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Les difficultés de la transmission intrafamiliale : Analyse statistique et étude qualitative en Belgique francophone Recherche commanditée par l’Institut de l’Entreprise Familiale ` Auteurs : Nathalie CRUTZEN, Zineb AOUNI et Fabrice PIRNAY 1

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Les difficultés de la transmission intrafamiliale : Analyse statistique et étude qualitative en Belgique

francophone

Recherche commanditée par l’Institut de l’Entreprise Familiale

`

Auteurs : Nathalie CRUTZEN, Zineb AOUNI et Fabrice PIRNAY

JUIN 2016

1

Auteurs

Nathalie CRUTZEN, Docteur en Sciences Economiques et de Gestion, Chargée de Cours, HEC Liège, Université de Liège (Belgique) ;

Zineb AOUNI, Docteur en Sciences Economiques et de Gestion, Chargée de Recherche au Centre de recherche PME, HEC Liège, Université de Liège (Belgique) ;

Fabrice PIRNAY, Docteur en Sciences Economiques et de Gestion, Premier Assistant et directeur du Centre de recherche PME, HEC Liège, Université de Liège (Belgique).

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Remerciements

Comme chaque année, nous souhaitons remercier toutes les personnes qui ont contribué à l’aboutissement de cette recherche.

Nous tenons à remercier particulièrement les 189 entrepreneurs familiaux ayant consacré une partie de leur temps précieux à répondre à

notre questionnaire. Cela nous a permis de mettre en évidence des statistiques judicieuses concernant le processus de transmission

intrafamiliale et les principales difficultés rencontrées par les entrepreneurs dans ce cadre.

Nous pensons également aux représentants des 14 entreprises qui nous ont accueillis, au sein de leurs organisations, pour des interviews en face à

face. Nous remercions les cédants et les successeurs pour le temps qu’ils ont consacré à notre étude.

Enfin, nous tenons à remercier l’Institut de l’Entreprise Familiale, représenté par Laurent Weerts, administrateur délégué, pour le soutien

précieux apporté à cette étude. Au delà du support financier de l’Institut de l’Entreprise Familiale, l’expérience de Mr Weerts et l’originalité de ses

idées ont très certainement apporté une réelle contribution au projet.

Nathalie CRUTZEN, Zineb AOUNI et Fabrice PIRNAY

Liège - Juin 2016

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Table de matière

INTRODUCTION 5

1. REVUE DE LA LITTERATURE 6

1.1. LA TRANSMISSION INTRAFAMILIALE – DÉFINITION 6

1.2. LE PROCESSUS DE TRANSMISSION INTRAFAMILIALE 7

1.3. L’ÉCHEC OU LA RÉUSSITE DU PROCESSUS 8

1.4. UN TAUX D’ÉCHEC IMPORTANT 10

1.5. LES FACTEURS RESPONSABLES DE L’ÉCHEC 10

1.6. LES SITUATIONS COMPLEXES À GÉRER 12

2. ETUDE QUANTITATIVE 15

2.1. OBJECTIF DE L’ÉTUDE QUANTITATIVE 15

2.2. MÉTHODOLOGIE 15

2.3. OBSERVATIONS CLÉS 17

3. ETUDE QUALITATIVE 25

3.1. OBJECTIF 25

3.2. MÉTHODOLOGIE 25

3.3. RÉSULTATS 27

4. MODELE 32

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS 34

BIBLIOGRAPHIE 36

ANNEXE 38

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INTRODUCTION

L’objectif de la présente étude est de mieux comprendre le processus de transmission intrafamiliale et d’identifier les principales difficultés rencontrées dans ce cadre par les entrepreneurs familiaux en Belgique francophone.

En effet, parmi les entreprises familiales qui essayent de transmettre l’entreprise à un membre de la famille, seule une minorité y parvient. En France, des études récentes démontrent, par exemple, que 64% des propriétaires d’entreprises familiales ont l’intention de céder l’entreprise familiale à un membre de la famille. Parmi ces entreprises, seules 26% parviennent à mettre en place un processus de transmission efficace. Dans d’autres régions, le taux de succès de la transmission intrafamiliale est assez similaire. Sund et al. (2015) constatent effectivement que « seul 30% des entreprises familiales sont transmises aux descendants du fondateur » (P166).

Sur base de la littérature, nous allons tout d’abord clarifier les concepts et les principales étapes du processus de transmission (intrafamiliale). Cette revue de la littérature permet également de donner aux lecteurs quelques premiers éclairages concernant les différentes catégories de difficultés rencontrées par les entrepreneurs familiaux dans le cadre d’une succession intrafamiliale.

Au niveau de notre méthodologie empirique, d’une part, une enquête quantitative permettra de mettre en évidence quelques statistiques clés au sein des entreprises familiales en Belgique francophone (envoi du questionnaire à la base de données de l’IEF). D’autre part, une étude qualitative approfondie de 14 successions intrafamiliales permettra d’explorer le processus de transmission intrafamiliale et mettra en évidence les principales difficultés rencontrées au cours du temps par ces entreprises .

Enfin, notre étude mettra en évidence quelques recommandations clés afin d’aider les entrepreneurs familiaux à mieux préparer et gérer le processus de transmission intrafamiliale ainsi que surmonter les principales difficultés identifiées.

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1. REVUE DE LA LITTERATURE

1.1. La transmission intrafamiliale – définition

La transmission intrafamiliale se réfère au transfert du leadership de l’entreprise familiale (EF) d’un membre de la famille à un autre de la même famille (Vozikis et al., 2012). La transmission intrafamiliale concerne principalement, mais rarement uniquement, deux individus : le cédant et le successeur. Elle implique le plus souvent d’autres parties prenantes telles que les membres de la famille qui détiennent des parts dans l’EF et qui peuvent avoir, en vertu des statuts ou d’une convention d'actionnaires, un droit de regard sur le processus de transmission. Ces personnes s’ajoutent au cédant pour former une « coalition dominante » en charge de la transmission. La notion de « prédécesseur» ou « cédant » est généralement réservée à l’actionnaire majoritaire de la famille ou au « titulaire » de la famille qui occupe le poste de direction dans l’EF et qui doit y renoncer pour qu’un autre membre de la famille puisse prendre le relais (De Massis, 2008). Souvent, dans les EF, le cédant est également le titulaire, puisqu’il occupe le plus souvent le poste de directeur général de l’entreprise. Concernant le successeur potentiel, il s’agit de la (ou les) personne(s) de la famille qui est (sont) pressenti(s) pour remplacer le prédécesseur dans ses fonctions.

La transmission intrafamiliale peut concerner deux types de transferts: soit le transfert de la propriété de l’entreprise familiale, soit le transfert du management, soit les deux. En effet, dans certains cas, la transmission de l’entreprise familiale à un membre de la famille peut se limiter au transfert de la fonction de directeur général sans pour autant s’accompagner par le transfert de la propriété de l’entreprise familiale. Les actions de l’entreprise peuvent rester dans les mains du propriétaire majoritaire de l'ancienne génération ou être cédés à un membre externe à la famille. Il s’agit dans ce cas, d’une transmission intrafamiliale de management. La transmission de management peut ensuite évoluer vers une transmission de propriété lorsque le propriétaire majoritaire décide de céder les parts de l’entreprise familiale à un membre de la famille en fonction du développement de l’entreprise ou lorsque la nouvelle génération obtient progressivement une position de participation majoritaire. A l’inverse, une transmission intrafamiliale de propriété peut évoluer vers un transfert de management lorsque l’ancienne et/ou la nouvelle génération décident de céder l’entreprise à des membres externes à la famille tout en maintenant un membre de la famille à la direction de l’entreprise.

Quelles qu’elles en soient les modalités, la transmission intrafamiliale est souvent décrite comme l’essence même d’une entreprise familiale. Certains chercheurs définissent effectivement l’entreprise familiale comme une entreprise qui est détenue par les membres d’une même famille mais également comme une entreprise qui a l’intention de rester dans les mains de la famille. Daspit et al. (2015) suggèrent à ce propos que « la vision familiale et

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l’intention de la pérennisation générationnelle sont parmi les caractéristiques les plus importantes permettant de distinguer une entreprise familiale d’une entreprise non familiale » (P.1). En effet, certains travaux sur la thématique de la transmission familiale suggèrent que la qualification «entreprise familiale » n’est valable que lorsqu’il y a eu au minimum un transfert de génération (Ward, 2010). Néanmoins, si la transmission intrafamiliale est inscrite dans l’ADN de toute entreprise familiale, il arrive que la transmission intrafamiliale ne soit pas envisagée comme la meilleure option possible. C’est le cas par exemple de certaines familles qui décident de céder l’entreprise familiale à un membre externe à la famille, soit par opportunité (pour favoriser la croissance de l’entreprise par exemple) soit par nécessité (à cause de l’absence de repreneurs intéressés et/ou compétents au sein de la famille). (cf. Crutzen et al, 2015). C’est le cas également lorsque la famille décide, pour des raisons qui peuvent être multiples et variées (tels qu’un manque de rentabilité, le déclin du secteur, l’absence d’un repreneur, etc.), de cesser l’activité de l’entreprise au moment où se pose la question de la transmission. Dans ces deux cas, le processus de transmission intrafamiliale ne sera pas initié.

1.2. Le processus de transmission intrafamiliale

La transmission d’une entreprise familiale est un processus. Il ne s’agit pas d’un moment spécifique auquel le propriétaire manager passe le bâton à un autre membre de la famille.

Les phases du processus de transmission intrafamiliale concernent les étapes qui ont lieu entre le temps t0 - lorsque le cédant forme l’intention de transmettre l’entreprise familiale à un autre membre de la famille - et le temps t1 - lorsque le cédant relègue concrètement et officiellement le contrôle de l’entreprise familiale au successeur.

Entre ces deux moments, différentes phases peuvent être distinguées selon des modèles plus ou moins sophistiqués.

Selon le modèle proposé par Le Breton-Miller et al. (2004) par exemple, ce processus peut-être distingué en 3 phases :

Phase 1 d’établissement des règles de base : les règles de la transmission sont établies et communiquées, le successeur potentiel est identifié et le plan de succession est créé ;Phase 2 de l’accompagnement et du développement du successeur : les capacités du successeur sont évaluées et la formation est apportée ;Phase 3 de la transition et de l’installation : le cédant qui lègue progressivement son rôle et le successeur choisi assume le rôle de top manager.

Bjuggren et Son (2005) distinguent quatre phases d'une succession de propriété, y compris l'initiation, la planification, la réalisation et le suivi.

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Selon Cadieux (2007) ; ces modèles, indépendamment de leurs différences, démontrent que la succession est un processus complexe qui s’étale sur quatre phases : Phase 1 : l’initiation ; Phase 2 : l’intégration ; Phase 3 : le règne conjoint  et Phase 4 : le retrait du cédant. Pendant ces phases, les rôles du prédécesseur et des successeurs évoluent d’une manière interdépendante dans le but ultime d'assurer la survie de l'entreprise.

En se basant sur les modèles proposés par Cadieux (2007) et Le Breton-Miller et al. (2004), le processus de transmission intrafamiliale peut être décliné en 4 phases :

Phase 1 – Initiation. Pendant cette phase, le (ou les) successeur(s) potentiel(s) est identifié et le plan de succession est établi (d’une manière formelle ou informelle); Phase 2 – Intégration. Pendant cette phase, l’accompagnement est apporté au successeur  et ses capacités sont évaluées et un plan de formation est établi.Phase 3 - Règne conjoint. Le cédant lègue progressivement son rôle et le successeur prend progressivement sa place dans l’EF.Phase 4 - Retrait du cédant : Le cédant se retire de l’EF.

Schéma 1   : les phases du processus de transmission intrafamiliale

1.3. L’échec ou la réussite du processus

La transmission intrafamiliale est un processus dynamique pendant lequel les modalités de la transmission peuvent être remises en question à tout moment.

A chaque instant du processus, la famille ou le cédant peut effectivement revenir sur sa décision initiale en choisissant de transmettre l’EF à un membre externe à la famille ou de cesser l’activité de l’entreprise. On parlera dans ces cas d’échec du processus de transmission intrafamilial.

Selon De Massis et al. (2008), on parlera d’échec de la transmission familiale lorsque le processus a été initié mais n’a pas pu aboutir. Il ne s’agit donc pas des situations dans lesquelles la transmission intrafamiliale n’a jamais été décidée ni envisagée (faute de successeurs dans la famille par exemple).

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Schéma 2: Les issues possibles du processus de transmission intrafamiliale

Le processus de transmission intrafamiliale sera abouti lorsque le cédant se retire de l’EF et laisse la place au successeur. Cette passation de pouvoir est souvent synonyme de réussite du processus de transmission intrafamiliale. Néanmoins, ce critère de réussite est de plus en plus débattu dans la littérature. Certaines recherches insistent sur l’importance d’inclure d’autres critères permettant de s’assurer de la pérennisation de l’entreprise familiale après la transmission tels que la préparation du successeur, la préservation des connaissances et du savoir-faire de l’EF, etc.

Jaskiewicz et al. (2015) suggèrent de distinguer différents niveaux de réussite du processus de transmission intrafamiliale :

1- Une transmission « ordinaire » qui suppose la transmission de la propriété et/ou le contrôle de l’EF à la nouvelle génération ;

2- Une transmission « satisfaisante » dans laquelle les différentes parties prenantes acceptent les rôles des uns et des autres dans l’entreprise et sont satisfaits par rapport au planning de la succession ;

3- Transmission « efficace » qui suppose que :o Les connaissances idiosyncratiques de la famille, qui sont essentielles pour

maintenir son avantage compétitif, sont transmises à la nouvelle génération ;o Le talent entrepreneurial de l’entreprise est transmis à la nouvelle génération ;o La capacité de financement de l’entreprise (les taxes liées à la succession et

autres compensations des ayants droit n’a-t-elle pas handicapé les fonds de l’entreprise). Les coûts liés aux taxes ou aux compensations, notamment pourraient être importants et pourraient entraver la volonté des co-propriétaires à prendre des risques et de la capacité de l'entreprise à réaliser des investissements.

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1.4. Un taux d’échec important

Parmi les entreprises familiales qui essayent de transmettre l’entreprise familiale à un membre de la famille, seule une minorité y parvient. En France, des études récentes démontrent, par exemple, que 64% des propriétaires d’entreprises familiales ont l’intention de céder l’entreprise familiale à un membre de la famille. Parmi ces entreprises, seules 26% parviennent à mettre en place un processus de transmission efficace. Dans d’autres régions, le taux de succès de la transmission intrafamiliale est assez similaire. Sund et al. (2015) suggèrent effectivement que « seul 30% des entreprises familiales sont transmises aux descendants du fondateur, même ce taux serait plus élevé du passage de la deuxième à la troisième génération » (P166).

1.5. Les facteurs responsables de l’échec

Selon De Massis et al. (2008), plusieurs facteurs peuvent être responsables de l’échec de la transmission intrafamiliale. Il peut s’agir de:

1- Facteurs individuels tels que :a. L’attachement du cédant : il s’agit de la principale cause d’échec du processus

de transmission de l’entreprise familiale. Le cédant est souvent très attaché à l’entreprise familiale. Son sentiment de propriété, son identité de leader sont mis à mal lors du processus de transmission. Les prédécesseurs perdent, parfois à contre cœur, leur rôle central dans la famille et dans l’entreprise. C’est un processus qui leur rappelle qu’ils sont mortels ;

b. La disparition prématurée du cédant : le cédant a généralement un rôle décisif dans le processus de transmission intrafamilial. La disparition soudaine du cédant pendant le processus peut empêcher la réalisation de transmission ;

c. Le changement de la situation familiale du cédant (divorce, remariage ou naissance d’un enfant) ;

d. Le manque de compétences du successeur potentiel : ce manque de compétences peut être constaté soit par le successeur lui-même et l’amènerait donc à refuser la position, soit par la coalition dominante en charge de la transmission de l’entreprise familiale, qui rejetterait par conséquent le successeur potentiel. Selon Daspit et al. (2015), la perception d’un manque de compétence « commence le plus souvent à la maison avant même que le membre de la famille de la génération suivante n’intègre l’EF » (P6) ;

e. L’insatisfaction ou le manque de motivation du successeur potentiel qui peut apparaître au fur et à mesure des difficultés rencontrées pendant le processus ;

f. La disparition soudaine du successeur potentiel.

2- Facteurs relationnels tels que :

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a. des conflits, des rivalités ou des compétitions qui peuvent apparaitre dans la relation parent-enfants ;

b. des conflits, des rivalités ou des compétitions qui peuvent apparaitre entre les membres de la famille ;

c. des conflits, des rivalités ou des compétitions qui peuvent apparaitre entre le cédant/successeur et des membres externes à la famille. C’est le cas notamment des managers externes à la famille qui peuvent être impliqués dans le processus de transmission (Bruce et Picard, 2006) ;

d. L’importance des décisions consensuelles dans la famille qui peut rendre difficile pour le successeur de développer ses capacités de prise de décision, qui sont nécessaires pour gérer l’entreprise ;

e. Un manque de confiance (trust) dans le successeur potentiel. Christman et al. (1998) suggèrent que l’intégrité et l’engagement du successeur à l’EF sont les attributs les plus importants. Handler (1991) estime qu’une succession réussie dépend du niveau de respect mutuel entre le successeur et le prédécesseur, qui s’appuie sur la confiance, l’encouragement, la communication et l’apprentissage mutuel ;

f. Un manque d’engagement des membres de la famille vis-à-vis du successeur potentiel.

3- Facteurs financiers tels que :a. Incapacité à payer la taxe relative à la succession : la transmission

intrafamiliale peut être réalisée soit par une vente de l’entreprise familiale soit selon des modalités internes tels que la donation ou l’héritage. Les taxes relatives à transmission peuvent être plus ou moins importantes selon le système législatif régional et la modalité de transmission retenue ;

b. Incapacité à trouver les ressources financières pour permettre la sortie d’un autre successeur potentiel ;

c. Ressources financières non suffisantes pour absorber le coût de recrutement de managers professionnels.

4- Facteurs contextuels tels que :a. un changement dans le contexte des affaires qui affecte la performance de

l’entreprise ;b. La réduction de la taille de l’entreprise: plus l’entreprise est petite, moins elle

est attractive pour le successeur;c. perte d’un client ou d’un fournisseur clés de l’EF.

5- Facteurs liés au processus de transmission tels que :a. Le manque de définition des rôles du successeur et du cédant;b. Le manque de communication avec les membres de la famille et les autres

parties prenantes concernant les décisions relatives au processus de succession;

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c. Le manque d’adéquation entre les besoins du successeur et ses compétences ;d. Le manque de préparation et de formation à la succession;e. Une exposition insuffisante ou tardive du successeur vis-à-vis des membres du

personnel et autres parties prenantes de l’EF ;f. Ne pas donner suffisamment de feedback au successeur à propos du processus

de succession;g. Ne pas formaliser des critères objectifs et rationnels pour la sélection du

candidat successeur.

Ces obstacles individuels, relationnels, financiers, contextuels ou liés au processus de transmission lui-même, peuvent être chacun à l’origine de l’échec du processus de transmission intrafamiliale qui a été initié par les parties prenantes. En effet, ces raisons peuvent amener le successeur potentiel à décliner la proposition ou pousser la coalition dominante à rejeter le successeur ou décider de bloquer tout transfert à la nouvelle génération malgré l’existence d’un successeur potentiel et de son accord pour poursuivre le processus de transmission.

Ils sont souvent la conséquence de situations complexes avec lesquelles la famille devra composer pour assurer une transmission réussie. Ces situations sont parfois les prémisses de difficultés qui, lorsqu’elles sont mal gérées ou négligées, peuvent aboutir à des obstacles relationnels, individuels ou financiers, pouvant faire échouer le processus de transmission intrafamiliale.

La section suivante recense ces situations complexes qui peuvent être rencontrées par les entreprises familiales pendant le processus de transmission intrafamiliale.

1.6. Les situations complexes à gérer

La littérature disponible est majoritairement focalisée sur les facteurs de succès d’une transmission intrafamiliale. Néanmoins, en filagramme de ces recherches, certaines d’entre elles mettent en évidence des situations complexes rencontrées par les EF pendant ce processus.

Parmi les situations les plus largement documentées se trouvent celles qui sont liés à la multiplicité des personnes impliquées dans la transmission intrafamiliale. C’est le cas par exemple de la transmission de l’EF à plusieurs enfants. Cisneros et Descamps (2013) suggèrent que ce type de transmission, qui implique plusieurs frères et sœurs, peut être difficile à la fois pour le cédant et à la fois pour les successeurs. Dans un souci d’équité, le cédant cherchera à favoriser des situations dans lesquelles les enfants ont des parts égales de l’EF et où le pouvoir est partagé entre les successeurs. Une telle situation n’est bien entendu pas sans difficultés pour les successeurs qui devront s’organiser pour diriger ensemble l’EF. Cisneros et Descamps (2013), constatent que ce type de transmission s’accompagne d’une

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faible définition des rôles et des responsabilités des successeurs et par la difficulté de gérer les relations familiales au sein de l’équipe successorale et à déterminer des critères objectifs pour désigner un leader parmi les successeurs (l’ainé est-il plus légitime ? est-il le plus expérimenté ? le plus compétent ? etc.).

Une autre situation complexe rencontrée par les EF pendant le processus de transmission intrafamiliale concerne les émotions liées au leadership ou aux ambitions de propriétés. Ces émotions peuvent être présentes chez certaines parties prenantes de l’EF (employés, membres de la famille externes à la famille, ect.) et peuvent être sources de conflits ou entrainer des coûts dans la transmission de l’EF liés aux compensations. En effet, dans les entreprises familiales, la propriété ne se limite pas à l’actionnariat. Elle s’étend à la propriété psychologique. On parlera de « propriété psychologique » lorsque certaines personnes ressentent que l’entreprise leur appartient totalement ou partiellement (Pierce et al. 2001).

L’inadéquation des objectifs du cédant et celles du successeur peuvent également créer des tensions dans l’EF. Lefebvre et Lefebvre (2016) rappellent à ce propos qu’il est rarement demandé à la nouvelle génération d’exprimer leurs idées et leurs sentiments à propos du futur de l’entreprise familiale à transmettre.

La complexité de la transmission intrafamiliale peut également être accentuée par l’ancienneté de l’EF. En effet, au fur et mesure des générations, la succession intrafamiliale peut aboutir à un « arbre familial » plus ou moins complexe (avec des cousins, la belle famille, etc. qui sont impliqués à tour de rôle selon les générations). Gersick et al. (1997) suggèrent un cycle de vie de la succession familiale qui évoluerait d’une situation où le propriétaire détient le contrôle (première génération), à une situation où l’entreprise familiale est dans les mains des frères et sœurs (deuxième génération), à une situation caractérisée par un consortium de cousins (troisième génération).Ces situations sont parfois simplifiées par la famille au pouvoir en retournant à une structure très simple lorsqu’une branche de la famille prend, par exemple le relais (Lambrecht et Lievens, 2008). Ces situations peuvent également être gérées par les entreprises les plus anciennes grâce à une meilleure gestion de la transmission intrafamiliale au fur et à mesure des générations. En effet, Gomez-Mejia et al. (2011) constatent que le processus de succession est de plus formel dans l’EF les plus anciennes. Sonfield et Lussier (2004) constatent également que les EF de seconde et de troisième génération sont plus susceptibles d’avoir un plan de succession que les EF de première génération. Le processus de transmission se professionnaliserait avec les générations.

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Schéma 3   : Les obstacles et les situations complexes rencontrés pendant le processus de transmission intrafamiliale

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2. ETUDE QUANTITATIVE

2.1. Objectif de l’étude quantitative

L’étude quantitative a pour objectif d’identifier des tendances clés en Belgique francophone concernant le processus de transmission intrafamiliale (quelles modalités ? choix du successeur ? aide externe ? durée ?) et surtout les principales difficultés rencontrées par les entrepreneurs familiaux dans le cadre de ce processus de transmission réservé aux membres de la famille.

2.2. Méthodologie

a) Un questionnaire écrit

Un questionnaire a été envoyé aux 2.491 entreprises familiales figurant dans la base de données de l’Institut de l’Entreprise Familiale. Une lettre d’accompagnement précisait que le questionnaire devait être rempli, idéalement, par le propriétaire-dirigeant de l’entreprise.

Le questionnaire complet figure en annexe.

b) Représentativité de l’échantillon

Nous avons reçu 189 réponses valables (taux de réponses de 7,26%). Les tableaux ci-après détaillent la représentativité de l’échantillon en fonction du secteur d’activité, de la forme juridique ainsi que de la taille de l’entreprise en termes de chiffre d’affaires et de nombre d’emplois.

Dans la population Dans l'échantillonSecteurs N % n %

Construction 595 24,8% 51 27,6%Commerce 518 21,6% 51 27,6%Industrie 542 22,6% 38 20,5%Services 634 26,4% 38 20,5%Horeca 79 3,3% 4 2,2%

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Agriculture 35 1,5% 3 1,6%Total 2403 100,0% 185 100,0%

Dans la population Dans l'échantillonForme juridique N % n %

SA 1847 74,1% 139 73,5%SPRL(U) 558 22,4% 47 24,9%Autres 86 3,5% 3 1,6%

Total 2491 100,0% 103 100,0%

Dans la population Dans l'échantillonChiffre d’affaires N % n %

< 1 million 111 9,0% 15 8,8%De 1 à 5 millions 567 46,1% 80 46,8%De 5 à10 millions 257 20,9% 36 21,1%+ de 10 millions 294 23,9% 40 23,4%

Total 1229 100,0% 171 100,0%

Dans la population Dans l'échantillonNb d’emplois N % n %

Jusqu'à 49 emplois 2190 90,4% 148 80,9%50 - 99 emplois 155 6,4% 18 9,8%+ de 100 emplois 78 3,2% 17 9,3%

Total 2423 100,0% 183 100,0%

Tableau 1 : Représentativité de l’échantillon

Ces tableaux montrent que notre échantillon est représentatif de la population de référence en termes de secteur d’activités, de structure juridique et de chiffre d’affaires.

Toutefois, il convient de noter que notre échantillon n’est pas tout à fait représentatif au niveau de la taille des entreprises participantes (nombre d’emplois). En effet, même si la part des grandes entreprises (+ de 100 emplois) est très faible parmi les entreprises familiales (3,2%), la proportion des entreprises de grande taille qui ont répondu à notre enquête est élevée (9,3%).

Cela dit, les données récoltées auprès de cet échantillon nous permettent d’extrapoler sans restriction les résultats à l’ensemble des entreprises familiales en Belgique francophone en 2016.

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2.3. Observations clés

a. A quel stade du processus se situent les répondants ?

21% des répondants affirment que tout est déjà réglé au niveau de la transmission de leur entreprise familiale. Pour eux, ce n’est plus vraiment une préoccupation majeure. On peut donc dire qu’ils estiment être à la fin du processus de transmission (GROUPE 1).

37% des répondants affirment avoir les idées claires à ce propos. Ils ont clairement pris leurs décision mais ils ne les ont pas encore clairement mises en œuvre. On peut donc dire qu’ils ont franchi les deux premières étapes du processus et qu’ils se trouvent donc au milieu du processus de transmission (GROUPE 2).

33% des répondants affirment y avoir pensé de temps en temps mais que tout reste ouvert. Ils n’ont encore aucun certitude sur les modalités qui seront retenues. Ils se trouve donc au début du processus de transmission (GROUPE 3).

9% des répondants affirment n’avoir encore jamais vraiment réfléchi à la problématique. Ils se trouvent donc en dehors du processus (GROUPE 4).

Dans la mesure où les 18 répondants du groupe 4 ne sont pas du tout concernés par la problématique générale de la transmission de leur entreprise (ils n’y ont jamais pensé !), nous avons décidé de les exclure du périmètre de l’étude et de focaliser nos analyses sur les 171 répondants qui sont globalement concernés par la transmission de leur entreprise familiale1, qu’ils soient au début du processus de transmission (groupe 3), au milieu de ce processus (groupe 2) ou à la fin de ce processus (groupe 1) !

b. Profil des répondants concernés par la transmission (171 répondants)

1 Ces entreprises ont affirmé être concernées par la transmission, que ce soit à un membre de la famille ou à un externe.

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Il s’agit principalement d’hommes (85% des répondants), de plus de 50 ans, mariés ou en couple (82%), qui détiennent majoritairement l’entreprise personnellement ou la détenaient majoritairement avant la transmission (plus on avance dans le processus, moins ils ont de parts dans le capital).

Assez logiquement, ils sont tous impliqués dans des entreprises détenues presqu’exclusivement par la famille (98% du capital).

Au niveau des fonctions occupées, il est intéressant de noter que, assez logiquement, au cours de l’évolution du processus de transmission, ces entrepreneurs familiaux ont tendance à évoluer d’une fonction de direction générale de l’entreprise vers une fonction de président de son conseil d’administration.

c. Combien d’entreprises familiales sont concernées par la transmission intrafamiliale ?

Globalement, parmi les 171 répondants qui sont concernés par la transmission de l’entreprise familiale, 66% envisagent de la transmettre à un ou à plusieurs membres de leur famille ; 20% n’ont pas encore d’opinion précise à ce propos et 14 % n’envisagent pas de transmettre l’entreprise familiale à un membre de leur famille. Ces observations sont similaires à celles identifiées en France dans la revue de la littérature.

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On soupçonne néanmoins un biais sélectif de notre échantillon. Il est fort probable que les dirigeants qui ne sont pas concernés par une transmission (intrafamiliale) n’aient tout simplement pas répondu à notre questionnaire, ce qui explique probablement le taux relativement élevé de répondants concernés par la transmission (91%).

d. Quelles sont les modalités de transmission intrafamiliale ?

Parmi les entreprises familiales concernées par une transmission intrafamiliale, 43% envisagent de le faire à titre gratuit tandis que près d’un tiers (27%) sont indécis par rapport à cette modalité.

Parmi les entrepreneurs qui ont terminé leur processus de transmission familiale (groupe 1), 69% l’ont fait à titre gratuit et 22% à titre onéreux (9% ne savent pas ) alors que, parmi les entrepreneurs qui sont en début du processus (groupe 3), seuls 11% pensent le faire à titre gratuit et 41% pensent le faire à titre onéreux (48% ne savent pas encore).

Il est par ailleurs intéressant de constater que lorsque la transmission intrafamiliale est envisagée à titre gratuit, la majorité des cédants envisagent de garder l’usufruit des actions.

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e. Qui sont les successeurs intrafamiliaux ?

Lorsqu’il s’agit d’une transmission intrafamiliale, 44% envisagent de transmettre à un seul successeur. Voici le profil-type de cet unique successeur : il s’agit d’un homme d’environ 35 ans travaillant dans l’entreprise familiale depuis plus de 11 ans (âge moyen : 35 ans ; genre : 84% d’hommes et 16% de femmes ; 81% travaillent déjà dans l’entreprise familiale depuis 11,5 années en moyenne).

Dans la majorité des cas (56% des cas), la transmission intrafamiliale concerne néanmoins plusieurs successeurs (2 ou 3 membres de la famille). Voici le profil type de ces successeurs multiples : âge moyen : 33 ans ; genre : 69% d’hommes et 31% de femmes ; 69% travaillent déjà dans l’entreprise familiale depuis 10,5 années en moyenne.

Il est particulièrement intéressant de constater que les entreprises familiales semblent encore très réticentes à désigner une femme comme successeur unique (16% des cas) alors que, dans les cas de successeurs multiples, les femmes sont deux fois plus nombreuses (31% des cas).

Les entrepreneurs familiaux semblent également plus exigeants avec le successeur unique (il est plus âgé, il travaille dans l’EF et ce, depuis plus longtemps, etc.).

f. Comment est choisi le successeur ?

Le choix du/des successeur(s) familial/aux est une question « sérieuse » pour les EF. Aucun répondant ne déclare le faire par tâtonnement ou par essai/erreur. Néanmoins, peu de répondants (22%) déclarent le faire d’une manière formelle, structurée et réfléchie (en recourant par exemple à un conseil externe, en se renseignant sur les options possibles, etc.). La grande majorité (70%) le font d’une manière naturelle et spontanée.

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g. Qui intervient dans le choix du successeur ?

Le cédant est rarement (25%) seul à décider du choix du successeur. Il est le plus souvent accompagné dans sa décision par de personnes externes à la famille et à l’entreprise (39% des cas), par leur conjoint (33% des cas) ou par des personnes de la famille qui travaillent dans l’EF (32% des cas).

Lorsque nos répondants impliquent des externes à la famille et à l’entreprise dans le choix du successeur, il s’agit prioritairement de leur expert-comptable. L’expert-comptable, puis ensuite, le réviseur et le comptable et, finalement, le notaire et l’avocat sont présentés comme les personnes extérieures les plus importantes à contacter lorsqu’il s’agit de choisir un successeur.

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Deux hypothèses peuvent être déduites de cette observation.- Soit les cédants sont plus préoccupés par des questions techniques liées à leur

transmission (évaluation, implications juridiques, financières et fiscales) que par des questions liées au processus de transmission.

- Soit les entrepreneurs familiaux développent une relation très proche avec leur (expert) comptable (= leur personne de confiance) et le sollicitent régulièrement, même pour des questions d’ordre moins technique comme le choix du successeur.

h. Quelle est la durée moyenne du processus de transmission?

Il faut compter 9 ans et demi, en moyenne, avant de pouvoir estimer que le processus soit finalisé.

i. Pourquoi avoir privilégié une transmission intrafamiliale (les motivations) ?

La principale motivation des cédants dans le choix d’une transmission intrafamiliale est d’offrir une chance à leurs enfants/aux successeurs de s’épanouir dans l’entreprise familiale, tout en préservant la capacité de développement de l’entreprise familiale.

Les motivations d’ordre personnel telles que bénéficier d’avantages fiscaux ou continuer à travailler dans l’entreprise familiale sont très peu considérées, voir pas du tout, dans le choix de la transmission à un membre de la famille.

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Néanmoins, en confrontant les motivations des répondants qui ont privilégié une transmission intrafamiliale à celles des répondants qui n’ont pas opté pour une transmission intrafamiliale, on constate un paradoxe par rapport à la perception de l’avantage que représente la transmission de l’entreprise familiale à ses proches. En effet, tandis que les répondants qui s’engagent dans une transmission intrafamiliale le font résolument pour leurs enfants, parmi ceux qui privilégient une transmission non-familiale, certains estiment que la transmission de l’entreprise familiale n’est pas un cadeau pour leurs enfants ! Certains précisent effectivement qu’ils « ne veulent pas que leurs enfants exercent le même métier qu’eux » et certains vont même jusqu’à dire « qu’ils dissuadent leurs enfants de reprendre l’entreprise familiale ».

j. Les difficultés lors du processus de transmission intrafamiliale 

Seuls 6% des répondants affirment avoir rencontré ou rencontrent beaucoup d’obstacles dans le cadre de leur succession intrafamiliale.

Assez logiquement, moins on est avancé dans le processus, moins on peut répondre à cette question !

Plus on est avancé dans le processus de transmission intrafamiliale, moins on estime que ces difficultés sont importantes (87% des répondants du groupe 1 disent avoir rencontré peu d’obstacles).

Ce constat est assez surprenant quand on sait à quelle point une transmission est un processus compliqué et parsemé d’embuches.

Deux hypothèses peuvent être faites :1. S’agit-il d’un biais sélectif de notre échantillon: « Seuls les répondants qui ont bien

réussi leur transmission ou qui n’ont pas rencontré beaucoup trop de difficultés ont pris le temps de répondre à notre questionnaire» ?

2. Les répondants ont-ils tendance à minimiser les difficultés rencontrées au cours du processus ? deux raisons pourraient expliquer cela : (1) ils ne souhaitent pas exposer leurs difficultés au public, (2) ils ont une mémoire sélective et ont tendance à oublier les difficultés passées pour se concentrer sur le succès de leur transmission.

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Lorsque l’on se focalise sur les difficultés rencontrées au cours du processus de transmission, il est intéressant de noter que la perception de leur importance diffère selon les phases du processus de transmission. Les difficultés rencontrées semblent s’atténuer au cours du temps.

Les principales difficultés qu’ils disent rencontrer (par ordre d’importance et même si la perception de ces difficultés s’atténue au cours du processus) peuvent être catégorisées comme suit :

1. Les difficultés d’ordre individuel (principales difficultés citées par les groupes 2 et 3)Principalement liées au successeur (manque de compétences ou de motivation du successeur voire absence d’un successeur désigné)

2. Les difficultés d’ordre technique (financières notamment)Difficulté à fixer un prix d’achat pour les successeurs et d’évaluer l’entreprise.

3. Les difficultés contextuellesConjoncture économique et perspectives économiques de l’entreprise.

4. Les difficultés d’ordre relationnel (conflits, tensions au sein de la famille ou au sein de l’entreprise

Mais également un défaut de prévoyance (en début du processus)

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3. ETUDE QUALITATIVE

3.1. Objectif

L’objectif de l’étude qualitative est d’analyser en profondeur le processus de transmission dans 14 entreprises familiales afin de mettre en évidence les situations complexes et les difficultés que les EF ont dû gérer afin d’avancer et de réussir dans ce processus. Il ne s’agit donc pas de s’intéresser aux obstacles qui ont empêché la transmission intrafamiliale mais plutôt de repérer les facteurs clés de succès qui permettent aux EF de dépasser ces difficultés.

L’objectif de l’étude est de développer un modèle qui rend compte des difficultés rencontrées par les EF pendant le processus de transmission intrafamiliale et des facteurs contingents (« facteurs pouvant avoir un effet démultiplicateur (positif ou négatif) sur ces difficultés potentielles).

3.2. Méthodologie

3.2.1. Echantillon

14 cas de succession intrafamiliale ont été étudiés dans le cadre de notre étude qualitative. 17 interviews en face-à-face ont été réalisées (rencontre à la fois du cédant et du successeur dans 3 entreprises).

Les 14 entreprises étudiées ont été sélectionnées afin de garantir une diversité raisonnable dans notre échantillon en matière de secteur, de taille et de géographie (provinces de la Belgique Francophone2).

Il est important de noter que certaines entreprises contactées n’ont pas accepté de nous rencontrer pour évoquer leur processus de transmission intrafamiliale.

2 Une surreprésentation des entreprises de la province de Liège est toutefois à noter.

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Province Secteur

Taille approximative

Génération

Entreprise 1 Liège Industrie 1400 3°

Entreprise 2 Brabant-WallonScierie et négoce de bois 30

Entreprise 3 LiègeIndustrie (bâtiment et construction) 230

Entreprise 4 LiègeIndustrie phamaceutique 140

Entreprise 5 Liège Garage automobile 50 3°Entreprise 6 Liège Jeux 1500 2°Entreprise 7 Brabant-Wallon Industrie technologique 60 3°Entreprise 8 Liège Industrie 50 3°Entreprise 9 Bruxelles Industrie alimentaire 60 7°Entreprise 10 Liège Construction 350 3°Entreprise 11 Hainaut Industrie 220 5°

Entreprise 12 Namur Construction  93 3°Entreprise 13 Liège Industrie 49 3°

Entreprise 14 BruxellesIndustrie phamaceutique 13

Tableau 2   : Caractéristiques de l’échantillon

Dans la plupart des entreprises rencontrées, la transmission concernait le passage de la deuxième vers la troisième génération (11 cas parmi 14). Ceci s’explique très probablement par l’âge des EF analysées. En effet, la plupart ont été créés après la deuxième guerre mondiale (10 entreprises). Dans une entreprise créée en 1991, le passage de la première à la deuxième génération est dans ses dernières phases. Parmi les entreprises créées entre les deux guerres (3 cas), la transmission concernait soit la fin du passage de la 2° à 3° génération, soit le passage à la 4° génération. Dans l’entreprise la plus ancienne de notre échantillon (créée en 1827), il s’agit du passage de la sixième à la septième génération.

3.2.2. Collecte des données

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Les données ont été collectées lors d’interviews en face-à-face avec les cédants et/ou les successeurs de ces 14 entreprises familiales (17 interviews au total). Ces entretiens ont été réalisés entre mars et avril 2016 (durée entre 1h15 et 2h30) sur base d’un guide d’entretien élaboré à partir de la revue de la littérature.

3.2.3. Analyse des données

Une analyse qualitative de contenu a été réalisée (analyses verticales et horizontales par grandes thématiques, avec focus sur les difficultés rencontrées, dans un fichier Excel).

3.3. Résultats

a. Modalités de la transmission intrafamiliale

Dans 11 cas sur les 14 étudiées, la transmission implique la transmission à la fois de la propriété et à la fois du management.

Néanmoins, pour avoir des éclairages supplémentaires, deux autres options ont été investiguées : - Dans 2 cas, la transmission (réalisée et envisagée) concerne uniquement la transmission de la propriété. Le management général de l’entreprise est/sera donc confié à un externe.- Dans 1 cas, seule une transmission du management a été effectuée. La famille a revendu l’entreprise à des externes mais la fille reste active dans la gestion de l’entreprise sur base de son expertise (mais quid de la pérennité ?).

Dans les cas de transmission de la propriété (13 cas), dans 11 entreprises, la transmission s’est faite à titre gratuit (cela confirme les résultats de l’enquête quantitative), avec, en général, l’usufruit pour les cédants.

b. Stade du processus de transmission

4 entreprises en début du processus

5 entreprises dans la phase du règne conjoint

5 cas de transmission terminée

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c. Eléments déclencheur

Lorsqu’on demande aux personnes interrogées l’élément qui a déclenché le processus de transmission (la raison pour laquelle ils ont entamé une réflexion sur leur transmission), le plus souvent, une motivation rationnelle est citée : « J’ai pris conscience du cours de la vie ».

Le cédant veut faire un pas en arrière car il sait qu’il n’est pas éternel et les enfants demandent à avoir plus de responsabilités dans l’entreprise.

Par ailleurs, des motivations fiscales sont également souvent évoquées par les personnes interviewées. Ils ont entamé une réflexion en lien avec le droit de successions, les donations et, dans certains cas, ne veulent pas reproduire les « erreurs » passées.

“On a dû mener une réflexion par rapport aux droits de succession. Il aurait fallu vendre l'EF pour payer les droits de succession…”

Dans le cadre de la transmission du management, une entreprise a fait une offre pour racheter la société.

d. Personnes externes impliquées

Comme le montre l’étude quantitative, notre étude qualitative confirme que tous impliquent beaucoup leur (expert-) comptable dans leurs réflexions sur leur transmission intrafamiliale. Ensuite, ils consultent souvent un notaire et un réviseur s’il faut évaluer l’entreprise.

A coté de cela, certains font appel à des coaches plus spécifiques (ex. coaches en communication et personnalité; coaches émotionnels, conseillers en transmission) ou invitent des membres externes dans le CA pour éviter les querelles.

e. Difficultés rencontrées

De manière générale, il est important de noter que les personnes qui ont accepté de nous rencontrer rencontraient rarement des (grosses) difficultés : - Soit elles étaient au tout début du processus et se posaient beaucoup de questions par rapport au processus de transmission. Dans ce cas, ils nous recevaient surtout pour poser leurs questions sur les difficultés rencontrées par d’autres.

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- Soit ils étaient en cours de transmission. Ils évoquaient, dans ce cas, surtout les difficultés techniques et les problèmes rencontrés lors du règne conjoint. Ces problèmes sont rarement présentés comme de grosses difficultés par les personnes interrogées.- Soit ils étaient à la fin du processus de transmission et, dans ce cas, soit ils étaient ravis de parler de leurs difficultés car ils en sont sortis et ils sont fiers de les avoir surmontés, soit ils semblaient avoir « oublié » toutes les difficultés éventuellement surmontées.

Premièrement, il est intéressant de mentionner qu’une grosse partie des difficultés provient de la multiplicité des acteurs impliqués dans la transmission : S’il y a plusieurs enfants/successeurs, plusieurs questions se posent, ce qui a pour conséquence de compliquer le processus de transmission intrafamiliale. Il s’agit par exemple des questions suivantes :

Comment gérer la relation ? Comment éviter de mettre un enfant/successeur au dessus de l’autre dans

l’organigramme ? Quelles sont les conséquences sur la prise de décision ? Certains perçoivent la prise

de décision de manière consensuelle comme un plus mais parfois l’un des successeurs souhaite prendre le pouvoir. C’est le cas de deux entreprises familiales rencontrées. Dans un premier cas, la situation s’est terminée par le rejet de la personne qui voulait s’imposer dans l’EF (on lui a racheté ses actions) et, dans le deuxième, les autres successeurs ont voté, lors du CA, pour donner plus de pouvoir au successeur qui le demandait.

Comment être juste vis-à-vis des enfants/successeurs lorsque certains travaillent dans l’EF et d’autres pas ?

S’il y a plusieurs cédants, deux cas de figure ont également attiré notre attention ; Lorsqu’une branche familiale est plus impliquée qu’une autre dans l’EF (elle y

travaille et s’occupe, par exemple, de la gestion quotidienne de l’EF), les enfants de cette branche sont généralement plus impliqués dans l’EF que les enfants des autres branches. Ces derniers manifestent parfois un sentiment d’injustice lorsqu’ils sont écartés de la transmission de management (ils ne sont généralement pas écartés de la transmission de propriété).

Le dirigeant rencontre souvent plus de difficultés à transmettre l’entreprise familiale lorsqu’il n’a pas la majorité des actions.

Deuxièmement, la grande majorité des personnes interrogées parlent assez facilement des difficultés techniques (évaluation de l’entreprise, structure juridique et optimisation fiscale) liées à la transmission de leur entreprise familiale mais ces difficultés sont souvent vite réglées grâce aux conseils de personnes externes spécialisées. Néanmoins, ce n’est pas le cas dans les entreprises au sein desquelles :

La transmission s’accompagne par la sortie de certains actionnaires actuels et/ou le rachat des actions par la nouvelle génération. Dans ce cas, une valorisation qui sera favorable aux actionnaires sortants sera défavorable aux actionnaires

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restants et/ou à la nouvelle génération et vice-versa… surtout s’il y a eu une décroissance de l’EF pendant le processus de transmission, la valeur de l’entreprise peut évoluer défavorablement.Dans certaines cas, lorsque la valeur de l’entreprise n’est pas acceptée par les actionnaires sortants, des conflits peuvent apparaître dans l’entreprise familiale. Ces conflits ont pour conséquence non seulement de retarder le processus de transmission mais également parfois des ralentir l’activité de l’entreprise (« l’entreprise a souffert pendant nos querelles familiales »). L’entreprise devient par conséquent de moins en moins attractive pour la nouvelle génération, surtout si les cédants n’acceptent pas de recalculer la valeur de l’entreprise sur base de son activité récente.

Certains enfants ne sont pas actifs dans l’entreprise alors que d’autres le sont. Si les non-actifs ne deviennent pas actionnaires, il faut évaluer l’entreprise équitablement pour que personne ne soit lésé. Certaines techniques sont plus favorables pour les uns et d’autres pour les autres… Par conter, si les non-actifs deviennent actionnaires, il faut réfléchir à la rémunération des enfants actifs (ex. création de société de management, salaire au « niveau du marché », etc.)

La transmission de l’entreprise a été précipitée par le décès soudain du cédant. Les considérations techniques passent alors au second plan.

Troisièmement, une grande majorité des personnes rencontrées indiquent avoir connu des difficultés liées à l’attachement de certains employés, à la « propriété psychologique » de l’EF par certains employés. Il s’agit généralement des employés les plus proches du cédant qui acceptent difficilement l’autorité du successeur ou qui nourrissaient l’espoir d’entrer dans le management ou la propriété de l’EF durant la transmission. Ces problèmes ont été cités comme étant des problèmes mineurs puisque les employés en question n’étaient jamais irremplaçables dans l’organisation.

Quatrièmement, il est important de noter les difficultés liées au règne conjoint. En effet, souvent, les cédants restent dans l’EF pendant de longues années après l’arrivée des successeurs. Certains y restent pour s’assurer de la bonne entente des enfants. D’autres parce qu’ils sont émotionnellement attachés à l’entreprise. D’autres parce qu’ils n’ont pas encore l’âge d’arrêter de travailler, Etc.Parmi les difficultés liées à cette période de règne conjoint citées par les répondants, les plus récurrentes concernent :

La légitimité du successeur dans son nouveau rôle (qui est le patron ?). En effet, parmi les employés les plus anciens dans l’EF et les plus proches du cédant, certains refusent l’autorité du nouveau successeur. Selon un successeur interrogé, cette réaction des anciens employés est légitime puisque le successeur est perçu comme celui qui les « éloigne de leur soleil ». Le cédant est souvent perçu comme

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la figure charismatique qui incarne l’EF. Les anciens employés lui sont fidèles et sont souvent attachés à la personne du cédant plutôt qu’à l’organisation. L’arrivée d’un successeur perturbe en quelques sortes cette relation privilégiée qu’ils avaient avec le cédant et se manifeste par une remise en question de sa légitimité et de son autorité.

La divergence des styles de management entre l’ancienne et la nouvelle génération. Pour s’approprier l’entreprise, la nouvelle génération instaure le plus souvent de nouvelles règles de gouvernance qui sont plus ou moins appuyées ou validées par l’ancienne génération. Néanmoins, dans la gestion courante de l’EF, il arrive que l’ancienne génération remette en cause les décisions prises par les successeurs à l’égard de certains employés. Cette remise en question des décisions des successeurs peut avoir des conséquences sur leur processus d’intégration dans l’EF et sur leur capacité à gérer les employés, surtout en ce qui concerne les employés les plus anciens dans l’organisation (pour lesquels les instructions des prédécesseurs continent à être prioritaires). Il arrive également que l’ancienne génération ne cautionne pas toujours un style de management qui cherche à concilier une vie familiale et une vie professionnelle. A ce propos, certains successeurs affirment avoir le sentiment d’être « surveillés » et d’être limités dans leurs libertés d’actions. Certains cédants, qui restent dans l’EF après la transmission, affirment même être moins confiants dans la capacité de la nouvelle génération à gouverner l’entreprise familiale puisqu’ils accordent beaucoup plus de place à leur vie familiale qu’ils ne le faisaient à leur époque.

Enfin, d’après notre étude qualitative, il ressort également que d’autres facteurs peuvent venir compliquer ou faciliter le processus de transmission intrafamiliale :

La taille et la croissance de l’EFEn cas de croissance importante, certains enfants retournent dans l’EF même si ce n’était pas prévu initialement. Dans ce cas, comment assurer une certaine équité vis-à-vis des enfants qui étaient déjà dans l’EF ?

La communication (plus ou moins fluide et ouverte) au sein de la famille et de l’EF facilite la réussite du processus de transmission et permet d’éviter ou de mieux gérer les difficultés relationnelles qui peuvent être rencontrées pendant le processus.

L’héritage du passé Des difficultés mal gérées par l’ancienne génération (des disputes non résolues entre actionnaires par exemple) peuvent avoir des conséquences sur le processus de transmission intrafamiliale suivant. Parfois, au contraire, ces difficultés vécues par les cédants dans le passé (difficultés techniques liées au droit des successions ou difficultés liées au règne conjoint par exemple) peuvent servir d’expérience dans les décisions qui concernent la transmission à la nouvelle génération.

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4. MODELE

En guise de synthèse, sur base de la revue de la littérature et des observations émanant de nos analyses empiriques (analyse quantitative et empirique), nous avons élaboré un modèle présentant le prisme des difficultés rencontrées par les entreprises familiales dans le cadre d’un processus de transmission intrafamiliale.

Quatre catégories de difficultés composent le

prisme des difficultés dans le cadre d’un processus de transmission intrafamiliale.

1. Difficultés d’ordre individuel- Liées au successeur (manque de compétences ou de motivation du successeur voire absence total de successeur désigné)- Liées au cédant (ex. lors du règne conjoint, il ne laisse pas la place aux successeurs)

2. Difficultés d’ordre technique - Difficulté à fixer un prix d’achat pour les successeurs - Difficulté d’évaluer l’entreprise (ex. si un des cédants souhaite sortir du capital)- Questions juridiques et fiscales- Etc.

3. Difficultés d’ordre relationnel - Conflits, tensions au sein de la famille ou au sein de l’entreprise (employés souhaitant être impliqués dans le processus de transmission ou le vivant mal)- Difficultés liées au règne conjoint (rôles de chacun ? légitimité des successeurs ? pouvoirs de chacun ? liberté de décision et d’action des successeurs ?)- Etc.

Difficultés individuelles

Difficultés techniques (financières, fiscales)

Difficultés relationnelles (famille et employés)

Difficultés contextuelles et employés)

Taille et croissance de l’entreprise

Nombre de personnes impliquées

Héritage du passé Communication

Légitimité du successeurPersonnalité du cédant

Facteurs démultiplicateursPrisme des difficultés

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4. Difficultés contextuellesConjoncture économique favorable ou défavorable qui peut créer des « motivations » chez les successeurs qui n’étaient pas intéressés au départ.

Une série de facteurs contingents (« facteurs démultiplicateurs ») pouvant amplifier ou atténuer ces difficultés au cours du processus ont été identifiés. Ces facteurs démultiplicateurs peuvent être classés en trois catégories.

1. Facteurs liés à l’entreprise- Taille de l’entreprise- Croissance de l’entreprise

2. Facteurs liés à la famille- Nombre et la diversité des personnes de la famille et de la belle-famille impliquées

dans le processus (cédants et/ou successeurs potentiels)- Communication- Héritage du passé

3. Facteurs individuels- Légitimité du successeur absente ou insuffisante - Personnalité du cédant (ex. attachement à l’entreprise, difficulté à accepter le

changement)- Non-alignement entre la vision et/ou le style de management du successeur et du

cédant

Les difficultés au cours du temps ??

A priori, certaines difficultés se présentent généralement tôt dans le processus de transmission (difficultés techniques notamment) et sont, dans la majorité des cas, réglées dans les premières phases du processus. Néanmoins, certaines exceptions ont été observées et présentées.

Rattacher les difficultés à des phases spécifiques du processus ne semblent donc pas adéquat et possible. En effet, le processus de transmission intrafamiliale est un processus dynamique pendant lequel les modalités et les choix de la transmission peuvent être remises en question à tout moment.

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CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Cette étude permet de mieux comprendre le processus de transmission intrafamiliale et identifie les principales difficultés rencontrées au cours de ce processus par les entrepreneurs familiaux en Belgique francophone.

Après avoir clarifié les concepts et les principales étapes du processus de transmission intrafamiliale ainsi que mis en évidence quelques premiers éclairages concernant les différentes catégories de difficultés rencontrées par les entrepreneurs familiaux dans ce cadre grâce à une revue de la littérature, notre enquête quantitative a permis de mettre en évidence quelques statistiques clés au sein des entreprises familiales en Belgique francophone et de lister une série de catégories de difficultés clés. Ensuite, une étude qualitative approfondie de 14 successions intrafamiliales a permis d’affiner ces observations. Finalement, toutes ces analyses ont permis d’élaborer un modèle présentant le prisme des difficultés rencontrées par les entreprises familiales dans le cadre d’un processus de transmission intrafamiliale.

Partant de ces constats et observations, notre étude se termine par l’élaboration de quelques recommandations clés afin d’aider les entrepreneurs familiaux à mieux préparer et gérer le processus de transmission intrafamiliale ainsi que surmonter les principales difficultés identifiées.

En amont : Former le(s) successeur(s). Pas uniquement les futurs propriétaires-dirigeants.

Préparer aussi les successeurs non actifs à jouer leur rôle d’actionnaires (formations, implication dans le CA).

Assurer la légitimité du/des successeur(s), notamment en les intégrant dans l’entreprise plusieurs années avant la succession.

S’il n’y a pas de successeur motivé ou compétent, envisager une transmission vers l’externe. Penser notamment à la transmission de propriété (sans la transmission de management) lorsque la nouvelle génération n’a pas les compétences ou la motivation pour reprendre.

Communiquer !!

Durant le processus de transmission intrafamiliale : Faire appel à des conseillers externes : le (expert-) comptable, le réviseur et le notaire

ont des conseils judicieux à donner mais il ne faut pas hésiter à faire appel à des conseillers plus spécifiques en fonction des besoins (ex. coaches en communication, coaches en personnalité, coaches émotionnels) ;

Trois mots-clés : Communication, équité et diplomatie !

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Formaliser la transmission en fonction de vos propres besoins: Création d’une holding ? Création d’un CA officiel avec un représentant de chaque branche et un externe ?Réalisation d’une charte familiale ? d’un pacte d’actionnaires ? Ces documents permettent notamment de préciser les droits et obligations de chacun, de préciser les modalités de sortie d’un éventuel successeur et les modalités de rentrée d’un autre par exemple et de préciser les conditions pour que les actionnaires non actifs puissent travailler dans l’EF (condition d’expérience, de connaissance, de légitimité etc.)

Impliquer les successeurs dans le processus et assurer une bonne communication avec eux et entre eux (ex. prévoir des moments spécifiques où ils peuvent s’exprimer)

En guise de conclusion, il est important de mentionner que, même si cette étude a été élaborée selon une méthodologie scientifique rigoureuse, elle connaît quelques limites méthodologiques. D’une part, l’étude quantitative pourrait potentiellement présenter un biais sélectif lié au risque que les personnes non concernées par la transmission (intrafamiliale) n’y aient pas répondu. Le nombre élevé de répondants intéressés par la transmission de leur entreprise (91%) est notamment probablement lié à cet éventuel biais. D’autre part, dans le cadre de l’étude qualitative, il est probable que les entreprises familiales rencontrant les plus de (grosses) difficultés n’aient pas souhaité nous rencontrer pour en parler. Le prisme des difficultés proposé, même s’il est le plus complet possible, n’est pas nécessairement exhaustif. Il est en effet possible que d’autres difficultés se présentent au cours du processus de transmission intrafamiliale mais qu’elles n’aient pas été citées par nos répondants.

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ANNEXE

L’Université de Liège a été mandatée par l’Institut de l’Entreprise Familiale (IEF) pour réaliser une étude portant sur «   La transmission intrafamiliale dans les entreprises familiales en Belgique francophone   »

Dans ce cadre, nous vous demandons de bien vouloir compléter le questionnaire ci-après. Cela ne prendra pas plus de 5 minutes !

C’est très important pour nous car si nous vous voulons avoir un impact positif sur la transmission des entreprises familiales, il nous faut comprendre où se situent les difficultés rencontrées lors du processus de transmission. Un grand merci pour votre collaboration.

- L’enquête est absolument confidentielle  : toutes les informations que vous nous communiquerez seront utilisées exclusivement dans un but de recherche universitaire. Les questionnaires seront détruits après leur encodage et serviront exclusivement à la présente étude.

- Le traitement des données est absolument anonyme   : toutes les réponses seront traitées de manière anonyme conformément à la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l’égard des traitements des données à caractère personnel.

- Il s’agit pour vous de cocher la réponse qui reflète le mieux votre opinion. Ce qui nous intéresse c’est que ce que vous pensez VRAIMENT. Vous pouvez donc répondre en toute SINCERITE.

Pourriez-vous renvoyer l’enquête dûment complétée, pour le 15 janvier 2016 au plus tard, à cette adresse Fabrice Pirnay, HEC-ULg, Rue Louvrex 14, 4000 Liège. Vous

pouvez également nous la renvoyer par fax (+32 4 232 72 40 ; à l’attention de Fabrice Pirnay) ou par email ([email protected]).

D’avance, nous vous remercions pour votre aimable collaboration.Nathalie Crutzen

Fabrice PirnayZineb Aouni

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Vérification du caractère familial de l’entreprise

Précisez dans quelle mesure ces affirmations sont vraies :

1) Au moins la moitié des actions avec droit de vote de l’entreprise sont détenues par une seule famille (au sens large) : VRAI / FAUX

2) La majorité (ou au moins deux) des personnes en charge de la gestion quotidienne proviennent de la même famille : VRAI / FAUX

3) C’est la famille qui décide de la stratégie de l’entreprise :

VRAI / FAUX

Si (au moins) deux des trois affirmations reprises ci-dessus sont vraies,=> continuez le questionnaire à la page suivante

Sinon => nos excuses pour le dérangement !!

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1. Caractéristiques de votre entreprise

1. Nom de l'entreprise:...................................................................................................................

2. a. Numéro d'entreprise (0 + 9 chiffres): 0 __ __ __ __ __ __ __ __ __

b. Forme juridique: □ SPRL □ SA.............................................□ autre:

c. Date de création de l’entreprise:.....................................................................................

d. Secteur d’activités : □ Agriculture, horticulture et pêche□ Construction□ Services □ Industrie□ Horeca □ Commerce□ Professions libérales et intellectuelles

3. Chiffre d'affaires réalisé durant l'année 2014 : …………………….. €

4. Personnel : Combien de personnes (équivalent temps plein) travaillent actuellement au sein de votre entreprise ?

…… personnes ETP.

2. Qui êtes-vous ?

1. Quel âge avez-vous ? ……. ans

2. Quel est votre genre ? homme – femme

3. Quel est le plus haut diplôme que vous ayez obtenu ? o enseignement supérieur de type long (universitaire, hautes écoles, …)o enseignement supérieur de type court (graduat, …)o enseignement secondaire o autres : ……………….

4. Quelle est votre situation familiale actuelle ? o Célibataireo Mariéo Divorcéo Veufo En couple

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5. Avez-vous des enfants  ( ou/et des beaux –enfants)? OUI – NONSi OUI, préciser pour chacun d’eux leur genre et leur année de naissance et indiquer s’ils travaillent avec vous au sein de l’EF

Genre (H – F) Année de naissance Travaille dans l’EF ?

1. Oui Non

2. Oui Non

3. Oui Non

4. Oui Non

5. Oui Non

6. Quel % du capital de l’EF détenez-vous personnellement ? ………………………. %

7. Quel % du capital de l’EF détient votre famille ? ……………………………

8. Quelle(s) fonction(s) occupez-vous au sein de l’entreprise ? (plusieurs réponses possibles)o Président du conseil d’administrationo Administrateur déléguéo Directeur généralo Géranto Autres : ………………………

9. Depuis combien d’années occupez-vous cette fonction au sein de l'entreprise ?

………………… années

10. Est-ce que votre conjoint(e) travaille dans l’entreprise familiale ? OUI – NON

Si OUI, depuis combien de temps ? …………… années

2. La succession intrafamiliale

1. De manière générale, avez-vous déjà pensé aux modalités de transmission de l’entreprise familiale?

o Pas du touto J’y pense de temps en tempso J’ai des idées précises à ce proposo Toutes les modalités de la transmission sont déjà réglées

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o Autre(s), à préciser : …………………………………………………………………………

Si oui, à quel âge avez-vous commencé à vous en préoccuper ? …. ans

2. Avez-vous ou envisagez-vous (ou envisageriez-vous) de transmettre votre entreprise à une ou plusieurs personnes de la famille (succession intrafamiliale)?

o Pas du tout (« Jamais »)o Non o Pourquoi paso Ouio Tout à fait (« c’est une certitude ! »)

Si oui,

Est (serait)-ce à titre gratuit ou onéreux ? o A titre gratuito A tire onéreuxo Je ne sais pas

-Si à titre onéreux, comment ont-ils financé l’opération (plusieurs réponses possibles) ?

Emprunt bancaireDette familiale à rembourser sur plusieurs annéesInvestFond privé

-Si à titre gratuit, envisagez-vous de garder l’usufruit des actions ?o Ouio Non o Je ne sais pas

Si oui, avez-vous fixer une date limite ?

3. Avez-vous déjà identifié le ou les repreneur(s)/successeur(s) éventuels? o Ouio Non o C’est en cours

Si oui, s’agit-il d’un successeur intrafamilial? OUI / NON

SI OUI   :

Est-il seul ou sont-ils plusieurs ? (#1 ; #2 ; #3 ; #4)

# 1 # 2 # 3 # 4

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Quel âge ?Quel genre ? M/FTravaillent-ils au sein de l’entreprise familiale ?OUI / NONSi OUI, depuis combien de temps ?Quel est le lien familial entre vous et votre(vos) successeur(s) ? fils/fille ; neveu/nièce ; belle-famille, etc.

Comment le choix de ce(s) successeur(s) s’est-il opéré ?o De manière spontanée et naturelle : il n’y a pas eu la moindre hésitation

(ni de mon côté, ni du côté de mon successeur)

o De manière raisonnée et réfléchie : je me suis renseigné sur les différentes options possibles, j’ai sollicité le conseil de quelques experts, j’ai analysé le pour et le contre de chacune d’elles, j’en ai parlé avec les membres de la famille et nous avons pris ensemble la décision

o De manière heuristique (par tâtonnement successif et par essai/erreur),

o De manière chaotique (avec beaucoup de difficultés et d’obstacles)

SI NON   :

Pourquoi ? (plusieurs réponses possibles)o je n’en ai pas encore parlé à mes enfants ; o je ne sais pas encore qui est le plus apte et le plus motivé pour reprendre

l’entreprise ; o mes successeurs hésitent à reprendre, o il y a des tensions au sein de la famille ; o j’ai des difficultés à transmettre la gestion quotidienne ;o « choisir, c’st renoncer… »o Autres : …………..

4. Quelles personnes ont été impliquées ou pensez-vous impliquer dans le choix du successeur (plusieurs choix possibles)?

o Personne, la décision a été/sera prise par moi seul(e)o Mon conjointo Les personnes les plus proches de la familleo Les personnes de la famille qui travaillent dans l’entreprise familialeo Des personnes externes à la famille et à l’entreprise

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Si vous comptez impliquer des personnes externes à la famille dans ce choix, précisez votre ordre de préférence sur une échelle de 1 à 8, de 8 (très important) à 1 (moins important):

NotaireRéviseurComptableExpert-comptableAvocatBureau de cession d’entreprisesSowaccessExpert en entreprise familialeAutre(s), précisez …

5. Avez-vous déjà communiqué à propos de vos intentions pour la transmission de l’entreprise familiale? (plusieurs choix possibles)

o Oui, j’ai déjà communiqué à ce propos en interne de l’entrepriseo Oui, j’ai déjà communiqué à ce propos en interne à la familleo Oui, j’ai déjà communiqué à ce propos à l’externe de l’entrepriseo Oui, j’ai déjà communiqué à ce propos à l’externe de la familleo Non, je n’ai pas encore communiqué à ce propos

6. Pour quelle(s) raison(s) avez-vous (auriez-vous) privilégié la succession familiale ? Apprécier leur importance sur une échelle allant de 1 (pas du tout important) à 5 (très important)

(1 = pas du tout important ; 5 = très important ;  ? = sans opinion)

1 2 3 4 5 ?

i. Perpétuer une tradition familiale 1 2 3 4 5 ?

ii. Offrir une chance à vos enfants/aux successeurs familiaux de s’épanouir 1 2 3 4 5 ?

iii. Garder un contact avec votre entreprise et continuer à y exercer une certaine influence 1 2 3 4 5 ?

iv. Préserver la motivation du personnel de votre entreprise 1 2 3 4 5 ?

v. Permettre à vos enfants/aux successeurs familiaux de gagner de l’argent 1 2 3 4 5 ?

vi. Bénéficier d’incitants fiscaux intéressants 1 2 3 4 5 ?

vii. Développer les activités de votre entreprise 1 2 3 4 5 ?

viii. Conserver une indépendance décisionnelle 1 2 3 4 5 ?

ix. Autres : ………………………………. 1 2 3 4 5 ?

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7. Avez-vous rencontré beaucoup d’obstacles dans le cadre de votre succession intrafamiliale ?

o Ouio Nono Je ne sais pas répondre à cette question à ce stade

Comment caractériseriez-vous, sur une échelle de 1 à 10, le niveau des difficultés rencontrées (de 0 : aucune difficulté à 10 : énormément de difficulté) 

0 – 1 – 2 – 3 – 4 – 5 – 6- 7 – 8- 9 – 10

8. Lors d’une succession intrafamiliale, quelles sont selon vous les éléménts perturbateurs susceptibles de nuire au bon déroulement du processus ?

Citez chaque élément et demander au répondant d’apprécier son importance sur une échelle allant de 1 (pas du tout important) à 5 (très important)

(1 = pas du tout important ; 5 = très important ;  ? = sans opinion)

1 2 3 4 5 ?

Raisons familiales

i. Il y a des tensions au sein de la famille sur le choix de la formule de succession à privilégier 1 2 3 4 5 ?

ii. Absence de successeur désigné 1 2 3 4 5 ?

iii. Pas de successeurs capables 1 2 3 4 5 ?

iv. Trop de successeurs capables 1 2 3 4 5 ?

v. Pas de successeurs motivés /intéressés 1 2 3 4 5 ?

vi. Trop de successeurs motivés/intéressés 1 2 3 4 5 ?

vii. Des conflits internes rendent la transmission familiale difficile 1 2 3 4 5 ?

Raisons personnelles

viii. Le manque d’information (je ne sais pas comment m’y prendre) 1 2 3 4 5 ?

ix. Le défaut de prévoyance (je n’ai pas consacré assez de temps à ce type de tâches que je considérais comme non productives et peu

1 2 3 4 5 ?

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stratégiques)

x. Ma pension n’est pas assurée 1 2 3 4 5 ?

xi. L’excès d’orgueil (j’ai cru être irremplaçable et ne me suis pas assez préoccupé de ma succession) 1 2 3 4 5 ?

Entreprise

xii. Les perspectives économiques de mon entreprise sont peu réjouissantes => représente un risque financier pour ma famille

1 2 3 4 5 ?

xiii. Mon entreprise est devenue trop grosse pour que la famille puisse la « payer » 1 2 3 4 5 ?

Autres

xiv. ……………………………………………………………… 1 2 3 4 5 ?

xv. ………………………………………………………………1 2 3 4 5 ?

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Prolongements

1. Cette enquête sera complétée par une série d’entretiens de terrain. Accepteriez-vous de contribuer à cette étude et de rencontrer un chercheur de HEC-Ecole de Gestion de l’Université de Liège à ce sujet ?

OUI – NON

2. Les résultats de cette enquête seront présentés en juin 2016 à l’occasion du colloque annuel organisée par l’Institut des Entreprises Familiales. Voulez-vous recevoir une invitation à cet évènement ?

OUI – NON

MERCI DE VOTRE COLLABORATION

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