le gouvernement a choisi le sous-investissement et la sélectiongénéralisée. Le projet de modification du Code de l’éducation révèle ses intentions quant àla mise en place de la sélection et la vacuité des mesures pour la réussite du plus grand nombre.

➔ par Hervé Christofol , secrétaire général

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6PLF 2018

Une nouvelle déceptionLe projet de budget pour l’ESR est un budget sans ligne directrice et sans idéesnouvelles. Il prolonge les orientations des gouvernements précédents sans répondreaux urgences de l’heure (l’augmentation du nombre d’étudiant.e.s et la dégradationdes conditions de travail des personnels) ni dégager les moyens nécessaires pourrépondre aux exigences du futur en matière de recherche et de formation.

Le projet de loi de finances(PLF) pour 2018 prévoit

pour la mission 150 (re -cherche et enseignementsupérieur) une somme de27,606 milliards d’euros(Mds€) en autorisation d’en-gagement et de 27,667 Mds€en crédits de paiement, cequi correspond à une aug-mentation de 1,02 % parrapport à la loi de financesinitiale de 2017. Ce chiffreest inférieur à l’inflation pré-vue par la Banque de France pour 2018(1,2 %). Lors de sa conférence de pressedu 28 septembre dernier, la ministre aannoncé que, « pour répondre au déficitde l’augmentation de la démographieétudiante, 175 M€ (millions d’euros)supplémentaires seront dédiés au fonc-tionnement des établissements ». Or, dansle titre 3 du programme « Formationssupérieures et recherche universitaire »(c’est-à-dire la part du budget qui revientaux opérateurs) de la Mires, l’augmen-tation prévue n’est que de 128,4 M€,soit environ 1 %.Pour bien évaluer les chiffres de ce pro-gramme, il faut prendre en compte lesconséquences mécaniques de mesurestechniques antérieures qui doivent néces-sairement être intégrées dans le PLF 2018 :– le financement de l’extension en annéepleine des 950 emplois « Fioraso » créésdans les établissements d’enseignementsupérieur l’année précédente (+ 28,4 M€) ;– la contribution au CAS pensions civilespour 10,7 M€ ;– la revalorisation de 0,6 % du point d’in-dice de la fonction publique au1er février 2017 pour 5,4 M€ ;– la mise en place du protocole PPCRpour 61,4 M€, mais sans indication sur lecalendrier et les mesures concernées.L’annexe du PLF précise, mais sans don-ner d’indication chiffrée sur la répartitioncontrairement à la conférence de presseministérielle, que des compensationsseront accordées pour, notamment :– la décharge de 32 heures accordée aux

MCF stagiaires au titre de la formation ;– la réforme du contrat doctoral interve-nue en 2016 ;– la prise en compte du GVT dans le cal-cul de la dotation de masse salariale desopérateurs ayant accédé aux RCE(1).

AUCUN POSTE SUPPLÉMENTAIRELes moyens nouveaux annoncés par laministre ne correspondent pas véritable-ment à des moyens sup-plémentaires, mais pourune large part, à la traduc-tion budgétaire de déci-sions prises antérieurement.Aucune création de posten’est envisagée, ce quilaisse aux seuls établisse-ments la responsabilité defaire évoluer leurs effectifsen fonction de leur plafondde masse salariale, notam-ment en se procurant desressources propres. Quiplus est, une part croissante des emploissous plafond des opérateurs – qui cor-respondent à la masse salariale transfé-rée – est réservée aux Comue (870 ETPcontre 139 en 2017) et ne bénéficie pasdirectement aux universités. En l’absencede moyens supplémentaires, on voit malcomment les universités pourraient « dége-ler » les centaines de postes « gelés » à lasuite de mutations, de départs en retraiteou de plans de retour à l’équilibre impo-sés par les rectorats. Il n’y a donc, parconséquent, aucun euro dans ce projet de

budget pour compenser lescharges liées à l’accueil des38 100 étudiant.e.s supplé-mentaires dans les établis-sements à la rentrée 2017.Dans l’état actuel des esti-mations et des chiffragesproposés par le ministèrelui-même, le sous-finance-ment du programme 150peut être estimé a minima à28 M€. À ce chiffre, il fau-drait ajouter le 1,2 % d’infla-tion, une revalorisation du

point d’indice d’un montant équivalent(329 M€) ainsi qu’un accompagnement dela croissance du nombre d’étudiant.e.s àla hauteur du financement moyen(440 M€). Au total, il manque 797 M€

pour éviter que ne se détériorent encoreun peu plus les conditions de travail etd’études et le pouvoir d’achat des per-sonnels. La situation n’est pas plus réjouis-sante pour le financement de la recherche

où la part des appels à pro-jets ne cesse d’augmenterpar rapport au financementrécurrent des laboratoires,ni pour les crédits consa-crés à la vie étudiante (pro-gramme 231). Certes, ilssont en hausse de 11,4 M€,principalement afin definancer les nouvelles aidesà la mobilité en master etl’aide à la recherche dupremier emploi (Arpe),mais compte tenu des

barèmes envisagés(2) et sauf à dépasser trèsvite l’enveloppe prévue, ces aides nepourront concerner qu’une minorité d’étu-diant.e.s. l

(1) L’AEF (dépêche n° 569184 du 27/9/2017)évalue ce montant à 50 M€ à partir d’une sourceministérielle qui n’a pas été confirmée dans le dos-sier de la conférence de presse du 28 septembre2017. Ce dernier chiffre est vraisemblablementsous-estimé de 20 M€.(2) L’aide à la mobilité en master est de 1 000 € parpersonne, quant au montant de l’Arpe, il s’inscritdans une fourchette qui va de 100 à 550 €.

➔ par le secteur Service public

tIl manque 797 M€pour éviter que ne

se détériorent encoreun peu plus les

conditions de travailet d’études et

le pouvoir d’achatdes personnels.

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Le ministère del’Économie, des Finances et de l’Industrie, à Paris.

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ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES

Les missions égalité entre les femmes et les hommes ne peuvent fonctionner !

Alors que l’égalité femmes-hommes a pourtant été affichée lors de la campagne électoralecomme une « grande cause du quinquennat » par le gouvernement, les moyens pour la garantirdans nos universités n’ont toujours pas été clairement définis.

FÉMINISME ET GENRE

Sauvons la bibliothèque Marguerite-Durand !

Fonds précieux sur l’histoire des femmes, du féminisme et du genre, outil de travail irremplaçablepour les chercheur/euse.s, la bibliothèque Marguerite-Durand est menacée de disparition.

Fondée en 1932 et implantée dans le13e arrondissement de Paris depuis près

de trente ans, la bibliothèque Marguerite-Durand (BMD), bibliothèque municipalede la ville de Paris spécialisée dans l’his-toire des femmes, du féminisme et dugenre, est sommée de quitter le bâtimentpour laisser la médiathèque Jean-Pierre-Melville occuper tout l’espace. La mairie,sans concertation avec le personnel et lespartenaires sociaux, propose qu’elle soitdésormais hébergée dans le 4e arrondis-sement par la Bibliothèque historique dela Ville de Paris (BHVP), certes presti-gieuse et centrale, mais déjà saturée par sespropres fonds. Les plus de 45 000ouvrages, journaux, manuscrits et autresdocuments précieux pour les historien.ne.sjusqu’alors à disposition immédiate serontdésormais stockés hors de Paris et le délai

de leur consultation largement augmenté.Par ailleurs, aucun personnel dédié ni desalle de consultation ne seront mis à dis-position (comme c’était le cas à la BMD).C’est un outil de travail irremplaçable pourles chercheur/euse.s qui est amené à dis-paraître compromettant ainsi l’efficacité,entre autres, des travaux universitaires surle genre. Symboliquement, la disparition

du nom de Marguerite Durand, fonda-trice du quotidien féministe La Fronde en1897, amené à être noyé dans celui de laBHVP, est également un signal très néga-tif donné à la communauté. Un collectif de soutien « Sauvons laBMD ! » s’est mis en place pour que lamairie de Paris renonce à ce projet et pro-pose un lieu d’accueil assurant à la BMDune véritable visibilité et des conditionsde fonctionnement dignes. Diversesactions sont en cours dont une pétition enligne (www.change.org/p/mairie-de-paris- sauvons-la-bibliothèque-margue-rite-durand), un courrier type à adresser àAnne Hidalgo et un rassemblement le18 novembre devant la BMD. Plus d’in-formations sur le blog sauvonslabmd.fr(contact par mail : [email protected]). Mobilisons-nous ! l

Les missions égalité entre les femmeset les hommes peinent toujours à

trouver les ressources pour fonctionner.Elles sont obligatoires dansles universités depuis le22 juillet 2013 et les feuillesde route produites chaqueannée par le ministère pro-posent de mettre en œuvredes actions pour former lespersonnels à l’égalité maisaussi pour lutter contre lesinégalités de carrière, lesstéréotypes et le harcèle-ment sexuel. Lors de savisite en France le moisdernier, la ministre québé-coise de l’Enseignement supérieur et dela Condition féminine Hélène David arencontré la Conférence permanente des

chargé.e.s de mission égalité, diversité(CPED) et précisé que le Québec vientd’octroyer 23 millions de dollars cana-

diens sur cinq ans pourcontrer les violences àcaractère sexuel dans lescampus et les collèges uni-versitaires. Quid du gou-vernement français ? L’absence de moyens pré-cis à octroyer aux missionségalité-diversité de nos uni-versités n’est plus suppor-table. Sous prétexte d’au-tonomie, aucun texteréglementaire n’oblige lesétablissements à flécher un

budget dédié à la politique d’égalitéfemmes-hommes ni à décider de mesuresspécifiques, ni encore à promouvoir des

recherches et des études de genre (mal-gré la présence de ces leviers sur la feuillede route du ministère pour l’égalité réelle2017 entre les femmes et les hommes).Cette situation est donc bancale et risqued’accroître les inégalités entre les per-sonnels et les étudiant.e.s des différentsétablissements français d’enseignementsupérieur public. De surcroît, la disettebudgétaire que connaissent les universi-tés rend difficile pour les établissementsle dégagement de moyens spécifiquespour cette mission.Pour garantir la mise en œuvre et le suc-cès de la feuille de route pour l’égalitéréelle, de véritables moyens doivent êtredédiés spécifiquement à la politiqued’égalité, attribués et fléchés par le gou-vernement. Un minimum de 1 euro parpersonnel et par étudiant.e ? l

➔ par le groupe égalité femmes-hommes

tPour garantir

la mise en œuvreet le succès de la

feuille de route pourl’égalité réelle, devéritables moyens

doivent être dédiés àla politique d’égalité.

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Fin d’une structure unique qui existe depuis quatre-vingt-cinq ans.

➔ par le groupe égalité femmes-hommes

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lors de la journée de défense du service publicdu 10 octobre, avec plus de 30 collègues gré-vistes (sur une cinquantaine). Ils ont dénoncéauprès de leurs tutelles les politiques d’austéritéqu’ils subissent et ont été reçus par le présidentde l’université Rennes-II puis par le recteur d’aca-démie. Le mouvement ne faiblit pas et les ensei-gnant.e.s ont fait le choix de rester solidaire

pour ne pas demeurer impuissants face au délitement duservice public. Ils attendent les arbitrages du ministère débutnovembre mais sans plan d’urgence pour les STAPS, d’autresactions seront envisagées pour l’automne. l

Le bureau de la section SNESUP de Rennes-II

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Face aux difficultés rencontrées pour assurer larentrée, les enseignant.e.s de l’UFR STAPS de

Rennes se sont réunis à plusieurs reprises enAG. Ils ont massivement dénoncé à la fois letirage au sort, l’augmentation des capacités d’ac-cueil sans moyens supplémentaires, l’effectifd’enseignant.e.s en baisse, les conditions d’en-seignement à la fois pour les cours théoriques etles cours de pratiques sportives, etc. Ils ont décidé d’accom-pagner le mouvement des étudiant.e.s du 12 septembre parune première journée de grève et de manifestation. Les ensei-gnant.e.s de l’UFR STAPS ont ensuite décidé d’amplifier leurmobilisation en défilant dans un cortège « STAPS en colère »

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La recherche muselée à Montpellier

Àpeine a-t-elle décroché le graal de l’I-Site (Idex de 2e caté-gorie) que l’université de Montpellier a décidé de trans-

férer son budget de politique incitative de recherche à la fon-dation MUSE (Montpellier université d’excellence). C’est lafondation qui gérera l’appel à projets, décidera des modes

d’évaluation et des attribu-tions. Elle dépossède ainsi lacommission recherche duCAc de l’université d’une pré-rogative importante. Peuimporte si le champ discipli-naire de l’I-Site (autour de la

devise « Nourrir, protéger, soigner ») est beaucoup plus res-treint que celui de l’université, pluridisciplinaire depuis les SHSjusqu’aux sciences dures. Les élu.e.s SNESUP dans les conseilscentraux se sont opposés sans succès à cette confiscation thé-matique et démocratique au sein de notre établissement.Mais la pression mise par le jury PIA (programme d’investis-sements d’avenir, qui décide des Idex, Labex, Equipex, I-Site…) pendant la période probatoire de deux ans des Idexet I-Site pousse les établissements à de tels transferts demoyens et de pouvoirs vers les fondations et autres « boards »extérieurs, bras armés du néo-management de la rechercheet de la formation. Plus d’infos sur www.snesup-lr.fr. l

Le bureau de la section SNESUP de Montpellier-II

8L’UFR STAPS en colère

Le cortège « Staps en colère »,le 10 octobre à Rennes.

Vente à la découpe ?

La brutale disparition des contrats aidés à la fin du moisd’août a eu des effets immédiats à l’université Bordeaux

Montaigne. Une partie des activités de ménage a été exter-nalisée, c’est-à-dire confiée à une société privée. À cetteheure, nulle démonstration chiffrée devant le comité techniquen’a été faite quant à l’économie réalisée par rapport à uneembauche de personnels. Il y a donc tout lieu de penserqu’un choix politique a été fait. Se profile à présent une réduc-tion des horaires d’ouverture de certaines bibliothèques pourles mêmes raisons.Progressivement, la logique comptable devient la raison pre-mière et ultime du fonctionnement universitaire, un change-ment qui procède directement des transformations engagéesdepuis dix ans. Comme une entreprise qui se recentre sur soncœur de métier, l’Université détruit progressivement sonidentité de service public en s’engageant à corps perdu dansl’austérité. D’ores et déjà en CT, les élu.e.s du SNESUP ontdéfendu une autre conception du service public. Le16 novembre, c’est dans la rue qu’il faudra le faire ! l

Christophe Pébarthe, secrétaire de section

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Comment détruire un service public ? « Commencez par baisser son

financement, analyse Noam Chomsky dans Requiem pour le rêve américain.

Il ne fonctionnera plus. Les gens s’énerveront puis ils voudront autre chose.

C’est la technique de base. » Et c’est bien, considère-t-il, ce qui arrive au service

public de l’éducation, de la maternelle à l’université. Pourtant, aux États-Unis

comme en France, comment croire que le droit à l’éducation, affirmé à une

époque où nos sociétés étaient bien moins riches, ne puisse plus être pleinement

financé aujourd’hui ? Les questions relatives à sa rentabilité (qui n’a

à proprement parler aucun sens), à son coût ou aux difficultés que nous aurions

à présent à le financer, ne tiennent pas. L’idéologie du marché, avec ce qu’elle

porte ici de violence contre le principe de solidarité sur lequel se sont construits

nombre de services publics, ne suffit pas. Ce dossier le montre : l’Université est

loin d’avoir à rougir de ses résultats ou de sa contribution économique et sociale.

La contribution économique et sociale de l’Université

‘ Dossier coordonné par Michel Maric , membre du Bureau national, et Florent Tétard , membre de la Commission administrative

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La scène se déroule il y a quelques années,pendant le conseil d’administration d’une

université s’apprêtant à passer aux respon-sabilités et compétences élargies (RCE). Deuxinspecteurs généraux de l’administration del’Éducation nationale et de la recherche(IGAENR), diaporama à l’appui,expliquent aux administrateursque la valeur ajoutée (c’est-à-dire précisément la créationde richesses nouvelles) deleur université est rien moinsque négative. Ne comprenantpas grand-chose pour la plu-part au discours qui vient deleur être tenu, sorte de for-mation en haut débit aux ratiosde gestion (bonne, cela va sansdire) tels qu’ils sont standardiséspar les règles de la comptabilitéd’entreprise, une grande partdes administrateurs entendtoutefois parfaitementla conclusion – surlaquelle d’ailleurs lesinspecteurs venaientd’insister : « Notrevaleur ajoutée estnégative… » Maisdes universitairessiégeant dans ceconseil en sortent quelquepeu heurtés, s’interrogeant encore à lasortie sur le calcul par lequel les inspecteursparviennent à cette conclusion. La comptabilité nationale, telle qu’elle esttenue en France par l’Insee, évalue la valeurde la création de richesses nouvelles par ladifférence entre la valeur de la productionau cours d’une période (calculée « aux prixdu marché » et proche donc d’une notionde chiffre d’affaires) et la valeur des « consom-mations intermédiaires » que constituent lesbiens et services consommés ou transforméspour obtenir ladite production. Mais lorsqu’iln’y a pas de « prix de marché », comme c’estle cas pour la production des administrationspubliques, la valeur de la production estalors évaluée, de manière cohérente, par lescoûts de production eux-mêmes. On mesurel’absurdité que représente l’idée même devouloir calculer la valeur ajoutée d’un service

services publics, tant elle mêle dans la réalitédes données quantifiables et des élémentsqualitatifs, quant à eux par nature difficilesà quantifier. Mais ne s’apparente-t-elle pas à

une question aussi absurde quele serait une interrogation portantsur la rentabilité d’un sentimentamoureux ? Sauf que rien n’esttrop absurde quand onaime… le marché et la mar-chandisation des services

publics. Impressionnés par larationalité de raisonnements ges-

tionnaires mal compris (mais il fautreconnaître que ce sont le plus souvent

les seuls qu’ils connaissent), beaucoup selaissent prendre à ce piège en oubliant unpeu trop vite des aspects qui, à défaut de nepouvoir se réduire à une évaluation moné-taire, n’en sont pas moins quantifiables. Ainsi, nous le savons, l’ESR doit relever ledéfi de la diffusion du savoir et de sa créationdans le contexte de profondes mutationséconomiques et sociales. L’un des premiersenjeux, pour un numérateur qui dans unratio de rentabilité prendrait en compte lesrésultats obtenus de l’ESR, est celui, nousdit-on, de la réponse au besoin en diplôméssur le marché du travail. Selon le très sérieuxrapport prospectif Dares-France Stratégie(2),le flux annuel de postes à pourvoir sur ladécennie 2012-2022 s’élève, pour le scénariomédian, à 800 000 emplois par an (dont180 000 en création nette). Pour répondre aux besoins du marché dutravail, par rapport au flux 2016, l’ESR devrait

alors augmenter à court termesa capacité de formationannuelle de 46 000 étudiantsde niveau DUT-BTS (+0,9 %par an et +4,6 % à 5 ans), de64 000 au niveau licence(+1,9 % par an et +9,9 % à5 ans), de 89 000 de niveaumaster (+2,7 % par an et+14,1 % à 5 ans) et, enfin, for-mer dans le même temps prèsde 2 300 docteurs supplémen-

taires (+0,9 % par an et +4,5 % à 5 ans). La mutation majeure porte sur une accéléra-tion des besoins en hautes qualifications, sur-tout de niveau master, qui représentera 45 %

Quelles rentabilités pour les universités ?

Comment évaluer la valeur de la richesse créée par l’Université ? Peut-on (sérieusement)

s’interroger sur la rentabilité de l’enseignement supérieur et de la recherche ? Chiche !

Mais il faut alors le faire rigoureusement.

‘ par Michel Maric , membre du Bureau national, et Florent Tétard , membre de la Commission administrative

public avec des outils inappropriés, commele sont ici ceux de la comptabilité d’entre-prise, pour l’évaluation de la richesse crééepar un service public. Tout comme l’absurditéd’une volonté de valoriser par un indicateur

unique et simplement monétaire un certainnombre d’activités(1). Mais pourquoi s’arrêter en (si mauvais) che-min ? Ne peut-on pas se pro-noncer sur la question de larentabilité ? La notion de ren-tabilité, rapport entre unrevenu obtenu et les dépenseseffectuées pour l’obtenir, estbien connue des gestionnaires.Toute la question est alors desavoir ce que l’on entend icipar « rentabilité » : que compte-t-on comme « revenu obtenu »(le numérateur) et commentévalue-t-on les « dépenses effectuées pourl’obtenir » (le dénominateur) ? L’ambition estde taille pour l’enseignement supérieur et larecherche (ESR), comme pour l’ensemble des

tLa question

n’est-elle pas aussi

absurde qu’une

interrogation portant

sur la rentabilité du

sentiment amoureux ?

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des créations ou mutations annuelles despostes. Et cette évolution du marché du travailvers des emplois nécessitant des diplômesuniversitaires plus élevés n’est pas propre àla France(3). En outre, les femmes constituerontune part importante de cette progression desqualifications avec +2 points dans les pro-fessions intermédiaires (51,4 % des postesseront occupés par des femmes en 2022, soit41 000 femmes supplémentaires/an) et+3 points parmi les cadres (46,4 % despostes occupés en 2022, soit 52 000femmes supplémentaires/an).De son côté, l’Observatoire françaisdes conjonctures économiques(OFCE), dans le cadre du Livre blancde l’enseignement supérieur et de larecherche 2017, en se basant sur l’hy-pothèse de long terme de 60 % d’uneclasse d’âge (parmi les 25-34 ans) dans l’en-seignement supérieur en 2036, projette uneaugmentation de 2,4 % par an de la popu-lation étudiante, soit 60 000 étudiants sup-plémentaires par an. Parallèlement, pourles personnes dont le dernier diplôme leplus élevé est un diplôme de niveau bac-calauréat ou équivalent, l’inemployabilité(liée à l’automatisation) touchera plus de4 millions de personnes, nécessitant unvaste plan de formation continue (ou for-mation tout au long de lavie) pour lequel les univer-sités se trouveront nécessai-rement en première ligne. Alors, au dénominateur denotre ratio de rentabilité, nosinvestissements sont-ils à lahauteur de ces besoins ? LaFrance a investi 2,25 % deson produit intérieur brut(PIB) en recherche et déve-loppement (R&D) en 2014 et devra investir2,75 % à l’horizon 2022 si elle ne veut pasdécrocher en termes de formation supérieureet de recherche – conformément au capeuropéen de 3 % du PIB en R&D.Le projet de loi de programmation desfinances publiques 2018-2022 soumis à l’Assemblée nationale et au Sénat(4) prévoitune évolution des dépenses pour l’ESR pas-sant de 1,222 % du PIB (27 milliards d’euros– Mds€ – en 2017) à 1,237 % (28 Mds€ en2020). Cela représente un accroissement dubudget de l’ESR de 0,018 % du PIB. D’après le grand plan d’investissement (GPI),les sommes devraient être affectées directe-ment aux ministères. Cependant, pour desraisons de lisibilité ou d’arbitrage non résolu,la ligne budgétaire du GPI sur l’ensembledes ministères n’est pas ventilée. Le Premierministre, Édouard Philippe, a proposé d’af-fecter en moyenne annuelle 0,068 % de PIB

Il faudrait investir 6,6 Mds€dans l’ESR au cours des troisprochaines années. Maisseuls 5,3 Mds€ sont prévus.

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LES PIÈGES DE L’UNIVERSITÉ « RENTABLE »En termes de conséquences pour les étudiantseux-mêmes d’une marchandisation del’enseignement supérieur, le remarquabledocumentaire de Jean-Robert Viallet, Étudiants,l’avenir à crédit, en montre les effets perversvia un accroissement des coûts d’inscription,de l’endettement qui en découle pour lesétudiants des classes moyennes et populaires,et le piège que cet endettement représentedès l’entrée dans la vie active.Le SNESUP-FSU a acquis les droits de diffusiondans ses sections. Un DVD peut être adresséaux responsables de section sur demande.

venant du GPI à l’ESR sur les volants réussiteen licence, universités de rang mondial,immobilier, recherche et innovation, à la suitedes alertes syndicales et de lettres ouvertesde Prix Nobel. L’année 2018 se situe doncquasiment dans la trajectoire proposée parle Livre blanc – en tenant compte des rattra-pages sur des engagements européens nonfinancés lors de l’ancienne mandature.Dès lors, le défi majeur de répondre à l’aug-mentation des qualifications de 2017 à 2022risque d’être contrarié par une asphyxie des

universités. Car pour répondreà ces besoins, il faudrait inves-tir 1,1 Md€ supplé men -taires/an(5) – dont 55 % pourla masse salariale afin d’assu-rer les recrutements néces-saires à la formation des étu-diants supplémentaires. L’effet de cette augmentationdu niveau général des quali-fications sur l’environnement

économique et social a déjà été évalué. L’en-trée sur le marché du travail de ces étudiantsdiplômés entraînerait une augmentation dela masse salariale directe nette (hors cotisa-tions) de 3,65 Mds€/an, soit un total sur trois

ans (2018-2020) de 25,5 Mds€ supplémen-taires de revenus. Le rapport Biggar Econo-mics avait évalué en 2015 que 1 € investidans l’ESR générait 4,49 € dans l’économienationale. Même si cela est méconnu de nosconcitoyens, l’ESR est un puissant levier deréponse aux défis économiques et sociauxcontemporains et un véritable incubateur derichesses. Vous avez dit « rentable » ? L’ESR,c’est bien plus que ça ! l

(1) On se reportera avec intérêt sur ces questionsà l’ouvrage de Jean-Marie Harribey, La Richesse,

la valeur et l’inestimable. Fondements d’une cri-

tique socio-écologique de l’économie capitaliste,Les Liens qui libèrent, 2013 ; ainsi qu’à la note deMichel Husson, « Comptabilité nationale et valeurnon marchande », n° 103, 18 octobre 2016, hus-sonet.free.fr/ apupu.pdf.(2) « Les métiers en 2022 », www.strategie.gouv.fr/publications/metiers-2022-prospective-metiers- qua-lifications.(3) Les données produites par l’Observatoire fran-çais des conjonctures économiques (OFCE) parailleurs sur la ventilation des familles profession-nelles recoupent les précédentes.(4) www.senat.fr/leg/pjl17-057.html.(5) Pour un total de 6,6 Mds€ au cours des troisprochaines années.

tUn euro investi

dans l’ESR génère

plus de quatre fois

plus de richesses dans

l’économie nationale.

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républicaine. L’explication de texte et songrand promoteur Gustave Lanson en consti-tuent l’exemple le plus abouti. Le goût quiassurait la domination sans partage des bien-nés s’efface au profit de « la recherche métho-dique du vrai » (Lanson). Désormais, l’ex-cellence s’apprend, elle ne s’hérite plus. Telleest du moins l’antienne de ces républicainsqui ne s’inquiètent ni des femmes, ni de lasituation dans les colonies…

Quand la réaction se met en marcheLa déclaration de guerre intervient en 1910,lorsque des décrets instaurent des équiva-lences entre certains certificats du primaire

et le baccalauréat, c’est-à-direquand il devient possible d’in-tégrer l’Université sans le bac-calauréat(*). Les rancœursétaient anciennes et la victoiredes dreyfusards n’avait fait queles renforcer. « La Sorbonne,voilà l’ennemi », proclamenttous les défenseurs de l’ancien

monde. Sur fond d’antisémitisme, Émile Dur-kheim est particulièrement visé, lui qui a leprivilège d’enseigner à tous les étudiants lapédagogie, rassemblant dans un même geste

L a mesure d’une rentabilité quel-conque de l’Université suppose

au préalable de s’être entendu surson utilité, sauf à ne la considérerque comme un coût. Avec la loiLRU, la professionnalisation – ouplutôt l’employabilité – est aujour-d’hui le critère unique à l’auneduquel l’institution universitaire estjugée. En allait-il autrement lorsquela Troisième République créa l’Uni-versité nouvelle ? Autrement dit,quelles ambitions pour cette insti-tution les républicains de la fin duXIXe siècle formulaient-ils ?

Naissance de l’UniversitérépublicaineRappelons en effet que jusqu’en1870, en France, l’enseignementsupérieur n’existe pas véritablement.Les professeurs donnent des courspublics dispensés devant un public bourgeois, femmes du monde et offi-ciers en retraite. En 1877, onze professeursse disputent six étudiants à la faculté deslettres de Paris ; 1 637 étudiants pour 52 pro-fesseurs en 1900. Les premières bourses com-mencent à être attribuées, des cours ferméssont institués, de nouvelles facultés sont crééespar lois et décrets entre 1885 et 1896. Aumême moment, en 1902, une grande réformedes collèges et lycées est lancée. Elle créenotamment quatre filières d’accès à l’université,la D, sciences et langues, ne comportant pasde latin. Il est désormais possible d’intégrerl’enseignement supérieur sans avoir récité lamoindre déclinaison latine, en ayant suivi descours de langues vivantes et de sciences. Cechangement avait été précédéen particulier par le rempla-cement du latin par le françaisen 1880 pour l’exercice de lacomposition, une épreuve dubaccalauréat.Plus généralement, une cer-taine conception scientifiques’empare des universités,allant bien au-delà des sciences expérimen-tales. L’esprit scientifique s’empare des lettreset triomphe dans l’exposition de méthodesdont l’apprentissage est associé à l’égalité

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les différentes disciplines, fidèle àl’ambition qu’il a donnée à la socio-logie. Plus fondamentalement, latimide démocratisation engagée parles réformes de 1902 et de 1910 estdans la ligne de mire. Comme ledisent sans détour deux auteurs réac-tionnaires réunis sous le pseudonymed’Agathon : « La clientèle du secon-daire et des facultés, de plus en plusrecrutée parmi d’humbles familles,est de plus en plus incapable de com-prendre toutes les nuances de l’édu-cation littéraire. » Certains craignaientle péril primaire et lui opposaient lanécessité de l’élite qui se révélait parle goût et le jugement, deux critèresqui requéraient l’enseignement dulatin. Ce débat n’est pas confiné aux

seuls littéraires. Ainsi Henri Poincaré, membrede la Ligue pour la culture française, affirmedans une brochure (Les Sciences et les Huma-nités) que le latin est indispensable à l’espritde finesse et à l’homme de science.Le débat qui s’instaure peut être résumé partrois séries d’opposition, créateur vs professeur,homme de lettres vs savant et héritier vs bour-sier. Il est pris plus généralement dans uneopposition majeure entre désintéressement etutilitarisme. Un véritable antiscientisme lettrése développe, révélant toute la grammaire dela reproduction sociale : culture générale, intui-tion, goût, humanités, etc., tout ce qu’incarnaitl’ancienne Sorbonne. Face à eux, les tenantsde l’utilité sociale de l’Université, républicainsauthentiques, défendent la science, les bour-siers et voient dans l’élévation du niveau deconnaissances une condition de la démocratieet de l’émancipation de la personne humaine.À l’heure des débats sur la sélection, il estpossible que ce rappel des débats autourde l’utilité sociale de l’Université sous la Troi-sième République ne soit pas inutile. l

(*) Rappelons que seule une très faible minoritéintègre l’enseignement secondaire. L’école de JulesFerry repose sur la ségrégation sociale.

t« La Sorbonne, voilà

l’ennemi », proclament

tous les défenseurs

de l’ancien monde.

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Élitiste, l’Université sedémocratise peu à peu au débutdu XXe siècle (ici, la courd’honneur de la Sorbonne).

Entre art et science, les premiers débatssur l’utilité de l’Université

Les débats sur l’utilité de l’Université sont anciens. Sous la Troisième République toutefois,

lorsqu’elle créa l’Université nouvelle, il ne s’agissait pas d’économie mais de démocratie.

‘ par Christophe Pébarthe , secrétaire national, coresponsable du secteur Recherche

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L ’Université va mal, les moyens qui lui sontconfiés seraient gaspillés du fait de l’échec

en licence et de la non-adéquation des ensei-gnements au marché du travail. « Rentabili-ser » l’investissement dans l’enseignementsupérieur et la recherche (ESR) passerait dèslors naturellement par davantage d’autono-mie, de concurrence et donc d’efficacité desétablissements, d’une part, et par une « res-ponsabilisation » des étudiants et des familles,d’autre part. Il faut bien sûr entendre par làune augmentation des frais d’inscription, cequi permettrait au passage d’accroître lesmoyens disponibles pour l’Université. Chacunsait en effet qu’il n’y a plus d’argent publicdisponible… sauf pour le crédit d’impôtrecherche (CIR) ou le crédit d’impôt pourla compétitivité et l’emploi (CICE), ou encorela suppression de l’impôt sur la fortune (ISF),alors qu’aucune de ces mesures – autrementplus coûteuses que les besoins des univer-sités – n’ont fait leur preuve.L’idéologie néolibérale qui sous-tend la visionaujourd’hui à l’œuvre est celle du capitalhumain : l’individu scolarisé n’est qu’un inves-tisseur qui accumule un capital en étudiantet compte en tirer un bénéfice. Peu importeque cette vision construise une société duchacun pour soi : l’appât du gain et le libremarché ne sont-ils pas, au bout du bout, lesseuls garants du bien-être collectif ?Loin de ce cadre idéologique, il est importantde rappeler que la « rentabilité » de l’Uni-versité, ce n’est pas seulement, ni d’abord,le supplément de revenu qu’on peut espérertirer d’un diplôme. Si les étudiant.e.s sui-vaient ce type de logique, il n’y aurait per-sonne pour travailler dans les universitésou les hôpitaux. Les retours– individuels et collectifs – del’enseignement supérieur sontbien plus divers : ils ont à voiravec la vocation profession-nelle, l’émancipation intellec-tuelle, la santé, la baisse de lacriminalité, la participationcitoyenne. Même d’un pointde vue purement économique,les dépenses dans l’enseigne-ment supérieur produisent desrendements sociaux sous la

forme d’une hausse de la productivité col-lective et d’un accroissement des recettesfiscales. Il est dès lors profondément réduc-teur de vouloir réorganiser l’enseignementsupérieur et son financement autour de laparticipation financière individuelle directedes étudiant.e.s !Pourtant, dans les « MacronLeaks », onapprend que le futur conseiller spécial d’Em-manuel Macron sur cesquestions, Thierry Coul-hon, est non seulementfavorable à une hausseimportante des frais d’ins-cription à l’université, maisqu’il a choisi son modèle.Les frais progressifs enfonction des revenus fami-liaux, c’est « très bien àSciences Po ou Dauphine[…] les CPS+ ne manquentpas. […] Dans toute unepartie du système, la plusouverte socialement, on neramassera pas grand-chose ». D’où une autre option ardemmentdéfendue par l’économiste Robert Gary-Bobo, naviguant dans les mêmes cercles dupouvoir : pour faire payer les classesmoyennes et populaires, il faut s’inscriredans le modèle australien, repris auRoyaume-Uni : une hausse homogène pourtoutes et tous des frais « entre 4 000 et 8 000euros par an et par étudiant », qui n’est pos-sible qu’en permettant aux étudiants de s’en-detter, autrement dit si « l’État, les servicesfiscaux, acceptent de sécuriser ces créditsd’une certaine manière (au besoin en repre-

nant les crédits à problèmes) ».Gary-Bobo va jusqu’à sedemander « comment faire passer la pilule de la haussedes droits d’inscription ? Com-mencer bien sûr par le cré-dit […] » en prétextant que« l’objectif affiché est de déve-lopper l’autonomie des

jeunes ». On retrouve dans ces fuites la foien la concurrence (mais qu’il faut bannirdans les discours, tout comme « excellence »,au profit d’« ouverture » et de « diversité »)et la menace que représente l’UNEF (pré-sente sur la moitié des pages du rapport deGary-Bobo pour Macron, là où le SNESUPn’apparaît qu’une fois). Une telle perspective est d’autant plus aber-

rante que, loin de per-mettre à l’État d’économi-ser ce qu’il demande auxétudiant.e.s, un ESR penséautour de cette formeétroite de rentabilité coûteterriblement cher. Dans lespays anglo-saxons, le coûtexplose au niveau de l’État(pour garantir les prêts) oudes universités (pour atti-rer des étudiant.e.s sol-vables). Les moyensdépensés en France dansla course à la visibilitéinternationale ne donnent

qu’un aperçu de cette dynamique. En plusdes effets délétères en termes d’auto-évictiondes classes populaires, de modification desorientations au détriment des vocations, deprécarisation financière par la dette étudiantes’ajoute en effet un coût pour les financespubliques qui doivent assurer le risque finan-cier du montage.Alors que près de 40 % des prêts étudiantsne sont pas remboursés au Royaume-Uni,que ce chiffre pourrait atteindre les troisquarts des étudiants selon l’Institute for FiscalStudies, et que chaque étudiant sort enmoyenne avec 44 000 livres sterling de detteà la fin de ses études, il est plus que tempsde prendre en compte les échecs observablesdes modèles étrangers que l’on voudrait nousfaire suivre. Il est plus que temps de penserun enseignement supérieur débarrassé dudiscours de rentabilité qui n’est ni réellementmesurable, ni même pertinent pour l’avenirde la société comme de l’économie. l

La rentabilité de l’enseignement supérieur n’a aucun sens !

Les valeurs de l’Université, aujourd’hui, sont bafouées au profit d’une logique

néolibérale réduisant l’individu scolarisé à un rôle d’investisseur qui, en étudiant,

accumule un capital pour en tirer un bénéfice par la suite.

tIl est plus que temps

de penser un enseignement

supérieur débarrassé

du discours de rentabilité

qui n’est ni réellement

mesurable, ni même

pertinent pour l’avenir

de la société comme

de l’économie.

s

‘ par David Flacher , Université de technologie de Compiègne, Hugo Harari-Kermadec , ENS Paris-Saclay,

membres du groupe de recherche Acides (acides.hypotheses.org)

POUR EN SAVOIR PLUS

• Acides, Arrêtons les frais. Pour un enseignement supérieurgratuit et émancipateur, Raisons d’agir, 2015, Paris.

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Les politiques néolibéralesappliquées à l’Université

transforment la connaissance enlui assignant une significationexclusivement économique. Lafinalité, l’organisation, le fonc-tionnement des institutions d’en-seignement et de recherche sontde plus en plus soumis à unelogique de marché qui imposeinstitutionnellement à laconnaissance la forme abstraited’une valeur économique, laquelle valeur estcensée fonctionner comme critère absolu dela validation de la recherche et de l’ensei-gnement, à rebours des critères proprementscientifiques et plus généralement des prin-cipes éthiques lentement institués dans lechamp universitaire au cours des deux der-niers siècles. Inutile de dire que cette stratégien’a pas encore atteint sa pleine réalisation dufait qu’elle suppose la négation pratique del’autonomie dont doivent jouir la rechercheet l’enseignement pour atteindre leurs finspropres, du moins dans l’ordre classique del’Université. Nous entendonsici par ordre classique del’Université l’ensemble desprincipes et des valeurs incar-nés dans des institutions desavoir qui se sont voulus rela-tivement autonomes par rap-port aux champs religieux,politique et économique. C’est précisément cet ordreclassique de l’Université quiest aujourd’hui remis en cause,et cela de façon explicite, parla littérature des grandes orga-nisations internationales (Banque mondiale,OCDE, Commission européenne, etc.). Nousavons affaire en réalité à un vaste terrain delutte, à l’échelle mondiale, où s’affrontent deuxconceptions de l’Université, et au-delà, deuxconceptions de la connaissance, la conceptioncapitaliste de la connaissance et la conceptionclassique de la connaissance. Les réformesnéolibérales conduisent précisément à cristal-liser institutionnellement la première au détri-ment de la seconde, de sorte que la conceptioncapitaliste de la connaissance devient uneforme capitaliste de la connaissance.Il va sans dire que cette normalisation qui faitcomme si toute connaissance était une mar-

chandise crée les conditions pour qu’elledevienne, dans certaines situations, une « mar-chandise réelle ». C’est l’apport de la théoriedu « capitalisme académique », et de ses auteursSheila Slaughter, Larry L. Leslie, Gary Rhoades,d’avoir montré comment les universités se trans-forment en centres de profit originaux spécia-lisés dans la production et la vente de mar-chandises cognitives et comment lesuniversitaires et chercheurs deviennent, à l’in-térieur des institutions, des producteurs et desvendeurs de marchandises conformes aux exi-gences de la nouvelle économie(1). Cela n’est

devenu possible, comme cesauteurs le montrent, que parceque l’Université est en réalitédevenue partie prenante decette nouvelle économie quia pour caractéristique d’exploi-ter le stock de connaissancesdisponibles. Selon cette hypo-thèse, l’Université tendraitmême à devenir l’institutioncentrale du nouveau capita-lisme. L’interprétation du « capi-talisme académique » a cepen-dant pour défaut d’oublier que

même en l’absence d’une relation effectived’achat et de vente, c’est toute la connaissancequi est désormais potentiellement « miseen forme économique » par une opéra tion d’abs-traction qui détache des connaissances concrèteset spécialisées la propriété générale d’avoir unevaleur économique pour des marchés. Cette opération d’abstraction prend deux voiesprincipales, l’une qui concerne l’enseignement,l’autre la recherche. Dans l’enseignement, lacompétence est devenue la catégorie straté-gique qui permet à la fois la professionnali-sation généralisée des cursus universitaires, larestructuration des contenus et des modesd’évaluation des activités professionnelles des

enseignants(2). La production des compétencessélectionnées et hiérarchisées en fonction deleur utilité professionnelle et sociale est poséeaujourd’hui comme l’objectif légitime des éta-blissements d’enseignement et le critère quipermet de sélectionner les enseignements etleurs contenus. Les transformations de larecherche sont guidées, quant à elles, par lalogique de l’innovation, qui agit comme uncritère de sélection des projets de rechercheet de distribution des financements en fonctionde leur utilité dans le champ de la concurrenceéconomique nationale et surtout internationale. Compétence et innovation, ces deux faces dela stratégie capitaliste de la connaissance,réduisent la formation et la recherche à leurseule finalité économique : valeur d’échangesur le marché du travail des formations d’uncôté, valeur d’échange des connaissancesnouvelles sur le marché des brevets et autrestitres de propriété intellectuelle de l’autre. Si la connaissance est commandée par sa valo-risation, il convient qu’elle soit produite dansdes conditions et selon des formes qui convien-nent à la production des valeurs d’échange,c’est-à-dire dans des entreprises soumises à laconcurrence et régies selon des normes deperformance qui sont décalquées des entre-prises du secteur marchand. En d’autres termes,les institutions sont conduites à épouser laforme de l’entreprise. Quant aux administra-teurs, aux enseignants et aux chercheurs, incitésà jouer le jeu de la concurrence, ils participentà la construction du marché en important dansleurs institutions, en fonction de leurs intérêtset stratégies propres, les modes d’action et lesvaleurs du monde éco nomique. Les étudiantsne sont pas en reste, qui deviennent sans levouloir des « marketers » par les choix et lescalculs qu’ils sont incités à faire pour « renta-biliser leurs investissements éducatifs ». l

(1) Cf. Sheila Slaughter, Gary Rhoades, Academic

Capitalism and the New Economy. Markets, State

and Higher Education, Johns Hopkins UniversityPress, 2004. Cf. aussi Sheila Slaughter and LarryL. Leslie, Academic Capitalism. Politics, Policies,

and the Entrepreneurial University, Johns Hop-kins University Press, 1997.(2) Le ministère de l’Éducation au Royaume-Uni avait été rebaptisé « Department for Edu-cation and Skills » entre 2001 et 2007.

L’argent, nouveauterreau de la connaissance…

La conception capitaliste de la connaissance

En transformant en profondeur le mode de fonctionnement de l’Université, la mise en œuvre de politiques

néolibérales a bouleversé l’ordre classique au profit d’une conception capitaliste de la connaissance, où

cette dernière, évaluée selon sa finalité économique, est intégrée dans un calcul coût/bénéfice.

‘ par Christian Laval , sociologue, université Paris-Nanterre

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tCompétence

et innovation, ces deux

faces de la stratégie

capitaliste de la

connaissance, réduisent

la formation et

la recherche à leur seule

finalité économique.

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Retrouvez l’article complet de C. Laval sursnesup.fr/rubrique/le-mensuel-le-snesup

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seignement supérieur, les universités et lesorganismes de recherche offrent une certainerésistance si on en juge par l’insertion à troisans des docteurs diplômés en 2010. Danscette étude réalisée pour le ministère del’Éducation nationale, de l’Enseignementsupérieur et de la Recherche et publiée parJulien Calmand en 2015, on retrouve deséléments bien connus comme, par exemple,la faible représentation desclasses populaires, l’aug-mentation des CDD (32 %des sortants 2010, soit 8points de plus que pourles sortants de 2001) et laforte disparité disciplinaireen ce qui concerne lesdébouchés : « Dans la plu-part des sciences dures, larecherche, publique ou pri-vée, constitue plus des troisquarts des débouchés desdocteurs. […] En lettres, en droit, scienceséconomiques et gestion et en SHS, c’est uneproportion considérable de docteurs (entreun tiers et la moitié) qui exercent en dehorsde la recherche. » (2) Pourtant, on y voit aussides éléments encourageants tels que la solidité de la formation liée à larecherche puisque « [l]es docteurs sont, avecles ingénieurs et les diplômés de la santé etdu social, les seuls diplômés de l’enseignementsupérieur épargnés par la progression du chô-mage. En outre, les docteurs ont […] un tauxde chômage moins élevé que celui des diplô-més de master ». Enfin, les réponses des étu-diants interrogés sur leur projet professionnel

au moment de la soutenance de thèse dres-sent le constat suivant : « Les enquêtes “Géné-ration” mettent en évidence la préférence desdocteurs pour la recherche académique etpublique. Dans un article récent (Calmandet Giret, 2013), nous avons mis en évidenceplusieurs explications pour ce choix […]. Lefondamentalisme de la recherche et son pres-tige sont souvent des hypothèses avancées. »

À l’heure de souligner la persévérance descandidats et leur capacité à affronter toustypes de difficultés, la palme ne revient-elle pas aux SHS et aux lettres ? Ainsi, 18 %des thésards en SHS et 29 % en lettresmènent à terme leur projet sans financementprincipal. N’est-ce pas le signe que la curio-sité intellectuelle, le désir ou la tentationde connaissance et de recherche gardentune certaine force ? l

(1) Voir bibliographie citée. Pour la référence àl’OCDE : Perspectives de la science, de la techno-

logie et de l’industrie, OCDE, Paris, 2000.(2) Voir bibliographie citée.

Eurêka : grandeur et misères de la science

Universités et écoles se sont construites en corrélation plus ou moins étroite avec un

développement industriel et dans la plupart des cas, industriel et marchand. Autant dire que,

dans nos sociétés, la question de l’intérêt de la science et de la recherche ne se pose plus.

‘ par Alet Valero , secrétaire national, responsable du secteur Recherche

BIBLIOGRAPHIE

• Antoine d’Autume, Jean Cartelier, éd., L’économie devient-elle une sciencedure ?, Paris, Economica, 1999.

• Julien Calmand, « L’insertion à trois ans des docteurs diplômés en 2010 »,Net.Doc., no 144, décembre 2015, Céreq, Marseille.

• Blandine Laperche, « Les critères marchands d’évaluation du travailscientifique dans la nouvelle économie. La science comme “forceproductive” et “outil marketing” », Innovations 2003/1 (no 17), Laboratoireredéploiement industriel et innovation, université du Littoral Côte d’Opale.

• Bernard Maris, « Économistes, experts et politiques », Innovations, 2003/1(no 17), Laboratoire redéploiement industriel et innovation, université duLittoral Côte d’Opale.

• Dimitri Uzunidis, « Les facteurs actuels qui font de la Science une forceproductrice au service du capital. Le quatrième moment de l’organisationde la production », Innovations, 2003/1 (no 17), Laboratoire redéploiementindustriel et innovation, université du Littoral Côte d’Opale.

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Au cours du dernier demi-siècle, la sciencea donné lieu à des mutations qui ont

été interprétées comme l’accession à une« société de la connaissance » rapidementmise en parallèle avec une « économie dela connaissance ». Ainsi, plus encore que parle passé, la recherche s’est trouvée soumiseà des contraintes productivistes, à des exi-gences de rentabilité, à des évaluations d’ex-perts. Dans le quotidien du chercheur et del’enseignant-chercheur français, on retrouverales politiques de « structuration » de larecherche, les mutualisations, les adosse-ments, les contrats, les financements récur-rents puis l’étape en cours du CPRD, de lasystématisation des appels à projets, de lacréation de l’ANR, du CIR, etc., avec un tripleétagement : européen, national, régional.Or, jusqu’à preuve du contraire, la concur-rence dans le domaine de la recherche, c’estle nivellement par le bas. En vérité, ces pro-cessus sont organisés par un fonctionnement« en réseau » dans lequel chacun est invité àêtre entrepreneur, voire autoentrepreneur.Ce réseau agit comme unité d’un systèmeéconomique qui aurait dépassé l’individu,la famille, la société anonyme ou l’État. Dimi-tri Uzunidis écrivait déjà en 2003 : « Les défen-seurs de l’idée de “réseaux” affirment que lesuniversités y peuvent trouver leur avantagedans la mesure où elles assurent des débou-chés à leurs futurs diplômés et obtiennentdes aides financières ; les entreprises profitentdu réseau pour avoir un meilleur accès àdes ressources humaines mieux formées et àdes sources de nouvelles idées. Et l’OCDE desouligner que certains obstacles demeurentpour que l’efficacité du réseau soit complète :le statut de fonctionnaire dont bénéficie sou-vent le chercheur, l’évaluation de la recherchepublique qui se fait encore par le critère destravaux publiés et non par la contributiondes chercheurs à l’industrie… » (1). Selon cetauteur, cette étape annoncée en 2003 serait« managériale » au sens où le pouvoir déci-sionnel reviendrait à des salariés, « managersconjointement de l’économie et des affairespubliques » étant donné que l’État seraitdevenu incontournable pour le transfert desressources scientifiques du public vers leprivé et nécessaire à l’élimination des obs-tacles à ce transfert pointés par l’OCDE. La partie est-elle perdue ? Laissons-nousquelque espoir puisqu’il semble que l’en-

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D’origine anglo-saxonne, lasociologie du curriculum ou

des curricula, encore peu déve-loppée en France, rassemble destravaux faisant une analyse cri-tique de la constitution et de lanature des savoirs transmis parl’éducation. En s’inspirant en par-ticulier des travaux de Basil Bern-stein, l’ouvrage de Sophia Stavrou(qui découle d’un travail de thèseen sociologie) est une importantecontribution à la construction d’unesociologie du changement dans lesuniversités françaises. De manière générale, une telleapproche, en termes de change-ment curriculaire, fait l’hypothèseque les attentes sociales extérieures(celles de l’État, des entreprises oude la société dans son ensemble)sont fortement recontextualisées etreconfigurées par les interactionssociales propres au milieu danslequel elles ont lieu. Dans le mêmecadre théorique, Denis Lemaître fai-sait ainsi l’analyse, pour ce qui concerneles grandes écoles, d’une reconfigurationpermanente de l’organisation « dans unenégociation entre les injonctions extérieures(ouverture académique, adaptation auxnouvelles professionnalités, exigences de cer-tification, etc.), les contraintes de son envi-ronnement (situation géographique, niveaudu concours de recrutement, spécialités tech-niques, etc.) et certaines aspirations identi-taires propres (maintien des usages et destraditions, défense du corps ou du groupedes diplômés, valorisation des disciplinesd’excellence, etc.) » .(2)

Le travail que livre ici Sophie Stavrou apparaîtcomme une contribution majeure pour unbilan, près de vingt ans après le lancementdu processus de Bologne, des réformes inter-venues dans l’organisation de l’Université enFrance. Il éclaire à la fois sur les enjeuxsociaux du processus de réforme et sur ceuxde la projection du savoir dans les champssocio-économiques en faisant l’examen del’action de recontextualisation des curriculaet des savoirs dans sa double dimensionsociale. D’une part, souligne l’auteure, « cette

d’enseignement, en appliquant les déci-sions ministérielles et politiques. Elledonne forme au concept de « nouvellegouvernance universitaire » et à cequ’elle entraîne comme tensions et lesnécessaires ajustements permanentspour ceux qui souhaitent préserver la qualité émancipatoire de leurs ensei-gnements. En termes d’invention de nouvelles pro-fessions, ce travail montre avant toutune redéfinition de la profession mêmed’enseignant-chercheur, qui deviennentexperts et évaluateurs du changement,tout en faisant ressortir l’ambivalenceet surtout le mal-être de ceux qui par-ticipent à ce travail. Mais l’ouvragemontre aussi que les jeux ne sont pasencore faits et qu’un retour à une éva-luation plus « démocratique » pourraitalors être nécessaire. Enfin, sur ce que Basil Bernstein nom-mait « la régionalisation des savoirs »,Sophia Stavrou fait une analyse rigou-reuse de plusieurs formations en

sciences sociales et fait apparaître les déré-gulations et les risques, relativement lourds,pesant sur les disciplines universitaires, leursacquis savants, qui peuvent se déliter ou sediluer dans un cadre interdisciplinaire se réa-lisant par juxtaposition des disciplines plutôtque par l’intégration de connaissances cumu-lées. Des savoirs, transformés en pures fonc-tionnalités techniques devant s’ajuster au mar-ché du travail, perdent alors leur potentielémancipateur, sans pour autant réellementfranchir les frontières disciplinaires. Et, outre l’intérêt académique de ce travail,cette mise en perspective des réformesrécentes, particulièrement documentée,donne à voir les (très) nombreux dangersdont sont porteurs les projets d’une universitéau diapason du marché. l

(1) Sophia Stavrou, L’Université au diapason dumarché. Une sociologie du changement curriculairedans les universités françaises, Academia/L’Harmat-tan, collection Thélème XVIII, 2017, 322 p., 33 €.(2) Voir par exemple Denis Lemaître, « Le curricu-lum des grandes écoles en France : un modèled’analyse inspiré de Basil Bernstein », Revue fran-çaise de pédagogie, n° 166, 2009, p. 17-26,rfp.revues.org/1096.

‘ par Michel Maric , membre du Bureau national

action est menée par une base sociale ausein d’une arène où différents groupesd’agents avec des fonctions spécialisées sonten relation : agents pédagogiques, évaluateursnationaux et universitaires des formations,producteurs de politiques de l’enseignementsupérieur ». D’autre part, « cette action derecontextualisation porte ses traces dans lastructuration interne des curricula, à traversdes opérations sociales de sélection et d’or-ganisation des savoirs ». Dans sa préface, Nicole Ramognimo, qui aencadré ce travail, souligne trois résultats quipeuvent ici être mis en évidence : l’émergenced’une nouvelle gouvernance universitaire,l’invention de nouvelles professions au seinde l’Université et le passage d’une forme dis-ciplinaire des formations à une « régionali-sation des savoirs » autour d’enjeux nouveaux,en termes d’interdisciplinarité, se projetantsur un ajustement au marché du travail. Sophia Stavrou décrit avec soin l’impactde ces réformes sur l’ensemble des res -ponsables universitaires, ceux qui orientent,cadrent, contrôlent et légitiment localementles formes et les contenus des programmes

Les risques d’une universitéau diapason du marché

Sophia Stavrou, dans son livre L’Université au diapason du marché. Une sociologie du

changement curriculaire dans les universités françaises(1), met en perspective les

réformes récentes et leurs dangers.

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Insuffisance des moyens et échec de la politique « sociale »

Lors de la présentation du bilan social 2016 dont on regrette qu’ils’appuie sur les statistiques de 2014-2015, les élu.e.s FSU au Comité techniqueministériel de l’enseignement supérieur et de la recherche (CTMESR) onteu l’occasion d’exprimer certaines réserves.

Les statistiques sur les effec-tifs font apparaître le

manque criant de personnelsdans l’enseignement supé-rieur, surtout lorsqu’on lesfait correspondre aux chiffresde l’évolution de la démo-graphie étudiante. Sur la mê-me période, d’après le der-nier RERS(1), l’augmentationdes effectifs étudiants à l’uni-versité est supérieure à 5,5 %en 2015, alors que dans lemême temps l’effectif des en-seignants-chercheurs subitune baisse avec 467 postesen moins (d’après l’EESR(2)).D’où la question : commentformer correctement les étu-diants alors que le nombred’enseignants diminue ?Ainsi, les problèmes d’accueild’étudiants par les universitésqui ont été médiatisés cet étésont essentiellement dus aumanque d’encadrement,conséquence tout à fait pré-visible des choix politiquesd’austérité pour l’ESRI. La mi-nistre feint d’ignorer ceconstat sans appel lorsqu’el-le attribue les problèmes d’ac-cueil à un outil logiciel etconclut « sur la nécessaire pri-se en compte du profil de l’élè-ve pour construire son par-cours de réussite ».

ÉCHEC DES PROCÉDURESDE MUTATIONLes statistiques sur les muta-tions amènent à un constatd’échec des procédures demutation : 0,4 % de mobilitépour les MCF, 1,4 % pour lesPU, 2,7 % pour les Biatss.Dans la réalité, face à l’ab-sence de réponse à leur demande de mutation, descollègues MCF ou PU se ré-signent à demander leur in-tégration dans les corps deprofesseurs agrégés pour en-fin pouvoir changer d’éta-blissement, et des collègues

ITRF repassent desconcours qu’ils ontdéjà obtenus.Nous avons réitéréla demande, émiseà la précédenteséance du CT-MESR, d’un bilanchiffré sur les troisdernières annéesdes recrutementset des mutationsdes enseignants-chercheurs (EC).Le droit à la muta-tion des fonction-naires doit aussiexister pour les ECet les ITRF !

LES « OUBLIÉS » DU BILAN SOCIALLes ATER et docto-rants sont les seulse n s e i g n a n t scontractuels pris encompte dans ce bi-lan social rendantimpossible toutemesure d’impactdes compétencesélargies des éta-blissements sur lerecrutement des enseignantscontractuels : les chargésd’enseignement vacatairesqualifiés de « non perma-nents » ainsi que les ensei-gnants contractuels recrutésen application de l’articleL. 954-3 du Code de l’éduca-tion (contractuels LRU) ontété « oubliés » (ces derniersétaient 1 835 selon un rap-port de l’IGAENR). Ne nous leurrons pas, labaisse apparente du nombred’enseignants contractuelscache un recours plus fré-quent à des chargés d’en-seignement vacataires, pourdes raisons de coût unique-ment. La FSU relève que lerefus de la Conférence desprésidents d’université

(CPU) et du ministère de fai-re fi gurer dans les bilans so-ciaux des indicateurs com-muns et obligatoires liés aurecrutement des enseignantscontractuels marque une vo-lonté de masquer cette si-tuation et d’entretenir la pré-carité en évitant de cerner laréalité des conditions d’em-plois non titulaires.

DES CHIFFRES TROMPEURSLe bilan social traite diffé-remment les régimes indem-nitaires entre personnels en-seignants et personnelsadministratifs : les montantsmoyens perçus dans les corpsd’enseignement sont absents.Serait-ce par pudeur ?Certains chiffres sont trom-peurs : « plus de 167 millionsd’euros ont été versés », lemontant semble énormed’autant qu’il est précisé que,du fait de conversions en décharges de service, « ce to-tal ne rend pas compte dumontant réel des primes at-tribuées ». Le ministère faitcomme si les ensei gnants-

chercheurs qui bé-néficient d’uneconversion l’utili-saient pour se tour-ner les pouces…Arrondissons lamasse budgétairede primes verséesaux enseignantsdans le supérieur à170 millions d’eu-ros. Répartissons-laentre les ensei-gnants et EC horshospitalo-universi-taires uniquement,soit 63 766 agents.Eh bien, le mon-tant annuel moyenperçu par chacunde ces agents s’élè-ve royalement à2 666 € !Leur rémunérationtotale (indiciaire +indemnitaire) setrouve en consé-quence bien infé-rieure à celle desautres corps demême niveau, cequi nécessite abso-lument une revalo-

risation pour assurer la re-connaissance de leurqualification et de leur tra-vail. La FSU a demandé, pourla troisième fois cette annéedans cette instance, l’ouver-ture de négociations salarialessur les conditions de rému-nération du personnel ensei-gnant ! Le projet de décretrelatif à la nomination desrecteurs académiques étaitprésenté ce jour pour avis. La FSU a rappelé son opposi-tion forte aux fusions d’acadé-mies engagées. Elle a dénoncél’introduction de la fonctionde « recteur académique » quiparticipe de fait à une régio-nalisation avancée du systèmeéducatif alors même que l’en-seignement devrait être unefonction régalienne de l’État.Votes : « pour » SNPTES, UN-SA ; « contre » CFDT, CGT,FSU, FO, SUD. l

(1) « Repères & références statis-tiques », MEN et MESRI, 2017.(2) « L’état de l’enseignement su-périeur et de la recherche enFrance », MESRI, n° 10, avril 2017.

tLes statistiques sur les effectifs

font apparaître le manque criant de personnelsdans l’enseignement supérieur.

s

‘ par Marie-Jo Bellosta , secrétaire nationale, responsable du secteur Situation des personnels

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PEDR

La CP-CNU obtient le contingentementdes avis par corps (PU et MC)

La CP-CNU a obtenu la mise en œuvre du contingentement par corps(PU et MC) des avis que les sections CNU émettent sur les demandes de PEDR.Dès 2018, cela permettra aux MC de postuler à la PEDR en leur garantissantdes chances égales à celles des PU d’être classés dans le 1er ou 2e groupe.

Depuis 2014, le CNU estl’instance nationale qui

examine les demandes dePEDR (prime d’encadrementdoctoral et de recherche)des enseignant.e.s-cher-cheur/euse.s, à la demandedes établissements, quiconservent (LRU oblige) lepouvoir d’attribution de laprime et la fixation de sonbarème (dans un montantfixé par arrêté entre 3 500 et15 000 euros). Les sectionsCNU doivent répartir leursavis en trois groupes : 20 %des candidat.e.s les mieuxévalué.e.s dans un 1er grou-pe, 30 % des suivant.e.s dansun 2e groupe et les 50 % res-tant.e.s dans un 3e groupe.Chaque avis global doit ré-sulter de l’évaluation dequatre critères (P, E, D, R) :publications et productionscientifique, encadrementdoctoral et scientifique, dif-fusion scientifique, responsa-bilités scientifiques. L’activitéévaluée est celle des quatredernières années civiles.Lors de son assemblée géné-rale du 15 juin dernier, surproposition de son bureau,la CP-CNU a voté à 75 % enfaveur d’un contingentementpar corps (PU et MC) des avisque le CNU émet sur les dos-siers de demandes de PEDR.Avant ce vote, le bureau de laCP-CNU avait consulté lessections sur le devenir de la

PEDR en indiquant, dans uncourrier envoyé aux bureauxdes sections CNU, qu’il étaitfavorable à la transformationdu « mode d’attribution actuelde la PEDR en un reverse-ment à tous les EC remplis-sant leur fonction d’ensei-gnement et de recherche. Surla base d’une PEDR moyenneà 4 000 euros, on peut estimerà 1 000 euros le montant quiserait alors attribué à tous lesEC. Cette somme pourrait ve-nir augmenter la prime derecherche et d’enseignementsupérieur ». Cette proposition,à laquelle s’oppose ferme-ment la CPU, n’a reçu le sou-tien que de cinq sections, lamajorité était favorable austatu quo ou à une évolutiondes quotas (soit pour de-mander une répartition endeux groupes de 50 %, soitpour augmenter la part des1er et/ou 2e groupes).En revanche, la propositiondu contingentement parcorps, issue des réflexionsmenées au sein du groupede travail PEDR animé par lebureau de la CP-CNU, a reçuune large approbation. Lecontingentement était prati-qué par des sections de plusen plus nombreuses au fildes quatre dernières années.Globalement, en 2016, lescandidatures des MC rece-vaient moins d’avis du1er (18 %) ou 2e groupe (29 %,

soit 52 % restants dans le3e groupe) au profit des PU.Mais les disparités entre sec-tions restaient marquées. Ain-si, 10 sections classaient entre60 et 75 % des MC dans le3e groupe. Dans les grandsdomaines droit, économie,gestion et lettres, sciences hu-maines, les MC étaient plussouvent classés dans le3e groupe (55 %) qu’ensciences et techniques (51 %).La mise en œuvre(* ) ducontingentement par corpsdes avis, dès la prochainecampagne, permettra auxMC de postuler à la PEDRen leur garantissant deschances égales à celles des

PU d’être classés dans le1er ou 2e groupe. À toutes ettous les MC, vous ne serezplus des faire-valoir, alorscandidatez ! l

(*) Les représentants de la CP-CNU, de la DGRH, de la CPU, duCNU-Santé et du CNAP (Conseilnational des astronomes et phy-siciens), réunis le 13 septembre2017, ont validé les modalitéssuivantes : la répartition par corpsdes avis sera appliquée dans lessections dont le nombre de can-didats par corps est supérieur ouégal à 10 ; les sections qui le sou-haitent pourront moduler de plusou moins une unité la réparti-tion des contingents entre corps.

‘ par Fabrice Guilbaud , vice-président de la CP-CNU au titre du groupe IV, VP du CNU 19

tÀ toutes et tous les MC, vous ne serez plus

des faire-valoir, alors candidatez !

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Assemblée générale des enseignants de statut 2nd degré* affectés dans l’ESJeudi 30 novembre 2017, Bourse du travail, salle Jean-Jaurès,

3, rue du Château-d’Eau, Paris 10e (métro République, sortie 5)

9 h 30 Introduction et point sur l’actualité, intervention dusecrétaire général, « 10 ans de loi LRU, ça suffit ! », nosrevendications pour un grand service public d’ensei-gnement supérieur.

10 h 30 Vécu des collègues et remontées des établissements. Conditions d’exercice de notre métier, quelles amé-liorations apporter.Les menaces sur les retraites et la riposte à engager.

12 h 30 Déjeuner.14 heures Les nouvelles carrières et les changements en 2017-2018.

15 h 30 Mode d’information et d’échanges entre syndiquéset commissaires paritaires. Le nouveau rôle de cesderniers en CAPA-CAPN.Les élections professionnelles de décembre 2018.

17 heures Fin des travaux.

Cette assemblée générale donne lieu à autorisation d’absence dansle cadre du droit à l’information syndicale.

(*) Sont concernés aussi les enseignants de 1er degré.

P R A G - P R C E

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ENTRETIEN AVEC MURIEL SALLE

Sexisme dans les études médicalesCoauteure d’un ouvrage(1) sur la prise en compte du genre en matière de santé,Muriel Salle, historienne, maîtresse de conférences à l’université Claude-BernardLyon-I, aborde les différences dans les pratiques médicales selon le sexe, à la fois dans la formation des médecins et desinfirmières et dans le regard porté aux patient.e.s.

Les étudiant.e.s et l’institution sont-ils ventdebout contre le sexisme dans les étudesmédicales ?Les pratiques sexistes autrefois admisesdans les études médicales, voire considé-rées comme faisant partie d’une certaineculture professionnelle, celle des « cara-bins », font de plus en plus scandale.Depuis l’affaire du QCM sexiste dans uneépreuve blanche de préparation auconcours de l’internat en avril 2016, quiavait tout de même fait réagir la ministrede la Santé Marisol Touraine, le sexismeordinaire du milieu médical est de plusen plus souvent dénoncé, même quand ils’exprime sous couvert d’humour. Le Tum-blr « Paye ta blouse » ne cesse de recueillirdes témoignages de sexisme en milieuhospitalier. La parole des étudiantes estcertainement beaucoup plus libre, cela dit,il ne faut pas se faire trop d’illusions surl’efficacité de ces mobilisations virtuellesen termes de changement des pratiques.L’Intersyndicat national des internes (Isni)a lancé en septembre dernier la premièreenquête nationale sur le sexisme dans lesétudes médicales. C’est un très bon signede voir des syndicats étudiants s’emparerde la question. Mais qu’en feront lesdoyen.ne.s des facultés de médecine ? La féminisation de la profession médicalene suffira évidemment pas à faire reculerle sexisme. D’autres parcours largementféminisés, à l’instar des infirmières, sontloin d’être épargnés. Par ailleurs, il y aune division sexuée des spécialités médi-cales (la pédiatrie n’est pas la chirurgieorthopédique) et les étudiant.e.s en méde-cine sont aussi marqué.e.s par les stéréo-types de genre concernant les qualitésrequises pour les exercer (empathie etintérêt pour les enfants versus forme phy-sique), mais aussi concernant l’implicationnécessaire et l’articulation des temps devie qui en découle.

Quels ont été les travaux universitairessur cette question ?Des travaux d’anthropologie étudient lesexisme dans la profession médicalecomme élément constitutif d’une identité

professionnelle. Emmanuelle Godeau(L’Esprit de corps. Sexe et mort dans la for-mation des étudiants en médecine, MSH,2007) explique comment chansonspaillardes, plaisanteries grivoises, dégui-sements scabreux et autres humiliationscorporelles et notamment sexuelles consti-tuent une véritable « contre-éducation » etont en quelque sorte valeur de rite initia-tique et d’exutoire libérateur, permettantde supporter l’exercice professionnel etles injonctions à la pudeur et à la décencequi y prévalent. En sociologie, EmmanuelleZolesio s’est intéressée aux femmes chi-rurgiens, et aux modalités et difficultés deleur intégration dans une sphère réputéemasculine. Avec Catherine Vidal(2), nousnous intéressons aux savoirs médicaux etmontrons comment la constructionancienne d’une compréhension déprécia-tive du corps des femmes ainsi que l’exis-tence de biais de genre dans la recherchebiomédicale (essentiellement menée surdes hommes) conduisent à la productiond’un savoir genré qui s’ignore comme tel.Nous faisons le pari que promouvoir uneculture de l’égalité entre les sexes seraitbénéfique pour les professionnel.le.s desanté qui expérimenteraient moins desexisme dans le cadre de leur formationet/ou de leur pratique, mais aussi auxpatient.e.s, qui seraient mieux soigné.e.s.

Vous intervenez dans la formation desfutur.e.s médecins en Paces ? Quels sont vosmoyens d’action et sont-ils satisfaisants ?En première année, les conditions d’en-seignement sont difficiles (2 500étudiant.e.s réparti.e.s dans cinq amphisen parallèle et le cours retransmis surgrand écran dans quatre d’entre eux). Cen’est pas le meilleur cadre pour aborderdes questions qui touchent à l’intime !Pourtant, depuis sept ans, je consacreune matinée au sujet « Homme/femme,cela compte-t-il dans le soin ? ». L’hostilitéy est rare. Et l’intervention d’une asso-ciation sur la prise en charge des violencessexuelles (le Collectif féministe contre leviol) donne toujours lieu à des échangesqui se prolongent parfois bien au-delà

de l’horaire de cours et ont souvent traità des problématiques personnelles. J’aile sentiment que ces interventions sontabsolument nécessaires, mais certainementpas suffisantes. La formation des médecinssur le sujet est très lacunaire, et quandon aborde le rôle qui doit être celui dessoignant.e.s dans le dépistage et la priseen charge des violences sexuelles oudomestiques, on s’entend souvent direque les médecins généralistes n’ont pasle temps… alors que l’on sait qu’ils sontsouvent les premiers à accueillir cesfemmes victimes. l

Propos recueillis par Cécile Ottogalli,

membre du groupe Égalité femmes-hommes

du SNESUP

(1) Muriel Salle, Catherine Vidal, Femmes et

santé, encore une affaire d’hommes ?, Belin,coll. d’Egale à Egal, 2017.(2) Neurobiologiste, directrice de recherchehonoraire à l’institut Pasteur de Paris et membredu comité d’éthique de l’Inserm.

tPromouvoir une culture

de l’égalité entre les sexesserait bénéfique pour

les professionnel.le.s de santémais aussi aux patient.e.s,

qui seraient mieux soigné.e.s.

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20SCHÉMAS RÉGIONAUX DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION (SRESRI)

Un instrument central des politiques régionales

Le pilotage de l’ESR via les « investissements d’excellence » est un élémentcentral des politiques néolibérales. Les politiques régionales sont de plusen plus envisagées dans cette perspective qui est la négation mêmed’un service public au service de l’intérêt général.

L’article 26 de la loi n° 2015-991 du7 août 2015 portant nouvelle organi-

sation territoriale de la République amodifié l’article L214-2 du Code de l’édu-cation. Les régions se sont donc vuconfier à la fois un rôle de coordinationpar rapport à l’action des autres niveauxde collectivités territoriales dans cedomaine de compétences mais aussi unrôle consultatif sur la carte des forma-tions définies au niveau national. Si laloi NOTRe est muette sur le contenu deces schémas, l’article 19 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’ensei-gnement supérieur et à la recherche(ESR) précise, quant à lui, que « les sché-mas prévisionnels, les schémas régionauxd’enseignement supérieur, de larecherche et de l’innovation, les plansrégionaux et la carte des formationssupérieures prévus aux articles L. 214-1et L. 214-2 tiennent compte de l’ensembledes besoins de formation ».L’adoption des SRESRI s’effectue par unvote des conseils régionaux après unavis rendu par le Conseil économique,social et environnemental régional(Ceser). Les exécutifs régionaux sontmaîtres du jeu quant à l’élaboration duschéma et quant au degré de concerta-tion voulu avec l’ensemble des acteurspublics et privés de l’ESR. Il est importantque les personnels et leurs organisationssyndicales représentatives puissent êtreentendus à ce stade. Les questionnairesfermés – comme celui mis en œuvrepar le conseil régional d’Île-de-Francerécemment – ne peuvent remplir cettefonction. Le passage devant le Ceser estbien entendu un moment stratégiquepour les organisations syndicales engénéral et pour la FSU en particulier.

FORMATIONSL’enjeu principal concerne les forma-tions. S’il est le seul repère pour définirla carte des formations, l’ajustement auxbesoins à court de terme de main-d’œuvre qualifiée dans des bassins d’em-ploi restreints va à l’encontre des objec-tifs de démocratisation de l’enseignement

supérieur et d’émancipation descitoyen.ne.s. En outre, il est importantde prendre en compte la cohérence desorientations proposées au regard de lapolitique nationale. Même s’ils n’en sontpas une déclinaison régionale, les SRESRIdoivent être compatibles avec les orien-tations nationales définies par la stratégienationale de l’enseigne-ment supérieur (Stranes)d’une part, et la stratégienationale de recherche(SNR) de l’autre. Ce n’estpas nécessairement lecas aujourd’hui et la lecture des schémas lesplus récents montre queles logiques de concur-rence entre établissementset d’alignement sur lesimpératifs de l’économiede la connaissance àl’échelle européenne sonttrès présentes.La question des moyensest souvent éludée dans ces schémas.Si les régions n’interviennent que mar-ginalement dans le financement du fonc-tionnement des établissements, ellessont pourtant parties prenantes descontrats de plan État-régions (CPER)qui jouent un rôle décisif en ce quiconcerne l’investissement, en particulier

immobilier. La question du patrimoineimmobilier des établissements de l’ESRpassés aux responsabilités et compé-tences élargies (RCE) va être centraledans les mois à venir. Le gouvernementet la Conférence des présidents d’uni-versité (CPU) souhaitent en effet mettreen œuvre une politique de « valorisationdu patrimoine » (sic !) en deux temps :transfert aux établissements ; possibilitéd’emprunter auprès d’établissementsbancaires.

REGROUPEMENTSDernier enjeu, et pas des moindres, lesfusions et regroupements d’établisse-ments. Dans plusieurs régions, on voitse dessiner une cartographie de l’ESRtrès largement pilotée par les conseilsrégionaux et les métropoles. Si lesmétropoles favorisent les fusions pureset simples, les régions peuvent préférerla formule des Comue lorsque les éta-blissements sont éloignés géographi-quement. Le prix à payer pour cesregroupements est très lourd pour les

personnels : souffranceau travail, disparition dela collégialité dans laprise de décision, multi-plication des structuresde pilotage et de gouver-nance, etc. Le cas de l’Île-de-France est un peu par-ticulier à cet égard, ladensité des établisse-ments et des organismesde recherche rend aujour-d’hui possible un « mer-cato » où les alliances sefont et se défont moisaprès mois au gré desstratégies des équipes de

direction et dans le mépris le plus sou-verain de l’intérêt général, commerécemment à Orsay(*). Il est par consé-quent indispensable de s’opposer à detels projets. l

(*) snesup.fr/article/restructuration-paris-sud-orsay-gare-de-triage-universitaire.

tL’ajustement

aux besoins à courtde terme de main-

d’œuvre qualifiée dansdes bassins d’emploi

restreints va àl’encontre des objectifsde démocratisation del’ESR et d’émancipation

des citoyen.ne.s.

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‘ par Christophe Voilliot , secrétaire national

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M E N S U E L D ’ I N F O R M A T I O N D U S Y N D I C A T N A T I O N A L le snesup D E L ’ E N S E I G N E M E N T S U P É R I E U R - N ˚ 659 N O V E M B R E 2017

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L’université de Toronto a refusé d’ac-cueillir un « rallye nationaliste » organisé

par le Parti nationaliste canadien qui devaitse tenir en septembre dernier. Annoncé surFacebook, le rassemblement serait inter-venu peu de temps après les événementseffrayants de Charlottesville, aux États-Unis, où les affrontements entre militantsantiracistes et des groupes adeptes de la« suprématie blanche » avaient provoquédes morts et plusieurs dizaines de blessés.Même s’il ne s’agit pas des mêmes prota-gonistes, puisque le leader nationalistecanadien récuse toute appartenance à l’ex-trême droite, au « suprémacisme blanc » ouau « nationalisme blanc » tout en condam-nant l’homosexualité, « l’islamisation dupays » et la mondialisation, des circons-tances similaires aux deux « rallyes natio-

nalistes » pouvaient en effet faire craindrele pire au président de l’université deToronto, surtout à l’approche de la rentréeuniversitaire. Une contre-manifestation deplusieurs milliers de personnes était enpréparation et aurait rejoint le campus.Le communiqué de presse du présidentde l’université, Meric Gertler, a fait réfé-rence aux faits tragiques de Charlottesvilleet s’est inscrit dans le registre des prin-cipes et des valeurs démocratiques quiforment les « pierres angulaires de l’en-seignement et de la vie universitaires » : « Ilest important que nous réaffirmions notreengagement collectif et inébranlableenvers la diversité, l’équité et l’inclusion. »Mais surtout, le président a choisi de res-treindre la liberté d’expression devantdes menaces qui n’ont rien d’imaginaire

et qui exploitent la culture du Free Speechdes campus : « Le fanatisme, la haine,l’intolérance et la violence n’ont pas deplace sur nos campus. »Ce cas d’école est loin d’être isolé en Amé-rique du Nord, où les universités sontconstamment confrontées au dilemme sur-gissant du principe de la liberté d’expres-sion consacré par le premier amendementde la Constitution et l’entrisme universitairede groupes extrémistes souscrivant à desidéologies explicitement racistes relevantd’une nébuleuse hétérogène de néona-zis, suprémacistes, antimusulmans et anti-sémites, regroupée sous l’étiquette del’« alt-right », qui veut néanmoins se démar-quer politiquement de l’obsolète Ku KluxKlan, qui fut redoutable jusque dans lesannées 1960. l

DISCOURS DE HAINE SUR UN CAMPUS CANADIEN

L’université de Toronto et les « nationalistes blancs »

Des risques d’affrontement ont été évités sur le campus, juste aprèsles événements de Charlottesville.

POINT DE VUE SUR LA CRISE CATALANE

Reprise en main de l’État espagnol

➔ par Isabelle de Mecquenem , secteur Droits et Libertés

Depuis la sentence 31/2010 du Tribunalconstitutionnel espagnol (TC) relative

au statut d’autonomie de la Catalogne quia réduit à néant l’ambition des nationalistescatalans « modérés » de faire de l’Espagneun « État multinational », ces derniers sesont alliés aux nationalistes « radicaux »pour exiger l’organisation d’un référendumd’autodétermination en Catalogne. Le référendum étant une compétence de l’É-tat espagnol, il fallait l’accord de Madrid.Face au refus réitéré de l’État d’organiserune consultation « à l’écossaise », les ins-titutions catalanes, ont, début septembre,décidé de briser la légalité espagnole enadoptant une loi prévoyant l’organisation

➔ par Anthony Sfez , membre de l’EHEHI, Casa de Velazquez, doctorant en droit public à l’université Paris-II Panthéon-Assas

d’un référendum au 1er octobre 2017. Malgré la suspension par le TC de cette loiet la ferme opposition de Madrid, le réfé-rendum a eu lieu avec 43 % de participa-tion pour 90 % de « oui ». Le scrutin futcependant dépourvu de toutes les garan-ties permettant d’assurer la transparence durésultat et, surtout, les partisans du « non »ne se sont pas déplacés. Le mardi 10octobre, le président du gouvernementcatalan a décidé, devant son Parlement,non pas de suspendre les effets d’unedéclaration d’indépendance qu’il auraitpréalablement adoptée – contrairement àce qu’on a souvent pu affirmer dans lapresse – mais de repousser l’adoption dela déclaration d’indépendance en elle-même en vue d’ouvrir des négociationsavec Madrid. Mais l’État a refusé de dialo-guer « sous la menace ». Ces derniers jours, la confrontation entrela Communauté autonome catalane et l’État espagnol s’est intensifiée. Le27 octobre, le Parlement catalan a adopténon pas une déclaration d’indépendance

mais une résolution contenant, dans sonpréambule, le texte d’une déclaration d’in-dépendance, ce qui n’est pas la mêmechose. Une résolution est un acte symbo-lique dénué de toute force juridique ! Lejour même, le gouvernement espagnol aannoncé l’activation de l’article 155 de laConstitution qui a entraîné la destitution detous les membres du gouvernement cata-lan, la limitation des attributions du Par-lement catalan et, surtout, l’organisationd’élections en Catalogne prévues pour le21 décembre. Malgré le ton martial dudésormais ex-président catalan, les indé-pendantistes ont accepté ce retour à lalégalité espagnole et participeront auxélections, qui se dérouleront sous le regardde l’Europe entière. Les indépendantistesauront donc finalement eu ce qu’ils vou-laient depuis le début et ce que Madridrefusait de leur donner : un vote, le21 décembre prochain, que le mondeentier considérera, sur le plan politique,comme une sorte de référendum pour oucontre l’indépendance de la Catalogne.l

Manifestation pour l’autodétermination, le 16 septembre à Barcelone.

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L’organisation du référendum et la déclaration d’indépendance au centred’une bataille constitutionnelle dont l’issue sera le vote du 21 décembre.

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tisme. Comment sortir du risque d’uneuniversité française à deux vitesses ?Nous ne sommes pas anti-Curif, une telledéfinition, négative, serait très réductricepour l’Auref même si nous avons des posi-tions différentes sur certains points. Noussommes là pour défendre un modèle d’uni-versité et pour rappeler à l’État l’importancede l’aménagement du territoire : c’est unenécessité pour en assurer la cohésion etpour préserver une certaine solidarité dansnotre pays. C’est ainsi que le pays pourraréussir. En effet, nous savons bien que lathéorie dite du « ruissellement » ne repose suraucune preuve et sur aucune réalité. À l’op-posé, nous soutenons le concept d’excel-lence distribuée, d’inspiration allemande, quisouligne que l’excellence peut exister dansdifférents lieux, différentes configurations,indépendamment de la taille des établisse-ments et de leur structuration, qu’elle esttout simplement plurielle et qu’elle doit alorsêtre reconnue et financée. De même, il fautlaisser de la place à des recherches et deséquipes en émergence. Une décision de financement n’est pas unefatalité mais un choix qui traduit la stratégiede l’État. La France, pourtant un des paysd’Europe où les disparités régionales d’accèsà l’enseignement supérieur figurent parmiles plus fortes, met en œuvre depuis desannées une action publique marquée parun fort tropisme sur quelques universités degrandes métropoles. La position de l’Auref consiste à rappelerqu’aucune étude sérieuse n’a prouvé un lienentre la taille, la qualité de la recherche, laréussite étudiante et une professionnalisa-tion aboutie. Parler de l’efficience des orga-nisations est plus pertinent, en agrégeanttous les moyens publics investis, dotations del’État, PIA, moyens des organismes, plancampus, financements spécifiques de cer-taines métropoles en matière d’ESR, CPER,subventions de Régions, etc., en lien avec lesrésultats obtenus parce que nous sommescollectivement redevables de la bonne utili-sation des fonds publics. l

Propos recueillis par Pascal Maillard,

secrétaire national, responsable

du secteur Communication

Vous avez été élue présidente de l’Auref.Pourriez-vous nous indiquer les raisonsde la transformation de l’Auref en asso-ciation et les buts principaux qu’ellepoursuit ?Lors de notre séminaire de Corte en juillet,nous avons souhaité renforcer l’Auref. Nousavons grandi au fur et à mesure et la créationd’une association était une étape logique denotre évolution.Il s’agit bien sûr de nous donner plus devisibilité et une plus forte reconnaissancepar exemple en étant invités, comme cela aété fait, dans le cadre de la concertationsociale. Mais cela traduit aussi notre volontéd’aller plus loin dans notre réflexion ennous réunissant en séminaires et autourd’actions menées en réseau. Cela nous per-mettra aussi de développer des outils decommunication.Et l’Auref reste d’abord un lieu ouvert etcordial de partage d’expériences et de débatsentre les universités publiques françaises derecherche et de formation qui se reconnais-sent dans l’importance équivalente portée àces deux missions ainsi que dans la nécessitéde leur articulation.

Depuis 2015 au moins, l’Auref prend despositions publiques en faveur d’un finan-cement de l’enseignement supérieur et dela recherche (ESR) à la hauteur des mis-sions qui leur sont assignées. Commentanalysez-vous les engagements du nou-veau gouvernement ?Même si nous nous réjouissons légitimementde l’augmentation annoncée des moyens del’ESR prévue au budget 2018, c’est sans com-mune mesure avec l’augmentation dunombre des étudiant.e.s. La dotation par étu-diant.e est en réalité en baisse. Et l’Aurefattire l’attention sur cette dégradation régu-lière des moyens pour l’enseignement supé-rieur à l’heure même où se pose la questiond’un accueil plus adapté et d’une meilleureorientation des bachelier/ère.s. Elle appelleà une vigilance toute particulière sur lesmoyens qui devront être déployés à cette finet sur leur répartition entre les établisse-ments au terme de la concertation socialeactuellement en cours.

De même, il faut répartir les moyens de larecherche de manière plus équilibrée pourpermettre à l’ensemble des établissementsde préserver et développer des dynamiquesscientifiques propres, articulées aux spécifi-cités en matière de formation et aux activitésdes écosystèmes territoriaux. Il importe quele renforcement des moyens de la recherchepuisse bénéficier à l’ensemble des acteursscientifiques et des domaines de rechercheafin d’assurer une meilleure cohésion desterritoires.Nous sommes aussi bien entendu très atten-tifs à l’évolution des politiques de site etaux pressions exercées sur les uns ou lesautres pour aller au-delà même des exi-gences posées par la loi de 2013.

L’Auref apparaît de plus en plus commeune anti-Curif, en particulier par votrerefus du modèle concurrentiel et du gigan-

t« Nous sommes là pour

défendre un modèle d’universitéet pour rappeler à l’État

l’importance de l’aménagementdu territoire. »

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ENTRETIEN AVEC Christine Gangloff-ZieglerPrésidente de l’association Alliance des universités de recherche

et de formation (Auref) et présidente de l’université de Haute-Alsace

L’Auref, qui rassemble 31 des 73 universités françaises, a pour objectif de proposer un modèlealternatif de l’enseignement supérieur français. Sa présidente, Christine Gangloff-Ziegler,insiste sur l’importance du lien entre formation et recherche dès la licence ainsi que sur unemeilleure répartition des moyens de la recherche sur tout le territoire.

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